Kerviel Jerôme - L Engrenage

7/25/2019 Kerviel Jerme - L Engrenage

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Jrme

KERVIEL

L'engrenage

Mmoires d'un trader

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TMOIGNAGE

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Le nom propre d'un homme n'est p

comparable un manteau qui pend autour de lui

qu'on peut secouer et tirailler, mais bien un hab

qui va parfaitement, qui s'est dvelopp sur l

comme la peau et que l'on ne peut ni rafler corcher sans le blesser lui-mme.

GOETH

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ma formidable maman si forte et si aimante,

mon pre dont la mmoire ne me quitte jamais,

mes proches qui me soutiennent depuis le dbut,

tous les anonymes dont les mots souvent touchants m'ont

aid traverser cette preuve.

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Table des matires

PREMIRE PARTIE - La criseChapitre premier : Derniers instants avant la tempte

Chapitre 2 : Un milliard et demi, un bien pour un mal

Chapitre 3 : David contre Goliath

DEUXIME PARTIE - La tour

Chapitre 4 : Dans les coulisses d'une salle de march

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Chapitre 5 : Trader en titre

Chapitre 6 : En roue libre

TROISIME PARTIE - La justiceChapitre 7 : La garde vue

Chapitre 8 : La prison

Chapitre 9 : L'instruction

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PREMIERE PARTIE

La crise

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CHAPITRE PREMIER

Derniers instants

avant la tempte

24 dcembre 2007, 24 janvier 2008. Jamais jn'aurais pu imaginer que tout aille si vite. Un mois, joupour jour, a suffi pour passer de la douceur du coco

familial une tempte insense. Brutalement je suis sorde l'ombre pour me retrouver sous les projecteurmdiatiques; et tout aussi brutalement, la fragilit et le

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mensonges du monde de la finance ont clat au granour.

Je n'ai rien anticip, rien vu venir. Plong dans u

ravail qui dvorait tout mon temps, convaincu d'uvredans le seul intrt de la banque qui m'employait, j'tar de mes choix et de mes actes; la chute n'en fut qu

plus rude. Avant toute explication sur mon mtier, avan

de revenir sur mes pas et mes annes au sein de Socit Gnrale, il faut d'abord raconter ces trentours, tenter d'y voir plus clair sur les vnements qui on

failli me broyer, qui ont chang toute ma vie et le regarque je porte aujourd'hui sur le monde qui m'entoure.

Le lundi 24 dcembre 2007, en fin de journe, jprenais le train pour me rendre en Bretagne et passeNol et la fin de l'anne auprs de ma mre. Mon frrOlivier, sa femme et mon amie participaient au voyageDepuis des annes nous avions pris l'habitude de nouunir en famille dans la petite maison bretonn

L'humeur tait la fte. Pour mon frre et moi q

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ravaillions dans le milieu de la finance, ces quelqueours de vacances taient les bienvenus. L'ambiance ta

donc tranquille et heureuse; nous nous sentions soudpar le souvenir de mon pre, emport un an et demi plut l'ge de 71 ans.

La temprature tait frache, et des pluientermittentes jalonnrent notre sjour Pont-l'Abb

petite ville proche de Quimper. Mais rien n'aurait pntacher le plaisir que j'ai ressenti durant ces quelqueours. Au point que je n'ai pas souvenir d'avoir connu d

moments aussi sereins que ceux qui clturrent le mode dcembre de cette anne-l. Comment aurais-je p

maginer, sourire aux lvres au milieu de ceux que j'aimeque quelques jours plus tard allait s'abattre sur moi uorage dont, plus de deux ans aprs, je ne suis pancore sorti ? Loin d'annoncer une catastrophe, cett

priode marquait au contraire pour moi un moment dussite dans le cours de ma carrire.

C'est qu'un vnement prcis donnait ce rveillo

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un caractre exceptionnel. Outre le fait que je pouvagoter au plaisir d'un repos qui, fermeture des marchoblige, ne serait pas entrecoup de coups de tlphonprofessionnels de mes collgues et suprieurs ( quelposition je prends, est-ce que je dboucle, est-ce quattends , etc.), un sentiment de satisfaction momblait. Je m'tais acquitt de ma tche au-del doutes les esprances puisque j'avais fait gagner

banque des sommes considrables. A mon compteu'affichait en effet la somme de 1 milliard et demi d'eurour l'ensemble de l'anne coule. Du jamais vu dans lealles de marchs de la clbre tour de La Dfense o

rnaient les principaux services de la banque qm'employait depuis le dbut du mois d'aot 2000. Mque, trois ans plus tt, rien ne destinait de tellefonctions, j'avais ma grande surprise rejoint le cercrs ferm des traders. Je comptais aujourd'hui parm

eux auprs desquels les collgues cherchent les bonuyaux et dont ils tentent de saisir les stratgiegagnantes.

