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1 K’nard de Promo n° 18 Juillet 2018 Parcours de gadzarts de la Cluny 57

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K’nard de Promo n° 18

Juillet 2018

Parcours de gadzarts

de la Cluny 57

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Présentation

Au bout d'une période un peu longue, marquée par plusieurs relances, nous

avons recueilli 47 parcours. Plus de 60% d'entre nous ont répondu à l'appel !

Je remercie tous ceux qui ont accepté de participer à cet exercice, et plus

particulièrement Jimmy qui a repris tous les textes édités sous les formats les plus

divers (du manuscrit au PDF) pour donner une présentation homogène.

Je remercie aussi doublement Toux et Mickey qui, chacun avec son talent, ont

enrichi ma présentation un peu austère par un texte et des dessins.

Ces parcours proviennent de plusieurs sources : 41 ont été rédigés par celui qui

l'a vécu, 2 ont été rédigés par la veuve de notre ami concerné, 1 a été extrait du

K'nard XVI publié en 2007 et 3 viennent des rubriques "In memoriam" de la revue de

la Soce.

Après réflexion nous avons décidé de ne pas donner de contrainte, ni sur le

détail du contenu, ni sur le volume du document personnel. Vous constaterez que le

résultat est une très grande diversité des contenus, chacun ayant choisi le niveau de

détail qui le décrit le mieux. Le texte le plus court fait à peine une demi-page, le plus

long dix pages bien remplies !

Faire une synthèse de tout ce matériau est complexe. Il convient d'en faire au

préalable une analyse pertinente, elle même contestable, car établie à partir des

connaissances et de l'expérience que j'ai acquises en tant que consultant. J'ajoute que

cette analyse est strictement faite à partir des 47 documents que nous avons recueillis.

J'ai étudié successivement les aspects suivants :

- formations complémentaires

- domaines d'activité

- postes et fonctions

- engagement associatif et/ou politique

- géographie

J'ai enfin, en interrogeant internet grâce à Google, recherché ce qu'il reste de

notre passage dans la vie active. L'analyse des informations que j'ai faite n'est bien

sûr pas dénuée d'omissions et d'erreurs d'interprétation, ce qui ne change pas la vision

globale.

Formations complémentaires

Après l'obtention de notre diplôme de gadzarts nous étions armés pour entrer,

après le service national obligatoire, directement dans la vie professionnelle.

Cependant 21 d'entre nous ont choisi une formation complémentaire. Ensuite, après

quelques années de travail, deux autres ont acquis des titres universitaires, enfin

quatre, vers la quarantaine, ont acquis une formation complémentaire en gestion.

Le résultat est impressionnant : sept docteurs d'État et d'Université, deux

professeurs agrégés.

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Domaines d'activité

On peut identifier plus de 70 domaines d'activité, principalement dans les

domaines industriels.

Tous les domaines de la métallurgie sont présents, les productions de tous types

de produits, mais aussi les machines de production, l'industrie électrique et

électronique. Curieusement l'industrie automobile est très peu présente !

Quatre d'entre-nous ont fait le principal de leur carrière dans l'enseignement

supérieur, trois dans l'industrie aérospatiale, trois à EDF, deux au CEA, un à la

SNCF, un à l'observatoire de Paris-Meudon.

Un seul a exercé la fonction de consultant pendant la moitié de sa carrière.

Si l'on joue au jeu des extrêmes on va par exemple de la micro-électronique à

l'astronomie, de la production de graines potagères à l'étude des fusées.

Par ailleurs une petite moitié d'entre-nous est restée dans le même domaine

d'activité, avec bien sûr des responsabilités en progression, alors que quelques autres

ont changé quatre ou cinq fois de domaine.

Quatorze d'entre-nous ont fait la totalité ou le principal de leur carrière dans la

fonction publique ou dans une entreprise ou un organisme du domaine para-public.

Enfin, l'un d'entre-nous, après avoir été haut fonctionnaire dans son pays natal, a

été expert international auprès d'organismes de l'ONU.

Postes et fonctions

Tous les postes et les fonctions que l'on trouve dans l'industrie manufacturière

sont présents à un ou plusieurs exemplaires dans les parcours décrits : conception et

études, méthodes, fabrication, achats, qualité mais aussi gestion des ressources

humaines, ainsi que tous les niveaux de responsabilité, de l'ingénieur de base au

président directeur général, en passant par chef de service, chef de département,

directeur de production ou d'usine, directeur général ou de division.

Plusieurs d'entre-nous ont été chef d'entreprise, soit en prenant la succession de

l'entreprise familiale, soit en reprenant une entreprise existante. Cinq ont créé et

animé leur propre entreprise

Engagement associatif et/ou politique

Douze d'entre-nous ont eu, ou ont encore, un engagement associatif important,

dont dix au sein de la Soce comme membres du Comité ou président de groupe

régional.

Trois ont eu un engagement «politique» en temps que membres de conseil

municipal. Un fut en plus vice-président du Conseil régional de Bourgogne en

parallèle avec sa vie professionnelle.

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Géographie

Neuf d'entre-nous ont effectué une partie significative de leur carrière à

l'étranger ou en dehors de la métropole.

Douze d'entre-nous ont effectué tout ou une partie importante de leur carrière en

région parisienne. Plusieurs, après l'escapade d'un an à Paris, sont restés dans leur

région d'origine

Internet en 2018

Après une recherche pas très approfondie en utilisant Google comme moteur de

recherche et les nom, prénom et dernière entreprise comme clés d'entrée, j'ai trouvé

des traces de seize d'entre-nous : trois ont une reconnaissance internationale, dix

autres ont laissé au moins une marque de leur passage professionnel, deux

apparaissent pour leur action politique ou associative et le dernier pour son passage

dans un jeu télévisé national !

Autres informations

Au moins trois d'entre-nous ont écrit et publié un ou plusieurs livres.

Plusieurs ont reçu des décorations nationales : Palmes académiques, Ordre

national du mérite et Légion d'honneur.

Enfin l'un d'entre-nous fait partie de la liste des Gadzarts notoires qui regroupe

tous ceux qui, depuis la création de l'École en 1780, se sont distingués par leurs

réalisations ou par la fonction qu'ils ont exercée. La liste complète commence en

1793 et comprend 560 noms !

En conclusion, à partir du même point de départ, 47 parcours très différents (je

n'en vois que deux qui se ressemblent) et souvent très riches.

Ce résultat est sans contestation dû à la rigueur de la sélection au concours

d'entrée, au programme d'ingénieur généraliste à dominante mécanique que nos

professeurs nous ont enseigné, sans oublier la part de ce que les trad's nous ont fait

acquérir, en développant l'entraide, la considération de l'autre, l'esprit d'équipe, la

capacité à travailler en groupe…

J'ajoute que, étant diplômé d'une autre grande école où j'ai aussi suivi le cursus

complet, je peux témoigner de la différence de résultat en termes de diversité et de

richesse des carrières et de vie de la promotion.

Maintenant le gadzarts est un ingénieur technologue et les trad's sont

transmission des valeurs.

Gageons que, avec ce nouveau vocabulaire et dans un environnement très

différent, nos jeunes successeurs auront l'opportunité de vivre des parcours aussi

diversifiés !

Gilbert GAILLOT, Tésis, délégué de promo

Juillet 2018

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Participants

Michel BALLET Zabroom’s

Moheddine BECHRAOUI Bech-Bech

Jacques BENEY Cythé

André BESSON Niem

Jean Michel BLOUZARD Bamboul’s

Guy BONDIVENNE Pachy

Henry BONTOUX Toux

Jean-Pierre CHAMPAGNON Zamik

Georges CHATRAS Totor

Michel CHEVRETON Mich’l

Claude CHEVRIER Kak’s

Jacques CLUZEL Roméo

Maurice DESLOIRE Pilon

Gérard DUMONT Duo

Serge DUPARC Pakou

Michel DUPUY Gros Belou

Guy DUVERNE K’bri

Alain FEUGIER P’cass

Gilbert GAILLOT Tésis

Jacques GIELLY Jacky

Marc GINET Mickey

Bernard GIRAUD Jimmy

Georges GIRAUD Digor

Yves GROS Clergy

André HIRACLIDES Day Day

Daniel JACOBZONE Job

Henri JUNALIK Yun’s

Michel LABOURBE Kim

Jean LAMBERT Django

Jean LAVERGNAT Hans

Jean-Paul LEQUIN Yann

Jean Claude LOISEAU Tramp

André MARION Pap’s

Gérard MICHAUD Tater

Robert MOURIER Moss

Maurice NIVON Sinus

Gérard PÉRIER Zimir

Pierre PÉRILHON Kiro

André PINTO Nané

Jean POILLOT Tristan

Jean POLLARD Zadig

Jean POUZADOUX Popof

Robert RABILLOUD Robin

Pierre RAVET Chabichou

Michel ROCHE Rexy

Serge SCAVARDA Charpy

André VIDAL Pomp’s

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Quels parcours ? !

La promotion nous offre une belle palette de parcours. Elle exalte la toujours

difficile et délicate synergie de l’individuel et du collectif. Une promotion est plus,

est autre que la somme des camarades. Les couleurs de la palette jouent dans la

gamme des ce que chacun aurait aimé faire, ce que chacun a réellement fait et,

magie du parcours, révèlent une image discrète de ce que chacun est.

Un parcours n’est pas un bilan statique mais une trajectoire où fusionnent au

Tabagn’s cinématique et dynamique et dans notre vie mouvement et action.

Écrire un parcours peut être dangereux : c’est mettre en perspective les grands

et les moins glorieux événements, les heureux et douloureux moments de vie, les

élévations et les régressions, les ombres et les lumières. Le stylo posé, le clavier

éteint, on se relit et on s’exclame : « C’est ça mon parcours ! ». C’est là que

l’aphorisme de Malraux explose : « Une vie ne vaut rien, mais rien ne vaut une vie. »

Il faut lire tous les parcours, les surprises sont immenses. Comment ? Tous les

acteurs de ces parcours ont vécu en communauté pendant quatre ans, ont fait les

mêmes études ? Ce n’est pas possible, ces parcours diffèrent beaucoup trop dans leur

ambition, leur déroulement, leur fécondité ! Ces films ne sortent pas de la même

société de production !

La variété des parcours a une double explication : contrairement à ce qui a été

dit et qui a nuit à notre image de marque, l’École ne fabriquait pas un produit

« ingénieur » mais formait des ingénieurs, ce qui n’est pas la même chose. L’École ne

fabrique pas des trajectoires mais forme des metteurs en scène. Tous les gadzarts

utilisent avec art – élégance du métier – la devise de Jean Cocteau : « Tout est

possible, si on organise bien sa mise en scène. » Le gadzarts ne se contente pas de la

mise en scène : après avoir convaincu de la pertinence de son projet il prend

volontiers la baguette du chef d’orchestre. Salut l’artiste !

La deuxième explication : chaque camarade a sa personnalité qu’il construit

toute sa vie. Aux Arts, on nous a appris à inventer mais aussi à nous inventer. C’est

une dimension de la transmission des valeurs : nous inventer pour entreprendre avec

notre style.

Nous avons été la génération du Concorde, des centrales nucléaires, du TGV, de

la fusée Ariane, de l’informatique, de la robotique etc. Nous avons débuté dans les

Trente Glorieuses (1945 – 1973), des entreprises nous recrutaient avant d’obtenir le

diplôme, l’ascenseur social fonctionnait.

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Mais, tout est transformation pour le meilleur et pour le pire.

Des camarades et des entreprises ont souffert du glissement tectonique de la

gestion industrielle à la gestion financière. Dans sa permanence de député, j’ai

entendu Raymond Barre s’inquiéter de l’évolution des dysfonctionnements de la

triade : politiques, financiers, industriels. La classe politique a rejeté ses analyses et

préconisations.

La désindustrialisation, la recomposition des grands groupes, l’obsolescence de

l’ascenseur social etc. ont altéré nos fins de carrières.

La génération actuelle explore le numérique, l’intelligence artificielle, les

implants de puces dans le cerveau, les connexions du cerveau aux ordinateurs pour

créer un homme augmenté par la machine etc.

Au cours de notre finitude (cf. mon article dans le 17ème

K’nard – 2014), nous

sommes à l’affût du posthumanisme annoncé par la nouvelle génération. Mais

certains se vantent de dépasser le posthumanisme. C’est le transhumanisme : accroître

les capacités humaines pour accomplir des performances et créer une nouvelle élite.

Aurons-nous le temps d’admirer et/ou d’être horrifié par les effets du

transhumanisme des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon), de la Silicon Valley

et autres apprentis sorciers en quête de pouvoir et de fortune ?

Mes chers Camarades, je préfère être un homme style le duc de La

Rochefoucauld-Liancourt, plutôt qu’une intelligence dite supérieure robotisée.

Nos pensées s’inclinent vers Kim qui a donné vie à la promotion et l’a animée

de nombreuses années. L’idée de Tésis prolonge l’œuvre de Kim. Jimmy pérennise la

mémoire de la promo.

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Écrire notre parcours, c’était nous mettre en perspective ; écrit, le parcours

devient trace, ce qui reste quand les feux des projecteurs de l’actualité s’éteignent. Ce

livret est l’empreinte des traces des camarades et de la trace de notre promotion.

À l’exception de six, nous ne lirons pas les parcours des camarades qui nous

ont quittés. Quittés… mais quelle est cette indicible présence qui mystérieusement

nous pénètre à chacune de nos évocations ? Leurs sourires, leurs gestes familiers,

leurs convictions, leurs idéaux toujours nous émeuvent intensément. Leurs traces ne

sont pas sur ces pages, elles sont dans nos cœurs, dans nos intelligences… ne

percevez-vous pas avec émotion leur fidèle et prégnante fraternité ?

Dans le ciel de Cluny monte le chant de Djin : Il y eut un soir, il y eut un matin…

…Silence…

Je lève mon verre au chant, à la poésie, à l’amitié, à l’amour,

À tout ce qui donne le sentiment d’être !

Toux

Henry Bontoux

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Zabroom’s Michel BALLET

Première étape : DOLE (Jura). 1963-1966 : Ets MAGYAR.

Service militaire terminé fin avril 1963, embauche en juin dans une petite

entreprise de 30 personnes pour l’étude, la fabrication et la mise au point de camions

citernes de ramassage de lait : il fallait tout découvrir ! J’allais dire tout apprendre !

Je suis donc embauché comme ingénieur d’études, le seul, et personne pour me

mettre au courant.

À mon arrivée, je trouve une note sur mon bureau : faire un devis pour une

citerne de 10.000 litres pour France-Lait… imaginez ma surprise pour un démarrage

sans visibilité !

Un petit mot sur le contexte : en 1963, le lait se ramasse en bidons de 20 l posés

le long de la route, au soleil, à la poussière, à la pluie… ! Le camion doit être

autonome pour transférer le contenu des bidons dans la citerne tout au long de la

tournée. Ce procédé doit remplacer les camions chargés de bidons qui sont vidés à la

laiterie et qui repartent nettoyés chez le producteur de lait, rappelez-vous, vous avez

dû en rencontrer un jour sur la route, ça faisait grand bruit. La capacité la plus

fréquente oscillait entre 4000 l et 5000 l, avec quelque fois un petit compartiment de

1000 l pour isoler les laits de moins bonne qualité.

Je suis resté 3 ans dans cette entreprise où j’ai mis au point un groupe de

pompage avec une motorisation mixte électrique et hydraulique, premier brevet de

mon activité qui a dû en compter une dizaine, dont un européen. Ce groupe a permis

une grande simplification de la fabrication par la préfabrication d’éléments :

réduction des délais et des prix : classique !

Quand j’ai quitté cette entreprise, la production avait été multipliée par quatre et

l’on commençait à voir la capacité des citernes augmenter avec l’apparition des tanks

réfrigérés à la ferme. De nos jours, la capacité actuelle dépasse les 10000 litres,

quelquefois suivie d’une remorque de même capacité. Bien entendu, les bidons ont

disparu.

J’y ai découvert le travail de l’inox et aussi du cuivre : fabrication de cuves pour

les fruitières du Jura, cuves d’environ 1000 l. Une particularité régionale : le lait était

payé au poids et non au volume. J’ai participé aussi aux tournées de ramassage : ça

commençait souvent vers 5 h du matin. Je me souviens particulièrement d’un petit

déjeuner roboratif pris aux aurores dans une fruitière, tout le personnel de la

fromagerie rassemblé dans une grande salle avec un énorme poêle c’était très

sympathique. D’autant que la tournée terminée, je recevais un morceau de comté de

la meule personnelle du fromager. Le travail avait une dimension humaine qui s’est

perdue. Quelquefois, les producteurs de lait me prenaient pour un contrôleur, ça

m’amusait ! À titre indicatif, certains constructeurs à la place du pompage faisaient le

vide dans la citerne, ça marchait bien, mais il y a eu des aplatissements qui

réduisaient considérablement le volume !

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Cette entreprise avait été fondée par Mr MAGYAR et sa femme. Il avait une

quinzaine d’années de plus que moi et était d’une grande exigence. Il était aussi

sympathique que ses colères étaient subites, sincères ou simulées, j’avais appris à

décoder. L’un de ses fils a d’ailleurs été diplômé ingénieur AM. Il est toujours resté

en contact avec moi dans l’espoir de me voir revenir travailler avec lui, mais la vie en

a décidé autrement. Ça a été une grande expérience sur le plan humain. Son entreprise

est maintenant l’un des premiers fabricants français de citernes (siège social à Dijon,

cinq usines en France et une en Allemagne) et je pense avoir facilité son

développement au départ.

Au bout de trois ans, j’ai voulu passer à autre chose.

Deuxième étape : GENELARD (c’est en Saône et Loire, au bord du canal du Centre)

1966-1969 : Société FOURNIER et MOUILLON. Embauché comme ingénieur

d’études.

Cette entreprise de 200 personnes était le prototype absolu pour lequel notre

formation de gadzarts de l’époque nous avait formaté : un BE, un atelier d’usinage,

une chaudronnerie, une fonderie, un atelier de modelage, et des bâtiments à

l’avenant : le sol de l’atelier de mécanique était pavé en bois « de bout » comme celui

du montage pour ne pas blesser les pièces qui pouvaient tomber par terre. Mais ce

qu’on y faisait était plus moderne que l’image des bâtiments. L’entreprise était

spécialisée dans le matériel de mines, de sidérurgie, et machines spéciales.

J’ai fait connaissance avec les machines d’extraction, l’armement des puits de

mines (rappelez-vous de la silhouette des chevalements), les treuils divers (plus de

10000 treuils fabriqués avec des câbles d’un diamètre allant de 10mm à plus de

40mm). Pour la sidérurgie, nombre de convoyeurs à rouleaux de tous diamètres,

machines à démouler les lingots après coulée, éléments de coulée continue… J’ai

surtout œuvré dans l’étude et la mise en route des machines spéciales où toutes les

techniques pouvaient avoir leur part : pneumatique, hydraulique, automatisme.

Deux exemples :

- pour Péchiney qui utilisait des électrodes en graphite pour

l’électrométallurgie de l’aluminium, j’ai transpiré (au propre dans la

poussière de carbone… et au figuré) sur une machine à brosser les

électrodes en graphite cylindriques d’un poids d’une dizaine de kilos à 5 t.

L’objectif étant de les débarrasser de leur gangue de charbon après cuisson

pour graphitation (temps de cuisson trois semaines). La machine pesait une

dizaine de tonnes, et les armoires électriques étaient dans un local séparé à

cause du risque de coup de poussier dû à la poussière de graphite. Cette

poussière était très fine et l’on mouchait bien noir après quelques heures, ça

traversait même les vêtements.

- Pour le CEA un treuil très spécial permettant de retenir le ballon auquel

était suspendue notre bombe quand elle explosait dans l’atmosphère à

Mururoa.

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Ce qui m’avait effrayé, c’était le coefficient de sécurité spécifié par le donneur

d’ordre qui était de l’ordre de deux, si ma mémoire ne me trahit pas, le câble avait un

diamètre de 10 mm pour un effort de 10 t. Ce coefficient n’avait rien à voir avec celui

utilisé pour le matériel de mines ! Si le câble avait cassé suite à un mauvais coup de

vent, qui aurait récupéré la bombe ? Ce treuil était une espèce de monstre muni d’un

moteur diesel de 100 CV à embarquer sur une barge pour l’utiliser. Il avait fallu

démonter les portes de l’atelier pourtant habituées à voir passer des équipements plus

ou moins extraordinaires. La réception de cette machine avait eu lieu dans un atelier

de l’École, boulevard de l’Hôpital. Cette machine à usage unique n’a jamais été

utilisée puisque les explosions atmosphériques ont été abandonnées, à juste titre, pour

les raisons que l’on sait. Un bon exemple d’utilisation de nos deniers par manque

d’anticipation. Je voudrais dire au passage tout le plaisir que j’ai eu à travailler avec

le frère de Yun’s, un projeteur de grande qualité humaine et professionnelle. Cette

entreprise formait aussi des apprentis (on y revient !) avec comme professeur de

technologie et autres matières le frère de Yun’s.

Troisième étape : PARIS. Société CORBLIN devenue BURTON-CORBLIN en

cours de route.1969-1987.

Au bout de trois ans et riche de l’expérience acquise, j’ai voulu de nouveau voir

autre chose, et ça été PARIS. Je m’étais pourtant juré ne jamais venir à la capitale car

je n’avais pas gardé un très bon souvenir de notre séjour en 4° année.

Un patron gadzarts cherchait un autre gadzarts comme chef de BE pour les deux

départements de l’entreprise : compresseurs et agroalimentaire. Rapidement, je me

suis plus intéressé au département agroalimentaire qui travaillait principalement avec

l’industrie laitière, et majoritairement avec l’industrie fromagère. À mon arrivée, il

s’agissait principalement d’éléments séparés comme des échangeurs à plaques ou

tubulaires, de cuves de caillage, de pompes et raccords, de machines à laver les

moules à fromages et des convoyeurs dont la conception datait d’une dizaine

d’années. Oui, mais quel genre de fromagerie ? Dans ma première expérience, j’ai

connu la fabrication des pâtes cuites : comté, emmental… maintenant il s’agissait de

pâtes molles : fromage type « camembert ». Comment fait-on un « camembert » ?

Un fromage de 250 g nécessite 2 l de lait. Les phases principales de fabrication se

divisent en quatre parties bien distinctes :

- Le traitement du lait : réception, pasteurisation, standardisation en matière

grasse, stockage, maturation.

- Le caillage : le lait est envoyé soit en cuves (à l’époque 1000 l), soit en

bassines (généralement 100 l), soit en caillage continu, un procédé

développé par les Allemands. (imaginez un convoyeur à bande semi-

circulaire de 1 m de rayon, de 40 m de long, contenant jusqu’à 40000 l de

lait). Un procédé par ultrafiltration du lait consistant à obtenir un pré-

fromage liquide (suppression de la phase égouttage), testé avec l’INRA, n’a

pas réussi à produire un fromage ayant les mêmes spécificités que les

fromages classiques et a dû être abandonné.

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- Le moulage : transfert du caillé dans les moules et les manutentions qui

s’ensuivent, lavage du matériel. À titre indicatif vers 1980, les débits étaient

de l’ordre de 10000 fromages/heure, soit 20000 l de lait/heure. Les débits

ont dû monter par la suite à 25000 l/heure.

- Le conditionnement : mise en boite.

Je vais donner un zoom sur la partie moulage puisque c’est là que s’est située la

nécessité d’automatiser : augmentation des débits, gain de main d’œuvre… c’est

classique.

Le caillé est déversé dans des bloc-moules de 20 à 25 fromages (fin des moules

individuels) positionnés dans des plateaux. Les plateaux circulent sur des convoyeurs

pendant que les fromages s’égouttent. Ils se présentent ensuite à différents postes :

retournement, gerbage des plateaux sur 10 généralement, envoi en salle d’égouttage

où ils subissent un second retournement précédé d’un dégerbage et suivi d’un

regerbage, avant de passer au démoulage, mise sur claies et salage soit au sel, soit en

saumure. Ces opérations étant faites en général dans les 24 h, les fromages sur claies

vont ensuite aux hâloirs (les salles d’affinage). Ce sont dans ces salles que vont

s’affiner les fromages par la pousse du pénicillium candidum la croûte blanche du

fromage.

Ma contribution a consisté à concevoir ex nihilo les équipements capables de

transporter, retourner, empiler, dépiler, démouler automatiquement les opérations

décrites plus haut, les charges transportées allant jusqu’à une dizaine de tonnes sur 30

à 40 m de long, ainsi que les machine-tunnels pour laver bloc-moules, plateaux et

claies. Pour que ça puisse fonctionner automatiquement, le principal souci a été de

trouver des capteurs capables de résister aux conditions sévères décrites plus bas et au

lavage au jet puis à haute pression. Les automatismes à relais du début ont été

rapidement remplacés par les automates programmables dès qu’ils sont apparus

malgré leur faible capacité mémoire. Autre souci, livrer des équipements que

beaucoup de services maintenance n’étaient pas préparés à recevoir. Ces opérations

se faisaient précédemment à la main dans une ambiance à 90% d’humidité et une

température de l’ordre de 32°C : imaginez les conditions de travail des opérateurs

avec tablier et bottes empilant, dépilant, retournant pendant 8 h !

J’aurais aussi aimé vous parler d’une cuve à fromage très particulière pour la

fabrication des « bleus » (pas ceux de l’équipe de France) objet d’un brevet européen,

mais j’en ai déjà assez dit.

À l’export nous avons installé des ateliers de fabrication en Pologne, en

Yougoslavie, en Suisse, en Nouvelle-Zélande.

J’ai donc commencé comme chef de BE et terminé comme directeur technique

et peut-être que les soucis que j’ai pu rencontrer dans mon travail y ont été pour

quelque chose puisque j’ai eu une grave maladie des yeux qui a fait faire bien des

soucis à ma famille ; ça m’a valu quelques années de cortisone à haute dose… et

probablement été pour quelque chose lorsque mon patron a vendu le département

dans lequel je travaillais et que je me suis retrouvé au chômage après 19 ans de bons

et loyaux services ! ( accessoirement une dizaine de brevets et enveloppes Soleau et

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un brevet européen). Il a même fallu aller aux Prud’hommes pour que mon

indemnité conventionnelle me soit versée convenablement, mon patron

gadzarts ayant couvert les agissements du directeur que j’appelais « directeur des

relations asociales et inhumaines » !

Quatrième étape : Laiterie de VILLECOMTAL sur ARROS, dans le Gers, Groupe

DANONE 1988 – 1997-Résidence à TARBES Hautes Pyrénées-Directeur d’usine.

Un an au chômage, c’est long, malgré l’énergie que l’on dépense à rédiger,

envoyer les CV dans l’attente d’une convocation à un entretien. Le comble, c’est que

lorsque l’on a retrouvé du travail, on devient la cible de « chasseurs ». Pourtant c’est

le même bonhomme que celui d’avant, pourquoi Einstein n’a-t-il pas pensé à cette

relativité ?

Un jour, je reçois un appel téléphonique d’un ancien collègue qui me dit

d’appeler « Untel ». « Untel » avait conservé une bonne image de moi, bien qu’il ait

quitté l’entreprise une dizaine d’années auparavant après avoir pris la direction d’une

grosse fromagerie qui se construisait. Il était l’ami d’un patron d’entreprise qui

cherchait un directeur de site. Une fois le contact établi, j’ai été embauché dans la

semaine qui a suivi, le temps de faire plus ample connaissance et de visiter l’usine

située à Villecomtal-sur-Arros dans le Gers. Cette usine de plus de 200 personnes

d’un statut bien particulier fabriquait en sous-traitance exclusive 10% du tonnage

produit frais de Danone, à ce moment-là 55.000 t/an. Nous produisions des yaourts

fermes, nature et aromatisés, des yaourts brassés (au lait entier et à 0%) nature et

aromatisés et des liégeois (lait gélifié aromatisé + chantilly).

Mon expérience précédente intéressait mon patron – Normand d’origine – qui

avait fondé cette entreprise une vingtaine d’années auparavant et fédéré autour de

cette usine la majorité des producteurs de lait de la région, ça allait jusqu’au Pays

Basque. Bien qu’ayant une usine de produits frais, il était resté marqué par l’industrie

laitière normande… celle du « camembert » ! Bref, l’expérience que j’avais acquise

au cours des différentes mises en route que j’avais pu faire était nécessaire mais pas

suffisante pour ce poste car il y avait toute la partie management pour laquelle je

n’étais pas préparé : mon nouveau patron, bien que très exigeant, avait de grandes

qualités humaines. Il m’a beaucoup aidé et soutenu pour que je puisse remplir mes

fonctions. Passer brutalement d’une entreprise de 50 personnes, après un an de

chômage, à une autre de plus de 200 personnes avec CE, DP, CHSCT, est un exercice

compliqué quand on est plongé brusquement dans ce système sans préparation, face à

des délégués expérimentés ! Même s’il y avait un DRH, j’ai dû me mettre au Code du

travail avec lequel j’avais fait connaissance lors de mon passage aux Prud’hommes.

J’ai donc découvert un nouveau métier où, du pratiquement tout faire, je suis passé au

tout faire faire. Comme je l’ai dit plus haut, l’usine fabriquait des yaourts fermes, des

yaourts brassés et des liégeois. Quelle est la différence ?

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Le lait du yaourt ferme est versé individuellement dans le pot avec sa dose de

ferment. Le caillage se fait donc directement dans le pot après passage en chambre

chaude et refroidissement en tunnel avant mise en chambre froide puis expédition.

Les pots sont fabriqués par la machine à partir d’une grosse bobine de plastique

chauffée, thermoformés, pose du banderollage à partir d’une grosse bobine refendue

en bandelettes découpées longueur à la dimension du pot et collées au cours du

thermoformage. Après remplissage, les pots sont operculés, datés, et découpés au

format commercial (par 4, 6, ou 8) la machine la plus performante que nous avions

produisait 36.000 pots à l’heure.

Le lait des yaourts brassés caille en cuve. On obtient un gros yaourt (à l’époque

10.000 l) qui passe ensuite dans une pompe spéciale qui effectue le « brassage » et lui

donne la structure que vous lui connaissez. Pour les yaourts aux fruits, la préparation

de fruits est incorporée au moment du conditionnement. À l’époque, les pots destinés

à ce produit préformés unitairement étaient fabriqués à l’extérieur. Après

remplissage, suivait l’operculage et le datage, et l’envoi en chambre froide avant

expédition.

Le liégeois est un produit fabriqué en cuve stérile avec du lait additionné soit

de vanille soit de chocolat, et un gélifiant. Au moment de la mise en pot la

préparation est recouverte d’une dose de chantilly avant operculage et datage. (à titre

indicatif, l’usine a produit 21 tonnes de chantilly la plus grosse semaine que j’aie

connue !).

Tous ces produits passent ensuite au suremballage, mise en cartons, palettisés,

stockés en chambre froide avant expédition.

L’hygiène est la préoccupation principale et de tous les instants (souvenir de

l’armée !), que ce soit celle de l’atmosphère de l’atelier de conditionnement qui

fonctionnai sous air filtré, et certaines machines sous flux laminaire en particulier

pour les liégeois. Le labo contrôlait en permanence l’ambiance et les hottes à flux

laminaire par des prélèvements et comptage de particules. Il vérifiait quand c’était

nécessaire le sens de l’écoulement de l’air avec des poires à fumée. L’atelier était en

surpression pour éviter les contaminations aéroportées venant de l’extérieur. Bien

entendu, il y avait un plan de prélèvement pour tous les produits fabriqués pour

vérifier la conformité des produits tant sur le plan bactériologique que sur sa

composition (matière grasse…), et ses propriétés physiques viscosité en particulier.

Des échantillons étaient conservés jusqu’à la date de péremption des produits. La

traçabilité était draconienne : je me souviens d’un contrôle de la direction des

Services vétérinaires (DSV) à qui nous avons pu fournir le contenu d’un lot de la

fabrication datant de plus d’un an. En plus de la DSV, la Caisse Régionale

d’Assurance Maladie, l’Inspection de travail, éventuellement la Répression de

fraudes nous rendaient souvent visite ; c’était la plus grosse usine du département.

Cette usine, comme toute laiterie possédait son générateur de vapeur, ses

compresseurs d’air comprimé, son bac à eau glacée (100 t de glace si ma mémoire ne

me fait pas défaut). Particularités : nous potabilisions l’eau utilisée par l’usine en

pompant l’eau de la rivière, nous assurions la surveillance du fonctionnement de la

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station d’épuration. Deux groupes électrogènes de 1500 kW prenaient la relève du

secteur en cas de coupure de courant.

Je n’ai plus en tête le nombre de cuves - de 100.000 à 150.000 l à la réception

du lait – à 3000 l pour les plus petites, et l’ordre de grandeur du nombre de vannes

automatiques et de pompes était largement supérieur à 1500. Au cours de mon séjour,

l’usine a eu un développement important puisqu’en 9 ans, avec le tonnage qui nous

était affecté, nous sommes passés de 55.000 t/an à 110.000 t/an, sans que la

production ne soit arrêtée. Un chiffre anecdotique : la plus grosse journée de

production que j’ai connue : 750 t, soit un peu plus de 6 millions de pots qui mis bout

à bout faisaient un aller et retour de l’usine à Toulouse ! Autre chiffre anecdotique

l’unité de livraison était la semi-remorque qui livraient les centres d’éclatement dont

la fonction était de fournir les supermarchés ou autres points de vente au public.

Dernier mot sur la traçabilité : les lots étaient suivis jusqu’au point de vente, ce qui

aurait permis de les retirer si nécessaire avant qu’ils ne soient vendus. Il fallait

impérativement éviter que l’on lance une opération de rappel aux caisses des

supermarchés… ! Le développement de l’usine s’est fait en même temps que des

progrès importants : de 9 l d’eau consommés au litre de lait, on est passé à moins de

3, la station d’épuration est restée la même par la réduction des pertes matière, même

s’il a fallu l’aider un peu par un dopage à l’ozone. Enfin le personnel est resté

constant ! En 1997, mon patron a dû se retirer et céder toutes ses parts au groupe

Danone qui a mis en place progressivement son encadrement. Si bien que vu mon âge

(!) il m’a proposé une préretraite progressive qui s’est faite dans de bonnes conditions

et je le remercie encore ici.

Nous sommes donc revenus à Paris, où j’ai accompli une année de « chargé de

mission » dans une entreprise du groupe qui fabriquait des machines de

conditionnement, avant de cesser toute activité.

Et les gadzarts ?

J’ai été Président de groupe dans les Hautes-Pyrénées, puis à Paris-Sud,

totalisant plusieurs mandats.

L’animation des groupes avec Françoise nous a procuré bien des joies. En 2005

au Congrès de Paris, j’ai eu à prendre en charge la partie logistique : hôtellerie,

restauration des congressistes à l’École, boulevard de l’Hôpital, et soirée à la

Fratern’s (450 personnes), repas et orchestre.

J’ajoute aussi quelques années (à temps partiel) de bénévolat à la Fondation.

Et maintenant ?

Pour le moment, c’est l’hiver à Paris, l’été dans le Morvan, nous migrons

comme les hirondelles !

Sans oublier les réun’s de promo.

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Bech Bech Moheddine BECHRAOUI

À peine sorti de l'École, étant exonéré du service militaire en tant que diplômé

de l'enseignement supérieur (en vertu d'une décision de Bourguiba pour affronter la

guerre économique), j'ai été mobilisé le 15 juillet 1962 pour organiser et mettre en

place une chaîne de montage de camions Saviem, en collaboration avec Saviem

Renault. J'ai fait l'homme à tout faire... Cette expérience fut courte (trois mois) mais

très intéressante.

Puis j'ai été appelé par Tunis Air, à l'époque filiale d'Air France avec 49% du

capital, dirigée par des gadzarts (Directeur général et Chef de service technique), pour

seconder le Chef de service technique partant et le remplacer par la suite. Cette

période correspond à l'introduction du jet dans la flotte de la compagnie, un avion

Caravelle. En m’inspirant de l'expérience de Finnair, j’ai mis en place une méthode

d'entretien progressive, permettant à l'avion de voler 7 jours sur 7, la maintenance se

faisant la nuit.

En neuf ans j’ai gravi les échelons de Chef de service, Directeur technique,

Directeur général adjoint, jusqu'au poste de Président directeur général (poste

précaire et révocable, en un mot : un "siège éjectable" !).

Parallèlement à mon activité aéronautique (technique, exploitation,

commercial), je me suis occupé d'autres activités annexes telles que la création du

magasin sous douane (Free Shop), la création avec Air France d'une société de

coopération et promotion commerciale et touristique.

Le "siège éjectable" a fonctionné et je me suis retrouvé dans l'Administration,

au ministère de l'Économie. Pour mon intégration dans la fonction publique, il a fallu

procéder à la reconstitution de ma carrière avec le grade d'ingénieur en Chef. Ceci a

entraîné le reclassement de l'École des Arts et Métiers comme grande École au même

titre que Polytechnique et l'École Centrale !

Je me suis ainsi trouvé de 1971 à 1975 à la tête de Centre National d'Études

Industrielles, bureau d'études du ministère de l'Économie nationale. Ce Centre a été

créé en collaboration avec l'ONUDI dont le siège se trouve à Vienne, Autriche. Cela

m'a valu de nombreux voyages à Vienne !

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Secondé par 84 cadres de formation universitaire supérieure, d'ingénieurs,

d'économistes, de juristes, etc, Nous avons eu la charge d'élaborer la faisabilité, de

faire les études de marché, de faire réaliser des projets divers allant de l'industrie

alimentaire au plastique, en passant par la mécanique, etc. En plus de la direction du

Centre on m'a adjoint pendant deux ans la direction de l'Industrie au ministère de

l'Économie.

Dans le cadre de la coopération entre la Tunisie et l'Algérie j'ai été l'initiateur

d'un document d'identification de projets à réaliser en commun. À ce titre j'ai été

chargé du projet de construction à la frontière algéro-tunisienne d'une cimenterie un

d’un million de tonnes par an. Je suis ainsi devenu cimentier malgré moi. Pendant

trois ans, jusqu'à mi 1977, j'ai conduit les études d'implantation et de réalisation.

De la fabrication du ciment à son utilisation, me voila à la tête durant trois ans

de deux anciennes unités de fabrication de tuyaux en béton (ancien SOCEA et

BONNA). Parmi les réalisations j'ai lancé une chaîne de fabrication de tuyaux de 1,80

m avec âme en tôle, pour le renforcement du réseau d’assainissement des eaux usées

du grand Tunis. Avec la collaboration d'un jeune gadzarts nous avons réalisé, en

partenariat avec BONNA France, une unité de fabrication de tuyaux d'assainissement

"Rocla".

En 1980 je suis revenu au ministère du Transport pour coiffer la direction

générale du transport maritime et aérien groupant la marine marchande et l'aviation

civile. Pendant dix ans j'ai eu à organiser deux secteurs importants, négocier de

nombreux accords dans les domaines maritime et aérien, assurer la tutelle des

entreprises du secteur et nouer de nombreuses relations internationales.

Enfin, en 1990, j'ai pris ma retraite anticipée de l'Administration pour me lancer

dans la coopération internationale. Puis pendant deux ans j'ai été expert international

auprès d'organismes des Nations Unies : OMI, Organisation Maritime Internationale

dont le siège est à Londres, OACI, Organisation de l'Aviation Civile dont le siège est

à Montréal, avec plusieurs missions particulières en Afrique subsaharienne.

Début 1992 j'ai créé une société familiale de représentation des ascenseurs

OTIS : vente, montage et maintenance de tout appareil élévateur. Cette société existe

toujours.

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Cythé Jacques BENEY

Après un service militaire de vingt-sept mois effectué dans la « Royale » à Brest

comme officier mécanicien d’une division de dragueurs, je suis rentré à la Société de

Forgeage de Rive-de-Gier comme adjoint au chef de fabrication. Cette société,

aujourd’hui disparue, avait trois secteurs : le forgeage de bouteilles de gaz sous

pression, des activités diverses d’emboutissage dont la principale concernait la

production d’éviers en acier inox, enfin une activité d’usinage à façon. Je me suis

principalement occupé de l’activité d’emboutissage.

En 1969 j’ai rejoint la Compagnie des Textiles Artificiels (CTA) pour prendre

des fonctions d’ingénieur d’organisation. Après un stage de formation de six mois j’ai

été nommé responsable du service organisation de l’usine de Givet qui fabriquait du

fil viscose puis ensuite de la fibre nylon.

En 1973 j‘ai été muté à l’usine de Besançon (Rhône Poulenc Textile) comme

adjoint au chef du service organisation. Changement de dimension en passant d’une

usine d’environ 500 personnes à une de 2500. Les productions étaient du fil nylon, du

fil et de la fibre polyester. Un an après je prenais la responsabilité du service et en

1977 je devenais responsable du personnel. Quelques mois après, Rhône Poulenc

annonçait son « plan textile » qui conduisait à la fermeture programmée de plusieurs

usines dont celle de Besançon.

Jusqu’à mon départ de cette usine en 1981 je me suis donc consacré au plan

social de reclassement du personnel puisque nous avions annoncé que « personne ne

serait laissé seul au bord de la route ». Période passionnante et parfois mouvementée

(dans une ville qui avait vécu « l’affaire Lip » à laquelle j’avais été mêlé de près

comme membre de la commission paritaire ASSEDIC), ponctuée de mouvements

sociaux parfois violents.

Parmi les mesures annoncées par l’entreprise pour le reclassement du personnel

figurait l’implantation sur Besançon d’une activité nouvelle de Rhône Poulenc. Ce fut

la création d’une usine de finissage de fil d’acier tréfilé pour le renforcement des

pneumatiques. J’en ai été désigné responsable et je me suis consacré à la construction

de l’usine, au recrutement du personnel qui devait obligatoirement être du personnel

reclassé de l’usine de Besançon… jusqu’à ce que la direction générale décide, pour

cause de bouleversements dans l’industrie mondiale du pneumatique, que cette usine

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ne démarrerait pas. Cruelle expérience pour tous ceux qui avec une lettre d’embauche

avaient repris espoir et accessoirement pour moi qui dus renier ma signature.

Plus d’emploi sur Besançon, j’en retrouve un à Lyon, en 1981, dans la division

Agrochimie de Rhône Poulenc pour un poste de directeur de l’établissement de La

Dargoire où je vais rester 5 ans.

De là encore 5 ans au Centre de recherches des Carrières à Saint-Fons comme

responsable des fonctions support (ressources humaines, entretien, travaux neufs,

comptabilité, achats,…)

Retour en usine pour 5 ans encore, toujours à Saint-Fons dans ce que l’on

nommait le « vaisseau amiral » de la chimie de Rhône Poulenc, dans des fonctions

équivalentes à celles que j’avais au centre de recherches, mais cette fois dans un

contexte syndical plus « vigoureux » qui m’a laissé de « bons » souvenirs de

négociations au cours de grèves.

Je finirai mon parcours professionnel comme responsable de la gestion des

risques et auditeur sécurité de la chimie de Rhône Poulenc avant d’être licencié, en

1996, dans le cadre d’un plan social (très social car convention FNE). Un peu

l’arroseur arrosé, moi qui avais mis en place de nombreux plans sociaux dans mes

différents postes !

Était donc arrivée l’heure de la retraite, mais pas de l’activité, puisque je me

suis engagé alors dans différentes associations jusqu’à ce que la maladie de Martine

m’oblige à les cesser pour l’accompagner jusqu’à sa mort en 2000.

Trois ans plus tard je me suis remarié avec Gertrud, une Allemande de la

Rhénanie du Nord-Wesphalie et depuis nous partageons notre vie entre la France et

l’Allemagne et cela tant que ma santé le permettra. Cela m’a fait découvrir une

culture plus différente de la nôtre que de prime abord je le pensais, et un très beau

pays que peu de Français visitent et c’est dommage. Enfin cela permet de relativiser

le discours « encenseur » de certains de nos hommes politiques sur ce pays !

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Niem André BESSON

Fils d'un petit paysan du Mâconnais j'ai eu trois vocations et je me demande

encore aujourd'hui si j'ai choisi la bonne. Depuis la toute petite enfance je suis

passionné par la mécanique. Mon père disait de moi que j'avais un sens inné de la

mécanique, et que j'étais venu au monde avec une clé à molette dans une main et un

tournevis dans l'autre. Dès l'âge de deux ans et demi, si j'en crois ce qui m'a été

raconté, je me suis attaqué au réveil de mes parents que j'ai démonté, et que personne

n'a pu remonter. Par la suite je me suis intéressé de près au fonctionnement du

matériel agricole, au moteur à explosion de mon père, que j'ai entrepris de démonter,

lui aussi. On m'a arrêté à temps. J'étais en extase devant un tracteur, une voiture. Mon

père avait une moto, une grosse, c'était courant à l'époque. Je l'accompagnais

quelquefois chez le garagiste qui entretenait sa moto, et là, j'étais aux anges. À dix

ans je rêvais de devenir garagiste, et j'avais de la suite dans les idées. Ce garagiste

avait une fille de mon âge. J'étais prêt à épouser la fille pour avoir le garage. Voilà ma

première vocation.

Ma passion pour la mécanique n'a pas échappé à mon instituteur qui m'a orienté

vers le lycée technique de Cluny, la Prat's. Là, j'ai appris et découvert beaucoup

d'autres choses passionnantes et j'avais une grande soif de savoir, surtout les sciences,

les maths, la technologie, et bien d'autres choses. J'y ai entendu parler d'une autre

école, pas loin du lycée, les Arts et Métiers. En fait j'en avais entendu parler avant.

J'avais deux cousins de la génération de mon père qui étaient ingénieurs Arts et

Métiers, dont un que je voyais assez souvent. En plus, mon père avait fait réaliser une

pièce en fonte à l'École pour réparer son pressoir à vendanges. Cette École, elle était

là, pas loin, et à la Prat's on en parlait beaucoup. Comme au lycée ça se passait bien

pour moi, à la fin de la cinquième j'avais un objectif simple et ambitieux, entrer aux

Arts et Métiers. Je savais que ce serait dur et qu'il faudrait beaucoup travailler mais

cela ne m'effrayait pas. C'était ma deuxième vocation : ingénieur. Et j'avais déjà deux

projets : faire évoluer le moteur à explosion parce que le système bielle-manivelle

avec ses temps morts ne me paraissait pas bon, et construire des maisons en métal

pour qu'elles résistent mieux à la rigueur du temps, aux incendies et aux

tremblements de terre.

Au lycée j'ai découvert les sciences, les maths et la technologie, mais pas

seulement. Je me suis trouvé une troisième vocation : le théâtre. J'aimais déclamer du

Corneille. On m'a fait jouer du Molière. On m'a dit que j'étais bon. De temps en

temps j'allais au cinéma voir Gabin, Ventura, Eddie Constantine. J'allais au théâtre

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voir jouer certains de mes profs, et les Gars des Arts. J'avais envie de faire du théâtre,

envie d'être acteur, mais à condition d'avoir du talent, je pensais en avoir. Ainsi donc

j'avais trois vocations, mais laquelle choisir ? J'avais avant tout une motivation :

entrer aux Arts et Métiers, après on verrait bien.

J'ai tenu mon objectif. Je suis entré aux Arts et Métiers, au deuxième essai.

Ma deuxième vocation était en train de devenir une réalité, sans pour autant que

j'oublie les deux autres. J'ai laissé la première en veilleuse mais elle me paraissait

compatible avec la deuxième. Un ingénieur peut être garagiste. Pour ce qui est du

théâtre, j'ai eu la possibilité de m'essayer sur les planches dans une petite pièce, à

l'occasion de notre baptême, je n'ai pas été bon. Déception. J'ai découvert que ce

n'était pas facile d'être acteur dans une pièce de théâtre, et que j'avais beaucoup de

progrès à faire pour devenir bon. Alors j'ai levé le pied. J'ai eu l'occasion de remonter

sur scène par la suite, mais pas pour jouer dans une pièce de théâtre. Je me suis

concentré sur le métier d'ingénieur avec un nouvel objectif, étudier et construire des

moteurs d'avions. À P4 j'ai choisi l'option moteur thermique et thermodynamique

avec l'ambition d'entrer à l'École supérieure des moteurs, mais je n'ai pas été assez

bon pour y entrer.

Sans l'École des moteurs, pas question de rentrer chez un constructeur de

moteurs d'avions. À défaut je suis rentré chez un constructeur d'automobiles, après un

court séjour dans l'industrie chimique. Chez Peugeot, sans l'École des moteurs, il ne

m'était pas possible d'être à la conception des moteurs, alors j'ai fait autre chose :

beaucoup de mécanique, et beaucoup d'autres choses intéressantes, mais en gardant

toujours le contact avec la conception et l'étude des organes automobiles, même

quand je suis venu à Dijon. J'avais donc toutes les raisons de me sentir comblé.

Pourtant, je me suis toujours demandé si j'avais fait le bon choix parmi mes trois

vocations, et le destin malicieux m'a souvent rappelé les deux autres, dès ma sortie de

l'École.

