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Joseph Karam aux gouvernements et nations de l'Europe Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

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Joseph Karam auxgouvernements etnations de l'Europe

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

Karam, Joseph-Pierre. Joseph Karam aux gouvernements et nations de l'Europe.

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,">JOSEPH KARAM

>••- v '<£\ 4 aux F r~?} ri ~-i \{ "î' J'vI

<yiPlïMlïHïS'IMITIONS

DE L' EUROPE

.JOSEPH KARAM ~i'

,? V fîPraEïfflS Iî NATIONS lï r,J

*\C -W-T DE = L'EUROPE"

'-ij i- .J"fc-J' i' • – »

- j*^>*r&* *J T-- rà ^'c:

° oi je mets sous les yeux des gsuyernemeats et nations de l'Eu-

rop^ la situation du Liban, et si je raconte les faits dont j'ai été té-

moin ou auxquels j'ai pris part depuis 1860, on ne m'accusera point,

je l'espère, trop grande hardiesse. J'obéis au sentiment de la jus-,

tice, et je fais appel à ce qu'il y a de plus élevé dans l'ordre politi-

que, la dignité comme aussi à ce qu'il y a de plus sacré dans Tordre

social, le Droit des gens. £ ~V "< J~'2 <*

l Mon mémoire se termine par quelques coïisidérations sur l'ave-

nir de l'O'J. ')'nir de l'Orient f > '-

î -•- -H 'vl-, 'h ">' v. • 7-"

i -« =- _• ï^ -.w ;“ ï, -

^-V^t.*j;;t--SITUATION DU

LIBAN.S

3 La Méditerranée sépare le Liban de l'Europe et nous sert de fron-

tière à l'Ouest. Sur les côtes de la mer qui uous appartiennent se trou-

vent pourtant enclavées trois villes qui ne dépendent plus aujourd'huidu Liban; ce sont Tripoli vers le nord, Beyrouth au centre, Salda au

sud. A Tripoli et à Salda les habitants sont en majorité musulmans;

à Beyrouth ils sont en majorité chrétiens..

î Notre frontière, du côté du Midi, est formée par les districts dépen-

dant de Saïda, peuplés en grande partie de musulmans et de métua-

lis, secte musulmane.` A

-:«! -V -î

A l'Est s'étendent les districts de Balbek et ceux de Damas dont

les habitants sont presque tous métualis. ? K.' " r4'< Au Nord, enfin, les deux districts de Danyhé et d'Akhar, en gran-

de partie chrétiens, dépendent du gouvernement de' Tripoli. "r ,2-

'*> -c Le Liban forme une chaîne ë« hautes montagnes, courant du Nord

au Sud, et assez semblables aux Alpes. Des rochers escarpés et ineul-

tes, des ravins profonds, à peine praticables, où l'on trouve des ca-

vernes qui ont toujours servi d'asile aux Chrétiens de la Syrie dans

les temps de persécution coupent le pays dont le climat ou les cli-

mats sont décrits par les poëtes ar abes. « Le Liban, disent-ils, portel'hiver sur sa fc'te, le printemps sur ses épaules, l'automne dans son

sein, et l'été dort à sas pieds le long de la Méditerranée. » f' r <

TfPour parcourir le Liban dans sa longueur il faut 35 heures de <

marche, il en faut 8 ou 9 dans sa largeur. v r

7" Notre principal produit est la soie, mais les mûriers ont subi,

ces années-ci, une grave maladie.i

l y «1 ")

a/ Dans nos districts du Nord les habitants sont chrétiens, mêlés de

quelques musulmans et métualis. Dans ceux du Sud ils sont chrétiens

et druses.jf ~<7"y~' 1 o--r*

r -,«

r\ On *l(>r.OTiirmxf>ainsi l«s tri lins tin Liban- 's V.

Maronites 350,000"

£ ff Druses ï\ 40,000 \J:"?,' f Drases 'ii<' Grecs non-unis 25,000

Grecs-unis "?/ 15,000Grecs-unis .15,000

• u Métualis r 10,000 «;. tMusulmans q'

r e1,500°J>< Musulmans ?. 1,500

-1' H .«,.> ^HH *> •- t? 441,500^

c. C'est donc une population de près d'un demi-million d'âmes sur

laquelle les Maronites comptent pour plus des trois quarts. On ne trou-

ve, d'ailleurs, que très rarement des Maronites hors du Liban. ^j

fh ~'I'

L""If.' F

?' -¡'>d,L

~t.7.

ijs.i*

– –«

J'

#;

Depuis de longs siècles le Liban formait une principauté autono-

me, et, dès son origine, le gouvernement de l'Islam fit avec les Chré-

tiens un traité, en vertu duquel le Liban devait payer une redevance

ou impôt fixe et jouir d'nne pleine liberté dans le choix de ses prin-s ,r

ces, dans son administration et dans son culte. Les deux parties furent

fidèles à ce traité. Après l'établissement des Sultans à Constantinople,

les Libanais continuèrent à élire leurs princes musulmans, ou chré-

tiens, que les Sultans confirmaient. f

V* L'histoire ne rapporte pas que les Chrétiens du Liban aientjamais io

attaqué les villes et les districts voisins; mais elle les montre souvent o

attaqués eux-mêmes, quelque fois vaincus et ruinés, sans perdre pour-

tant leur autonomie.' > Vc

An temps de l'émir Béchir-Cliéhab, -1:Ii dansAu temps de l'émir Béchir-Chéhab, maronite, qui construisit dans

son palais de Beit-ed-Din une église dédiée à S. Maron^ les Libanais

rendirent un service considérable au Sultan Abdul-Mejid. Le gouver- y

nement de la sublime Porte saisit cette occasion pour diviser la prin- -“

cipauté autonome (lu Liban en deux kaimacamats, l'un maronite,™

l'autre druse, et nous fit espérer de grands progrès. Cela se passait

en 1842. ji, >-jl J/ tr £ “'t 'j'-

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1~iX 'Ill (Õ,1 I~f"i"-r

~'=:1'~ rI ILMais la rupture de l'autonomie ne pouvait être un progrès: la “

tranquillité disparut, des dissensions religieuses prirent naissance, et,

se développant peu à peu, aboutirent aux terribles massacres de 1860/.

Autant par dignité d'elles-mêmes que par sentiment d'humanité, x

les cinq grandes Puissances intervinrent entre La sublime Porte et leI-

Liban, et les Libanais s'empressèrent d'assurer les Commissaires de

ces Puissances qu'ils remettaient aveuglément en leurs mains le soin

de l'avenir du pays, de ses droits, de ses privilèges, de sonauto-

nomie.\ » 'V*1,r ' "J"

"=1,,t-

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IV l:I.ll~ 11, ° ~\1 .fI ¡J~

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0

1 Malheureusement la Constitution plaça le pays dans une situation

plus difficile. En effet, à la première division en deux kaimacamats

maronite et druse, dont je viens de dire les inconvénients, la Consti-

tution substitua une seconde division qui sépara chaque tribu Tune

de l'autre et les assujétit toutes à un employé de la Sublime Porte, àt

un pacha] chrétien qui prit le nom de moutsareff, et dont je par-'

lerai tout-à-rheure. Bien plus, les Chrétiens du Liban et ceux des

villes voisines du Liban, qui ont besoin d'une amitié mutuelle pour

se soutenir contre les dangers qui les menacent ordinairement, trou-

vèrent dans la Constitution une source de rivalités inconnues jusques

là, parce qu'elle plaça en toute rencontre les Libanais sous la juri-,,1,.

diction des tribunaux de commerce des villes non libanaises. Il s'en-

suivit aussi que le gouvernement du Liban.tomba de fait dansune

dépendance humiliante et dut obéir aux injonctions des divers gouver-

nements des villes. 1' j N < f • \-r

Cependant, en dépit de ces graves conditions, les Libanais gar-dèrent l'espoir de jouir du repos. Ils estimèrent que la Constitution

leur étant donnée par le Sultan et approuvée par les cinq grandes

Puissances protectrices, il leur restait du moins, en cas de nécessité,

un recours efficace. ~v J 5

En voyant le Liban placé sous la main d'un pacha chrétien, d'un

moutsareff, les Puissances furent convaincues aussi qu'elles assuraient

notre sort elles ignoraient la signification du titre de ce pacha..

Moutsareff, dans les langues arabe et turque, équivaut à absolu,

et devient un contre-sens quand on l'applique au gouverneur d'un

pays auquel on prétend donner une constitution et des franchises; car

si ce gouverneur est moutsareff (absolu) il abolit la constitution, et,

par contre, s'il respecte la constitution il n'est plus moutsareff et doit

prendre un titre en harmonie avec son caractère et ses fonctions."if

Or, pour diminuer l'importance de ce titre, très considérable au

regard de ceux qui adorent la force brutale ainsi que pour étendre

le pouvoir absolu en Syrie, on ne tarda pas à investir de ce même

titre les gouverneurs (le Tripoli, "de Beyrouth et des autres villes.

Il advint même qu'un négociant de Beyrouth, M. Kahoum Kikano, nom-

mé chancelier du gouverneur du Liban, fut appelé moutsareff, en sorte

qu'en peu de temps toutes les tribus du Liban eurent chacune leur

moutsareff, et de là ces tribus entrèrent en rivalité, tant à cause du

morcellement de l'autonomie qu'à cause des différences de religion.s,

Aujourd'hui les Libanais sont tombés dans une servitude que les

nègres ne connaissent plus. Leur soi-disant pacha chrétien, appuyé sur

le nom (lu Sultan et des cinq grandes Puissances, a retranché de la

Constitution ce qui lui a semblé contraire à ses desseins et nous a

surchargés d'impôts. n»>: "T"

Toutes les sollicitations des Libanais à ce pacha et aux consuls

généraux ont été repoussées sous le prétexte présenté par lui qu'elles

étaient faites à l'instigation ou en faveur d'un particulier. > u

Il s'en est suivi que toute demande de justification étant interdite à

un particulier aussi bien qu'à un peuple qui témoigne de la sympathie

à un particulier, le pacha s'est rendu libre de sacrifier les Libanais

un à un comme particuliers, ot en général pour avoir aimé un parti-

culier comme on en a vu tant d'exemples. ,>% ;}." «"c-j\'J"

"0.1'-

Je sais qu'au premier abord cette conséquence paraîtra, exorbi-

tante. Mais les faits sont là, et ceux que je vais rapporter fourniront

des preuves irrécusables.•-

ni.

LES FAITS.

Certes, quand, à la suite de la guerre de Crimée, les Puissances,

voulant honorer les Chrétiens d'Orient, firent pour eux à la Sublime

Porte la demande d'une situation qui, vis-à-vis du Droit des gens, les

rendit égaux aux Musulmans, et que le Sultan daigna, pour répondre

à cette demande légitime, publier son célèbre Hatti-Hurcnyjum, le monde

chrétien salua avec des transports de reconnaissance l'initiative de

l'Europe et la concession de SaHautesse.

ilais, par malheur, presque tous les employés de la Porte faus-

sèrent bientôt le sens du Ïïatti-Hunmyoum, et adoptèrent les mesu-

res qui devaient aboutir aux massacres de 1860. Je vais le prouver

d'une manière irrécusable par les faits.

Pour que ces employés pussent exterminer les Chrétiens, se faire

jeu de la dignité des Puissances en couvrant d'un voile leurs regards,

il fallait d'abord séduire les mauvais chrétiens et s'assurer leur com-

plicité pour l'exécution du projet. Le Liban, étant ab antiquo l'asile

des Chrétiens de Syrie dans les persécutions, on travailla, dès le début

et par tous les moyens, à sa ruine. A la suite des nominations d'Ah-

med pacha séraskier (1) à Damas, et de Kourchoud pacha mouchir (2) à

Beyrouth, des commissaires secrets parcoururent la Syrie avec charge

de faire signer des traités d'alliance contre les Chrétiens, entre les na-

tions et les tribus non chrétiennes.

L'émir Selinan-el-Harfouch, prince métuali, qui gouvernait les plai-

nes (le Balbek à l'est du Liban, n'ayant pas voulu, par sentiment

d'honneur, signer le contrat qu'on lui présentait, avertit les chrétiens

de Zahlé. Pour le punir, le gouverneur de Damas s'empressa de res-

susciter contre lui un procès. Mais Seltnan-el-Harfouch, ayant demandé

une enquête régulière, fut à l'improviste attaqué par un corps d'ar-'~t l

-f(1) Maréchal. V"

7

(2) Gouverneur civil.

h .9 i li a~Vt I, l, A\

niée, qui, ne Payant pas rencontré dans sa résidence, mit à sac sa

maison, emmena prisonnière à Damas sa famille, puis l'exila à Candie

où elle se trouve actuellement. si elle vit encore. Quant à l'émir,

ruiné, désespéré de voir sa noble conduite ainsi récompensée, il erra

quelque temps dans les montagnes, puis, rencontrant sur la route de

Damas un agent du gouvernement, il l'attaqua et le dépouilla. Cette

faute lui attira des poursuites plus actives, et, après mille péripéties,

il fut pris non loin de la ville (le Homs et jeté dans une prison de

Damas où il succomba, on n'a su de quelle façon.

Quoi qu'il en soit, j'ose recommander aux hommes compatissants

la famille innocente de l'émir Selinan-el-Harfouch. si elle vit encore

je le répète.

Kourchoud pacha ne se contenta pas de coaliser contre le Liban

les tribus qui l'entourent; il réunit à Beyrouth une assemblée de mau-

vais chrétiens, de druses et de musulmans, et confia à cette assemblée

le soin de provoquer des dissentions dans le Nord et le Sud du Liban

entre l'aristocratie et le peuple, entre nations et nations, entre dis-

tricts et districts. Ce n'était point une médiocre affaire. en vérité, de

soulever des hommes aimant la droiture et le repos et de traverser

l'œuvre de ceux qui, sachant lu noirceur de ce plan multipliaient

leurs efforts pour maintenir la bonne harmonie et la paix. “

Pour moi, j'avais donné ma démission do gouverneur du district

d'Ehden (1) et embrassé la vie privée. Mais mes compatriotes firent

appel à mon dévouement et insistèrent si vivement que je me déter-

minai à reprendre provisoirement ma charge.

Le district d'Ehden est i, l'extrémité nord-est du Liban et se trouve

enclavé dans une sorte de fer ii cheval formé par les plaines de Bal-

bek, les districts turcs de Danyhé, Akhar, Schara et le district de

Tripoli. Ehdcn est assis au sommet d'une montagne et sert de rési-

dence d'été, tandis que, pendant l'hiver, les habitanst descendent à

Zgorta qui n'est qu'à une heure de Tripoli.

`

<i

Je me trouvais alors à Zgorta. s

J'appris que Saleh effendi, kaimacam de Tripoli, à la suite d'une

entrevue à Beyrouth avec Kouïchoud pacha, avait réuni autour de lui

quelques musulmans notables <le la ville et leur avait communiqué

l'ordre, à lui donné par le pacha en personne, de provoquer, sous un

.1' '.I- \-r',(.'

(1) Uurklurdl et d'autres historiens géographes pensent qu' Ebdeii est le

Beth-Edcn des anciens, e' est-ti-dire U maison du Paradis un lieu de délices la

maison du jardin, selon la vraie traduction hébraïque (Note du Traducteur.)

prétexte quelconque, une lutte entre les musulmans et les chrétiens

du nord du Liban, lui promettant, d'ailleurs, qu'un corps de troupes

régulières viendrait à leur aide, qu'ils immoleraient les Chrétiens, ceux-

même de Tripoli et s'empareraient de leurs biens. Je dois me hâter

de le dire, les Musulmans sont en général prudents et doués de no-

bles sentiments d'humanité. Plusieurs de ceux interpellés par Saleh

effendi rejettèrent arec horreur ces propositions. Cependant Saleh ef-

fendi ne pouvait s'arrêter. Bientôt des actes injustes et arbitraires

commencèrent a frapper les chrétiens du Liban qui passaient par

Tripoli; on les accusait faussement d'avoir blasphémé, et c'est ainsi

que plusieurs jeunes hommes furent, sans autre forme de procès, en-

voyés au bagne.