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Un tel chiffre revtait plusieurs significations. Noeulement il pulvrisait les objectifs pourtant levs qu

mes patrons m'avaient fixs, mais en plus, l o leautres traders de mon quipe ralisaient des profiannuels de l'ordre de 8 10 millions d'euros maximummon solde de gains avait grimp, au cours de la secondpartie de cette anne 2007, une somme plus de cefois suprieure. Un autre point ajoutait ma tranquillit

d'esprit: ce milliard et demi devait me mettre l'abri dealas futurs des marchs en constituant un matelas dcurit pour mes oprations venir. C'est pourquoavais voulu en transfrer la plus grosse part sur l'ann

uivante. Compte tenu des rsultats qui m'avaient tassigns en 2007, soit 10 millions d'euros annuels, milliard et demi ne reprsentait pas moins de ceninquante annes de rsultats... Un autre calcul m'avaaiss pantois: les seuls intrts annuels gnrs par d

els gains se montaient, au cours actuel du marchfinancier, prs de 70 millions d'euros... Je me voyaidonc face un capital dont les seuls revenus assureraien

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es objectifs financiers que pouvaient me fixer meuprieurs jusqu' la fin de ma carrire de trader!

Il ne s'agissait cependant que de rves : ces mme

objectifs ne cessaient d'voluer la hausse, puisqu'iavaient cr de plus de 1 700 % en l'espace de trois an

passant de 3 millions en 2005 55 millions en 2008 t ce alors que, paralllement, mon primtre d'activit

avait t fortement rduit. En somme, plus je rapporta la banque, plus celle-ci me fixait des performanceleves. D'autre part, je n'ignorais pas qu'aucun

projection comptable ne rsiste aux mouvements demarchs et que mon mtier ne consiste pas mettre d

argent de ct en attente des temps plus difficileN'empche, dfaut de certitude sur l'avenir, un gaaussi considrable prouvait que mon audace, ajoutaux comptences qu'on me prtait, portait ses fruits. E

mme si je n'avais pas une mentalit de boursicoteuconome, l'ide que mon rsultat constituait un filet dcurit pour la priode venir m'apportait un

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ensation de confort.

Mais pour cela, encore fallait-il reporter la plugrosse partie de cette somme sur l'anne 2008. Une tell

opration n'a rien d'exceptionnel. Elle est connue danes salles de marchs sous la formule parlante de misous le tapis, ou, de faon plus lapidaire en reprenane mot anglais, de carpet; elle consiste dissimule

du rsultat pour le ressortir plus tard, quand on en aurbesoin. D'ailleurs mon responsable direct n'y avait pafait obstacle, mme si, lors de nos brefs changes, n'avait jamais t question du montant exact de lomme implique; une pratique habituelle entre trade

t responsables, un code tacite fait de silences et dbrves allusions qui entourent les grosses oprationonnues de tous mais que personne ne mentionnlairement. Je me souviens d'une discussion avec un

esponsable du contrle financier au sujet d'un trader qdissimulait le rsultat de son quipe, et qui s'amusait da perptuelle rponse des collgues qui se faisaien

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flasher sur ce type de pratiques: C'est parce qu'ost du genre conservateur... Conservateur en effe

puisqu'il s'agissait bel et bien de conserver pour l'annuivante - ft-ce par le biais de saisies fictives dans ystme informatique - une partie du rsultat.

La vrit propos de mes rsultats relevait du secrde polichinelle puisque la somme, qui correspondait

des gains bien rels et engrangs par la banquapparaissait en trsorerie et en comptabilit. Compenspar une contrepartie dans un systme informatique aurai l'occasion de revenir plus tard sur le dtail doutes ces oprations -, ce fameux milliard et dem

xistait donc rellement dans les critures comptables ur les comptes bancaires de la Socit Gnrale. Eependant, malgr son normit, la somme n'avait pauscit plus de questions particulires que les autre

dpassements dont, tout au long de l'anne 2007, j'avafini par prendre l'habitude. Comment aurais-je pm'inquiter? Aucun de mes responsables ne formulait d

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emontrance, ni a fortiori ne me mettait en garde sur leisques que mes pratiques faisaient courir la banqu

Autour des liberts que mes collgues et moi prenionavec les plafonds d'engagement autoriss rgnait donun complet mutisme, une loi jamais dite du pas vu, papris . Celle-ci n'empchait pas en revanche leflicitations que nos chefs nous adressaient lorsque legains s'accumulaient : Alors, la cash machine,

aisse ? (Comprenez : a gagne ? ). A quoi jpondais de faon tout aussi image : a laisse

Terre. (Comprenez: a gagne normment.). Obien cet autre compliment, encore plus imag: Bravo

u as t une bonne gagneuse aujourd'hui

... Cettformule au got douteux, combien de fois l'ai-jntendue de la bouche de mes responsables direcorsque la lecture quotidienne des gains les comblad'aise ! Mais jamais, en revanche, le moindre mot d

mise en garde, de rappel au rglement, de manifestatiomme lgre de crainte face aux risques que nouprenions. C'est que, dans une salle de marchs,

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modus operandi idal tient en une phrase : savoprendre le maximum de risques pour faire gagner banque le maximum d'argent. Au nom d'une telle rglees principes les plus lmentaires de prudence ne psen

pas lourd. Au sein de la grande orgie bancaire, leraders ont donc juste droit la mme considration qu

n'importe quelle prostitue de base : la reconnaissancapide que la recette du jour a t bonne. Une bonn

gagneuse : le terme ne me choquait mme plus, tantait intense le plaisir de rapporter toujours plus

banque.