J'ai fait mon service militaire dans le service du matériel, spécialités

automobiles et véhicules blindés, en quelque sorte garagiste pour l'armée. Du

bonheur. J'y ai appris beaucoup. Ça m'a été très utile par la suite. J'aurais pu faire

carrière dans l'armée, mais j'eus l'occasion souvent de faire de la mécanique

automobile dans la vie civile. Je ne vous raconte pas tout, ce serait trop long,

seulement quelques exemples. Notre première voiture était une vieille 4 CV Renault,

avec en prime quelques soucis mécaniques. Par la suite nous avons eu, en deuxième

voiture, une Vespa 400, petite voiture de la taille de la Fiat 500, pas très fiable. Avec

des voitures comme ça il fallait aimer la mécanique. J'ai dû assez souvent mettre le

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nez sous le capot et retrousser mes manches. Tout à fait banal me direz-vous, ça vous

est arrivé aussi, oui mais, ce qui l'était moins c'est que, malgré la contrariété, je l'ai

toujours fait avec une sorte de plaisir masochiste.

Moins banal, il m'est arrivé, alors que j'étais en poste à Dijon, de travailler

comme mécano dans un garage automobile pendant les vacances, à l'occasion de nos

vacances à l'île d'Oléron. Là, je suis tombé en panne de boîte de vitesse avec notre

305. Le garagiste, un jeune, après quelques tests sans succès, a conclu qu'il fallait

démonter. Comme c'était quelqu'un de sérieux et consciencieux, et que ma voiture

était sous garantie, il ne voulait pas me laisser repartir sans réparer (il me restait tout

de même trois vitesses). Je lui ai donc laissé la voiture. Oui mais, il était seul, pas

d'employés.

Il avait un poste d'essence, habituellement tenu par sa femme mais sa femme

rentrait de maternité, alors il servait l'essence lui-même, et je n'étais pas le seul client.

Bref, ma voiture était immobilisée et rien ne bougeait, alors je lui ai dit qui j'étais et je

lui ai fait une proposition. Je lui ai proposé de me prendre comme mécano pour

réparer ma voiture dans un délai raisonnable. Passé l'effet de surprise il m'a dit

« d'accord ». Il m'a prêté un vêtement de travail et on a commencé. Je l'ai aidé à

débrancher et à déposer les accessoires qui gênaient l'accès à la boîte, et à déposer la

boîte. Quand la boîte a été posée sur l'établi j'ai commencé à l'ouvrir pour voir ce qui

était cassé, puis on a regardé ensemble. Aucune trace de casse à première vue. Là, ma

connaissance du produit m'a permis de trouver rapidement ce qui n'allait pas. Je lui ai

expliqué comment étaient fabriqués les arbres de boîte, où l'arbre était cassé,

pourquoi il était cassé et pourquoi on ne voyait pas qu'il était cassé. Il fallait donc

changer la pièce, et d'abord en commander une, ce qu'il a pu faire immédiatement

malgré l'heure tardive. Quand le nouvel arbre a été reçu j'ai réparé ma boîte en tenant

le garagiste au courant étape par étape, car c'était sous sa responsabilité. Quand j'ai eu

fini on a reposé la boîte de vitesse sur le moteur, remis en place et rebranché les

accessoires qu'il avait fallu enlever, et on est partis faire l'essai sur route, moi au

volant lui à côté. Il était environ 21 heures. Je suis rentré à l'hôtel avec ma voiture.

Tout ça nous a gâché une partie de nos vacances, surtout Janine, qui a été clouée

à l'hôtel pendant toute la durée de la réparation. Pour mes déplacements, n'ayant pas

trouvé de vélos à louer, j'ai loué un tandem. J'ai fait du tandem avec mon fils. Malgré

le désagrément j'étais personnellement heureux, j'avais trouvé du plaisir à faire de la

mécanique. Il y avait un autre heureux, le garagiste. Il m'a dit qu'il venait de vivre un

moment rare dans sa carrière de garagiste. Un ingénieur du constructeur, qui retrousse

ses manches et plonge les mains dans la mécanique pour réparer lui-même sa propre

voiture, chez le garagiste, plutôt que de gueuler parce que ça n'avançait pas, il ne

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croyait pas que c'était possible, et en plus il avait appris quelque chose sur la

fabrication des boîtes de vitesse. Cette année-là, nos vacances étaient placées sous le

signe des problèmes de voiture. Au retour j'ai eu une crevaison rapide, même très

rapide, à l'avant, sur l'autoroute, alors que je roulais et que je doublais un camion pied

au plancher. Il n'y a pas eu de drame mais ça m'a coûté un pneu et une chambre à air.

À la reprise du travail j'ai appelé le service qualité concerné pour le mettre au courant

de mes problèmes. Cette année-là, n'en déplaise à Janine et à notre fils, j'étais content

de mes vacances. Pendant quelques jours j'avais flirté avec ma première vocation. Ça

aurait pu être le déclic pour changer de métier, reprendre le garage de quelqu'un qui

aurait voulu passer la main. Il n'en a rien été. J'avais tellement d'autres soucis que, par

sécurité, je suis resté là où j'étais.

J'ai eu l'occasion de renouer avec la comédie pendant mon service militaire, à

Fontainebleau, à l'école d'officiers de réserve. Je faisais partie des anciens, et les

nouveaux allaient arriver. Comme partout dans ce cas là il y a des cérémonies

d'accueil, que certains appellent vulgairement le bizutage. Celui de mes camarades

qui était chargé d'organiser l'accueil m'a expliqué qu'il voulait faire quelque chose

d'original. On lui avait dit que j'avais fait du théâtre, ça lui a donné l'idée de monter

un grand show : on ferait croire aux arrivants, sans brutalité physique, pendant trois

ou quatre jours, qu'ils allaient vivre l'enfer pendant toute la durée de leur formation. Il

me demandait si j'étais d'accord pour l'aider à organiser ça. Je me suis demandé qui

avait bien pu lui raconter que j'avais fait du théâtre, mais je lui ai donné mon accord.

On a défini ce que l'on allait faire, on l'a expliqué à tout le monde, on a cherché les

acteurs, définit les rôles. Mon rôle à moi était d'écrire le scénario, de préparer la mise

en scène, avec la complicité et l'encadrement de la compagnie, et bien sûr de jouer. Je

me suis régalé, les copains se sont régalés, nos chefs se sont régalés, au point de

donner à toute la compagnie un jour de perm accolé au week-end. Tout le monde a

bien joué son rôle. Quant aux arrivants, ils ont été globalement surpris par un accueil

auquel ils ne s'attendaient pas. Certains se sont posé des questions sur le niveau

d'abrutissement de l'encadrement dans l'armée française. Ça a été le soulagement

quand ils ont compris que c'était du cinéma. Burus en était, peut-être qu'il s'en

souvient. Pour moi, c'était la dernière fois où j'ai eu le plaisir de jouer la comédie.

La dernière fois peut-être pas. Souvent, comme monsieur Jourdain, on fait de la

prose sans le savoir. Un jour, vers la fin de ma carrière, à l'occasion d'un pot auquel

participait mon chef, mes collègues et mon personnel, la conversation a porté un

moment donné sur la vocation. J'ai expliqué que moi, j'étais toujours passionné par la

mécanique et la technique, ce qui m'avait conduit à faire des études d'ingénieur, mais

que j'aimais aussi beaucoup le théâtre. Je leur ai dit « aujourd'hui je fais un métier

d'ingénieur, et parfois je regrette de ne pas avoir choisi le théâtre, mais

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probablement que si j'avais choisi d'être comédien je regretterai aujourd'hui de ne

pas avoir choisi la technique ». Alors la surprise. Un de mes collaborateurs m'a dit

« mais chef, il ne faut pas avoir de regrets, nous ici on voit bien que vous faites les

deux ; d'accord vous faites votre boulot d'ingénieur, mais on peut dire qu'avec nous

vous êtes un sacré comédien ». Ah bon ! Merci les gars. Je n’aurais pas cru. Je n'ai

pas su si c'était flatteur ou si c'était de l'humour un peu caustique, j'ai eu la faiblesse

de penser que c'était plutôt flatteur, mais je me suis dit que dans notre boulot

d'animation d'une équipe on est tous, à un moment ou à un autre, un peu comédien.

Je vous ai raconté tout cela avec un brin de nostalgie. J'espère ne pas vous avoir

trop ennuyés, mais il n'en est pas moins vrai qu'aujourd'hui encore, à la veille de

quitter la scène du Grand Théâtre de la vie, je me pose encore la question. Je pense

avoir fait le bon choix mais je n'en suis pas totalement sûr.

Vous connaissez le dicton « quand on court trois lièvres à la fois on finit par

n'en attraper aucun ». J'en ai tout de même attrapé un, qui a bien voulu se laisser

prendre. J'avais trois vocations, j'en ai réalisé une, j'ai rêvé des deux autres.

M'installer comme garagiste aurait été plaisant, mais risqué. L'occasion ne s'est pas

présentée de reprendre un garage, mais si elle s'était présentée je ne suis pas sûr que

j'aurais osé. Pourtant, si mon instituteur n'avait pas perturbé mes projets du moment,

je serais certainement allé en apprentissage chez le garagiste et j'aurais certainement

fait la cour à sa fille. Si elle avait voulu de moi, et que je sois un bon mécano, je

pouvais devenir garagiste à Tramayes et vivre au pays. J'aurais pu faire du théâtre

amateur, pour le plaisir, dans le cadre de la vie associative, mais ça ne m'intéressait

pas. Quant à en faire un métier, en étant près du haut de l'affiche, ça aurait nécessité

une rupture totale, sans certitude de réussite. Pourtant, si au Tabagn's je ne m'étais

pas découragé un peu trop vite du théâtre, si j'avais persévéré, je pouvais très bien,

une fois le diplôme en poche, changer d'orientation, changer d'école pour apprendre

le théâtre, faire le métier d'acteur et par la suite, pourquoi pas, de réalisateur, comme

notre illustre ancien Henri Verneuil. On a le droit de rêver. Mais j'étais sur les rails

pour être ingénieur et j'y suis resté jusqu'à la gare terminus. Ça s'est pas mal passé,

mais en restant tout de même sur ma faim, très loin de ma passion et de mon ambition

d'origine, avec un gros regret, ne pas avoir pu entrer à l'École des moteurs.

En résumé, pendant toute ma vie professionnelle, j'ai été un peu comme un mec

qui est amoureux de trois filles sans savoir laquelle choisir, qui finit par épouser une

des trois, et passe le reste de sa vie à penser aux deux autres…

*********************** rédigé en 2014

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Bamboul’s Jean Michel BLOUZARD

À l’entrée aux Arts on nous appelait les « spéciaux » et en effet nous l’étions un

peu : j’étais parmi les soixante-cinq lauréats d’un concours parallèle organisé parmi

les Math-Sup et notre première année a eu lieu à Lille pour nous apprendre un

minimum de technique, loin de ma ville de Lyon. Alors que j’entrais en seconde

année à Cluny, mon père est brusquement décédé d’où ma faible participation aux

Traditions à Cluny et une intégration moins aisée.

Après un Service militaire à l’ESTA puis en Algérie où je me suis retrouvé avec

de nombreux camarades, j’ai décidé de faire mieux connaissance avec le continent où

j’avais décidé de vivre depuis ma tendre enfance : l’Afrique. N’ayant pas réussi à

convaincre des camarades pressés de débuter dans leur vie professionnelle à

m’accompagner, je suis parti avec un inconnu, un commercial parlant anglais et qui

s’est révélé bon camarade et meilleur mécanicien que moi pour entretenir notre 2 CV

dans un périple de quinze mois et 100 000 km faisant le tour quasi complet de

l’Afrique. Nous avons étudié l’importance de l’immigration indienne en Afrique.

Marié au retour avec une patiente martiniquaise noire ce qui n’était pas courant

à cette époque, j’ai vite réalisé que le bureau d’études de Travaux publics où je

débutais chez Dumez ne me passionnait guère et, contrairement aux avis du Service

de l’emploi de l’époque qui conseillait de faire d’abord plusieurs années à Paris avant

de partir pour l’étranger, j’ai opté pour un deuxième job au Gabon comme ingénieur

du matériel de travaux publics chez Razel. De fait j’étais en avance sur la tendance

actuelle qui consiste à changer d’employeur et même de branche avec une formation

adéquate. J’ai eu ainsi dix employeurs dans sept pays différents sans parler de la

petite affaire d’exportation reprise à Paris et la société tchadienne que j’ai créée à

Ndjamena. Les sociétés que j’ai dirigées étaient dans l’agro-alimentaire (manioc et

tapioca au Togo, sisal à Madagascar), l’exploitation forestière au Congo, la

conserverie de langoustes aux Bahamas, la plasturgie encore au Togo et

particulièrement l’industrie textile cotonnière au Niger et surtout au Tchad. Entre

deux jobs j’ai suivi une formation de gestion d’entreprise qui manquait à mon cursus.

C’est là que l’on voit la notoriété des gadzarts chez les employeurs : comme

j’avais une bonne connaissance de l’Afrique et de ses chausse-trapes et les techniques

utilisées en Afrique étant souvent faciles à s’approprier par un stage adéquat, les

employeurs faisaient tout de suite confiance à un ingénieur des Arts et Métiers. J’ai

également servi mon pays en tant qu’Agent consulaire dans le sud du Tchad et j’ai

sorti d’affaire de nombreux Français qui, par leur méconnaissance du pays, s’étaient

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mis en difficulté ce qui ne m’a pas empêché d’être expulsé trois fois. J’ai collaboré à

l’administration de ma ville de Sarh, l’ancienne Fort-Archambault, pendant les

guerres du Tchad. J’ai acheté un Cessna pour l’utiliser dans les périodes où nous

étions isolés du reste du monde et, comme au Congo, j’ai piloté l’avion de la Société

allemande pour visiter les chantiers forestiers.

J’ai fait également un peu moins d’un an dans l’humanitaire en Yougoslavie

durant la reconquête des territoires croates peuplés de Serbes : j’étais responsable à

Zagreb du bon acheminement des aides européennes dans les différents camps de

réfugiés au sein de l’ECTF (European Community Task Force) dirigée par un général

basque espagnol.

La réadaptation en France a été difficile mais, par chance, mes enfants se sont

vite habitués à leur nouvel environnement ce qui n’est pas toujours le cas des enfants

d’expatriés, du moins ceux en Afrique. Une longue retraite m’a permis de visiter le

reste du monde ce qui n’est pas sans intérêt. Nous avons eu quelques facilités car

nous avons profité de nos enfants qui ont beaucoup travaillé à l’étranger : Singapour,

Tokyo, Chicago, Madrid, Barcelone et même Londres.

Malgré un Alzheimer déclaré, diminuant lentement les facultés mentale et

physique de mon épouse, nous avons fait ensemble et sans accompagnement deux

tours du monde différents dont l’un passait par l’Inde et l’autre par la Birmanie mais

chaque fois l’Australie, la Nouvelle Zélande et la Polynésie ainsi que l’Amérique,

centrale d’abord, puis du Sud ensuite. Maintenant nous visitons surtout la France et

les pays proches.

Je poursuis des études de théologie à l'Institut Supérieur de Théologie de

Sophia-Antipolis qui dépend de l'Université Catholique de Lyon. Je suis actuellement

en cinquième année et j'étudie diverses matières comme la philosophie, l'exégèse, le

droit canon, la théologie proprement dite, l'histoire de l'église. Je suis devenu

également assez bon en islamologie, sujet d'actualité.

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Pachy Guy BONDIVENNE

Éducation

Après la préparation à Roanne dans la Loire puis à Grenoble, je suis entré à

Cluny en octobre 57 pour les quatre années habituelles de la formation A et M.

Pendant l’été 61, j’ai effectué un stage chez EDF dans la centrale thermique

d’Artix. J’intégrais en octobre 61 l’ENSHEET de Toulouse, inscrit en section

spéciale électrotechnique et en servomécanismes et régulation. Nous fûmes quatre

gadzarts à l’ENSHEET venant de Cluny : Toto, Snep et moi, et de Chalons : Titus.

Après avoir présenté nos respects au Zident du groupe A et M de Toulouse, nous

fûmes happés par un tourbillon : admission es-qualité au groupe, invitations diverses,

propositions de travail à mi-temps, sorties du groupe, bref nous étions très sollicités.

L’année scolaire se termine cependant avec tous les diplômes complémentaires

en poche.

Service militaire

Pendant l’été 62, j’ai fait un stage en présituation à Schneider- Westinghouse,

usine de Puteaux et travaillé à la mise au point de la commande d’une monstrueuse

raboteuse LINE utilisant amplis magnétiques et premiers thyristors de puissance.

En novembre, je suis incorporé dans la Marine, au centre d’Hourtin, suit un

passage à Toulon sur le Jean Bart, pour la formation d’électricien d’armes. Embarqué

sur l’escorteur d’escadre Kersaint, me voilà à la mer, marin chargé de l’entretien

journalier de dix mètres carrés de coursive et poste de combat, soit au PC des canons

de 47mm, soit à ceux de 100 mm, fonction captivante, surtout en exercice par très

gros temps !

Les permissions à Toulouse étant limitées, je pose donc une requête pour faire

les EOR Marine session de printemps ; ma demande est acceptée et me voilà en avril

63 à Rochefort à l’école des EOR Aéronautique navale. Le commandant de l’école

est un gadzarts, tout comme le staff chargé de nous enseigner les disciplines

aéronautiques. Nous sommes 24 en formation dont 22 gadzarts. La formation est

intensive : piloter planeurs et avions à hélice est presque obligatoire et je m’y adonne.

Je reste à Rochefort, affecté à l’école qui doit assurer la formation du personnel

Marine sur un avion embarqué, le Crusader. Ma fonction est de créer un cours sur les

asservissements de l’avion.

À l’occasion du bal annuel du groupe A et M de Toulouse, Escola, gadzarts et

Chef du bureau d’études Concorde me propose d’intégrer Sud-Aviation pour

travailler sur cet avion en développement à Sud Aviation Toulouse et BAC à Filton.

Le poste se précise au sein de l’équipe du simulateur de vol à Toulouse. Banco !

Marié en uniforme le 2 mai 1964, je termine en septembre le service militaire et

regagne Toulouse avec Joëlle pour une première aventure.

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Concorde

Cet avion de transport supersonique était complètement nouveau. L’idée d’un

simulateur de vol conçu à un moment où cet avion n’existait que sur plan était

inconcevable ! Quels étaient les objectifs de ce simulateur ? Apprendre à un équipage

à maitriser un avion dont la forme d’aile en delta était particulière, la dimension sans

équivalent, la motorisation importante et les systèmes innombrables.

L’équipe du simulateur était chargée de l’analyse de tous les systèmes,

concrétisée par la définition de modèles mathématiques représentatifs. Chaque

modèle était ensuite mis en œuvre sur un ensemble de calculateurs comprenant une

unité analogique et une unité numérique formant le plus puissant calculateur hybride

en place en Europe dans les années 60/70.

Le travail commence dans une atmosphère bizarre, d’un coté le poids d’un

règlement intérieur, de relations inter-services concurrents et de l’autre la découverte

de l’avion : rien ne nous échappe, tous les plans sont à disposition, idem pour la

documentation issue de Filton.

Nous sommes au fait de l’aérodynamique problématique à basse vitesse, de la

propulsion insuffisante, du bilan de masse inacceptable, du centrage délicat, des

tracasseries de l’administration US. Mais nous travaillons ferme pour qu’aboutisse ce

projet ; quand la lassitude gagne, nous allons dans le hall où Concorde 001 prend

forme, et nous rentrons regonflés pour gratter nos modèles.

Les voyages à Filton/ Bristol se multiplient ; je rencontre Zamick qui travaille à

la SNECMA sur la réchauffe du moteur Olympus.

Personnellement, je participe au sein de l’équipe à l’étude des systèmes

électrique, hydraulique et carburant ; j’assure seul les modèles suivants : dynamique

du roulage au sol, conditionnement d’air, navigation et surtout propulsion,

régulations et post-combustion. Enfin, je jette les bases pour la simulation des entrées

d’air supersoniques.

Courant 67, le simulateur tourne ! Assis pour une fois à la place du mécanicien

navigant, c’est un plaisir de démarrer les moteurs et de voir les aiguilles s’agiter sur

les cadrans.

Il reste encore la simulation des entrés d’air à mettre en place. Ce sera un très

gros problème : non linéaire, configurations multiples, courbes chahutées. À la

lumière des infos recueillies à Filton, j’ai jeté les bases de l’extension, il faudra du

monde et des moyens ; il est clair que je ne les aurai pas.

Ces trois ans et demi d’un travail passionnant m’ont appris qu’en simulation, la

rigueur de l’analyse était primordiale et la curiosité nécessaire.

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L’établissement des constructions et armes navales de Ruelle

La Marine nationale développe à l’ECAN Ruelle des missiles dont le Masurca

qui équipera les escorteurs d’escadre.

Le même jour en juin 67, huit ingénieurs civils et moi-même, recrutés par la

SOPEMEA, intègrent l’ECAN. Je suis nommé responsable de la partie hybride du

centre de calcul avec un bon salaire et une promotion en position 3a, c’est inespéré !

Au centre de calcul, trône une unité analogique Beckman plus puissante que celle

en place à Sud-Aviation pour Concorde. La partie digitale est obsolète mais

fonctionnelle et doit être remplacée à terme par un calculateur CII type10070.

Question simulateur, rien à changer sur la partie digitale qui traite les

mouvements des centres de gravité. Sur la partie analogique, qui traite la dynamique

de l’autodirecteur, le mouvement autour du centre de gravité, et tous les systèmes :

tout est à faire. Le panneau de câblage du Beckman fait 1,5 m2, s’y entasse une forêt

de câbles pesant 35 kg disposés sans ordre ni méthode, en absence de toute gestion de

configuration.

Je m’attelle à la définition modulaire d’un modèle de référence avec tests de

contrôle incorporés en plateforme, les techniciens s’épuisent à sortir trois trajectoires

par semaine. Durieux, mon commandant, constate l’implication de l’équipe mais rage

au vu des résultats limités.

Cette définition acquise, je lui propose une solution radicale : recâbler le panneau,

il accepte. Les techniciens du Beckman se ruent sur la bête pour la dépecer. Puis

commence la reconstruction et rapidement il devient possible de faire la première

trajectoire. Pari gagné ! J’impose une gestion de configuration rigoureuse. La

production de trajectoires est dopée. On peut donc sortir à temps les programmes de

vol des deux prochains tirs d’évaluation du Masurca.

Au dépouillement des tirs, un constat s’impose : en vol, l’engin est stable en

roulis, ce n’est pas le cas en simulation où la stabilité est marginale. Très vite, je

suspecte la représentation aérodynamique du roulis. Une erreur a été faite par le

bureau d’études dans le dépouillement des essais de soufflerie ; rectification faite, la

reproduction du vol devient parfaite.

On prépare alors les tirs réels autoguidés sur cible, normalement la probabilité

d’un impact franc semble importante mais la réalité est différente car le missile passe

en dessous et en arrière, ce n’est pas normal. La simulation va apporter la réponse. La

diminution d’un seul paramètre de gain dans l’autodirecteur simulé permet une

reproduction exacte du vol. Sur le missile tiré, ce gain n’a pas la valeur nominale

suite à une modification intempestive de l’électronique de vol. L’analyse fait du bruit

mais Durieux appuie et force la rectification.

Le tir suivant donne lieu à un impact franc. Je suis invité au BE pour

l’arrosage ; il n’y a qu’un mécontent, le responsable du CT20 ; il hurle car a perdu sa

cible !

Tout va bien ; le BE nous demande de déterminer le volume d’un accumulateur

destiné à épauler la génération hydraulique limite en fin de vol. Belle étude avec

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introduction du bruit de transmission. Le volume minimal est déterminé et

accessoirement, on rédige une recommandation pour le contrôle de la stabilité des

servo-commandes livrées à l’intégration.

Durieux me demande de participer à l’implantation du futur calculateur 10070

mais cette implantation attendue ne se fera pas. En juin 68, sur ordre du ministère de

la Marine, la SOPEMEA licencie le personnel en place à Ruelle. Personne ici dans

l’administration n’est au courant. L’ECAN va bien s’efforcer de ré-embaucher le

personnel sur des contrats locaux à conditions identiques sauf pour la retraite. Suit la

décision de ne pas implanter le 10070 à Ruelle !

La perspective d’un centre de calcul moderne vient de s’écrouler. C’est la

débâcle !

Centre national d’études spatial : CNES

Depuis 1969, le CNES recrute à tour de bras pour ses centres parisiens,

Brétigny et CST à Toulouse ; cette option m’intéresse et j’y succombe.

Épisode fusées-sondes : cette division cherche son responsable pour

l’industrialisation des fusées sondes à poudre. Le programme initial des tirs est

incroyable, il sera ramené à quarante tirs pendant cinq ans : je prends !

En fait il s’agit d’un « meccano » conçu par Sud-Aviation Courbevoie à partir

duquel par assemblage, on constitue cinq fusées différentes mono ou bi-étage.

L’industrialisation ne pose pas de problèmes sauf que la direction nationale des

Poudres impose un changement de poudre. En conséquence, il faut requalifier les

fusées.

La fabrication en série est lancée, les tirs se succèdent sans échec. Je découvre la

Guyane à l’occasion d’une mission, c’est un choc. J’y retourne plusieurs fois et à

l’occasion d’un tir de Centaure pour les Indiens de l’ISRO, ces derniers me sollicitent

pour résoudre un problème sur leur charge utile (voir la suite à la fin de mon

parcours).

Le CNES utilisait aussi une fusée à liquide, Véronique, extrapolée du V2

allemand. Pour raisons politiques, il fallait favoriser cette branche liquide. Au terme

d’une comparaison faussée, Véronique remportait la joute et la commande des

fusées à poudre en fut réduite.

Je devais chercher un autre point de chute.

Épisode matériaux mécanismes : ingénieur d’étude dans ce département, je vais

m’initier à la conception de la lubrification sèche des mécanismes spatiaux. Cette

technique acquise, j’ai traité plusieurs applications pour différents projets.

Le satellite D5a, emporte le premier moteur à hydrazine et son réservoir en

développement à la SEP de Bordeaux. Le chef de division me demande d’intervenir

sur un problème préoccupant : une soudure défectueuse sur le réservoir en titane. La

question résolue, apparaît un problème de filtration pendant le remplissage du

réservoir avec l’hydrazine. La cause est identifiée au microscope électronique et je

termine ma prestation à Kourou en tant que responsable du remplissage.

Au retour, je suis désigné pour participer à un groupe de travail comprenant

BNAE, CNES et quelques industriels du spatial. Ce groupe est chargé de la rédaction

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du premier document français sur la gestion de la qualité. On travaille six mois pour

sortir un document fortement inspiré de l’original américain, NHB5300B, c’est un

succès auprès des industriels et pour moi, une implication définitive aux principes de

la qualité.

Projet Météosat : sur une idée du CNES, l’Agence spatiale européenne a mis

en place à Toulouse, une équipe européenne pour la réalisation d’un

satellite météorologique, Météosat.

En 72, je rejoins l’équipe en tant que responsable structure, mécanisme et

thermique du radiomètre, ce télescope qui prend les photos de la Terre. Il y a dans ce

radiomètre des mécanismes ultra précis assurant le balayage et focalisation, une

structure rigide quasi indéformable, un radiateur passif destiné à refroidir les

détecteurs à la température de l’azote liquide. Matra est maître d’ouvrage et j’y

retrouve un gadzarts, P. Amadieu ; les difficultés ne manquent pas !

- Pour mesurer la précision du balayage, seule la méthode par interférométrie laser

est compatible, elle montre que les premières vis du balayage sont hors tolérances ;

les suivantes seront fabriquées sur une machine à pointer, neuve, dédiée.

- Les Américains lancent plusieurs satellites d’observation comportant un radiateur

passif conçu par AD Little ; après un temps en orbite, le radiateur passif ne refroidit

plus. Le constructeur invité à Toulouse donne la raison : la pollution du radiateur par

le dégazage du satellite est responsable de la perte de la fonction. Le projet introduit

un programme de propreté draconien auquel je suis associé.

- J’interviens chez RMB en Suisse pour la mise au point d’une procédure de dépôt

de carbure de titane sur billes et bagues de roulement miniature.

- Le mécanisme de balayage est classiquement lubrifié à l’huile, il doit donc être

parfaitement étanche et cette obligation implique des développements spécifiques :

soufflets à ondes rapportées en inox, incrustations alu/inox, procédure de

remplissage, contrôles à l’hélium…

- Le radiateur passif développé chez Bertin doit positionner exactement les

détecteurs au foyer du télescope et de les refroidir à 77°K. Pour cela, une surface liée

aux détecteurs, et fortement émissive, rayonne vers l’espace, on restreint tout apport

d’énergie extérieure. On se casse les dents sur les suspensions en fils de verre où

convergent des contraintes parfaitement opposées. Mais les essais thermiques à la

faculté de Liège sont concluants ; la température descend en dessous de la

spécification, il faudra prévoir un réchauffage en vol !

Tous problèmes résolus, le prototype du radiomètre est soumis aux épreuves de

qualification qu’il franchit avec succès. La fabrication des deux modèles de vol

commence, ils sont montés sur les satellites MV1 et MV2 et je termine ma prestation.

Météosat MV1 sera lancé avec succès ; son service sera parfait, de même pour

MV2. Une série de cinq autres exemplaires sera construite à l’identique et exploitée

pendant dix-huit ans. L’image de la Terre et de sa couverture nuageuse est rentrée

dans les chaumières !

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Département électromécanique à Kourou : me voilà à la tête d’un des plus

gros départements du CSG avec quatre-vingt personnes en trois sections. Le

département est chargé de l’entretien du parc roulant, de la climatisation, du système

électrique, de la mécanique, etc. De plus, il faut assurer les recettes des installations

que termine la division EIS de Toulouse pour l’arrivée prochaine d’Ariane 1. Tout

roule tranquille, mais le directeur me propulse brutalement à la tête du département

étude et travaux neufs !

Département études et travaux neufs : ce département traite les travaux locaux

en climatisation, hydraulique, électricité, communications filaires, infrastructure,

topographie. En fait, on peut travailler en complète autarcie depuis l’implantation

d’un bâtiment, jusqu’à sa recette. Il y a du boulot mais ça reste classique.

Sur l’ex pas de tir Europa, les détachés de la division EIS du CST, mené par

M.Mignot, Cl 61, terminent les transformations nécessaires au lanceur Ariane 1.

Mignot doit regagner Toulouse pour le projet Ariane 4 ; il me charge des dernières

finitions. Les tâches se multiplient et deviennent plus complexes.

Impliqué maintenant sur les réseaux fluides d’Ariane, je découvre un état de

pollution inacceptable et organise le grand nettoyage. Il manquait des filtres classe

1 micron en 125 mm de diamètre ; ils furent trouvés chez le ferrailleur de Kourou qui

avait acheté les installations de l’ex fusée Europa. Reconditionnés, ils étaient

parfaits. Mais sans traçabilité, j’ai dû convaincre pour la qualité !

Un bâtiment charge utile avait été construit à l’époque de Diamant ; il doit être

mis à niveau pour Ariane et EIS nous sous-traite le suivi. Le jour de la recette, arrive

l’ordre d’arrêter car le premier client d’Ariane, Intelsat, a besoin de plus de hauteur

dans la salle d’intégration. On repart pour des travaux d’ampleur.

Le jour du tir approche, le matériel est prêt, Arianespace maitrise les opérations,

au CSG les hommes s’entrainent en répétition, je suis adjoint logistique en salle de

contrôle. La première tentative de lancement est avortée, mais Ariane décolle le 24

décembre 1979 pour un vol nominal.

Ce succès entraine l’effervescence au CSG car il faut envisager des tirs

commerciaux rapprochés et faire les travaux dans l’inter-campagne. Le département

est fortement sollicité : container de transfert des charges utiles, création d’une zone

propre dans la tour Ariane, transformation du bas de la tour pour Ariane II et

Ariane III, mise en place d’une ceinture de sécurité autour des zones sensibles, le mât

Ariane est re-profilé pour éviter une collision au décollage avec le lanceur.

Mon département évolue et gagne la section charges utiles qui fournit

l’assistance aux clients. Trois nouveaux bâtiments S1 bis, S2 et S3 destinés aux

charges utiles sont conçus par EIS ; sur place, il faut dévier la route nationale,

préparer les implantations et le suivi des travaux nous incombe.

Le tir suivant est un échec ! Le moteur défaillant tombé en mer doit être récupéré

pour expertise ; avec d’autres bateaux réquisitionnés, je participe aux recherches avec

le mien et suis sur place pour filmer l’opération quand le chalutier sort le moteur de

l’eau.

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J’assisterai à trois autres tirs. La charge de travail au CSG augmente sans que

suivent les effectifs ; il devient difficile d’organiser le travail du département avec

congés, récupération, vacances. L’aspect formalisme s’implante et on est loin de

l’époque pionnier où tout était à inventer.

Les enfants grandissent et ont d’autres besoins ; le retour à Toulouse s’impose

après cinq ans et demi, on est en décembre 82.

Centre spatial de Toulouse, département Intégration Lancement : l’Agence

spatiale européenne sous-traite au CST la préparation d’une partie de la charge utile

d’Ariane 401 qui comprend un assemblage de trois satellites : Meteosat P2 et deux

satellites de télécom amateur. Je suis chargé d’encapsuler ces derniers dans une

structure porteuse conçue avec Latécoère et Dassault. La qualification en vibration

donne lieu à une première, elle est acquise par calcul Nastran à partir de modèles

individuels recalés en essais. À Kourou, je conduis les opérations de la structure

porteuse et suis la dernière personne à voir Météosat P2 avant que ne se referme la

coiffe.

La NASA et le CNES décident de s’associer pour le projet Topex Poséidon dont

la finalité est la mesure de la hauteur de la mer par rapport à un référentiel identifié.

La NASA fera le satellite et le CNES fournira, outre le service de lancement par

Ariane 4, des équipements redondants. Une équipe CST est formée ; j’y ai ma place

comme chargé des interfaces satellite-lanceur. Les équipes NASA et CNES se

retrouvent à Pasadenna ou à Toulouse. À la première réunion, il m’appartient de

présenter Ariane 4 et les installations du CSG à un auditoire US septique, pour le

moins.

Question interfaces avec le lanceur, j’ai ordre de tout faire pour qu’il n’y ait

aucun problème et à ce titre, j’ai porte ouverte à la division lanceur d’Evry qui

satisfait toutes les demandes du client.

Dans l’intervalle, j’ai été nommé chef du département IL dont je conduis

maintenant la destinée et les travaux d’assistance aux divers projets du CST. Je quitte

mes fonctions quasiment aspiré par le projet Hermès.

Hermès au CST : en fin d’année 1987 sur proposition de l’ESA, les états

européens décident un programme pharaonique incluant le lanceur Ariane 5, l’avion

spatial Hermès, le laboratoire spatial européen Colombus. Le CNES est maître

d’œuvre pour Ariane 5 et Hermès, ce dernier sera traité à Toulouse. Dans l’équipe

projet dirigée par P. Couillard, je suis responsable des interfaces avec le lanceur et

coté lanceur, Pilon est aussi chargé de suivre l’avion. L’Aérospatiale est maître

d’ouvrage des deux projets.

Le problème n’est pas simple : outre sa masse, l’avion fixé au dessus du lanceur

est déstabilisant : le lanceur a une performance limitée et induit de très fortes

contraintes sur l’avion et la sauvegarde de l’équipage. L’accident de Challenger en

1986 impose un scénario de sauvegarde valable depuis le pas de tir jusqu’à la

séparation de l’avion. Je propose des aménagements aux spécifications d’interfaces

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pour faciliter notre conception mais l’autorité lanceur résiste pour ne pas détériorer la

fonction première d’Ariane. Néanmoins, un compromis permet de présenter une

définition réputée viable du composite lanceur-avion spatial.

Pilon et moi participons à plusieurs groupes de Sauvegarde dont un à très haut

niveau, on y voit même Turcat, l’ex pilote de Concorde ; malgré tout les efforts de

ses membres, le scénario de sauvegarde reste incomplet. Le risque de la foudre sur le

pas de tir est reconnu important. L’ONERA propose des solutions nouvelles pour la

prédiction du risque, l’amélioration des protections sur le pas de tir et la minimisation

des conséquences sur le lanceur et l’avion ; un contrat est passé avec l’ONERA et

j’en suis le correspondant pour Hermès.

Lors de sa rentrée l’avion traverse à grande vitesse et faible pente les couches

denses de l’atmosphère ; l’estimation de la variabilité temporelle et spatiale de la

densité est imprécise, introduisant des incertitudes graves sur les flux thermiques

auxquels va être soumis l’avion. Le scientifique de l’aéronomie, auteur de la

caractérisation des années 60 est contacté : il va, au titre d’un nouveau contrat que je

vais suivre, répondre à notre besoin spécifique.

Hermès à l’Aérospatiale : P. Couillard quitte le CNES en1990, il est nommé à la

direction de la société EuroHermèspace formée par l’Aérospatiale, Alenia, Dassault

et Dasa, laquelle prend la maitrise d’ouvrage d’Hermès.

Je vais le suivre en 91 avec en final la responsabilité des opérations vols

Hermès. Avec les difficultés de conception de l’avion, la masse et le coût

difficilement maitrisés, apparaît un non sens absolu qui consiste à vouloir imposer

dès le premier vol une charge utile scientifique. Définir les opérations en vol de cette

charge n’a aucun sens, je me noie dans la paperasse mais il faut faire semblant vis à

vis de l’ESA !

Le projet tire sa dernière cartouche avec une version d’Hermès entièrement

automatique forcément moins chère : plus de pilotes, de verrières, de charge utile,

objectif limité à la démonstration du vol, de la rentrée et de l’atterrissage

automatique. À cette époque, les Russes, offrent les plus belles pièces de leur

industrie spatiale, fournissent documentation, proposent leur aide… Avec les

collègues de l’Aérospatiale, je lance une pré-étude sur le remplacement des boosters à

poudre d’Ariane 5 par les boosters à liquide de leur fusée Energia ; c’est faisable, les

performances sont maintenues et la propulsion de tous les moteurs peut être stoppée :

le scénario de sauvegarde devient possible et il est complet. Trop tard, parfaitement

hérétique, insuffisant, et sans doute cher.

Le couperet tombe en novembre 92 avec l’arrêt du programme. Les équipes sont

dispersées ; pour moi, c’est le retour au CST après quatre ans fantastiques d’une

implication totale.

Les dernières années au Centre Spatial de Toulouse : je trouve un point de

chute dans une division aux objectifs fumeux et reste incapable de me rappeler

qu’elles y furent mes activités mis à part la présidence d’une commission d’enquête

sur l’échec d’un vol de ballon !

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Division micro satellites : cette activité nouvelle fut envisagée pour compléter

les gros programmes du CNES. Ces petites plateformes étaient réclamées par les

scientifiques pour leurs expériences embarquées. J’accepte un poste dans cette

division qui comprend aussi celle de conseiller technique auprès de la délégation

française à l’ESA.

Pour les microsatellites, je participe à la définition du concept. Il y a un hic :

comment lancer ces charges utiles ? Je suis chargé d’inventorier et d’évaluer les

solutions possibles qui vont d’Ariane 5 jusqu’aux petits lanceurs proposés par les

Russes, les Brésiliens, les Indiens…

Le cas Ariane 5 : ce lanceur propose une plateforme sur laquelle on monte

jusqu’à six micro-satellites qui sont généralement délivrés sur une orbite de transfert,

(apogée à 36000 km), laquelle n’intéresse aucun scientifique. Comment modifier

cette orbite sans dépense d’énergie. Je trouve une solution avec le freinage

aérodynamique. En vue d’une application, la division fait une proposition aux

Brésiliens qui souhaitent réaliser un micro-satellite en collaboration. Je vais donc

plusieurs fois à San José au Brésil, malheureusement sans succès car ils n’ont pas les

moyens financiers.

L’option indienne de L’ISRO : les Indiens développent un lanceur qui en plus de

sa charge utile principale peut accueillir deux micros-satellites, mais la séquence de

séparation associée conduit au télescopage des satellites ! Je prépare une solution et

pars la présenter avec la délégation du CST que l’ISRO a invitée en Inde afin de nous

convaincre de la réalité de leur lanceur. La question de séparation est vite réglée et

nous partons visiter leur centre de lancement : c’est un choc, il est strictement

semblable aux installations Ariane1 à Kourou !

Finalement, nous sommes reçus par le directeur de l’ISRO. Après les échanges

protocolaires et les vœux pour une prochaine collaboration de nos centres, il me

prend à part et me rappelle l’épisode guyanais et l’aide que je lui apportais trente ans

auparavant !

La boucle est fermée, il est directeur, je ne le suis pas… mais j’ai vécu des

expériences inoubliables qui se sont terminées en 2000, année de ma retraite !

******************

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Toux Henry BONTOUX

Je n’étais pas programmé pour l’École des Arts et Métiers et encore moins pour

exercer le métier d’ingénieur. Cet handicap explique la singularité de mon parcours.

Adolescent, mes goûts me portaient vers la philosophie et la littérature et de

plus je comptais sur ces deux disciplines pour mieux comprendre l’homme et la vie.

À quinze ans, atterrissage brutal, imposé à l’École pratique de Cluny. Avec une

nostalgie constante pour les lettres, j’ai joué le jeu d’être un acteur compétent des

sciences et de la technologie.

À la retraite, je peux dire qu’il m’a été beaucoup donné. J’ai beaucoup reçu,

c’est la merveille de mes six ans à Cluny. Je n’ai pas exercé les métiers littéraires que

je souhaitais, mais j’ai exercé plusieurs métiers avec mon style, ma personnalité.

Cela, je le dois aux deux écoles de Cluny.

Mon parcours illustre la pertinence de l’institution « école » de l’époque et

l’humanisme des enseignants. La description de mon parcours se veut le témoignage

d’une profonde reconnaissance.

Ce que j’ai reçu.

Tout parcours est le reflet de la dualité « vie et métier (carrière) », toujours, ô

combien, en équilibre instable.

En classe de première, une jeune et belle professeure de littérature m’aida à

entrer dans l’univers de la technique en préservant mes goûts littéraires.

En terminale, le professeur de maths transforma les mathématiques en art.

Chaque cours était un spectacle : il savait lever le rideau. J’étais au théâtre, j’étais

ébloui. Par lui, je découvrais que chacun peut devenir artiste quelle que soit la

discipline, quelle que soit la pièce à jouer.

Aux Arts et Métiers, dès le premier trimestre, une découverte bouleversa ma

manière de percevoir et de penser, je l’exploite encore aujourd’hui. Les technologies

s’enchaînaient, chacune s’étalait sur trois à cinq semaines. L’objectif était d’explorer

le maximum de technologies. C’est à la troisième que le déclic se produisit. Chaque

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technologie utilise son vocabulaire, ses expressions, ses segments récurrents de

raisonnements et de méthodologie. Chaque technologie possède un langage. Nous

avions un professeur pour le cours magistral, un pour le laboratoire et un pour

l’atelier. Les trois spécialistes pratiquaient le même langage mais avec trois niveaux

de discours différents. Dès lors, je prêtais une attention extrême au langage et aux

niveaux de discours de chaque technologie, je m’amusais à les comparer. Je

découvrais le pouvoir des mots, leur pouvoir de jubilation. Cela m’a servi au cours de

toute ma carrière et en particulier pour toutes mes négociations professionnelles.

Langages et niveaux de discours, sans le savoir à l’époque, me convertissaient à la

linguistique (je ne connaissais pas la linguistique en tant que science du langage).

Cette découverte s’enrichit des langages des sciences dures et de la littérature (cours

magistraux sur Duhamel, Gide, Giraudoux, Malraux, Mauriac, Montherlant et Proust,

beau programme de Monsieur Degueurce).

Tout au cours de ma formation et dans mes différents métiers, ma force

instinctive de survie a été de jouer le jeu en y mettant mes tripes, mon cerveau et mon

cœur (volonté, intelligence, générosité).

Et puis, la formation d’ingénieurs est sans doute celle qui ouvre à la plus grande

variété des activités, des métiers. Un don à la fécondité quasiment infinie.

Pourquoi ? La polyvalence des connaissances, l’apprentissage du processus –

conception, organisation, production, commercialisation – le management humain

développent l’esprit d’entreprendre. Le moteur est là : entreprendre. Il fonctionne

pour mettre en œuvre toutes les activités, pour créer, pour oser prendre des risques,

pour affirmer son style.

La formation Arts et Métiers = formation d’ingénieur + culture Arts et Métiers.

La transmission des valeurs humanistes des Arts et Métiers m’a initié à la

double construction du moi propre et de l’être social. Proclamons haut et fort que ces

valeurs font la singularité de l’ingénieur Arts et Métiers.

Cette double initiation m’a aidé dans les épreuves de la dualité « vie et métier ».

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Mes métiers

Directeur d’un service méthode de la Société Berliet, je dirigeais une douzaine

de techniciens supérieurs, nous étions chargés de l’automatisation des machines-

outils. Le point d’orgue a été une mission aux Etats-Unis pour effectuer des audits

technologiques de fabricants de machines-outils, de Ford et de General Motors. Les

Américains m’ont surpris, séduit par leur dynamisme et leur plasticité. Il m’en reste

quelque énergie.

À trente ans, ma dualité « vie et métier » connut une crise existentielle violente.

J’avais fait le tour de l’automatisation et surtout j’aspirais à plus de liberté. J’ai

éprouvé charnellement le constat de George Steiner : « Tout accès à l’existentiel est

linguistique.» J’avais besoin d’un transfert linguistique de la technique à l’existentiel.

J’abandonnais la technologie et les contraintes du privé pour entrer comme professeur

certifié de mathématiques à l’Université Claude Bernard Lyon I. Ne pouvant pas

réussir un concours de lettres, les maths m’offraient leurs langages plus attrayants,

pour moi, que ceux des autres sciences. Mon classement (1er de France) m’a permis

d’être détaché dans l’enseignement supérieur. Mes cours magistraux en

amphithéâtre ? Je ne me suis jamais, jamais, considéré comme professeur, je suis

toujours resté un ingénieur qui se transformait en acteur pour jouer ce que l’on

attendait de lui. La Mathématique, c’est l’artiste de terminale. Je voulais reprendre

des études en lettres.

Mais, un mouvement irrationnel m’a entraîné. Pèle mêle : je gardais des

activités industrielles et inaugurais un cours de Recherche opérationnelle au CESI

(Centre d’études supérieures industrielles) ; j’obtenais un DEA (Modèles

probabilistes et techniques informatiques et statistiques pour l’aide à la décision) ;

sept ans de recherche universitaire sur les mesures d’entropie en théorie de

l’information avec une publication internationale sur la découverte d’une relation

d’ordre entre quatre mesures d’entropie utilisée par France Télécom et les

laboratoires spécialisés en toxicologie. Toutes ces activités purement mathématiques

n’étaient pas celle d’un matheux mais d’un linguiste des mathématiques. Les

chercheurs de mon équipe ont été étonnés de ma découverte (tout le monde s’était

frotté au problème) mais ils l’ont été encore plus quand je leur ai révélé que ma

démarche avait été uniquement linguistique et esthétique : oui, j’ai analysé

l’esthétique de quatre fonctions d’entropie, mon choix esthétique correspondait

exactement à la relation d’ordre. Il me fallut plus de six mois pour faire la

démonstration : passer du langage des mathématiques à leurs outils. Ce fut une

jubilation totale !

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La maudite dualité vie-métier m’a empêché de terminer ma thèse de maths. Il y

a eu une longue période grise : l’enseignement me procurait toujours du plaisir ainsi

que les activités du CESI mais j’abandonnais avec regret la recherche. Dans la

dualité, la vie l’emporte quelquefois sur le professionnel et trop souvent le

professionnel l’emporte sur la vie, au détriment de la famille… regrets, remords.

Le soleil de Liancourt

Dans ces années grises entre 40 et 50 ans, un soleil, tel celui d’Austerlitz,

éclaira ma dualité toujours en équilibre instable. Un descendant du créateur des Arts

et Métiers, artiste extraterrestre, Jean-Dominique de La Rochefoucauld publia en

1980 :

Le duc de La Rochefoucauld-Liancourt

de Louis XV à Charles X, un grand seigneur patriote

et le mouvement populaire

J’entrais en compagnonnage avec le duc de La Rochefoucauld-Liancourt. J’eus

le privilège d’avoir de longues conversations émouvantes avec Jean-Dominique de La

Rochefoucauld alors qu’il était très malade.

La Société a jugé mon livre « De la Révolution à la Modernité : le duc de La

Rochefoucauld-Liancourt » trop didactique. Je le réécris mais chaque phrase est dans

l’incapacité de plaire en même temps à un grand public (vœu de Roland Vardanega)

et aux gadzarts. Accouchement dans la douleur. Le groupe de Lyon a publié mes

quatorze chroniques. J’ai donné plus d’une dizaine de conférences. Mon

compagnonnage continue, je l’accueille comme un don des Arts et Métiers.

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Mon dernier métier professionnel

Ma PME dans l’Université

J’ai la cinquantaine, mon statut est celui de professeur de mathématiques

agrégé. Rares sont les semaines où je ne suis pas dans une entreprise. L’Université

me charge de promouvoir les programmes européens ERASMUS et COMETT. IUT

INTERNATIONNAL m’envoie en Syrie et au Pérou pour vendre le modèle des IUT

français. Je suis chargé de la formation continue d’un IUT et choisis uniquement

l’intra-entreprise ce qui me permet d’intervenir dans leurs projets d’innovation et

leurs plans sociaux.

Si j’avais suivi la formation universitaire des professeurs, je n’aurais jamais pu

m’engager dans toutes ces activités. Dans les Chambres consulaires et les entreprises,

je ne me suis jamais présenté comme professeur mais comme ingénieur des Arts et

Métiers.

