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REQUETE sur la base de l’article 50 du décret du 12 décembre 2008 relatif à la lutte contre certaines formes de discrimination Au Président du Tribunal de Première Instance de Verviers A LA REQUETE DE : 1° Madame XXXXXXXXXX, XXXXXXXXXX, dont le domicile est établi XXXXXXXXX à Verviers 2° l’asbl Justice and Democracy, dont l'objet social est notamment la lutte contre les discriminations et les atteintes aux droits et libertés fondamentaux et dont le siège social est établi Rue Renkin 11 à 1030 Bruxelles Agissant conformément à l’article 50 du décret du 12 décembre 2008 relatif à la lutte contre certaines formes de discrimination Ayant tous les deux pour conseil Me Inès Wouters, avocat, dont le cabinet est établi Avenue Louise 50 bte 3 à 1050 Bruxelles CONTRE : Institut d’enseignement de Promotion Sociale Wallonie-Bruxelles Enseignement de Dison-Waimes (IEPS W-B Dison), dont le siège est établi Avenue Jardin Ecole 87 à 4820 Dison Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, représenté par Madame Isabelle Simonis, ministre de l'Enseignement de promotion sociale, dont le siège est établi Place Surlet de Chokier 15-17 à 1000 Bruxelles

Justice and Democracy Asbl Contre Le Gouvernement WB Pour Discrimination Dans l'Enseignement de Promotion Sociale

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REQUETE sur la base de l’article 50 du décret du 12 décembre 2008 relatif à la lutte contre certaines formes de discrimination

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  • REQUETE sur la base de larticle 50 du dcret du

    12 dcembre 2008 relatif la lutte contre certaines

    formes de discrimination

    Au Prsident du Tribunal de Premire Instance de Verviers

    A LA REQUETE DE :

    1 Madame XXXXXXXXXX, XXXXXXXXXX, dont le domicile est tabli XXXXXXXXX

    Verviers

    2 lasbl Justice and Democracy, dont l'objet social est notamment la lutte contre les

    discriminations et les atteintes aux droits et liberts fondamentaux et dont le sige social est

    tabli Rue Renkin 11 1030 Bruxelles

    Agissant conformment larticle 50 du dcret du 12 dcembre 2008 relatif la lutte contre

    certaines formes de discrimination

    Ayant tous les deux pour conseil Me Ins Wouters, avocat, dont le cabinet est tabli Avenue

    Louise 50 bte 3 1050 Bruxelles

    CONTRE :

    1 Institut denseignement de Promotion Sociale Wallonie-Bruxelles Enseignement de

    Dison-Waimes (IEPS W-B Dison), dont le sige est tabli Avenue Jardin Ecole 87 4820 Dison

    2 Gouvernement de la Fdration Wallonie-Bruxelles, reprsent par Madame Isabelle

    Simonis, ministre de l'Enseignement de promotion sociale, dont le sige est tabli Place Surlet de

    Chokier 15-17 1000 Bruxelles

  • DISCUSSION

    Madame XXXXXXXXXX sest inscrite en aot 2014 la formation Bien-tre : dcouverte

    des huiles essentielles auprs de la dfenderesse IEPSW-B Dison.

    Cette formation est dispense par cette dernire dans le cadre de cours du soir en promotion

    sociale, en d'autres termes un public adulte.

    Sur le site internet de ltablissement la formation est dcrite comme suit : Apprendre utiliser

    correctement les huiles essentielles, en respectant les doses employer et les contre-indications,

    pour son usage priv en vue damliorer son bien-tre personnel .

    Aprs stre inscrite et avoir pay le minerval la partie dfenderesse IEPSW-B Dison, Madame

    XXXXXXX a appris par une connaissance que le port du foulard ne serait pas autoris par

    ltablissement de formation.

    Madame XXXXXXX a alors recontact le secrtariat de lcole, o il lui a t confirm quune

    telle rgle existait bien et quelle pouvait venir reprendre le montant de son minerval si cela ne

    lui convenait pas. La requrante a alors rencontr la sous-directrice de lcole qui elle a

    demand de recevoir une copie du rglement dordre intrieur qui prvoit la rgle de

    linterdiction du port de signes convictionnels. Elle na pas pu en recevoir une copie ; elle a

    uniquement pu consulter le paragraphe comprenant la rgle dinterdiction.