Pour toutes ces raisons, j'avais donc atteint en cett

fin d'anne un tat d'esprit particulirement zen. J'avahonor mon contrat au-del de toute prvision. Bien savais pris des positions plus fortes que les encour

habituels. Mais sanctionne-t-on un trader qui a gagn

milliard et demi ? Un trader qui, de surcrot, tad'autant moins en passe de ngocier un bonus exorbitanque ses gains officiellement dclars, ceux qui allaien

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bientt s'inscrire la clture de l'exercice 2007, ne smontaient, si je puis dire, qu' 55 millions d'euros, plude cinq fois mon objectif tout de mme. A tout point dvue, ma conscience tait tranquille. J'avais servi au mieues intrts de la banque sans prendre en considratio

mes intrts personnels. Car n'en dplaise ceux ququelques jours plus tard, me couvriraient de boue, je n'amais gure eu qu'une passion dans la vie: mon mtie

Au point d'en payer le prix jusque dans ma vpersonnelle. Mais cela est une autre histoire...

C'est donc repos et dtendu que je suis rentr

Paris le mardi 1erjanvier pour reprendre le travail ds mercredi matin. J'avais hte de retrouver la tour de LDfense et les collgues de travail, en particulier les deuautres traders affects au mme type de produits qumoi et qui, au fil du temps, taient devenus des amis

Ouachel Meskine et Taoulfik Zizi, qui travaillaient sur lmme desk que moi. J'tais surtout heureux de renoueavec les habitudes de mon mtier. Le rituel ta

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dsormais bien rd. Chaque matin j'arrivais au sige da Socit Gnrale aux environs de 7 heure, pou

prendre connaissance de l'volution des marchasiatiques et suivre le cours de certains produits sur lmarch amricain qui avait cltur la nuit d'avanEnsuite je vrifiais dans la presse conomique et sunternet qu'aucun vnement marquant n'affectait leocits que je suivais. Ma vritable journe de trava

ommenait alors. Quelques minutes me suffisaient pouentrer les diffrents paramtres de cotation dans logiciel de trading que nous appelons l' automate, qui est l'outil informatique de base du trader; dvelopp

n interne par la banque, il lui permet tout au long de ourne d'envoyer automatiquement des ordres d'acht de vente selon certains critres, dans les limite

dfinies par les responsables de trading. L'automate fadonc la fois office d'instrument de travail et de premie

niveau de contrle. Cette tape s'achevait par l'exameattentif des tendances des marchs europens telles ques dgagent les premires cotations avant l'ouvertur

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aquelle intervient 9 heures. A compter de ce moment, mon activit consistait coter pendant des heures le

produits dont j'avais la charge, l'achat comme vente, en suivant l'volution du march seconde paeconde. C'est un travail qui exige rapidit, vigilance activit; les qualits de base du bon trader.

Les conditions dans lesquelles j'exerais mon mtie

me facilitaient la tche. Chacun a en tte les images dealles de marchs dont le cinma nous abreuve ; il gne un brouhaha si intense que le spectateur s

demande comment il est possible de travailler dans cettagitation. Cette image correspond une ralit partielle

e l'avais moi-mme connue dans les dbuts de moactivit de trading. Je travaillais alors au 6me tage da tour, dans un vaste open space o s'alignaient deanges de bureaux couverts d'ordinateurs. Yeux riv

ur leurs crans et micros au bord des lvres, les traderpassent leurs journes communiquer avec leurorrespondants tout en envoyant des ordres sur l

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march. L'ambiance sonore atteint de tels niveaux epar moments, l'hystrie est si forte qu'il est quasimenmpossible de suivre les conversations des voisins leplus proches. La raison en est que ces traders, qpassent des ordres d'achat et de vente sur les marchont souvent en relation constante avec de nombreuse

personnes. Mais parmi les traders, il y en a dont mtier consiste vendre de gros investisseurs ce

produits financiers mis par la banque qu'on appel warrants (qui ne sont autres que des options d'achou de vente, j'y reviendrai). Ceux-l, qu'on appelle le traders-clients , n'ont pas grand-chose voir ave

image classique du trader qui investit les fonds de banque ; ils se sentent d'ailleurs perdus dans unatmosphre aussi lectrique. Je faisais partie de cgroupe restreint de professionnels plutt atypiques.