Enfin, dernière étape de ma carrière, disons-le tout de suite les dix meilleures

années, un président d’Université me décharge de toutes mes obligations

d’enseignant et m’autorise à créer une PME au sein d’un IUT. Les présidents

successifs acceptèrent tous ce modus vivendi.

Ma PME embauche une assistante (deux maîtrises – droit social et direction des

ressources humaines), une comptable (ex-chef de production de 200 employés, elle a

eu un rôle déterminant, j’allais dire décoiffant, auprès des professeurs trop

fonctionnaires), une secrétaire qui s’est intégrée remarquablement dans les deux

espaces : université-entreprises. Je convaincs une dizaine d’enseignants-chercheurs

d’être chef de projet. Je bénéficiais des compétences des 2000 chercheurs de

l’Université plus ceux des Écoles d’ingénieurs de Lyon (ils m’ont sauvé plusieurs

contrats).

Ma mission première définie par les présidents d’Université : créer des

partenariats avec les Chambres consulaires et les multinationales.

Je ne peux pas dire « j’ai inventé mon métier », non, je me suis retrouvé, sans le

vouloir, naturellement, et cela m’allait comme un gant : consultant universitaire. Ce

métier semblait être fait pour moi. Vous l’avez compris, c’est l’aboutissement de la

culture Arts et Métiers, de l’influence des hommes qui nous ont formés. J’éprouve

une véritable affection pour plusieurs d’entre eux.

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Consultant universitaire, je retrouvais mon métier d’ingénieur, à ma manière. Je

vivais Le mythe de l’éternel retour de Nietzsche.

Bilan :

- Mes partenariats principaux : la Métallurgie (l’UIMM, ce fut prodigieux, des

hommes efficaces et humains), Michelin (les résultats ont été d’une ampleur

inattendue), EDF, France-Télécom, CCIE de Lyon, ADEFIM, AGEFOS-PME,

OPCAREG… je ne peux pas tous les citer. Plusieurs dirigeants sont devenus

des amis.

- Les actions : innovations en entreprises, huit licences professionnelles (les

habilitations ont été obtenues grâce à nos partenaires, ce sont eux qui les ont

présentées au ministère de l’Éducation nationale) enfin l’ITII (Institut des

techniques de l’ingénieur de l’industrie. C’est mon point d’orgue de l’équilibre

université-entreprises).

- Facilitateur : j’étais de plus en plus invité comme facilitateur dans les

négociations de projets qui nécessitaient des partenariats de compétences et

financiers. Je crois que ma culture générale en était la cause.

À la retraite

Mon enseigne : apprendre à lire et à écrire.

Études quasiment quotidiennes : littérature, philosophie, théories de la

complexité et des émergences, neurosciences, linguistique et grammaire (mes deux

maîtres d’armes), et puis j’observe le changement de civilisation en cours.

L’année prochaine j’aurai quatre-vingts ans : je compte m’offrir les trois livres

que j’ai écrits :

- Trajectoires / Contes et récits de notre temps.

- Arts et Métiers / Un grand homme, des ingénieurs (titre provisoire qui

remplacerait De la Révolution à la Modernité).

- La biographie du peintre Robert Di Credico (voir Facebook et Google).

- Le quatrième très avancé a pour titre Bifurcations.

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Préconisation en utopie

J’ai la conviction que la formation d’ingénieurs dans un monde à complexité

croissante et aux émergences imprévisibles est le meilleur moyen de devenir une

honnête femme, un honnête homme du XXIème

siècle. L’expression « formation

d’ingénieurs » est réductrice. Dans ce monde déboussolé, c’est la formation qui

permet d’inventer son métier et son style. « Formation d’inventeur de son métier » est

disgracieux. Je vous donne en héritage cette énigme linguistique !

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Zamik Jean-Pierre CHAMPAGNON

Natif de Cluny, il y fit toute sa scolarité, de l’école primaire jusqu’aux Arts, après

un passage obligé par la Prat’s, le lycée local, gros pourvoyeur d’effectifs pour l’EN-

SAM. Concours réussi à sa première tentative, il concrétisait ainsi son rêve : entrer

dans cette grande École, dont il voyait les bâtiments depuis la fenêtre de sa chambre,

son père instituteur, ayant un logement de fonction dans le parc abbatial voisin.

Actif et très vite impliqué dans la vie de promo, il fut élu au comité de Traditions

et en devint le major (le «MT») ; il eut à cœur de remplir son rôle avec beaucoup

d’intelligence et de conviction, en fervent défenseur de nos valeurs. Il fut aussi – et le

resta par la suite – notre «chef de chœur», doté à la fois d’une voix puissante, donc

très reconnaissable, et d’un répertoire sans égal.

Sa carrière fut remarquable : elle se déroula en totalité à la Snecma, très grande

spécialiste des réacteurs d’avion (groupe Safran). À son arrivée, il fut affecté dans le

service de Pierre Alesi (Ai. 52) et participa à la création et la mise au point du moteur

M56. Par la suite, il intégra le programme du CFM56, fameux moteur conçu en

collaboration avec General Electric et devenu un standard mondial (25000

exemplaires à ce jour) pour différents avionneurs.

Alors, on lui confia la mise en place du réseau de sous-traitants et partenaires

(dont Alstom, représenté par notre camarade de promo Georges Chatras-Totor),

nécessaire pour assurer la production intensive de ce moteur à succès. Nouvelle

mission accomplie – réussite qui le hissa à la stratégique direction des achats et

approvisionnements, comme marque de reconnaissance de ses compétences

techniques et commerciales.

Retraité, il n’eut de cesse de revenir dans son département natal, la Saône-et-

Loire, en acquérant une maison dans ce beau village qu’est Milly-Lamartine, entre

Cluny et Mâcon.

Ce dévoreur de livres put également s’adonner à sa deuxième passion : le travail

du bois. Équipé d’un atelier et d’un matériel quasi professionnel, il réaménagea sa

maison en créant un studio pour chacun de ses deux fils ; il réalisa également quantité

de meubles, dont d’imposantes bibliothèques pour loger ses innombrables livres.

Malheureusement, cette retraite idéale fut endeuillée par la mort de son jeune fils,

Benoît, en 2004 ; il eut beaucoup de mal à s’en remettre, malgré l’amour des siens et

l’amitié de ses camarades de promo.

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Totor Georges CHATRAS

Contrat de travail conclu avec la société Rateau le 27 août 1961 avec comme

condition : Rateau prend en charge le coût de mes études à l’INSTN Saclay-Génie

atomique-branche « thermique et mécanique des réacteurs », en contrepartie d'un

engagement à travailler cinq ans pour cette société.

Je m’engage dans la Marine en octobre 1962 à la sortie du Génie atomique

(après acquisition du diplôme). Durée de l'engagement trois ans, branche recherche

scientifique-arme sous-marins. Je suis accepté et après trois mois d’EOR à Brest sur

le Richelieu je suis affecté le 1er janvier 1963 au CEA Saclay au Département de

propulsion nucléaire qui a charge de réaliser et mettre en service le prototype à terre

des réacteurs de propulsion des sous-marins et des porte-avions nucléaires ; réacteur

qui sera implanté sur le site du CEA à Cadarache.

Travail confié : système des barres de contrôle du réacteur (étude, réalisation,

essais, qualification, mise en place sur le réacteur et suivi du fonctionnement en vraie

grandeur jusqu'à la divergence du réacteur et quelques mois d'exploitation).

Pour ce faire je suis intégré dans une équipe de deux ingénieurs (dont moi-

même) et trois agents techniques.

Les travaux correspondants s'échelonnent entre janvier 1963 et le 15 août 1964

date de la divergence du réacteur.

Du 15 août 1964 au 10 avril 1965 je participe au suivi du fonctionnement du

réacteur, à la qualification du meilleur des deux systèmes de barres de contrôle

essayés sur le réacteur, à la rédaction des spécifications de commande des systèmes

destinés au réacteur de propulsion du premier sous-marin nucléaire français le

Redoutable, aux consultations des fournisseurs potentiels de ces mécanismes, sachant

que nous avions décidé de mixer les deux techniques qualifiées en retenant et mixant

le meilleur de chacune.

Ceci me conduit au 10 avril 1965 date à laquelle je fus rendu à la vie civile, soit

après trente mois de service militaire et non trois ans en raison de la fin de la guerre

d'Algérie et de la réduction qui s'en est suivie de la durée d'incorporation des appelés

du contingent.

À l'annonce de cette nouvelle je décide de me marier ce que j'attendais depuis

plusieurs mois et convole en justes noces le 27 mars 1965.

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Rentrée dans la vie active : à la société Rateau, à La Courneuve mi- avril 1965.

Je suis alors chargé : des compresseurs sur paliers à gaz (1200 compresseurs

d’hexafluorure d’uranium destinés à l'usine très haute de Pierrelatte commandés par

le CEA au GIE Rateau-Alcatel), des compresseurs destinés à l'équipement des

boucles d’essais des combustibles des réacteurs graphite-gaz , ou autres associés à

des réacteurs d’essais (Pégase, César, Rapsodie, Kernreactor, Los Alamos,

Winscale, Wurrenlingen, Mole, Harwell, etc.)

Je suis aussi chargé de certains matériels destinés aux réacteurs graphite–gaz :

G3 du CEA à Marcoule, EDF 1, 2 et 3 à Chinon, EDF à Saint-Laurent des Eaux, et

pour la centrale franco-espagnole de Vandellos. En particulier turbosoufflantes de gaz

carbonique, système de détection des ruptures de gaine, etc.

L'abandon de la filière des réacteurs graphite-gaz en France fait que je me vois

confier l'étude, la vente et la réalisation de composants destinés à économiser

l'énergie dans des usines utilisant de la vapeur : sucreries, papeterie, chimie.

Réalisation à cette fin de turbocompresseurs de vapeur destinés à rehausser la

température de vapeur par compression de cette dernière dans des systèmes

d'évaporation en cascade, en vue d'améliorer aussi le rendement des cycles

thermodynamiques.

Arrive ainsi l'année 1974 où Alsthom acquiert la majorité de la société Rateau

après un bref passage aux mains d'Alcatel. Alsthom décide de me faire suivre une

formation de « gestion des entreprises et de contrôle de gestion ». Cette dernière

s'étale sur 18 mois, à la suite de quoi je suis nommé contrôleur de gestion de la

société Rateau.

Arrive aussi en 1974 la décision de Pierre Messmer de lancer les contrats

programmes de production d'électricité par centrales nucléaires EDF. Je suis alors

conduit à suspendre ma mission de contrôleur de gestion et à prendre en charge les

matériels de la compétence de Rateau destinés aux réacteurs des programmes CP 0,

CP 1 et CP 2 de 900 MW, puis P4 de 1300 MW, puis N4 de 1500 MW, soit au total

pour 58 tranches de production EDF : turbines d'entraînement des pompes

alimentaire, quelques pompes alimentaire, pompes de circulation, de reprise des

purges, de refroidissement du réacteur à l'arrêt, d'injection de secours moyenne

pression, turbines ASG, etc.

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À la fin des années 1970 je participe aussi à la réalisation des motos-

compresseurs destinés à l'usine d'enrichissement de l'uranium de Tricastin en

partenariat avec Snecma, Hispano, (Nuovo Pignone), au travers du GIE Gercos (UFE,

UTG, USG).

En 1981, la situation perturbée de Rateau localisée en Seine-Saint-Denis amène

Alsthom à me nommer directeur du personnel et des relations sociales avec pour

mission de remettre de l'ordre dans la maison sous les ordres du directeur A.Hirtz

(CH 49). Ce fut très difficile et coûteux pour moi, mais réussi.

Une mission industrielle m’a été confiée en 1984 : reprendre la société de

robinetterie CRISS à Armentières (établissement du plan social, négociations avec les

partenaires sociaux et l'inspection du travail, mise en place de ce plan social et

direction de l'entreprise qui en résulte pendant deux ans.

À la suite de ces missions on me confie en 1986 la direction de la division

Turbo-machines de Rateau (turbines industrielles et autres, principalement à grande

vitesse, pompes destinées au nucléaire, compresseurs, ventilateurs). Les marchés

principaux restent le nucléaire français (programme d'EDF) et belge (Electrabel),

l’Afrique du Sud, la Corée du Sud, la Chine, ainsi que les usines pétrochimiques

mondiales (turbocompresseurs).

Mission particulière : gestion du partenariat SNECMA-Alsthom pour la

fabrication des carters des réacteurs d'avion CFM 56, mon correspondant à la

SNECMA étant Jean-Pierre Champagnon - Zamik - de notre promo !

1995 : je suis nommé directeur général adjoint du groupe turbines à vapeur. Je

rejoins le siège-38 avenue Kléber, Paris-16e. Je suis également nommé administrateur

d'Alsthom turbines à vapeur, Alsthom centrales énergétiques, Alsthom turbines à

vapeur Nuremberg et Alsthom Mexique (Morelia).

Alsthom reçoit dans le même temps une lettre du conseil général de Seine-

Saint-Denis lui annonçant que dans les deux à trois ans il ne sera plus possible de

sortir de l'établissement du Bourget les rotors des turbines à vapeur destinés aux

centrales nucléaires en raison de leurs dimensions et de leurs poids. Il est donc

impératif de déménager l'établissement et de reconstruire les ateliers spécifiques

nécessaires à Belfort d’où l’expédition de ces matériels sera possible par voie d'eau.

Je suis chargé en 1996 de fermer l'établissement du Bourget, négocier le plan

social afférent à cette fermeture, l'appliquer, démonter les machines spécifiques de

cette fabrication, les " rétrofiter " et les installer dans un atelier "dédié" à construire à

Belfort, puis mettre en service cet atelier après avoir formé des opérateurs locaux à

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leur usage vu le très faible nombre de spécialistes du Bourget ayant accepté de

rejoindre Belfort. Je m'acquitte de cette mission industrielle en deux ans. Je gère les

fabrications des rotors dans leur intégralité à Belfort à partir de 1998.

Cette même année 1998, Alsthom doit faire face à une difficulté majeure

inédite : rupture des diaphragmes sur les corps moyenne pression des turbines

Arabelle-N4 des centrales nucléaires de Chooz B1 et B2 après quelques mois de

fonctionnement. Cet incident n'a jamais été rencontré dans le passé sur des

composants statiques. La recherche des causes et des solutions de réparation après

modélisation des phénomènes nous fait prendre conscience que nous sommes aux

limites de notre savoir. Je suis nommé chef du projet de remise en état des turbines

Arabelle-N4 avec tous pouvoirs et ceci en pleine période de réorganisation de

l'établissement turbines à vapeur de la Courneuve. Je constitue une équipe de sept

ingénieurs et de collaborateurs dédiés à 100 % à cette remise en état. Cette dernière

est qualifiée en exploitation sur Chooz B1 en 1999 et appliquée sur Chooz B2 et

Civaux 1 et 2.

Je suis confirmé directeur général adjoint du groupe turbines à vapeur Alsthom

et nommé directeur technique de ce même groupe en 1999. J'assume ces fonctions

jusqu'à mon départ en retraite en juin 2000 et les poursuis même à titre bénévole

jusqu'en mars 2003…

Pendant cette dernière période je négocie auprès d'EDF une participation

financière au maintien du "savoir faire" afin de ne pas être trop affecté par le manque

de commandes de sa part et faire en sorte d'être capable de relancer le nucléaire sans

difficulté majeure. Je cautionne l'idée de chercher à fabriquer les rotors d'alternateur

comme ceux des turbines à vapeur, par soudage (facilité d'approvisionnement). Les

essais de réalisation sont concluants et EDF commande à Alsthom un rotor et

l'installe sur une tranche CP2 (à Cruas ?), où jusqu'alors il donne satisfaction.

Ce sera ma dernière action très décriée lors de son lancement.

PS: Entre 1980 et 2003, j'ai également fourni des matériels destinés à la Marine

nationale (porte-avions Charles de Gaulle et sous-marins nucléaires, toutes

fournitures protégées par le secret défense).

Pendant toute ma carrière mon épouse Geneviève est restée sédentaire et point

focal de la famille à Paris. Elle a élevé deux enfants ; j'ai vécu par périodes "la valise

à la main"...

***********************

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Mich’l Michel CHEVRETON

À ma sortie de l’École, j’ai continué mes études à la Fac en suivant un 3° cycle

de physique théorique. En même temps, je travaillais aussi un jour par semaine

comme informaticien à l’EDF. C’était plutôt galère, mais plus tard quand

l’informatique a envahi le monde, j’ai apprécié d’avoir eu ce travail.

J’ai préparé ensuite une thèse de maths en relativité générale que j’ai soutenue

en 1969 et j’ai été embauché comme chercheur au CNRS.

À cette époque, il y avait beaucoup de travaux sur les ondes gravitationnelles,

un chercheur américain avait construit un détecteur et semblait obtenir des résultats.

J’étais intéressé par cette expérience mais je travaillais à l’Institut Henri Poincaré

dans l’ancien labo de Louis de Broglie, et une expérience semblable n’était pas

envisageable dans cet endroit dédié à la pure théorie. L’astrophysique était en plein

développement et il y avait à l’Observatoire de Meudon un nouveau bâtiment en

construction pour regrouper une grande partie de l’astrophysique parisienne.

Finalement nous avons été une demi-douzaine de jeunes chercheurs à proposer la

création d’une nouvelle formation CNRS, le « Groupe d’astrophysique relativiste»,

qui devait intégrer ce nouveau bâtiment pour s’occuper d’astrophysique et de

relativité générale et monter une expérience de détection d’ondes gravitationnelles.

Cette proposition a été acceptée, nous avons obtenu des locaux dans ce bâtiment à

Meudon, des crédits et du personnel technique pour l’expérience de détection. Le

groupe fonctionnait un peu comme une start-up, l’expérience était très artisanale, on

était seulement quatre personnes pour s’en occuper, c’était plutôt sympathique sauf

qu’on n’a pas détecté la moindre onde gravitationnelle.

Je me suis ensuite orienté vers les observations astronomiques. J’étais nul en

astronomie mais c’était un avantage car les méthodes d’observation changeaient

beaucoup. On s’apercevait que le ciel n’était pas un paradis paisible mais qu’il y

avait plein de phénomènes rapides à observer. Il fallait abandonner les plaques photo

pour l’électronique et le traitement de signal. Mon labo était bien outillé pour faire de

la photométrie rapide et j’ai utilisé cette technique pour étudier les oscillations des

étoiles et pour la recherche de planètes extrasolaires. J’ai fait des observations en

Chine régulièrement pendant dix-huit ans, ce qui m’a permis de découvrir ce pays et

d’observer son extraordinaire transformation.

Je ne regrette pas ma formation de gadzarts, qui privilégie le savoir faire. Par

contre j’ai été handicapé par mon anglais minable mais ce n’est pas la faute des Arts

et Métiers et je ne suis pas le seul avec cet handicap. Dans des congrès internationaux

j’ai souvent vu des Français faire de beaux exposés mais se retrouver en grande

difficulté ensuite quand il s’agissait de répondre à un flot de questions en anglais.

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Je pense que l’apprentissage des langues au collège est trop tardif. Avec la

mondialisation les petits Chinois apprennent l’anglais à l’école maternelle et ça

semble efficace.

Pourquoi délocaliser une petite entreprise d’astronomie en Chine alors qu’on peut

trouver les mêmes étoiles en France ?

Pendant longtemps on a dû se contenter de la spectroscopie pour étudier les

étoiles. Dans les années 80 on s’est aperçu qu’en analysant la « musique » produite

par une étoile, on pouvait obtenir des informations sur sa structure interne ; on

appelle cette méthode la sismologie stellaire. En analysant la « musique » d’un

moteur automobile, c'est-à-dire un enregistrement sonore du moteur, un spécialiste

pourra obtenir des informations sur son fonctionnement et ses réglages. Pour une

étoile, l’équivalent est d’analyser ses oscillations qui se traduisent par de petites

fluctuations de luminosité. Comme il y a des fréquences assez basses, il faut

généralement une semaine ou plus pour obtenir le spectre d’oscillation d’une étoile.

On observe les étoiles seulement pendant la nuit, aussi pour obtenir un enregistrement

d’une semaine il faut mettre bout à bout les observations de trois observatoires situés

sur des continents différents. Pour le choix des lieux d’observation, ma préférence

allait à la combinaison « Canaries-Mexique-Chine ». C’est la météo qui pousse à

choisir les Canaries et le Mexique, pour la Chine c’est plus compliqué.

À la fin des années 1930 il y avait un étudiant chinois à l’observatoire de Saint-

Michel-de-Provence près de Manosque. Il a été piégé par la guerre et il a séjourné

longtemps là bas. Plus tard en Chine, il est devenu un membre important du parti

communiste et il a lancé la construction d’un observatoire astronomique national.

Ainsi, à une centaine de kilomètres au nord de Pékin, il y a une construction

totalement surréaliste : la copie très précise de l’observatoire de Saint-Michel, y

compris la forme de la salle du restaurant. En 1990 le plus gros télescope de cet

observatoire était inutilisé faute d’instrumentation moderne, il était aux normes de

1940. Je suis venu accrocher à ce télescope ma petite valise pleine d’électronique et

de détecteurs de photons et ça a très vite marché pour la sismologie stellaire car

j’avais installé les années précédentes la même valise à Ténérife et au Mexique.

J’ai fait de nombreuses missions d’observation dans cet observatoire de Xing-

Long. Il y a les mêmes étoiles qu’en France mais on peut les voir sept heures plus tôt

alors qu’au Mexique on les voit huit heures plus tard ; ainsi on les observe 24 heures

sur 24. Pour Xing-Long, la bonne époque c’est l’hiver quand le vent venu de Sibérie

rend le ciel très clair, mais ce n’est ni la Provence ni le Club-Med !

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Memo sur la vie rêvée des étoiles

Je vais parler de la détection des ondes gravitationnelles, mais avant, il est sans

doute utile de faire un petit memo sur la vie des étoiles en gommant les détails

superflus.

Les étoiles qu’on peut observer à l’œil nu dans le ciel sont toutes des centrales

nucléaires naturelles qui fournissent de la chaleur et de la lumière autour d’elles. Il y

a, au centre de l’étoile, une réaction de fusion nucléaire stabilisée par la gravitation.

En fin de vie, la fusion nucléaire centrale va s’arrêter faute de carburant et le cœur de

l’étoile va s’effondrer pour donner un astre compact qui est le cadavre de l’étoile et

qui ne sera plus visible à l’œil nu, et souvent complètement invisible. Les petites

étoiles comme le soleil ont une vie relativement longue et paisible, la fusion nucléaire

dure plus de dix milliards d’années. Par contre, les étoiles massives (disons de plus de

sept fois la masse du soleil) ont une vie beaucoup plus agitée et surtout plus courte,

moins de 200 millions d’années ; elles laissent donc plus de cadavres derrière elles.

La fin de vie d’une étoile massive donne lieu à un phénomène violent, une « super

nova ». Lors de l’effondrement du cœur d’une étoile massive, les atomes ne résistent

pas à la compression ; les électrons qui tournent normalement autour du noyau vont

s’enfoncer dans celui ci et se combiner aux protons pour former des neutrons. L’astre

compact obtenu, qui a un diamètre de l’ordre de dix kilomètres, est logiquement

appelé « étoile à neutrons ». Enfin pour les étoiles très massives, de plus de vingt-

cinq fois la masse du soleil, l’effondrement se poursuit et l’étoile disparait

complètement : il ne reste plus qu’un puits de potentiel gravitationnel baptisé « trou

noir » par les astrophysiciens anglais qui en ont fait la théorie dans les années 60.

Il y a donc dans le ciel les étoiles qu’on peut voir et des astres compacts

invisibles qui sont les cadavres d’anciennes étoiles, les cadavres préférés des

astronomes étant les étoiles à neutrons. Ce sont des astres inactifs mais il faut

s’intéresser au cas des astres binaires. Beaucoup d’étoiles vivent en couple car elles

se sont formées dans des régions voisines. On peut voir dans le ciel beaucoup

d’étoiles binaires qui gravitent l’une autour de l’autre et il y a évidemment tout autant

d’astres compacts binaires invisibles qui sont les cadavres d’anciennes étoiles

binaires. Le système formé par deux astres gravitant l’un autour de l’autre perd de

l’énergie par rayonnement gravitationnel et les astres se rapprochent petit à petit. Le

rapprochement est inexorable même si ça prend des centaines de millions d’années.

Les astres suivent des spirales infernales de plus en plus rapides et ils vont finir par

fusionner en un astre unique qui sera le plus souvent un trou noir. Cette fusion est

plus violente qu’une super nova. Dans une galaxie comme la nôtre, les fusions de

binaires sont assez rares à l’échelle humaine, peut être une tous les trois ou quatre

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siècles. Cependant les fusions se produisent dans des milliers de galaxies qui nous

entourent et, si on est capable de les détecter, alors on assiste à un feu d’artifice

permanent.

La détection des ondes gravitationnelles

Dans les années 60 un physicien américain, J. Weber s’était lancé dans la

construction d’un détecteur d’ondes gravitationnelles malgré le scepticisme de la

plupart des scientifiques. Il espérait détecter les ondes générées par des collisions

d’étoiles au centre de notre galaxie. Son détecteur était constitué par une barre

métallique susceptible d’entrer en résonance au passage d’ondes gravitationnelles.

Avec la rotation de la terre, deux fois par jour, l’antenne de Weber se trouvait

orientée en direction du centre galactique et les statistiques semblaient montrer

qu’elle crachouillait un peu plus à ces moments-là. Ainsi tous les grands pays

européens de l’époque, se sont lancés dans la construction de détecteurs analogues

pour confirmer et améliorer les résultats américains. Malheureusement après quelques

années il a fallu se rendre à l’évidence : la sensibilité de ces détecteurs était

insuffisante, il n’y avait pas de détection.

Ces premières tentatives infructueuses ont cependant débouché sur des grands

projets de détecteurs de seconde génération à base d’interféromètres de Michelson

géants avec des bras optiques de plusieurs kilomètres. On avait aussi appris que pour

avoir une détection crédible, il fallait un réseau de plusieurs détecteurs séparés par

des milliers de kilomètres. Un instrument européen « VIRGO » et deux instruments

américains « LIGO » ont ainsi été mis en service au début des années 2000. Entre

temps les astronomes avaient découvert l’existence d’événements très violents dans

les galaxies qui nous entourent et qu’on peut observer sous forme de bouffées de

rayonnement à haute énergie : les « sursauts gamma ». On espérait que ces nouveaux

instruments allaient mettre en évidence les ondes gravitationnelles correspondant à

ces événements violents. Pendant plus de dix ans ces trois instruments n’ont rien

détecté mais des perfectionnements importants ont été imaginés. Finalement les

détecteurs ont été arrêtés et reconfigurés pour améliorer leur sensibilité.

En 2015, alors que le détecteur européen était encore en travaux d’amélioration,

les détecteurs américains améliorés ont été remis en fonctionnement et ils ont réalisé

les premières détections historiques d’ondes gravitationnelles. Ceci a permis aux

deux Américains promoteurs des instruments LIGO de recevoir le prix Nobel de

physique 2017. La source de ces ondes était bien dans des galaxies lointaines mais

aucun sursaut gamma n’accompagnait le phénomène.

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L’été 2017 a vu VIRGO remis en service et les trois instruments ont détecté

deux nouveaux événements et cette détection a été très intéressante. En effet la

première détection était une onde gravitationnelle sans contrepartie

électromagnétique (comme en 2015), alors que la dernière, plus faible accompagnait

un sursaut gamma.

Les théoriciens avaient imaginé des mécanismes de production des sursauts

gamma à partir de la fusion d’étoiles binaires compactes, mais les observations d’août

2017 ont permis de préciser les choses. La fusion de deux trous noirs binaires conduit

à l’émission d’une onde gravitationnelle sans contrepartie électromagnétique. Par

contre, s’il s’agit de la fusion de deux étoiles à neutrons, l’onde gravitationnelle est

accompagnée d’un sursaut gamma.

J’ai été un peu bavard avec les ondes gravitationnelles, mais la détection d’août

2017 de la fusion de deux étoiles à neutrons méritait quelques échos.

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Kak’s Claude CHEVRIER

3 enfants : 2 filles et 1 garçon. Le fils, gadzarts (Cl 87), 9 grands petits- enfants

(5 filles, 4 garçons) de 24 à 14 ans. Un gendre gadzarts (Cl 87).

Doctorat 3ème

cycle Mécanique des sols et hydrodynamique supérieure à

l’Université de Grenoble. Pendant ma thèse prof de maths en classes terminales au

Lycée de La Mure (Isère)

Service militaire au Service des essences aux armées à Chalon-sur-Saône.

Aspirant, sous-lieutenant, commandant 1ère compagnie.

Paris, Ministère des ponts et chaussées. Période de la création de l’Équipement

sous Edgard PISANI (Ponts et chaussées et logement, réunis). Responsable béton et

fondations de l’Ouest parisien (de Cergy-Pontoise à Évry). Formulation béton et

contrôles, fondations ouvrages d’arts et bâtiments de l’État.

Au sein d’une équipe performante : création du déflectographe (camion chargé

à 13 tonnes sur essieu arrière) pour analyser l’évolution des chaussées, prévenir leur

dégradation et intervenir, élimination des points noirs à l’aide de la remorque de

glissance tractée par une Jaguar E, plaque de pesage et comptage sur chaussées au

passage des véhicules, développement des laboratoires régionaux devenus les CETE

de l’Équipement…

Paris, Ed. Lambert et Cie, usine à Maintenon - (associés de Mr Lambert, trois

collègues, le patron de l’usine à Maintenon (Eure) étaient des gadzarts !) - création et

conception des centrales à béton pour chantiers et centrales béton prêt à l’emploi.

Après leur création, missionné pour les vendre avec management du réseau

commercial (12 agents). Exportation 35 %. En plus de mon travail dans le cadre

coopération Industrie / Enseignement, chargé de cours matériels de bétonnage et

engins TP à l’École spéciale des TP (école des TPE), boulevard Saint-Germain à

Paris. Stoppé après une année : trop prenant.

Grenoble : désir de retrouver les montagnes. Études et constructions

mécaniques, patron Arts et Métiers. Conception et vente machines spéciales de

soudage, chaudronnerie lourde, vireurs et positionneurs pour soudage, centrales à

béton mobiles.

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Fontaine : Précitechnique, filiale Thomson (emboutissage de précision à grande

cadence), en vue du rachat au moment de la période de nationalisation. Échec de la

négociation.

Merlin-Gerin, ensuite Schneider Electric SA :

- Grenoble : département de réalisation d’ensembles. Chargé d’affaires. Distribution

industrielle (cimenteries, aciéries, ….)

- Égypte : Création du bureau de représentation et de liaison au Caire. Création de

l’équipe commerciale. Préparation de la création de la filiale de production.

- Vallée du Rhône : Ceralep. Gérée conjointement par Alsthom et Merlin-Gerin.

Directeur commercial. Conception, fabrication, vente d’isolateurs en céramique

technique (de 6 kV à 800 kV). 35 % en exportation aux concurrents d’Alsthom et

Merlin Gerin !

- Maroc : filiale à Casablanca. Directeur commercial. Usine de production de 550

personnes.

- Grenoble : sous l’autorité du vice-président, pour l’ensemble des entités,

harmonisation des outils commerciaux pour l’obtention des commandes.

Octobre 1998 : retraite, avec la prise en compte de mes jobs avant le service

militaire, totalité des trimestres effectués !

Senior consultant bénévole au sein d’ECTI (aide aux entreprises). Domaine de

compétence : organisation des services commerciaux, aide à l’exportation. Arrêt :

envie de quitter les activités relatives au commerce !

Depuis 1998 : Commissaire enquêteur auprès du Tribunal administratif de

Grenoble. Domaine de compétence : aménagement du territoire (infrastructures,

Plans protection risques inondations et naturels, déplacements (PDU, PLU, captages,

assainissement, …).

Habitant sur les flancs de Belledonne, entretien du jardin, de la maison, photos,

randonnées (pédestres et raquettes), ski, groupe d’amis, participations à la vie de

notre village.

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Roméo Jacques CLUZEL

Sorti du Tabagn’s le 30 juin 1961, j’ai intégré les EOR (Écoles d’officiers de

réserve) à Fontainebleau dès le 1er juillet avec un certain nombre de camarades de la

promo et ce, dans le but de faire l’ESTA, (École supérieure des travaux

aéronautiques), cette école avait passé une convention avec l’Armée dans le but de

former les officiers mécaniciens de l’ALAT (Aviation légère de l’armée de terre)

avec diplôme civil et militaire. Les études duraient six mois dans le cadre du service

militaire, mais cette année il avait été décidé d’allonger la durée à neuf mois, en

raison de l’allongement de la durée du service militaire. Elle ne recrutait que des

gadzarts ayant fait la « PMS » (Préparation militaire supérieure).

L’année scolaire en Sorbonne et au fort de Vincennes fut intense : retour

hebdomadaire à Montluçon auprès de ma petite famille, cours dans un lycée pour des

cours du soir pour adultes et reprise d’une petite boite laissée en rade par son créateur

décédé (un gadzarts génie de cinématique) : réalisation de machine à plier le papier

« cul ». A l’issue de la scolarité : affectation pour six mois en Algérie (les accords

d’Évian avaient réduit le service militaire à dix-neuf mois). A la base de Chéragas, en

chambrée avec Zamik, j’ai été affecté à la liaison entre les établissements de

réparation des hélicos, avec recommandation d’effectuer ces déplacements en hélico !

La vie professionnelle

Intégration à EDF (j’avais un contrat de pré-situation) en liaison avec l’ESTA.

Je fus affecté à la Production thermique à Montereau en 1963. Le contexte : la

consommation électrique croissait de 7% par an, il fallait donc doubler les capacités

installées tous les dix ans ; l’hydraulique étant finie, le nucléaire balbutiant, seul le

charbon et un peu le fuel pouvaient faire face. EDF avait donc lancé la construction

en série de centrales thermiques. Le palier 125 MW était terminé, c’est le 250 MW

qui prenait le relais, le 750 MW devant suivre dix ans après. À Montereau j’ai appris

le métier sous la férule d’un gadzarts, Vauluisant, et participé au démarrage des deux

tranches 250 MW.

Affecté en 1965 comme chef de service à Vitry-sur-seine, où quatre tranches

charbon étaient en construction (2 + 2 décalées de deux ans), j’y suis resté neuf ans

pour le démarrage puis la transformation des tranches au fuel (le prix de la calorie

fuel s’était effondré). Période techniquement intéressante mais difficile car la notion

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de construction en série était toute relative du fait de la politique d’EDF de répartir

les contrats entre les constructeurs, et aggravée par l’individualisme des services EDF

qui construisaient : résultat il n’y avait aucune centrale identique et donc des

difficultés importantes de mise au point. Heureusement ce type d’erreur a servi de

leçon pour le nucléaire.

Changement de décor : en 1973, nommé attaché auprès du directeur régional de

la production thermique de l’Est (un gadzarts : Jacques Kieffer) j’ai sillonné toute la

région pour suivre les différentes centrales, dont Fessenheim en construction, et

propagé la bonne parole, car nous avions l’ambition d’installer trois autres centrales

nucléaires en Alsace !

Comme je commençais à comprendre le nucléaire… en 1976 nomination

comme directeur de l’École des métiers EDF de Gurcy-le-Chatel (77) et aussi

proviseur par l’Éducation nationale (l’École avait aussi le statut de lycée technique).

J’y ai passé quatre années les plus heureuses de ma vie professionnelle. Il y avait 160

adolescents recrutés sur concours pour former des techniciens (conduite de centrales

niveau CAP ou BAC, mais en réalité BAC ou BTS), ambition : former des

« hommes » : vie en internat et sport intensif, en parallèle 200 adultes pour des stages

spécialisés, principalement dans le domaine des centrales. Les enseignants nommés

en partie par l’Éducation nationale, mais principalement choisis par moi et mon

équipe parmi des volontaires d’EDF.

Puis nomination en 1980 comme sous-directeur à la centrale nucléaire de Saint-

Alban (deux tranches de 1300 MW) en cours de construction que j’ai quittée au bout

de trois ans sans l’avoir vue fonctionner.

Après ce passage dans le nucléaire, retour dans le thermique classique comme

directeur de la centrale de Martigues (quatre tranches de 250 MW au fuel) dont on

m’avait dit que, malgré la mise en route du programme nucléaire, elle continuerait à

avoir une activité importante. À ma prise de fonction en septembre 1983 j’ai trouvé

une centrale en arrêt depuis six mois, un personnel complètement déboussolé, mais

dont on avait accru les effectifs pour tenir compte des réductions d’horaire ! J’ai bien

sûr dû adapter l’organisation et les matériels. J’y ai passé neuf ans à me débattre entre

des syndicats très actifs et une direction qui changeait de stratégie tous les ans et

même parfois de mois en mois. Néanmoins j’ai pu faire des choses intéressantes en

recherchant pour le personnel des activités extérieures à la centrale comme par

exemple l’organisation du démarrage de la centrale géothermique de Bouillante en

Guadeloupe.

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Mais, dans ce contexte, j’ai pu prendre ma retraite (possible contractuellement)

à cinquante-cinq ans, après avoir passé une dernière année à la direction régionale de

Marseille à aider à mettre en place la « nieme

» organisation.

*********

Anecdotes : moi et ma barbe !

Je l’ai fait pousser à l’issue des trad’s.

Aux EOR j’avais fait venir ma petite famille dans un appartement juste en face

de la caserne, naturellement et contrairement au règlement, je la rejoignais tous les

soirs. Au bout de quinze jours le capitaine m’a convoqué pour me dire : « que vous

sortiez tous les soirs je m’en fous, mais un barbu qui franchit la porte tous les soirs

ça se voit ». J’ai bien sûr pu continuer à sortir… mais imberbe !

Comme je la portais à nouveau en arrivant en Algérie le capitaine qui nous a

accueilli m’a regardé et dit : j’ai horreur des « barbouses ». C’était la pleine période

de l’OAS : le lendemain plus de barbe, mais affectation dans un poste très agréable !

Je l’ai fait repousser définitivement en 1965 avec pour mission : « vieillir un

peu » mon apparence vis à vis de mes troupes. Depuis quelques années je la

couperais volontiers pour « rajeunir un peu mon apparence », mais je me heurte à un

veto familial…

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Pilon Maurice DESLOIRE

Je crois que mon parcours doit beaucoup au hasard, à la chance et la sagesse de

mes parents.

Mon père comme mes grands-pères étaient cheminots et plus mécaniciens que

littéraires. J’habitais très près de l’Ecole nationale professionnelle de Chalon-sur-

Saône, bâtiment moderne qui me fascinait ; aussi quand à 11 ans je pouvais entrer en

6ème

au lycée de Chalon-sur-Saône, j’ai préféré rester à l’école primaire. Et l’année

suivante, j’ai tenté et réussi l’examen d’entrée en 4ème

à cette ENP sans bien savoir

quelle serait la suite : brevet industriel ou bac technique/mathématique ; c’est à cette

occasion que j’ai gagné un an dans ma scolarité. Je ne pensais pas aux Arts à cette

époque. Et j’ai eu la chance d’être admis en seconde TM, et surtout d’avoir alors un

professeur de géométrie et mathématiques exceptionnel (M. Labb, infirmier à Verdun

pendant la guerre 14-18) puis de réussir les deux parties du bac « mathématiques et

techniques » et de réussir dans la foulée le concours d’entrée aux Arts-et-Métiers à

Cluny où nous nous sommes tous retrouvés en septembre 1957 et jusqu’à fin juin

1961. Il est évident que ces quatre années avec vous, avec certains professeurs

magistraux (MM. Fontaine, Martin, Cliton, Géminard…) ont contribué à mon

épanouissement, à acquérir de l’assurance et à mon ascension sociale….

En septembre 1961, compte-tenu de mon jeune âge, et pour éviter le long

service militaire en Algérie je me suis inscrit en 3ème

cycle de « métallurgie spéciale »

à l’Université d’Orsay en partenariat avec l’Institut des sciences et techniques

nucléaires de Saclay (INSTN), comme Django, Pollux et Zadig. J’ai obtenu le DEA

correspondant en juin 1962 puis j’ai fait mon travail de thèse de 3ème

cycle au

laboratoire de métallurgie de l’Euratom à Ispra en Italie jusqu’en septembre 1963 où

j’ai bien profité de ma vie de célibataire et des charmes de l’Italie. Mon travail de

thèse de 3ème

cycle a consisté à caractériser le SAP (sintered aluminium powder)

matériau prévu comme enrobage du combustible dans les réacteurs Orgel de

l’Euratom.

J’ai demandé et obtenu de faire mon service militaire comme « scientifique du

contingent » au sein de la Marine nationale, pour un engagement de dix-huit mois,

comme Tésis et le Pilon de la Cl.55. Un mois à Brest sur le Richelieu, deux mois à

Cherbourg sur un dragueur de mines (le Véga), puis quinze mois au CEA/Saclay au

département de propulsion nucléaire où, avec le Pilon de la Cl.55 nous avons travaillé

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sur le moteur des sous-marins nucléaires. En août 1964, j’ai été envoyé, en mission,

au CEA/Cadarache, où j’ai retrouvé Tésis, pour participer au dépouillement des

mesures de températures lors du premier essai de divergence du « prototype à terre

du moteur du sous-marin nucléaire ». Dans l’espoir d’un détachement aux États-

Unis, début 1965, j’ai été embauché pour trois mois supplémentaires au CEA/

Département de propulsion nucléaire à Saclay

Début juin 1965, ce détachement ne s’étant pas réalisé, j’ai été embauché au

CNES (Centre national d’études spatiales) alors à Brétigny-sur-Orge où j’ai d’abord

travaillé à la section « structure » de la division « satellites », puis à la section

« thermique ». En 1969, il était demandé que presque l’ensemble du CNES se

décentralise à Toulouse et j’ai alors quitté la division « satellites » pour la division

« lanceurs de satellites » qui restait à Brétigny puis Évry. Et je ne regrette pas ce

choix car la division « satellites » était dirigée principalement par des électroniciens

(Supélec) et je ne m’y sentais pas à l’aise, alors que la division « lanceurs de

satellites » était dirigée par des polytechniciens avec centraliens et gadzarts et où j’ai

eu la chance de côtoyer des hommes formidables (MM. Curien, Sillard, d’Allest,

Bigot…)

J’ai alors travaillé en parallèle : sur les améliorations du 2éme

étage du lanceur

Europa 2 –dit Coralie- qui était réalisé et intégré à l’Aérospatiale aux Mureaux et sur

le lanceur français Diamant B-P4 qui était une amélioration du lanceur Diamant B

(2éme

étage P 2,2 P4 tonnes de propergol et coiffe protégeant le satellite offrant un

volume utile plus grand pour celui-ci et provenant du lanceur anglais Black-Arrow

avec quelques adaptations/modifications).

Puis en 1972, étant plus disponible que d’autres collègues (une autre chance) et

avec une petite équipe, j’ai participé très activement à l’étude d’avant-projet d’un

lanceur de substitution à Europa 3, arrêté au niveau européen, d’abord dénommé E3S

(Europa 3 de substitution), puis L3S (lanceur de 3ème

génération de substitution) et

enfin Ariane.

Ce projet a été accepté au niveau européen avec maitrise d’œuvre du CNES en

1973 et j’ai été en charge du développement des structures de ce lanceur ; ces

éléments étaient définis et fabriqués par les différents constructeurs aéronautiques en

Europe et mon travail a principalement consisté à rédiger les règles communes et à

vérifier leur application afin d’assurer l’homogénéité de conception et fabrication des

divers éléments structuraux. En 1978, l’ensemble de ces structures étant alors

qualifiées, je me suis intéressé à l’amélioration du lanceur par adjonction de deux

propulseurs à propergols solides sur le 1er étage et la conception d’un « système de

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lancement double » (SYLDA) permettant d’emporter deux satellites sous une coiffe

un peu agrandie : j’ai proposé ces améliorations et ceci deviendra le lanceur Ariane 3.

Après le 1er vol réussi du lanceur Ariane 1, le 24 décembre 1979, j’ai été

nommé chef de la division « Études et développements » de la direction des lanceurs

du CNES, division d’une cinquantaine de personnes, principalement ingénieurs,

regroupant toutes les techniques nécessaires à la conception et au dimensionnement

d’un lanceur (optimisation des trajectoires, guidage, pilotage, aérodynamique,

aérothermique, propulsion, électronique embarquée, programme de vol,

dimensionnement structural…) et ainsi avec mon équipe on a participé au

développement des lanceurs Ariane 3 et 4 et à l’étude du projet de lanceur Ariane 5.

(suite au succès du premier lancement d’Ariane, j’ai reçu la médaille de chevalier de

l’Ordre national du mérite des mains d’André Giraud, ministre de l’Industrie).

En 1985, j’ai souhaité travailler sur le projet techniquement très excitant et

complexe de l’avion spatial Hermès : avion avec équipage, qui monté sur Ariane 5

devait rejoindre la station spatiale, y déposer spationautes et fret, puis rentrer sur terre

après un vol hypersonique planant et atterrissage sur une piste. Ce programme était

managé au CNES Toulouse et j’y passais un ou deux jours par semaine. Là, je

retrouvais Guy Bondivenne, Pachy, qui travaillait aussi sur ce programme. Mais ce

programme fut arrêté en 1992 devant la dérive des coûts à achèvement annoncés pour

sa réalisation.

J’ai alors rejoint l’équipe de programme Ariane 5 comme adjoint « Système »

au directeur de programme et ce jusqu’à la fin de ce développement et

l’accomplissement des trois lancements de qualification Ariane5, en 1996 et 1997.

(J’ai reçu alors la médaille de chevalier dans l’ordre de la Légion d’honneur des

mains du Professeur Hubert Curien, ministre de la Recherche).

De 1997 à 2001, j’ai terminé ma carrière au CNES comme directeur technique

de la direction des lanceurs jusqu’à mon départ à la retraite. Au CNES, un accord

syndicat-direction obligeait alors de partir à la retraite dès que le salarié avait soixante

ans et effectué les trimestres requis, ceci pour faire la place aux jeunes.

Comme je me sentais en pleine forme et que ma femme Françoise travaillait

encore, je me suis mis à mon compte en tant qu’expert et j’ai prodigué mes conseils

jusqu’en 2007 :

- à la Société Avio, en Italie près de Rome, pour le développement du petit

lanceur européen Véga,

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- à Arianespace, à Évry, filiale du CNES pour la production, la

commercialisation et le lancement des lanceurs Ariane de série ; j’étais alors membre

du « Comité technique Ariane », instance d’acceptation pour lancement de chaque

lanceur produit. Notons que le lancement n° 242 vient d’avoir lieu en avril 2018 et

personne n’aurait imaginé en 1973, à l’origine du développement d’Ariane, que l’on

produirait une telle série (le lanceur russe Soyouz a dépassé le cap des 1800

lancements).

Je ne regrette pas cette activité de conseil qui m’a permis de rester en contact

avec le monde aérospatial, de gérer un biseau entre le travail à temps complet et la

retraite à temps complet, et de faire profiter de mon expérience les jeunes

équipes…Et je la conseille fortement .

Pendant ma vie active, j’ai été membre actif du groupe professionnel

« Aéronautique et Espace » de la société des Arts-et-Métiers et depuis ma retraite, j’ai

été membre du Comité de la Soce avec Gérard Périer, Zimir, de 2001 à 2004

(médailles de bronze et médaille d’argent de la société des ingénieurs Arts-et-

Métiers). Puis j’ai œuvré au sein de l’association amicale des Anciens du CNES

comme trésorier, puis président de 2013 à 2016.

Et maintenant promenades, jardinage, voyages et repos…

En conclusion, j’ai eu la chance de travailler au Centre national d’études

spatiales, dans un domaine enthousiasmant, techniquement très motivant et dans une

ambiance très amicale ; j’ai eu des chefs exceptionnels et je suis resté dans leur

sillage, mais je crois que cette chance n’allait pas de soi, j’ai su la saisir.

Je regrette de n’avoir pas postulé pour aller travailler trois ans à Kourou en

Guyane et ainsi vivre la vie opérationnelle des lancements. Et que ma vie

professionnelle ait trop occulté ma vie familiale dans les années 90.

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Duo Gérard DUMONT

Sortie de l'École : service militaire quatorze mois en Algérie comme dépanneur

radio, puis quatre mois à l'hôpital de Dijon comme malade-travailleur.

Enfin libre de construire ma vie à partir de mai 1963.

Carrière de juin 1963 à janvier 1995

Deux employeurs :

- juin 1963 à décembre 1969 : CEA, domaine civil, puis domaine militaire.

- décembre 1969 à janvier 1995 : SFICA (Société d’ingénierie du bâtiment et

des infrastructures) - bâtiments tertiaires.

-----------------

Entré au CEA civil dans un service chargé de la conception et de la réalisation

de laboratoires "chauds" en raison des produits radioactifs manipulés. Bâtiments à

l'organisation très spécifique, avec des techniques très adaptées au niveau fluides,

électricité, réseaux d'alarmes et ventilation-filtration. Muté à la Direction des

applications militaires fin 1963 en plein développement de ses centres de recherche,

fabrication, essais : très large variété de problèmes à traiter avec beaucoup d'acquis

techniques. Jusqu'à fin décembre 1967.

Début 68 : cours de formation interne de six mois destiné à une réorientation de

carrière.

De juillet 1968 à décembre 1969 : Direction des fabrications, deux mille

personnes, comme responsable de la préparation et du suivi du budget.

Peu de goût pour le sujet, lassitude et décision de changer d'emploi et de revenir

à une activité opérationnelle.