Tout en calmant les esprits de mes compatriotes, je me préoc-

cupais douloureusement de la gravité de ces faits et en informais

l'émir Béchir- Ahmed alors kaimacam des Chrétiens du Liban; mais

comme le christianisme de ce personnage était de fraîche date et qu'il

avait, ainsi que plusieurs membres de sa famille, des liens étroits avec

Kourchoud pacha, mes remarques n'obtinrent aucune attentioi. Force

me fut d'interdire aux miens le chemin de Tripoli.

Cette mesure enlevait à Saleh effendi l'occasion d'entamer la lutte.

Il appela donc auprès de lui les employés de Akhar.de Danyhé et (le

Schara, qui sont musulmans, sous prétexte de régler les impôts, et

ils vinrent accompagnés d'hommes armés. Depuis quatre jours déjà

ils se trouvaient à Tripoli, quand, vers le soir, je reçus la visite d'un

honnête musulman de mes amis, Hassen effendi Krameh, lequel ne

précéda que d'une heure l'arrivée de deux habitants de Cheka, village

chrétien dépendant du Liban et situé dans le district de Koura, au

sud de Tripoli, à trois heures de distance de ma résidence de Zgorta.

Ces deux hommes me demandèrent secours; ils racontaient que leur

village avait été attaqué à l'improviste par les musulmans de Koura;

un homme était mort, leurs troupeaux avaient été enlevés; enfin, un

chef à la' tête de plusieurs combattants, envoyé par Saleh effendi,

devait s'unir aux musulmans de Koura, et recommencer l'attaque le

lendemain.

Je fis aussitôt partir dix hommes pour Cheka, leur enjoignant

de s'unir aux habitants, d'éviter toute provocation, mais de vendre

chèrement leur vie si les envoyés de Saleh effendi exécutaient leur des-

sein/En même temps je mis 800 hommes sous les armes et conseil-

lai à" tout le nord du Liban de se préparer à la défense dans la li-

mite du droit légitime. Comme mon ami Hassen effendi Krameh était

témoin de ces choses je le priai d'inviter les Tripolitains à observer

le Droit des gens et à ne troubler pas une tranquillité que nous vou-

lions absolument garder. H eut la bonté de me promettre qu'il rem-

plirait avec plaisir cette mission, et se chargea de remettre à Saleh

effendi une lettre où je disais, après avoir énuméré les faits, que jene prêtais aucune foi à l'ordre qu'il disait tenir de Kourchoud pacha

de provoquer une lutte. Je l'invitais à retirer, la nuit même, les ren-

forts envoyés contre le village de Cheka, le rendant responsable, en

cas de refus, de tout ce qui adviendrait le lendemain.

Saleh effendi rappela ses hommes, la nuit même, et épargna ainsi

une lutte.

Je ne m'arrêtai pas là. J'écrivis à Kourchoud pacha, et, lui en-

voyant copie de ma lettre au kaimacam Saleh effendi, j'exposai nette-

ment la situation et demandai une enquête officielle afin de prouver

non seulement par les faits, mais encore par les témoignages des mu-

sulmans, que le kaimacam se vantait d'avoir l'ordre de rassembler les

musulmans et de provoquer une lutte dans le nord du Liban, et, pen-

dant ce temps (le massacrer les chrétiens de Tripoli et des districts

tripolitains. Et, pour que Kourchoud pacha ne regardât pas ma lettre

comme non avenue, je priai l'illustre consul de France à Beyrouth,

M. de Lesseps, d'en prendre connaissance et de la' faire tenir au

pacha. M. de Lesseps s'entendit aussitôt avec l'évêque maronite de

Beyrouth, Mgr Tobie, qui consigna ma lettre et insista pour une réponse.

Au bout de cinq jours, Kourchoud pacha m'écrivit en effet. Mais

sa missive ne contenait pas un mot relatif à l'enquête demandée; elle

se bornait à des expressions de bienveillance et de considération.

Seulement le pacha avait sans nul doute mesuré les conséquen-

ces de l'acte qu'on avait été sur le point d'accomplir, car la tranquillité

la plus parfaite se fit à Tripoli. h

Cependant les amis de Kourchoud pacha, réunis en un comité, ne

tardèrent pas à nouer une autre intrigue plus dangereuse encore, en

mettant la discorde entre l'émir Béchir-Ahmed,kaimakam (les Chrétiens

du Liban, et son parent l'émir Béchir-Assaf, qui, sans être fonctionnaire,

jouissait de la sympathie des Libanais. Or, tandis que Kourchoud pa-

cha protégeait l'émir Bechir-Alimed, un envoyé de Constantinople vint

pour soutenir la cause de l'émir Béchir-Assaf. C'était habilement conçu

pour amener la division dans le pays. 4 fï -•

M. de Lesseps avait pris parti pour l'émir-Bêchir Ahmed, et

comme je l'allai voir à' Tripoli,, il m'engagea, pour le bien de la

paix, à passer quelques jours <i Beyrouth. L'irritation entre les partis

2

des deux émirs était à son comble. Je me rendis volontiers à ce

conseil."

Dès mon arrivée à Beyrouth, j'appris par Kadan-bey-El-Kaïen et

par le cheik Merhi-El-Dahdah que Kourchoud pacha demandait que les

principaux chefs du parti de Vernir B^chir- Ahmed signassent un con-

trat dans lequel ils déclareraient que le parti de l'émir Béchh'-Assaf

avait offensé les droits de l'autorité, et qu'aussitôt il donnerait Tordre

au premier parti d'attaquer l'autre et de le soumettre par la force. On

m'attendait impatiemment, dirent-ils, pour signer.

Le piège était grossier. Il aurait fallu être aveugle pour ne point

le voir.

Je répondis donc qu'il était naturel avant tout d'inviter l'émir

Béchir-Assaf et son parti à se soumettre à la loi et aux règles du Liban,

qu'on pouvait les traduire devant un tribunal, et que si, au lieu de

se soumettre aux sentences de la justice, ils se révoltaient, nous les

attaquerions pour faire respecter l'autorité de Béchir-Ahmed kaima-

kam. J'ajoutai que, d'ailleurs, il me semblait inutile d'ennuyer le pa-

cha des affaires intérieures du Liban, auxquelles il n'avait ni la cou-

tume ni l'obligation de s'intéresser. t

Mes interlocuteurs répliquèrent que B?chir-Ahmed était d'nn avis

opposé au mien qu'il rejetterait toute responsabilité sur moi et

qu'enfin il manifesterait mon nùn à M. de Lasseps. Sur quoi je ré-

pliquai qu'en vérité je m'étais eoaformi ait désir de M. de Lisseps

dans l'intérêt commun et que Béckir-Ahmed était, comme mji-mOme,

parfaitement libre d'exposer ses idées au consul général de France.

Dès que M. de Lesseps eut pris connaissance des id<!es du kai-

maeam, il l'engagea à me laisser ma pleine liberté d'action dans cette

affaire, et, en suite de cela, Kourchoud pacha, comprenant que nous ne

pouvions signer le contrat proposé, accepta, de convoquer une réunion

des chefs du parti du kaimakam, de princes, de beys et de cheiks,

qui se tiendrait en sa présence et en la présence du commissaire de

Constantinople, procureur du parti de l'émir Bécltir-Assaf.

Dans cette réunion, le pacha avoua tout d'abord que nous étions

libres dans tout ce qui avait trait à notre antonomie et à nos affai-

res intérieures, et je lui demandai alors de révoquer l'ordre qci il

avait donné aux habitants (lu Liban de ne plus payer les impôts au

kaimakam. 11 répondit qu'il avait donné cet ordre sur la sollicitation

des habitants et pour calmer la discorde. J'objectai aussitôt que je

ne comprenais pas qu'après cet ordre il donnât au parti du kaiinakuiu

un second ordre, celui d'attaquer le parti de l'émir Béchir-Assaf ap-

puyé sur le premier ordre. Konrchoud pacha, un instant embarrassé,

s'entretint secrètement avec le commissaire de Constantinople et nous

dit qu'il publierait un nouvel ordre qui permettrait ait kaimafoun de

percevoir les impôts selon l'usage. Nous nons séparâmes; et qn'arri-'`I

va-t-il ? Lo parti d'Assaf, ait lieu de s'appuyer sur le premier ordre i;

et le parti d'Ahmed sur le second, se réconcilièrent, se soumirent 5

tons au Kaimakam, et le commissaire rentra à Constantinople disant

que l'accord régnait au Liban. Je n'ai pas besoin de faire ressortir

la signification de ces détails; ils peuvent sembler puérils en Europe,

mais ils éclairent la marche «les événements qui devaient aboutir au

massacre. r^•-

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-s 'ni4'

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Etablir entre les Libanais des divisions administratives pour ame-

ner des dissentiments qui facilitassent l'exécution du projet des mas-

sacres. telle était la ligne de conduite que Konrchoud pacha devait

suivre. Aussi me proposa-t-il, pendant mon séjour à Bevroutli, d'accep-

ter la nomination do moudir des districts de Belad-JcMl au nord du

Liban. C'était scinder en deux le des Chrétiens, je refusai.

Il serait trop long d'énmnérer les tentatives dn pacha et de son

comité dans ce sens. Je me contente (le dire qu'un français dont le

nom reste cher au Liban, JL de Lesseps, paralysa pendant tout le

temps de son séjour ces déplorables intrigues. ? ,f ",1¡~ ¡ l

'¡:' II~ 1.; sr:p~ F.Í¡r~\'0,

^-v & v n \%l.I

~i> I, 1 j~, ~-1 '1t~y.

y

t'rI.- r "1 ~I

Malheureusement M. de Lesseps fut rappelé, t p- x

Kous vîmes arriver au consulat général de France M. le comte

de Benlivoglio, et bien qu'alors le champ devint libre, il fut si dif-

ficile grâce aux efforts des notables de diviser suffisamment les

Chrétiens qu'on recourut ain Dmses.M[

hr

Tandis qu'à Beyrouth tei deux kaimakams chrétien et druse, ainsi

que divers chefs des deux partis, conféraient fréquemment avec Korir-

chond pacha, des actes de violence s'accomplissaient dans les districts

mixtes. On tuait des cnrëticis isolt%; les Druses pillaient un couvent

(le moines maronites, et Koarchond pacha, recevant les réclamations

des Chrétiens, a" irritait contfonx. "L ••

vT r; Or, il arriva qu'un druse fut trouvé mort ou tu6 sur une route.

Le pacha n'admit pas que le druse avait pu perdre la vie en atten-

tant à la vie d'un chrétien il déclara que les Chrétiens qui avaient

déjà eu plusieurs hommes assassinés étaient tous coupables. Les

soldats réguliers eurent l'ordre de se tenir prêts, et des armes et des

munitions furent distribuées aux Druses.

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L'émir Béchir-Ahmed, kaimakam des Chrétiens (1). qui, pour ses

fins, avait fixé sa résidence à Beyrouth, envoya un jour quelques-uns

de ses parents dans les "villages qui environnent Beitmiri, autre vil-

lage vis-à-vis de Beyrouth et à une heure et demie de cette ville.

Une foule de druses attaquèrent alors les chrétiens de Deitmiri,

pendant que les parents de Béehir-Aluned empêeliaient les chrétiens

des autres villages d'aller leur porter secours. Mais Beitmiri se détendit

seul avec un courage héroïque et. les druses repoussés .s'enfuirent.

.»' n '•' ZL

r114

v

V. Déconcerté par cet échec, Kourchood pacha, s'avisa d'un autre moyen.

Il feignit de montrer une égale bonté aux Chrétiens et aux Druses,

se rendit à Ihan-El-Moudeyrej, dans le Liban accompagné des deux

kaimakams chrétien et druse, et convoqua les notables des deux na-

tions, disant qu'il entendait, enfin, établir les bases d'une paix solide

et durable. Pour ce, il soumit à l'assemblée un contrat où les si-

gnataires juraient au nom de Dieu (dont les Druses nient l'existence)

que si, désormais, les habitante d'an village chrétien étaient attaqua

,par les Druses, les Chrétiens s'abstiendraient d'intervenir, porteraient

plainte an pacha et attendraient ses ordres. Les Driises prenaient le

même engagement. Il y eut bien quelques résistances. ïfanna-bey-El

Àssad, notable chrétien, objecta que les hommes d'agression se senti-

raient encouragés par un tel contrat. Mais Kourchoud pacha et tes kai-

makams insistèrent: on signa.

«5 Comme une indisposition de santé m'avait empêché d'assister à

la réunion, un commissaire vint me trouver. Il apportait, avec le con-

.~j Il~ 1. 1 il,-1.1.. 1

;(1) L'dtnir Karam a ttëjà fait entendre que Bcchii-Altnu>tl «finit un chrétien dou-

lèrcr. Pour dnvpnii' kaimakamdes Chivltens, il avait nbitndoiiiid la croynnre dos Oru^ox.

1)- J"

trat, un ordre de Kourchoud pacha et de Béchir-Ahined iuïmposant

de signer, si je ne voulais pas assumer la responsabilité des dissen-

tions qui pourraient éclater entre les Chrétiens et les Bruses. Je ré-

pondis que si le contrat était légal, ma soumission > à la loi me dis-'

pensait de le signer, de même que si le contrat était extra-légal, la

justice medéfendait

de le signer; j'ajoutai que je désirais jouir de

ma liberté assurée par la loi, et affirmai que mon plein et entier res-

pect (le la loi me garantissait de toute responsabilité. Puis, je fis part

à 31. de Bentivoglio de toute chose, c'est-à-dire du contrat, des ordres

reçus, de ma réponse, et le priai dj prea(lre note des menées de Kour-

clioud pacha et de ses complices. le consul général se hâta de m'é-

crire simplement qu'il pourvoierait, sans me dire, il T est vrai, par

quels moyens. v

`

-fJ,

-< 1{. ,1c l' ffy

jlt

Pour moi, j'estimai que la lutte était proche. On verra que je

ne me trompais pas.• -r

Je déclarai aux notables des districts d'Ëhden, da Bieharré et (le

Zaoyé, qui sont les districts extrêmes au nord du Liban, que leur de-

voir et leur intérêt les appelaient il user de leur influence pour évi-

ter tout conflit, mais aussi à s'employer de tout leur pouvoir afin

d'empêcher l'incendie de se répandre dès qu'on tenterait de rallu-

mer. Ils furent tous de mon avis. Mais la situation malheureuse da

ces districts ne me permit de préparer que 400 hommes pour mar-

cher en cas de besoin, i < r

~r~.·

r~

..i&i'"'S~lf,.

Bientôt les Druses se massèrent sans bruit et par groupes près du

.wllaje chéi^n de Haded (1), situé à moins d'une heure de Beyrouth,

résidence de, Kourchoud pacha duquel ils attendaient un renfort en

cas de nécessité.

Cinq cents maronites du Kesronan se hâtèrent d'accourir près du

vila.'e menacé, et Kourchoud pacha se rendit avec son armée an vil-LCf-

(1) L'idée il attaquer, mn point un villageéloignede la lésidcncc du pscha, nuis

Haded, que le regard peut apercevoir de llcyroulbest, à elle seule, la preuve é\idoule

que les Drusa»a$i&aiei>t à I insliga'ion de Kourchoud pacîa.

lage de Hasunié pour leur barrer le passage; puis, d'accord avec M. de

Hentivoglio, il leur députa l'évêque maronite, Mgr Tobie, avec mis-

sion' de les dissuader, soit par la douceur, soit par la menace, de leur

entreprise. Au nom de la France prononcé par Pévêque, les maronites

retournèrent au Kesrouan, à l'exception de 20 hommes, qui, de loin,

voulurent surveiller la suite de l'affaire. <

o W

~.I\JV'o~ ~t

îu

Les maronites ainsi éloignés et les drnses restant massés autour

de Haded, un coup de canon, tiré par ordre de Konrchoud pacha, donna

le signal. I3ts druses se précipitèrent sur les chrétiens de Haded, qui

Si voyant pris entre les assaillants et l'armée, abandonnèrent le vit-

lage et s'élancèrent du côté de Beyrouth. Mais tout ce qni n'avait pu

fuir fut tué par les druses, lesquels, sous les yeux de Kourclioud pacha

et de l'armée, incendièrent Haded.