Mais dbut 2007, le dpartement des produifinanciers drivs auquel j'appartenais s'est dveloppau point qu'il a fallu le dmnager un tage plus hau

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dans une nouvelle salle cre pour l'occasion. Celle-pouvait accueillir une centaine de personnes, pour plupart des traders-propritaires qui pilotent deoprations d'investissement avec les fonds de la banqupar diffrence avec mon propre mtier de traderlient, en relation, je l'ai dit, non avec des particulier

mais avec des investisseurs institutionnels. Comme prcdente salle, elle formait un vaste open space ave

des bureaux munis de ranges d'crans et aux murs euxmmes couverts d'crans, mais il y rgnait un silencquasi complet. Une anecdote significative : le jour onous avons inaugur la nouvelle salle, le calme tait

nhabituel que j'ai rat l'ouverture du march! J'avaellement pris l'habitude que l'horloge parlante utilis

par les traders autour de moi graine les secondes avane quatrime top que je ne prtais mme plus attention a pendule. Ces dtails ont leur importance. Autour d

moi l'ordre et le calme rgnaient un point tel quhacun entendait tout, savait en permanence ce qu

faisait le voisin.

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Outre le silence de la salle o je passais meournes, d'autres facteurs, lis la disposition de

personnes, rendent absurde la thse de prtendueoprations secrtes que la direction de la SocitGnrale a tente par la suite d'imposer la justice et opinion. La petite quipe de huit traders laquellappartenais sigeait une table, nos crans tant plac

moins d'un mtre les uns des autres. Le responsab

direct, celui qu'on nomme le n+1 , ric Cordellravaillait environ deux mtres de mon propre post

g de 36 ans, mari, pre de famille, polytechnicienoujours vtu d'un strict costume et d'une chemis

blanche, c'tait un homme srieux qui n'affichait pamoins de treize annes d'exprience dans la finance dmarch. Il avait commenc sa carrire au contrle deisques, dans l'quipe en charge de mesurer les niveau

d'exposition des traders, puis il avait pass huit ans dan

e dpartement auquel j'appartenais, dont quatre commesponsable d'une quipe d'ingnierie financire

Tokyo. Son principal rle consistait en 2007 faire l

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eporting quotidien des oprations, c'est--dire validees volumes traits et nos rsultats et les assortir d'uommentaire quand les sommes engages excdaienertains seuils. Les commentaires en question taienoujours succincts, sinon fantaisistes, du style opration cours de trading - phrase, on le voit, insuffisammenlaire - ou spiel, qui signifie jeu en allemand (c'e

ainsi qu'on dsigne une opration de pure spculation

es remarques n'expliquant gure comment le rsultat t dgag et grce quelle stratgie. Le reportin

passait ensuite a ses suprieurs, au nombre desquels n+2, Martial Rouyre, lui aussi ancien lve d'un

grande cole d'ingnieur, 37 ans et de nombreuseannes d'exprience de trader en salle de marchapparence tout aussi austre qu'Eric, bien qu'autorist le jean et l'absence de cravate le vendreelon la mode anglo-saxonne. Il chapeautait tro

quipes de traders qui travaillaient tous dans le mmprimtre, et son poste de travail se trouvait quatre oinq mtres de notre table. Son rle consistait

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ffectuer un contrle plus large. Eric se limitait donc auaspects purement techniques, tandis que Martial prenan compte un autre paramtre, celui du risque gnr

par nos oprations.

Quoi qu'il en soit, aucun de ces deux responsables nm'a jamais fait observer que j'tais en dpassement oque les rsultats annoncs posaient problme. A

ontraire, tous deux se montraient enchants quaneux-ci tombaient. Quant aux pertes, elles taienvisibles clans de nombreux systmes informatiquemme si personne ne semblait s'en soucier. Commbeaucoup de mes collgues, j'avais le moyen de le

dissimuler facilement dans l'attente des rsultats positiur lesquels je misais; ce qui, jusqu'au mois de janvie

2008, s'est toujours produit. En trois ans, je n'avaamais dboucl une position dbouchant sur une perte

En dehors des demandes que je formulais auprd'eux ou des informations que je leur transmettais, j'avapeu de contacts verbaux avec Eric Cordelle et Marti

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Rouyre. Ils allaient plus souvent s'entretenir avec meollgues qu'avec moi. Souhaitaient-ils ne pas troreuser mon travail et mes mthodes ? La seuemarque qui m'ait jamais t rapporte, c'est la ractio

d'ric Cordelle : Jrme fait plein de pognon ; il vfalloir industrialiser sa stratgie l'anne prochaine.

Et c'est ainsi que, au fil de l'anne 2007, je m'ta

nstall dans des situations fausses sur lesquellepersonne ne se risquait attirer mon attention; rsultaobligent! En fait, je m'en suis rendu compte par la suite faisais cette poque preuve d'une navet

dsarmante. J'tais convaincu qu'il suffisait de faire so

mtier en allant au bout de soi-mme et sans en tired'autre profit que la satisfaction de faire au mieux. Luite m'a prouv que j'aurais d avoir plus de mesur

dans mes actes autant que dans mes enthousiasme

Mais j'prouvais alors un plaisir d'autant plus intense quout le monde m'encourageait. A plusieurs repriseependant, et ce ds le mois d'avril 2007, me

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uprieurs hirarchiques avaient t alerts par leervices de contrle de la prsence d'oprations fictiveur mon primtre, mais eux-mmes ne m'avaient jama

mis en demeure d'arrter ces pratiques ni n'taient venume poser la moindre question.