    Lors de cette rencontre, la sous-directrice aurait galement affirme Madame XXXXXXX

    On na des problmes quavec des gens comme vous .

    Aprs le choc de cette rponse, la requrante a refus dtre rembourse et sest ensuite prsente

    au premier cours dispens le 18 septembre 2014. Le refus de laccueillir la formation lui a de

    nouveau t confirm sur la base de la disposition contenue dans le rglement dordre intrieur.

    Entre-temps Madame XXXXXXX a reu ledit rglement par courrier lectronique en date du 17

    septembre 2014. Dans ce courriel, la direction prcise ce qui suit : Suite votre demande, vous

    trouverez en pice jointe, le ROI de notre tablissement scolaire.

    Ce ROI nest pas remis automatiquement aux tudiants, vu le nombre de pages quil comporte,

    pensons un peu lcologie.

    A larticle 7, point 1.2, dernier tiret, il est prvu ce qui suit :

  • Les tudiants sabstiendront de toute remarque relative leurs convictions religieuses,

    philosophiques ou politiques, celles de leurs professeurs et de leurs condisciples. Ils

    sabstiendront galement dafficher de manire ostentatoire tout signe dappartenances

    religieuses, philosophiques ou politiques lors de leur prsence dans ltablissement.

    Madame XXXXXXX a alors saisi le Centre interfdral pour lgalit des chances qui a en effet

    constat lexistence de la discrimination par courrier du 14 octobre 2014 (voir annexe), invitant

    Monsieur Alex Gotfryd, directeur de IEPS W-B Dison, bien vouloir reconsidrer la rgle

    adopte.

    Dans un courrier dat du 17 dcembre 2014 (voir annexe), ce dernier a rejet l'appel du Centre et

    a confirm l'interdiction oppose Madame XXXXXXX de porter son foulard dans le cadre de

    la formation. Voici la justification produite cet gard :

    (...) L'absence de dcret tranchant expressment cette question accorde implicitement aux

    chefs d'tablissement une certaine autonomie par le biais de leur rglement d'ordre intrieur.

    Note Institut a, ce faisant, intgr depuis plusieurs annes dans son rglement d'ordre intrieur

    une exigence de neutralit pour tous les tudiants, et ce notamment afin d'viter des conflits

    politico-religieux pouvant dgnrer, et garantir un traitement quitable pour tous - buts

    pouvant tre considrs comme lgitimes au regard au sens de l'article 19 du dcret du 12

    dcembre 2008 relatif la lutte contre certaines formes de discrimination.

    EN DROIT

    Madame XXXXXXX estime bon droit avoir fait lobjet dune discrimination sur la base de sa

    conviction religieuse, ce que confirme dailleurs le Centre interfdral pour lgalit des chances.

    En effet, cette interdiction interfre de faon excessive dans lexercice de droits fondamentaux

    garantis par la Constitution, par la Convention europenne des droits de lHomme et par le dcret

    du 12 dcembre 2008.

    1 Ainsi l'article 9 la Convention europenne des droits de lHomme nonce :

    1. Toute personne a droit la libert de pense, de conscience et de religion ; ce droit

    implique la libert de changer de religion ou de conviction, ainsi que la libert de manifester sa

    religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en priv, par le culte,

    lenseignement, les pratiques et laccomplissement des rites.

    2. La libert de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire lobjet dautres

    restrictions que celles qui, prvues par la loi, constituent des mesures ncessaires, dans une

  • socit dmocratique, la scurit publique, la protection de lordre, de la sant ou de la

    morale publiques, ou la protection des droits et liberts dautrui.

    2 L'article 19 de la Constitution nonce :

    La libert des cultes, celle de leur exercice public, ainsi que la libert de manifester ses

    opinions en toute matire, sont garanties, sauf la rpression des dlits commis l'occasion de

    l'usage de ces liberts.

    3 Le dcret du 12 dcembre 2008, quant lui, interdit, en son article 5, toute discrimination

    fonde sur lun des critres protgs.

    Larticle 2.2 du dcret dfinit la conviction religieuse ou philosophique comme lun des

    critres protgs.