Je trouve une offre dans « le Monde » le lundi, j’écris, assume deux rendez-vous

et suis embauché dès le jeudi. Je quitte le CEA et ses trente mille employés le

vendredi soir et me lance dans ce nouveau job le lundi matin dans une société

naissante de trente personnes !

C'était çà les Trente Glorieuses, on pouvait choisir son job, se recycler, prendre

des risques…

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Cette décision a été ma chance professionnelle en entrant dans une petite

structure dont le patron avait du dynamisme, de l'ambition et un talent commercial

exceptionnel. Il faisait confiance et déléguait beaucoup tout en étant intransigeant sur

la qualité du travail et du service et sur la disponibilité.

Je commence par un mouton à cinq pattes : créer un centre informatique dans

un entrepôt. Accumulation des techniques : gros-œuvre, climatisation, électricité,

groupe électrogène, protection incendie et planification par la méthode des graphes

d'une opération à tiroirs, avec quatre cents tâches identifiées.

À partir de là, je n'ai plus aucun doute sur ma vocation : le bâtiment dans ce

qu'il a de plus complexe, le management de projets, la recherche de solutions

techniques, la coordination des intervenants et la direction d'équipes

pluridisciplinaires.

Je pourrai assouvir ma passion sur des projets neufs ou des restructurations

lourdes ou délicates tels que restaurants d'entreprises, extensions de centres

informatiques avec adaptation de tous les supports techniques : poste transfo, groupe

électrogène, onduleur, groupe de froid. Je dirige et développe la partie ingénierie et

maitrise d'œuvre de la société et travaille avec de nombreux architectes et décorateurs

selon les projets.

En 1987 nous figurons au nombre des BET retenus par Disney pour son parc de

Marne-la-Vallée. On nous confie "Main Street" soit l'entrée et toute la rue avec les

commerces, jusqu'au hub de distribution du public vers les différends Lands. Puis

nous décrochons la maitrise d'œuvre de l'hôtel principal, en partage avec un architecte

et un décorateur spécialisés dans l'hôtellerie de luxe. Trois ans de travail intense à

intégrer les exigences de Disney, de ses créatifs et de ses conseils. Recruter une

centaine de spécialistes de tous bords : architectes, gros-œuvre, charpente métallique,

climatisation, électricité, et surtout décorateurs en menuiserie. Ne trouvant pas de

personnel qualifié nous montons un cours de six mois avec l'aide de l'ANPE qui

recrute les profils et de l'école Boule qui forme les candidats retenus. Une expérience

passionnante mais usante.

Je décide d'arrêter de travailler en janvier 1995 et de consacrer mon temps à

mes hobbys en compagnie de mon épouse : sport, marche, course, vélo, chant choral,

lecture et culture personnelle. Création d'un club de scrabble que j'anime et préside

pendant dix ans avec participation régulière aux compétitions locales et nationales.

Passage télé en 2011 sur FR3 « Chiffres et lettres ». Gestion de portefeuilles boursiers

et en particulier pratique régulière des options MONEP. Conseil syndical de la

copropriété de deux cent huit lots pour les aspects travaux et techniques.

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Pakou Serge DUPARC

Après la fin de P4, je suis appelé pour vingt-sept mois au service militaire. C'est

la "décantation" de l'esprit, d'abord en France, puis en Algérie, après les "accords

d'Évian".

Libéré en 1962, je m'aventure dans le milieu du travail : une forge. Affublé d'un

pied à coulisse et d'une biaude, je scrute ces zapil's qui font gémir le fer... mais là

n'est pas ma prière. Six mois plus tard, je reprends les études au CHEBAP qui

m'ouvre vers le BTP (bureau de contrôle, entreprises, banques...). Les affaires

tournent, "métro, boulot, dodo". Et puis crise de l'énergie oblige, licenciement

économique : premières Assedic sous Giscard, reprise des études à l'IAE de Paris :

me voici sur les bancs de l'école avec des étudiants de la moitié de mon âge, véritable

remise en cause personnelle.

1978, un choix s'impose : au grand désarroi de mon chasseur de têtes, je rentre

dans l'Éducation nationale à Paris. On me propose de former des élèves en vue de

leur insertion dans les cabinets d'architectes, au programme : architecture, en plus des

secrets de la construction.

L'enseignement ne me lâchera plus puisqu'au-delà de la retraite, je me consacre

actuellement à des actions de soutien scolaire en Haute-Savoie.

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Pollux – Gros Belou Michel DUPUY

Je n'ai jamais vraiment apprécié l'enseignement du Tabagn's… à part les cours

de Fonfon. Je dois mon amour pour la physique expérimentale depuis la 3ème

grâce à

une prof de physique qui nous enseigna comment Ératosthène (IIIe siècle avant JC)

mesura le diamètre de la Terre avec une précision de 1% à l'aide d'un cadran solaire,

d'une roue de charrette et de quelques dromadaires. Et comment Jean Perrin (début

XXe siècle) détermina le diamètre d'une molécule d'huile avec un compte goutte, une

éprouvette graduée et un double décimètre.

À la sortie de l'École, j'allai à la fac pour passer d'une part le certificat de

métallurgie des matériaux pour le nucléaire (avec Pilon, Zadig et Django d'ailleurs),

et d'autre part un certificat de mécanique quantique.

C'est ainsi qu'en octobre 62, je me suis trouvé en compagnie de deux étudiants

centraliens dans le bureau du chef de la métallurgie du plutonium au CEA-Fontenay-

aux-Roses. Celui-ci disposa sur la table trois sujets de thèse concernant l'étude des

propriétés physiques du combustible des futurs surgénérateurs. Ce combustible

pouvait se présenter sous la forme de trois sortes de mélanges d'uranium et de

plutonium : l'alliage métallique (UPu), le mélange d'oxyde (UO2-PuO2) ou de carbure

(UC-PuC). Il nous a dit "choisissez". Comme aucun d'entre nous n'avait la moindre

idée, on tira au sort et je suis tombé sur le plus mauvais sujet : l'alliage métallique.

Tout le travail se faisait en boîte à gants. Même si l'alliage métallique est le plus

mauvais des candidats pour les surgénérateurs (c'est l'oxyde mixte qui est retenu), je

fus quand même heureux de mettre en évidence un comportement anormal sur le plan

thermodynamique d'une phase du plutonium. Bref, je soutenais ma thèse à Orsay en

juin 68.

Là, je décidai de partir à l'étranger. Et loin ! J'ai trouvé deux labos prêts à

m'accueillir, l'un en Floride, l'autre à l'Université de Melbourne en Australie. Je

choisis ce dernier : contrat de deux ans, voyage aller-retour payé pour moi et ma

famille (Marianne, mon épouse suédoise, et mon fils alors âgé de quatre ans) soit en

avion 2ème

classe, soit en bateau 1ère

classe. En octobre 69, j'embarquai à Gènes sur le

Marconi, un paquebot rempli d'émigrants italiens, pour une traversée d'un mois avec

passage par le cap de Bonne Espérance.

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L'accueil à l'université fut merveilleux. Piscine à gogo (je nageai un 1500 m

avec des universitaires où je terminai bon dernier), squash, badminton, tournois

d'échecs et… même quelques parties de cricket ! C'est là que l'on réalise qu'il faut

être anglais pour inventer un jeu pareil ! J'avais un statut d'enseignant-chercheur. Mon

rôle était "répétiteur" de cours de métallurgie auprès d'étudiants sympas. Mon sujet de

recherche avait un titre pompeux : "Étude des effets de l'irradiation aux neutrons sur

le phénomène de durcissement structural" !

Nota : le durcissement structural intervient, par exemple, dans l'amélioration

des propriétés mécaniques de l'aluminium par l'ajout de magnésium (duralumin).

Beau sujet. Oui, mais les échantillons n'étaient pas prêts et surtout le réacteur unique

en Australie se trouvait à Sydney soit à mille kilomètres. Pour comble de malchance,

il fut arrêté pendant un an pour améliorer ses performances. Rien ne se passa comme

prévu, mais je m'initiais au maniement d'un microscope électronique, et cela me

servirait par la suite.

En octobre 70 je rentrai, en avion cette fois, mais en faisant des sauts de puce :

Nouvelle Calédonie, trois semaines extraordinaires dans l'ile d'Ouvéa (une des îles de

la Loyauté) dans la tribu des Fayaoués, quelques jours dans les îles Cook, un mois

entre Tahiti (où je rencontrais Moitessier qui arrivait de son 1,5 tour du monde en

solitaire), Moorea et Bora Bora. Et enfin le Mexique (les pyramides Mayas, Acapulco

et ses plongeurs de falaise)… J'arrivai en France en février 1971.

Bien vite, j'eus trois propositions : à Cadarache dans le plutonium, au CNRS à

Meudon et au LETI à Grenoble. Je décidai de changer complètement d'orientation et

intégrai le LETI le 1er avril 1971.

Nota : le LETI (Laboratoire d'électronique et des technologies de l'information

- 700 personnes lors de mon arrivée, 1900 aujourd'hui) dépend du CEA, même s'il a

très peu de rapport avec le nucléaire. Son but est d'être une interface entre la

recherche fondamentale et l'industrie, de réaliser du transfert industriel, puis de

repartir vers de nouveaux sujets innovants pour de nouveaux transferts. Pour chaque

sujet, il doit démontrer une faisabilité par la réalisation d'un démonstrateur et la

réalisation d'une ébauche de production. Ses domaines de prédilection sont très

vastes : la microélectronique tout d'abord, avec la préparation de la prochaine filière

de microprocesseurs ou de mémoires, les capteurs (pression, humidité,

accéléromètre…), les détecteurs (rayons X et surtout infrarouge), lasers solides,

couches minces pour le traitement des optiques… sans compter diverses applications

dans l'instrumentation, la robotique et le spatial… Toute recherche doit se faire en

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collaboration avec un industriel et l'appui de divers ministères : recherche, industrie,

militaire, santé, sans oublier l'Europe. Par exemple, pour la microélectronique, le

partenaire de choix est ST-Microelectronics.

Dans ce monde de polytechniciens, normaliens, centraliens, supélec,

supoptique… j'étais le seul gadzarts. Mais j'avais une spécificité : je connaissais bien

les matériaux et les techniques d'investigation. Or toutes les technologies sont

concernées par l'élaboration de couches minces que les technologues empilent,

gravent localement, dopent, dans des salles blanches sans poussière. Je développais

donc un service de caractérisation physique de matériaux en couches minces pour

déterminer leurs propriétés physiques, leurs états de surfaces et d'interfaces. La

détection d'impureté à des niveaux parfois bien inférieurs à la ppm (un atome par

million), était un objectif à atteindre. Mon groupe n'a jamais été très nombreux,

quarante personnes tout au plus, mais uniquement des ingénieurs et docteurs ès-

sciences, chacun au top dans son domaine. Chaque technique de caractérisation

possède sa spécificité, avec chaque fois des noms qui ne vont rien dire à la plupart

d'entre vous : TEM, MEB, Auger, ESCA, SIMS, Raman, AFM, Topo X,

réflectométrie RX, ellipsométrie spectroscopique, RBS par Van de Graff,

rayonnement synchrotron…

Pour être efficace, je devais me mettre dans la tête beaucoup de filières

technologiques qui, d'ailleurs, changeaient tout le temps. Je participais à l'élaboration

de beaucoup d'entre elles. En cas de problème, une "analyse de défaillance" était

nécessaire. Parfois, il m'arrivait de faire de l'espionnage. Mais ce mot était banni : je

faisais de "l'analyse de construction". En tant que "secret défense", j'ai connu bien des

dossiers classés dans le domaine des détecteurs infrarouge, des lasers pour guidage de

missile et des fameux circuits électroniques durcis.

Nota : En cas d'attaque thermonucléaire, la microélectronique classique ne

résiste pas au choc électromagnétique. D'où le développement d'une technologie dite

durcie qui, elle, devrait résister. Ainsi, on peut imaginer qu'après une attaque

massive, toute forme de vie disparaisse, mais que des robots subsistent… et

ripostent !

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Personnellement, j'avais une technique que, contre vents et marées, j'ai continué

d'exercer jusqu'à ma

retraite : la microscopie

électronique en haute

résolution. Plusieurs

fois, je suis allé au Japon

pour tester et acheter des

microscopes. Je présente un

exemple ci- dessous :

L'image représente une interface, vue en coupe, de silicium (en bas) avec son

oxyde thermique (SiO2 - en haut). La maîtrise de cette interface est capitale pour

l'élaboration des transistors MOS de nos microprocesseurs. On distingue

parfaitement les atomes de silicium grâce à l'arrangement périodique de ceux-ci dans

leur structure. Par contre, l'oxyde est amorphe, c'est-à-dire sans arrangement

périodique. A cette interface, on met en évidence une marche atomique. A cette

marche, des liaisons électroniques ne sont pas satisfaites et des électrons se baladent

à l'interface, ce qui est mauvais. A partir de ce genre d'image, on peut proposer aux

technologues une méthode pour résoudre ce problème. Quelques jours avant mon

départ à la retraite, j'ai encore passé une journée entière à "voir des atomes".

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Au cours de ma carrière au LETI, qui dura vingt-huit ans, j'ai connu pour ce

labo des succès, mais aussi des échecs.

Des échecs tout d'abord. Quelques exemples :

-Le LETI développa une technologie révolutionnaire pour réaliser des têtes de

lecture magnétique de disques durs. Aucun industriel français intéressé. Un ingénieur

créa sa société, SILMAG, près de Grenoble, qui compta bientôt cinq cent cinquante

personnes. Suite au défaut de payement de son principal fournisseur, Samsung pour

ne pas le nommer, elle fut mise en liquidation en 1998.

-La technologie écran plat par LCD fut largement développée au LETI avec la

technique d'affichage dite TFT (Thin film transistors) très en avance pour l'époque.

Elle fut proposée à la Thomson, société française, qui la refusa, préférant sa filière

écran plasma, développée en interne. On connait la suite…

-J'ai aussi été impliqué (de loin), par le développement de l'IRM pour imagerie

médicale. Je m'occupais de la caractérisation des aimants permanents à fort champ

magnétique en fer-néodyme-bore. Un prototype fut réalisé avec la collaboration d'un

neuro-chirurgien grenoblois. Aucun industriel français n'a été intéressé…

Heureusement, il y eut de belles réussites :

-SOITEC fondée par quatre ingénieurs du LETI, elle compte aujourd'hui neuf cents

personnes avec une succursale à Singapour. Elle réalise des substrats de silicium sur

isolant (FD-SOI pour Fully depleted silicon on insulator) utilisés pour la

microélectronique rapide et aussi… durcie (chut !).

-SOFRADIR produit des détecteurs et imageurs infrarouge aussi bien pour les

militaires, le civil et le spatial (cinq cents personnes). Certains de ses imageurs sont

actuellement sur Mars.

Depuis 2000 près de cinquante start-up ont ainsi été créées.

- Et bien sûr : MINATEC, trois mille chercheurs. Je participais à son lancement au

moment de ma retraite en 1988-99. Là on passe d'une technologie à l'échelle du

micron (micro-technologie, microélectronique), à une technologie mille fois plus

petite à l'échelle du nanomètre (nanotechnologie). MINATEC est organisée en

plateformes pouvant accueillir des industriels. Je suis à l'origine de la PFNC (Plate

forme de nano caractérisation). Dans le lien ci-dessous, vous pouvez voir une vidéo.

https://www.minatec.org/fr/recherche/plates-formes-dediees/plate-forme-

nanocaracterisation/

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Au démarrage de MINATEC, juste avant ma retraite, je participais à un

programme complètement fou : la mémoire à un électron. Sa feuille de route

prévoyait une mise sur le marché en 2015. On l'attend toujours !

A mon pot de retraite j'ai, bien sûr, fait un discours.

Mes derniers mots furent ceux-ci :

Pas un matin, en allant au travail, je ne me suis dit : « Qu'est-ce que je vais

m'ennuyer » !

Octobre 1999. La retraite ! Que faire ?

Je commençais par écrire un livre : "L'azur noir". Un roman autobiographique

de trois cent cinquante pages qui fut édité. Il est encore possible de le commander sur

Amazon mais à un prix prohibitif (https://www.amazon.fr/LAzur-noir-Michel-

Dupuy/dp/2748126386) Par la suite, j'ai écrit quelques nouvelles policières. Elles sont

en auto-édition, et l'on peut me passer commande… Plus récemment je me suis

proposé comme régisseur dans des troupes de théâtre amateur. Je m'occupe du son

(bruitage, musique), des décors, réalise les affiches, les flyers, les albums photos… Je

me suis déjà impliqué dans cinq troupes et participé à dix spectacles. Knock de Jules

Romains connut un énorme succès et fut joué quatorze fois. J'ai des projets pour la

saison prochaine.

À la mairie, j'ai lancé avec quatre amis, une action bénévole en informatique.

Nous faisons de la formation avec des cours de différents niveaux. Pour ma part, je

m'occupe principalement du traitement d'images sur Photoshop, et de la sécurité en

informatique. De plus, un matin par semaine, avec un collègue, nous faisons, toujours

à la mairie, des permanences informatiques. Des personnes viennent avec leur

ordinateur portable (pour moi), ou leur tablette (pour mon ami) pour régler leurs

problèmes. Quelques questions récurrentes : mon ordinateur rame, comment ranger

mes photos, faire de la sauvegarde automatique, installer un antivirus gratuit… Nous

avons établi une déontologie pour ne pas faire de la concurrence aux professionnels.

Enfin, j'ai toujours été passionné par l'astrophysique. À Grenoble, nous avons la

chance d'avoir l'UIAD (Université inter-âge du Dauphiné). Là, j'ai donné plusieurs

conférences sur la théorie du Big Bang dans les sections de géologie et des "Amis de

la science". Certains ont pu m'écouter à la Zapatte de Vaison-la-Romaine (2015). Je

fais aussi partie du GAD (Groupe d'astronomie du Dauphiné).

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Et maintenant, que dire de plus sinon : « Pourvu que ça dure ! »

*******

PS : Pour mon cours de traitement d'images, j'ai réalisé un document. J'ai demandé à

notre ami Mickey de me faire un dessin pour la couverture. Je ne résiste pas au

plaisir de vous le montrer. Le voici :

********************

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K’bri Guy DUVERNE

Dans ce récit qui retrace les grandes étapes de mon parcours, je soulignerai la

manière dont j’ai pu mettre à profit mon bagage de gadzarts et le faire fructifier, ce

qu’il m’a apporté et permis d’entreprendre.

Fort-Trinquet

Après une longue traversée en bateau, de Marseille à Dakar, entrecoupée

d’escales à Palma de Majorque, Alger, Tanger, Casablanca, puis un vol en Nord-Atlas

à partir de Thiès, j’ai atterri comme grenadier voltigeur de 2ème classe dans une

compagnie saharienne en Mauritanie.

Au colonel qui me demandait pourquoi je n’avais pas suivi de peloton, j’ai

répondu que c’était pour venir plus vite ici. Il m’a répondu qu’il s’en souviendrait …

En fait, c’est lui qui s’est souvenu que j’étais ingénieur lorsqu’il m’a chargé d’exercer

les fonctions de responsable du 4ème bureau d’état major chargé des transports. Mes

connaissances en aéronautique m’ont conduit à être prudent car la portance d’un avion

diminue lorsque la température croît.

Je me suis fait des copains chez les aviateurs qui vivaient comme des princes en

comparaison des soldats de l’Infanterie de marine (marsouins).

La chaleur était telle qu’elle soumettait nos cerveaux à rude épreuve et que dans

le mien naquit l’idée un peu folle de construire un réfrigérateur. Le cours de thermo de

Fonfon m’avait marqué et je rêvais de machine à deux sources et du cycle de Carnot.

Grâce aux aviateurs, je pus faire venir un moteur électrique. Mes copains étaient

enthousiastes. Cependant mon projet ne se réalisa pas.

Dakar-Bango

Un télégramme parvint de Dakar demandant la mutation du soldat Duverne à

l’École militaire de Dakar-Bango, à quelques kilomètres de Saint-Louis du Sénégal.

On répondit que c’était impossible ! J’étais devenu indispensable !

Après un échange de télégrammes dont j’étais averti le premier par les gars du

chiffre, mon excellent camarade de Dakar décida que la mutation du soldat Duverne

était un ordre et il le fit signer par le général dont il était le secrétaire. Un groupe très

important de copains accompagna ma jeep jusqu’au terrain d’aviation …

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À Saint-Louis je suis devenu prof de maths jusqu’en première pour des garçons

venus de la quasi totalité des pays africains francophones (certains de mes élèves ont

fait Saint-Cyr). La plupart d’entre eux étaient très bons en sport et j’avais quatre

internationaux en athlétisme ce qui m’a permis d’assister aux jeux de l’Amitié à

Dakar dans des conditions privilégiées. Je suis entré dans le stade dans le car de la

sélection tchadienne non loin d’Eleïndé (2,20m en hauteur avec quelques pas d’élan !)

À l’École, l’ambiance était excellente. Avec mes collègues de la coopération

nous organisions des soirées où les Africains dansaient avec une aisance et une

souplesse étonnantes alors que nous, les Européens, nous hésitions à nous lancer mais

nous étions gentiment invités à nous mêler à la fête. C’était une belle école de

décontraction !

Dans la bibliothèque de l’école j’ai trouvé un livre d’un professeur de

mathématiques à l’université de Louvain : « Les nombres et les espaces ». Le lecteur

y était conduit, dans un langage familier, vers quelques sommets des maths modernes

qui restaient en dehors des programmes habituels. Théorie des nombres, puissances de

l’infini, algèbre très générale, géométrie non-euclidienne, géométrie projective…

J’ai senti alors avec une grande force naître en moi une aspiration vers ces régions

éthérées de l’esprit.

Sainte-Marie de Monceau

Rentré en France, j’ai décidé de m’inscrire à l’École des langues orientales et

d’avoir recours aux maths pour gagner ma vie. D’abord j’ai occupé très brièvement la

fonction de répétiteur pour les pensionnaires de Gerson qui étaient en terminale à

Janson-de-Sailly. Ensuite je suis devenu prof de maths à Sainte-Marie de Monceau.

J’étais tout près de la cathédrale orthodoxe russe de la rue Daru dont le chœur m’avait

ébloui. C’est donc en tremblant un peu que je demandai d’entrer dans la chorale

attenante et l’on m’accepta. Je croyais être au paradis mais il m’a fallu travailler

beaucoup et apprendre par cœur des textes en slavon sans les comprendre. Cela m’a

bien servi en philologie plus tard !

Après mes études à l’École des langues orientales je m’inscrivis en licence de

russe à la Sorbonne tout en prenant des cours particuliers de conversation avec des

Russes pour pouvoir parler. Le certificat de linguistique générale me passionna en

bouleversant mes façons de penser. Plus tard, lorsque je me suis intéressé à la

grammaire générative de Chomsky, ma formation de gadzarts m’a permis de

m’orienter plus facilement dans cet univers proche de la logique.

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En dernière année de licence, j’ai loué une chambre chez les Pères jésuites de

rite oriental de Meudon. J’y ai rencontré des Russes de l’émigration qui avaient

survécu à des épreuves terribles et répétées. L’un d’eux, « oncle Kolia », avait été

l’élève de grands formalistes. Ensuite il fut envoyé au goulag pour trotskisme alors

qu’il préférait Boukharine. Ses récits me donnaient froid dans le dos… Il m’a dit que

ce que décrivait Soljenitsyne dans « Une journée d’Ivan Denissovitch » n’était rien en

comparaison de ce qu’il avait connu. Après le camp, il était resté quelque temps en

résidence surveillée à Tachkent. Rentré en Russie ce fut pour connaître un camp

allemand. Finalement libéré par les Américains, il est venu en France. Il connaissait

admirablement la poésie russe et me récitait de longs poèmes avec parfois des larmes

dans les yeux. Je l’écoutais pendant de longues heures et je rêvais souvent dans un

russe excellent… Je lui dois énormément.

Deux autres personnes m’ont également profondément marqué. Nadièjda

Aleksiéèvna d’abord, une ancienne aristocrate qui avait servi le thé à la tsarine à

l’Institut des jeunes filles nobles de Saint-Pétersbourg. Elle parlait parfaitement cinq

langues. Plus tard, comme Anna Akhmatova, elle avait vécu son propre « Requiem »

et son mari était mort dans le train qui l’emmenait au goulag. Comme si cela ne

suffisait pas, elle était passée dans un camp nazi où elle avait perdu la trace de ses

enfants. Ensuite j’ai éprouvé une affection particulière pour une Arménienne de

culture russe. Elle était passée par Constantinople et Berlin… J’étais son petit-fils.

Après la licence j’ai écrit ma maîtrise sur le personnage du diable dans le

« Maître et Marguerite » de Boulgakov.

À cette époque j’ai eu la chance et le bonheur de faire du théâtre. Nous avions

constitué un groupe autour de Gerry Gischia dont le mari, peintre connu de l’École de

Paris était décorateur de Jean Vilar au TNP. Ils avaient été proches de Gérard Philippe.

Malheureusement j’ai dû abandonner et lâcher mes amis au moment de jouer Médée

d’Euripide pour passer l’agrégation et devenir fonctionnaire ! Ils n’ont pas du tout

compris car ils prétendaient que j’avais du talent…

Après l’agrégation j’ai fait la connaissance de Geneviève à Meudon où elle

perfectionnait son russe. Je partais pour Leningrad avec une bourse des Affaires

étrangères. A l’époque Paris-Moscou par le train durait quarante-huit heures. La Ruhr

m’a impressionné. J’ai reçu une bonne douzaine de coups de tampon en traversant

l’Allemagne de l’Est. À Varsovie j’ai visité la place du Marché reconstruite. À Brest-

Litovsk notre train a stationné deux ou trois heures, le temps d’écarter les essieux pour

les mettre à 1,52 m (au lieu de 1,435). Je suis donc entré en Union Soviétique par une

salle d’attente, en pleine nuit. Ensuite ce fut Victor Hugo : « Après la plaine blanche

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une autre plaine blanche », Tolstoï et Borodino puis la Grande guerre patriotique avec

Mojaïsk et la chaussée de Volokolamsk. Enfin j’ai pu découvrir les clochers du

Kremlin mais ce n’était pas du Mont des Moineaux !

À Leningrad (aujourd’hui Saint-Pétersbourg) j’ai fait de la recherche. J’ai trouvé

aussi une place de figurant à l’opéra Kirov où j’ai tenu ma modeste place dans Boris

Godounov (plusieurs fois), le Prince Igor (cinq fois), Guerre et paix de Prokofiev,

Aïda, etc… Mon goût pour l’opéra l’avait emporté sur d’autres considérations.

Au cours de mon séjour en URSS j’ai eu la chance de pouvoir visiter une partie

de l’Asie centrale et du Caucase. Quels magnifiques souvenirs. Mon retour s’est fait

en avion jusqu’à Odessa et ensuite par bateau avec des escales à Istambul, Athènes,

Naples (Pompeï), Gênes et Marseille. Ainsi se bouclait mon tour d’Europe des

Vikings.

J’ai retrouvé Geneviève qui était interprète chez « Saut du Tarn » près d’Albi.

On y fabriquait des vannes pour les gazoducs de l’Union soviétique.

Nous nous sommes mariés. Elle était prête à me suivre à Saint-Flour mais elle a

dû se contenter d’Orléans où j’étais nommé au lycée de la Source avec une classe

prépa-commerce.

Prof de russe

J’ai toujours enseigné avec plaisir sans trop me soucier des théories

pédagogiques fumeuses et contradictoires (ça n’a pas changé !) que nous aurions dû

appliquer. Les relations avec mes élèves ont toujours été excellentes et je me souviens

de grands moments. Une fois, la veille des vacances de Noël, alors que personne

n’avait envie de travailler, j’ai lu à l’une de mes classes le « Journal d’un fou » de

Gogol. Au début tout le monde riait mais à la fin nombreux étaient ceux qui pleuraient

ou étaient devenus pâles comme des morts…

Avec l’un de mes collègues j’ai beaucoup couru et fait de grandes chevauchées

à bicyclette. Une fois nous avons roulé pendant cinq jours en passant par le rougier de

Camarès, le causse du Larzac, le mont Aigoual, les gorges du Tarn, le Lévézou et

Carmaux.

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Cours au CNRS

Les cours de langue que j’ai donnés au CNRS m’ont beaucoup apporté. J’avais

aussi des élèves du BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières) et de

l’INRA (Institut National de la Recherche Agronomique). Cela m’a amené à traduire

un certain nombre d’articles scientifiques et il m’est arrivé d’être interprète lors de

conférences données dans le cadre de la coopération franco-russe dans les domaines

de l’espace et de la physique de l’environnement. Les liens d’amitié que j’ai noués

avec certains chercheurs restent très vivants.

Temps libre

Disposant de temps libre j’ai pu m’occuper de mes enfants et suivre en

particulier leur formation musicale. Tous les trois ont fait le conservatoire : deux en

piano et une en violon (ma mère était violoniste).

Notre fils Guillaume a intégré la chorale Sainte-Croix pour adultes et enfants. Il

n’avait pas encore neuf ans mais trois mois plus tard il partait pour une tournée en

Norvège dont il nous parle encore. Bientôt je l’ai rejoint à Sainte-Croix. Cela en valait

la peine car nous sommes allés chanter en Roumanie (juste après la mort de

Ceausescu), en Allemagne, en Hollande, au Danemark, en Italie, en Grèce …Je me

suis remis au piano et j’ai suivi des cours.

Strasbourg

Cependant l’enseignement du russe déclinait régulièrement. Je n’avais plus

assez d’élèves et je me suis résolu à accepter le poste que l’on me proposait à l’École

interarmes des langues de Strasbourg. J’y ai donné des cours à des officiers, à des

sous-officiers et à des attachés militaires en stage.

Je me souviens de longues conversations avec un ancien pilote de chasse et avec

un ex-sous-marinier. Nous avons traduit ensemble plusieurs passages d’ « Octobre

Rouge » dont j’avais une traduction en russe. Ces petits jeux de cache-cache sous les

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mers comportent un aspect technique très sophistiqué et la détection la plus rapide

possible de la signature acoustique de l’adversaire y joue un rôle capital.

À Strasbourg j’ai enseigné le russe et l’histoire. Celle des Balkans notamment

m’a passionné mais il faut une bonne dose de patience pour s’y retrouver.

Je me suis aussi beaucoup intéressé aux Khazars qui ont régné sur les steppes

depuis la Caspienne jusqu’à la Crimée du VIème

au Xème

siècle. Ce furent de grands

alliés de Byzance dans sa lutte contre les Arabes. L’un de leurs khans se convertit au

judaïsme.

Le « Dictionnaire khazar» de Milorad Pavic raconte cet épisode de leur histoire

d’après des sources chrétiennes, islamiques et hébraïques. C’est un récit fantastique

qui, d’après ce que prétend son auteur, ravira surtout le lecteur heureux qui pourra le

dévorer en utilisant l’œil droit comme une fourchette, l’œil gauche comme un couteau

et en jetant les os par dessus son épaule. C’est un livre ouvert même quand on le

referme.

Retraite

J’ai pris ma retraite en 2000. Nous avons quitté Orléans où Geneviève refusait

de rester plus longtemps pour nous installer dans son cher Tarn.

Nous sommes aujourd’hui une famille de dix-sept personnes dont neuf petits-

enfants qui font notre bonheur. Pendant les vacances, la maison est pleine de leurs

rires et de leurs chamailleries.

Nous avons une grande maison qui n’aura jamais fini d’être restaurée et nous

occupe beaucoup ainsi que le jardin. Je partage le reste de mon temps entre le chant

dans un chœur baroque à Cordes qui compte plusieurs Britanniques et Hollandais, le

piano et la lecture… Je marche aussi …

Depuis un an Geneviève a peu à peu retrouvé sa vitalité et nous faisons de

nouveau des projets.

******************

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P'cass – le Brésilien Alain FEUGIER

Une vie bien remplie

Ce parcours industriel émane de ses archives informatiques, je vous le livre

puisqu'il nous a quittés en mai 2016.

************

Mon aventure industrielle

Pur produit de l’enseignement technique – et fier de l’être – issu, bac

mathématiques et technique en poche, de ce qu’on appelait autrefois dans les

années 50/60 « Collège », devenu aujourd’hui lycée Carnot à Roanne (42), j’intègre

en 1957 l’École nationale supérieure des Arts et Métiers au centre régional de

Cluny (71) avec pour objectif, non pas de « décrocher la Lune », mais un diplôme

d’ingénieur et intégrer, à l’issue de la dernière année d’études accomplie à Paris, la

grande famille des gadzarts.

Ce furent quatre années d’études à la fois exigeantes mais aussi exaltantes,

riches d’expériences multiples et enrichissantes :

- découverte des mille ans d’histoire de l’abbaye de Cluny, des deux cents

ans de vie de la communauté gadzarts,

- apprentissage de la vie et du travail en groupe,

- créations techniques et artistiques,

- maitrise, du moins le croyait-on, de la matière,

- apprentissage de l’effort au travers de la pratique de sports collectifs,

- rencontre d’une élève infirmière,

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En ce temps-là nous ne cherchions pas à « poursuivre » nos études… aussi

endossais-je, dès le 2 février 1962, l’uniforme de l’armée de l’air, inquiet à l’idée de

me retrouver en Algérie où la guerre faisait des ravages. Je fus de la première

promotion d’EOR (École des officiers de réserve) qui échappa à cette corvée et me

retrouvais, pour dix-huit mois, sous-lieutenant affecté au contrôle aérien à la station

radar de Lyon-Satolas, aujourd’hui émigrée au sein du Mont-Verdun, pour faire place

à l’aéroport international de Lyon-Satolas, devenu Saint-Éxupéry.

Cheminement industriel

Septembre 1963 voit mes débuts dans l’industrie. Nous n’avions, à cette

époque, pas de grandes difficultés pour trouver chaussure à notre pied. J’intègre

résolument chez le premier constructeur français de matériels de travaux publics :

la société RICHIER, aujourd’hui disparue.

Trois souvenirs émergent de cette première expérience :

- mai 68, je me retrouve haranguant la foule sur le capot des voitures aux

portes de l’usine RICHIER de Lyon-Gerland. Cinq semaines d’occupation

d’usine vous amènent à vous remettre en cause, à vous poser des questions, à

fonder un syndicat de cadres.

- dans la pagaille quotidienne induite par le mouvement social, un

événement heureux, la naissance d’Olivier. Me voici courant les bistrots du

quartier à la recherche de bouteilles d’eau d’Évian pour ce nouveau

contestataire.

- l’apparition des premiers ordinateurs de gestion de la série IBM 360

nécessitant un local de 100 m² avec air conditionné, qui aujourd’hui en 2011

seraient accueillis sans difficulté dans une poche de veste !

Le réalisme, en relation directe avec l’effondrement de RICHIER, le désir de

découvrir d’autres paysages, font, qu’en septembre 1971, j’entre chez BSN dirigé

par un des grands patrons français, Antoine RIBOUD, au sein de la branche

« Emballage ». Je deviens responsable du service « Organisation-formation » du

département « Bouteilles et pots ».

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Mon champ d’action se compose de sept usines réparties sur le territoire

français, rassemblant environ quatre mille personnes. Me voilà transformé en

véritable pigeon voyageur, allant de trains en aéroports, sillonnant la France du

Nord au Sud et de l’Est en Ouest. De cette époque date ma passion pour la

formation. La loi de juillet 1971 en faisait une obligation pour les entreprises de

plus de cinquante salariés.

Que d’images extraordinaires resurgissent :

- les grands-messes au centre de formation de BSN à Saint-Andéol-le

Château, près de Givors, dans l’ancienne propriété de la famille de Marie

Souchon, tante d’Antoine Riboud, clôturées par Antoine Riboud débarquant

en hélicoptère sur la pelouse du parc !

- la transformation de l’usine de verre plat de Wingles dans le Nord, en

usine de bouteilles dans laquelle nous avons innové en matière

d’organisation, mettant en place des groupes autonomes de production.

- la reconversion du personnel de l’usine de Rive-de-Gier (42) en

transformant une ancienne usine textile – aujourd’hui, occupée pour partie

par le lycée hôtelier de Saint-Chamond (42) – en usine de fabrication de

citernes en stratifié dont j’assure la direction.

- octobre 1978 : le hasard des rencontres dans un avion, m’amène à

répondre favorablement à la sollicitation d’un ancien collègue de BSN-

Gervais-Danone, devenu DRH chez POTAIN, premier constructeur mondial

de grues à tour, qui me propose un poste de direction d’usine.

- retrouver un domaine de compétences ainsi que de nombreux anciens de

chez RICHIER, trouver réponse à mes aspirations personnelles… je fais le

grand saut.

- après une courte période d’adaptation, je suis nommé directeur de la

gestion de production du groupe POTAIN avec pour mission le

développement de celle-ci et l’utilisation de l’outil informatique dans

l’ensemble du Groupe.

- ensuite je deviens directeur de l’usine de La Clayette, fabrication

mécanique générale, de celle à Jassans, fabrication de ponts roulants et

portiques, et gestionnaire du magasin des pièces de rechange à Villeurbanne.

- la crise économique du bâtiment en 1984 me vaut la lourde

responsabilité d’élaborer deux plans successifs de licenciements. Cent soixante

dix noms à trouver… une véritable descente aux enfers ! Pour achever ce

parcours infernal, je suis remercié brutalement un soir de juillet 1987, avec

mon PDG, par le nouveau pouvoir qui contrôle désormais la Société.

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- être chômeur, se sentir exclu du système social, avoir le sentiment de ne plus

appartenir à la cité, fût un moment très difficile à vivre. Pourtant je n’étais pas sur

la paille, j’avais un pécule de trente-six mois de salaire devant moi.

- j’entamais une véritable course contre la montre. Je refais surface en janvier

1988, en intégrant le service prévention de la CRAM Rhône-Alpes (Caisse

Régionale d’Assurance Maladie) en tant que responsable du département

formation, grâce à mon ami Maurice Nivon - Sinus - de la Cl 57, qui plus est de la

même boquette !

- se battre pour une certaine idée de l’homme au travail, pour la promotion de

la maîtrise des risques dans l’enseignement professionnel, aux cotés de l’Éducation

nationale, dans les lycées professionnels des académies de Lyon, Grenoble, La

Réunion. Action qui me valu la double reconnaissance, d’une part de l’INRS

(Institut National de Recherche et de Sécurité) par l’attribution exceptionnelle de

la médaille de l’institution, d’autre part de l’Éducation nationale par l’attribution

de la croix de Chevalier dans l’ordre national des Palmes académiques, rarement

décerné à une personne ne faisant pas partie de l’institution.

**********

Je crois, malgré tout, que la vie de certains hommes ne se résume pas à leur

vie professionnelle et que selon leur personnalité elle peut s'étendre à une vie

sociale au sein de leur agglomération, ce qui fut le cas d'Alain de façon intense

(voir les K'nards précédents).

Il serait dommage que je ne fasse pas paraitre ici, sa volonté de faire vivre et

actualiser les traditions au sein de la famille 17 qu'il a suivie depuis la sortie de

l'École.

Ainsi son implication dans tous ces domaines dura plus de quarante-cinq ans.

Au soir de sa vie, à l'énoncé de sa profession : ingénieur des Arts et Métiers, il

lui fut répondu de la bouche de ses médecins :

"Les gadzarts, les ingénieurs qui savent tout faire !"

Ce fut un bel hommage.

Claude

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Tésis Gilbert GAILLOT

Entré à l'ENP de Voiron dès la 4 ème

pour suivre l'enseignement technique, choix

non discutable de mon père Compagnon menuisier du Devoir et "Un des Meilleurs

Ouvriers de France", j'en suis sorti par la porte du haut qui s'ouvrait sur les Arts et

Métiers. Rien de prémédité ni de souhaité !

Trois ans à Cluny où j'ai assez bien réussi et un an de rêve à Paris, enfin la vie

ouverte !

Diplômé à vingt-et-un ans, pas encore tout à fait mûr, je n'étais prêt ni à entrer

dans la vie professionnelle ni à partir "sous les drapeaux".

Mon projet était le MBA d'Harvard mais je n'ai pas trouvé le "sponsor" désireux

de m'offrir les deux ans de Sciences Po imposés par le comité de sélection français.

Par contre Supélec était accessible et j'ai choisi comme "sponsor" TRT,

entreprise du groupe Philips, qui me garantissait un poste d'ingénieur dans le

développement de matériel aéronautique embarqué, consolation pour celui qui,

"passionné" d'aviation, constate qu'il est myope, astigmate et daltonien !

Dès mon deuxième diplôme en poche, un service national de rêve : un mois de

vacances à Brest pour apprendre à faire le marin, deux mois d'embarquement à

Toulon à bord du sous-marin Doris et quinze mois à Cadarache comme ingénieur au

SEPN en charge de l'intégration et de la mise au point des auxiliaires électriques

principaux (pompes primaires et convertisseur réversible continu-alternatif) du PAT

(prototype à terre) pour les futurs sous-marins nucléaires.

C'est aussi l'occasion de prendre mes premières leçons de pilotage d'avion sur le

terrain de Vinon.

Puis entrée dans la vie professionnelle à TRT dans le service « radio-

altimètres » où , en plus du suivi technique des équipements déjà en service dans les

compagnies aériennes et l'armée de l'air, je suis très rapidement chargé de mener

successivement deux projets majeurs : adaptation du modèle courant (AHV3) aux

spécifications ultra-sévères imposées par Sud-Aviation pour le Concorde (AHV4) et

autre adaptation du modèle courant pour répondre aux nouvelles normes

d'encombrement imposées par l'aviation civile internationale (AHV5).

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Dans les deux cas je suis allé de la conception des adaptations à la certification

des prototypes, avec une prédilection pour les vols d'essai effectués en avion et

hélicoptère au CEV de Brétigny, à Toulouse et Marignane (en définitive c'est l'AHV5

qui a équipé tous les Concorde de série français et anglais).

Une telle responsabilité donnée à un ingénieur débutant est aujourd'hui

inconcevable.

Pendant cette période, un voyage en Yougoslavie, Hongrie et Autriche avec

Rexy, Pilon, Djin, Duo et cinq jeunes filles me donne l'opportunité de faire la

connaissance de Nicole qui séduite par le confort de la R16 rouge que je conduis ne

me quitte pas ! Une seule solution, la "marier", ce qui fût fait quelques mois plus

tard !

Puis première rupture, mon grand chef ne tient pas sa promesse d'évolution, je

démissionne, appelé par les sirènes du "Plan Calcul" voulu par le Général.

Un an dans la pétaudière de la CII (Compagnie internationale pour

l'informatique) me calme et je rejoins mon ancien chef direct de TRT chez BENSON,

comme chef du service électronique, rapidement chargé de concevoir et développer

un traceur électronique (dessin informatique projeté sur un film 35mm par un tube

cathodique), premier modèle européen, plus performant que le concurrent américain,

présenté en fonctionnement au Sicob 1969.

Le PDG me surveille avec méfiance, je démissionne et saute dans le vide (pas

très risqué à cette époque) marié et père de deux enfants.

Très rapidement recruté par Philips au sein de la division nouvellement créée

"Data Systems", j'intègre, en tant que responsable HSE "Hardware System

Engineering", l'équipe projet international en charge de concevoir la famille

d'ordinateurs industriels que Philips a décidé de mettre sur le marché mondial.

Rapidement promu chef de service puis chef du département industrialisation

j'ai en charge la conception et les études "matériel (packaging et connectique)", la

réalisation des prototypes, les méthodes de fabrication et de test, la CAO, les prix de

revient et l'organisation industrielle.

Neuf années d'une vie professionnelle riche et intense où j'ai appris et pratiqué

ce qu'est l'organisation au sein d'une multinationale aux méthodes et au savoir-faire

éprouvés.

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Ce passage est aussi marqué par une courte séquence "UNIDATA" lorsque CII,

SIEMENS et PHILIPS ont tenté de s'unir pour créer un groupe informatique

européen. J'y ai laissé des traces sans suites dans la conception du packaging, de la

connectique et de l'esthétique des systèmes !

À près de quarante ans, heureux père de trois enfants, l'air de la région

parisienne commence à nous peser, les retours de la forêt de Fontainebleau à trois

heures de l'après-midi pour passer avant la meute sont lassants, le poste qui décrit

mon profil me passe sous les yeux lors d'un apéritif chez des amis : candidature

immédiate, réponse quasi instantanée et nous voilà partis pour Lyon.

Au sein du groupe suisse BROWN-BOVERI, je prends la direction d'usine et de

production des matériels électroniques de la division industrielle de la CEM. Nous

fabriquons des produits électroniques et assemblons des systèmes d'entraînement

(variateurs de vitesse et moteurs associés) de 1 à 5000 kW pour des applications

variées allant des machines-outils aux laminoirs en passant par les téléphériques et les

remontées mécaniques pour un marché mondial.

L’environnement syndical est fort…

Une dernière réorganisation me propulse comme Directeur de division (deux

cents personnes) en charge de développer, fabriquer et vendre des sous-ensembles

électroniques : variateurs de vitesse pour machine outils et robots, centrales de

régulation pour le chauffage des immeubles, calculateurs embarqués pour la gestion

des véhicules de transport en commun... et de produire les systèmes à dominante

électronique pour les autres divisions.

En 1983, BBC décide d'abandonner CEM que l'organisation de la production

d'équipements électriques pour le nucléaire décidée par Giscard a laissée exsangue

(un seul fournisseur en France : Alsthom). Ma division doit être reprise par Alsthom

qui va la regrouper avec son activité en région parisienne. Veto de la famille et

occasion de faire le point.

Dix-huit ans de carrière dans l'industrie, principalement dans deux

multinationales, des projets passionnants, des responsabilités significatives mais une

prise de conscience : je ne suis pas totalement construit pour être un "patron" : trop

"gentil" !

Au même moment une porte s'ouvre pour intégrer en temps que consultant

senior le cabinet américain leader mondial du domaine Gestion des ressources

humaines "HAY Group -1200 consultants installés dans tous les pays développés".

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Je ne découvre pas le métier de consultant, que mes responsabilités précédentes

m'ont fait apprécier en temps que client, mais rapidement je "m'éclate".

Des clients de toutes tailles (multinationales américaines et européennes,

groupes français présents sur le marché mondial, PME dans presque tous les

domaines d'activité), un savoir-faire et une méthodologie en béton-armé, m'ont

permis de découvrir d'autres mondes que celui de l'électronique, et d'autres métiers

que ceux liés à la technique, avec une totale liberté d'action : trouver des clients et

répondre à leur besoin dans le cadre du savoir-faire de HAY, faire des factures en

respectant les objectifs de rentabilité et s'assurer qu'elles sont payées !

Quatre années d'une vie trépidante, un des tous premiers IBM PC sur mon

bureau dès 1983 (mes premiers "vols" sur Flight Simulator 2 datent de cette époque),

plus un PC portatif Olivetti (8kg) pour travailler directement chez les clients.

Puis HAY est racheté par le Groupe de publicité Saatchi et Saatchi, les objectifs

de chiffre d'affaires et marge déjà très élevés deviennent délirants et dans le cadre

d'une restructuration de l'activité des bureaux régionaux on veut me spécialiser et me

contrôler ! C'est trop !

Il faut repartir rapidement, le patron d'un cabinet lyonnais de « Chasseur de

têtes » ou « Executive Search » me propose d'entrer dans cette voie, fort de mon

expérience chez HAY et de mon carnet d'adresses de clients potentiels, dans des

conditions salariales particulières : salaire intégralement variable en fonction du

chiffre d'affaires facturé et payé.

Des débuts faciles (le premier candidat que j'ai recruté est encore en poste

depuis trente ans dans la même usine qui a changé trois fois de propriétaire !), la suite

plus compliquée et il faut deux ans pour atteindre un régime de croisière.

Il est temps de voir ailleurs et je "passe" au sein du cabinet Alexandre TIC pour

créer à Lyon l'activité « Top Search » exclusivement consacrée à la recherche par

approche directe de cadres supérieurs ou dirigeants.

Tout marche parfaitement bien mais, soucieux de préparer sa retraite, le patron

vend la société au groupe ECCO qui fort de son "expérience" met en place le contrôle

de l'activité des consultants seniors basé sur le modèle de celui des chefs d'agence

d'intérim : insupportable ! Il est temps de prendre ma liberté et avec deux collègues

nous décidons de créer notre propre cabinet de conseil en recrutement « Moving

Conseil ».

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En pleine période de la première guerre du Golfe le décollage est difficile mais

réussi grâce la fidélité des clients qui ont choisi de nous suivre.

Enfin la "vraie vie libre", dans une structure où nous sommes cinq dont mes

deux associées et deux secrétaires, un bureau au bord de la Saône pour voir passer les

trains et les bateaux et une activité régulièrement soutenue, basée sur la qualité de nos

prestations et la fidélité de nos clients dans de nombreux domaines d'activité sur toute

la France.

Octobre 2001, cent soixante trimestres de cotisation, lassitude de rechercher des

nouveaux clients, il est temps de vivre la "retraite" sans pour autant s'arrêter de

"produire".

Je propose mes services au pôle Carrières de la Soce qui me rit au nez : un

provincial, tu plaisantes ! et au groupe de Lyon où pendant huit ans je serai l’un des

animateurs d'Emploi-carrières, mettant en œuvre ma connaissance du marché de

l'emploi en Rhône-Alpes et des réalités du processus de recrutement dans les

entreprises de toutes tailles.