Mon cas ne taisait pas exception la rgle non critdes salles de marchs. Aucun trader ne mnageait s

peine. C'est tout juste si nous nous autorisions une odeux lois par demi-journe une courte pause-caf oigarette en bas de la tour avant de retourner nocrans d'ordinateur. Le midi, rarement de djeuner. Uandwich htivement croqu dans la salle suffisait. Et l

ourne se poursuivait ainsi, au gr du travail et demotions qui l'accompagnaient. Je n'tais pas le dernie

manifester bruyamment ma joie en cas de gamportant, ni non plus me dfouler en cas de perte;

ouris de mon ordinateur, que je tapais alorageusement sur le bureau, en fit plus d'une fois la trisxprience!

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Une dizaine d'heures aprs le commencement de ourne, la clture du march parisien, 17 h 30, n'e

marquait pas la fin ; les produits drivs dont nouavions la charge suivent les horaires du march neworkais. Il s'agissait donc de poursuivre nos cotations e

after market , ce qui faisait de nous les plus groravailleurs des salles de marchs, ceux qui leournes de treize ou quinze heures ne rpugnaient pa

Les autres traders fermaient leurs crans partir de 1heures pour les premiers, vers 20 heures pour lmajorit. Pour ma part, le plus souvent, je poursuivamon travail jusque vers 22 heures, lorsque Wall Stree

'achemine vers la clture. Je rejoignais alors un ou deuollgues dans un de nos bars favoris situ au pied de lour pour dcompresser, un verre de bire en main

avant de partir prendre un rapide dner ailleurs.

trange moment de dcompression, en vrit ; noune parlions gure d'autre chose que de notre travail, deours de nos produits, de l'tat des marchs, nou

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changions des anecdotes sur la tle de l'un, les gains dautre, et repassions ensemble les vnements d'unourne vcue au rythme frntique des clics de souris

des sommes faramineuses engages dans nos diffrenteoprations. Chacun de nous tait en quelque sortdevenu une excroissance de la Socit Gnrale. Noune vivions que par elle et pour elle, au point d'accepteans mme nous en rendre compte que notre vie priv

oit envahie par sa toute-puissance. Mme loin de our de La Dfense, en vacances ou en week-end'tait comme si un fil invisible continuait de nou

attacher elle ; une sorte de cordon ombilical, de lie

organique qui la fois nous maintenait dans son gironnous nourrissait et nous protgeait.

Je rentrais rarement chez moi, Neuilly, avant minuou 1 heure. Je m'croulais alors sur mon lit, mort d

fatigue, pour une courte nuit de cinq heures. Ds heures, je me prparais tout en suivant d'un il attenes premires nouvelles des marchs attrapes sur LC

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ou sur l'cran de mon tlphone portable. Puis je mprcipitais dans le mtro pour rejoindre le quartier de LDfense.

J'allais de plus en plus rarement voir ma mre eBretagne. O aurais-je trouv le temps et le courage dprendre le train pour un voyage de cinq heures ? Jvoyais peu mon propre frre, dont j'tais pourtan

proche et qui habitait Paris. Mes priorits ne passaienplus par la sphre familiale. J'entretenais sans m'eendre compte le pire des amalgames : vies prive

professionnelle avaient totalement fusionn. Toute moxistence tait dsormais construite autour de la Socit

Gnrale. Autre constat affligeant qu'il me fallut des mopour accepter: bien des gens que je prenais pour meamis n'en taient pas, mme si je leur consacrabeaucoup de mon temps et de mon attention. Dura

ette priode encore plus qu'auparavant, les problmedes autres m'ont toujours retenu, peut-tre poum'loigner des miens propres. Ce souci altruist

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m'absorbait entirement, comme un dsir d'tre utile, dme rapprocher d'eux, de rester leur coute pour tentede les soutenir dans les preuves qu'ils traversaient. Montourage immdiat en ptissait. Mon amie elle-mm

que j'avais connue la Socit Gnrale, et laquelm'attachaient des liens affectifs trs forts, passait aecond plan. Nous ne vivions pas ensemble, la fo

parce que nous n'en tions qu'aux dbuts de notr

elation et parce que je voulais disposer du maximum demps pour travailler et voir ces mmes amis. Je npercevais pas quel point j'tais alin dans l'ensembde ma personne, et jusque dans ma vie affective.