Après cet exploit criminel, les druses s'avancèrent dans le district

mixte de Metten, passant d'un village chrétien à un autre, et mettant

Irtoirt à feu et àsang.

En avant des druses marchaient les parents du kaimakam Béchir-

Ahmed, qui persuadaient aux chrétiens de ne point réunir leurs forces,

et, derrière les druses, Koarelioud pacha, avec ses troupes, surveillait

les choses. “ Y ° >

Je ne dois pas omettre de dire que le pacha avait gagné aussi

l'émir Béchir-Assaf. =

S"I

A la nouvelle de ce< exe 5s, qui constituaient une offense flagrante

au Droit de3 gens aussi bien qu'aux lois de l'empire, je partis avec

400 hommes et, après deux jours et une nuit de marche forcée, j'ar-

rivai à Bekfaya, première ville du district de Metten. Aux portes de

lïekiaja diw maisoîs brûlaient. *s

Les druses se retirèrent aussitôt sans combat au delà d'une val-

lée, vers le milieu du district, et envoyèrent un de leurs chefs, le

ckeik Hussei.1 Talliouk auprès de Kourclioud pacha qui recommanda

aux druses le courage, et dit que « Karam trouverait devant lui les

canons d >. l'autorité. »

En effet, un messager vint me trouver et m'apporta deux lettres,

l'une da pacha, l'antre de M. <lo Benti'voglio lettres dans lesquelles

ils m'engageaient à rentrer à Ehlen et me défendaient d'intervenir dans

des affaires qui, disaient-ils, ne me regardaient point. Or, je répondis:

Ces affaires ne me regardent que trop, et je ne me retire point. »

v- Les chrétiens du Metten commencèrent à se réunir à Bekfaya et

dans les environs. Quatre cents combattants chrétiens du Kesrouan ar-

rivèrent aussi. t £ ' -,“,A

c" >r. “. J_

A peine Kourchoud pacha eut-il ma réponse que, sans perdre de

temps, il appela à Hazmié les consuls généraux de Beyrouth et leur

communiqua ma lettre: "•< -j > à

– « Karam a raison, leur dit-il les Druseâ sont les agresseurs

ils ont résolu d'attaquer aussi la ville (le Zahlé, mais si vous vous

engagez à empêcher, Karam de quitter Bekfaya pour attaquer les

drnses du côté de Metten ou du côté de Zahlé, j'enverrai des troupes

qui préserveront les Chrétiens de nouvelles violences. » •. a

Les consuls généraux approuvèrent le pacha, et M. Vekbeker,

consul général d'Autriche ainsi que M. de Bentivoglio m'écrivirent

ce qui venait d'être conclu; seulement ce dernier ajouta que si jesortais de Bekfaya, soit du côté de Metten, soit du côté de Zahlé, j'as-sumerais la responsabilité entière de la lutte et trouverais contre moi

non seulement le gouvernement de la Porte, mais encore tous les

gouvernements de l'Europe.' 1 4 °^ï j -"V

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-'r ~.r' -J 1\ -1)Le palais du défunt émir Haidar, ex-kaimakam (les Chrétiens,

m'avait été offert pou* demeure à. Bekfaya. Bientôt l'émir Béchir-Assaf “

et l'émir Amin-Ballama, parents du kaimakam Bécliir-Ahmed et que

j'avais soustraits à l'indignation des Maronites, arrivèrent au palais,

afin d'y voir, à mon insu, MgrJajaîi évèriue du district de Metten et

le cheik Me ïïtatem, notable de la ville. Mais comme l'évêque se trou- [

vait en co moment avec moi, ils le firent demander, et l'émir Béchir-

Assaf lui déclara, en secret, que Fêvêqne catholique de ZaUlé, blâmant la f

conduite des Maronite, s'en était plaint à Kourchoud pacha et avait pris

rengagement, avec ses diocésains, de consigner les armes; que les n

Grecs non-unis allaient porter les mêmes plaintes, et, qu'en somme, il

convenait à l'évêque de Metten, ainsi qu'à ses diocésains, d'agir de'

même et d'offrir au pacha la consignation des armes de ce district.

“, MgrJajah objecta? avec autant de sens que de fermeté, qu'il ne

ferait rien sans me consulter, et voulut tenir la réunion devant moi.?*

Alors le digne prélat invita l'émir Béehir-Assaf à exposer ces cho-

ses, ce qu'il ne fit pas sans que sa physionomie et celle de l'autre

émir ne me laissassent deviner le piège. >' "V*

Comme je demandai à Béchir-Assaf de qui il tenait ses rensei-

gnements:r

'v<i /*V' _ii, ,i. •; à

– Je dois garder secret le nom de celui qui me les a révélés )'

« répondit-il. "n & « }

– « En présence d'une;coalition générale ne ferions-nous pas mieux

« de déposer simplement les armes ? a*

1– « Non le mieux serait de les consigner à Kourchoud pacha,

r

« lequel, dans ce cas, prendrait notre défense. _-L" ,f– «Pour quelle raison le pacha ne veut-il pas que nous nous dcfen-

« dions nous-mémes? Pouvez- vous au moins dire si vos renseignements« viennent d'un ami du pacha, et si cet ami vous a donné des preuves

« suffisantes de la bonne intention du pacha? r r

« Je ne sais rien du côté du pacha; mais un ami à moi se

« trouvait chez Févêque de Zahlé quand Sa Grandeur a envoyé sa mis-

« sive au pacha. » -t,- • iS,, > W -e ~M

Le voile se déchirait de plus en plus. Je priai alors Mgr Jajah

d'envoyer un homme de sa suite aux informations auprès de Fêvêque

de Zahlé, et, sur ce, les deux émirs se plaignirent de mon peu de b

confiance. Nous comprîmes, Mgr Jajah et moi, que l'évèque de Zahlé

n'avait point tenu la conduite qu'on lui prêtait, et Mgr Jajah, levant

les mains, remercia le ciel de l'avoir arraché à ce piège de deshon-

t et(le fourbeiie.neur et de fourberie. v Y-> "“ , -<.

j* /*T'r

Sa Grandeur sortit avec moi de la salle et, peu après, l'émir

Réehir-Assaf, se présentant à nons, me demanda humblement pardon,

mit la main dans ma ceinture (1) et m'offrit d'aller défendre brave-

ment T intérêt du pays au lieu que je lui indiquerais. Il supplia en

même temps l'évèque de se rendre garant do la sincérité de sa parole.

« Comportez-vous,* ïtù dis-je, selon le devoir et la dignité de

« votre rang.» > > :i itJ<«votre rang.

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') "'1: 11'1'

(1) Selon l'usage oriental l'homme qui veut obtenir le pardon d'une offense, im-

plorer protection, ou protester desa, fidélité, met la main dans lareinUire de l'offensé.

Voyant, d'un cdtê, les dangers qai menaçaient Zahlé, et, de l'autre,

la responsabilité que l'on ferait peser sur tous les Chrétiens si'jesortais de Békfaya, je chargeai l'émir Daoud-Mourad homme probe

'P et vaillant, de se rendre, lui ) tout de suite à Zahlé avec 200 com-

battants et j'envoyai en éelairenrs deux cavaliers pour surveiller le

mouvement des Druses et m' aviser s'ils marchaient sur Zahlé.

1 Quant à moi, après avoir laissé une bonne défense a la ville sans

sortir du territoire de Bekfaya, je me portai avec 800 combattants

au couvent de Mar-Elyas-Choya qui est à l'extrémité de ce territoire,

du côté de Zahlé. J'avais, d'ailleurs, écrit à M. de Bentivoglio lui di-

sant que si les Druses respectaient les Chrétiens, je demeurerais im-

mobile, mais que s' ils recommençaient leurs agressions je n' enten-

tendais nullement en avoir la responsabilité.^r

^-rir

A mes yeux, en droit et en fait, la responsabilité du sang versé

ne tombait sur moi que dans les cas on, pouvant arrêter ce sang, jele laissais couler. ,r t

Zahlé se trouve du côté de la Beka et de Balbek à six heures r

de distance de Bekfaya qui en est séparé par ta plus haute monta-

gne du Liban. > { » ^-«-^

'Le jour même les Druses ou plutôt' les soldats de Kourchoud'

pacha, sous le costume et le nom de druses, d'un côté, et les soldats

de Kourchoud pacha, sous l'habit militaire, de l'autre côté, cernèrent-,

Zahlé.a i r h > %tX

' Les deux cavaliers que j'avais envoyés ne purent retourner

mais," pendant la nuit, j'appris que Zahlé était attaqué.L

r

<-Je partis à la hâte, et, en trois heures de course rapide, je fus

aux approches de la ville. Les chrétiens de Zahlé avaient déjà abau-

donné leurs foyers, emmenant leurs familles et leurs troupeaux. La

ville était livrée aux flammes. Les Druses s'étaient retirés, et j'aperce-vais à peu de distance l'année régulière, dont les tentes étaient en-'

veloppées par la fumée que le vent chassait de leur côté. Quelques.

maisons étaient encore intaetes, mais je vis un soldat sortir en cou*\

rant d' une de ces maisons qui ne tarda pas à brûler. C •

:\] Comme je n'' étais accompagné que d' un petit nombre des cava-

liers, qui formaient mon avant-garde, je me hâtai de rebrousser che-

min, afin d' arrêter le gros de mes hommes. Je ne voulais pas four-

nir un prétexte d'accusation «à Konrchond pacha, qui avait garanti ~A~

Zahlé aux consuls généraux des Puissances, et je me rendis an Kes-

rouan, vers la retraite qu' avaient choisie les malheureux habitantsIl

:^r > :i,- -i7-y- 1 ,tr,

de Zahlé; e' était en face de Bekfaya. Là, je réunis tous les chefs chré-

tiens sous un seul commandement.

P'

« ^vfv k'\n

<

>• .•?,. ^4^

Les habitants de Deir-El-Kamar avaient déjà, sans défiance, con-

signé leurs armes an commandant de deux bataillons. Ce eomman-

dant disait aussi vouloir prendre les armes des Druses pour éviter

la guerre civile. Mais il n'en fit rien, et rassembla dans la caserne,

au milieu de ses soldats douze cents combattants chrétiens qui

étaient dans la ville. Puis, il appela des druses et leur livra, un à un,

ces pauvres chrétiens, tous jeunes hommes, désarmés, qui furent mas-

sacrés sans pitié. t• .<% 'J> 'i /•

« Ce fait a eu le plus grand retentissement en Europe et y a sou-

levé un sentiment d'horreur. Je m'abstiens de toute réflexion. Seulement

je dois dire que plusieurs des notables druses, qui, généralement, sont

humains, ne prirent aucune part au crime; au contraire, ils s'écriè-

rent, pleins d'une juste indignation –«Que l'autorité nous immole

nous-mêmes avec nos compatriotes chrétiens plutôt que d' employer

nos ignorants (1) à l' exécution d'un acte si lâche et si exécrable. »

)"' ç Les notables druses furent éloignés et les « ignorants» lancés dans

la ville par l'autorité militaire. Bientôt tout fut pillé, saccagé et ré-

duit encendres. -| TVfe \î •• >,>#/ lV '-1îj,

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-.[^ ;“•

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I`:7N ~.r ;P Hf'.t0. 7 rPb

Kourchoud pacha ne devait pas cueillir seul ces lauriers. Il avait

un compétiteur qui avait l'ordre de triompher à Damas. -“ |r 'k

Ahmed pacha, séraskier de cette province de Damas avait

enjoint aussi aux chrétiens de Hasbaya et de Kachaya de livrer leurs

armes aux soldats réguliers. Ceux-ci appelèrent quelques druses et leur

livrèrent les chrétiens qui furent massacres, comme à Deir-El-Kamar.

A Damas, il y eut une variante à laquelle Ahmed pacha ne s'at-

tendait pas.' Il avait bien tout préparé pour le massacre, et ses sol-

dats y auraient suffi largement; mais, comme il fallait persuader à

*='. r y n<\

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(1) Les Druses se divisent en sages et ignorants (Akkalet Jahal.) Les Sflywsontles hommes de quclqu'éducation, et les ignorants forment la masse du peuple. “

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',1- :t> i -<ta

l'Europe que les excès étaient commis par les Druses, il en fit venir

un certain nombre. Or les liaMtants du quartier de Midane dont

le caractère est intrépide et généreux, empêchèrent les Druses d'entrer

dans la Tille. Un prince arabe, célèbre par ses longnes guerres, Abdel-

Kader, dont la résidence était dans le quartier, et qui a-vait à son service

300 personnes dévouées, sauva une foule de chrétiens, et peu s'en fal-

lut qu'une lutte ne s'engageât entre ce prince et Ahmed pacha, lequel

dat se résigner à ruer ses soldats et la populace sur les autresquâr-^

tiers de la ville où la plus grande partie des chrétiens fut immolée.

»' Cela se passa deux jours après le massacre de Deir-El-Kamar.

A Beyrouth, la populace musulmane, unie à quelques druses,

se mit à l'oeuvre en tuant un chrétien inoffensif. « II avait tué un mu-

« sulman, dirent les meurtriers, qui se répandirent aussitôt dans la

ville, frappant les Chrétiens. '-<'_ ? =- <-

C'est en ce moment que M. <le Bentivoglio accepta une offense que

je m'abstiens de rapporter, et qtte, pour montrer sa modération ou pour

calmer l'exaltation populaire peut-être il donna un grand bal au-

quel assistèrent, me dit-on, Konrchond pacha et ses employés. Des

sommets du Kesrouan nous apercevions le palais du consulat de

France tout illuminé, et nul de nous ne pouvait comprendre qu'en

présence des malheurs qui frappaient tout un pays; un homme appar-

tenant à une nation civilisée et chrétienne, donnât une fête.* V-.?'

'-?' ..<? -^k f "V -ii" |

D'autres massacres eurent lieu dans tous les districts mixtes, ainsi

que sur les bords de la mer, entre Beyrouth et Saida.* ij r V

r. pr- Je passe vite sur ces horreurs.r

«"¡",

ç J l Tous les Chrétiens de Damas et du sud du Liban, échappés au

fer et à la flamme qui ne purent se rendre en Europe, se réfugiè-

rent au Kesrouan et du côté de BeWayal Mais les vivres manquaient.