    Madame XXXXXXX a subi une discrimination directe et indirecte sur la base de ce critre

    protg. La discrimination indirecte est dfinie comme telle par le dcret :

    4 Distinction indirecte : la situation qui se produit lorsqu'une disposition, un critre ou

    une pratique apparemment neutre est susceptible d'entraner, par rapport d'autres personnes,

    un dsavantage particulier pour des personnes caractrises par l'un des critres protgs ;

    5 Discrimination indirecte : la distinction indirecte, moins que cette disposition, ce critre

    ou cette pratique soit objectivement justifi par un but lgitime et que les moyens de raliser ce

    but soient appropris et ncessaires ;

    Que ce soit la religion musulmane qui soit de facto vise ne fait aucun doute puisque quil est de

    pratique courante pour bon nombre de femmes de confession musulmane d'user de leur libert

    religieuse pour se couvrir les cheveux, ce qui rend leur pratique religieuse visible et ce qui est

    ds lors abusivement jug par certains comme tant ostentatoire .

    Le directeur de IEPS W-B Dison justifie la mesure d'interdiction par l'exigence de neutralit qui

    incomberait aux tudiants.

    Le respect du principe de neutralit est prvu larticle 8 de larrt royal du 2 octobre 1937. Il

    dcoule dune srie de principes constitutionnels : lgalit, la non-discrimination et la libert

    (notamment religieuse). Le principe de neutralit ne peut par consquent aller ni lencontre des

    principes constitutionnels sur lesquels il se fonde ni lencontre des principes identiques

    proclams par la Convention europenne des droits de lHomme.

  • Ce principe de neutralit s'applique l'Etat et aux individus excutant, au nom de lEtat, des

    missions de service public. Ainsi, ce sont les agents de service public, et eux seuls, qui sont

    astreints au respect du principe de neutralit.

    Les tudiants de l'enseignement de promotion sociale, pas plus au demeurant que tous les autres

    lves des diffrents niveaux et types d'enseignement, ne sont pas des agents du service public.

    Ils ne sont ds lors nullement viss par les dispositions relatives la mise en oeuvre du principe

    de neutralit. En effet, les tudiants sont des usagers du service public. Il n'est pas plus pertinent

    de vouloir les astreindre au respect du principe de neutralit que de vouloir astreindre au respect

    de ce principe les administrs qui se rendent au guichet de leur administration communale pour

    renouveler des documents d'identit.

    C'est parce que les lves et les tudiants ne sont pas viss par la mise en oeuvre du principe de

    neutralit que ceux-ci ne sont pas inclus dans larticle 4 du dcret du 31 mars 1994 dfinissant la

    neutralit de l'enseignement de la Communaut franaise et larticle 5 du dcret du 17 dcembre

    2003 organisant la neutralit inhrente l'enseignement officiel subventionn et portant diverses

    mesures en matire d'enseignement. Et mme en ce qui concerne les lves mineurs, une

    interdiction du port de signes convictionnels serait contestable galement, en ce quelle porterait

    atteinte dune part larticle 24 de la Constitution (qui prvoit que lenseignement officiel doit

    tre respectueux des convictions religieuses et philosophiques des lves et des parents) et

    dautre part larticle 2 du Premier Protocole additionnel la Convention europenne des droits

    de lHomme (qui prvoit que l'Etat, dans l'exercice des fonctions qu'il assume dans le domaine

    de l'ducation et de l'enseignement, respecte le droit des parents d'assurer cette ducation et cet

    enseignement conformment leurs convictions religieuses et philosophiques).

    Remarquons dailleurs quen ce qui concerne les agents publics, la neutralit ne porte pas sur

    leur apparence, mais sur le service quils rendent. En effet, il nexiste aucune disposition lgale

    dfinissant ce que serait la neutralit de lapparence, et en labsence dune telle base lgale,

    une interdiction du port de signes convictionnels oppose aux agents publics serait ds lors

    contestable galement.

    Soulignons galement que la mesure conteste dans la prsente requte nest pas objectivement

    justifie et le but mme de celle-ci nest pas identifi. La disposition litigieuse nest ni

    approprie, ni ncessaire.

    En effet, lenseignement de promotion sociale touche un milieu qui nest plus soumis

    lobligation scolaire. Dans ce cadre, lenseignement de promotion sociale vise le plus souvent un

    public adulte - qui, par dfinition, est mme de faire un choix librement rflchi quant au port

    ou au non port d'un signe convictionnel - prcaris et dfavoris qui se tourne vers ce type

    denseignement afin de remdier cette situation.