Beaucoup de belles rencontres avec des gadzarts jeunes et plus âgés jusqu'au

constat : mes interlocuteurs m'entendent souvent avec intérêt mais je n'ai plus la

preuve qu'ils m'écoutent.

À soixante-dix ans il est temps de laisser la place aux jeunes.

En parallèle avec la fin de mon activité professionnelle et le début de ma retraite

un engagement associatif bénévole pendant huit ans comme membre du bureau puis

vice-président de Messidor (cinq cents personnes, huit établissements), association

pour l'insertion de travailleurs handicapés mentaux.

Le projet était de prendre à terme la présidence de l'association créée par un

collègue et ami ancien de HAY, mais je n'ai pas poursuivi, n'étant pas, à mon avis,

suffisamment compétent dans le domaine.

À la retraite, l'emploi du temps enfin libéré, il est temps de revenir à mes

ambitions initiales, passer le brevet de pilote d'avion (PPL) pour promener ma petite

famille. Grâce à la compréhension du médecin contrôleur j'obtiens l'accord médical,

prend toutes les leçons qu'il faut pour être "lâché" et obtenir le "Brevet de base".

J'arrête ma carrière de pilote actif le jour même car il n'est pas raisonnable de

continuer avec une vue aussi déficiente.

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Le « Flight Simulator » est ma solution et j'ai maintenant, sur cet outil assez

sophistiqué, plus de deux mille heures de "vol", ayant installé successivement toutes

les versions de 2 à X.

En résumé, un parcours très diversifié et plutôt riche (pas trop en euros !)

marqué par le souci constant de ne jamais se laisser enfermer, de ne pas supporter les

chefs médiocres, et de profiter de toutes les opportunités et rencontres pour

apprendre.

Et, soixante ans après, la fierté d'être gadzarts.

Maintenant, avec une épouse très active, des petits-enfants qui ont grandi, une

responsabilité élargie pour la promo, un réseau d'amis large et solide, un peu de vélo

pour la forme et le plaisir, de nombreuses balades autour de Lyon et dans le Jura, des

sorties pour les spectacles, des voyages jamais assez nombreux, le Flight Simulator

toujours actif, une connaissance assez approfondie des cinq cents réseaux de tramway

de la planète, pas de quoi m'ennuyer !

******************

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Jacky Jacques GIELLY

L’origine de ma famille est essentiellement Rhône-alpine. Mon père, Robert, né

à Genève, vécut une partie de sa jeunesse à Lucinges (Haute-Savoie), et ma mère

Marguerite naquit et vécut à La Verpillière (Isère). Mes parents se marièrent à Lyon,

j’y naquis en 1939, suivant mon frère Michel, né lui en 1936. Nous habitâmes au pied

de la colline de la Croix-Rousse, non loin de la place des Terreaux, plus précisément

rue Terraille.

Mon père eut pour père Émile, être fantasque que j’ai peu connu. Celui-ci

possédait une petite affaire de mécanique, travaillant en sous-traitance ou à façon,

mais développant et commercialisant aussi quelques inventions issues de son

imagination. Tout naturellement il aiguilla mon père vers des études techniques,

lequel devint breveté à l’ENP de Voiron.

Ma mère eut pour parents Michel, essayeur de véhicules lourds chez Berliet

(que je ne connus pas, car décédé en 1924), et Francine – dite Cocotte – que je ne

connus qu’à La Verpillière, qui nous fournissait en volailles, lapins, et légumes, et

que je vis souvent à l’œuvre dans la réalisation des voilettes en tulle, sur lesquelles

elle déposait des « monches » s’organisant en dessins variés. Marguerite termina ses

études en école supérieure, en secrétariat et comptabilité.

Diplômes en poche, Marguerite entra aux papeteries Navarre où elle resta de

nombreuses années, tandis que Robert travailla pour divers employeurs dans le

secteur de la mécanique de précision ; ayant connu le travail artisanal, il décida de se

« mettre à son compte » et fonda sa petite entreprise, aidé par Marguerite pour les

activités de bureau.

Il commença seul par des activités de reconditionnement de moteurs –

essentiellement de motos – par réalésage des cylindres, poses de chemises, et

réparations de carburateurs. Progressivement son champ d’action augmenta,

nécessitant des embauches de personnel. Vers mes dix-douze ans, il était à la tête

d’une douzaine de compagnons, et d’un parc de machines outils spécifiques à

l’élaboration de dispositifs complexes et de prototypes, pour les industries chimiques

et textiles principalement.

C’est dans ce cadre que je grandis.

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Après des études en maternelle et en primaire à l’école Michel Servet, située à

l’entrée du tunnel de la Croix-Rousse côté Rhône, je ne rêvais que de mécanique.

Mon père visait pour moi l’ENP de Voiron, et ma mère l’ENP de Lyon (La

Martinière). Étant encore jeune, je fis une année dans un cours complémentaire rue

Pierre Corneille, sous la houlette de Monsieur Bornand, et fus admis à… l’ENP de

Voiron.

À 12 ans, je connus l’internat, l’isolement, les balades à N.D. de La Vouise le

dimanche, mais aussi une camaraderie nouvelle, des profs différents pour chaque

matière, et fis deux grandes découvertes : d’abord l’italien que je pris en seconde

langue, et qui me séduisit, et le rugby que je pratiquais le jeudi après-midi.

Hélas, à la suite d’un évènement rocambolesque – que je vous narrerais en

annexe si j’en ai le temps et qui se termina par mon exclusion pour huit jours, je ne

voulus pas reprendre les cours à la rentrée de Noël. Marguerite vola à mon secours, et

contre l’avis de Robert, elle me retira de Voiron. Elle s’arrangea pour que je fusse

repris rue Pierre Corneille. J’y terminais l’année, présentant un dossier pour une

admission en 3éme

à La Martinière, où je fus admis.

J’effectuais cette 3éme

année aux Augustins (Terreaux) découvrant de nouvelles

disciplines comme la chimie et la physique, mais aussi diverses activités d’atelier qui

m’étaient inconnues. Puis j’entrais dans la filière Technique-mathématiques, située

aux Minimes, où je passais quatre ans. Habitant le cœur de Lyon, j’y fus toujours

externe. L’enseignement que nous reçûmes alors, fut de grande qualité dans la

majorité des disciplines, en particulier en math par M. Raudrand, en chimie par M.

Canet, et en français et économie par M. Sansevy.

Durant cette période de l’enfance et de l’adolescence, lors des longues vacances

et outre les périodes consacrées aux loisirs, j’eus l’occasion de découvrir le monde du

travail : à Lucinges, chez les grands-tantes et grand-oncle, les travaux des champs, les

moissons, l’entretien du bétail ou la cueillette des fruits ; à La Verpillière, le jardinage

et les vendanges (eh oui !) ; toutes activités souvent faites en coopération avec les

voisins, auxquels la pareille était rendue. Mais je découvris surtout le monde ouvrier

dans les ateliers successifs de mon père ; j’y ai occupé successivement, durant des

périodes variant de une à quatre semaines, des activités d’arpette pour le nettoyage,

de finisseur pour le polissage ou l’ébavurage des pièces terminées, l’exécution de

séries aux machines outils, (tour, fraiseuse et rectifieuse). Je compris ce qu’était la

dépendance et la hiérarchie, lorsque j’eus besoin d’un outilleur ou d’un régleur pour

préparer le travail. Je fus dès lors admis comme « collègue », et non plus comme

« fils du patron ». Il faut dire qu’à l’époque, un certain paternalisme régnait, et qu’il

n’était pas rare que nous prîmes l’apéritif ensemble, en fin de semaine.

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Revenons aux études. J’étais un élève sérieux et consciencieux, mais parfois un

peu dilettante. En TM1, je fus vraiment vexé lorsque je dus attendre la session du bac

de septembre, pour l’obtenir ; d’autant que je fus recalé à tous les concours.

Heureusement, en TM2 le contraire se produisit. Je perçus mon admission à Cluny

comme un accomplissement ; enfin, j’atteignais l’objectif que je m’étais fixé. Mon

parcours à Cluny différa assez peu de celui que nous avons tous connu. Cependant je

voudrais insister sur deux points certes accessoires, mais qui eurent leur importance

dans ma formation. Nous, Lugs de « La Martin », étions catalogués d’Antitrad’s ; si

nous fûmes réticents à certains usinages, je dois reconnaître que le brassage des

individus fut profitable, en favorisant les contacts ; le même phénomène se produisit

lorsque des groupes de travail définis de façon aléatoire nous étaient proposés : nous

étions alors contraints de nous entendre. Cela m’arriva en particulier avec Tater et

avec Django : de là date notre solide amitié.

Le choix de mon futur domaine d’exercice se décida lors du dernier mois

d’études en 4° année : M. Géminard nous fit deux ou trois conférences sur la

mécanique des sols qui me captivèrent immédiatement ; déterminer des

comportements mécaniques de matériaux naturels éminemment variables dans leur

constitution, me parut d’un intérêt certain et novateur. Vous verrez par la suite que

cette idée ne m’a jamais quittée.

En juillet 1961, Rirette, que je connaissais depuis plusieurs années, voulut bien

m’épouser ! Elle travaillait déjà comme institutrice à Villeurbanne. Je pensais intégrer

un 3éme

cycle en mécanique des sols à Grenoble, mais une opportunité se présenta

alors. Un emploi d’assistant en génie civil était ouvert à l’INSA de Lyon, où je

pourrais combiner enseignement et recherche ; le fait d’être correctement rémunéré

ne fut pas étranger à mon choix… ainsi je participais aux dépenses du couple… et en

plus, c’était à Villeurbanne !

Le responsable du département de constructions civiles – un chimiste de renom,

spécialiste des problèmes de diffusion gazeuse en milieux perméables ! – me reçut.

Ma mission serait de monter des laboratoires de manipulations d’abord en

mécanique des sols, mais aussi en matériaux de construction et en stabilité des

constructions. On ne pouvait rêver mieux. Le fait d’être gadzarts ne fut pas étranger à

mon embauche.

Je fus le premier enseignant du Supérieur nommé dans ce département. Les

cours principaux étaient assurés par des ingénieurs de l’Équipement (X, Ponts) et des

ingénieurs de bureaux d’études ou d’entreprises, avec qui les rapports furent

exceptionnels. Je complétais avec eux mes connaissances tout en montant des

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manipulations, et en encadrant des travaux pratiques. C’est alors qu’un nouveau

déclic se produisit : j’éprouvais un véritable plaisir à enseigner, à partager mes

connaissances, à transmettre La Science ! J’y pris goût.

En complément de ce travail d’enseignement, je devais exécuter des travaux de

recherche. L’époque n’était pas au choix personnel de son sujet de thèse ; je négociais

alors avec mon directeur de thèse qui me fixa comme sujet l’étude de la diffusion

gazeuse de vapeur d’eau à travers des argiles naturelles caractéristiques. Le génie

civil entrait par la petite porte de la physico-chimie !

La section génie civil s’étoffa, de nombreux recrutements eurent lieu, et des

labos de recherche naquirent. Enfin je travaillais sur des sujets concrets, en rapport

avec des problèmes réels ; mes domaines de prédilection furent la reconnaissance des

sols in situ par des méthodes non destructives, la stabilité des ouvrages de

soutènement en milieu naturel ou urbain et le renforcement des sols par nappes

continues ou non. Je fis de nombreuses publications dans des revues nationales et

internationales, et participais à de nombreux congrès, mais ma thèse n’avançait pas…

et j’en avais besoin pour aller plus loin ! Pourtant les études étaient terminées ; il ne

manquait que la rédaction dont le plan restait confiné dans une partie obscure de mon

cerveau.

Un nouveau fait intervint en 1971. L’IUT de Lyon, nouvellement créé, ouvrait

un département de génie civil et effectuait un recrutement d’enseignants. Je fus tenté

par ce nouveau challenge, et passais de l’INSA à l’Université Lyon 1. Je reproduisis

un certain nombre d’activités que j’avais eues à l’INSA mais cette fois, avec

beaucoup plus d’assurance.

Je soutins enfin ma thèse en 1972, devant un jury constitué de physico-chimistes,

de géologues et d’un mécanicien. Enfin le travail fondamental était terminé ; je

pourrais désormais m’occuper exclusivement des problèmes de génie civil.

Peu après, je devins chef du département. De nouvelles tâches apparurent. Je

renforçais les relations avec les milieux professionnels, confiant des conférences

d’application à des ingénieurs d’entreprises et organisant des stages professionnels.

En 1983, je fus nommé directeur de l’IUT- A de Lyon. Il y avait alors six

départements, un effectif de 1500 étudiants, 200 enseignants en poste, 300 vacataires,

60 techniciens. Une vraie PME. Je fis de la gestion de personnel, de la gestion

financière, ayant une autonomie suffisante pour traiter avec l’université-mère, le

rectorat et le ministère. Je fus bien aidé dans ces tâches par les chefs de départements,

les enseignants et les personnels administratif et technique que je tiens à remercier.

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Mon mandat dura seize ans durant lesquels j’ai créé un nouveau département de

génie chimique à Lyon et une antenne à Bourg-en-Bresse comprenant deux

départements : informatique et industries agro-alimentaires.

J’intervins en support pour la formation d’enseignants dans les CEFET

(techniciens supérieurs) composantes des universités brésiliennes ainsi que pour la

création d’un IUT au Liban, à Saïda.

Avec les milieux professionnels, nous créâmes des diplômes d’Université, plus

spécifiquement adaptés à des fonctions précises, qui furent transformés

progressivement en licences professionnelles.

Pendant cette période, je conservais une activité d’enseignement en cours

magistraux de géotechnique, et une activité de recherche en encadrant des thésards,

que je m’astreignis à voir au moins une fois par semaine.

En 1999, je quittais mon emploi d’enseignant-chercheur pour une retraite dont

vous connaissez les diverses activités auxquelles j’aspirais, si vous avez suivi les

infos publiées dans les précédents K’nards de promo.

En complément, je vous donne des nouvelles de nos petits-enfants :

Rémi : 23 ans. A terminé ses études à l’UTC (Compiègne) et travaille actuellement

chez Suez dans le domaine de l’environnement.

Alice : 21 ans. Est encore pour un an à NYU où elle complète sa formation en danse

et chorégraphie par de la sociologie, de la psychologie et de l’histoire de l’art.

Eloïse : 14 ans. Suit ses ainés à la Cité Internationale de Lyon (section anglophone,

classe de 3éme

) en élève très appliquée.

Enfin, suite à la catastrophe qui s’est abattue sur Ri, et dans l’incapacité de faire

le moindre projet, nos activités sont cantonnées à Neyron, car tout déplacement est

problématique.

Je profite de cette tribune pour remercier tous celles et ceux qui nous soutiennent

par leurs visites, leurs courriers, et leurs appels téléphoniques. Sachez que vous serez

tous les bienvenus, si vous voulez nous faire visite.

Rirette et Jacky

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Mickey Marc GINET

Boulevard de l’Hôpital, fin juin 1961 :

Nous sortons juste de notre dernière épreuve d’examen de fin de 4ième

année aux

Arts et Métiers. Dehors, nous commentons le sujet entre nous… puis, nous nous

dispersons.

Il est midi, il fait beau, je prends alors brusquement conscience que ma longue

scolarité s’arrête à cet instant précis.

Une page est tournée !

Aujourd’hui, notre camarade Tésis nous demande d’écrire les suivantes !

Si votre temps est précieux, je résume : randonnée sympathique, moyenne

altitude, temps variable.

Sinon, vous l’aurez voulu, et alors,… je ne vous cacherai rien !...

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La vie professionnelle commence en douceur. J’entame à l’INSA une thèse

d’ingénieur docteur tout en assurant une fonction d’assistant dans leurs laboratoires

d’électricité : expérience de recherche et d’enseignement. À l’usage, ce n’est pas

globalement mon truc et, en septembre 1962, je rejoins la Marine nationale au CFM

de Hourtin où j’apprends surtout… à ramer !

Mes EOR aviation étant inutiles, je m’arrange alors pour être affecté le plus tôt

possible à Paris. Ce sera au ministère de la Marine (service des machines) en tant que

matelot de 2ième

classe : promotion peu glorieuse, mais je vois Evelyne tous les jours

et nous nous marierons en juillet 1963.

La durée du service militaire vient d’être réduite et, rapidos, j’envoie à

plusieurs sociétés mon très court CV. En retour autant d’entretiens et de CDI

correspondants. Heureuse époque !

Je choisis Hy BERGERAT MONNOYEUR SA (2500 personnes)

concessionnaire France de CATERPILLAR où je débute à Paris, en janvier 1964,

comme adjoint du Directeur Technique. Je comprends vite que je n’apporterai rien à

la conception ou fabrication des engins de terrassement, mais dans le domaine de

l’après-vente, il y a largement matière pour un gadzarts. Après plusieurs missions de

toutes sortes, simples ou complexes, classiques ou originales, je prends la direction

du service spécialisé dans la révision générale des moteurs Diesel et transmissions

hydrauliques. Expérience très enrichissante avec 35 personnes (ouvriers,

encadrement, facturation,…) et des horaires dingues… d’ailleurs impossibles

aujourd’hui. Mais on avait la santé et moins de contraintes !

Période durant laquelle nous avons le bonheur de voir naître François (1964)

et Caroline (1967).

Par ailleurs, l’accroissement de l’activité TP et de la concurrence exigent de

nouvelles performances commerciales, entre autres, dans les prix et les délais. La

vente annuelle de plus de 1300 machines de TP (de 10 à 80 t) provenant des

différentes usines Caterpillar (Peoria Illinois, Glasgow, Gosselies, Mitsubishi,

Grenoble,…) avec une large gamme d’équipements proposés implique une gestion

qualitative et quantitative très particulière des approvisionnements (hors pièces

rechange).

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En 1972, je rejoins alors la Direction commerciale pour assurer les

approvisionnements et la gestion des stocks de l’ensemble des matériels représentés

par la Société (matériels de terrassement, équipements, moteurs marins, groupes

électrogènes, chariots élévateurs,…). Drivé par un patron extraordinaire, nouvelle

expérience bien intéressante, apparemment assez loin de notre formation AM ?...

enfin pas totalement car il y a de nombreuses contraintes techniques (préparation,

montage,…) à résoudre. Mais j’ai eu l’opportunité de créer des méthodes et des

formules spécifiques de calcul d’approvisionnement permettant un meilleur

compromis entre les coûts de possession (prix d’achat, termes de paiements, intérêts,

taux de change, aides fiscales,…) et le coût des risques (fiabilité des prévisions de

ventes, grèves des usines, obsolescence, délais d’approvisionnement fluctuants...).

Fonctions finalement plus financières que techniques, mais bien complémentaires et

indispensables.

Pendant ce temps, les enfants grandissant, nous avons alors plus de liberté.

Evelyne peut alors mettre à profit sa très belle culture artistique dans une galerie de

peintures en face de l’Elysée, puis au Louvre des Antiquaires.

Mon implication au sein du commercial me rapproche inéluctablement de la

force de vente (8 filiales, 8 chefs de vente, 120 vendeurs) et de la motivation des

vendeurs. Sous l’impulsion de Caterpillar US qui garde un œil sur sa bonne

représentation France, je réalise une analyse complète de couverture des secteurs de

vente, j’anime plusieurs concours de ventes (mes caricatures, très inattendues, font

passer les messages), je modifie le calcul d’intéressement à la vente,… enfin toute

une batterie de moyens pour atteindre nos objectifs, dans une compétition sans

concession ! Là, je suis très loin de notre vocation initiale, mais tant pis, c’est

passionnant,… surtout quand ça marche ! Progressivement, je suis ainsi passé du

« Technique » au « Marketing » : formation non reçue aux Arts, mais passionnément

acquise sur le tas… avec des gens formidables. Souvent, ces nouvelles fonctions, ne

m’ont pas été proposées, je les ai prises en les créant !

Par ailleurs, le marché de la peinture n’étant plus aussi florissant, Evelyne se

reconvertit et tient avec beaucoup d’élégance une belle boutique de prêt à porter de

Jean Patou à Paris.

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Et tout cela fonctionne très bien, jusqu’au jour où mon patron est nommé

Directeur général adjoint. Ce dernier fait (comme il m’a dit) une « passe latérale » à

son successeur. Malheureusement, quelques mois plus tard, ce dernier est mis au

placard ! Alors, sans exception, tous ses collaborateurs directs (dont moi) sont

« remerciés » !

Nous sommes fin 1983 et le marché de l’emploi n’est pas terrible pour ceux qui

approchent la cinquantaine. Après 20 ans de collaboration, mon ex-société (non

amnésique) m’accorde l’aide d’un cabinet américain de recrutement qui, dans

l’immédiat, ne me trouvera rien mais m’apprendra beaucoup ! Je prends néanmoins,

quelques conseils de recherche d’emplois auprès d’un organisme spécialisé. Par

relations, un mois plus tard, en tant qu’adjoint du directeur commercial (qui va partir

en retraite), je travaille à la société MACHINES DUBUITS (60 personnes) qui

fabrique et commercialise des machines d’imprimerie sérigraphique, des chaines de

conditionnement de cosmétiques et produits alimentaires, des encres,… je découvre

des techniques très nouvelles pour moi et surtout des méthodes de travail adaptées à

des structures plus modestes : expérience également très enrichissante !

Bref passage (3 mois), car un recruteur mandaté (en relation avec mon ex-

cabinet américain) me contacte à nouveau : il ne faut jamais désespérer !

Je suis alors recruté par la société MONOPANEL SA (200 personnes), qui

fabrique et commercialise des profils métalliques et panneaux sandwiches de

couverture et bardage de bâtiments à usage industriel ou commercial. En septembre

1984, au siège de Neuilly/Seine, je prends la direction du Département marketing que

vient de créer son président. Mais, dès mon arrivée, je dois prioritairement plonger à

fond dans le commercial. En effet, les parts de marché sont en baisses ; la force de

vente (20 vendeurs) réagit mal et quelques-uns démissionnent… Comme le

commercial dépend du marketing, je suis responsable ! Je crois en comprendre les

causes. Mais, débarquant récemment, mes premières observations ne trouvent pas un

écho favorable et, un an après, j’ai failli avoir un billet de retour !... Beaucoup plus

tard, j’ai appris que le président et le cabinet recruteur mandaté par lui, ont eu une

longue conversation… et j’ai gardé mon aller simple : ouf ! Mon président me tend

une perche : « il faut créer des produits pour un nouveau marché ». C’est inespéré !...

Je crée et lance donc un nouveau panneau spécifique que j’ai appelé

« FRIGOWALL » (qui existe toujours !) destiné aux chambres froides et entrepôts

frigorifiques et, bien sûr, complété de toute la famille de produits qui va avec.

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Et là, ma casquette AM a été bien utile ; je suis à nouveau sur mes vrais rails.

D’autant plus que j’assume également la direction technique et le RED. Ainsi, dans le

marché spécifique du « froid », en 5 ans nous passons de rien à la première place

en m2 de surfaces réalisées annuellement. Et j’en profite pour mettre en application

l’intéressement de la force de vente, ce qui améliore aussi nos parts de marché de

presque tous les autres produits !

Et en même temps, Evelyne et moi sommes promus « mamie et papy » avec,

chez notre fils, la naissance d’Alexandre (1997).

Belle période au cours de laquelle je m’éclate aussi dans la communication

(documentation, publicité, expositions, formation, exposés…) : Tiens ! Un sujet utile

non abordé aux AM ?...

Début 1997, par le jeu de cessions d’actions entre holdings, la société

MONOPANEL devient propriété de COCKERILL1 (Belgique) qui supprime alors

notre siège social (30 personnes à Neuilly/Seine) !

Pouf, à nouveau dehors ! Mais, en même temps, je viens aussi d’avoir 60 ans :

l’heure de la retraite a doublement sonnée !

La Défense, mars 1998,

Il y a maintenant 6 mois que je suis en retraite.

Au 10ème

étage d’un immeuble de front de Seine, mon ex-Président (également

en retraite, mais infatigable), me reçoit tout souriant dans son nouveau bureau privé :

il n’a plus de responsabilités. Mais il est tellement connu dans la profession que son

téléphone n’arrête pas !

Nos lointains désaccords du début sont totalement oubliés et c’est un vrai

bonheur de reconstruire le monde avec lui, de partager son extraordinaire lucidité et

sa formidable anticipation, tout cela dans un travail quasi permanent… du

zygomatique !

Il me propose d’apporter ma collaboration (en free-lance) à la société

METECNO FRANCE qui vient d’être créée en région parisienne par la holding

1 Avant de disparaitre complètement, cette société belge a heureusement revendu MONOPANEL

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METECNO, ex-demi propriétaire de MONOPANEL. Informatiquement équipé chez

moi, j’accepte de constituer et présenter au CSTB les dossiers de demandes d’avis

techniques de leurs panneaux sandwiches. Cet agrément international du CSTB est un

viatique indispensable pour vendre en France (et même en Europe) un panneau de

bardage ou de couverture de bâtiments industriels. Alors OK pour ce constructeur :

deux ou trois dossiers seulement, pendant un an ou deux,… pas plus. Finalement, il y

a eu 7 constructeurs, une bonne vingtaine d’Avis techniques et ça a duré 11 ans !

Travail sympa, à son rythme, financièrement intéressant et qui maintient les neurones

branchés. Par contre, il faut écrire beaucoup et tenir une comptabilité (j’ai même fait

appel à un comptable).

Belle période, au cours de laquelle nous voyons confirmer notre nouvelle

promotion de « mamie, papy » avec, chez notre fille, la naissance des jumeaux Anouk

et Balthazar (2007).

Fin 2007, je prends ma « deuxième retraite » !

Mais si vous quittez le « Bâtiment », le « Bâtiment » ne vous quitte pas comme

ça ! En effet, début 2011, une société italienne me contacte pour leur apporter une

assistance technique en duo avec un avocat dans le cadre d’une expertise judiciaire

concernant un très grand bâtiment en fin de construction : bof !... je pense que c’est

une affaire de quelques mois ? Pas du tout !... beaucoup de corporations sont

concernées (maître d’ouvrage, maître d’œuvre, fabricants, entreprises de bâtiment,

sous-traitants, bureaux de contrôles,…) et chacun avec son ingénieur conseil et son

avocat. Au total une vingtaine de personnes ! Et puis il y a plusieurs visites du

chantier (déplacements avion et voiture), des tas de réunions de travail généralement

à Paris (15 à 25 personnes concernées), et de nombreux dossiers à créer (photos,

croquis, études techniques, calculs divers,…) et de très importants échanges de

courriers orchestrés par un expert judiciaire. Au final : 5 ans…et le procès gagné !

Longue et dernière expérience de justifications techniques très spécialisées dans un

cadre juridique particulièrement professionnel.

Enfin, je prends vraiment ma « troisième retraite »… et encore, je continue à

dessiner !

Drôle de parcours, peut-être comme pour quelques-uns d’entre vous : un vrai

labyrinthe ! Par le choix des sociétés et par les postes que j’ai occupés, mon trajet

professionnel s’est souvent éloigné de la formation reçue aux AM. Parfois, je le

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regrette un peu ! Mais j’ai aussi découvert des professions que je n’aurais jamais

connues et j’ai pu mettre en œuvre des solutions qu’aucune autre formation ne

m’aurait apportées.

Cette rétrospective m’inspire cette réflexion :

« L’École des Arts et Métiers fait-elle la renommée des gadzarts ou bien l’inverse » ?

Quand je vois mes camarades, je dirais : « les deux ! ». Bien sûr, les Arts et Métiers

ont placé la barre tout en haut, et cela m’a vraiment « crédibilisé » ! En scellant une

très fidèle camaraderie, cette belle histoire d’école a aussi commencé bien avant.

Les bases de ma véritable formation technique remontent à l’ENP de La

Martinière, à Lyon, où, en 7 ans, j’ai reçu une excellente formation, souvent grâce à

de merveilleux professeurs. En réalité, je crois que j’étais aussi « bobiné » pour cette

spécialité !

En effet, me voyant très jeune faire des dessins assez techniques, mon père a eu

l’idée géniale de m’inscrire aux cours du soir de l’UPV2, session « dessin industriel ».

Je m’en souviens comme si c’était hier : mon père m’accompagnait une fois par

semaine et attendait sagement au fond de la classe en lisant son journal. Comme je

venais juste d’avoir 10 ans, le professeur m’avait installé au 1er rang pour que je ne

sois pas gêné par tous les autres « vieux » qui avaient entre 20 et 50 ans ! Équipé de

ma petite planche à dessin toute neuve, du té, des équerres à 45° et 60°, et de mon

triple décimètre en bois, je punaisais ma feuille de papier à dessin pour tracer, au

début uniquement au crayon, un cadre de 210 mm par 297 mm avec un cartouche qui

me semblait inutilement abîmer le dessin que j’allais faire. Mon père m’avait alors

confié sa boîte à compas (en maillechort) qu’il utilisait en 1916 à La Martinière à

Lyon. Boîte de très bonne qualité, gravée « Pracision » et en dessous « F.O. Richten

& Co » (boîte que j’utilise toujours, c’est dire si j’en ai pris soin !).

Depuis mes premiers tracés de constructions de perpendiculaires, de

bissectrices, jusqu’au vues de face, de dessus, de gauche (placée à droite), de droite,

etc… en passant par les perspectives cavalières, je me sentais bien à l’aise pour

affronter en fin de cette première année, le concours final.

2 Université Populaire Villeurbannaise

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Et je me souviens parfaitement du sujet qui était :

« À partir de la vue de face et de la vue de droite cotées, dessiner à la règle et au

crayon, la vue de dessus cotée, et dessiner à main levée et au crayon, la perspective

cavalière.»

Une semaine plus tard, le paquet des 25 épreuves corrigées en mains, le

professeur annonce que le premier qui a fait un dessin sans faute est « notre

benjamin !».

Ne connaissant pas ce mot, je me suis alors retourné pour voir qui c’était ?...

Là, éclat de rire général, sauf moi qui n’avais encore rien compris !

Mais, comme tous les premiers des autres disciplines, j’avais aussi gagné un

voyage à Genève. En 1948, le chocolat suisse… c’était vachement bon !

*******************

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Jimmy Bernard GIRAUD

Je suis né en 1939 à Lozanne, près de Lyon, puis j’ai habité à Anse, « porte du

Beaujolais ». Mon père était cheminot, employé SNCF, à cette époque dans de

modestes emplois techniques, mais de ce fait il a échappé au STO. Ma mère était

couturière.

À Anse j’ai traîné mes galoches, enveloppé dans une pèlerine noire, jusqu’à

l’école primaire où j’allais à reculons… surtout les jours où le maître m’avait mis de

« corvée de poêle »… j’ai failli un jour mettre le feu à l’école… involontairement !

Mes résultats scolaires ont dès le début désespéré mon maître et surtout mes

parents. Je me souviens de mon père faisant circuler mon cahier, tout annoté de

rouge, lors d’un repas de vendanges chez nos voisins, pour me faire honte. J’étais

seulement furieux et j’entends encore les rires, les oh, les ah, et les gloussements

stupides de la tablée, à l’exception de la voisine vigneronne, toujours intéressée par

mes questions en rafale aussi intéressantes qu’inattendues. Elle rétorqua haut et fort à

l’assistance moqueuse « Ah, celui-là, vous verrez, si les petits cochons le mangent

pas, on en fera quelque chose ! »

En novembre 1950, mon père m’a sorti de cette école, mettant un terme à ma

carrière de cancre, au chaud près du poêle, et m’a conduit manu militari sur le tansad

de sa 250 Terrot à la pension des frères maristes de l’Arbresle. Début d’une situation

d’interne qui durera jusqu’en 1961 ! J’ai donc été « récupéré » par l’instituteur et le

directeur que mon père avait eus, dans cette même école, vingt cinq ans auparavant.

Merci Papa !

De culture très « mécanique et électrique », mon père m’a orienté vers

l’enseignement professionnel. Je suis donc entré un peu par faveur en 3 ème à l’ENP

de Voiron en 1953… faveur, car je n’avais réussi que le concours d’entrée en 4 ème,

mais comme j’avais réussi le BEPC en septembre… À Voiron j’ai rencontré cette

année-là Gilbert Gaillot qui ne savait pas encore qu’il deviendrait quatre ans plus tard

Tésis…

La suite nous l’avons tous vécue durant quatre ans en promo à Cluny et Paris…

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1961, une grande année

Le diplôme en juin, une présituation par contrat avec EDF, un stage d'été de

deux mois à Grenoble, et mon mariage en septembre avec Françoise, puis la rentrée

universitaire à Grenoble.

Je me suis inscrit en effet à une spécialisation « automatismes » d’un an à

l'Institut national polytechnique de Grenoble, Françoise est enseignante à la

Tronche… et prépare aussi notre fils.

Service militaire

EOR à Brest sur le Richelieu et la Duchesse Anne, en octobre 1962, en pleine

crise de Cuba ! Puis affectation de deux mois à Lorient sur un aviso-escorteur en

cours d’essais, le Doudard de Lagrée.

Ensuite Toulon sur le Jean Bart : c'est un hôtel flottant, donc avec solde à la

mer ! Je dois vérifier le comportement des calculateurs analogiques de la conduite de

tir des canons de 100 mm. J'ai à ma disposition le calculateur IBM 650 de l'arsenal,

autant d'heures que je le veux. Et mes vérifications par calcul sont réussies et

confirmées lors des réglages de l'artillerie du Foch.

Un vrai plaisir que ce service militaire, en famille, et à Toulon. C'était en 1963.

1964 - La vie professionnelle.

Embauché par EDF, je débute par six mois à la centrale thermique de Chalon-

sur-Saône : deux unités de production de 125 MW chacune. Débuts perturbants…

Brûler le mauvais charbon de Montceau-les-Mines pour faire de l'électricité ! Tout ça

me ramenait à l'amphi 3 où je m'ennuyais à mourir lors des cours de technologie nous

décrivant les différentes sortes de chaudières : à grille, à tubes de fumée…

Ah ! Cette centrale de Chalon-sur-Saône, la « thermique » disaient les

chalonnais. Comme le ramonage des chaudières s'effectuait de nuit, bien sûr, le

lendemain il y avait parfois quelques traces noires en ville… et sur le linge des

étendages…

Ensuite six mois à la centrale de Loire-sur-Rhône près de Lyon, quatre unités de

250 MW chacune en construction. Centrale au charbon de Saint-Étienne.

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1965 - Je quitte le charbon… pour le nucléaire…

C’est un vrai premier poste d'ingénieur, à la centrale de Marcoule, chargé des

études d'augmentation de puissance. Je retrouve cette fois le nucléaire qui fonctionne,

car j'avais fait un stage à Marcoule à la SACM, en septembre 1958, c'était l'époque de

la fin de construction des réacteurs plutonigènes G2 et G3.

1966 - Je suis mis à disposition du CEA à Cadarache.

À Rapsodie, je participe à la mise en service de ce réacteur expérimental : le

premier réacteur à neutrons rapides français, refroidi au sodium liquide. J'ai la

chance, en 1967, d’être responsable d’essais de montée en puissance et ingénieur de

quart. Naissance de notre fille à Aix-en-Provence.

1968 - Cours du génie atomique à Saclay.

J’en sors major, ayant eu la chance de faire en quelque sorte à Cadarache « les

TP avant le cours ».

1969 – 1971 – Centre d’études et recherches EDF des Renardières, près de

Fontainebleau.

Je suis responsable des essais de mise en service du plus grand circuit de

sodium liquide d'Europe - plus de 100 tonnes - puis, avec ce circuit, responsable des

essais de qualification à leur puissance nominale (50 MW thermiques) de 3 des 36

modules des futurs générateurs de vapeur de la centrale Phénix dont la construction

vient de commencer à Marcoule.

1971 – 1975 - Chef du service conduite de la centrale Phénix à Marcoule.

Phénix, est l’extrapolation d’un coefficient 30, avec production d’électricité, du

réacteur Rapsodie de Cadarache. C’est une « copropriété » CEA-EDF. Essais de

démarrage, montée en puissance à 600 MW thermiques, production de 260 MW

électriques, puis exploitation industrielle de ce prototype reconnu internationalement,

dès ses débuts, comme un succès.

1975 – 1979 - Chef du groupement d'exploitation de la centrale du Tricastin.

Cette centrale alors en construction comporte quatre réacteurs à eau sous

pression de 900 MW électriques. J'organise le recrutement, la formation, et la mise en

place des futures équipes de conduite et du service technique.

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1979 – 1983 - Chef adjoint de la centrale Phénix.

Je retrouve avec plaisir, quatre ans après, cette centrale et ses équipes. Ce

prototype fonctionne à merveille… mais se met aussi à nous apprendre par quelques

incidents sérieux sur les générateurs de vapeur, que l'expérience d'exploitation est

essentielle… et qu'il est encore temps d'en faire bénéficier le Superphénix de 1200

MW électriques en construction à Creys-Malville dans l'Isère.

1983 – 1991 – Retour à la direction de la centrale du Tricastin.

Je décline une proposition de directeur d'un nouveau site… encore pour cinq

ans en construction… J'ai envie d'une centrale qui tourne. EDF me nomme à la

centrale du Tricastin d'abord comme adjoint, puis directeur du site de 1984 à 1991.

Les quatre réacteurs ont été mis en service juste auparavant entre fin mai 1980 et mi-

juin 1981 !

L'enjeu est maintenant de les faire fonctionner selon les besoins du réseau… Et

compte tenu des chocs pétroliers, c'est-à-dire du prix du fioul des centrales

thermiques classiques, la production nucléaire est hautement prioritaire. Les réacteurs

sont presque toujours à pleine puissance avec une excellente disponibilité, 85 %.

En 1985 Tricastin a produit plus de 25 milliards de kWh, soit presque 8% de la

production nationale.

Directeur d’un site nucléaire de quatre réacteurs, comportant plus de mille

personnes qui travaillent en équipes, est un beau métier. Bien sûr, il y eut parfois de

très vigoureuses turbulences techniques… et sociales… pour ces raisons le travail fut

très prenant et passionnant.

Je quitte ce poste en 1991, juste après la première visite décennale du réacteur

numéro un… Cette centrale en est aujourd'hui à sa quatrième visite décennale… Elle

est certainement capable de fonctionner, en toute sûreté, encore dix ans, vingt ans…et

peut-être plus ?...

1991 - à Lyon.

La structure nationale parisienne d’EDF qui dirige le « parc nucléaire » est fort

occupée par tous les réacteurs à eau sous pression… je suis chargé de mettre en place

à Lyon une structure du « parc nucléaire » dédiée spécifiquement au support du

Superphénix de Creys-Malville. Mon expérience de cette technologie est

« récupérée ».

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Ici à Lyon, et sur le site de la centrale de Creys-Malville, c'est la période de la

résolution des problèmes techniques, des justifications complémentaires de sûreté

auprès de l’Autorité de sûreté, de modifications majeures… mais aussi des problèmes

juridiques ou administratifs : nouvelle enquête publique, nouveau décret, assignation

en Conseil d'État… Mais aussi redémarrage progressif de la centrale.

1995 – Je suis nommé président du Directoire de la société NERSA (Nucléaire,

européenne, rapide, SA) composée de parts : 51 % françaises, 33 % italiennes et 16 %

allemandes. NERSA est la société propriétaire de la centrale de Creys-Malville et à ce

titre « exploitant nucléaire ».

Grâce aux travaux de modifications, aux compétences rassemblées en région

lyonnaise (ingénieries et entreprises) et au retour d'expérience, la centrale réalise en

1996 sa meilleure année de production : elle est connectée 245 jours au réseau. Beau

succès pour un prototype de cette taille industrielle, difficile, insulté de toutes parts en

France, mais admiré et envié alors par nos collègues russes, japonais, américains…

nous en sommes très fiers.

Mais le gouvernement Jospin donne l'ordre, en 1997, d'engager la procédure

d'arrêt définitif et la déconstruction de ce prototype, alors que son combustible n'est

seulement usé qu'à 50 %, qu'un cœur neuf complet est en magasin, et qu'un important

programme de recherche est engagé, notamment pour l'incinération de déchets

nucléaires… Ainsi le « politique » s’est exprimé, contre le bon sens, dans un

immense gâchis économique et de savoir-faire théorique et industriel accumulé en

France depuis plus de trente ans,… les temps ont-ils vraiment changé ?

2000 - Départ en retraite… retour sur moi-même.

Passionné par les questions techniques nouvelles, mais aussi par les réalisations

concrètes, j'ai vécu mon parcours professionnel en « homme de terrain », celui de la

mise au point puis de l'exploitation des machines et de l'animation des hommes.

J'ai appris à l’École, puis par deux années de spécialisation, qu'il est bon d'être

aussi un « généraliste expert » et cela me fut bien utile : rester bien au fait des

questions théoriques et faire le lien pour donner vie aux machines.

J'ai eu la chance probablement unique de travailler à peu près autant d'années

sur deux grandes familles de réacteurs : les réacteurs à eau sous pression de série et

les réacteurs à neutrons rapides en cours de définition.

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Je suis fier d'avoir participé de près au développement des réacteurs à eau sous

pression, c'était le temps des pionniers, nous étions peu nombreux alors avoir « fait

du nucléaire »… il a fallu très vite former et développer le savoir-faire des hommes.

À Tricastin par exemple en 1984, soit quatre ans après le démarrage du premier

réacteur, la moyenne d'âge des mille exploitants du site était seulement de trente-deux

ans !

J'ai eu la chance d'être impliqué au tout début de la technologie des réacteurs à

neutrons rapides refroidis au sodium et d'en être l’un des acteurs de 1966 à 1996…

De Rapsodie 20 MW thermiques, à Phénix 600 MW thermiques-260 MW électriques,

puis Superphénix 3000 MW thermiques -1200 MW électriques.

Les ingénieurs français étaient alors à la pointe de ces développements

technologiques… Ces réacteurs, de par leur polyvalence, sont considérés comme

ceux de « quatrième génération »… et, pour le moment, seuls crédibles en vue d’un

« nucléaire durable » - énergie « décarbonnée » - c’est ce qui leur vaut, en Europe

aujourd’hui, d’être bannis… mais pas en Asie…

Quelle aventure !

En conclusion :

Une pensée à la voisine vigneronne de mes 10 ans…

Je ne sais pas si j’ai fait « quelque chose », mais là où je suis allé j’ai fait le

parcours avec bonheur, celui du travail accompli dans la passion partagée en équipes

animées pour de mêmes projets.

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Digor Georges GIRAUD

Après un an à Supélec en section spéciale, c’était possible à l’époque, j’ai fait

mon service militaire dans la marine à Brest sur le Richelieu puis à Toulon sur

l’escorteur d’escadre La Galissonnière, avant d’être affecté au champ de tir de

Hammaguir au sud de Colomb-Béchar sur le nouveau radar Aquitaine de

trajectographie.

À mon retour du service militaire je suis rentré chez Thomson (sur le site de

Chatou) où dans un premier temps je me suis occupé de matériel de mesure de

radioactivité pour les essais nucléaires, d’abord au Sahara et sur l’atoll de Mururoa,

puis dans un deuxième temps de spectrométrie de masse.

Toujours chez Thomson (à Chatou) j’ai été affecté à un nouveau service qui

avait pour mission de fabriquer (sous licence de General Electric) et d’installer des

calculateurs industriels qui possédaient des mémoires à tores de ferrite de 16 kmots

(de 24 bits) pour piloter les processus industriels des sites sidérurgiques (hauts-

fourneaux, laminoirs, trains à billettes,...) de Lorraine, de Fos-sur-Mer, et des

raffineries. La programmation de ces calculateurs se faisait en langage machine. Le

département General Electric chargé de cette activité était localisé à Phoenix en

Arizona.

Je n’ai pas suivi les modifications d’organisation chez Thomson, j’ai été engagé

chez Bull qui entre temps avait été repris par General Electric, puis par Honeywell,

qui avait aussi une activité dans le domaine des calculateurs industriels localisée dans

la région de Boston. À cette époque il y avait autour de Boston une myriade de petites

sociétés dans ce domaine, qui avaient tendance à se regrouper. La fusion avec CII,

pour devenir CII Honeywell Bull, a encore modifié le paysage dans ce domaine en

France, avec leur cortège de réorganisations opérationnelles.

À cette période j’ai été affecté à un service chargé d’organiser des actions de

coopérations avec les pays de l’Est, avec la participation de scientifiques en

particulier avec l’INRIA. Pour les réseaux de données, c’est l’époque des batailles

entre les tenants des techniques de commutations de données et les tenants des

techniques de commutation de circuits.

À cette époque j’ai rencontré beaucoup de monde, dont Roland Moreno qui

avait déposé des brevets de ce qui allait devenir la carte à puces, totalement irréaliste

pour un industriel. Mais chez CII Honeywell Bull, à ce moment, on développait la

technique de montage en surface pour réduire la taille des calculateurs...

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Le rapprochement des idées des brevets et cette technique de fabrication

naissante a permis à ces brevets de leur donner un crédit... Après, vous connaissez la

suite, maintenant cette fameuse carte est dans tous les porte-monnaie, souvent sous

plusieurs formes et pour plusieurs usages.

J’ai rejoint une petite structure (Bull Ingénierie) filiale commune à CII

Honeywell Bull et SESA chargée de mettre en œuvre des moyens informatiques

s’appuyant sur des ressources de transmissions (X25, X21 puis TCP/IP). À ce

moment le regroupement des banques françaises a permis la mise en commun des

DAB (distributeurs automatiques de billets), ceci a nécessité de mettre en œuvre des

moyens de sécurisation des transactions au niveau des distributeurs et des serveurs

bancaires. Ainsi on a développé des équipements hautement protégés chargés de

traiter les attributs sécuritaires pour le compte des serveurs bancaires.

Pour d’autres projets nécessitant la protection des données échangées entre

plusieurs sites, nous avons été conduits à développer des équipements performants

de cryptographie pour chiffrer les trames TCP/IP.

Pour le réseau bancaire international SWIFT nous avons développé un

équipement de haute sécurité implanté dans chaque partenaire du réseau SWIFT dans

le monde. A cette occasion j’avais fait appel à la compétence de Jean Pollard, notre

Zadig, pour assurer la protection physique de cet équipement. Naturellement ces

équipements il a fallu les développer, les faire homologuer par des organismes très

compétents, les faire fabriquer, les installer et en assurer la maintenance. Après

diverses modifications d’organisation la filiale Bull Ingénierie a été rattachée à Bull

qui était passé par tous les noms, perdant ainsi notre autonomie créatrice.

J’ai pris ma retraite à soixante-cinq ans, riche de bons souvenirs, ayant vécu une

période d’évolutions techniques fabuleuse allant de la mémoire à tores de ferrite de

16 kmots (maintenus à température) à la mémoire de 32 Go sur clé USB, de

calculateurs de processus industriels nécessitant plusieurs armoires, au calculateur de

bureau actuel.

Et tout cela… sans parler des fusions, des réorganisations, des disparitions de

sociétés…

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Clergy Yves GROS

Service militaire : 1961-1963

EOR (matériel) à Fontainebleau, Boufarik six mois et puis Tours,

… parti pour 28 mois, et terminé en 18 mois…

Mariage avec Birgitta, ma suédoise de la cité universitaire en 1964.

Premier emploi : 1963-1965

Activité tertiaire dans le bâtiment chez Tunzini-chauffage, Paris

Raison du choix : la meilleure rémunération.

Ingénieur d’affaires.

Riche expérience acquise sur le tas : conception et réalisation.

Même domaine, mais au Canada, Toronto : 1966-1967

Déçu par les conditions de travail et professionnelles à cette époque en France.

Ingénieur conseil dans le cabinet d’architecture J B Parkings et Associates.

Découverte des méthodes de travail structurées.

Même domaine mais au Canada, Montréal : 1968-1970

Être à l’exposition universelle de 1967.

Ingénieur chef de produit, y compris la fabrication chez American Air Filter.

Même domaine mais à Téhéran : 1970-1975

Directeur régional Golfe Persique.

Découverte de la région : Iran, Pakistan, Afghanistan, Turquie, Israël

et des compagnies américaines en Europe et aux USA.

Grande liberté d’action… grâce aux difficultés de communication de l’époque.

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Même domaine mais à Beyrouth : 1976-1979

Directeur régional Moyen-Orient.

Découverte d’un pays en guerre civile.

Même domaine mais à Athènes : 1979-1987

Poste régional relocalisé suite à la guerre au Liban.

Découverte de l’explosion du développement des pays du Golfe suite à

l’explosion de leurs revenus.

Opportunité de s’imbiber des cultures riches et variées du Moyen-Orient.

Sans domaine et en recherche d’emploi à Paris : 1988-1989

Décision sage et volontaire de retourner au pays.

« Heureux qui comme Ulysse… »

Deux ans de chômage pour apprendre à vivre…

Même domaine retrouvé, mais à Paris : 1989-1992

Reprise d’une entreprise d’importation exclusive de climatiseurs Hitachi

gamme tertiaire SA DMT.

Découverte des charmes d’être chef d’entreprise.

Découverte de la distribution sur toute la France.

Revente à des Espagnols juste avant la guerre du Golfe.

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Choix de vivre sur la côte, Aix-en Provence : 1992-1998

Création d’une SCI familiale avec réhabilitation de deux immeubles en ruine à

Coudoux et à Ollioules.

Président de INTERECO, une association d’insertion par le travail

(technicien de surface et repassage dans buanderie professionnelle).

Force est de constater que les réponses aux problèmes de l’emploi et de

l’insertion sont très insuffisantes…

Choix de finir à Saint Raphaël : 1998 à nos jours

Confortation des revenus de la SCI.

Restauration de la résidence familiale.