Aussi Kourchoud pacha bloqua-t-il la mer, de telle sorte qu'un certain

nombre d'hommes «t de femmes moururent de faim. Notre 'position

était affreuse il me devenait impossible de pourvoir en même

temps à la défense «t aux vivres pour cette multitudine. Mais, grâce

au pieux Patriarche des Maronites et à plusieurs notables de Beyrouth

et du Kesrouan, nous pûmes remplir des devoirs sacrés. "'l

Bientôt nous apprîmes que Konrchoud pacha avait expédié, par r

mer, à Tripoli na, corps de troupes. Ce corps campait au pied de

la citadelle qui regarde la montagne, et les moudirs de Danyt,(1 Akhar

et de Ohara se trouvaient réunis pour préparer les hostilités contre

nous. En même temps les Druses menacèrent d'attaquer Bekfaya," et un

commissaire vint m'apprendre que Kourchoud pacha avait l'intention`

d'envoyer ses soldats pour défendre cette position. Je lui déclarai alors

nettement qu'en ce cas nous laisserions les Druses fouler Bekfaya pour

nous battre contre les soldats. t -t-l _x~ 1- ->

· -•/ En attendant je recommandai aux Chrétiens du nord du Liban d'al-

ler attaquer Tripoli dès que les soldats s'avanceraient contre la mon-

tagne, ajoutant que, dans_peu, je serais moi-même, avec six mille com-

battants, sous les murs de cette ville. i" 'ir

u\ "'Informé de ces choses, Kourehoud pacha fut "comme paralysé et

ses corps de troupes ne menacèrent plus ni le nord ni le sud du Li-

ban. Musulmans et Druses cessèrent leurs agressions. Bref, il n'y eut

plus de massacres, et ce que j'ai rapporté jusqu'ici montre que ces`

massacres n'ont été commis que là où se trouvaient (les soldats. u

>¥§“ Après tout ce que nous venions de souffrir de l'arbitraire et de

la cruauté des pachas, et en présence de circonstances pleines de me-

naces et de dangers, les Chrétiens du Liban, selon leurs usages, me

nommèrent leur prince, et, grâce au gouvernement hellénique, nous^,

> reçûmes les premiers secours auxquels vinrent s'ajouter les dons de

la généreuse Europe. “ 'i * l .± 'j '>

Quelque temps après,1 S. E. le Sultan, qui avait accordé le Hatti-

Hamayoun à la demande des cinq grandes Puissances, et ces Puis-

sances elles-m^mes voyant leur dignité compromise par les pachas et

la loi foulée aux pieds, daignèrent envoyer des commissaires qui seJ

rendirent successivement à Beyrouth. Fnad pacha, habile diplomate

plénipotentiaire, arriva le premier, et fut suivi des escadres des Puis-

sances et de l'expédition française. 4t 4 <, » ,-J '< X_

Dès lore les Chrétiens des districts mixtes, où avaient eu lieu les (ll

massacres et les incendies, se rendirent dans leurs patries afin de re-

cueillir, parmi les ruines, les restes de leurs morts.T

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<'f!

f '-< J.~L.-7- :'& • “ <<•

les commissaires des cinq grandes Puissances obtinrent d'abord

l'arrestation des chefs druses, puis ils se rendirent avec Fuad pacha1 1,

à Damas.- W • "-Ut-.

JJrf"

,0n rapporte qu'Ahmed pacha dit à Fuad paehà: .4-1^ “

– Si vous voulez me soumettre à une enquête officielle, je« montrerai les ordres que j'ai reçus de Constantinople pour faire mas-

« sacrer les Chrétiens. » «. •'•-j'^L^

c Fuad pacha demanda à voir ces ordres secrètement, les confis-

qua.et fit fusiller Ahmed pacha, afin que les commissaires ne pus-

sent examiner sa cause. Il nt aussi pendre quelques musulmans de

Damas, permit les impôts et rappela les conscrits, choses jusques là

fort difficiles/ II démit," enfin, Kourchoud pacha, et exila, pour un cer-

tain temps, plusieurs chefs drnses. Tj ;fv ,,> •

lf_ Sur ces entrefaites M. B«clar commissaire de France, m'en-^

gagea à accepter la nomination de kaimakam des Chrétiens du Liban.

Je le priai de ne m'imposer pas cette charge et lui donnai plusieurs

raisons de ma répugnance. r~ “

r Mais il insista si fort, disant que mon refus blesserait les sus-

ceptibilités de la France, que je consentis, à la condition pourtant

que Fuad pacha accepterait ma démission, si la politique du gou-

vernement ottoman se séparait des intérêts légitimes des Chrétiens

car mes devoirs ne me permettaient ni de tromper un gouvernement <

qui me confiait un service, si de tromper mes compatriotes. Fuad

pacha adhéra à cette condition, et je pris provisoirement les fonctions

de k1,

de kaimakam. “ --r ?*{, ',“j =

J. i~~7r^rr^t'il i;/ ^vj*

Quelques membres du comité de Kourchoud pacha ne tardèrent

pas] à gagner les bonnes grâces de Fuad pacha, et, à la suite de

plusieurs entretiens que ce haut fonctionnaire eut avec M. de Benti-

voglio et M. le général Beaufort, celui-ci me déclara, à mon grand

étonnement, que, « étant trop attaché à ma religion, je ne pouvais

contenter tout le monde à la fois, et qu'il avait besoin de trouver

pour la France un candidat exempt de préjugés. » Tlvt '?«. *-j

– «Qu'à cela ne tienne, général, lui dis-je, je suis prêt à me

« démettre, et sur le champ. t i *V x '4« démettre, et sur le champ. 1

– « Non; cette conduite serait hostile à la France. Si vous voulez

« nous marquer votre amitié vous devez avant tout décider les Maro-

« nites à accepter pour leur prince remit Mejid Chéhab. » %?

5. Cet émir avait changé de religion, et arrivait, avec ses parents,de l'Egypte où ils avaient trouvé nu asile sûr et généreux pendantles massacres. Je ne pouvais croire que les Maronites l'acceptassent

pour prince, sauf peut-être Mgr l'évêque Tobie, qui, dans sa grande

bonté, lui voulait du bien et était même lié avec lui d'intérêts. r`

Je fis remarquer au général que, loin de gagner quelque chose

à l'exécution de son projet, il pourrait tout perdre.-1 *

h – « La religion du prince, dans un pays soumis aux lois et au

« Droit des gens, ne sert point de règle à la religion des habitants,« lui dis-je, et il est mieux de ne s'occuper point de ce qui touche à

« la conscience, mais de s'intéresser à une nation dévouée à la France,« en soutenant l'autonomie originaire dit Liban; vous satisferez ainsi« croyez-moi, tous les gouvernements protecteurs de mon pays. Quant« à moi, je tiens à vos bonnes grâces plus qu'à mes intérêts personnels,« ou plutôt je n'ai point d'intérêts personnels, et je puis vous le prouver,« sur le champ, en m'engageant, d'honneur et par écrit, à n'accepter« aucune fonction publique ni an Liban, ni ailleurs. »- f

^MalheureusementM. Beaufort ne voulut pas plus apprécier mon

langage que permettre ma démission et l'on put se convaincre en

toute rencontre que personne en Syrie n'avait la fortune de plaireau général en chef et à son état-major. Mais je me hàte de dire qu'il

n'en fut point ainsi auprès de M. le général Dncrot et de tous les

officiers de l'expédition française. Ils prodiguèrent leurs sympathies

et leurs secours aux victimes, avec un élan et une générosité dignes

de la France. M. le général Ducrot, surtout, sacrifia sans cesse son

intérêt pour exalter la dignité du drapeau: il nous montra des qua-

lités de coeur éminentes, et son nom demeure en Orient comme un

symbole d'honneur et de loyauté.

.{ 1. ~III'

1 .J, l¡- l-'t JI,J,j"~l' '1" ",1 -II

• Les faits qui se passèrent du temps de mon kaimakamat no mé-

ritent pas d'être rapportés.°

f «

Comme je n'avais accepté ces fonctions officielles 'que provisoi-

rement, je demandai instamment à les résigner, et ce ne fut qu'après

m'en être démis trois fois que l'autorité supérieure consentit à m'en

décharger. -j'.1'j> ,'V-w

Je vécus alors quelques mois loin des affaires publiques, m'at-

tachant, pour prouver ma gratitude envers les Puissances bienfaitri-

ces, à faire servir mon influence personnelle à la tranquillité générale.

Une nouvelle constitution fut octroyée au Liban, et Daoud pacha,

créé gouverneur, voulut me confier une fonction. Mon refus le mé-

contenta.~+- 'r.. >: ,J

contenta. & s*C p 'j “

Peu de jours après, un membre du fameux comité de Kourchoud

pacha vint au nord du Liban et se mit en rapport avec quelquesmauvais sujets du district d'Ehden et d'ailleurs, que j'avais pré-

cédemment envoyés aux galères pour leur fâcheuse conduite. Ceux-ci

se rendirent au district de Koura, habité en grande partie par des

grecs non-unis, et, se disant envoyés par moi et exaltant mon nom,

commirent de détestables agressions.! Jt =,i

` Encore que cet artifice ne trompât personne Daoud pacha' sut

obtenir une protestation des grecs non-unis m'accusant de ces agres-

sions, se rendit aussitôt dans le nord du Liban avec une petite for-ce militaire, et menaça tous les Maronites, '4"

Or, je dois dire que les grecs non-unis do Tripoli avaient trouvé

en moi un ami. Pendant la guerre de Crimée on leur avait interdit,à leur grand dommage, de sortir (le l.i ville. J'obtins qu'on les lais-

sât libres et je reçus un certain nombre d'entr'eux a Ehden. j v'^

Les procédés de Daoud pacha causèrent une sorte d' exaltation

dans le Liban. '1dans le Liban. 1<1 » "X • ">> 4

Après avoir calmé mes compatriotes, je me rendis, accompagné'(le plusieurs notables, chez le pacha afin de lui fournir la preuve

que les agressions, dont on me faisait l'instigateur, étaient l'oeuvre

de quelques malfaiteurs connus, et je le priai respectueusement de¡

me permettre de les faire poursuivre et de les lui livrer pieds et

poings liés. Il refusa net ma proposition et tira (le ma visite un pré- f

texte que, en dépit de toute prudence humaine,' je ne pouvais pré-

voir, pour m'accuser auprès de Fuad pacha et des commissaires des

Puissances de l'être venu menacer. Il tombait sons le sens que Daoud

pacha, étant venu an Liban avec une petite force militaire, était en

la puissance absolue des Libanais. Le menacer eut été puéril. Si, par

impossible, on avait oublié les lois de la justice ait point de mécon-

naître l'autorité, on n'aurait point menacé, mais agi.'1/ S V

Fuad pacha, dont la portée d'esprit et la finesse politique étaient

au dessus de ces misérables subterfuges, m'appela néanmoins à Bey-

routh. Je m'y rendis aussitôt, tandis que Daoud pacha se portait, lui,

dans le district de Koura et de là dans le district d'Ehden où il at-

tachait à son service les malfaiteurs dont il m'avait attribué les

gestes.. . -'V >Y* “ L~ fjf^.

A Beyrouth, j'appris que Daoud pacha avait persuadé aux com-

missaires des Puissances de ne point recevoir ma visite et de m'é-

loigner du Liban.- vw V-~ ,Ji fî 'J-

Il m'était ainsi défendu de déclarer la vérité, et, sans jugement

préalable, je fus envoyé àConstantinople. / s, `_'

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Grâce à la protection de la France, je pus me rendre en Egypte.

Je promis à 51. le marquis (le Moustier, ambassadenr français a Cons-

tantinople de passer dans ce pays le reste des trois années que (levait

durer le mandat de Daoud pacha, et M. le îfarquis de Moustier me

promit à son tour qu'à rexpiration de ce mandat on me rendrait justice.'rc Quand le temps fut venu, je résolus de retourner à Constanti-

1 nople, mais à mon passage à Smyrne je trouvai M. do I3jativoglio

nomme consul général de France en cette ville. -p^ ?%j> L– « «JL de Moustier s'est rendu à Paris pour ses affaires particu-

« Hères, me dit-il, et votre voyage à Constautipople est inopportun,

,– « Je me rendrai donc à Paris.lv

V •> ]\

ï1 – « Ah! non, reprit-il, il vous faut pour cela une permission

spéciale. Je vais écrire à Paris. » "'™ TV^i>* v*" r

Au bout de quelques jours, qu'il eût écrit ou non, la permission

spéciale ne m'était point accordée.v '•

:f -i~

– «Votre voyage à Paris est inopportun. Le mandat de Daoud a été

« renouvelé pour cinq ans et il faut vous entendre avec le pacha.– • « L'entente est toujours facile de mon côté, répondis-je. Je ne

« demande qu'à rentrer dans mes foyers et à y vivre entièrement

« soumis aux lois et au pouvoir régulier dn pacha. Si le pacha s'op-^

« pose à ce que j'habite le Liban je demeurerai eu Syrie. >iit ,1J

='–,« « Tout cela ne se peut pas, reprit M. de Bentivoglio. Vou?« n'aurez la permission de vivre ni chez vous ni en Syrie, à moins que

« vous n'acceptiez un emploi de Daoud pacha. » "1 QT

lr'Cl~

J'eus beau répéter ce que j'avais déjà dit tant de fois que je ne

demandais rien et ne voulais rien, sauf un jugement régulier qui me

rendit ma liberté j'eus beau faire appel au Droit des gens, a la justice:•* – « 11 faut que vous vous mettiez au service de Daoud pacha

« répétait obstinément M. de Bentivoglio. _-ï^>- ~>

– Mais ce serait un service forcé; ce genre (le peine n'est pas dans

« vos codes; et la loyauté française, qui a voulu, (raccord avec le Sul-

« tan et avec les Puissances, assurer le sort (les Libanais, no saurait

« tolérer une exception pour moi seul et me mettre en quelque sorte

« hors la loi. ? V V&

r – « La jiolitigue l "exige.» K A`7

-"• v M. de Bentivoglio terminait gravement nos entretiens par cet apho-

risme.^ j. • '•'fi

En vain j'adressai plusieurs lettres à M. de Moustier à Paris et

eus une longue correspondance avec le successeur de M. de Bentivoglio

à Beyrouth, M. Outrey. Voyant l'inutilité de mes réclamations, je finis

par me rendre au Liban, et, arrivé chez moi, j'écrivis au consul que

je m'étais rendit, au Liban, pour y vivre en simple citoyen soumis aux

lois et à l'autorité, mais décidé à me défendre contre les violences

injustes. ~L'"t.Ir -("Tl

,£ --& 1-"

.feV-'f

Pendant' mon absence, les Maronites du Nord avaient chassé le

personnel administratif de Daoud pacha; j'obtins aussitôt de mes com-

patriotes le rappel des employés, et je les priai de témoigner, en toute

rencontre, de leur respect envers la constitution nouvelle comme aussi

envers le représentant du Souverain. Il ne me convient pas do dire

moi-même l'accueil enthousiaste que je reçus et les fêtes qui saluèrent

marentrée; mais je puis affirmer en vérité que le calme reparut dans

le Liban. Le gouvernement ett été facile à Daoud pacha, s'il n'avait

mis son propre intérêt ou sa passion avant l'intérêt et la volonté de

notre Souverain, ti '-f' *• -=

-l'I~4~ ÍJ~ il,lM,J'IJ~l u

"L, \¡' ~Í 1\j~JI~ .l.. ` Y =.~°,f¡J~- J. a

).1lr.

i6gï~Ym

JU Encore qu'il connût très bien la misère du peuple causée par

de mauvaises récoltes, il ne tarda pas à augmenter, d'une ma-

nière exorbitante, les impôts, dont le chiffre pourtant était fixé

par la constitution:=' Des suppliques lui furent adressées de tous cô-

tés pour invoquer sa pitié. Il n'en tint aucun compte ne daigna

même pas répondre, envahit subitement le Kesrouan, à la tête de 800

hommes (le milice indigène (1) de 1,000 soldats réguliers et de 300

dragons à cheval, et fit arrêter et jeter dans sa prison de Bet-Eddin

ts"r, r,

(1) Le pacha du Liban reçoit île la Porte 3,000 bourses( 'J00.000 fran&s) qui

doivent servir à l'entretien de 1,504 hommesde milice indigène.S'il n'a que 800 ou

1,000 hommes, il s'attribue, commo un profil légitime, les 233,000 ou 166,000fr.

qu'il économise aiiui. "' .“,u~ W

les principaux habitants de ce district. Quelle faute avaient commise

ces habitante ? En vertu de quelle loi et de quel jugement étaient-ils châ-

tiés ? C'est ce que le pacha ne prit pas la peine de faire savoir.

r ,¡––––

1

r

¡.