  • La mesure litigieuse met des obstacles discriminatoires et injustifis laccs ce type de

    formation et est en contradiction avec les objectifs poursuivis par l'Enseignement de promotion

    sociale de la Fdration Wallonie-Bruxelles.

    Comme en tmoigne d'ailleurs le courrier du 17 dcembre 2014 sign par le directeur de IEPS

    W-B Dison, l'interdiction faite Madame XXXXXXX s'inscrit dans une volont de principe, en

    l'absence d'un quelconque problme qui aurait exist au sein de l'tablissement d'enseignement

    de promotion sociale concern. Cette donne finit de dmontrer que l'interdiction contenue dans

    la disposition du rglement d'ordre intrieur conteste n'est aucunement ncessaire dans une

    socit dmocratique et viole par consquent le principe de proportionnalit.

    Pour rappel, dans son courrier du 17 dcembre 2014, Monsieur Gotfryd complte sa justification

    de la mesure d'interdiction qu'il oppose Madame XXXXXXX dans les termes suivants :

    L'absence de dcret tranchant expressment cette question accorde implicitement aux chefs

    d'tablissement une certaine autonomie par le biais de leur rglement d'ordre intrieur.

    En d'autres termes, le directeur de IEPS W-B Dison affirme que le principe est l'interdiction et

    qu'il n'y a de libert que si celle-ci est expressment prvue.

    Or, ce raisonnement se heurte la logique mme des droits et liberts fondamentaux, ce point

    fondamentaux que le Prambule de la Convention europenne des droits de l'Homme rappelle

    que la volont des Hautes Parties contractantes est de raffirmer leur profond attachement

    ces liberts fondamentales qui constituent les assises mmes de la justice et de la paix dans le

    monde et dont le maintien repose essentiellement sur un rgime politique vritablement

    dmocratique, dune part, et, dautre part, sur une conception commune et un commun respect

    des droits de lhomme dont ils se rclament .

    Toute limitation de la libert religieuse ne peut s'envisager qu'en prsence d'une disposition

    expresse en ce sens. Le principe est toujours la libert et il ne peut en aucun cas tre conclu de

    l'absence d'autorisation expresse qu'il a t reconnu aux individus ou aux institutions une

    quelconque marge de manuvre consistant limiter la libert.

    Madame XXXXXXX et Justice and Democracy asbl prennent acte du fait que le rglement

    d'ordre intrieur litigieux est commun aux 32 tablissements d'enseignement de promotion

    sociale du rseau Wallonie-Bruxelles Enseignement (autrefois Communaut franaise ou

    Fdration Wallonie-Bruxelles).

    C'est pourquoi ils dirigent la prsente requte contre le Gouvernement de la Fdration Wallonie-

    Bruxelles galement : celui-ci est responsable de la prsence dans le rglement d'ordre intrieur

    attaqu d'une disposition discriminatoire et attentatoire aux droits et liberts fondamentaux, plus

  • prcisment la libert religieuse dont se prvaut Madame XXXXXXX et que souhaite raffirmer

    Justice and Democracy asbl.

    PAR CES MOTIFS,

    Sous rserve de tous droits et sans la moindre reconnaissance prjudiciable

    PLAISE AU TRIBUNAL

    Sous toutes rserves gnralement quelconques et sous rserve de tous les moyens de droit et/ou

    de fait faire valoir en cours dinstance ;

    Dire la demande des parties demanderesses recevable et fonde et ce faisant :

    Constater la discrimination au regard des dispositions invoques ;

    Condamner les parties dfenderesses payer chacune une indemnit pour dommage moral telle

    que vise larticle 46 2 du dcret, fixe 1300 ;

    Condamner les parties dfenderesses au dommage matriel subi en raison du retard de formation

    et dans lobtention dune activit professionnelle rmunre, fix provisionnellement 1 ;

    Ordonner aux parties dfenderesses de cesser la discrimination et de permettre Madame

    XXXXXXX de suivre la formation sans devoir enlever son foulard, moyennant le paiement

    dune astreinte de 250 /jour, conformment larticle 47 du dcret.

    Bruxelles, le 26 janvier 2015

    Pour les requrants,

    Leur conseil,

    Ins WOUTERS