Remariage en 2007 après un divorce apaisé.

Continuation de mes activités de chine dans les domaines d’appareils de

musique automatique et de projecteurs cinématographiques et lanternes

magiques.

Montage de films suite à la fréquence de un à deux voyages internationaux

annuels : le plus récent, la Chine des pandas.

Derniers errements

J’ai intégré dès les premières heures l’équipe du « Monde en marche », pour se

refaire une jeunesse, si possible, et pourquoi pas….

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Day-Day André HIRACLIDES

Né au Maroc en 1937, dans une famille d’origine cypriote, il fit ses études à

Casablanca, où il prépara le concours des Arts et Métiers. Admis à la rentrée 1957 au

Centre de Cluny, il s’intégra parfaitement dans ce qui était pour lui un nouvel univers,

tant par la nature des lieux, que par le climat automnal de la campagne bourguignonne.

Sa gaité naturelle, son entrain communicatif, et ses talents de chanteur lui

permirent de se faire connaitre très rapidement par l’ensemble des trois promotions

présentes sur le site, à l’époque.

Diplôme en poche, il débuta aussitôt sa carrière, dont le fil conducteur fut

l’industrie du métal. D’abord en fonderie, dans une filiale du groupe Pont-à-Mousson à

Fumel, dans le Lot-et-Garonne, où il occupa différents postes durant sept ans. Puis

ensuite aux Forges de Gueugnon, spécialisées dans les aciers inoxydables, en débutant

dans le secteur découpage-emboutissage. Ayant fait ses preuves, il fut par la suite,

appelé à prendre la direction d’une filiale, la Sté Bouillet-Bourdelle, fabrique

d’orfèvrerie et couverts en inox, située à Cusset dans l’Allier ; il y resta sept ans, avant

de revenir à Gueugnon, où on lui confia le poste de responsable qualité totale du site.

Sa réussite dans ce rôle lui valut d’être nommé adjoint au Directeur qualité pour

l’ensemble du groupe (devenu APERAM/MITTAL aujourd’hui), poste basé à la

Défense et nécessitant de nombreux déplacements dans les différentes usines réparties

en France et en Belgique.

Il prit sa retraite définitive en l’année 2000, et vint habiter la maison qu’il avait

fait construire à Pierreclos, village proche de Cluny et pays d’origine de son épouse

disparue.

Gadzarts dans l’âme, il a toujours été très actif dans les groupes territoriaux

auxquels il a appartenu ; il fut notamment président de groupe de Vichy, et y organisa

un congrès Arts et Métiers dans les années 80. Revenu en Bourgogne, il participe

activement aux activités du groupe de Saône-et-Loire Est (Chalon-Mâcon-Cluny), dont

il prendra la présidence à la fin des années 90 ; chacun, dans la région, se rappelle son

implication totale pour la défense du site de Cluny, un moment menacé. Il était titulaire

de la médaille d’argent de la Société des Ingénieurs AM.

Participant fidèle à toutes les sorties, réunions et voyages divers de la Cluny 57

(voire de la Cl58), il en fut un des animateurs zélés, par son entrain, sa gaité

spontanée… et ses talents de chanteur, jamais démentis depuis 1957 ! Co-organisateur

des manifestations destinées à célébrer nos soixante ans d’entrée à l’École, il ne put, à

son très grand regret, y participer, étant hospitalisé à cette époque (septembre 2017).

On ne peut évoquer sa mémoire sans parler du golf, qu’il pratiqua assidument dès

sa retraite prise, notamment dans les épreuves entre gadzarts, le Swing AM, où il était

attendu avec ferveur : aucun témoin ne peut oublier ses interprétations « enflammées »

de la chanson « La Tantina de Burgos », où il mettait tout son cœur, qu’il avait grand !

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Job Daniel JACOBZONE

Après 16 mois d’armée au Matériel à Montluçon, puis à Thouars et

Fontainebleau où j’ai enseigné la technologie aux sous-officiers en formation, j’ai fait

un passage au CERN en Suisse à tester l’étanchéité des chambres à bulles (bulles que

j’ai aussi un peu coincées).

Puis j’ai repris la TPE que mon père avait créée en 1945 (ayant pour fonds de

commerce l’entretien des appareils de mesure de la température dans toutes sortes

d’industries).

De 1965 à 1988, l’entreprise PYRO-CONTRÔLE est passée de trois à quatre-

vingts salariés en fabriquant des capteurs, thermocouples et sondes à résistance de

platine pour toutes sortes d’industries (de l’industrie laitière… aux centrales

nucléaires, du traitement thermique des métaux à la fonderie, et j’en passe).

Pendant toutes ces années, j’ai sillonné la France en explorant son patrimoine

industriel et j’ai mené quelques excursions au-delà des frontières.

Après la cession de PYRO-CONTRÔLE au groupe américain ENGELHARD,

j’ai définitivement quitté la société à l’issue d’une petite année de collaboration.

En 1992, j’ai repris une PME à Saint-Chamond, l’entreprise FREYSSINET,

qualifiée de « Belle Endormie », qui employait une centaine de personnes et

fabriquait des tresses et des câbles spéciaux en cuivre pour toutes sortes

d’application : tresses de masse pour avions, navires, transformateurs,…etc.

Après quatre années laborieuses, les dirigeants de mon principal concurrent

local se sont intéressés à cette entreprise dont le nouvel essor les inquiétait et j’ai

rapidement accepté de la leur céder. J’ai cessé de faire le trajet quotidien Lyon- Saint-

Chamond avec soulagement.

Après plus d’un an de recherches, j’ai repris une entreprise, la société SOFILEC

située à Meyzieu, active dans le cuivre pour l’électrotechnique. À la suite d’un

accident cardiaque début 1998, j’ai recruté un jeune gadzarts pour me suppléer au

poste de directeur. Mais les deux cadres technique et commercial, avec qui j’étais

associé dans cette société, ont souhaité me racheter mes parts afin de confier la

direction à un de leurs amis.

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Voilà, la fin de la partie est définitivement sifflée en 2001 et la retraite peut

commencer avec multiples distractions actives : randonnées, jardin, voyages, lecture,

cuisine…

Mais ce n’est pas tout à fait la fin de l’aventure industrielle :

Didier Jouve, le jeune gadzarts recruté par les soins de Gilbert Gaillot, Tésis,

pour assurer la direction de SOFILEC, avait été licencié en 2000 lors de la cession

de l’entreprise. Ayant beaucoup apprécié ses qualités en management et sa volonté

entrepreneuriale, j’ai décidé de l’accompagner pour assurer la reprise de l’entreprise

ROUSSON CHAMOUX située à Feurs dans la Loire, en vente suite au décès de son

PDG, notre ami Claude Masclet, le K’nass. L’entreprise est devenue DJ MECA (si

le hasard fait que ce sont les initiales de Daniel Jacobzone, ce sont aussi et surtout

celles de Didier Jouve). Une belle aventure car avec Didier Jouve à la barre,

l’entreprise prospère depuis 2004 et compte actuellement six sites de production en

France. L’entreprise a récemment quitté ses anciens locaux vétustes pour s’installer

sur la zone industrielle de Civens près de Feurs, dans des locaux plus adaptés aux

enjeux économiques modernes et je continue à suivre son évolution.

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Yun’s Henri JUNALIK

Juillet 1961, une semaine après la fin des cours j’ai débuté mon service

militaire par les EOR du matériel à Fontainebleau, cette intégration "rapide"

permettait de faire une année scolaire à l’École spéciale des travaux aéronautiques au

titre du service militaire et de passer le certificat d’aérodynamique appliquée à la

Sorbonne.

Juillet 1962, enfin opérationnel pour les besoins de l’Armée, sorti 1er des EOR

(surtout grâce à mes performances sportives), j’ai donc pu choisir mon affectation,

l’Algérie avait choisi son indépendance et l’OAS sévissait par ses attentats, j’ai choisi

Baden Baden… Sous-lieutenant, officier mécanicien dans l’ALAT (Aviation légère

de l’armée de terre). J’ai fait connaissance avec l’armée des professionnels, les vrais

militaires… un capitaine sympa et intelligent… certains un peu amers d’avoir

"perdu" l’Indochine et l’Algérie.

La menace venait de la Russie communiste et les Alouettes de l’ALAT devaient

tirer sur les chars russes s’ils s’avisaient de nous envahir… c’était aussi la crise de

Cuba… une tension certaine dans les rangs de l’armée…

Fin Janvier 1963, démobilisé, je commençais ma carrière professionnelle à la

SNECMA (réacteurs d’avions) comme ingénieur d’essais à Istres, chargé des essais

sur le prototype Mirage 3T, d’un réacteur Pratt et Whitney double corps simple flux,

une première en France sur lequel la Snecma adaptait une post-combustion…

performances exceptionnelles : 30 000 pieds (environ 10 000 m) atteints deux

minutes après le lâcher des freins ! Des essais avec tous les aléas d’un prototype : une

très bonne coordination entre l’ingénieur et le pilote permet de sauver des situations

difficiles telles qu’atterrissage réacteur éteint… atterrissage réacteur à plein gaz…

En 1966 on me confie la représentation technique auprès de Pratt et Whitney,

nous partons donc aux États-Unis à Hartford (Connecticut) avec Sophie mon épouse

et notre fille Nathalie (trois mois)… Le climat politique n’était pas très favorable, le

général de Gaulle prenait ses distances avec les États-Unis et l’OTAN et défrayait la

chronique avec son discours de Phnom Penh et le "Québec libre"… et de surcroit la

SNECMA travaillait avec ROLLS ROYCE sur la propulsion du Concorde.

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Nous avons beaucoup visité le pays et apprécié les Américains, leur générosité,

leur hospitalité... certains s’interrogeaient sur la guerre du Vietnam, la radio

annonçait chaque semaine le nombre de GI’s morts…

Après deux ans, retour au pays sur le paquebot France, nous débarquons au

Havre le 1er mai 1968, le réservoir siphonné de notre Ford Mustang dès le début de la

pénurie d’essence ne permettait pas de profiter de ces vacances forcées, nous étions

cloués à Créteil, où des amis nous avaient prêté leur appartement, car nous n’avions

pas de maison à nous.

Juillet 1968, départ pour l’Angleterre pour les essais en vol de Concorde, à

Bristol où les avions anglais étaient construits, puis à Fairford où les essais se

déroulaient a partir d’une piste plus confortable : longueur 5 km.

Prototype Concorde 002 et avion de pré-série Concorde 01

Malgré nos différences de langue, de culture, et même d’unités de mesure ! la

coopération entre les avionneurs SUD-AVIATION et BAC, les motoristes ROLLS

ROYCE et SNECMA se passait bien, le travail passionnant… la technique

aéronautique et la communication, les liaisons avec Villaroche et Toulouse…

Nous habitions un petit village des Cotswolds, région magnifique, Sophie

passait le Cambridge certificate of proficiency in english, Nathalie allait dans une

école anglaise et était alors parfaitement trilingue : français, anglais, et polonais

(notre langue maternelle à Sophie et moi).

Le programme Concorde se poursuivait par des essais de décollage en altitude à

Johannesbourg où nous avons passé un mois : c’était la fin de l’apartheid.

Enfin un voyage pour des vols de démonstration : Athènes, Téhéran, Bombay,

Singapour, Manille, Darwin, Sydney, Melbourne, Darwin, Tokyo, Singapour,

Bombay, Bahrein, Toulouse, Londres.

Au retour à Londres, présentation à la reine Élisabeth II : j’ai eu l’honneur de

lui être présenté avec l’équipe technique et les membres de l’équipage.

Ayant participé à ce programme et volé, avant la certification de l’avion, je suis

un des pionniers de l’aviation civile supersonique.

Après 5 ans passés en Angleterre, je demande mon retour en France : Nathalie a

sept ans et a besoin d’être scolarisée, Sophie institutrice l’avait bien préparée à ce

retour avec des cours du CNTE, sa réadaptation se fera sans difficulté !

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Mon employeur, la SNECMA, n’a pas bien compris la situation et m’a proposé

de repartir aux USA chez General Electric. C’était le début du programme

CFM56…j’ai refusé l’obstacle et quitté pour compléter mon expérience en études-

essais par une expérience de production.

Je me suis retrouvé directeur de production d’une cartonnerie à Compiègne.

C’est carrément une autre planète, je découvre le monde d’une PME entreprise

familiale… ça ne vole pas à Mach 2 et 50 000 pieds ! là, dans une usine de cent

cinquante personnes on fait de tout… du process de fabrication à la qualité, de

l’entretien aux travaux neufs, au personnel…

Après quelques années dans ce métier je passe aux métiers du plâtre, chez

Plâtres Lafarge, mon expérience du papier carton sera utile car il s’agit de plaques de

plâtre cartonnées, je fais du développement produits et systèmes associés aux plaques

de plâtre avec tous les essais correspondants : mécaniques, acoustiques, thermiques,

résistance incendie.

Parallèlement, j’assure la direction technico-commerciale de Plâtres Lafarge

avec trente cinq techniciens et ingénieurs sur six sites différents, tout en faisant partie

d'un groupe d’experts avec le CSTB pour la délivrance des Avis techniques et d’une

commission de normalisation européenne des produits plâtre.

Nous avons un contrat d’assistance-formation avec une société thaïlandaise ce

qui conduit à des missions dans ce pays.

Nous avons une coopération avec une société américaine ce qui conduit aussi à

des missions dans ce pays, parallèlement nous faisons avec eux des missions au

Japon pour évaluer les techniques et pour comprendre leur méthode qualité...

Mes dernières années d’activité : je suis directeur du développement

technologique et je consacre du temps à l’utilisation des gypses de désulfuration des

centrales thermiques allemandes et à la conduite d’un projet de développement de

plaques fibreuses (sans carton).

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Quand j’ai intégré Plâtres Lafarge j’étais le seul gadzarts, quand j’en suis parti

nous étions treize ! Je crois avoir ouvert la voie… en étant exemplaire ?

Je crois avoir montré la polyvalence et l’adaptabilité de notre formation, la

maitrise de l’anglais a été importante et m’a ouvert des voies… Bien peu pratiquaient

cette langue de façon courante, même dans les sociétés importantes comme Lafarge.

Je n’ai pas fait ‘’une grande carrière’’, mais j’ai aimé mon métier d’ingénieur, je

l’ai pratiqué avec plaisir !

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Kim Michel LABOURBE

Si vous dites Cluny 57, tous les gadzarts de cette promotion vous répondront :

Kim ! Il en était l’âme, véritablement. Michel avait préparé le concours des Arts et

Métiers à l’École nationale professionnelle de Chalon-sur-Saône (dite «la Prof»), et a

suivi le cursus de l’époque : trois ans à Cluny, suivis d’un an à Paris.

Dès 1961, après notre «délivrance», élu délégué, Michel a été le messager des

nouvelles de notre communauté, sans oublier celles de ses camarades de promo. Par

la suite, au fil des années, il a su créer le désir de retrouvailles. À chacun de ses

appels, nous accourions de plus en plus nombreux, de plus en plus heureux. Ce furent

d’abord les anniversaires tous les cinq ans, puis le rituel fédérateur d’un voyage et

d’une randonnée (la Zapatte) annuels, toujours très prisés par ses camarades.

Débutant sa carrière chez Richier-Nordest, fabricant de matériel TP à Grenoble,

il l’a poursuivie dans la construction métallique aux Établissements Berthier à

Chalon, jusqu’en 1970. C’est alors, à trente deux ans, qu’il est entré dans l’usine de

fabrication de tubes d’éclairage de Philips, à Chalon. Cet établissement a compté

jusqu’à neuf cents personnes et produisait près de quatre-vingts millions de tubes par

an. D’abord au service maintenance, dont il est rapidement devenu responsable, notre

camarade prit ensuite le poste de directeur de la production. Ses idées ont fait de

l’usine de Chalon un site modèle pour le groupe : ses méthodes et procédés ont été

appliqués par la suite dans les autres usines, tant aux États-Unis qu’en Chine, et

même à l’usine mère d’Eindhoven, aux Pays-Bas. C’est dire le professionnalisme et

la compétence de Michel dans cette industrie complexe (verrerie à feu continu et

production fragile à très haute cadence). Son employeur lui a d’ailleurs demandé de

différer son départ en retraite à plusieurs reprises, ce qu’il a accepté par amour de son

métier… mais en fixant une certaine limite !

Ses activités gadzariques s’élargissaient du groupe régional de Chalon-sur-

Saône dont il fut président, au Centre de Cluny et à son musée ; de plus, Michel

s’impliquait dans la Société des amis de l’École de Cluny (SAEC), créée en 1967,

lorsque l’existence même du centre de Cluny fut en jeu. Jamais dans la séduction

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outrancière, Michel dégageait un charme discret et toujours convaincant. Sa

diplomatie bienveillante était empreinte d’un humanisme gadzarique. Ses activités

constantes au sein de la Communauté lui ont valu de recevoir la médaille d’argent de

la Société des ingénieurs Arts et Métiers.

Sa constance, sa force persuasive jamais forcée, sa sérénité souriante ont su

entretenir l’étincelle jaillie à Cluny en 1957. Nous élevant au-dessus de la mêlée

professionnelle, l’art de Kim a été d’organiser, de faire vivre notre fraternité.

Demeurera une trace féconde dans le cœur de tous ceux qui l’ont connu :

Michel Labourbe a été un gadzarts, un authentique gadzarts.

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Django Jean LAMBERT

Après l'obtention de mon Zacul, j'ai eu envie comme beaucoup d'entre nous, de

compléter mes études avec une spécialisation : j'ai ainsi obtenu un certificat de

troisième cycle en métallurgie spéciale à l'INSTN de Saclay. Ce certificat constituait

le point de passage pour aborder une thèse d’ingénieur docteur, ce qui était mon idée

première, mais qui se révélait alors présenter un inconvénient majeur, à savoir la

nécessité d'y consacrer trois ans supplémentaires… or, je me devais de gagner ma

vie ! J'ai donc décidé de chercher du travail, en m'orientant vers l'aéronautique,

secteur d'activité où les matériaux spéciaux représentaient, me semblait-il, un

domaine particulièrement important et donc susceptible d’être intéressé par ma

candidature.

C'est ainsi, chose assez impensable aujourd'hui, qu'un simple contact avec un ex

de mes connaissances, m'a permis de trouver immédiatement un poste en présituation

à Nord-Aviation établissement des Mureaux, au laboratoire de Contrôle qualité.

Après cette période d'intégration très favorable, j'ai effectué mon service militaire

débutant par les EOR dans l'artillerie à Chalons-en-Champagne puis une affectation

en Allemagne à Constanz comme sous-lieutenant. Cette dernière activité, riche en

campagnes diverses dans les célèbres camps militaires français et allemands m'a

permis une première confrontation intéressante avec les problèmes de

commandement.

À mon retour à la vie civile, Nord-Aviation se proposait de me reprendre comme

adjoint au chef du laboratoire, ce que j'acceptais !

Je débutais alors véritablement ce qui fut mon parcours professionnel, réalisé

intégralement dans l’aéronautique mais avec des épisodes très diversifiés et toujours

enrichissants. J'identifie deux grandes périodes apparemment très différentes :

Première période : l'établissement des Mureaux

- dans le domaine technique : la Qualité.

Au départ, cet établissement industriel était essentiellement un centre de

production de série travaillant pour les programmes Petits Engins et Avions de Nord-

Aviation et qui comptait environ quinze cents personnes et seulement cinquante

cadres. Mais peu après mon arrivée, une mutation importante

s'amorce, techniquement très intéressante. Nous sommes alors à l'époque de la fusée

Diamant et de la création de la force de dissuasion française et l’établissement se voit

confier la réalisation de plusieurs corps de propulseurs. Les bureaux d'études de Nord-

Aviation travaillant sur ces programmes sont alors mutés aux Mureaux.

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Coté fabrication, il s'agit dans un premier temps, de mettre au point et valider les

technologies de soudage de ces corps de propulseurs de grands diamètres et constitués

d'aciers à haute, voire très haute résistance, nécessitant des adaptations de procédés

très spécifiques, compte tenu des exigences qualité associées à ces produits. Cette

activité a été confiée au laboratoire où j'étais affecté ; j'ai donc participé à ces

développements très novateurs et complémentairement à la définition des contrôles

non destructifs des soudures. Mon passage au labo, en dehors de ces travaux

particuliers, m'a permis sur le plan industriel d’acquérir de bonnes connaissances en

matière de traitements thermiques, traitements de surfaces et contrôles non destructifs

en général.

Je suis alors nommé adjoint puis chef du département contrôle qualité. C'est

dans cette période que s'implantent dans l'établissement les activités liées au

programme Ariane : la réalisation du corps du premier étage de la fusée et son

intégration.

Le département contrôle qualité regroupe alors : le laboratoire, le contrôle

fabrication, le contrôle intégration des lanceurs et les méthodes correspondantes ainsi

que le suivi de tous les fournisseurs, équipementiers ou sous-contractants.

Je me consacre à l'animation des équipes et à la formalisation de leurs actions

par des procédures écrites dès lors qu'on parle maintenant de contrôle qualité et non

plus seulement de contrôle.

Je mets en place un système de gestion de la qualité pour le traitement des non

conformités et une sensibilisation aux coûts de la non qualité.

Je participe complémentairement aux premières réflexions menées par nos

grands clients DTEN et CNES sur les démarches qualité à mettre en œuvre pour la

maîtrise de leurs programmes.

- et c'est la création d'Aérospatiale

Fruit du rapprochement de Nord-Aviation, Sud-Aviation et SEREB,

l’établissement des Mureaux voit s'implanter les bureaux d’études et les groupes de

programmes militaires et civils ainsi que la direction de la division des systèmes

balistiques et spatiaux. La population a changé ! On compte alors environ trois mille

personnes dont quinze cents ingénieurs et cadres.

Je suis alors nommé chef du département qualité : regroupant l'activité contrôle

qualité et assurance qualité, c'est alors une équipe d'environ cent cinquante personnes

dont une trentaine d'ingénieurs et cadres qui sont associés à l'ensemble des processus

industriels, depuis les groupes de programmes, en passant par les bureaux d’études et

toutes les activités de production ainsi que la qualité des fournisseurs.

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Pour définir et formaliser les actions et les procédures correspondantes, j'établis

le premier Manuel qualité de l’établissement.

C'est en partant de ce document de référence et de leurs audits de vérification,

que les services officiels ont attribué une des premières certifications Qualité RAQ1

nationales à l’établissement. Complémentairement, j'ai développé une méthodologie

d'aide à la maîtrise de la qualité permettant de définir les actions en diminution de

risques nécessaires pour assurer la qualité d'un produit en maîtrisant l'ensemble de

son processus industriel.

Seconde période : je m’éloigne un peu de la technique

Un collègue des Mureaux qui avait quitté l'activité, revenait à Aérospatiale : la

division Hélicoptères lui proposait de prendre la direction de l’établissement de

Marignane, gros centre industriel de plus de sept mille personnes, en charge des

études et développement, de la réalisation et de l'après-vente des hélicoptères

Aérospatiale, mais qui se trouvait alors en grande difficulté, avec nécessité de mise en

place d'un plan social… Cet ami m'a demandé de l'accompagner et j'ai accepté de le

suivre, intéressé par le changement et le nouveau challenge.

Dans cette situation difficile, l'information et la communication étaient des

domaines importants et ce sont les premiers auxquels je me suis consacré : création

d'un service de communication interne en charge de la réalisation d'un journal

mensuel en collaboration avec des correspondants nommés dans chaque direction,

mise en place de comités de direction hebdomadaires dont j'étais le secrétaire, pour

l'information et le traitement des problèmes généraux, préparation de la

communication directe du directeur à l'ensemble du personnel.

Dans le cadre d'une démarche générale du groupe Aérospatiale, je suis

l'animateur du projet d'entreprise de l’établissement, défini avec la participation de

toutes les directions, chargé ensuite de la coordination et du suivi des plans d'actions.

Complémentairement, m'est rattaché le service des relations publiques chargé de

l’accueil des clients ou associations pour une visite de l'établissement et d'assurer sa

présence dans certaines manifestations régionales. Dans ce contexte, je suis

responsable de l'organisation des grands événements internes : en m'appuyant sur la

structure du projet d'entreprise, j'ai par exemple organisé une opération « portes

ouvertes » à l'occasion des vingt ans d'Aérospatiale qui a accueilli quatre-vingt mille

visiteurs…

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Puis c'est la création d'Eurocopter. Nous devenons alors une entreprise franco-

allemande comprenant deux établissements allemands et deux établissements

français. Marignane est le principal et sera le siège de la Société. Me concernant, en

complément de mes précédentes activités, il s'agit alors d'harmoniser nos démarches

et nos supports de communication en créant un nouveau journal bilingue et un comité

de rédaction mixte.

Dans le domaine des grands événements que j'ai organisés, je citerai

simplement :

- à Aix en Provence, la manifestation pour la création d'Eurocopter où nous

avons invité les personnalités politiques et industrielles régionales.

- à Marignane, la cérémonie du premier vol du NH90, appareil développé en

coopération avec l'Allemagne, l'Italie et la Hollande. Pour l'occasion, ce sont donc

des représentants politiques et industriels des différents pays, soit cinq cents

personnes, qui ont été invitées, transportées et nourries pour assister à la présentation

du nouvel appareil dans le cadre d'une belle manifestation.

D'autre part, j'ai été président du groupe régional de la 3AF, l'Association

d'aéronautique et d'astronautique de France.

Les deux grandes périodes de mon parcours professionnel peuvent paraître très

différentes : pourtant, dans les deux cas, c'est toujours la participation des parties

prenantes que j'ai recherchée pour conduire mes activités. Ce sont ces activités,

finalement très complémentaires, qui m'ont permis de vivre intensément

l'Entreprise, avec des difficultés bien sûr comme partout, mais qui m'ont donné de

grandes joies et satisfactions.

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Hans Jean LAVERGNAT

Mon métier de cheminot a été passionnant presque tout le temps et d'une variété

infinie :

- en moyenne environ trois à quatre ans par poste,

- dix déménagements avec mon épouse entre Paris et Marseille : un kaléidoscope de

mentalités, de comportements individuels et collectifs des plus enrichissants.

- une multitude de professions différentes :

* conduite de trains (vapeur, électrique, diesel, autorail) durant près de neuf

mois (il faut bien connaître le métier de ceux que l'on formera et commandera

ultérieurement).

* entretien courant, périodique et grandes révisions des mêmes matériels,

* organisation des plans de transport (horaires Voyageurs & Marchandises)

* sécurité et qualité de service

* gestion d'unités locales, direction d'établissement, gestion de secteur au niveau

régional, et de l'ensemble de l'activité Transport d'une Région, ou organisation du

travail du personnel roulant sur l'ensemble du secteur Nord-Est de l'entreprise.

* une mention particulière dans ce poste : sous la direction des bureaux d'étude

et du constructeur, avec trois conducteurs sélectionnés et l'ensemble de l'atelier

d'entretien, gestion opérationnelle des deux TGV de pré-séries, dont l'un a réalisé

dans les Landes le record mondial de vitesse sur rails au début des années 70.

Au delà de ce résumé succinct d'une carrière à multiples facettes, le fait

marquant, de mon point de vue, consiste dans l'exceptionnelle richesse des relations

humaines avec ses hauts et ses bas, tant avec la hiérarchie (dans une telle entreprise

tout le monde a un chef), qu'avec ses collaborateurs et personnels, même si trop

souvent je pouvais déplorer des postures collectives quasi constamment

conservatrices faisant fi des effets de la concurrence commerciale en pleine

effervescence (voitures, camions, avions).

Une évidence dans ce parcours, l'âge de la retraite est arrivé presque

inopinément au milieu d'un engouement toujours vif !

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Yann Jean-Paul LEQUIN

Jean-Paul est né le 24 novembre 1937 dans une petite commune voisine du

Creusot à Marmagne.

Après l'école primaire à Marmagne, il intègre en 1948 la fameuse "école

spéciale" de Schneider, école destinée à la formation des personnels de l'usine puis

accède à la classe préparatoire aux Arts et Métiers, alors qu'il aurait aimé être

médecin.

En bon creusotin, il intègre Cluny avec la promotion 1957-1961.

Pendant les quatre années de formation, il fait régulièrement des stages à l'usine

Schneider du Creusot.

Il entre au service de l'aciérie pour quelques mois avant d'effectuer son service

militaire en Algérie.

À son retour, il occupe un poste d'ingénieur à la fonderie d'acier à la SFAC du

Creusot.

Il fut chef d'atelier de 1963 à 1968 puis chef de service de 1969 à 1984.

En 1970, la SFAC devient Creusot-Loire et son unité devient Creusot-Loire-

Industrie, filiale d'USINOR.

En 1984, il est nommé chef des services techniques et commerciaux pour les

fonderies et les forges, ce qui lui valut de parcourir le monde.

Jean-Paul a été président des Fondeurs du Sud-Est de 1986 à 1992 puis

président des Fondeurs de France de 1992 à 1995.

Il fut admis à la retraite en 1999 mais fut rappelé de nombreuses fois pour

négocier les très grosses pièces pour le barrage des Trois-Gorges en Chine.

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Son activité extra-professionnelle fut aussi très riche.

Il entre dans la vie politique et devient conseiller municipal du Creusot de 1971

à 2001, conseiller communautaire du Creusot et vice-président du Conseil régional de

Bourgogne de 1986 à 1998.

Il était chargé de la recherche, de l'enseignement supérieur et des nouvelles

technologies.

C'est alors qu'il fut président de "Bourgogne technologie" et durant quinze ans,

il réussit à rapprocher l'association de la recherche publique et à développer des

innovations dans les entreprises grâce à la diffusion des résultats de la recherche.

Il eut la grande joie, en avril 2011, de participer à la transformation de cette

unité en société filiale du Grand campus universitaire de Dijon.

Jean-Paul fut membre du conseil d'administration de l'IUT du Creusot depuis

2007 et il a reçu la médaille de l'Université de Bourgogne en mai 2011 pour sa

contribution dans la modernisation des relations de l'Université avec le monde socio-

économique.

Durant sa retraite, il s'est consacré au poste de président du Centre de l'ENSAM

de Cluny où il mit en place, avec l'aide de la Région, l'utilisation du numérique, la

modernisation des installations, la création d'une nouvelle résidence pour les élèves,

puis la préparation d'un nouveau réfectoire.

Il avait accepté au début 2011 une mission de conciliation entre les professeurs

et les élèves du Centre de Cluny.

Il fut Officier des palmes académiques, Chevalier de l'Ordre national du Mérite,

médaille d'Argent de la société des Arts et Métiers et en janvier 2011 il reçut la

médaille d'honneur des écoles d'Arts et Métiers.

À coté de tout cela, il était membre du Lion's Club du Creusot dont il fut

président en 1971 et il prit une part active à l'association "Habitat et Humanisme" de

Saône et Loire.

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Tramp Jean Claude LOISEAU

Formation initiale

Études complètes, du primaire au secondaire, incluant la formation technique,

dans le système scolaire privé de la société Schneider au Creusot. Cursus quasi

obligatoire pour les enfants du personnel de cette société, ne laissant guère de place

aux envies personnelles, mais quel ascenseur social, bien que vilipendé par certains

du fait de son caractère paternaliste !

Déroulement de carrière

Juillet 1961 à Juin 1967

Esso Standard à Port Jérôme, avec enclave de 18 mois lors du service militaire

(effectué dans l’Arme Blindée Cavalerie en grande partie à Saumur) : ingénierie

pétrolière de conception, puis réalisation de divers équipements utilisés en raffinerie

de pétrole.

Juillet 1967 à Août 1969

Une certaine instabilité m’amenant sur ces deux années à tenter ma chance

d’abord comme ingénieur d’entretien-travaux neufs dans une petite usine de

fabrication de charbon actif, située dans un environnement social peu attrayant

(Vierzon en mai 68) puis dans un groupe familial dirigé par des gadzarts où je me

suis occupé d’abord de la production d’ambulances et bétaillères, puis ensuite de

mobilier scolaire et de bureaux. Beaucoup d’intérêt technique mais j’y compris que la

direction de personnel, ainsi que la souplesse nécessaire pour coller aux « désirs » des

commerciaux n’était pas franchement dans mes cordes.

Août 1969 à Août 1976 : SFAC Le Creusot

Retour à la région natale chez Schneider-SFAC puis Creusot Loire. D’abord

comme ingénieur chantier chargé de la mise en place ainsi que de la mise en service

de compresseurs centrifuges : poste particulièrement vivant et enrichissant car il

s’agissait des tous premiers compresseurs de ce genre réalisés par cette société et

nécessitant aussi de nombreux déplacements tant à l’étranger (Algérie et Pologne)

qu’en France.

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Ensuite comme ingénieur titulaire de fabrication, poste assurant la coordination

des différents acteurs intervenant dans la fabrication des compresseurs centrifuges et

assurant en particulier le respect des délais et des coûts. Pas une sinécure quant le

poste en cause n’a aucune position de commandement sur les divers acteurs (BE,

achats, ateliers divers d’usinage !), que les machines commandées, développées

spécifiquement pour le client ont un très fort caractère prototype voire dépassent les

possibilités techniques des machines de l’atelier, et que celui-ci est essentiellement

dirigé vers les turbines à vapeur ! Bref le poste à piquer très vite dans la déprime (on

ne parlait pas encore de burnout !). J’y ai beaucoup appris techniquement et

humainement, en particulier j’y eu la confirmation que la direction d’un groupe de

personnes n’était pas dans mes cordes.

Août 1976 à Décembre 2000

Changement total de secteur d’activité : ayant constaté dans l’expérience

précédente que les assureurs dits techniques ne connaissaient pas grand-chose aux

matériels qu’ils étaient censés assurer, je profitai d’une offre d’emploi par la filiale

d’un groupe mutualiste industriel américain pour m’orienter dans cette activité.

Le secteur technique de l’assurance industrielle couvre la recherche des

éléments techniques nécessaires au calcul de la tarification, et pas seulement la valeur

financière (quasi uniquement pratiquée alors par les assureurs français). De ces

éléments découlent aussi la connaissance des éléments de sécurité existants dans

l’établissement analysé et par suite des suggestions et conseils pouvant apporter une

amélioration dans ce domaine. Ceci s’applique à tous les domaines de « risques »

d’une activité et d’une société : incendie, bris de machine (mon domaine spécifique),

responsabilité civile, risques environnementaux… Il en résulte une infinie variété de

situations liée à l’infinie variété des situations et des intervenants !

Durant les 24 années de cette activité je restai 5 années dans le groupe

mutualiste américain que je quittai à la suite d’un licenciement économique lié à la

reprise de la société par une autre. Je passai ensuite 2 ans dans une petite société

allemande avant de rejoindre en 1984 le département AGR de GRAS SAVOYE,

second courtier français, département qui fut ensuite filialisé sous le nom de Sageri

puis Sageris.

Cette dernière période d’activité, la plus longue aussi de ma vie professionnelle

fut réellement la plus vivante et la plus enrichissante. Mais je dois souligner qu’elle

ne pouvait se révéler ainsi que parce qu’auparavant j’avais accumulé quelques

expériences techniques très utiles.

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Après la mise en retraite

Je me suis intégré quelque temps à une association de bénévoles nommée

EGEE « Entente des Générations pour l’Entreprise et l’Emploi » dont l’objectif était

d’apporter de l’aide à moindre coût aux TPE et PME dans l’objectif de développer

leur activité en vue de création d’emplois. J’y réalisai quelques analyses de sécurité,

autant dans un objectif d’amélioration de celle-ci que pour répondre à une demande

de mise en conformité règlementaire. Je me rendis compte ensuite que cette

association dérivait de son objectif initial en apportant son aide à des organismes

administratifs et la quittai. Ensuite de gros problèmes de santé me coupèrent de toute

activité.

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Pap’s André MARION

C’est vers 1950 que l’idée puis le désir de faire les Arts et Métiers me vint.

J’étais alors élevé par ma marraine, la sœur de ma mère. Cette dernière n’avait

pas voulu quitter mon père revenu tuberculeux de la désastreuse bataille devant

l’avance allemande de 39-40. Elle l’accompagnera jusqu'à sa stabilisation, puis sa

disparition en 1958.

Pourquoi les Arts ? Bien que mon père fut gadzarts (Aix26), je ne l’ai jamais

côtoyé. Je pense que, étant très attiré par la mécanique, ma marraine me permettant

de lire régulièrement « Science et Vie » et certainement me parlant de ce père lointain

j’ai été influencé par ces faits.

Donc à treize ans, soutenu par mes parents, j’ai abandonné la filière classique

(latin, allemand, grec) pour faire une année en « 3éme

moderne » à La Côte-Saint-

André, présenter le concours d’entrée en seconde à l’ENP de Voiron, et présenter le

concours d’entrée aux Arts. Recalé en 1956 j’ai intégré en 1957 l’école de Cluny.

Je n’ai jamais regretté mon choix sur le plan professionnel et je milite depuis de

nombreuses années en Corrèze pour pousser les jeunes des lycées de la région à

continuer leurs études vers les sections de prépa et présenter les concours des grandes

écoles.

Après ma retraite, en 2001, j’ai repris une activité d’ingénieur indépendant et

actuellement je consacre une grande partie de mon temps à la Croix Rouge de

Corrèze comme membre du bureau local et responsable de l’accueil de jour.

Ma carrière a été mouvementée :

1961-1969-Sidérurgiste

Après les Arts, en juillet 1961, j’ai été tout de suite embauché en présituation

dans la sidérurgie (les sociétés de l’Est venaient nous chercher aux Arts), dans le

service hauts-fourneaux de Sidelor à Homécourt. Revenu en 1963, après mon service

militaire exécuté comme officier chef de section réparation auto-chars en Algérie,

puis instructeur diéséliste à Bourges, j’ai poursuivi mon parcours comme responsable

entretien, puis sous-chef de service du service agglomération.

Nous nous sommes mariés avec Chantal pendant mon service militaire. En

Lorraine nous aurons trois enfants : Fabienne, Philippe et Stéphane, tous les trois nés

à Briey.

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1970-1972 - Responsable bureau d’études-réalisation en mécanique générale

En 1970, mon épouse désirait quitter l’Est pour se rapprocher de ses parents.

Moi-même, secrétaire de la section syndicale CGC d’Homécourt et ayant eu des

« mots » avec le DRH de De Wendel, notre nouvelle direction, j’ai cherché une

nouvelle situation avec l’aide efficace du service « Emplois-Carrières » de la société

des Anciens Elèves. J’ai choisi un poste de directeur adjoint dans le groupe de

M.PETERS, SEMEP, SEREP, BEP à Aix-en Provence.

Prototypes, nucléaire, calcul des matériaux, recherche de produits propres,

prospection de nouveaux clients, catalogue, tout ce qui concerne un bureau d’étude

couplé à un atelier de réalisation : passionnant !

1972-1975 - Création et direction d’un service technique-recherche

En 1972, mon client et voisin, Filclair, en pleine expansion (à cette époque le

film PVC français était leader mondial en longévité et Filclair possédait un brevet sur

un tel matériau adapté à la culture sous serre) me propose de créer la branche

technique et recherche de la société. Ayant accepté, j’installe entièrement une

profileuse à tubes pour fabriquer les tubes en acier galvanisé (quinze tonnes par mois)

qui sont la matière première de l’entreprise, puis crée le service technique, le service

recherche et développement en collaboration avec les INRA d’Aleniya et Montfavet

puis avec le CENG de Grenoble.

Le marché de Filclair ayant subi des revers dus souvent à la conjoncture

internationale, la société se trouve en rupture de fonds propres, les banques ne suivent

plus, et la société change de propiétaire. Le nouvel actionnaire conserve la partie

production qui est saine (la société Filclair existe toujours et se développe encore

actuellement), supprime tous les services annexes hors production et les gros salaires.

En juin 1976 je me retrouve donc au chômage.

Chantal, très dépressive après notre départ de Lorraine, bien que ce fût son

choix, se suicide en 1976.

1976-1977 - Année d’étude, IAE d’Aix en Provence

J’améliore mes connaissances en gestion, marketing, comptabilité à l’université

d’Aix en Provence et surtout acquiers le virus du créateur ou gestionnaire

d’entreprise.

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1977-1984 - Direction technique d’une papeterie-cartonnerie

Ayant repris ma recherche de situation dès janvier, et ne désirant pas forcement

rester dans le Midi, à la fin de mon année scolaire je choisis le poste de directeur

adjoint, chargé de la maintenance et des travaux neufs des Papeteries-Cartonneries

Royères à Uzerche en Corrèze. Après mon passage à l’IAE, mon projet était, après

quelques années de formation en papier-carton, de reprendre la direction de Royères.

Tout se passe bien jusqu’en 1981, mais au départ du directeur que je comptais

remplacer, l’ancien directeur adjoint reprend la direction d’Uzerche. L’entente avec

ce nouveau directeur (gadzarts lui aussi) est désastreuse et je suis licencié.

Nous nous sommes mariés avec Danièle en 1977, juste avant notre départ pour

la Corrèze. Nous aurons deux enfants : Laure et Martin. Le 18 janvier 1983, elle se

tue dans un accident de voiture entre Limoges et Uzerche.

1985-1989 - PDG de la société SA NOSTRON

Mon désir d’avoir ma propre entreprise ne m’avait pas quitté. Ma prime de

licenciement confortable et ma situation financière à ce moment me permet

d’envisager une création ou une reprise. Je reprends en 1986 la «SA du Garage

Nostron», spécialisée dans le matériel forestier, concessionnaire BRIMONT-LATIL

pour les engins, et concessionnaire local pour les grues sur camion. Malheureusement

BRIMONT disparaît en 1989, et avec cette société, le matériel LATIL qui me

fournissait 80% du chiffre en pièces de rechange. Le milieu du « bois » n’est pas

porteur. D’autre part je ne suis pas un commerçant de proximité, je ne suis pas bon en

« négoce-achat-vente de matériel neuf et occasion » de ces produits auprès de la

clientèle, en majorité paysanne, et je dépose le bilan fin 1989. Ce sera une traversée

du désert.

En 1988 j’épouse Yvette. Je l’embauche comme secrétaire pour gérer les

pièces de rechange, notre chiffre principal. Ses ASSEDIC nous permettent de vivre

pendant notre traversée du désert.

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1991- 2001- Ingénieur maintenance SA DESHORS

En mars 1991 je trouve une place comme ingénieur de maintenance de la

société Deshors, grosse affaire briviste d’usinage à façon pour l’aéronautique, les

moules pour pneumatiques, l’armée, les GIAT, et la grosse mécanique de grande

précision. L’activité de maintenance de Deshors étant externalisée en 2001, le poste

de responsable maintenance disparaît. Après avoir participé aux réunions pour la mise

en place des trente-cinq heures comme délégué cadre CGC, je prends ma retraite en

mars 2001, ayant les conditions requises pour une retraite entière.

2001-2008 - Ingénieur études-réalisations

Mettant en pratique les connaissances en machines-outils de mon dernier

emploi, je m’inscris à l’URSSA, demande une identité INSEE, et me lance dans une

activité d’ingénieur d’études indépendant. Je fais l’acquisition d’un matériel

informatique de dessin industriel et commence une activité de création de machines

portatives, de dessin de pièces de rechange et de rétrofit.

En 2008 je quitte définitivement la vie professionnelle pour me consacrer au

bénévolat à La Croix Rouge de Brive.

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Tater Gérard MICHAUD

Professionnel

-Sortie de l’École : entreprise CITRA, adjoint au responsable digue d’essai du

barrage du Montcenis, puis responsable du matériel au chantier du barrage de

Marckolsheim (Grand canal d’Alsace).

- Service national (dix-huit mois) : EOR puis responsable du matériel du régiment.

- Constructions métalliques BERTHIER :

-Ingénieur chantier, puis direction travaux France entière, charpentes

couvertures et bardages.

- Responsable technico-commercial secteur métallerie et fermetures.

-Entreprise LANGLOIS : aménagements de bâtiments industriels, travaux

d’isolation thermique et traitement acoustique de bâtiments tertiaires (grands

immeubles de la Part-Dieu à Lyon).

- Chef d’agence de Lyon et responsable-adjoint région Rhône-Alpes.

- Entreprise SECI : bureau d’études de conception et réalisation clés en mains de

bâtiments industriels tous usages et d'immeubles de bureaux. Associé.

Direction grands projets, puis directeur technique et directeur général jusqu'en fin

de carrière.

Associatif : principalement au sein des instances de la communauté Arts et Métiers.

- membre du bureau du groupe AM de Saône et Loire depuis 1970 à nos jours,

- adjoint du délégué de la promotion Cluny 57,

- délégué régional et membre du Comité national durant 3 ans,

Sportif : pratique assidue du golf depuis la retraite, avec responsabilité des joueurs

Seniors du club (140 membres) durant 3 ans.

Organisation régulière de compétitions entre élèves et anciens AM.

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Moss Robert MOURIER

À la sortie des Arts, je m’inscris à ESTP Paris, mais après trois mois de cours

d’un intérêt moyen je rentre à Grenoble, et j’attaque pour neuf mois à l’entreprise de

BTP Truchetet & Tansini (galerie d’amenée du barrage de Saint-Georges–de-

Commiers) jusqu’à fin 1962, pour la période de service militaire, d’abord les classes

au 4ème

Génie à Grenoble puis les EOR à Angers et retour au 4ème

Génie Grenoble de

préférence à l’Algérie encore risquée.

Début 1964, après la libération de l’armée, notre mariage (c’est déjà Michelle !)

nous nous installons à Tallard pour des travaux d’aménagement de la Durance, mais

comme je n’accepte pas de travailler 24h/24 et 7j /7, je me fais remercier au bout des

trois mois d’essais !

Départ pour Paris, ou nous pouvons nous loger et attendre la venue de Nathalie.

Je commence au bureau d’études de Stein & Roubaix où je gratte les plans de

chaudières d’usines thermiques futures, en 1964 et 1965. Ne voyant aucune évolution

possible, je suis embauché chez Nomidi pour commercialiser des matériels de BTP et

divers, et à l’automne 1967, après la naissance de Jérôme et constatant le peu d’avenir

sur le plan commercial et ressentant un appel familial, nous repartons à Grenoble.

Fin 1967, nous voici à Grenoble, et je rejoins mon père au sein de la SARL

Entreprise de TP Mourier & Fils, dont il assume la gérance depuis la mort de son père

en 1935. Je participe concrètement à l’élaboration du projet et au suivi de la

réalisation d’un centre commercial et de bureaux en banlieue de Grenoble. Après

cette réalisation, et les relations père-fils devenant compliquées et ne permettant pas

d’envisager un développement, j’y mets fin.

Juillet 1970, un industriel gadzarts m’embauche comme adjoint responsable de

fabrication. (Études et constructions mécaniques - ECM). C’est une PMI d’une

trentaine de salariés pour réaliser et vendre du matériel (centrales à béton mobiles,

positionneurs et vireurs pour chaudronnerie…). Je participe à la construction d’une

nouvelle usine et au développement de la société, jusqu’à sa cession à un patron plus

jeune avec qui je continue jusqu’à l’année 1986.

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En 1987 nous rachetons ensemble la société GIMAR spécialisée dans le

transport par câble, dont je vais assumer la direction, et la gestion des chantiers en

cours de réalisation pour EDF sur l’île de la Réunion, ceci jusqu’à la fin de 1988, et la

revente de la société.

Début 1989, départ pour Toulon pour un poste d’assistance technique auprès de

la Direction des constructions navales en tant que responsable du futur moyen

d’essais du système d’éjection du futur missile balistique M51. Après ce poste en

1990, je suis embauché par les CNIM (Constructions industrielles de la Méditerranée)

à la Seyne-sur-Mer. Au sein de cette société, je m’occuperai ensuite de maintenance

de machine de chargement de combustible nucléaire en centrales.

Ensuite en tant qu’adjoint au chef de projet, après trois mois de cours de

portugais, je participe à la réalisation de l’usine de traitement des ordures ménagères

de l’agglomération de Porto, et ce jusqu’à sa mise en service en 2000. Enfin un autre

projet d’usine m’occupera jusqu’à Février 2001, date de ma mise à la retraite.

Retraite partielle, puisque le décès en 2001 de mon père, me permet de prendre

la gérance de la SARL encore propriétaire de locaux dans le Centre commercial et

bureaux construit en 1970.

Retour à Grenoble fin 2004 afin de régler les quelques problèmes de succession

au sein de la SARL.

Nous nous installons à St Martin d’Uriage, puis en 2012 à Grenoble.

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Sinus Maurice NIVON

À la suite d'un service militaire de dix-neuf mois, j'ai commencé la vie

professionnelle en 1963 et je l'ai terminée en 1999 après avoir exercé plusieurs

métiers et connu une courte période de chômage de trois mois.

Pendant la scolarité j'avais effectué des stages dans le domaine des travaux

publics : aux Ponts et Chaussées, aux Grands travaux de Marseille et chez

Solétanche. J'ai donc naturellement débuté dans les travaux publics dans une

entreprise de terrassement pendant trois ans. Ce métier était intéressant mais imposait

de fréquents déplacements, ce qui m'avait paru incompatible avec la vie familiale.

J'ai donc cherché une situation où mon expérience de chantier serait considérée.

Ainsi, j'ai travaillé pendant huit ans chez RICHIER, constructeur de matériel de TP

aux services Après-vente et Plan du Produit.

RICHIER ayant connu des difficultés en 1974, j'ai changé d'employeur et j'ai

occupé le poste de responsable de fabrication des conteneurs maritimes à la SNAV

pendant quatre ans.