{' Ces procédés ne trouvèrent pas les Libanais indifférents. Au Nord

surtout l'agitation assumait un caractère de gravité. Je me hâtai de

rassurer les esprits, j'exigeai la soumission, et, sûr d'être écouté, j'écri-vis au pacha que je répondais de la tranquillité publique et du res-

pect de son autorité et le suppliai d'octroyer un jugement aux no-

tables qu'il avait jetés en prison. Daoud me répondit aussitôt pour

me remercier de mon zèle, me prier dé continuer mon oeuvre de pa-

cification, promettant de son côté de faire juger les prisonniers. -'>

Je me rendis à Nahr-Ebrahim (Meuve d'Abraham), accompagné

de divers membres du clergé, de cheiks et de notables des districts

du Nord, afin d'avoir une entrevue à Jouni avec le pacha. Mais com-,e

me nous avions avec nous une suite de 80 personnes, armées selon l'ha-

bitude constante du pays, Daoud pacha estima que le moyen d'accu-

sation dont avait déjà profité Kourchoud pacha n'était point usé. n

exprima un vif mécontentement, s'écria que je venais le menacer et

appela le consul de France à Beyrouth ,^M. des Essarta, qui avait

remplacé M. Outrey.v\1 ]•»

.J.>

5- Le consul voulut bien se rendre à Jouni et m'engagea à faire

visite au pacha, avec une escorte de huit hommes seulement. A quoi

je répondis qu'en dépit de la défiance injuste montrée par Daoud, je"m'empresserais de souscrire à ce désir, si M. le consul général avait

la bonté, de me garantir qu'aucune violence ne serait commise contre

ma personne et contre mes gens. Il. le consul général approuva ma

réserve et demanda une assurance formelle au pacha. qui renvoya

-l'affaire au lendemain. •.

Or, pendant la nuit, Daoud appela de nouvelles troupes de Bey-

routh, et, avant le jour, je fus à l'improviste assailli par les dragons.

Mes compagnons/ arrachés au sommeil, se jettèrent sur leurs armes

des habitants des environs se joignirent à eux, et les dragons fu-

rent pourchassés avec une vivacité qu'ils ne croyaient pas rencon-

trer, jusqu'à Meameltein. Je ne voulus prendre aucune part ni t

au combat ni à la poursuite, mais me préoccupai du soin de rallier

mes compagnons pour ne pas les laisser écraser par la milice et les

soldats qui, se trouvant à Ghazir, avaient reçu l'ordre (le se mettre

1,: !t-r-~j {-~ :,{.1I' t ?

8

en marche." Ainsi je rentrai à Nahr-Ebrahini et de là je passai à

GébeiL

Ignorant peut-être que la provocation venait (les dragons, M. des

Essarts m'attribua la responsabilité de la lutte; le pacha déclara que

j'étais coupable « commeparticulier et dit qu'il m'arrêterait en per-

sonne.

FJ'estimai donc qu'il convenait de me soustraire à l'arbitraire,

passai par Zgorta, ma résidence d'été, où j'invitai les habitants à la

soumission et au respect de l'autorité, et partis pour Bénachée avec

&50 personnes, résolues, comme moi, de se frayer un passage à tra-

vers les neiges qui couvraient alors'les montagnes du Liban, et de se

rendre au désert. T?

Bientôt Daoud pacha lança contre moi sa milice, 3,500 Soldats

réguliers et ses dragons, le tout formant un corps d'armée sous le

commandemant de Emin pacha, lequel marcha sur Zgorta et s'adjoi-

gnit des troupes qui se trouvaient à Ihal.

Les habitants de Zgorta prirent les armes, mais l'armée leur

laissa le temps de se retirer avec leurs familles et n'entra que pour

pilier les maisons. j

Après s'être commodément instillé chez moi, Emin pacha en-

voya deux gros détachements, l'un à1Ihal, l'autre à Békeftine, vis-à-,

vis (le Bénachég, et me fit dire qu'il désirait avoir une entrevue avec

moi à l'évêché de Tripoli, près de J Bénachée.Mon désir (le la paix

était si sincère que je n'hésitai pas à accepter le rendesî-vous et que,

sur sa demande, je signai un contrat dans lequel je m'engageais à me

soumettre à tout jugement régulier de l'autorité. Il me promit lui-

même de télégraphier à Beyrouth et à Constantinople pour demander

ce jugement. =

Cependant, le lendemain, quelqiies-uns de mes compagnons, qui

surveillaient le passage de Bénachée, furent assaillis par 400 hom-

mes de la milice, et les soldats s'avancèrent contre moi en trois co-

lonnes. Il nous fallut bien défendre notre vie. Le combat dura huit

heures et fut sanglant. Battus, malgré leur énorme supériorité nu-

mérique, les soldats, laissant leurs morts, ainsi qu'un certain nom-

bre de prisonniers, abandonnèrent Zgorta, Ihal et Békeftine, pour ga-

gner Tripoli. “r

Après cette défaite, Daoud pacha, restant isolé au Liban, tombait

de fait en mon pouvoir; mais je m'abstins de tout mouvement offensif

espérant que, dans leur loyauté, S, M. I. le Sultan et les cinq Puis-

sances apprécieraient ma' conduite et rétaMiraieut enfin la tranquillité

d'après les règles de la justice.-'>

^S5

J",

Espérances vaines. Bientôt le séraskier Derviche pacha arriva deConstantinople avec 10,000 soldats, rassembla d'autres forces militai-

res dès garnisons de la Syrie, et jeta cette armée à mes trousses, sous

le commandement du général de division Hassen pacha.

Le lecteur est peut-être fatigué de mes répétitions mais je dois

dire la vérité avant d'accepter cette lutfe si inégale, puisque, re-

tranché à Bénachée, je n'avais que quelques centaines d'hommesj'écrivis encore au pacha qui venait m'attaquer, pour lui renouveler,

avec l'assurance de ma soumission aux lois de l'Empire, la demande

d'un jugement régulier.

Hassen pacha me répondit:

« J'ai l'ordre de me rendre à Bénachée, et si vous m'abandon-

« nez cette position, je me vous suivrai pas. »

Je sortis de Bénachée; et Hassen pacha y entra aussitôt.

I

Pour l'intelligence des combats qui vont suivre, je dois indiquerla disposition des lieux. Bénachée, assis sur un plateau dans la mon-

tagne, a, au dessus de lui, trois villages formant triangle Sebel à droite,

Ayto au sommet, Obra à gauche. Ehden, qui domine le tout à unegrande hauteur, est placé un peu à l'est du triangle, tandis qu'au

midi, vers la plaine, se trouvent les districts do Batroun et de Gébeil

que de hauts sommets séparent des forêts et des déserts de Balbek.

En quittant Bénachée, je n'avais qu'un chemin à prendre, celui

des montagnes supérieures. Je divisai les 800 hommes qui m'accom-

pagnaient, pour occuper Sebel, Ayto et Obra, restant moi-même dans

cette dernière position.'P "l

y

Hassen pacha, fidèle à la tactique employée contre moi, se lutta

de me poursuivre. Il attaqua et emporta assez vivement les villages

de Sébel et de Ayto dont on eut à peine le temps" de sauver les

femmes et les enfants. Il enleva aussi, mais avec de' grandes per-

tes, celui d'Obra.

Puis, encouragé par ce succès, il engagea le? détachements qui

avaient pris Ayto dans des sentiers abruptes et les dirigea vers Ehden.

Il s'agissait de préserver tout ce que nous avions de plus cher; nous

opposâmes une résistance acharnée; la lutte fut sanglante; nous re-

prîmes Obra et Ayto et resserrâmes les soldats entre cette èrederni

'-1Q.!J'v, (.

position et Sebel. Nous nous étions battus de part et d'autre pendantdix heures et le feu ne cessa que trois heures et demie après le

coucher du soleil. "0

L Hassen pacha fit alors savoir à Mgr l'évêque de Tripoli que l'ar-

mée était venue uniquement au secours de Daoud pacha, et que si jeconsentais à quitter le Liban, je ne serais point poursuivi. Comme

on le voit, c'était toujours la même tactique du côté de l'autorité;

néanmoins je ne me lassai point, de mon côté, d'opposer mon systè-

me de soumission loyale. Etant remonté vers Ehden, je recommandai

à quelques prêtres etf

notables d'en retirer les familles et de

se rendre chez Mgr de Tripoli pour le prier d'assurer Hassen pa-

cha que je quittais Ehden et me dirigeais vers Batroun et Gébeil afin

de chercher un passage à travers les neiges et me rendre, hors du Li-

ban, dans le pays de Balbek. C'était remplir encore une fois les

désirs exprimés par les agents de l'Empire. Il y a plus, soupçonnant

que le général en chef viendrait à Ehden, je donnai des ordres à

mes domestiques pour qu'on le reçut avec tous les honneurs et tous

les égards de l'hospitalité orientale. =s

Bassen exigea d'abord que les prêtres et les notables lui affir

massent ,par écrit, que j'avais quitté Ehden, et, deux jours après, il

s'y rendit et y fut rejoint par Daoud.

.“ Ces deux chefs passèrent trois jours dans ma maison, puis, à

leur départ, Daoud fit livrer cette maison au pillage et aux flam-

mes, tandis qu'il lançait de nouveau les troupes à ma poursuite. Ai-je

besoin de qualifier ces procédés ?°

La milice de Daoud pacha se rendit dans le district de Gébeil

et engagea un commencement de lutte avec les habitants. Pour éviter

que ceux-ci se compromissent avec cette milice et avec les troupes

régulières qui venaient derrière elle, je m'éloignai, franchis les neiges,

n'emmenant avec moi que vingt hommes, et me réfugiai dans les fo-

rêts du district de Balbek; mais le kaimakam de cette province, as-

sisté d'un officier supérieur, d'un corps de troupes et d'un détachement

de gendarmerie, en tout 1,100 soldats, vint à ma rencontre à Ouadi-

Etnessour (Vallée des aigles). Sept hommes, qui formaient comme

mon avant-garde, reçurent quelques coups de fusil et ripostèrent, tandis

que quatre autres de mes compagnons, masqués par les rochers, firent

feu sur le flanc des soldats qui battirent en retraite, laissant au ha-'

meau de Inata une partie de leurs vivres, pour se rendre plus vite

à Balbek. Ils arrivèrent eu désordre dans cette ville et demandèrent

des renforts à Damas.~l, V

La garnison de Damas se mit en marche, et la retraite, que Hassen

pacha m'avait offerte, m'étant coupée, je rebroussai chemin. •»

s- Ea peu de jours, Daoud pacha expédia, outre sa milice, un corps

d'armée à ma recherche. Quelques maronites s'étaient joints à moi;

nous étions soixante. J'eus quelques rencontres heureuses qui refroi-

dirent l'ardeur" des soldats, et Daoud pacha, qui m'avait déclaré « sim-

ple particulier coupable, et qui s'était attribué le surnom de «juste,»inaugura dans plusieurs villages du nord du Liban un système de persé-

cution, que l'esprit pourtant fécond de Eourchoud pacha n'avait pas ima-

giné. Selon luises habitants s'étaient rendus criminels en ne me fermant

pas les routes, et en n'accompagnant pas les soldats dans leurs expé-

ditions. Mais les Maronites trouvèrent leur conscience pure à l'endroit

de cette accusation et s'en montrèrent in4ignés.1.- -1\

~0.

4-fEd

'11f,!l

Séduit par les bonnes grâces de Daoud, M. (les Essarts s'unit au

pacha pour me rendre hostile un personnage que je respectais fort à

cause de son caractère je veux parler de Monseigneur Valerga,

Patriarche de Jérusalem. La vérité sur l' état des choses comme

sur la' persécution que je subissais, commençait à se faire jour à

Paris et à Constantinople, et il importait au pacha et au consul gé-

néral de justifier leur conduite par un témoignage si important. A leur

appel, et aux frais du pacha, ce dignitaire ecclésiastique se rendit à

Beyrouth, et l'on vint me dire que si je demandais par écrit une

entrevue à Sa Grandeur, Elle s'intéresserait à mon sort et applanirait

toutes difficultés dans le sens de la justice. *11

Je n'hésitai point à m'adresser sur le champ au Patriarche qui

me répondit que « il ne pouvait conférer avec moi que si je m'en-

gageais par écrit à suivre ses conseils. »

J'envoyai donc à S. G. « l'assurance formelle de ma soumission

entière aux lois ecclésiastiques et civiles. Mais cela parut insuffi-

sant au Patriarche, lequel, selon ce qu'on m'assura à mon grand re-

gret, confia deux lettres, l' une à Daoud pacha, l'autre à M. des Essarts,

dans lesquelles il témoignait, en substance, que « je ne voulais me

soumettre ni au pouvoir spirituel ni au pouvoir officiel. »°

Des copies de ces lettres furent communiquées, paraît-il, 4

Paris et à Constantinople et Ton ordonna contre moi des mesures plus

sévères et plus viyes. '

Aux troupes déjà massées dans le Nord du Liban on adjoignit un

corps de 800 musulmans de Danyhé, renforcé de la gendarmerie de

Tripoli et placé sous le commandement du moudir Ahmed-Agha-Elenja.

Celui-ci,me rencontrant à Ain-Eljaouz (Fontaine des noyers) en com-

pagnie des soixante hommes dont j'ai parlé plus haut, voulait concerter

une attaque simultanée et décisive avec d'autres corps qu' il envoya

prévenir mais, cédant à rimpatienee, il m'attaqua à l'improviste, se

laissa mettre en déroute et m'abandonna même des prisonniers que

je ne tardai pas, il est vrai, à remettre en liberté en leur rendant

même leurs armes. .»

Cet échec découragea les tronpes et me livra le passage que jecherchais pour me rendre dans les forêts d'Ehden. Après quelque

temps et certaines rencontres heureuses, je me fixai près de Ain-Karna

'» {Fontaine de l'anglej, sur le sommet de la montagne qui domine

Ehden. Bien que je visse à mes pieds ma résidence et les mouve-

ments des soldats, je vécus là quelque temps tranquille.w

Pendant que durait cette tranquillité relative, un corps de 2,000

soldats demeurait campé près de Ain-Elouach CEmtaim de la bête

féroce), dans le voisinage d'Ehden et à un heure de ma retraite; d'au-

tres détachements stationnaient aussi aux environs.

L

En ce temps Jîgr Talerga se rendit chez Mgr Paul Massad, Pa-

triarche maronite, et l'engagea à m'excommunier, s'il ne voulait pas,

ainsi que ses évêques, encourir la disgrâce de Daoud pacha et de M.

des Essarts et être mis en prison les fers aux pieds. Comme de juste,

ce Patriarche refusa d' excommunier un homme qui demandait jus-

tice mais s'étant rendu sensible aux menaces, il m'écrivit en me

conseillant de suivre la Volonté de Mgr Valerga; et de là naquit en-

tre nous un grave malentendu.

Malgré mon respect profond pour l'autorité de ces deux person-

nages, je pris la liberté de les prier de considérer le texte de S. Paul

dans son Epître aux Galates:

« Mais quand nous vous annoncerions nous-mêmes, ou quandun Ange du ciel vous annoncerait un Evangile différent de celui

que noua vous avons annoncé, qu'il soit anathème » et d'en con-

dure que, si elle était lancée, l'excommunicatioiî ne tomberait pas sur°

moi. Cette affaire n'eut donc pas de suite. 1Bientôt je reçus la visite d'un officier envoyé par Derviche pacha.

« Si vous tous rendez sans conditition, dit-il, le pacha s'in-

« téressera à vons. t

– « Le Sultan, répondis-je, est l'ombre de Dieu sur la terre, et il

« est du devoir du gouvernement impérial d'accorder la justice à ceux

« qui, comme moi, ne demandent qu'elle. »

i,L'officier se retira, et, la quatrième nuit après, je fus cerné, avec

mes 60 compagnons, par environ 800 soldats, venus à la fois de tous

les' points. Il convient de rapporter ce qui se passa.

£ Deux de mes sentinelles Tinrent m'apprendre que des troupes

montaient vers nous par les sentiers les plus difficiles. Je n'eus

pas de peine à comprendre qu'on avait dû me fermer toutes les is-

sues. Je rassemblai mes hommes, fis allumer des feux autour de

Ain-Karna, et, à la faveur de l'obscurité, nous non? rendîmes, sans

être aperçus, à une autre position dans la forêt d'Ehden pour y atten-

dre le jour.. « -1

Aux premières lueurs de ra,uhe, mes sentinelles se virent à

quelques pas de celles des troupes qui complétaient le cercle autour

de la position que j'avais quittée. Je m'éloignai une seconde fois,

et le corps de troupes voisin me suivit, lentement, sans vouloir en-

gager la lutte. Mais bientôt je rencontrai des soldats qu'on avait en-

voyés, la nuit, de Tripoli, avec d'autres qui étaient arrivés de Bey-

routh. Je me dirigeai vers le centre d'une vallée qui separe le Liban

du district de Danyé, et j'atteignis une gorge de rochers élevés et

taillés à pic. Me voyant poursuivi de trois côtés par des troupes quir

à demi portée de fusil, ne tiraient pas, je compris qu'un détachement

devait fermer l'issue de la vallée. Ainsi, j'avais affaire à plusieurs

milliers d'hommes, et nous n'étions, je le répète, que soixante.