I l y avait bien longtemps que, lasss d'horaires dravail dmentiels qui ne me permettaient mme plus dpondre aux messages enregistrs sur mon rpondeu

mes amis de jeunesse ou d'tudes s'taient loigns. J'e

avais peine conscience ; c'est que d'autres amis pluproches de moi et de mes proccupations avaienemplac les prcdents, des amis dont je partageais le

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horaires, les joies et les peines, et jusqu' ce langagtrange fait de raccourcis amricains qui rgne dans le

milieux financiers: bull, bear, yours, mine, fat finger.Tout au long de soires sans fin et de week-endmonotones nous ressassions ainsi les heures passedans l'antre de la Socit Gnrale. J'avais abandonnes sports auxquels, pendant des annes, je m'ta

adonn avec bonheur, le judo, le jogging. Je fumais d

plus en plus, dormais de moins en moins, m'alimentan'importe comment, et tentais vaguement, le week-endde rcuprer de la fatigue accumule au fil des jours. Ehaque lundi, je retrouvais le rythme infernal de la sall

de marchs.C'est seulement lorsque je me suis retrouv dans

ourmente que j'ai compris combien mes prioritavaient t vaines. J'avais fait de mauvais arbitrage

humains, donn trop de temps des gens qui n'evalaient pas la peine, et pas assez mes vritableproches. J'ai alors compris que, comme tous les autre

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raders, j'tais devenu un tre priv d'identit propre, unumro parmi d'autres au milieu de la foule qui grouilladans le quartier de La Dfense comme dans les couloirde la Socit Gnrale. Il m'a donc fallu bien du temppour comprendre ce qu'tait devenue ma situatiopersonnelle cette poque ; je n'y suis gure parvenque dans le silence de ma cellule, quelques semaineplus tard. La banque nous avait si bien convaincus de s

oute-puissance qu'elle n'avait mme plus besoin devenir la charge, de nous rappeler au respect d'u

quelconque rglement ou de nous remonter les bretellen cas de ngligence. La hirarchie tait l pour nou

aider et nous encourager, de faon paternaliste eonfiante, mais pas pour nous contraindre; nous nous ehargions trs bien nous-mmes. Chacun avait faiennes les exigences du travail, jusqu' l'ivresse, jusquaddiction. Et si aucun syndicaliste ne parvenait

franchir une salle de marchs pour y sensibiliser aespect d'un embryon de droit du travail, ce n'est pa

parce que ses chefs les en empchaient; les traders

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eurs assistants s'en chargeaient eux-mmes, convaincuque la loi du march ne devait pas rgner dans la seulvie conomique, mais aussi jusque dans les rapporociaux. La drglementation tait devenue notre loi ous, et pas seulement celle de l'conomie mondiale ; fallait nous laisser travailler beaucoup plus pour fairgagner beaucoup plus la banque. Et puis, qui sait? Snous parvenions coter, vendre et acheter tout le temp

peut-tre atteindrions-nous des niveaux de rsultancore plus faramineux. C'est ce prix que le systm

pouvait avancer; mais c'est galement ce mme prque chacun d'entre nous, aussi aveugle soi qu'esclav

de la banque, croyait pouvoir se raliser. Oui, la formultait bien trouve: nous tions tous devenus de bonnegagneuses, et nous aimions notre enfer.

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CHAPITRE 2

Un milliard et demi,

un bien pour un mal

Janvier 2008 a dbut par le redmarrage normal deactivits. Au mercredi de mon retour de conguccdrent d'autres journes que rythmait le trava

ordinaire de trading dans une salle de marchs. Et puivers la mi-janvier, j'ai senti poindre une sourd

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nquitude. L'anne 2007, durant laquelle mes chotaient rests constants, m'avait dj fait connatre deueurs froides et des remises en question : durant plu

d'un trimestre de lourdes pertes latentes s'taienaccumules sur mon book, que j'avais dissimules dane systme informatique du front office, avant que march ne se retourne jusqu' enregistrer des gains reonsidrables. Mais en ce dbut de nouvelle ann

pour la premire fois depuis que je travaillais commrader, une nouvelle analyse m'avait conduit miser suune hausse des marchs.

Outre mes calculs, trois raisons principale

xpliquaient cette position. Dune part j'tais convaincque, lace la crise financire qui commenait frappees banques centrales et les gouvernements n'allaient paarder ragir en injectant massivement des liquidit

dans l'conomie, ce qui redonnerait confiance aumarchs. J'appuyais mon hypothse sur un prcdenhistorique clbre, celui de la crise financire asiatiqu

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de 1998; les conomies avaient fini par repartir grce un apport massif de capitaux. D'autre part, il est dnotorit que le mois de janvier est traditionnellemenhaussier, et cela cause de la politique des grands fondd'investissement. Pour nettoyer leurs bilans, ils vendenn effet traditionnellement beaucoup en dcembre. Ma

ds que la nouvelle anne arrive, leur politique de rachire le march vers le haut. Je m'attendais donc de

ebonds importants. C'est d'ailleurs ce qui s'est produimais terme plus lointain que ce que j'avais subodorEnfin, le stratgiste star de la Socit Gnrale, AlaiBokobza, avait rdig en dbut d'anne une note plut

optimiste dans laquelle il annonait: Nous ne sommepas priori la veille d'un grand krach boursier

Dans l'immdiat, cependant, la baisse s'amplifiaiChaque jour, j'enregistrais de nouvelles pertes latente

esquelles entamaient srieusement les sommengranges la fin de 2007. Face cette situation, uneule attitude s'imposait : garder mon calme, patiente

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dans l'attente d'un retournement de conjoncture.

