Karim Benzema,Real Madrid FC

Maître de stage : Cheick Tidiane Atipo Diabaté

Sur les conseils de Didier Deschamps qui m'a trouvé bon pendant la Coupe du Monde 2014 au Brésil mais pas assez « tueur » devant les buts adverses, et en accord avec Carlo Ancelotti et l'ensemble du staff du Real Madrid, je suis allé passer 4 semaines en stage d'été au centre d’entraînement du FC Girondins de Bordeaux, au château du Haillan.

ZinédineZinédine Zidane, qui suit de près ma carrière madrilène, m'a convaincu de choisir ce club. Pourquoi ? Tout simplement car c'est là-bas qu'évolue un avant-centre de qui, selon Zinédine, je gagnerais beaucoup à m'inspirer : Cheick Diabaté.

J'avaisJ'avais vaguement entendu parler de lui, mais je ne connaissais pas très bien ce joueur avant de venir à Bordeaux. Alors, pour préparer un peu mon stage, j'ai visionné des vidéos de ses performances. L'une d'entre elles a particulièrement retenu mon attention : la finale de la Coupe de France 2013, que le FCGB a remporté 3-2 contre Evian. J'ai découvert un attaquant déroutant et diablement efficace. Il n'est pas très technique et semble maladroit. Mais quand il se retrouve face au gardien adverse, même si on a l'impression qu'il va tomber, il met la balle prpresque systématiquement au fond. Il dispose de toutes les qualités dont j'ai besoin pour devenir un vrai tueur !

Voilà pourquoi, j'ai choisi Bordeaux pour mon stage. Tout naturellement, j'ai demandé à Cheick Diabaté d'être mon maître de stage. Il a tout de suite accepté et je profite de la rédaction de ce rapport de stage pour l'en remercier vivement.

Pendant ces 4 semaines, il m'a appris à devenir un vrai buteur. Étant tous les deux fans de hip hop, nous avons trouvé un intitulé qui rime pour le thème de mon stage : « Comment la mettre au fond sans se poser de questions ? ». Je trouve qu'il synthétise parfaitement l'état d'esprit de Cheick Diabaté. Face aux cages, il ne réfléchit pas. Il est focalisé sur son objectif et ne s'en détourne pas. Peu importe la manière, il ne pense qu'à la mettre au fond. Et tant qu'il n'y parvient pas, il n'est pas satisfait. Même s'il marque plusieurs fois dans un match, il reste parfois mécontent.mécontent. Il lui faut toujours plus de buts. Il a faim et n'est jamais rassasié. Je pense que c'est ça qui distingue le véritable buteur d’un simple attaquant.

En 4 semaines, j'ai énormément appris à ses côtés. Il m'a initié à son art, si j'ose dire. La première semaine de mon stage était consacrée à l'observation. Je suivais Cheick du regard toute la journée à l'entraînement. L'objectif était de comprendre sa manière de se déplacer, d'étudier son placement, de saisir ses réactions et sa manière d’appréhender les situations décisives. Une période très instructive. A la fin de la semaine, j'ai pu me rendre compte de ce que cela donnait en situation réelle au cours d'un match amical. Il a joué une mi-temps, en pointe. CommeComme il est grand et bon de la tête, il est très efficace dans son jeu en pivot. Il remise pas mal de ballons sur ses milieux ou ses ailiers et se projette ensuite vers l'avant pour conclure. Et quand un centre lui revient ou qu'il reçoit une bonne passe en profondeur, il va jusqu'au bout de son action. Il n'essaie pas à tout prix de dribbler ou de marquer un but de fou. Il ne fait que ce qui est nécessaire. Lors de cette rencontre contre une équipe de Ligue 2, il a planté deux fois en 45 minutes. Ça c'est du rendement.

Dès la deuxième semaine, il a spécialement conçu une série d'exercices pour développer mon instinct de buteur. Pour l'un d'eux, il m'a bandé les yeux et demandé d'effectuer des séries de 10 frappes. Tant que je n'arrivais pas à en cadrer au moins 8, il m'obligeait à continuer. Ça été long, éprouvant autant physiquement que mentalement, mais j'y suis arrivé. Cet exercice m'a aidé à toujours savoir où est le but, même sans lever la tête.

J'aiJ'ai aussi beaucoup appris lorsqu'il m'a fait faire des contrôles, des reprises de volée et des conduites de balle dans la surface avec les lunettes qui simulent un état d'ébriété, comme celles utilisées par la Sécurité Routières sur les aires d'autoroute l'été. Cela m'a permis de comprendre que l'imperfection peut surprendre les défenseurs et qu'un dribble chaloupé en tombant peut parfois être plus efficace qu'un crochet court et rapide. Je me suis aussi rendu compte qu'il peut être plus simple de tromper un gardien en reprenant un ballon du nez, ou de lala cuisse, qu'en ajustant une parfaite reprise. « Seule la fin compte. Les moyens, tu les gardes pour impressionner les copains », m'a d'ailleurs répété Cheick à plusieurs reprises.

Je me suis perfectionné comme cela pendant une bonne vingtaine de jours, passant des heures à me déconditionner. Il fallait que je laisse tomber mon état d'esprit d'esthète, à toujours vouloir me distinguer par ma technique pour endosser le costume de buteur imperturbable sur lequel la pression n'a aucune prise. Cheick est dur mais juste. Il m'a permis de beaucoup progresser. De renouer avec les fondamentaux.

AA la fin du mois, il a estimé que j'étais fin prêt. L’Aigle de Bamako a en effet négocié avec le coach des Girondins, Willy Sagnol, afin que je joue un match amical de préparation estivale avec l'équipe afin de mettre en pratique mes compétences nouvellement acquises. Ça tombait bien puisque leur adversaire, ce jour là, était le Real Madrid ! J'ai donc pu montrer mes progrès à mes coéquipiers de la Maison Blanche.

QuandQuand ils ont vu mon nouveau style de jeu, au départ, ils se sont moqués de moi. Cela m'a un peu démoralisé je dois l’avouer. Cheick s'en est rendu compte et il est calmement venu me parler. Je me souviens encore très bien de ses mots : « ne t'inquiète pas. C'était pareil pour moi. Au début, tout le monde se foutait de ma gueule. C'est normal, ils ne comprennent pas. Maintenant tout le monde me respecte et me considère comme un grand attaquant. Ne pense pas aux autres et fonce Karim ! »

C'estC'est exactement ce que j'ai fait. Résultat : j'ai marqué 3 fois et Bordeaux l’a emporté 4-1. Je vous dis pas la tête de Sergio Ramos quand je l'ai éliminé d’un petit pont en glissant maladroitement sur le ballon dans la surface pour ensuite tromper le gardien en frappant à moitié dans la terre. Il n'avait jamais vu ça...

LesLes dirigeants madrilènes ont été séduits. Ils se sont empressés de me faire revenir en Espagne. Sauf qu'ils se sont servis de ma nouvelle compétence de buteur à toute épreuve pour me placer sur le marché des transferts. Il m'ont vendu au plus offrant - Newcastle, en l’occurrence - pour ensuite réinvestir l'argent du transfert et s'offrir... Cheick Diabaté !

Chienne de vie.