Je groupai mes chers compagnons, excepté quatre qui s'étaient

attardés.

« Voici notre dernière heure, leur dis-je, il nous reste à choisir

« entre la mort sous les armes ou la mort dans la servitude: que

« préférez-vous? 2 y 1« La mort sous les armes, répondirent-ils. » v

Nous hâtâmes alors notre marche, et, trouvant l'issue de la val-

lée entièrement fermée par plusieurs détachements pressés les uns

derrière les autres, nous invoquâmes le nom do Dien, Allah, qui,

Ain-Karna, et, à la faveur de l'obscurité, nous non? rendîmes, sans

être aperçus, à une autre position dans la forêt d'Ehden pour y atten-

dre le jour.. « -1-°

poussé de toute la force de notre voix, retentit dans la vallée, tandis

que nous nous précipitions sur les soldats dont les rangs s'ouvrirent de-

vant nous. Le feu commença seulement contre nous, quand nous avions

déjà franchi le cercle, Nous étant alors divisés en deux groupes, qui

se protégeaient mutuellement nous pûmes, après une demi-heure,

gagner une position que Ton ne pouvait attaquer que d'un côté. là

nous fîmes halte; il était dix heures du matin; le combat cessa. Deux

de mes compagnons avaient été Wessés: l'un se sauva, l'autre tomba

entre les mains des troupes avec les quatre qui s'étaient attardés

dans la vallée. Ces cinq hommes furent envoyés à la prison de Daoud

pacha à Bet-Eddin. f J

v

J'

«'

En présence de huit à neuf mille soldats, je congédiai mes com-

pagnons, sauf quatre qui m'accompagnèrent dans une retraite où je

demeurai caché durant quarante jours. Alors les chefs militaires

s'adjoignirent des magiciens qui, invoquant le démon, espéraient dé-

couvrir le lieu de ma retraite.

j~-t1

vr Js.

i ,r les corps de troupes ayant quitté les hauteurs des montagnes

à cause des neiges, je revins toujours caché, dans le voisinage du

liban. J,^

Daoud pacha envoya Ragi-bey-Hanna-Daher, avec 300 soldats

chrétiens et métualis, fouiller les villages suspendus aux flancs des

sommets les plus élevés du nord du Liban que les habitants selon

leur usage, avaient abandonnés pour séjourner dans la plaine. Sous

le prétexte de m'y chercher, Ragi bey et les siens pillèrent les mai-

sons. &.

A la nouvelle de ces derniers excès commis sous mon nom et

dn projet de faire des recherches pareilles à Edhen où ne se

trouvaient que quatre ou cinq gardiens je me rendis la nuit, suivi

de huit hommes, à ma maison qui n' avait plus que quelques toits

et des murs noircis. Un seul des gardiens d' Edhen eut connaissance

de mon arrivée je le retins près de moi et quand vinrent Ragi bey

et ses soldats il se montra à eux, et du haut d'une terrasse

leur cria

– « Que voulez-vous faire dans cette maison brûlée? Vous venez

« chercher le maître épargnez-moi cette douleur. »

Us n'écoutèrent point et pénétrèrent dans l'intérieur qui était vas-

te. Je défendis a mes huit compagnonsde i paraître avant d'être

appelés, et me présentai, seul et armé, au haut d'un escalier dont ils

eoiraaient les marches. A ma vue, ils se retirèrent avec précipita-

tion, et mes compagnons les powsuivifent durant longtemps dans des

directions diverses. Un blessé et trois prisonniers restèrent entre nos

mains.

Je confiai ïe blessé à un prêtre qui le soigna, et relâchai les pri-

sonniers.•

Le bruit de ma présence à Ehden s'étant répandu, de nombreux

compagnons accoururent, mais voulant éviter une réunion notoire, jeme rendis, la nuit, dans ma solitude, suivi des huit hommes dont jeviens de parler. “

Peu de jours après, Daoud pacha envoya à Ragi bey des hommes

de renfort avec mission de jeter bas les restes de ma maison.

Avad bey, métuali vint au village d'Argus avec 300 hommes

partie de sa "nation, partie chrétiens; fiiigi bey, a la tête de 200

hommes parut près de Béesams, et la milice du pacha se tint prête

à leur venir en aide. ·

Je reconnus alors la faute que j' avais commise et combien

j'avais eu tort de croire que ma modération et mes soins de n'aller pas

au devant des conflits faciliteraient l'action do la justice. J' avais

perdu du temps et sacrifié des occasions de revanches victorieuses. Aussi

me rendis-je, en plein jour, au village «l'Egebeli, entre Argès et Bé-

charré, et à deux heures de distance de chacun de ces points. Quel-

ques bûcherons, que j'avais rencontrés sur ma route, laissèrent leurs

fagots, prirent leurs armes et se joignirent à mes huit compagnons.

Arrivés à Egèbeh, nous étions 25.

i Sur le soir, j'envoyai 18 hommes attaquer Argès. et quand, je me

portai sur le lieu de la lutte, peu de temps après, Avad bey s'était

déjà enfui du côté de Tripoli.

or.-

1 Je marchai aussitôt sur Bécharré, afin rto battre Kagi bey, qui,

pour éviter le combat, entra dans le village et se rendit aux habi-

tants. Le laissant à la garde des notables, je partis pour Bet-Eddin

dans le désir de délivrer mes compagnons prisonniers. A mesura que

j'avançais, des maronites s'unissaient à moi, en sjrteqn'en arrivant à

Gost.i, dans le district de Kesrouan, j'avais environ 500 combattants.

` ,a s

`

-.j. t

l'

La milice du pacha alla se placer à Ghazir dans le voisinage

de Gosta, à ma droite, tandis qu'un fort détachement de soldats se

tenait déjà campé sur ma gauche à Jouni. **

Deux jours se passèrent sans qu'aucun mouvement offensif eût

lieu de part ni d'autre. Je me mis ensuite en marche, du côté du

district de Metten, accompagné d'uu certain nombre d' hommes du

Kesrouan. En route je rencontrai M. Kaz-Kalla-Khadra, lequel,

accompagné d'un janissaire du consulat général de France, me remit

une lettre de M. des Essarts m'engageant à éviter les hostilités.

-A peine fus-je arrivé dans le district de Metten que l'émir

Béehir-Assaf et quelques-uns de ses parents, réunis à Bekfaya avec

divers employés de Daoud pacla, m'envoyèrent annoncer qu'ilsavaient l'ordre de m'interdire le passage. Mais je leur fis observer

qu'ils commettraient une faute en m'attaquant et qu'ils en subiraient

les conséquences. Sur quoi ils estimèrent prudent de n'engager

point la lutte pour le moment.

Je continuai à m'avancer vers Bekfaya, et, comme je n'en étais

qu'à peu de distance/ je m'arrêtai à Bet-Chabab pour y écrire une

réponse à M. des Essarts. Pour la centième fois je protestai que jecherchais la justice et rien que la justice, déclarant d'ailleurs, qu'en

témoignage de ma gratitude envers la France je me soumettrais au

désir de son représentant. Le soir même la milice de Daoud pacha

arrivait à l'extrémité du Kesrouan, se dirigeant sur Bekfaya afin de

s' y unir la nuit à l'émir Bécliir-Assaf. Nais comme j' avais de

l' avance sur cette milice et que, la veiller l' émir avait évacué la

ville j'y entrai le premier. r~ s

Dix de mes hommes, qui surveillaient le passage d'une vallée

entre le Kesrouan et le Metten, furent attaqués à la pointe du jour.

Au moment où je quittais Bekfaya pour me rendre sur le terrain de

la lutte, un cheik de la famille Khazen venait, au galop, de- son.

cheval, m'apporter une nouvelle lettre de M. des Essarts, qui me

priait d'éviter le combat à quelque prix que ce fût. Une lettre

semblable, me dit le cheik, allait être remise à M. Altap, chef de la

milice du pacha, et le consul engageait sa parole qu'enfin justiceme serait rendue. 0

u Je courus donc auprès des dix hommes engagés, fis cesser toute

lutte, et, rassemblant les Maronite, passai dans le Kesrouan, tandis

que la milice passait dans le Metten. Or, dans ce mouvement, la

milice, traversant un hameau, y commit un forfait exécrable. Elle

y ft:

tua une pauvre jeune fille, sous le préteste que ses parents avaient

combattu à côté de mes compagnons. “

Le lendemain, nouvelle missive de M. des Essarts, qui m'invitait

jà une entrevue à Bekerté, chez le Patriarche maronite. J'avais l'âme

pleine -de douleur, et les habitants du Kesrouan et du Metten, furieux,

parlaient de venger la jeune fille assassinée. liais je fis taire et ma

douleur et les justes ressentiments du peuple >t me rendis à l'en-

trevue demandée. 1 “

le consul me déclara que M. Bourée, alors ambassadeur à

Constantinople, avait reçu une lettre que je lui avais adressée pour

le prier de me désigner une résidence hors du Liban, et que, au nom

de la France, il m'offrait l'hospitalité à Alger.

« Dans ma lettre à M. Bourée, dis je à H. des Essarts

« j'avais manifesté le désir d'épargner l'effusion du sang mais

« depuis lors le pacha s1 est empressé de le faire couler plus

« abondamment. Tous les Libanais ont protesté en ma faveur, et

« mes devoirs ne me permettent plus de laisser mes compatriotes

« en proie aux violences et aux injustices de mon adversaire. »

En présence du Patriarche, des évêques, des principaux maronites

et de divers employés de la Chancellerie, le consul me répondit:

« Si vous voulez prouver votre amitié à la France en acceptant

« l'hospitalité qu'elle vous offre à Alger, l'empereur vous accorde sa

« protection particulière je vous parle en, son nom; il accorde

« aussi la protection française à tous vos compagnons et compatriotes.

« Daoud pacha délivrera, sur le champ, les prisonniers, respectera les

« Libanais, v.s compagnons et vos propriétés; dans peu, enfin, on

« vous rendra pleine justice. Vous avez toujours marqué votre respect

« à la France; eh bien! il ne fant pas que l'on dise que Daoud pacha,

« qui est le représentant de l'autorité du Sultan a été chassé du

« Liban. » (I) J^ _ `

Le consul général de France invoquait mon amitié pour la France,

parlait au nom de la France, me demandait une preuve de dévouement

à la France et m'offrait l'honneur de l'hospitalité de la France. Que

devais-je faire? Il s'agissait d'un traité qui avait tout le caractère

diplomatique et garantissait le respect de me chers compagnons. et

(r.. _¥4~ 0:

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(1) Daoud pacha, de fait, avait dû quitter s» résidencede Bet-Eddin, dans le

Liban et, emportant ses trésors, s'était réfugié & Beyrouth.

compatriotes. Ce traité avait pour témoin une assemblée de personnagesvénérables; je l'acceptai

r J ?<>-

;-H me fallut calmer des milliers d'hommes qui voulaient s'opposerà mon départ du Liban et essuyer, de ma main, les larmes de ceux

qui pleuraient, leur affirmant qu'un agent français ne pouvait se

faire un jeu du nom de la France et de celui de l'Empereur. Pour

témoigner à la nation française de mon dévouement et de ma confiance,

je me rendis donc à Beyrouth avec M. des Essarts.A.. L, id.. ¡.

-H

:;¡>

T<

A mon arrrivoo dans cette ville, les habitants me firent un accueiL

enthousiaste. La foule me poursuivit d'acclamations qui troublèrent

le gouverneur de la' Syrie ainsi que Daoud pacha et les obligèrent à

quitter précipitamment la ville, l'un pour se rendre à Damas, l'autre

au Liban. t>

= M. le consul général accepta avec moi un grand dîner donné par

M. Assad-Malhamé, en l'honneur de la France, et, là, il confirma et

amplifia les promesses solennelles du traité conclu à Bekerké.

Il mit à ma disposition un bâtiment de guerre, le Forhin, dont

le commandant et les officiers me comblèrent d'égards pendant la tra-

versée de Beyrouth à Alexandrie.

l' r ~"r

Le commandant, ayant voulu ensuite se rendre au Caire en com-

pagnie de M. Outrey, alors consul général de France i Alexandrie, je

m'embarquai sur un paquebot des Messageries impériales qui me

transporta à Marseille. Là je fus touché des marques de sympathie

qui me furent prodiguées tant par plusieurs notables de la ville; que

par une partie de la population mais bientôt je partis pour Alger.` l$'

L'illustre maréchal de Mac-Million, alors gouverneur de l'Algérie,

m'honora de sa bienveillance, et je reçus de la part du sous-gouver-

neur, des hauts fonctionnaires, des officiers et des notables français

de ce pays, des marques de sympathie que je n'oublie point.

Cependant j'appris que Daoud pacha n' avait point délivré les

prisonniers (1), qu' il persécutait mes compagnons ainsi que les ré-

gisseurs de mes propriétés, et que mes récoltes avaient été dispersées.

A Zgorta, il faisait aussi enfoncer l«s portes de ma résidence d'été, sous

.r"z

(1) II ne les relâcha que plus lard, après les avoir rançonnés.

prétexte de chercher un réfugié. Enfin, d'accord avec M. des Essarts,

il répandait le bruit que le gouvernement français m'avait interné à

Alger.*

.<E'

J'écrivis alors & M. de Moustier, ministre des Affaires-Etrangères;

je demandai justice on me répondit par des menaces. Cependant M. de

Mac-îfahon, s'intéressant à mon sort, est la bonté de m'offrir une pen-

sion mais je lui déclarai que je n'étais point venu chercher de l'argent

et qu'il était plus séant de me jeter dans un cachot si Ton ne voulait

point m'accorder la justice et la revendication d'un droit placé sous le

protectorat de la France et des Puissances comme sous la souverai-

neté du Sultan. Grâce à la loyale intervention du maréchal, S. Jf.

Napoléon III daigna me permettre de venir à Paris, m'accueillit très

gracieusement et renouvela l'offre d' une pension, que, par respect

pour le chef de la nation française, j'acceptai, mais senlcuent durant

mon court séjour à Paris. »! A ?,<

Je n'eus qu'à me louer de LL. EExc. les ministres, qui tous, sauf

M. le marquis de Moustier, me reçurent avec distinction. Dans l'étude que

je pus faire jusqu'au bout des menées de la police secrète, comme

dans le contact de puissants amis et de puissants adversaires, jecrus bon de m'écarter le plus possible des premiers afin de ne rien

laisser peser sur eux de mon propre sort.

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Iwwv.w.

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'OÕ'11F- Il

u?

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Le malentendu entre le ministre des Affaires-Etrangères et moi

prit bientôt une tournure fâcheuse je sentis que ma liberté person-

nelle était en jeu et je pris le seul moyen qui me restait de sauve-

garder l'honneur de l'hospitalité française: j'abandonnai la France.

Sors de la France, je pouvais* périr ou souffrir, sans que la nation à

laquelle mon pays a été si longuement et si fortement attaché, eût

la responsabilité de ma perte ou de ma douleur. Nous sommes ainsi

faits, nous Orientaux, que l'hospitalité rend à nos yeux un homme

sacré, et il n'est personne, en Occident, j'aime à lé croire, qui refuse

de comprendre qu'en évitant au gouvernement français la violation

de cette loi de l'hospitalité, je rendais hommage à la France.

¿-¡ r ,01

"VV',A"ê-t

Voici maintenant quelques explications et quelques documents

qui montrent la nécessité où je me trouvai de quitter la France.