Autre chose me proccupait. Toujours la mm

priode, celle de la mi-janvier, je commenai sentir gne des contrleurs financiers. Autour de moirculaient des rumeurs, je saisissais mi-mots deonversations embarrasses dont on ne mommuniquait pas la teneur. J'appris bientt de l

bouche du responsable du contrle financier que mosultat de l'an pass posait problme ; mais qu'o'employait en haut lieu lui trouver une solution. Jombai des nues. Quel problme pouvait bien engendre

un gain de 1 milliard et demi? Mais au fil des jours des questions qui commenaient m'tre poses, jompris que c'tait moins le gain par lui- mme qmbarrassait la banque que la manire dont je l'ava

mis sous le tapis. Malgr tout, je gardais confiancDans son principe, sinon dans son montant, l'opratione diffrait pas de celles que je pratiquais depuis l

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dbut de l'anne 2007 et dont mes managers avaiengulirement t informs. cette poque ils s'taienchang des mails, dont j'avais parfois eu connaissanc

afin de mettre en place des solutions pour les problmeposs par les dpassements d'encours et ncessitandonc une criture de dissimulation, les miens commeux de mes collgues. Ils avaient toujours trouv ponse adquate, la plupart du temps sans mme m'e

parler. Par exemple, en juillet 2007, cinq oprationfictives avaient gnr elles seules un rsultat de 79millions d'euros... Le chiffre parat assez improbable ur cinq oprations j'avais donc dpass le rsult

rimestriel de toute la banque - mais fut bel et bien traitpar les services comptents sans plus d'investigationalors mme que ces services s'tonnaient des montanngags; ou encore, deux mois plus tt, sept opration

fictives sur des produits financiers avaient t identifie

par le contrleur

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financier pour un montant en nominal de presque milliards d'euros. Remontant lors des arrtomptables, ces critures, qui mettaient en jeu deommes considrables, avaient caus quelques souc

avant d'tre purement et simplement annules par le

ervices concerns sans qu'aucune question ne me sopose. Pis, si j'en juge au mail qui en est restopration fut rgulirement reconduite...

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Ces annulations n'taient pas de mon faiContrairement ce qui a t dit ensuite dans les mdiae n'ai jamais usurp l'identifiant informatique d'une autr

personne, pas plus que je n'ai eu la possibilit d'opredes actions dans des systmes de comptabilit ou draitement des oprations (back-office). Mon seul tortomme de nombreux collgues, mais je l'admets dan

des proportions probablement plus importantes - biequ'aprs tout personne ne soit jamais all y voir de trprs -, avoir insr des donnes fausses dans uystme pour lequel la Socit Gnrale nous ava

donn les droits et donc, ncessairement, le loisir de faire, comme le reconnatront plusieurs personnes lorde l'instruction. aucun moment je ne me suis introdudans les systmes de comptabilit ou du back-officpour supprimer ou insrer des donnes. Je ralisais de

ransactions parfaitement autorises, dont j'avais le tode dissimuler le risque en saisissant dans mon proprystme les oprations inverses avec des contrepartie

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fictives. Ces dernires oprations se dversaient alorautomatiquement dans le systme de contrle, o elleestaient non traites dans l'attente de l'identification da contrepartie. l'issue d'une certaine priode, pouvan

aller jusqu' plus de trois semaines, elles taient annuleautomatiquement, sans demande d'explication par lenstances de contrle.

Mais cette fois-ci, la situation ne paraissait plus ausimple. J'appris bientt que les services comptablepeinaient trouver la solution au problme. C'est aison pour laquelle je sentais l'inquitude monter parm

mes responsables. J'en eus rapidement confirmation lor

d'changes informels avec certains de mes responsabledirects. Les comptes annuels de la banque tant arrtau 31 dcembre, les transactions atypiques que j'avaaisies pour transfrer du rsultat d'une anne sur l'autr

dsquilibraient un ratio dcisif connu dans les milieubancaires sous le nom de son crateur, Cooke. Celui-mpose aux banques de dtenir des fonds propres a

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moins gaux 8 % de leur encours de risque. Son butmaintenir un volant de liquidit afin de protger lbanque contre un ventuel dfaut de ses contrepartieOr ce ratio est rendu public, soumis aux commissaireaux comptes et aux instances de surveillance de l'taD'o l'affolement des services de contrle comptable...

vrai dire je n'avais qu'une connaissance vague d

es mcanismes et de leur incidence. Au moment de llture de l'exercice 2007, la fin dcembre, j'avadonc agi selon mes habitudes. Sauf qu'en janvier 2008,devenait impossible de rattraper le coup la semainuivante... Les services de la banque se trouvaient don

oincs dans un dilemme : ou bien faire apparatre danes rsultats le gain de 1 milliard et demi, avec lefcheuses incidences fiscales que cela entranerait, obien le reporter sur l'exercice suivant, ce qui aura

omme effet de mettre en vidence un ratio Cooknacceptable au regard de la rglementation prudentiellPour un organisme financier dont la constant

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proccupation est de gagner le maximum d'argent toun restant le plus discret possible, cette sommonstituait donc un lment doublement drangeant.