Après une formation complémentaire à l'ICG (Institut de contrôle de gestion),

j'ai été responsable des fabrications des usines françaises d'un constructeur américain

d'équipements d'engins de terrassement et de dragage. En 1984, après six ans de

services, j'ai été licencié, ce qui a mis un terme à mon activité industrielle.

J'ai alors, commencé la deuxième partie de ma vie professionnelle au service de

la Prévention des risques professionnels de la Sécurité Sociale où j'ai exercé pendant

quinze ans la fonction d'ingénieur conseil auprès des entreprises. J'ai ainsi pu

connaitre différents métiers à l'occasion des visites d'usines et en particulier les

métiers de la plasturgie. Mes connaissances des risques liés aux processus et des

dispositifs de sécurité des machines m'ont permis d'être désigné par l'AFNOR comme

expert au Comité Européen des Normes (CEN) pour participer à la rédaction de

normes de sécurité des machines de transformation des plastiques et du caoutchouc.

Ce parcours comprend plusieurs métiers d'ingénieur : travaux, technico-

commercial, fabrication, conseil, dans des domaines aussi différents que les travaux

publics, l'industrie mécanique. Le conseil dans le cadre de mission d'un service au

public a été possible grâce à notre formation qui était bien adaptée aux besoins de

l'économie.

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Zimir Gérard PÉRIER

Mon activité professionnelle s’est déroulée en plusieurs étapes, toutes dans le

cadre d’un grand groupe français et ses filiales en France de 1961 à 1998.

0,5 an - Pré-situation dans un important atelier de mécanique.

1,5 ans - Service militaire pour terminer mécanicien réacteur.

14 ans - Gestion progressive d’un atelier de mécanique de six cent cinquante

personnes (1).

10 ans - Directeur d’une usine de construction de machines d’injection plastique

de quatre cents personnes (2).

4 ans - Conseiller technique en PME diverses (3).

9 ans - Directeur d’une usine d’électro-fusion d’oxydes métalliques de deux

mille personnes (4).

3 ans - Retraité en missions occasionnelles de formation de cadres, sur la

sécurité en usine, dans plusieurs pays européens.

Je développerais les phases actives industrielles. Le coté management sera

rapidement abordé en fin de document (5).

(1) Évolution progressive de prise en charge de secteurs d’atelier, jusqu’à la

gestion de l’ensemble :

-traitement thermique de pièces automobiles en fonte dans des fours en continu.

- traitement thermique de tubes en acier centrifugé diamètre 1000 mm, l=6 m.

-usinage intérieur et extérieur de tubes, et rouleaux centrifugés.

-usinage de chemises de moteur de bateaux de diamètre jusqu’à 1 000 mm.

-usinage de chemises et cylindres de moteurs automobiles sur chaines

transferts : 100 000 / mois, Peugeot, Citroën, Volvo….

-usinage de tambours de frein pour poids lourds sur machines spéciales

« maison » : 15 000 / mois, Berliet, Saviem, Volvo…

- fabrication de tours d’outilleurs 60/mois.

- atelier de chromage de cylindres d’avion : Lycoming, marché américain…

-une réalisation remarquable : la fabrication des poteaux de la structure

isostatique du bâtiment Beaubourg à Paris (tubes centrifugés soudés).

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(2) Fabrication de presses à injecter les matières plastiques, leader français,

exportateur dans un marché très concurrentiel.

-une gamme de presses de 50 tonnes à 3000 tonnes de puissance de fermeture

pour la fabrication de pièces automobiles et diverses.

-des réalisations spéciales de presses de 5000 tonnes.

-réalisation de la plus grosse presse au monde de 10 000 tonnes de fermeture.

(3) Analyser l’organisation et l’outil de production de PMI en vue de les

conseiller pour accélérer un développement de nature à créer de l’emploi dans

l’environnement des usines du groupe en France. Visite de l’ordre de 200 PMI.

(4) Gérer une usine spécialisée dans l’électro-fusion d’oxydes métalliques dans

des fours à arcs de grande puissance : silicium, chrome…pour des applications

particulières. Leader mondial.

-blocs réfractaires pour l’intérieur des fours verriers de grande production

jusqu’à 1000 tonnes / jour, fusion entre 1500 et 2500 degrés et mise en forme dans

des moules à base d’oxydes métalliques ou de graphite. Ces blocs jusqu’à deux

tonnes sont ensuite usinés avec des outils en diamants sur des « machines maison »

de grande puissance.

- des billes en céramique obtenues par un procédé de dispersion breveté,

utilisée pour la fracturation des puits de pétrole dans le monde entier.

-des billes céramiques calibrées pour le décapage et le martelage pour obtenir

un écrouissage sur des pièces métalliques.

-des poudres à base d’oxyde de zirconium obtenues par un procédé de

dispersion à haute température et par des traitements chimiques pour obtenir des

puretés variables pouvant servir de matière première pour la fabrication des zircons

artificiels pour la joaillerie et pour la fabrication de peintures de haut de gamme :

automobile, sanitaire,…

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(5) Toutes ces activités à forte main d’œuvre nécessitent de déployer un

management très actif pour avoir l’adhésion du personnel.

-négociations syndicales pas toujours très faciles : délégués du personnel

comité d’entreprise,…

-prise en compte de la sécurité demandant une attention particulière au niveau

des très hautes températures : radiation, explosions,…

-gestion du personnel : réorganisation, restructuration,…

-gestion des conflits : fermeture d’usine, occupation,…

Sans oublier les contacts avec les commerçants et les clients : clarification des

particularités des commandes, réception…, les centres de recherche et les bureaux

d’étude pour les produits nouveaux et leur mise au point.

Tout cela fait beaucoup de choses, des journées bien remplies, mais nous

faisions, à nos débuts, légalement quarante-huit heures !...

*****************

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Kiro Pierre PÉRILHON

1961 : À la sortie de l’ENSAM, j’ai passé trois mois en Haute-Volta

(aujourd’hui Burkina Faso) avec d’autres ingénieurs, médecins, infirmières,

animateurs culturels, dans le cadre d’une action gouvernementale pour aider le pays à

développer son indépendance. J’ai calculé et dessiné un projet de stade, de maison de

jeunes et de salle culturelle, dans la capitale Ouagadougou, que j’ai présenté au

président du pays, M. Maurice Yaméogo.

1962-63 : Service militaire dans l’artillerie anti-aérienne à Valence, dans les

calculateurs de tir.

1963 : Entré au CEA-CENG (Commissariat à l’Énergie Atomique – Centre

d’études nucléaires de Grenoble) en tant qu’ingénieur de sécurité du Centre. Ce

dernier est en pleine construction et met en œuvre des installations de tous types :

laboratoires, pilotes, gros instruments de recherche (réacteurs nucléaires,

accélérateurs de particules), plates-formes d’essais de type industriel (le centre ayant

toujours été ouvert sur l’industrie et l’université) et ceci dans les différents domaines

de la connaissance : nucléaire bien sûr, mais aussi chimie, physique du solide, micro-

électronique, biologie, énergétique,...

Le directeur du Centre (trois mille personnes), le professeur Néel (prix Nobel de

physique en 1970), veut intégrer la maîtrise des risques dans tout ce qui se fait dans

son établissement. Il m’est donc demandé de participer au développement de cette

maîtrise en intégrant a priori cette dernière dès le stade des projets et en convainquant

les chercheurs de le faire.

J’ai mis une dizaine d’années pour faire accepter cette démarche. Au début, je

devais aller à la recherche d’informations. J’ai compris que j’avais réussi quand on

est venu me chercher.

C’est ce travail que j’ai pratiqué sur le terrain jusqu’en 1984, qui m’a amené à

développer une méthode d’analyse de risques que j’ai baptisé MOSAR (Méthode

Organisée et Systémique d’Analyse de Risques), qui inclut la sûreté de

fonctionnement. Elle est le fruit d’une démarche pragmatique de terrain,

d’enseignements pratiqués à partir des années 1970, d’une réflexion avec des

universitaires de Bordeaux (1985), créateurs du premier IUT de sécurité en 1970, et

de mises en œuvre en milieu industriel.

Dans ces activités, ma formation d'ingénieur pluridisciplinaire Arts et Métiers,

intégrant une forte connotation humaine, a été très précieuse et bien adaptée.

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1970 : En 1970, co-expert dans l’incendie du dancing Le cinq-sept à Saint-

Laurent–du-Pont, cent quarante six morts, des jeunes de quatorze à vingt-cinq ans.

Création au CENG d’un laboratoire d’études de sécurité industrielle et de

protection de l’environnement dont je prends la responsabilité, en plus de ma fonction

d’ingénieur de sécurité, jusqu’en 1977.

Ce laboratoire développe des instruments de mesure de pollution au niveau des

postes de travail et dans l’environnement et réalise des mesures et des contrôles ainsi

que des études de risques sur le terrain pour le compte d’organismes ou d’industriels.

Il fera partie du groupe ECOPOL en 1972, lorsque le CEA créera ce groupe avec le

bureau d’études SERETE.

Participation à la création, à Chambéry (site du Bourget du Lac) de la 1ère

maitrise française en étude d’environnement, dans laquelle je fais un cours sur la

pollution atmosphérique, en m’inspirant de l’œuvre de François Ramade, grand

écologiste scientifique de notre pays, ignoré du public et des médias.

1975 : Début de participation à la formation interne des ingénieurs de sécurité

du CEA.

Début de formalisation de la méthode d’analyse, nécessaire pour l’enseigner.

1977 : Participation à la création du premier certificat, en France, de Maîtrise en

sécurité industrielle à l’Université scientifique et technique de Grenoble (en

association avec l’Université scientifique et médicale de Grenoble) dans lequel

j’enseigne.

Début d’une série de formations à la maîtrise des risques au CERN à Genève.

1979 : Créée à partir de ce certificat, participation à la mise en place de la

première Maîtrise française en sécurité industrielle à l’université de Grenoble dont je

suis désigné comme président du Conseil de perfectionnement.

Responsable du Groupe pédagogique du CEA pour la refonte des formations

des Ingénieurs de sécurité d’installations.

1983 : Première collaboration avec l’équipe enseignante de l’IUT de Bordeaux

(1er IUT en France dans le domaine de la sécurité, développé avec l’aide du CEA (Mr

Bresson) et enseignement dans cette formation.

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1984 : Nommé adjoint du directeur du CENG en qualité de responsable des

unités santé, sécurité, sûreté, protection, regroupant cent quatre-vingts personnes et

différents services : service de radioprotection, formation locale de sécurité (gardiens

et pompiers), groupe ingénieurs de sécurité, groupe de médecine du travail,

laboratoire d’analyses médicales.

1985 : Travail avec le service d’hygiène industrielle du centre CEA de

Pierrelatte, pour développer un système expert à partir de MOSAR. Ce travail sera à

l’origine du développement de SAGACE (méthode d’analyse systémique de projets,

aujourd’hui industrialisée).

1988 : Création avec l’IUT de sécurité de Bordeaux, d’un groupe de travail

appelé MADS (Méthodologie d’Analyse de Dysfonctionnements des Systèmes) qui

développe les éléments d’une Science du Danger, aujourd’hui publiés et enseignés et

à partir desquels J.L. ERMINE a développé des outils de capitalisation de la

connaissance, qu’il enseigne à Télécoms EM et dont il est expert auprès de l’ONU.

1990 : Participation à la transformation de la maîtrise de Grenoble en 1ère

école

française d’ingénieurs en prévention des risques industriels habilitée par la

Commission des titres d’ingénieurs, dont je reste président du Conseil de

perfectionnement et dans laquelle j’enseigne.

Nommé adjoint technique du directeur central de la sécurité du CEA à Paris,

chargé de mettre en place une équipe de promotion et de coordination de la maîtrise

des risques pour le CEA.

Collaboration avec la multinationale BSN pour des applications de MOSAR en

milieu industriel avec test dans deux usines BSN.

1991 : Nommé adjoint du directeur de l’INSTN (Institut National des Sciences

et Techniques Nucléaires), structure de formation initiale et continue du CEA

habilitée par l’Éducation nationale. Je suis chargé de développer les enseignements de

sécurité-sûreté et de développer l’antenne INSTN de Grenoble dans les domaines de

connaissance du CENG (6 DEA, 2 DESS dans le domaine du risque :

radioprotection et maîtrise et gestion de l’environnement industriel, deux écoles

d’ingénieurs dans le domaine du risque : prévention des risques Industriels et génie

atomique incluant la sûreté, cohabilités entre CEA et l’Université de Grenoble ou

INP.

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1992 : Travail avec le service de prévention de la Caisse régionale d’assurance

maladie de Lyon pour une application de MOSAR dans une usine métallurgique de

Bourg-en-Bresse, avec Alain Feugier, notre P’Cass, et Maurice Nivon, notre Sinus,

qui font partie de ce service.

Participation au projet européen FORM-OSE pour le développement de

formations européennes dans le domaine du risque.

Membre de l’Institut de sûreté de fonctionnement, chargé du développement des

formations.

1993 : Cocontractant de contrats européens TEMPUS pour l’aide à la mise en

place de formations à la maîtrise des risques dans les pays de l’Est : Bulgarie à Sofia

et Burgas, République tchèque à Ostrava, République slovène à Bratislava, Roumanie

à Bucarest.

1995 : EDF, Direction des études et recherches choisit MOSAR pour l’analyse

de risques des installations de ses trois centres de recherche et d’essais : Chatou, Les

Renardières et Clamart.

Développement de formations pour EDF à partir de l’analyse de cinq de ses

installations.

Réalisation de deux bandes dessinées (commercialisées par la suite) sur la

méthode.

La SNECMA fait la même démarche pour l’analyse de risque de ses bancs

d’essais de moteurs d’avion à Melun-Villaroche, où seront formés une dizaine

d’ingénieurs.

1996 : Commande d’un CD-ROM par l’Institut national de recherche en

sécurité, avec MOSAR comme support, destiné à servir d’aide pédagogique à

l’enseignement de la maîtrise des risques dans les écoles d’ingénieurs, avec

participation d’EDF, de l’INSTN, de l’ENSAM (avec Marc de Fouchecour,

professeur de maths à l’ENSAM Paris) et de plusieurs universités.

Aide à la création d’un DESS à l’Université de Mulhouse et à Niort.

Aide à la création d’une formation en gestion des risques à l’École des mines

d’Albi, à l’École des mines de Saint-Etienne, de Nancy, à l’École de chimie de cette

ville et à l’École centrale de Nantes.

Participation aux enseignements dans ces institutions.

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1997 : Réalisation de la1ère

version du CD-ROM avec un bureau d’études en e-

learning (FORMEZVOO) et test de celle-ci dans dix écoles d’ingénieurs sous la

supervision de l’École des mines de Saint-Etienne.

Aide à la mise au point d’un projet de Mastère à l’École polytechnique féminine

de Paris.

Encadrement d’une thèse à l’École des mines de Saint-Etienne sur l’application

de MOSAR à une PME.

1er Décembre : départ à la retraite.

Depuis 1998 :

Continuation des enseignements dans différentes structures :

INRS, INSTN

Mastère et Option environnement à l’École des mines d’Alès.

École des mines d’Albi.

Écoles des mines de Saint-Etienne et de Nancy

INPG

DESS de Mulhouse, Grenoble, Niort, Saint-Quentin-en-Yvelines.

IUT sécurité de Bordeaux et Marseille.

ENSAM Paris (conférence et suivi d’un PFE).

Jury d’audit de l’École des mines de Paris.

Suivi de thèses aux Écoles des mines de Saint-Étienne et d’Albi.

Participation au développement d’un CD-ROM sur la sûreté de centrales

nucléaires pour EDF.

Travail avec SCETAUROUTE sur un audit organisation sécurité et sur

l’intégration de la gestion des risques dans les projets internationaux.

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Suivi de l’application de MOSAR sur des études industrielles et dans les Plans

communaux de gestion des risques, avec plusieurs bureaux d’études (ASPHALEIA à

Grenoble, APSARA à Paris.)

Animation de groupes de recherche sur la méthodologie d’analyse de risques.

Organisation de journées de retour d’expérience de la mise en œuvre de la

méthode MOSAR en milieu industriel et dans l’enseignement, à Grenoble (INPG les

4 et 5 Avril 2002).

Développement d’un site Internet (REZORISQUE) comprenant des modules

e-learning, avec l’ENSAM Paris, l’INRS et FORMEZVOO pour intégrer la maîtrise

des risques dans le cursus de formation des ingénieurs.

Interventions de sensibilisation à l’ENSAM Cluny.

En 2007, je rédige et publie aux Editions Demos, un ouvrage : La Gestion des

Risques : méthode MADS MOSAR II. Manuel de mise en œuvre.

Expert de EGIS-SCETAUROUTE pour un projet d’étude des impacts de

l’évolution climatique sur les infrastructures de transport et plus particulièrement les

autoroutes.

Participation à des appels d’offre pour le stockage souterrain de déchets

nucléaires à Bure (Meuse) et pour la ligne TGV Paris-Strasbourg.

La méthode MOSAR, informatisée par ASPHALEIA est remodelée avec le

Bureau Veritas.

Celui-ci acquiert ASPHALEIA et la méthode.

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Nané André PINTO

Quand on parle de mobilité, chacun pense à la mobilité géographique !

Et la mobilité de fonctions ?

Voici mon "Parcours" et les différentes fonctions exercées durant une carrière :

- Ingénieur d'études de matériels sous pression pour l’industrie chimique,

- Organisation du travail : circuits administratifs, problèmes de structure…

avec, au passage, l'achat et l'installation de la première machine à commande

numérique,

- Formation du personnel, en particulier celui de maîtrise d'atelier,

- Responsable des investissements et de l’entretien d'une fonderie. Accent

particulier sur la sécurité : réduction de 60% du nombre d'accidents du travail,

- Responsable du personnel : deux mille cinq cents personnes, ce fut

certainement le plus grand virage dans ma carrière,

Points marquants :

- Négociations : salaires, temps de travail,

- Introduction de la modulation du temps de travail (avant les accords UIMM !)

- Plans sociaux : toujours délicats,

- Embauche (eh oui !) jusqu'à deux cent cinquante cadres, BTS-DUT par an,

- Out placement : chercher et trouver des places pour le personnel volontaire au

départ, soit deux cent cinquante personnes en deux ans,

Cela me rappelle une question posée par deux demoiselles lors d’un forum :

— Monsieur, c'est quoi un INGÉNIEUR ?

— Ma réponse : c'est quelqu'un qui a acquis les connaissances pour s'épanouir

dans différents métiers.

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Tristan Jean POILLOT

Je suis né le 18 août 1937, à Cercy-la-Tour dans la Nièvre, où mes parents

venaient visiter régulièrement la famille de mon père. Mes autres frères et sœurs sont

nés à Lyon où mon père Alexandre Poillot (Cluny 12) était directeur général de la

SABLA. Je suis le quatrième de six enfants que ma mère a su élever convenablement

malgré toutes les difficultés de l’époque.

En août 2007, après avoir vendu mon entreprise au groupe VINCI, j’ai décidé,

pour fêter mes soixante-dix ans, de réunir mes copains de la boquette Incognito dans

ma propriété de Marcq (Yvelines), aidé pour l’organisation de cette rencontre par

Marc Ginet, notre Mickey, qui est presque mon jumeau puisqu’il est né le 14 août.

Alors que nous arrosions copieusement ce double anniversaire, j’ai eu la surprise

de voir arriver mon fils Jean-Marc qui – alors qu’il était en vacances chez ses beaux-

parents à Cannes - avait pris le premier TGV du matin pour venir me délivrer, avec

humour, un discours retraçant ma carrière.

Ce discours, le voici dans son intégralité :

« Mon très cher père,

En l'absence de ton grand, exilé sous le soleil d'un lointain paradis fiscal, tu ne

verras pas d'inconvénient à ce que cela soit le petit, celui qui te ressemble le moins, si

ce n'est pour les plaques d'eczéma, qui se charge de te rendre hommage à l'occasion

de ce que, pudiquement, nous appellerons ton changement de dizaine.

Quand je dis que nos points communs se résument à nos ennuis cutanés, bien

sûr, j'exagère.

Il en existe un qui se distingue toutefois d'entre tous, c'est notre goût pour les

bons mots : parfois cruels, souvent caustiques mais toujours bien placés dans une

conversation.

À ce titre, nous cultivons le même goût pour les films dialogués par Michel

Audiard, peut être les seuls que tu aies réussi à regarder jusqu'au bout - en particulier

les Tontons Flingueurs - et dont tu puisses, encore aujourd'hui, te souvenir des

répliques.

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C'est ainsi qu'il m'est venu une idée saugrenue : et si je contais le film de ta vie

comme s'il avait été dialogué par Audiard ? C'est donc ce défi, chers auditeurs, que je

me propose de relever maintenant.

Chapitre premier : La prime enfance.

Bon, comme tout le monde le sait, tu es né le 18 août 1937, soit un peu après la

création de la Cineccita, récemment partie en fumée et peu de temps avant le

lancement du dirigeable Hindenburg, lui-même parti en flammes. Ces deux

évènements te prédestinaient donc à une carrière flamboyante !

Ta prime enfance fut très vite marquée du sceau de la deuxième guerre

mondiale, les week-ends tragiques, comme la qualifiait Audiard. On peut dire que de

1939 à 1945, tes goûts prononcés pour l'ordre, la discipline et les Mercedes furent

pleinement satisfaits ! Au même moment, ton père se distinguait une nouvelle fois

par ses exploits militaires et ses actions dans la clandestinité lui valant de nouvelles

distinctions après celles de 1914 -1918. Tu aurais ainsi pu dire de lui comme Claude

Rich dans les Tontons Flingueurs : « Mon père a collectionné toutes les décorations

possibles et imaginables, il les a toutes sauf la médaille du sauvetage en mer, la plus

belle selon lui, mais la plus dure à décrocher, surtout quand on n'est pas né marin

breton !».

Je passe rapidement sur tes années d'écoles à Lyon, à écluser une à une les

institutions catholiques dont tu ne retiendras de l'eucharistie que Dieu sous forme

d'hostie c'est comme les M&M, « cela fond dans la bouche pas dans la main».

Venons-en à l'une des plus belles pages de ta vie : tes années d'étude aux Arts

et Métiers. Comme tant d'autres, tu découvres que les amis de promo, c'est un peu la

famille que l'on se choisit et dont les membres sont aujourd'hui fidèlement assis à tes

côtés.

Chapitre II : Tes débuts amoureux et professionnels.

Le petit blondinet aux oreilles de Dumbo l'éléphant a ainsi fait sa chrysalide,

laissant la place à un beau jeune homme, qui le sait d'ailleurs. En bon macho de ton

époque, tu fais craquer toutes les filles. L'un de tes plus beaux faits d'armes c'est cette

jeune Praguoise qui, lors du voyage d'étude de la promo 57, fera même le siège de ta

chambre pour que tu l'emmènes avec toi en France.

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Cet épisode que tu nous as maintes fois narré, dialogué par Audiard et avec la

voix de Bernard Blier, donnerait quelque chose comme cela :

- Tiens, ça me rappelle ma tchèque. Tu la connais mon histoire avec la tchèque ?

- Oui.

- Bah, toi qui la connais pas tu vas te poiler. Figures-toi qu'un jour en me

baladant à Prague j'tombe sur une belle nana. Une grande blonde avec des yeux

qu'avaient l'air de rêver et puis un sourire d'enfant ; une salope quoi. Moi je repère

ça tout de suite parce que les femmes c'est mon truc !».

Mais notre macho sans cœur sut se faire prince charmant lorsque tu rencontras

la future mère de tes enfants. Qu'avait-elle de plus ou de mieux que les autres ?

mystère de l'amour ! Dans le style Audiard, votre première rencontre aurait à peu près

donné ceci :

«Bonjour Jean, j'ai 18 ans, les yeux noirs et le visage ovale. Je ne suis plus

vierge mais mon casier judiciaire l'est toujours. Pour le commencement, je te renvois

à mon passeport pour le reste, prends moi dans tes bras. C'est simple, non?»

Au même moment tu faisais tes débuts chez EIFFEL, supervisant tes premiers

chantiers et travaillant au quotidien au plus près des ouvriers. De cette solide

expérience de terrain tu t'es forgé une certaine philosophie audiaresque du style :

«Deux intellectuels assis derrière une table à dessin vont moins loin qu'une brute

qui coule du béton».

Ou encore :

«Quand un chef de chantier de 130 kilos parle, un ingénieur de 70 kilos écoute !».

La naissance de Jeff, un petit tour en Libye et te voilà de retour en France avec

comme projet d'acquérir une belle maison. Ce sera Marcq où maman «civette, bain-

marie, ragougnace» bref, donne à la petite famille tout apaisement dans la vie pendant

que tes week-ends, sponsorisés par Black & Decker et les pansements Urgo, sont

consacrés au bricolage de la baraque.

Sur le plan professionnel, c'est le feu d'artifice à Versailles ! Tu cumules les

gros chantiers et les postes de directions au sein du groupe Nord-France, ce qui te

permet de te lancer à la conquête de l'Amérique.

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Cette phase de ta vie se traduira pour nous par de longues vacances au pays de

Mickey en Floride et la découverte, grâce à toi, des Caraïbes où tu prendras vite le

goût d'un pèlerinage une fois dans l'année, comme d'autres vont à Lourdes ou à

Colombey-les-deux-Églises. Tu prenais soin de choisir les meilleurs hôtels et de nous

prodiguer quelques bons conseils, un peu comme Gabin dans Mélodie en sous-sol :

« Bon, d'après le Michelin local c'est de premier ordre, trois p'tits donjons, un

oiseau de couleur, cinq fourchettes. Vous coltinez pas les valises, c'est le turbin du

bagagiste. Et surtout pas d'étonnement intempestifs, vous extasiez pas sur la mer, elle

a toujours été là !».

Chapitre III : Épreuves scolaires et professionnelles.

Mais la vie est loin d'être un long fleuve tranquille. Deux écueils se profilèrent

bientôt à l'horizon :

- le financement des études capricieuses et contrariantes de tes enfants,

- ton apogée de carrière au sein du groupe Nord-France,

Il faut le dire, le premier domaine te donna bien du fil à retordre.

Jeff, dont le parcours scolaire chaotique n'est pas sans rappeler celui de ta prime

jeunesse à Lyon, Jeff, donc, ayant épuisé toutes les patiences du corps enseignant

français, opta finalement pour un master d'économie aux États-Unis. Comme dans les

Tontons Flingueurs, tu aurais ainsi pu dire de lui en substance ceci :

« Mon aîné, il comprend rien au présent, rien au passé, rien à l'avenir, enfin rien

à la France, rien à l'Europe, enfin rien à rien... mais il comprendrait

l'incompréhensible, dès qu'il s'agit d'argent ».

Ce n'est donc pas un hasard si, quelques années plus tard, il devint le fidèle

trésorier de ta société, la Parisienne du bâtiment et de travaux publics.

Pour ma pomme, ce ne fut guère mieux. Animé d'une solide vocation pour la

politique et l'histoire de France au point - véridique - de chercher ma place dans le

dictionnaire entre Poher et Poincarré, j'optais pour des études de sciences politiques.

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Bichant pour toi qui a en horreur les politiciens ! Au point que tu aurais pu

déclarer de moi :

«Ah ! le petit dernier c'est un homme qui a la légalité dans le sang. Si les

Chinois débarquaient y se ferait mandarin… si les nègres prenaient le pouvoir, y

s'mettrait un os dans le nez… si les Grecs ..., enfin, passons !».

Au sortir de mes études, je me dirigeais vers la carrière militaire, deuxième

corps de métier le plus honni après les politiciens. De passage à Marcq pour vous

annoncer mon départ pour l'ex-Yougoslavie, nous aurions pu avoir le dialogue

suivant, mi-Tontons Flingueurs, mi-Taxi pour Tobrouk :

Moi :

«T'inquiète papa j'y vais avec la puissance de feu d'un croiseur et des flingues de

concours ! J'vais te les travailler à la Magnum et en férocité ! ».

Toi :

«Je préfère mieux pas te répondre, tiens ! une connerie comme celle-là, ça

devrait relever du conseil de guerre !».

Et de conclure à mon retour des hostilités, un brin rancunier de la bile que tu

t'étais faite pour moi pendant 10 mois :

«Faites pas attention à lui, c'est une brute née de la guerre. En langage clinique

on appelle cela un dangereux schizophrène à tendance paranoïaque, en langage

militaire, un officier !».

Ton parcours professionnel chez Nord-France, aussi fulgurant et exemplaire

soit-il, fut également semé d'embuches, le destin ayant mis sur ton chemin quelques

crétins bien trempés faisant obstacle à tes nobles ambitions pour cette boîte. Le pire

d'entre tous fut probablement le promoteur immobilier Pelège qui procéda au rachat

de Nord-France et s'évertua à te mettre des bâtons dans les roues et à qui tu aurais dû

tenir le langage suivant, inspiré d'un Singe en hiver :

Monsieur Pelège, si la connerie n'est pas remboursée par les assurances

sociales, vous finirez sur la paille ! Car, au final, c'est bien ce qu'il advint de lui !

Confronté à un telle «pointure intellectuelle», tu te décides donc à créer ta propre

entreprise, la Parisienne du bâtiment et de travaux publics, fondée sur de solides

principes capitalistes, inspirés de 100 000 dollars au soleil. : «Ici c'est une grande

famille. Dès qu'il y en a un qui demande une augmentation, je l'écoute et hop, je le

vire !».

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Blague à part, après quelques années de galères et d'incertitude le succès est

enfin au rendez-vous, au point que VINCI décide de te racheter à la suite de longues

tractations. À la première proposition de rachat je t'imagine rétorquer, façon Blier,

dans Il ne faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages :

«Si c'est pas inhumain d'entendre ça ! Mais qu'est-ce que vous voulez que je

fasse avec 500 briques hein ? Surtout de nos jours, le SMIC est en plein chancelique,

la TVA nous suce le sang, la bourse se fait la malle. J'ai calculé j'en aurai à peine

pour 5 piges. J'aurai 75 berges, vous voudriez tout de même pas quej'retourne au

charbon à cet âge-là non ? Vous seriez pas vache avec les vieux des fois ?».

Face à cet argument choc tu obtins gain de cause pour une somme plus

rondelette et la poursuite de ton activité pour au moins encore un an, voire plus si

affinité. Et, dans un ouf de soulagement, de t'esclaffer à la maison, façon Les

barbouzes :

«Dans un an ... au revoir m'sieurs-dames ... j'serai à l'échelon sept, les mômes

sont élevés, j'ai ma cabane dans les Yvelines, la retraite faut la prendre jeune. Faut

surtout la prendre vivant. C'est pas dans les moyens de tout le monde».

Et te voilà, à faire tes premiers pas de pré-retraité, écumant les mots croisés,

apprenant à vivre au quotidien avec maman, lui achetant un tracteur-tondeuse qu'elle

se refuse obstinément d'utiliser, taillant à tout va dans le jardin pour son plus grand

malheur et houspillé à chacune de tes initiatives. Alors, un peu comme Gabin, dans

Un singe en hiver tu pourrais déclarer en guise de mot de la fin :

- Écoute ma bonne Christine, t'es une épouse modèle.

- Oh ...

- Mais si, t'as que des qualités et physiquement, t'es resté comme je pouvais

l'espérer. C'est le bonheur rangé dans une armoire. Et tu vois, même si c'était à

refaire, je crois que je t'épouserais de nouveau. Mais tu m'emmerdes.

- M'enfin, Jean ...

- Tu m'emmerdes gentiment, affectueusement, avec amour mais tu m'emmerdes !

Ambiance assurée à la maison !».

Gabin conclut cette tirade en affirmant qu'il n'a pas eu sa ration d'imprévu et

qu'il en redemande, même si c'est une idée d'un autre âge.

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Pour ma part, je ne doute pas qu'avec ta vivacité d'esprit, ton sens de l'initiative

et de l'action tu sauras encore nous surprendre pour encore un bon bout de temps.

Mais pour cette nouvelle page de ta vie, je te laisse la primeur d'en écrire les

dialogues ! »

************

Bien sûr cette évocation de carrière vue par mon fils manque un peu de

précisions et il me paraît nécessaire d’y joindre un historique plus précis et d’y

ajouter un panorama de mes activités professionnelles.

Historique

1962 - Service militaire de 18 mois. Classes à la Valbonne, et EOR à Saumur

(cavalerie blindée). Devenu sous-lieutenant, je suis nommé chef de la police militaire

à Marseille !

1963 - J’entre comme ingénieur de travaux à la «Société Eiffel d’Entreprise

Générale», filiale des établissements Eiffel, orientée essentiellement sur les travaux

industriels. Je deviens chef d’agence à Bordeaux puis à Tripoli en Libye.

1969 - Après la liquidation judiciaire des établissements Eiffel, j’entre comme

directeur technique à la société Boutonnat & Charlot, entreprise parisienne

spécialisée dans les travaux de rénovation.

1972 - Boutonnat & Charlot est racheté par le groupe Nord-France et je

participe dans ce groupe à l’acquisition d’autres filiales :

- Rontaix à Paris et Epernay ;

- CEG à Caen ;

- CB Carrelages à Paris ;

- Giraud en Avignon.

1978 - Je suis nommé directeur des filiales du groupe et on me confie en plus

une filiale américaine achetée par Nord-France selon instructions de ses actionnaires

belges : la société Tuttle & White, à Orlando.

1982 - Je suis nommé directeur général adjoint du groupe Nord-France Holding,

plus particulièrement en charge des filiales.

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1988 - Les actionnaires belges (Six Construct) de Nord-France vendent ce

groupe au promoteur Michel Pelége.

1990 - Après avoir quitté Nord-France pour cause d’incompatibilité d’humeur

avec Pelége, je créé la société Guerra-Tarcy Rénovation au sein du groupe Guerra-

Tarcy entrainant avec moi 250 collaborateurs et ouvriers.

1993 - Suite à des opérations immobilières, pour le moins hasardeuses, le

groupe Guerra-Tarcy dépose le bilan et le syndic procède progressivement à sa

liquidation.

1994 - J’achète une petite société, toujours spécialisée dans les travaux de

rénovation : «La Parisienne du Bâtiment et de Travaux Publics» (LPBTP) dont les

deux propriétaires souhaitaient partir à la retraite.

2007 - Après avoir procédé à son développement je vends LPBTP au groupe

Vinci.

2007-2012 - J’accompagne le groupe Vinci dans diverses démarches

commerciales et contentieuses pour poursuivre le développement de LPBTP.

2012 - Je prends définitivement ma retraite.

Panorama des réalisations les plus significatives

Période Eiffel

Les clients principaux sont :

Le CEA sur divers sites en France

Les Eaux Perrier

La British Titan Company

De nombreux industriels en France

Des écoles en Libye (en particulier l’école dite des « Arts et Métiers » à Tobrouk)

Des réseaux d’assainissement (Misurata – Libye)

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Période Nord-France et Guerra-Tarcy

Surfaces commerciales et d’activités : C&A, Carrefour, Auchan, La Redoute,

champagnes Moët et Chandon, Mercier, Pommery, Lanson, Ruinart… etc.

Bureaux et sièges sociaux : Axa, GMF, Christian Dior, Elena Rubinstein,

Nouvelles Frontières, BMW, Schlumberger, Kodak, Unibail… etc.

Bâtiments administratifs et culturels : la Bibliothèque Nationale et la Galerie

Vivienne, l’Hôtel Talleyrand pour le compte de l’ambassade des USA, l’ambassade

du Cameroun, l’ambassade du Nigéria, l’ambassade de France à Prague, le

ravalement et la rénovation de l’Arc de Triomphe, la bibliothèque Alliance israélite

universelle, le musée Dom Pérignon en l’abbaye d’Hautvilliers, les Colonnes de

Buren au Palais Royal.

Hôtels : le Ritz, place Vendôme, Aquitaine Loisir à Super Bannière et Soustons,

le Royal Riviera à Beaulieu, le Viking à Morzine, pour le compte de Nouvelles

Frontières, la Belle Créole à Saint-Martin (FWI) pour le compte de Paribas, le Royal

Champagne à Epernay… etc.

Les restaurants : le Laurent, avenue Gabriel à Paris, le Drouant, place Gaillon à

Paris, la Coupole, avenue du Montparnasse à Paris, la Briqueterie à Epernay… etc.

Spectacles et Loisirs : la Gaité Lyrique, le Châtelet, le théâtre d’Issy-les-

Moulineaux, le théâtre de Colombes, le théâtre de Malakoff, le théâtre

d’Aubervilliers, près de 100 salles de cinéma à Paris et en province pour Pathé, UGC,

Gaumont, et d’autres exploitants indépendants.

Hôpitaux : la Pitié-Salpêtrière, Cochin, le Kremlin-Bicêtre, le 15-20, Trousseau,

la clinique Hartmann… etc.

Activités américaines :

Constituées presque exclusivement de travaux neufs. Parmi les plus importants,

on peut citer : des hôtels en Floride, Géorgie, et Caroline du Sud. Des immeubles

résidentiels en Floride. Des écoles en Floride et en Géorgie. Des bâtiments

administratifs en Floride. Des logements militaires en Caroline du Nord (à Fort-

Bragg, la plus grande base militaire US qui s’étend sur 45km2).

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Période LPBTP

À l’origine LPBTP travaillait presque exclusivement pour les syndics

d’immeubles. J’ai vite abandonné ce type de clientèle peu intéressant pour orienter

l’activité de l’entreprise vers des travaux de rénovations plus conséquents et plus

lucratifs à savoir : les cinémas à Paris et à Tours, les établissements hospitaliers à

Paris et en banlieue, les surfaces commerciales dans toute la région parisienne

(Auchan, Casino, Monoprix, Grand Optical… etc.), les travaux industriels à Paris et

en banlieue (Renault, Volvo), des aménagements de bureaux à Paris (Generali,

Eramet et Royal Air Maroc) et surtout les agrandissements et rénovations de maisons

de retraite (EHPAD en région parisienne et en province). Cette activité fut un peu

notre cheval de bataille et me permit, entre autre, de vendre dans de bonnes

conditions LPBTP au groupe Vinci.

Conclusion

Le métier d’entrepreneur, n’est certes pas un métier facile (pour preuve, les

faillites y sont fréquentes) mais il a l’avantage de permettre la rencontre avec des

clients de toutes professions et de toutes origines. J’ai souvent rencontré des gadzarts

dans l’exercice de ma profession dont deux d’entre eux, de notre promotion : Pierre

Ravet, Chabicchou, alors ingénieur du bureau de contrôle Socotec chargé de

contrôler les travaux que j’exécutais au Pathé-Cinéma, rue de la République à Lyon et

Gérard Dumont, Duo, qui en tant que responsable d’un important bureau d’ingénierie

m’accorda sa confiance, pour la réalisation de bureaux et d’écoles.

Pour en finir, et justement à propos de confiance je voudrais citer deux

personnes qui me l’ont accordée en m’attribuant des marchés de gré à gré, malgré

mon jeune âge : Monsieur Marcel Dassault pour qui j’ai réalisé à deux reprises les

transformations de son cinéma Le Paris sur les Champs-Elysées ainsi que deux

immeubles de grand luxe, Monsieur Pierre Vercel PDG de Pathé Cinéma qui me

confia dans les années 70 les transformations en complexes multisalles de toutes leurs

grandes salles à Paris et en province.

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Zadig Jean POLLARD

Formations complémentaires

Après les Arts, que faire comme « spécialité » ?

Un peu de science, un peu de physique, dans un domaine en expansion ?

- Choix de rejoindre l’INSTN (Institut national des sciences et techniques

nucléaires) pour y faire un DEA + Thèse de 3e cycle de métallurgie spéciale

sur la métallurgie du zirconium (servant au gainage des barres d’uranium,

combustible dans les centrales nucléaires).

- En 1968, Hélène étant étudiante en 4ème

année de pharmacie, je m’inscris à

l’université (d’Orsay) pour y suivre le DEA de physique des solides (bien

en rapport avec mon travail dans la micro-électronique). Lors de l’examen

oral, Gilles de Gennes (le professeur principal et futur prix Nobel)

m’accorde la « mention passable » avec le message : « insuffisant pour la

recherche, bon pour l’industrie ». J’y étais déjà, ayant intégré la Thomson

CSF depuis 1965 !

- En 1979, après avoir œuvré à France Télécom avec beaucoup d’implication,

mon patron propose de me récompenser en m’offrant un programme

« business » de trois mois à l’Université de Stanford (Stanford executive

programme)…

Une expérience universitaire multinationale extraordinaire : par la qualité

des enseignants et enseignements, et par la diversité culturelle interactive

des « executive students ».

Service National

Marine nationale : chef de quart adjoint sur le porte-avions Foch.

En 1964/1965, une expérience technique et humaine exceptionnelle (en temps

de paix).

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Activités professionnelles

Après le Service, où commencer à travailler ?

Ayant pressenti des inconvénients probables du nucléaire (sûreté, déchets…), je

regarde du côté de l’espace (Alcatel), mais c’est finalement une relation familiale qui

me permet d’entrer dans le domaine naissant du semi-conducteur (micro-

électronique) au Centre de recherches physico-chimiques de la Thomson-CSF en

région parisienne.

Thomson-CSF : Chef de laboratoire : 1965-1973

Premiers composants microélectroniques MOS français pour lanceurs et

satellites français.

En 1969/1970 : une grande fierté d’avoir relevé ce défi.

Premier composant micro-électronique CMOS européen pour montre à quartz :

Fin 1971 : un mois après le premier mondial (Motorola), un mois avant le

premier japonais (Mitsubishi).

En 1972/1973 cette révolution technologique n’arrive pas à convaincre

l’industrie horlogère française et en particulier LIP, qui aura le destin que l’on sait.

1973 : la fin des Trente Glorieuses approche (1975) ; Thomson-CSF ne

s’oriente pas vers le CMOS (qui quarante ans plus tard couvre encore plus de 90% du

marché de la micro-électronique).

Que faire : aller en Californie pour poursuivre, ou rester en France pour

changer ?

À cette époque, le téléphone français en est encore au « 22 à Asnières »,

derrière le Portugal salazarien.

Mais le changement arrive avec Giscard, qui veut « rattraper » les principaux

pays européens.

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France Télécom s’ouvre à de nouvelles expertises : j’entre à la direction

générale en 1973, pour être affecté à la direction industrielle et internationale en

1975.

Contributeur à la normalisation européenne de nouveaux services de

télécommunications ; la « CEPT » est le bon endroit pour échanger et progresser avec

les collègues des pays avancés d’Europe.

Responsable « composants électroniques » de la Filière Télécom.

Co-initiateur du laboratoire micro-électronique télécom de Meylan (38) qui

fusionnera une dizaine d’années plus tard avec ST Microélectronics de Crolles.

Initiateur de la joint-venture industrielle CMOS Matra-Harris, qui durera tout de

même 25 ans.

De 1975 à 1980 (7ème

Plan), nous avons construit en six ans : vingt millions de

lignes téléphoniques, soit cinq fois autant que nos prédécesseurs en quatre vingt-dix

ans !

Et nous avons lancé en France les nouvelles technologies « modernes » de

télécommunications : numérisation, satellites, fibres optiques, mais en passant à côté

d’internet (notre culture hexagonale monopolistique étant antinomique de celle de la

coopération mondiale répartie).

1981 : Mitterrand arrive au pouvoir, qui coïncide vraiment avec la fin des

Trente Glorieuses.

Les libertés d’initiatives industrielles s’éteignent.

En tant qu’activiste de l’ancienne équipe de direction (giscardienne), je suis mis

au placard (doré).

De 1981 à 1985, je coopère avec notre camarade Jean-Pierre Lassœur-Pilot-

(A+ Conseil) sur des sujets « technologiques ».

Je « modélise » l’industrie française des télécommunications, qui s’est gonflée

pour répondre aux abondantes commandes du 7ème

Plan. Elle va émettre des

chômeurs en masse, accompagnant en cela la métallurgie en grave crise.

Pour compenser, je propose à mes supérieurs que France-Telecom active la

création de start-ups (sur le modèle de la Silicon Valley entourant Stanford).

En 1986 mes supérieurs me disent : « montre-nous ».

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Opsis : Fondateur & CEO 1986

Pour en financer le démarrage, France-Télécom passe un contrat de recherche-

développement « écrans plats » à Opsis.

Comme souvent en R&D, on cherche quelque chose et on trouve autre chose.

Le résultat devient :

Premier capteur mondial d’empreintes digitales sur puce électronique. Mais ce

composant naît vingt-cinq ans trop tôt. Les premières applications de masse seront

dans les smartphones (Apple, Samsung,…).

Premier boîtier électronique mondial de haute sécurité pour transactions

interbancaires (SWIFT).

En 1990, les financements de start-ups ne sont pas encore déployés comme à

présent et il faut survivre sans eux.

Notre camarade Georges Giraud -Digor- (directeur technique de Bull-

ingénierie) doit fournir à SWIFT (réseau mondial de transferts électroniques de

fonds) un boîtier électronique de haute sécurité. La version native de ce boîtier n’est

pas acceptée par le laboratoire hollandais TNO (mandaté par SWIFT). Georges

Giraud confie à Opsis le développement d’un boîtier « TNO acceptable » qui en

fabrique mille prototypes agréés par TNO, déployés avec succès par SWIFT sur son

réseau nord-américain. Malheureusement, le DG de Bull-ingénierie ne fait pas

confiance à « la petite Opsis » pour fabriquer les séries mondiales, qu’il confiera à

une multinationale américaine.

Une nouvelle réorientation est donc nécessaire.

Premier micro-écran européen à cristal liquide sur puce pour réalité virtuelle.

En 1995 le Centre européen de recherches (EURATOM-ISPRA) lance un appel

d’offres (européen) pour un micro-écran. Opsis est la seule entreprise européenne à

répondre et emporte le contrat.

En 1998, les prototypes de micro-écran sont réalisés et validés par Ispra.

En 2000, Ispra confie un second contrat à Opsis pour une présérie, mais un

changement du directeur général (devenu anglais) interrompt ce contrat.

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Ce type de micro-écran est arrivé quinze ans trop tôt.

Après l’échec encore récent des lunettes de Google, les micro-écrans sont

maintenant utilisés dans les masques de réalité virtuelle (Sony, Facebook…).

À partir de 2000, Opsis enchaîne des petits contrats de survie…

En 2003, Opsis « mute » dans une start-up (BioRet) que je créée sur l’idée

(encouragée par Génopole dans lequel Hélène est directrice du département

« Genopole Recherche ») d’une symbiose entre microélectronique et biologie.

Pour concevoir et réaliser des appareils miniaturisés portatifs (BioMatrix) de

diagnostic ultra-rapide (trois minutes), de drogues dans la salive, salmonelles dans le

lait, tuberculose dans le sang…

Après une coopération scientifique exceptionnelle et fructueuse avec deux

laboratoires du CNRS (Biologie végétale et microélectronique), qui apporte une

preuve de concept, je serai cependant dans l’impossibilité de convaincre des

financiers d’investir. Je mets BioRet en sommeil en 2005.

À la retraite depuis 2005 :

Je poursuis néanmoins (avec notre camarade Georges Giraud et mon frère Alain

Pollard (Bo 64) - car je ne sais faire autre chose ! - des démarches « marketing »

d’élaboration de projets « chimériques » :

d’ingénierie micro-électronique appliquée à des transports propres.

d’ingénierie micro-économique appliquée à des productions d’emplois

industriels chimériques, car elles ont pour particularité des approches « systémiques »

combinant plusieurs disciplines, sans rencontrer de clients convaincus…

Maintenant, avec une épouse hyper-active, des petits-enfants qui grandissent,

des séjours en maisons familiales, au Pays basque et en Savoie, et des retours aux

sources gadzarts avec les zapattes et les voyages de promo…

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Popof 3 Jean POUZADOUX

Longtemps, comme dirait Proust, j’ai eu le nez en l’air, attiré par tout ce qui

vole. Longtemps aussi j’ai voulu escalader les montagnes. Mon rêve, à la suite de P4,

était donc de faire Sup-Aéro.

Dans cette idée, l’été 1960, à la sortie de Cluny, j’avais participé à la

construction du planeur AM56, à la Ferté-Allais, sous les directives de Georges Payre

(Cl 45-48), alors chef du labo d’aérodynamique à P4 et passionné de vol à voile. Ce

planeur, conçu à l’École et servant de sujet d’étude en soufflerie, fut terminé plus tard

et a volé, mais il s’est brisé en vol en 1966 (problème de « buffeting » ?), sans faire

heureusement de victime. Cet épisode est peu connu, y compris dans le milieu

aéronautique. Quant à Georges Payre, dont j’ai gardé la mémoire, il perdra la vie dans

une collision en vol, en 1964, alors que, comme passager, il effectuait des mesures de

calibration.

Mais, étant à P4 en 1961, un certain Daniel Rapenne (Ch 56, qui fut directeur

chez Thomson-CSF et, un temps, président de la Société) est venu présenter une offre

de contrat très alléchante de la CSF (Compagnie générale de télégraphie sans fil) à

ceux qui opteraient pour une spécialisation à Supélec. Sans beaucoup d’hésitation, ce

fut donc Supélec, sur titre avec ma médaille d’argent, en section radioélectricité et

électronique.

Après un modeste service militaire dans les transmissions, marié et une

première naissance, je rentrai donc à la CSF à Levallois-Perret. J’y ai fait finalement

toute ma carrière, même si la société a changé plusieurs fois de nom et de localisation

par suite des nationalisations et reprivatisations successives… et des regroupements

qui s’en sont suivis.