Le 5 mars 1868, M. Eugène Loudun me communiquait, offi-

démentent, de la part de M. le ministre de l'Intérieur (M. Pinard)le désir du gouvernement que je quittasse Paris et me rendisse de

nouveau à Alger. Je répondis que si c'était un simple désir du

gouvernement, j'etais prêt à le satisfaire, mais qu'en m'y rendant,

je voulais passer par Rome,' et y rester quelques jours; si au con-

traire, c'était un ordre, le gouvernement était plus fort que moi,mais j'attendrais qu'on m'emmenât de tbrce. M. Loudun me dit

qu'il ferait part de tout cela au gouvernement et me rendrait ré-

ponse le lendemain.

t Six jours plus tard je n'avais aucune nouvelle. J'adressai donc

à ÎL le ministre des Affaires-Etrangères, la lettre suivante

Paris, 12 mars 1868.

A M. le marqiiis de Moustier, 'ministre des Affaires-Etrangères

EXCELLENCE,-~` u

J'ai l'honneur de porter à votre connaissance qu'ayant conçu le

projet de passer quelques jours à Rome, à l'occasion des solennités de

la Semaine Sainte, je compte partir très prochainement.Je croirais manquer à mon devoir, Monsieur le Ministre, étant l'hôte

très reconnaissant du gouvernement français, si je ne m'empressais de

vous faire part de ce dessein.

Veuillez agréer etc.

FEn place du ministre, M. Loudun me répondit ainsi, le 14:

Voulez-vous bien prendre la peine de passer chez moi aujourd'hui,de 5 à 6 heures, ou de 7 à 8 heures. J'ai une communication à vous

faire M. le ministre de Moustier a reçu une lettre en date du 12 mars.

J'écrivis alors à M. Loudun qu'une indisposition de santé ne me

permettait point d'aller le voir "et que, vu l'importance probable de

la communication, je le priais de venir me la faire lui-même.Méconnaissant la dignité de l'hospitalité française ainsi que mes

mérites vis-à-vis de la France et de la Chrétienté, ou bien engagé

par M. de Moustier, lequel croyait peut-être qu'en m'effrayant il pour-

rait mieux couvrir les injustices commises au Liban, M. Loudun mefit remettre, par un agent de police, un billet ainsi conçu

-'>Je n'irai pas chez vous: cela est impossible. Si, de votre côté,

vous ne pouvez venir chez moi, vous pouvez vous présenter chez leChef de la division de la sûreté publique, M. Eriau, Quai des Orfè-

vres, 26. Il vous donnera communication de

1. Votre lettre M. de Moustier, en date du 12

2. La lettre de M. de Moustier à M. le ministre de l'Intérieur,

en date du 13;

3. La réponse décisive à voire égard de M. le ministre de l'In-

H térieur. •«.

Je répondis à M- Loudun pour le remercier de sa franchise, et

lui me fit tenir prcsqu'anssitôt cette dernière lettre: • ,J!<

Je vous l'avoue, je regrette vivement le parti que vous prenez

j'avais espéré que ma lettre vous déciderait à me venir trouver, je dé-

sirais vous épargner le désagrément d'un refus officiel. Je fais cette

dernière dénnrelie dans ce but. Si votre résolution est définitive, il ne

me reste plus qu'à donner avis de l'insuccès de mes efforts, et à vous en-

gager à aller prendre connaissance des pièces, au plus tard lundi avant

midi.

Bien cordialement et tristement à vous. » “ fi

14 mars 18tf8 ¥

l

Ainsi averti, je n'avais point de renseignements à prendre. Les

lois de l'humanité semblant moins connues de M. de Moustier que de

Daond pacha qu'il avait lui-même élu pendant son ambassade à

Constantinople, je laissai ma suite à Paris et me rendis secrètement

à Bruxelles d'où j'adressai à M. de Moustier la lettre suivante que

publia l'Indépendance belgele 24 Mars 1868.Bruxelles, le 24 Mars 1868.

EXCEJXENCE, :<l

'A la suite d'une démarche tout officieuse de la part de M. le mi-

nistre de l'Intérieur, m'invitant à repartir pour Alger, j'ai eu l'honneur

de porter à votre connaissance mon projet d'aller à Borne. Etant alors

l'hôte du gouvernement français, vous avertir de ce dessein me sem-

blait, M. le Ministre, un devoir de reconnaissance.

Le lendemain, une lettre également officieuse m'avertit d'une com-

munication à& votre Excellence à M. le ministre de l'Intérieur, et des

ordres décisifs à mon égard au GlmfUe division de la sûreté pu-

blique. On m'engageait, en outre, à aller chez ce fonctionnaire connaître

cette décision, au plus tard le lundi, 10 mars, avant midi.

Ma liberté était donc menacée.Pour éviter au gouvernement français de se laisser entraîner, par

une déplorable appréciation des faits, à un acte peu conforme aux usa-

ges de la France et à la véritable expression des sentiments du peuplefrançais pour les Chrétiens de Syrie, j'ai du m'éloigner.

En voulant ni'ôter, à Paris même, la liberté qui seule me reste,

vous avez agi, Excellence, non seulement contre Joseph Karam maia

contre rhomme qui n'a jamais cessé de demander justice, contre le pro-

tégé 9e l'Empereur, contre 1' hôte de la France, contre celui qui, pour

vous être agréable, a quitté sa patrie, quand les armes le favorisaient,

contre celui, enfin, qui a eu confiance dans la parole de votre consul gé-

néral.

Personne n'ignore, Excellence, que' les derniers événements avaient

forcé Daoud pacha de se réfugier àBeyrouth

avec sa suite, ses baga.

ges et ses trésors. Il usa de son dernier moyen de recouvrer le Liban,

en priant les consuls généraux des grandes Puissances de m'assurer

(ce qu'il m'avait refusé jusqu'alors) la liberté partout où il me con-

viendrait de Me retirer hors de la Syrie. Les consuls déclarèrent, par

une note commune, qu'ils étaient prêts à donner leur concours à

Daoud pacha, pour assurer mondépart.

Mais espérant peu dans le succès de cette démarche, il pria spécia-

lement votre consul de' me proposer, devant le Patriarche et plusieurs

autres personnages, les conditions et les offres que vous connaissez,

Excellence, et que tout le monde cornait. Ce traité, tout à fait écarté

des documents mis au jour, où beaucoup de choses, d'ailleurs, sont ou-

bliées, fut solennellement confirmé par M. Des Essarts au nom de l'Em-

pereur et de la France.

Ainsi, pour contenter votre désir, 'j'ai consenti a laisser Daoud pa-

cha reprendre le gouvernement du Liban; pour obtenir votre bienveil-

lance, j'ai accepté l'hospitalité en Algérie.

J'étais à Alger même, j'étais votre hôte et sous votre protection,

quand Daoud pacha, violant les traités, retenait les prisonniers, les ran-

çonnait, brisait, sans motif, les portes de ma maison à Zgorta, persé-

cutait mes compagnons, maltraitaitles régisseurs de mes propriétés, per-

dait les récoltes, et continuait son arbitraire dans toutes les parties du

Liban. J*~`

Si Daoud pacha,' après avoir accompli contre le Nord de la mon-

tagne, ce que n'avait pu faire son collègue Kourchoud pacha, l'instiga-

teur des massacres de 1860, n'a pas trouvé ses désirs satisfaits, com-

ment pourra-t-on les satisfaire ?

Si Daoud pacha, libre d'agir à son gré et secouru ptr les forces

d'Emin pacha, de Hassan pacha et même du séraskier Derviche pacha,

n'est venu à bout de m'ôter ni la vie ni la liberté, c'est sa faute et non

pas la mienne. _f i

Vous vous appuyez, Excellence, sur les dépêches écrites contre moi

oar quelques uns de vos agents en Syrie, permettez-moi de vous dire, à

mon tour, que l'intérêt de ces messieurs, très peu favorable au monde

chrétien, à commencer par la France,' vous a laissé ignorer la vérité.

Il me suffit, Excellence, de pouvoir affirmer, d'aptes une juste ap-

prédation des faits, que, jusqu'à ce jour, j'ai servi l'influence française,

comme tous mes pères; il me suffit d'avoir trouvé en France de très

nombreuses sympathies et le vif désir de voir triompher en Orient la

justice et le droit. Mais je dois regretter la situation qui m'est faite,

les maux qui se succèdent dans ma patrie, et leurs conséquences.

Daignez agréer etc.1

';1II(~"

J'ose espérer que le gouvernement actuel de la France appré-

ciera, comme il convient à sa dignité, les faits qui engagent cette

dignité elle-même, et qu' il ne trouvera pas inutile de connaître les

motifs qui ont déterminé MM. de Bentivoglio, Outrey, (les Essarts et

Bourée à soutenir, avec un tel acharnement, les parséenfceurs des Chré-

tiens Orientaux. Ce gouvernement, libre et éclairé, aura, dans cette

recherche, la preuve que presque tous les bienfaits de la France à

l'Etrange? ont été dénaturés par ses agents et que l'influence fran-

çaiso en Orient n'a rencontré qu'eux pour obstacle. ,t

Les gouvernements et nations auxquels je m'adresse sont éclai-

rés sur les faits que mes adversaires ont clierclié à dénaturer. Ma

perte n'a pu être consommée. Je vis encore et mes souffrances ont

eu du moins l'avantage de me soustraire au caplice de quelques

hommes.`

Je dois ajouter qu'étant à Corfou, j'eus le désir de causer avec M.

le ministre d'Allemagne près le roi des Grecs, d'affaires qui n'avaient

aucun rapport à la guerre engagée alors entre la France et l'Allema-

gne. Ce ministre était venu d'Athènes; je passai à la Chancellerie, sans

le rencontrer. Deux jours après, Deniche effiaidi, consul ottoman, pré-

tendait tenir du susdit ministre que j'avais offert mes services à l'Al-

lemagne contre la France, Or, bien que le consul de France à Cor-

i'ou m'eût témoigné peu de bienveillance, j'allai trouver ce consul, lui fis

connaître le but de ma visite au ministre allemand, et ajoutai– « Le

« manque de loyauté de quelques agents français n'a pu altérer mes

« sympathies et me faire oublier mes devoirs envers la France. Il ne

« m'appartient pas, d'ailleurs, d'offrir mes services à une Puissance

« contre une autre Puissance de l'Europe.» »

M, pour prouver mon dire, j'acceptai du consul général de Rus-1

sie une invitation à un bal où se trouvaient les agents des divers

Etats Européens, et là, en présence, du consul général d'Italie, de î*Ime

Déniche effendi et d'autres personnes, je m'adressai au ministre d'Al-

lemagne et me réjouis de l'occasion que j'avais de le voir $our la,

première fols. le ministre me dit

– «- la nation torque est la première nation civilisée du nton-

« de pendant qu'elle dominait l'Espagne elle a fonde la civilisation

« en Europe.'•

– Je sais gré à- Votre Excellence de son intention, réponflis-je,

« mais elle me permettra de lui rappeler que les musulmans qui' ont

« dominé l'Espagne étaient de la nation arabe. »

j ri s

MecnimenVJff. Ganem, droginan au consulat de France a Bey-.

routh, s'est présenté chez le Patriarche maronite, disant que M. de

Vogué, ambassadeur de France à Constantinople, ne désirait point ma

rentrée dans le Liban sans le consentement du gouvernement ottoman,

de peur qu'elle ne donne lieu à des troubles, .et qu'il priait $a Gran-

deur de manifester son sentiment à cet égard. Le Patriarche aurait

répondu, dit-on, qu'il partageait le désir de l'ambassadeur. Mais il

est constant que moi,-mène je sollicite ce consentement, depuis cinq

années, et que, afin de l'obtenir, j'ai toujours demandé un jugement ré-

gulier ou la reconnaissance de mon innocence et ma liberté civile.

Or, pour' ne pas m'accorder ce jugement, on ajoute aujourd'hui que

le Patriarche vent, purement et simplement, que je reste à l'Etran-

ger. Mais je fais observer que si 8. 6, a le moindre blâme àm'oppo-

ser, il convient de le déclarer; car, do môme que la volonté (le 8. G.

ne saurait destituer Franco pacha, de même elle ne pourrait voiler

les injustices que ce pacha a commises, en se servant du nom du

Patriarche lui-même, comme l'attestent généralement les libanais.

De plus j'ajoute, que tandis que Daoud pacha ne put ni se servir

Me moi et des Maronites quand il essaya de confisquer les biens desEgïi-

se?i,. ni mettre à exécution la défense donnée au Patriarche d'élever

de nouveaux temples sans sa permission, Franco pacha, plus habilea su violer le Droit des gens,' à Fombre dit l'atriarehat, afin de faire

naître la division entre les Maronites et leur premier Pasteur.

Puis, comme Mgr lonssa, ^vêqtte de Tripoli, désirerait, contrai-

ment aux ordres de Rome et aux voeux du diocèse, que son neveu

lui succédât au siège de Tripoli, Franco paclia appuie spécialement.

l'évaque, s'en sert pour la politique et stimule ainsi entre le clergé

et le peuple un différend dont il est impossible de se dissimuler les

dangers. W~u

J'ai appris aussi que le consul général d'Allemagne à Beyrouth,

ayant fait une excursion aux cèdres du Liban et ayant visité mon ne-

veu, comme il avait visité le Patriarche, France pacha s'est hâté de

m'alblbuer une entente secrète avec m personnage consulairet et se sert

de ce prétexte afin de pousser le fameux comité de Kourchond pacha

à faire une requête demandant le prolongement de mon séjour à,

l'Etranger. Je déclare, sur mon honneur, qu'il n'y a d'entente entre au-

ciine Puissance et moi, et je saisis cette occasion pour témoigner ma

gratitude à M. le consul général d'Allemagne de ce qu'il a bien voulu

rendre visite à l'un des membres de ma famille.

"< Toutes les tribus de la Syrie attestent qu'en plusieurs rencontres

le consul général d'Allemagne a soutenu le Droit des gens et je me

tiens pour honoré de jouir de sa sympathie." Mais Franco pacha est-il

autorisé à dire et à faire le mal parce que d'autos aiment le bien?

Franco pacha a insinué et même déclaré que mon retour au Li-

lmn causerait des troubles qui serviraient à telle ou telle influence

politique plutôt qu'à telle autre, et que, pour éviter ces troubles, jedevais accepter le traitement dont il plairait an gouvernement de me

gratifier, et l'ester à l'Etranger. Or, si par malheur, ces influences ve-

naient à se diviser en ce qui touche les droits dit Liban, alors, que

je' fttsse ou ne fusse pas dans ma patrie, mes compatriotes adhére-

raient à la politique plus conforme a ces droits. Mais, je tiens pour

certain que la dignite'des cinq grandes1 Puissances protectrices ne

permettra à personne de, nous réduire à la servitude absolue en in-

ventant, à chaque instant de nouveaux1 prétestes; et j'ajoute que si

quelqu'un osait nier le respect que je garde pour la France, ce se-

rait une témérité contre laquelle proteste ma vie entière. Quant aux

troubles, ils pourraient avoir lieu, j'en conviens, parce qu'il dépend

de Franco pacha de les provoquer.

Maintenant, si Franco pacha a pu, notoirement, réduire à néant

la constitution; si ses fonctionnaires peuvent jeter les Libanais en

prison sans jugement régulier ou les ruiner au moyen des garnissai-

res imposés sans motifs avoués en somme, si les Libanais sont pri-

vés de la liberté de faire entend» leurs plaintes si enfin, l'arbi-

traire règne en raaîtie dans le Liî>an, et que, cependant, l'agent d'une

Puissance ait pu être induit en erreur, ou un Patriarche môme trom-

pé, l'on conviendra qu'il y a seulement là une raison (le plus pour

que les Puissances, qui ont aboli la servitude, sauvent les victimes

d'une si grave confusion de droits.

è r¡;

-« On pourrait se demander aussi pourquoi Daoud pacha dont

j^ai tant parlé plus haut, m'attaqua à l'improviste, me cerna de trou-

pes, m'occasionna de si graves dommages me disputa la vie pen-

dant treize mois; pourquoi, enfin, on, me poursuit encore aujourd'hui,

sans que j'aie pu obtenir jamais un jugement régulier. J'ai l'honneur

de répondre que c'est uniquement parce que j'ai toujours rendu hom-

mage à la dignité de S. M. I. le Sultan et à celle des cinq grandes

Puissances, en demandant que le pacha mît en pratique la constitu-

tion donnée par le Sultan et les mêmes Puissances au Liban.

il

Depuis le commencement de l'Islam jusqu*en 1860, les Libanais

ont pu conserver leur autonomie et si, en 1860, ils se sont soumis

à la constitution nouvelle, c'était pour prouver leur confiance dans

le protectorat des cinq grandes Puissances. En abolissant cette cons-

titution pour se faire maître absolu, le pacha, soi-disant chrétien,

essse d'être un gouverneur régulier tout en manquant de respect a

S. M. le Sultan et aux Puissances. r

ç

1

Je disais, tout à l'heure, pe le Liban; divisé, ne pouvait se

défendre lui-même. 3Ms la division nuit également à l'influence des

Puissances, car chacune des tribus ne peut plus servir l'influence de

la Puissance qui la protège spécialement, ni se garantir contre les

dangers qui menacent à la fois tontes les tribus. Or, comme les cinq

Puissances ont également un droit officiel à protéger le Liban leur

dignité politique exige qu'elles protègent également chape tribu;

assurant ainsi à là malheureuse province une situation loyale et

-tranquille, et conservant la Chrétienté de Terre Sainte. °

Après avoir enduré pendant cinq ans un pénible séjour à l'Etranger,

sans pouvoir obtenir justice, je dis enfin aux nations la vérité sur les

faits et je pria les cinq grandes Puissances dont le nom figure dans

la constitution de prendre en leur main la cause du Liban et la

mienne, de nous juger selon leur conscience et leur dignité, et de

nous dédommager des pertes que nous ont causées arbitrairement les

pachas musulmans et chrétiens. J'espère aussi qu'aucun gouverne-

ment juste ne voudra me priver de sa bienveillance, si, après un

aussi longue souffrance, je manifeste le désir de rentrer dans ma pa-

trie pour y vivre ou perdre la vie sous le drapeau du Droit des gens.

IV.7"

APPEL A LA DIGNITÉ

DES GOUVERNEMENTS ET NATIONS

Le Liban, étant une petite principauté chrétienne autonome, isolée

au milieu des vastes et nombreuses provinces de l'Asie, a subi, de

tout temps, des persécutions, mais il a pu toujours maintenir, ainsi

que nous venons de le dire, un bien qui lui est cher et qu'il reven-

diquera toujours, son autonomie.

Cette autonomie a été altérée en 18C0. Le Liban est devenu une

province à la fois orientale et occidentale, en sorte que les dissen-

tions politiques s'y sont multipliées, et <jn'il ressemble, moralement,

à un navire battu par les flots et les tempêtes.

C'est pour cela que je fais appel à la dignité que les gouverne-

ments et les nations ont le devoir de garder dans l'ordre politique, di-

gnité qui a pour fondement l'intérêt bien entendu des peuples faibles

et non leur ruine. J'espère d'ailleurs que le gouvernement appré-

ciera la loyauté et la sincérité de cet appel tout en me permettant

de défendre les droits de ma patrie contre la politique qui tend à

l'accomplissement de sa ruine.

Après avoir occasionné la guerre religieuse, en divisant la prin-

cipauté du Liban en deux kaimakamats, chrétien et drase, et amené,

par là, les massacres de, 1360, les employés de la Porte ont accusé

les libanais de se coaliser selon leurs diverses croyances, tout en con-

tinuant eux-mêmes à fomenter les dissentions religieuses, à subdiviser

les tribus chrétiennes, à inviter, enfin» les clergés différents, pivot» com-me on sait, de toute religion, à intervenir dans les affaires officielles.

Ces employés avaient en vue: è1° D'arriver, à l'aide des dissentions intérieures dn Liban, à di-

viser les Puissances qui le protègent;

2° De compromettre les clergés en les mêlant à la politique, et,

partant, de les rendre odieux aux populations;

0

• 3° D'enlever au Liban la possibilité de s'unir et (le se défendre,

afin de l'écraser à l'heure où l'Europe, trop oecxipée do ses propres

affaires* ne serait pas libre d'intervenir.- “

II faut considérer, d'ailleurs, qu'en donnant au Liban ainsi bou-

leversé un gouverneur étranger, h cabinet de Constantinople obligeait,

par là même, ce gouverneur à s'appuyer uniquement sur la force

militaire brutale, à faire peser st main sur tous les poiuts à la fois

et qu'il ne devait pas manquer de trouver dans chaque tribu des

hommes prêts à concourir à la ruine de leur patrie, alors que Kour-*

clioud pacha lui-même en avait pu trouver.

Pour justifier leur arbitraire, les agents de la Porte rappellent

sans cesse l'émigration (les Circassiens et les malheurs de la Pologne;

mais les Circassiens, étaient des guerriers offensifs auxquels la Rus-

sie a donné le choix de résider dans des colonies ou cle quitter

l'empire et c'est alors que le gouvernement ottoman, les ayant ac-

cueilli, a enrôlé leurs jeunes gens dans son armée. Quant aux Polonais,

le gouvernement russe a réprimé leur soulèvement» Mais les Chré-

tiens dn Liban et de la Syrie ont été massacrés par les pachas

parce qu'ils ne sont point guerriers, et par dépit du Hatti-Hamoyoun

qui leur avait été octroyé à lit demande des Puissances.

1

Do plus la même dignité, condition nécessaire et m.)ralc de tout

pouvoir fort, exige de S. M. Impériale Abdul xlziz et des cinq grandes

Puissances la reconnaissance de l'autonomie du Liban, pour, sept

motifs

1.° Les malheurs de cette principauté ont éclaté à la suite du

Hatti-Hamayoun.

2.° Kourchoud pacha, employé de la Sublime Porte, a trompé les

consuls généraux en leur persuadant de m'arrêter ainsi que les Chré-

tiens à Bekfaya afin de livrer Jïahîé et Deir-El-Kamar aux soldats et

aux Druses, lesquels," sans les soldats, n'auraient pas osé s'approcher

de Zahlê ni commettre les massacres de Deir-El-Kamar et d'ailleurs.

3,° La nouvelle constitution est en elle-même trompeuse, car elle

nomme le gouverneur du Liban .inoutsareffi (absolu) et donne, par

conséquent, à ce gouverneur le pouvoir d'abolir la constitution même,

ainsi que celui de violer le Droit des gens comme l'attestent non

seulement la parole des Libanais mais les faits dont je n'ai donné

qu'un court résumé. E

4.° Les pachas wtouisareffsi tout en se disant chrétiens, ont

achevé à l'ombre du nom du Sultan et des cinq grandes Puissances,

ce que Kourchoud n'avait pu faire.

5.° Le Liban est le refuge des Chrétiens de Syâe au temps des

persécutions et peut garantir souvent les populations contre les mas-

sacres que Tenouvellent les pachas avec une sorte (le périodicité.

6.° La dignité. du Sultan et des cinq grandes Puissances ne peut

ni vouloir ni permettre qu'on soumette les opprimés quels qu' ils

soient, à> la volonté absolue de leurs oppresseurs.

7.° Enfin, la condition autonome du Liban est un droit officiel

reconnu de tout temps, et la dignité du Sultan et des cinq grandes

Puissances ne saurait tolérer ni l'abolition de ce privilège, ni le pro-

longement d'une situation qui rend fatalement nécessaire la ruine de

leurs protégés à un jour donné.

C'est donc sur ces motifs que je me fonde pour faite appel, je

le répète, à la dignité de S. 31. le Sultan notre Souverain, et des

cinq grandes Puissances protectrices, afin d'obtenir pour le Liban sa

première antonomie.

V.

APPEL AU DROIT. DES GENS

1 i"

h fais appel au Droit des gens parce qu'il est le fondement sa-

cré de tout ordre social. En vertu de ce Droit, chaque peuple doit

une soumission xég'ulicre à son gouvernement, et celui-ci lui doit la

justice. En vertu- de ce même Droit, chaque province autonome forme

un peuple, qui exerce lui-mem~ l'autorité que lui accordent les con-

ditions ~le l'autonomie.<

Or l'autonomie accorda aax Libanais les laisse libres en ce qui

touche leur organisation intérMure et le choix (le leur prince. Ils'

n'ont pour devoir que de soumettre la nomination de ce prince à la

confirmation du Sultan et de payer une redevance fixe.

En 1860, le gouvernement <le la, Sublime Porte voulut transférer

aux cinq grandes Puissances son droit de confirmer le gouverneur

du Liban et partager avec elles le droit des Libanais eux-mêmes de

choisir ce gouverneur et de se donner, une organisation on constitu-

tiou. C'était manquer 1~ but, et s'attribuer le partage de ces droits

au lieu d'en garantir rexe~'eice aux protégés.

Je crois faire observer:

1°. Que le gouvernement/qui veut partager entre lui et les au-

tres gouvernements l'autonomie d'une province quelconque et dépen-

ser des sommes considérables pour conduire cette province à la ruine,atteste, par là, que son dessein est radicalement funeste. La justicedéfend à ce gouvernement d'exécuter son dessein, et le Droit des gens

exige de la part des autres gouvernements la reconnaissance de la

même autonomie. 1

2". Que la loi de l'empire défend au parricide d'hériter des biens

de son père, et, partant, que la loyauté de S. M. le Sultan et des cinq

grandes Puissances ne peut permettre aux pachas ni de courber sous

leur arbitraire et leur absolutistne les veuves et les orphelins des

victimes qu'ils ont massacrées, ni d'enlever à tous les Libanais la li-

berté de la parole aûn de les sacrifier, en silence à l'ombre du trô-

ne impérial et sous les yeux des cinq grandes Puissances qui les

protégent.

30. Que si le Liban n'était pas une principauté autonome recon-

nne de tout temps, le sang dont l'ont arrosé les pachas, et la ser-

vitude qu'ils font peser sur les habitants, créeraient pour ces habi-

tants un droit à cette autonomie dont la nécessite serait surabondam-

ment démontrée.

C'est donc s%r ces considérations que je me fonde pour faire ap-

pel, je le répète, au Droit des gens, qui est sacré dansl'ordre social,

et sauvegarde, avec leBroli même de Dien, !a dignité humaine; et

je no doute point de l'appui de S. M. le Sultan et des Puissances

ainsi que du concours de toutes les nations civilisées.

¡, -1

-VI.1

1--=:

QUELQUES CONSIDÉRATIONS

SUR L~ AVENIR DE L' ORIENT,

Nul homme de- bon sens ne peut nier que la loi naturelle'ne soit

la, loi fondamentale du gem'e humain, loi qui constitue le Droit des

Or, l'histoire démontre que les nations, qui respectent ce Droit,

prospèrent, tandis que celles qui !e violent tombent, t6t ou tard, dans s

la décadence.Ainsi on a vu. Fetnpire de l'Islam prospérer, lorsqu'il respectait

les diverses autonomies réunies dans son sein, et (lécrottre, quand,

ensuite~ il a voulu violer ces mêmes autonomies.

h

L'Orient, berceau de tous les peuples, placé entre l'Europe et les

Indes, doit posséder une intégrité reconnue nécessaire tant pour la paix

de l'Europe, que pour la prospérité des peuples orientaux. Or, cette

intégrité ne peut jamais exister qu'en prenant pour base la dignité

(les mêmes populations, et l'on sait que la dignité se trouve dans

l'observance de la loi, laquelle, à son tour, ne peut avoir un fou-

dement solide qu'en s'appuyant sur le Droit des gens.

Naturellement, le gouvernement de la Sublime Porte désirerait,

sans doute, sauvegarder F intégrité de l'empire mais il aï-rive,

maflheureusement, que les pachas et kaimakams, envoyés dans les

provinces, violent, notoirement, les lois connrmées par le Sultan

lui-même, affectent vis-à-vis de leurs compatriotes un mépris qui

pourrait-être un mauvais exemple pour les agents des Puissances, se

servent capricieusement de l'armée impériale afin de ruiner les propres

sujets de S. M.I. et ne craignent pas, cependant, de voiler tous ces

maux sous la prétention d'un pouvoir absolu dont ils se disent les

représentants, tandis qu'ils perdent, ainsi, les restes de l'intégrité du

même empire.l'

De pareils procédés abaissèrent l'empire ottoman quand il était

à F apogée de sa puissance ;'il est donc impossible que leur

continuation le relève aujourd'hui. L'Europe voit avec peine cet état,

mais, comme chaque Puissance voudrait y remédier selon sa propre

a

politique la question d'Orient est devenue une source de difficultés

pour l'Europe elle-même.

i)~

Alors que faire – Si les hauts fonctionnaires ottomans ne

savent trouver en Orient des ~mnes en état de reconstituer l'intégrité

de l'empire sur des bases solides et durables, ils pourraient, sans

doute chercher en Europe des personnages capables d'une t~Ue

oeuvre avec loyauté. Mais, si leur politique ne veut admettre la

reconnaissance du Droit des gens, ni par le moyen des Orientaux, ni

par celui des Européens, n'est-on pas porté a voit là une preuve que

cette même politique', est nuisible à l'intégrité de l'empire a la

prospérité de l'Orient, et, comme consëqnence, à la tranquillité (le

l'Europe vis-à-vis de la brûlante question d'Orient? Et pourtant le

triomphe de S. M. I. le Sultan, le progrès de l'empire et le bien

général devraient, ce semble, paraitre préférables à de pauvres

intérêts particuliers!w

.{. "1 "fVo.V'

Maintenant qu'on me permette deux mots pour terminer. Depuis

le XP siècle, bien des expéditions se sont dirigées (le l'Europe vers

l'Orient, ou elles avaient des populations qui leur tondaient les bras.

Et cependant l'Europe n~a jamais sa tirer parti du concours possible,

a, cause des divergences politiques qui surgissaient bientôt entre les

Puissances. Et il en sera toujours ainsi l'avenir,. car le seul fondement

sur lequel on peut baser un accord des races diverses et un dévelop-

pement général de l'humanité est le Droit des gens, produit, comme

je l'ai dit plus haut, de la loi naturelle, que tout homme croyant

en Dieu est tenu de respecter, parce qu'il l'estime une oeuvre divine,

comme aussi celui même qï)i ne croit pas en Dieu, parce qu'elle

règle et harmonise les rapport sociaux.

Si nous étions assez heureux pour que les gouvernements vou-

lussent appeler tous les hommes !t connattre et à pratiquer cette loi

naturelle et ce Droit des gens~ les effets moraux de la loi et du Droit

s~ëchangeraient entre les nations comme les bienfaits de la lumière

entre le soleil et les astres répandus dans l'espace. Que 'si les cir-

constances où les gouvernements se trouvent places aujourd'hui ne

leur permettent pas une entente générale a cet égarf!, ils auraient,

ce me semble, tut grand intérêt à former, à. assister, à développer

une SociéM d'hommes de bien (1) qui, sans distinction de patrie ou

de langue, se consacreraient au soin d'éclairer, en Orient, les peuplessur la nécessite de retourner à la connaissance et à la pratique decette loi et de ce droit, gages assures de tout ordre, de toute morale

et de tout bien être sociaux. Le gouvernement de la Sublime Porte

surtout en retirerait des avantages considérables pour Fintegrité de

l'empire et pour la prospérité de l'Orient.

Enfin, je recommande ce projet, qui ne peut tromper personneet alarmer aucune autorite, aux hommes qui aiment la justice et

je serai' heureux de concourir avec eux a la réalisation d'un si noble

dessein.

S. I. le Sultan a toujours manifeste. une haute justice

j'espère que, suivant la même justice, S. A. le Grand-Vizir et

les hauts fonctionnaires actuels avec toute le monde ofSeiel appré-

cieront, selon l'élévation de leurs nobles sentiments les arguments

que je viens de développer.

(1) J ai l'MtehUonde puMiermû brochuresuas ce rapport.

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