Après divers travaux techniques, j’ai très vite été chargé (1965) d’une étude

tout à fait inédite pour les transmissions destinées à la force océanique stratégique

(SNLE). La question était simple : quelle doit être la puissance rayonnée, à partir

d’un point défini du territoire, dans une certaine gamme de fréquences, pour, en

toutes circonstances (jour, nuit, été, hiver), jusqu’à une certaine distance en milliers

de nautiques (SD : secret défense), dans tous les azimuts, jusqu’à une certaine

profondeur d’immersion (SD), assurer la transmission de messages numériques avec

3 « Popof » était le surnom d’un chef-pilote de chez Dassault, ancien de la France Libre : le colonel

Constantin « Kostia » Rozanoff, mort aux commandes d’un prototype en 1954.

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un taux d’erreurs garanti (SD) en direction des sous-marins de la force océanique ;

« Vous avez un an ! ». Absolument passionnant, avec à la base une étude de

propagation très complète et inédite (du moins en Europe), et de nombreux

paramètres tels que la salinité des océans, les variations ionosphériques saisonnières,

le champ magnétique terrestre et le bruit atmosphérique. Avec le recul, je reste

admiratif quant à la confiance qu’on pouvait faire à un jeune de vingt-cinq ans ! La

station de Rosnay (Indre) a été réalisée sur la base, notamment, de cette étude. Elle

est toujours opérationnelle aujourd’hui.

Ensuite, ce fut la rénovation de la station d’émission de France-Inter à Allouis

en ondes longues (162 kHz), avec un nouvel émetteur de 600 kW et son couplage

avec succès à l’ancien de 500 kW (station qui vient d’être arrêtée, ce qui ne rajeunit

pas !). Puis la conception et la réalisation d’une autre station d’émission également en

ondes longues (70 kHz) pour la Marine nationale en Bretagne, toujours en service.

En 1969, c’est la fusion de Thomson et de CSF. La division

télécommunications, regroupée à Gennevilliers, remporte un important contrat, face à

Philips, pour la réalisation de tout le réseau de contrôle aérien et de

télécommunications aéronautiques de l’Argentine. J’en serai chargé entièrement à la

tête d’un consortium comprenant d’autres divisions de Th-CSF et des sociétés

argentines et italiennes. Tout était à faire y compris le génie civil. Les matériels

(émetteurs et récepteurs) étaient fabriqués dans notre usine de Cholet. Le système fut

mis en service en 1975, au moment où commençait la dictature militaire en

Argentine. Je crois me souvenir qu’à cette époque, notre très regretté camarade Pierre

Demartini - Djin - s’occupait, lui, du métro de Santiago. J’ai fait de nombreux

voyages en Argentine et j’ai gardé une affection particulière pour ce pays, et la

langue espagnole.

Tout en dirigeant cette affaire, j’ai conduit diverses études pour les

transmissions protégées du plateau d’Albion, elles aussi assez inédites. Je pris ensuite

la direction du service « Projets » de la division et il serait long de relater les

nombreux voyages faits dans ce cadre à l’étranger, y compris en Chine (Th-CSF y a

remporté le contrat du contrôle aérien dans le nord du pays) en 1975 et 1976 où nous

fûmes « consignés » six semaines au moment de la mort de Mao !

Je passe rapidement sur d’autres responsabilités dans le cadre d’affaires

sensibles pour le compte de la Défense nationale, avec plusieurs voyages aux États-

Unis. Sans trahir de secrets, ces échanges avec les Américains ont continué bien après

1981. On apprendra plus tard que la France continuait à leur fournir d’importantes

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informations sur l’état des forces soviétiques (affaire « Farewell ») par le truchement,

justement, de représentants Th-CSF à Moscou.

En 1981, je rejoins comme cadre supérieur le comité de direction de la division

télécommunications et suis chargé de la politique produit et du plan stratégique. Dans

les cinq années qui suivront, dans une structure que je n’avais pas créée mais qui était

à son apogée, j’ai eu la chance de conduire les études marketing et les spécifications

des produits à mettre à l’étude, avec les budgets R et D correspondants. Période

passionnante et dont je suis particulièrement fier car, grâce aussi à l’excellence de nos

ingénieurs d’étude, la division télécom devint quasiment leader mondial dans le

domaine des radios et systèmes de transmissions militaires, et ceci jusqu’à

aujourd’hui, au point d’absorber nombre de concurrents, notamment britanniques et

continentaux (dans le cadre de Thalés).

En 1985, Daniel Rapenne, nouveau directeur de division, me confie la direction

de plusieurs programmes, dont la définition préliminaire des transmissions du

système Hadès. Ce système de missiles nucléaires tactiques (mobiles) à moyenne

portée, à têtes multiples, fut réalisé mais ne fut jamais mis en service. Le président

Mitterand a finalement été sensible aux arguments allemands, à l’aube de la

réunification, qui appréciaient peu un système dont la portée ne dépassait pas…

l’Allemagne de l’Est.

En 1989, j’ai rejoint ALCATEL Telspace (ancienne division faisceaux hertziens

et liaisons spatiales de Th-CSF), à Levallois puis Nanterre, pour prendre la direction

des services d’études chargés des produits militaires (faisceaux hertziens et stations

terriennes, dont le système SYRACUSE). Pour finir, après les reprivatisations d’après

95, je rejoindrai à nouveau Th-CSF, devenu Thalès, où je traiterai quelques dossiers

sensibles pour la direction. En 2000, ce fut la retraite.

Que dire de plus ? quatre enfants, aujourd’hui dix petits-enfants. Veuf depuis

bientôt trois ans. Pas mal d’alpinisme amateur en famille ou avec des amis, très

souvent en tête de cordée, à Chamonix et dans les Écrins. Des courses magnifiques

avec mon épouse et un guide. Un chalet à Pelvoux depuis trente-cinq ans.

Et aussi, le retour aux rêves de jeunesse : brevet de pilote planeur il y a vingt

ans, d’ULM multiaxes il ya dix ans. Près de six cents heures de vol, dont deux cents

en montagne, ce qui est à la fois beaucoup et peu au regard de certains amateurs. Je

possède depuis peu un moto-planeur ULM biplace, assez original, avec lequel je fais

des vols superbes au-dessus des montagnes que je connais bien… et où mes forces

m’interdisent de grimper. De quoi aussi s’imposer quelques défis et oublier les soucis

de santé…

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En conclusion ? Une carrière que je crois honorable, avec une assez grande

variété de fonctions et dans une grande entreprise où la concurrence était rude. Mais

surtout une grande fierté d’être gadzarts, d’avoir fait cette école magnifique et de

faire partie de ceux qui se glorifient plus de ce qu’ils font que de ce qu’ils possèdent.

J’ajoute beaucoup de gratitude pour tous ces camarades dont la fréquentation

m’a tant apporté, dans des domaines très divers. Les Pierre, Serge, Guy, Jacques,

Michel, et beaucoup d’autres, se reconnaîtront… peut-être.

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Robin Robert RABILLOUD

La première fois que j’ai entendu parler des Arts et Métiers, je devais avoir une

dizaine d’années.

Mon père qui était parti de la ferme familiale à l’âge de quatorze ans, sans

aucun bagage, après avoir fait de petits boulots dans les maisons bourgeoises de la

région lyonnaise, avait été incorporé au service du Matériel pour le temps de son

service militaire. C’est là qu’il fut formé en mécanique et électricité, spécialités qui

lui permirent d’être employé, d’abord dans des Régies d’électricité, qui créées dans

les années 1920 / 1930 furent les ancêtres d’EDF.

Puis vint son embauche et son évolution au sein de la Société de constructions

électriques Merlin et Gérin à Grenoble.

Cette Société fondée en 1920 par Paul Louis Merlin et Gaston Gérin, tous deux

ingénieurs Arts et Métiers, était devenue rapidement une des premières sociétés de

matériel électrique moderne et performant.

Ces deux ingénieurs croyaient fermement dans la gestion intelligente du

personnel et c’est ainsi que mon père entré comme simple ouvrier fut propulsé dans

les années 1940 comme chef de service et membre de la Société des ingénieurs civils

de France.

En 1949 il créait sa propre entreprise, on dirait start-up maintenant.

Ces évolutions lui firent percevoir les avantages d’une formation d’ingénieur et

l’exemple de MM. Merlin et Gérin le poussa à me conseiller et de me décider à tout

faire pour suivre cette voie. Une formation au collège technique Vaucanson à

Grenoble semblait la plus évidente pour l’époque.

Le destin ne permit pas à mon père de me voir intégrer Cluny car il nous quittait

en 1953 victime d’une crise cardiaque à l’âge de cinquante ans.

Tout naturellement, après la sortie de l’École et une spécialisation en électricité

à Supélec, je reprenais la direction de la société familiale dans la banlieue de

Grenoble que notre mère avait continuée, et pendant seize ans j’essayais tant bien que

mal de développer l’activité dans les domaines des équipements électriques, de la

tôlerie industrielle et du polyester armé qui devenait indispensable pour toutes les

enveloppes destinées à un usage d’extérieur ou en atmosphères corrosives.

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L’année 1981 allait sonner pour moi et toute ma famille un virage qui nous paru

dramatique sur le coup. Au retour des vacances d’été l’usine et les bureaux furent

envahis par une horde hurlante, drapeaux de la CGT en tête. Le coup avait été bien

monté et je fus expulsé par la force de l’entreprise, je n’y remis jamais les pieds :

occupation des locaux pendant près de cinq mois, avec bien sûr, menaces et insultes

téléphoniques, ce qui me conduit à déposer le bilan début 1982.

Je me retrouvais après seize années d’activité sans un sou devant moi et au

chômage forcé.

C’est alors que je trouvais toute la force des amitiés gadzarts, car c’est grâce à

l’aide de quelques amis gadzarts que je pus trouver un emploi très rapidement : tout

naturellement, grâce notamment à l’appui de Paul Louis Merlin, j’intégrais la Société

Merlin-Gérin.

C’était l’époque du développement à l’international et je recevais assez

rapidement une offre d’expatriation, le besoin se faisant sentir de créer des filiales

dans divers pays afin de développer des parts locales pour l’appareillage et les

équipements électriques.

Soutenu par Nicole mon épouse qui ne baissa jamais les bras, je partais en août

1984 pour l’Afrique du Sud où sévissait encore l’apartheid, bien que des pourparlers

soient en cours entre le gouvernement et l’ANC.

J’allais développer pendant quatre ans la fabrication locale de cellules moyenne

tension (15 à 20 kilovolts) pour les centrales à charbon, les mines d’or et de platine,

les postes de transformation d’ESKOM, l’EDF local.

La main d’œuvre locale allait se montrer efficace, ingénieurs anglais, sud-

africains, techniciens pour la plupart portugais (venant du Mozambique d’où ils

avaient été chassés par la révolution marxiste), ouvriers zoulous et colored de la

région de Capetown.

Un bel ensemble qu’il fallait manager avec beaucoup de doigté, mais quelle

satisfaction de constater la réussite que nous pouvions en tirer.

Après ces quatre années, retour pour une très courte période à Grenoble, mais

après que Lionel, notre second fils, eut réussi l’entrée à HEC, nous voilà de nouveau

sur le départ, cette fois pour Riyad en Arabie Saoudite.

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Entre temps la société était passée dans l’univers de Schneider afin de se

développer plus rapidement à l’international sous le nom de Schneider Electric.

Même type de mission mais cette fois pour une filiale de près de trois cent cinquante

personnes avec des fabrications de mini-disjoncteurs basse tension et d’équipements

haute et basse tension.

Cette fois l’éventail des employés allait se développer de façon exponentielle

avec près de 16 nationalités différentes, à titre d’exemple :

- 3 Français

- 1 Belge

- 2 Anglais

- 3 Egyptiens

- 3 Indiens

- 3 Sri Lankais

- 3 Pakistanais

- 2 Libanais

- 2 Soudanais

- etc,…

- Le gros du bataillon constitué par des techniciens et ouvriers philippins

- Et enfin 2 Saoudiens !

Il fallait pas mal de doigté pour faire de cette tour de Babel une équipe

performante.

C’est dans ce pays que j’ai trouvé le plus de plaisir et de motivation malgré les

conditions climatiques difficiles et les contingences religieuses et sociales.

Au bout de sept ans passés à Riyad il avait été prévu que j’aille m’installer à

Tianjin en Chine mais il apparut comme urgent à la direction internationale que je

fasse une dernière mission en Malaisie pour la création d’une filiale de

production : le petit doigt sur la couture du pantalon, en bon petit soldat, nous

voilà partis pour Kuala Lumpur, passant de l’atmosphère chaude et sèche du

désert saoudien, à la chaleur avec 100% d’humidité, de la Malaisie.

J’arrivais là-bas en plein boom économique, difficultés de trouver et garder des

employés performants, impossibilité légale de faire venir du personnel de

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l’étranger, délais de livraison de plus en plus courts pour satisfaire les besoins des

chantiers poussant comme des champignons, bref un mini cauchemar !

C’était impressionnant de voir les constructions, logements, bureaux, centres

commerciaux, bâtiments administratifs, métro, sortant de terre comme des

champignons.

Un petit exemple parmi d’autres, à notre arrivée à Kuala Lumpur il nous fallait

trouver une voiture pour Nicole, le délai de livraison était de près d’un an et nous

avons dû payer un supplément, soit disant pour une immatriculation spéciale afin

de l’obtenir avec un délai d’un mois.

Puis arrivent l’année 1998 et la crise asiatique : en moins d’un trimestre toute

l’activité commerciale et industrielle s’arrête, plus d’appels d’offres, plus de

commandes, le matériel fabriqué ne peut être livré, les factures émises reviennent

impayées, bref une situation que nous ne pouvons imaginer dans nos vieux pays

européens.

J’arrive à fin 1998 avec la possibilité de prendre ma retraite et suis fort content

de me retrouver dans mes Hautes-Alpes natales.

La carrière c’est terminé, et bien non car je reçois à ce moment-là une offre

d’une entreprise saoudienne cliente de Schneider Electric pour retourner en Arabie

Saoudite pour un contrat de deux ans afin de créer une usine d’équipements et

j’accepte, car le virus de l’activité ne m’avait pas quitté…

Le travail, bien que très prenant dans les différents postes que j’avais occupés

ne m’a jamais empêché d’avoir tout au long de ces quarante années de carrière des

activités surtout sportives.

Natif de Briançon, les activités de montagne sont bien sûr, dès mon plus jeune

âge, à la base de ces activités :

- Ski alpin : nous prenons encore chaque année les forfaits annuels qui sont

gratuits pour les vieilles branches comme nous.

- Ski de randonnée.

- Alpinisme et trek (traversée du glacier du Pelvoux, dôme des Écrins, camp de

base de l’Éverest, tour des Annapurna, Mont Kinabalu sur Bornéo).

- Moto de trial dans le Vercors et les Hautes Alpes.

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- Moto de route : j’ai encore actuellement une moto Intruder Suzuki de 1500 cc

et nous parcourons Nicole et moi l’arrière-pays provençal et Niçois.

- Golf en Malaisie, une déchirure du tendon m’ayant définitivement coupé de ce

sport.

En somme une vie bien remplie qui a passée trop vite et que malheureusement

nous ne pouvons ralentir.

Le passage par Cluny nous a évidemment permis de goûter à ces joies dont nos

grands-parents et parents n’ont hélas pas pu profiter.

Merci les Arts et Métiers et Nicole.

***************

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Chabichou Pierre RAVET

Il m’arrive parfois de me demander quel fût mon choix dans le déroulement de mes

études et mon parcours professionnel ; le déterminisme ? – né dans les copeaux dans une

famille de menuisiers-charpentiers (grand-père : Compagnon-charpentier)

– les aléas de la vie ? le deuil : le décès de mon père lorsque j’avais 13 ans, me conduit

en pension à La Martinière, puis au Tabagn’s (pour me permettre de faire des études et

entrer à La Martinière j’ai passé un examen qui m’a permis de bénéficier d’une bourse ;

je n’ai jamais oublié ce que je devais à la Société).

– le hasard ? cette petite impulsion qui fait diverger votre trajectoire, probablement

un mélange de tout cela !

Chaque année pendant les vacances d’été, je faisais un stage dans différents

secteurs : la chimie, l’automobile, le BTP… c’est ce dernier qui m’a attiré par la diversité

de ses métiers et le travail en équipe où les relations humaines sont essentielles.

C’est ce choix qui m’a conduit à me spécialiser au CHEBAP dont l’enseignement

remarquable a utilement complété mes maigres connaissances du béton.

Puis c’est le service militaire dans l’armée de l’Air sur la base d’hélicoptères du

Bourget-du-Lac. Aspirant puis sous-lieutenant, je suis affecté aux cours des élèves pilotes

d’hélicoptères : douze heures de cours par semaine sur les moteurs et l’aérodynamique ;

des semi-vacances dans une région agréable avec ski, balades… de quoi rempiler ! En 1964, suite à un stage effectué dans une filiale de GTE (Grands travaux de l’Est), je débute ma carrière professionnelle à Paris au bureau d’études de cette entreprise de gros-œuvre ; je collabore à la construction de nombreux immeubles à Paris et sa banlieue, à une époque de forte croissance du secteur du bâtiment. Le manque de perspective dans cette entreprise m’a très vite conduit à changer de

route et c’est au hasard d’une rencontre inopinée d’un ami à Paris que j’ai décidé de

rejoindre SOCOTEC (contrôle technique) ; six mois aux services centraux à Paris, puis à

l’agence de Lyon dans un groupe de quinze ingénieurs. J’ai eu la chance d’être sous la

responsabilité d’un directeur dynamique, Guy Sanglerat, qui m’a très rapidement

laissé beaucoup d’initiatives et encouragé pour travailler très en amont sur des projets

avec des architectes et des bureaux d’études ; cette méthode permettait de valider les

solutions techniques avant le début des travaux. Il m’a aussi encouragé à enseigner le

béton armé et précontraint au Conservatoire des Arts et Métiers, à l’École centrale

lyonnaise et à l’INSA, et diriger des élèves pour leur thèse de fin d’études. Ce fût pour moi

une période très enrichissante techniquement et humainement qui m’a permis de nouer

des relations de confiance avec les intervenants du bâtiment ; l’enseignement avec des

élèves très motivés m’a apporté beaucoup de satisfaction et une certaine confiance en

moi.

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En 1972 je suis contacté par Pierre Eugène Pitance, PDG de la première entreprise

régionale lyonnaise de gros-œuvre (environ quatre cents personnes) ; l’envie de bâtir me

décide à accepter cette offre et je travaille aux études techniques des projets et leur

optimisation tout en me familiarisant avec les études de prix.

Je découvre l’organisation de l’entreprise, sa complexité et l’interconnexion des

différents services où les relations humaines sont essentielles au bon fonctionnement. Les

liens tissés précédemment dans le milieu du bâtiment me permettent de développer mes

relations commerciales avec les donneurs d’ordre et quelques années plus tard je gère un

département qui représente environ les deux-tiers du CA de l’entreprise : logements

sociaux et privés, collèges, lycées, bâtiments publics.

J’installe l’informatique dans les études de prix et la gestion des chantiers ; pour cela je

pilote un groupe de travail avec d’autres entreprises de notre taille pour mutualiser nos

moyens et créer des logiciels qui n’existent pas encore sur le marché.

En 1978/79 après deux ans de négociation nous remportons un marché de trois mille

logements en Algérie, et c’est le début d’une aventure dans une région où il faut tout

créer ; la débrouille est permanente et notre personnel sur le chantier excelle dans ce

domaine ; ce fût pour moi une école de patience et de ténacité pour la négociation des

marchés dans les arcanes des différents ministères algériens ; quant aux travaux, ils

nécessitèrent des trésors d’ ingéniosité de notre personnel pour pallier les déficiences dans

les approvisionnements et l’absence de réactivité des administrations ; mais au final les

résultats techniques et financiers furent au rendez-vous, cette opération m’a aussi permis

de découvrir ce pays , mieux connaitre cette civilisation par les liens amicaux noués avec

nos partenaires algériens ; depuis j’ai eu l’occasion de voyager comme touriste dans le

sud-algérien, dans ces magnifiques contrées.

Plus tard l’entreprise acquiert une licence pour injecter des résines époxydes dans

les fissures du béton ou de la pierre et réparer ainsi des structures (ouvrages d’art, bâtiments

industriels, centrale nucléaire, bâtiments historiques, etc.) ; ce marché se développe très

rapidement.

En 1981 l’entreprise GTM (Grands travaux de Marseille) acquière la majorité du

capital de l’entreprise ; le PDG et ses collaborateurs gardent une grande liberté dans le

choix des objectifs et le développement de l’entreprise ce qui est à souligner ; quelques

années plus tard cette situation n’aurait pas été possible, lorsque les financiers ont

remplacé les entrepreneurs à la direction des entreprises.

Je suis nommé représentant de l’ entreprise au comité technique de GTM-bâtiment et

je participe à plusieurs concours initiés par le ministère du Logement pour rationnaliser

la construction et améliorer l’isolation thermique et phonique ; notre usine de

préfabrication est très sollicitée pour ces études et nous remportons plusieurs concours ;

nous développons aussi des techniques nouvelles de préfabrication comme le béton

projeté armé de fibres de verre et fabriquons les voussoirs béton du tunnel du métro

lyonnais.

Je crée aussi un département réhabilitation qui se développe très vite dans le

logement, les collèges et lycées, et les grands bâtiments : (Galeries Lafayette, salles de

spectacles, cinémas, etc.)

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En 1991 je suis nommé au directoire de l’entreprise Pitance (1) et je renforce mes

contacts avec les donneurs d’ordre dans un marché en crise et en pleine mutation ; je

prends ma retraite en 1997.

J’ai gardé de solides contacts avec mes anciens collaborateurs que j’ai toujours

plaisir à retrouver ainsi que d’autres acteurs du bâtiment dont certains sont devenus des

amis et je revois souvent Pierre Eugène Pitance qui m’a toujours soutenu dans mes

initiatives et avec lequel j’ai eu beaucoup de complicité dans nos relations.

Peut-être aurais-je pu suivre une autre route (une demande de mutation à SOCOTEC

en Nouvelle-Calédonie qui n’a pas aboutie) ou d’autres sollicitations que j’ai refusées,

mais sans un regret.

J’ai toujours cette passion pour l’aviation et je continuerai à piloter et à m’évader dans

les nuages tant que mes capacités me le permettront ; je participe toujours à des

associations et je donne des cours de math à des élèves de mon village en terminale

pour ne pas laisser rouiller les neurones trop vite !

« La grandeur d’un métier est peut-être, avant tout, d’unir les Hommes ; il n’est qu’un luxe

véritable, et c’est celui des relations humaines. »

Antoine de Saint-Exupéry - Terre des Hommes

(1) Quelques références de l’entreprise Pitance à Lyon dans le domaine des bâtiments

publics (réalisations en participation) :

- Bibliothèque municipale de la Part-Dieu.

- Auditorium.

- Eurexpo.

- Hotel de la COURLY.

- Hôpital des Armées.

- Hôpitaux cardiologique, neurologique, Jules Courmont.

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Rexy Michel ROCHE

À la fin du Tabagn’s, après avoir signé un contrat de pré-situation avec EDF,

j’ai décidé de faire un complément de formation en Allemagne à l’Université

technique de Darmstadt près de Francfort. Faible en langue allemande je suis allé

travailler trois mois à Winterthur en Suisse germanique afin de pouvoir réussir

l’examen d’entrée « langue » à Darmstadt. Commentaire de l’examinatrice : « vous

ne mourrez pas de faim !» C’est dire gentiment mon niveau !

Je suis arrivé à l’Université en octobre 1961. Ayant peu de moyens pour me

loger j’ai rejoint un groupe d’étudiants hongrois qui avaient fui leur pays lors de la

révolution réprimée par l’armée soviétique en 1957. Ils logeaient dans un club

hippique avec chambres et cuisine, au-dessus des écuries.

La section automatisme de l’Université pour préparer le doctorat était

composée de 24 étudiants (12 allemands et 12 étrangers) tous ingénieurs de gros

calibre surtout en maths.

On alternait exercices écrits et application sur le terrain dans la grande usine

BASF au nord de Ludwigshafen sur les installations en démarrage, formation

pratique efficace qui m’a beaucoup servi par la suite.

À la fin de l’année 1962, devant faire mon service militaire, je suis rentré en

France. J’ai rejoint la Marine nationale à Brest, à l’école des officiers de réserve sur

le Richelieu. À la fin de la formation j’ai été affecté à Toulon sur l’escorteur rapide

Vendéen comme chef de quart et second de la lutte anti-sous-marine. J’ai appris la

conduite d’un navire, le commandement d’une équipe et la gestion des matériels

affectés aux marins.

Démobilisé au printemps 1964, j’ai rejoint EDF à Paris dans un bureau

d’études s’occupant de la construction de centrales thermiques telles que Montereau,

Nantes-Cheviré, Porcheville, etc. Très vite chargé des chaudières, de leurs matériels

environnants, et des stations de pompage, j’ai saisi l’occasion fin 1965 de devenir

ingénieur de démarrage à la centrale au charbon de Montereau. On m’a confié la

responsabilité des nombreux matériels d’origine allemande, la charge du traitement

des eaux de chaudière et le suivi du montage des extensions de la station de pompage.

J’ai saisi l’opportunité de rejoindre Marseille en 1966. EDF créait un nouveau

bureau d’études où je faisais partie de l’équipe chargée de l’avant-projet de la

centrale de Martigues. Activité complétée par des interventions sur les automatismes

de la centrale de Loire-sur-Rhône.

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En septembre 1966 j’ai eu une hémorragie interne en rentrant dans mon

appartement. Après avoir repris connaissance j’ai pu contacter mes voisins.

Un médecin m’a fait rentrer à l’hôpital Saint-Joseph. J’ai subi une lourde intervention

à la suite d’un ulcère perforé, donc ablation quasi-totale de l’estomac. Au bout d’une

dizaine de jours où tout semblait aller mieux, des complications surgirent : fièvre

importante et mal au dos. À l’époque il n’y avait pas d’échographie, de scanner, ni

d’IRM. Mon état s’aggravant les chirurgiens décidèrent d’aller voir…

J’étais atteint d’une infection nosocomiale qui entraîna l’ablation de la rate.

Mon état ne s’est pas amélioré pour autant et j’ai vécu pendant plus d’un mois à une

température proche de quarante degrés, saturé d’antibiotiques divers et variés,

prescrits par des spécialistes parisiens appelés au secours. Une nuit alors que j’avais

été placé dans une chambre pour mourants, veillé par mon père, mon gros intestin a

éclaté et l’abcès interne s’est vidé. Mon chirurgien appelé m’a dit : « On sait

maintenant ce que tu as, la remise en état va être longue. » L’intestin étant perforé, et

pour pouvoir travailler dessus, ils ont créé une dérivation, anciennement appelée

« anus artificiel ».

Au total j’ai subi sept lourdes opérations, sur une durée de dix mois, qui m’ont

fait passer de quatre-vingts kilos à cinquante-quatre ! Après une convalescence de

trois mois j’ai pu récupérer à soixante-dix kilos.

J’ai repris mon travail à Marseille fin 1967, avec un rythme adapté à mes

contraintes de sommeil et d’alimentation. Celui-ci consistait à identifier tous les

appareils mesurant les températures, les pressions, les vitesses, les débits, le bruit, etc.

Le document élaboré a eu un gros succès et m’a fait connaître dans tous les bureaux

d’études d’EDF.

Début 1970 j’ai rejoint pour un an le service d’études de la production

thermique et nucléaire basé à Paris. Nous avons élaboré l’avant projet des centrales

de grande puissance de 700 MW au fioul et au charbon, combustibles peu chers à

l’époque.

De retour à Marseille j’ai intégré et piloté le groupe d’ingénieurs chargés des

études et des marchés de la centrale d’Aramon (deux tranches de 700 MW) au fioul.

La concurrence entre mon équipe et celle des futures centrales nucléaires rendait

notre travail peu agréable. C’est pourquoi je suis parti accompagné de ma femme et

de notre jeune fils à la société de production d’électricité de la Martinique, entreprise

d’économie mixte conseillée par EDF qui envoyait de nombreux cadres. J’étais

responsable de la production thermique composée de deux usines à Fort-de-France,

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l’une classique à vapeur de 5 MW, et l’autre plus moderne équipée de pistons libres

et de diesels pour un total de 35 MW. J’étais à la tête d’environ deux cents personnes.

L’état des usines était lamentable. Le courant de l’île était coupé tous les jours

afin de pouvoir réparer les moteurs. La formation du personnel était inexistante, la

plupart des agents de maîtrise ne savaient pas lire un pied à coulisse, les pièces qui

arrivaient par bateau (deux mois de délai) n’étaient pas gérées. Je devais me dépanner

auprès des chefs mécaniciens des bateaux de commerce qui faisaient escale à Fort-de-

France et à l’atelier de la Marine nationale.

À l’aide de la formation professionnelle locale, nous avons formé nos agents de

maîtrise. Au bout de six mois, le taux de panne a baissé de plus de 50% et nous avons

pu organiser les visites périodiques des moteurs et le réglage de toutes les protections

électriques.

Nous sommes rentrés fin 1976 sur Marseille avec notre fils aîné et deux petites

filles nées aux Antilles. J’ai pris la direction d’un service nucléaire (un comble !)

pendant quatre ans.

En 1981, avec nos quatre enfants, devant la situation catastrophique de la

production d’électricité de la Guadeloupe et des îles du Nord, fort de ma première

expérience positive en Martinique, la direction d’EDF m’a demandé de piloter la

remise à niveau des installations. Cette fois-ci je suis arrivé avec une équipe de

cadres. Nous avons mis six mois pour relancer la Guadeloupe, conduit le projet de

l’agrandissement de la centrale de Saint-Martin et renforcé les moyens de production

de l’île de Saint-Barthélémy.

Au bout de trois ans EDF m’a envoyé en Corse où je suis resté quatre ans.

Basé à Ajaccio j’ai supervisé le fonctionnement des usines thermiques et

hydrauliques de l’île, les lignes de transport, le dispatching, et la mise en place de

l’atelier de traitement informatique.

Ce travail ne fût pas simple. Les relations locales étaient dures et venaient

perturber tout ce que l’on voulait mettre en place ou faire évoluer. Devant les progrès

constatés, j’ai été soutenu par les forces vives de la Corse dont il faut saluer le

courage.

En 1988, j’ai été nommé directeur adjoint du centre EDF de Lyon-Métropole.

Un nouveau challenge s’ouvrait à moi : deux mille quatre cents personnes à gérer.

Les chefs de service de haut niveau m’ont vu arriver avec surprise.

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Ce ne fut pas simple car les directions d’EDF et de GDF voulaient que je

reprenne le pouvoir face aux syndicats et que j’assainisse la situation financière du

centre. Au bout de deux ans, j’ai été nommé directeur délégué du centre et eu les

moyens de mettre en place des structures réactives, et baisser les charges

d’exploitation en ramenant les effectifs de 2400 à 1900 personnes.

Après six ans passés à Lyon la direction d’EDF m’a proposé de prendre la

direction du centre de Paris intra-muros. En même temps un problème grave de santé

survint chez notre seconde fille. Nous avons privilégié une charge professionnelle

moins lourde. J’ai été nommé directeur d’EDF–GDF-Services-Sarthe, au Mans.

J’ai dirigé ce centre jusqu’en l’an 2000. Ces six dernières années de ma carrière

furent très enrichissantes professionnellement. Notre fille fut très bien soignée et nos

enfants ont pu terminer leurs études avec succès dans ce beau département.

Je suis parti à la retraite en 2000, à l’âge de soixante-deux ans, après une

carrière variée et très intéressante.

LA VIE CONDUIT LA VIE.

Le lourd accident de santé a modifié tous mes projets et j’ai depuis cette

époque choisi ou accepté tous les postes qui m’offraient des espaces de liberté.

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Charpy Serge SCAVARDA

Texte écrit par Charpy dans le K'nard XVI publié en 2007

Embauché dès juillet 1961 par feu les établissements Kulhman j'ai été incorporé

en septembre 1961. Après six mois d'EOR marine à Brest avec Finch, Cythé, Pléon’s

et de nombreux gadzarts d'Aix. J'ai été embarqué sur le ravitailleur d'escadre La Seine

(avec lequel un soir de printemps 1962 nous avons failli au large de Gibraltar frotter

l'escorteur sur lequel était embarqué Finch).

Ayant dès le début des EOR perdu mes illusions quant à mon aptitude au

service à la mer, j'ai postulé au poste d'enseignant à l'école de maistrance de Saint-

Mandrier, où j'ai passé mes six derniers mois en compagnie d'un gadzarts de la 56 et

d'un centralien de Lyon, encadrés paternellement par un gadzarts de la 46.

Ma courte carrière d'ingénieur chez Kulhman m'a conduit successivement de

Lille à Saint-Clair-du-Rhône. En décembre 1963 est née ma première fille Catherine.

Désireux de trouver un travail plus scientifique j'ai essayé de septembre 1965 à

novembre 1966 Comsip-Automation (actuellement Cegelec) avant de décider sur les

conseils éclairés de Jacky de prendre un poste d'assistant d'automatique au

département génie mécanique de l'INSA de Lyon, non sans avoir envisagé une

carrière d’enseignant à l'ENSAM Paris. Cette orientation a obligé mon épouse Odette

à reprendre son métier d'institutrice, le standing d'un assistant étant fort éloigné de

celui d'un ingénieur.

Depuis cette date je suis resté fidèle à l'INSA. Fusse pour autant un long fleuve

tranquille ? Je ne crois pas. En premier lieu se lancer dans une thèse de doctorat

d’État après cinq années passées hors de l’université n'est toujours pas si simple. Par

ailleurs le passage du statut d'ingénieur à celui d'assistant donnait nettement

l'impression de redescendre l'échelle sociale. Mais tel avait été mon choix. Mon DEA

de chimie appliquée réussi (il serait trop long de vous expliquer le pourquoi de cette

spécialité), je dois dire que je me suis totalement investi dans le volet enseignement

de mon nouveau poste avec deux collègues. Le directeur de notre laboratoire Jean

Tourancheau (celui des ouvrages de technologie) s'étant tué accidentellement en

montagne, nous avons pris en charge la mise en place de l'enseignement de

l'automatique puis de l'ensemble de l'E.E.A avec l'agrément de Jean Bahuaud alors à

la tête du département de mécanique. Nous consacrions le peu de temps disponible à

notre recherche. Contrairement à ce qui se passe actuellement, rien n'obligeait le

directeur de thèse à s'impliquer dans nos sujets. Ainsi en ce qui me concerne, j'ai dû

définir l'orientation à donner à ma thèse d'État. Dans ce contexte et pratiquement sans

moyen financier l'obtention de la thèse d'État m'a conduit jusqu'en1980. Entre-temps

en 1969 est née ma deuxième fille Nathalie. Docteur d'État j'ai pu alors bénéficier

d'une réelle autonomie en recherche c'est-à-dire créer et animer une équipe de

recherche centrée sur la modélisation et la simulation des systèmes avec des

applications dans les domaines de l'hydraulique et de la pneumatique, sans oublier la

recherche de financement.

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Dès 1985 j'ai pu mener à bien de nombreuses collaborations avec l'industrie,

collaborations auxquelles mon expérience industrielle m'avait bien préparé.

Parallèlement à la reconnaissance progressive de la qualité des travaux de mon

équipe au niveau international j'ai commencé à gravir les échelons de la hiérarchie de

l'enseignement supérieur pour atteindre la position de professeur de 1ére classe en

1993. La reconnaissance internationale m'a valu des invitations d'universités

étrangères et m'a donné l'opportunité de beaucoup voyager à l'étranger en compagnie

d'Odette alors en retraite. En dehors des principaux pays d'Europe et des USA nous

avons séjourné deux fois en Chine et quatre fois au Japon et pu nouer des contacts

humains très enrichissants. J’ai assuré la direction du laboratoire d'automatisme

industriel de 1997 à 2003 et eu la satisfaction de l'amener à un niveau qui a permis

ultérieurement son intégration au CNRS en janvier 2007 dans le cadre d'un nouveau

laboratoire : le laboratoire Ampère. Ce laboratoire résulte de la fusion des

laboratoires appartenant à l'INSA Lyon 1 et à l’École Centrale.

En retraite depuis septembre 2003 je suis actuellement professeur émérite de

l'INSA de Lyon et malgré de gros ennuis de santé je n'ai pas complètement

abandonné la recherche. Je suis en effet très intéressé par l'évolution du dernier thème

que j'ai développé et qui porte sur la conception et la synthèse des systèmes

mécatroniques, thème très porteur tant sur le plan méthodologique qu'au plan logiciel

et qui fait l'objet d'une collaboration avec PSA depuis huit ans.

Texte ajouté en 2018

Serge fût distingué deux fois par la prestigieuse institution IMechE - Institution

of mechanical engineers.

en 2002 - Donald Julius Groen Prize 2002 (avec deux autres chercheurs) :

« Physical model-based inversion in control systems design using bond graph

representation ».

en 2006 - Joseph Bramah Medal : professor Serge Scavarda, INSA Lyon, for his

work in fluid power, particularly his contributions to pneumatics coupled with his

seminal research in Bond Graphs and his work on inverse design.

Médaille "Joseph Bramah" au Professeur Serge SCAVARDA, professeur

émérite au laboratoire Ampère, INSA de Lyon : chaque année, cette médaille

récompense une personnalité dont les travaux ont contribué de façon significative à

l’avancée des connaissances dans le domaine des sciences du génie mécanique et plus

spécifiquement de l’hydraulique. Ce prix récompense l’ensemble des travaux

effectués par Serge Scavarda dans le domaine du Fluid Power.

**************

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Pomp’s André VIDAL

Voici donc le résultat de quelques réflexions sur une

trajectoire faite de découvertes dans des domaines variés assez loin de ce que j'avais

appris, mais où la fréquentation de milieux professionnels et sociaux différents a été

très instructive.

Première étape

1er juillet 1963 : libéré des obligations militaires je prends mon

poste d'ingénieur d'études dans le bureau correspondant à la SNAV (Société Nouvelle

des Ateliers de Vénissieux). C'est une société de plus de mille personnes qui fabrique

des wagons de marchandises et de transport d'automobiles et qui se lance dans la

construction de pelles hydrauliques, service auquel je suis affecté. Les gadzarts

sont partout, du PDG à moi, et la maison mère est Renault. Mon travail est

intéressant, mon chef gadzarts sympa, mais pour être honnête c'est la montagne qui

me passionne et je rejoins Geo Narbaud, notre Zob, tous les samedis ou presque. Un

petit incident technique en compagnie de Geo, Romanens, notre Machaut, et du Tigre

(Cl 56), ne nous freine même pas. Au bureau l'ambiance de l'équipe est bonne mais la

rivalité avec les wagonneux est palpable, et puis je découvre que les échanges avec

les méthodes et la fabrication ne sont pas toujours au beau fixe. Pour finir les ventes

sont difficiles et mon chef direct doit partir. Il trouve une place chez Richier Weitz

qui fabrique des grues à tour et qui lance un service de matériel de concassage pour

les travaux publics dont il prend la tête. Il m'appelle et m'embauche dans la foulée en

1966. Bis repetita pour lui, mais là on me rebascule du côté des grues à tour où on me

confie le service électrique....

Je ne suis toujours pas passionné et les ascensions se poursuivent avec Geo. Il

y a toutefois un petit souci, je suis marié et il y a déjà un petit garçon qui est né cette

même année.

.

Deuxième étape

Et puis, en 1970, me rendant compte que dans ces milieux

techniques d'ingénieurs j'ai peu de possibilités pour me faire une place, je consulte

donc les annonces. Marie-Claude, mon épouse, voit passer un poste d'ingénieur

entretien dans un obscur labo pharmaceutique à Oullins, Novalis (Codotussyl, Chloranautine, Tyrothricyl, etc.)

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Elle a travaillé plusieurs années au laboratoire de développement chez

Jacquemaire, sauveur de ces dames. Je réponds donc à l'annonce et je suis embauché

tout d'abord en rencontrant le DG qui m'annonce qu'il est pharmacien et que je lui

rendrai compte, mais aussi le PDG d'allure jeune et sportive, vétérinaire de

formation, qui me demande tout de go si je parle anglais !!!! J'apprends que le labo

vient d'être racheté par un groupe américain, American-Cyanamid, ayant une

branche pharmaceutique, Lederlé Laboratories, qui veut développer ,conditionner et

vendre ses produits en France. Le poste recouvre l'entretien bien sûr mais aussi

l'industrialisation, car les pharmaciens n'y connaissent rien… je serai donc en ligne

directe avec lui.

Je fonce, et je ne le regrette pas. Dans le boulot je m'éclate en dépannant tout le

monde y compris en achetant des lapins de ferme chez les parents de Denise Forestier

(Tornad’s) pour des tests apyrogènes. Finalement j'ai de bons contacts avec les

pharmaciens… sauf avec une… qui me déclare : « vous n'êtes qu'un ingénieur » au

cours d'un accrochage !

Ma première opération de mécanisation construite de mes mains avec du

matériel pneumatique acheté à Bems de la Cl58 est spectaculaire et abouze

les pharmaciens sans trop inquiéter les ouvrières qui me voient les espionner chrono à

la main. Mais les ventes des nouveaux produits (remboursés par la Sécu) Myambutol

(contre la tuberculose) Ledermycine (antibiotique large spectre) marchent bien et les

anciens produits de Novalis connaissent un renouveau avec ce PDG qui ne peut pas

cadrer les pharmaciens. Il faut reconnaitre aussi que mes relations avec le personnel

féminin à tous les niveaux sont excellentes, et comme il y a beaucoup plus de

femmes dans ce labo, je n'ai pas de soucis et surtout pas de syndicat.

Mais bon, le DG fait la gueule, et en 1972 le PDG ajoute à mes fonctions les

achats, la logistique et l'ordonnancement. J'achète des machines à tour de bras, la

productivité augmente, tout baigne. Je participe aux réunions internationales du

groupe des ingénieurs d’entretien et des acheteurs. Puis en 1974 je suis nommé

directeur d'usine avec toutefois le garde-fou du pharmacien responsable pour valider

la qualité des produits .On est toujours dans des locaux minables et on dépense des

sommes folles pour les mettre aux normes du groupe, et bien sûr on pense à

construire une usine neuve dans l'Ouest lyonnais. Mais finalement le Groupe opte

pour la reconstruction de l'usine allemande en priorité.

Côté montagne, coup de frein sérieux car il y a 3 enfants et mes absences d'une

semaine ne sont plus tolérées par la famille…

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Troisième étape

Quand un chasseur de tête me contacte en 82 pour la direction industrielle des

graines d'Élite Clause, et Lederlé n'ayant pas de projet intéressant, j'accepte le

challenge et part pour Brétigny-sur-Orge en laissant la famille dans notre résidence

secondaire à Chiddes près de Cluny. Je retrouve une usine immense, poussiéreuse,

des machines de tamisage anciennes, des escaliers en bois où les ouvriers montent les

sacs à dos d'homme... et un PDG jeune et hyper doué, bourreau de travail, mais isolé

dans sa tour d'ivoire, incapable de serrer la main d'un ouvrier, et un syndicat CGT

vindicatif et procédurier. Et puis si j'ai les graines potagères et florales à Brétigny, j'ai

la saison des pommes de terre à Dol-de-Bretagne, les rosiers et végétaux à Guilly en

hiver, les oignons de tulipes et autres à Vineuil en automne, et enfin compost et

terreaux à St Escobille (voir les gadoues de Paris). En fait il s'agit d'ateliers

qui fonctionnent avec trois ou quatre permanents et des saisonniers. Le problème

principal est à Brétigny où la mécanisation est faible : manutention, ensachage, tout

est à faire. Il y a tout de même un hic : le nombre de variétés de graines (plus de cinq

mille) et la diversité des paramètres qualitatifs (taille des graines, couleurs,

germination, présentations, destinations, etc.)

Heureusement si je ne connais rien aux graines, les employés aussi bien cadres

qu'ouvriers viennent de la terre et ont un attachement particulier à leurs produits.

Savez-vous qu'il ne faut pas brutaliser une graine, ne jamais la conserver sur un

lamifié, ne jamais la chauffer. Dans tout ça, l'entreprise est cotée en bourse et il faut

que çà crache !... Je m'attaque tout d'abord au conditionnement en achetant des

peseuses automatiques en remplacement de balances de précision, mais on ne peut

guère faire mieux quand vous avez des séries inférieures à mille sachets ; ensuite un

immense magasin robotisé raccordé aux étages des machines de nettoyage simplifie

les manutentions pour les produits palettisables. Pour les graines de bégonias on

en reste au manuel (avec dix grammes vous couvrez un champ d'un hectare). À côté

de çà je regarde de plus près le service entretien qui en est resté à l'époque du Père

Clause, on fait tout nous-mêmes, donc j'externalise et les coûts sont nettement

inférieurs et surtout connus. Pour les établissements extérieurs je vais voir ce qui s'y

passe et cela suffit à améliorer le système.

Après cinq ans de vie partagée entre Brétigny pour le travail et Chiddes pour les

week-end, et sachant que l'entreprise va être reprise par une coopérative agricole avec

certainement une restructuration de l'équipe dirigeante, je décide d'aller voir ailleurs !

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Quatrième étape

Étant resté en contact avec le PDG des laboratoires Lederlé, à sa demande

d'ailleurs, je l'appelle en 87 pour savoir si de son côté il y a des possibilités.

American-Cyanamid, maison mère de Lederlé, vend des produits phytosanitaires

dans les pays européens et envisage de construire une usine de production. Bien sûr le

PDG français a proposé la France qui est le plus gros consommateur des herbicides et

autres régulateurs de croissance Cyanamid en Europe. Des accords des

Américains, après une évaluation au siège dans le New-Jersey (dont l'un confie

au PDG français que je vaux mieux que ma taille...), je suis embauché pour suivre la

construction de l'usine. Mais, premier couac, le ministre Madelin crée les zones

d'entreprise avec zéro imposition pendant dix ans... et l'usine se construira à

Gravelines ce qui n'enchante pas du tout la famille. Deuxième couac, les Américains

qui ont en charge la conception de la partie technique de fabrication de l'herbicide ont

pris beaucoup de retard. Mais bon, tout arrive après de multiples réunions avec les

autorités locales, les écolos , le Groupe , des voyages avec les notables pour bien leur

prouver que nous sommes sérieux et sans danger pour la faune et la flore, nous

construisons. J'embauche les cadres puis, petit à petit, le personnel. Un détail, on

s'entend avec les édiles locaux pour embaucher un délégué syndical CFDT.

L'usine démarre, et après une période de rodage de trois mois et un audit

complet, nous démarrons la phase industrielle en continu 7 jours sur 7, 365 jours par

an.Tout le monde est content, çà roule... Mon souci principal est la sécurité ; mon

responsable est un ancien gendarme motocycliste et avec lui je suis sûr que les

procédures sont respectées.

Mais le pays est quand même trop plat, et pour trouver une forêt il faut faire

cent kilomètres, on ne peut pas aller tous les week-end à Bruges ou en Hollande, et

les copains, bien qu'ils aient fait l'effort méritoire de venir nous voir, sont loin. Après

cinq ans de platitudes je rappelle mon PDG pour faire autre chose et quelque temps

après...

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Cinquième étape

American-Cyanamid a une filiale qui s'appelle Davis and Geck qui œuvre dans

les produits chirurgicaux et vient de racheter une usine à Grenoble qui fabrique des

aiguilles pour les sutures ; les sutures elles-mêmes étant montées dans une usine à

Bernay en Normandie. À nouveau je repasse les tests d'embauche aux States et je

rejoins l'usine en 1992. C'est encore une vieille usine avec du personnel compétent

qui a la particularité de tourner pour le Groupe mais aussi pour des clients extérieurs

très exotiques, et nous avons un atelier de production à Sarlat. Mon rôle dans cette

affaire est de remplacer le PDG qui a cédé son entreprise, et bien sûr d'assurer la

rentabilité de la société.

J'ai des collaborateurs à la hauteur, une DRH à poigne , mais des ouvriers CGT

hargneux et surtout pas fiables contrairement à ceux du Nord. Je m'aperçois

également que faire du business avec des Malais, Tunisiens, Marocains, Allemands,

Espagnols, Italiens, Indiens, Israéliens, Iraniens (avec autorisation US bien sûr ) n'est

pas trop mon truc. Par chance le moment des trente cinq heures a sonné et j'arrive à

convaincre le Groupe que nous pouvons assurer la production totale des

aiguilles dont ils ont besoin, y compris aux USA, si nous tournons en continu 7 jours

sur 7.

L'accord avec les syndicats est signé avec cinq équipes dont deux pour les

vendredi, samedi et dimanche.

Et puis la roue tourne, American-Cyanamid vend toute son activité médicale à

American Home Products, qui revend Davis and Geck au trust Tyco dans la branche

Kendall... On me demande gentiment, ayant tous mes droits pour prendre ma retraite,

d'aller cultiver mon jardin.

Sixième étape : voyages, voyages…

Depuis le 1er février 1999 je cultive le jardin de Marie-Claude, je désherbe, je

bêche, elle plante. Mais un autre plaisir est de participer aux jeux des petits-enfants,

constructions de cabanes dans les arbres, d'une tyrolienne, et plus récemment retour

au modélisme. Et encore plus récemment je me suis mis à l'initiation au FabLab de

l'ENSAM de Cluny, à l'utilisation d'une imprimante 3D.

L'avenir nous appartient….

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