Mon malaise s'augmenta bientt d'un autre. Par un des concours de circonstances malheureux qransforment la vie d'un trader en cauchemar, meraintes taient en train de se concrtiser: les position

que j'avais prises sur le march devenaient au fil deours de plus en plus mauvaises. J'en arrivai mme nvisager le pire des scnarios possible : mes gains dan pass allaient tre anantis par mes pertes actuellei je devais dboucler mes positions dans l'urgence. Et j

ne disposais plus d'aucune marge de manuvre. Caherchant rattraper la situation, j'avais pris des risque

de plus en plus levs en engageant sur le march depositions normes pour un total de 50 milliards d'euro

une somme que je n'avais jusqu'alors jamais atteint'avais beau avoir calcul que, compte tenu des rservedont je disposais, un tel engagement me plaait e

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dessous de pertes possibles, je me retrouvais dans ituation de l'quilibriste qui avance sur un fil tendu au

dessus de l'abme : le moindre faux pas, le plus petvnement imprvu, et je risquais la catastrophe. Jenouerais alors avec ces puisantes phases de stres

que je ne connaissais que trop, l'il riv sur mon crapour faire du rsultat tout prix parce que je ndisposais plus d'aucune rserve.

Il fallait prendre mon mal en patience tout en maisonnant. J'tais convaincu que, par un rebonechnique, les cours allaient remonter en fvrier - ce q

d'ailleurs s'est rvl exact dans la deuxime quinzain

de fvrier, mais cette poque mes positions avaient tdboucles la hte par mon successeur. La situatioaurait-elle abouti la mme catastrophe si on m'avamaintenu aux manettes? Il est toujours facile de refair

e match qui a t perdu par d'autres ; je me garderdonc de jongler avec les diffrentes hypothses.

Durant ces jours o je sentais la tension monte

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autour de moi, une question lancinante ne cessait dm'agiter. Alors mme que j'tais harcel de questions propos de mes gains antrieurs, quelle incidence mepertes potentielles actuelles pouvaient-elles avoir sueurs inquitudes ? Je l'ignorais. Pour qui sait lire deistings de chiffres, la rponse ne faisait pourtant aucudoute. Chaque jour, mes oprations fictives donnaienieu un pilotage des risques et des rsultats dans c

que nous appelons la base tampon , o le servicddi cette tche a pour but de suivre et de vrifieesdites oprations en cours. Ce service avait donc ponstater dans cette base la prsence de 50 milliard

d'euros d'engagement face une contrepartie inconnude la banque et qui gnrait une perte de prs dmilliard d'euros. Reste que j'ignorais jusqu' quel niveade hirarchie ces rsultats taient diffuss. Et commpersonne ne me renseignait sur ce point, j'avanais de

xplications avec le sentiment pnible de ne pas savode quel type d'information disposaient exactement menterlocuteurs. La situation devenait hautement dlicate

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e ne me contentais plus d'avancer sur un fil, ubrouillard de plus en plus pais m'environnait de touts.

Le jeudi 17 janvier, ses contours se prcisrenbrutalement. Ds le matin j'eus connaissance de runionntre les responsables du contrle financier de la salle es services comptables pour trouver une issue a

problme ; mais je n'en savais pas plus. Puis, dans loire, sa demande, j'ai rencontr le responsable dontrle financier, un homme d'une quarantain

d'annes, dynamique, l'expertise avre, auquexpliquai que ce milliard et demi, je le devais u

ntermdiaire renseign dans la transaction, et ce depudeux mois : la somme ne correspondait pas un gainmais une dette extrieure. Au demeurant je nmentionnai pas l'identit de cet intermdiaire. Cet

annonce d'un dbit suprieur 1 milliard, face unconnu, le tout en pleine crise financire, aurait d ltupfier, mais il ne me posa pas d'autres questions e

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malgr une gne perceptible, il m'assura qu'il alla trouver une solution. C'est ce moment que, de sbouche, j'entendis parler pour la premire fois du ratCooke, et du problme que les contrleurs financierencontraient cause de mon rsultat de fin 2007. Sur l

moment, j'eus du mal comprendre ce que cherchaienes mmes employs auxquels j'avais eu affaire depuis l

dbut de l'anne 2007 et qui, chaque fois, avaien

ouvert mes oprations sans sourciller. Le responsablm'expliqua alors: le ratio de solvabilit, l'explosion qugnrait l'criture, etc. Je comprenais bien le problmMais pour moi, il relevait d'une simple technique d

aisie des donnes, et rien de plus. Si seule l'criturdans le systme posait question, il suffisait de changer nature de la transaction de sorte qu'elle n'impacte plus latio Cooke, et tout serait rtabli.

Pour le reste, je conservai la mme attitude d'espritavais beau dployer des trsors d'imagination, je nvoyais pas quel reproche on pouvait adresser

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quelqu'un qui avait fait gagner 1 milliard et demi somployeur... Oui, mais ce n'est pas si simple que a

me lana un des contrleurs avec un hochement de ttmbarrass. J'appris que le service se trouvait confront

un autre problme, lui aussi d'ordre technique, et dona logique m'chappait. Au lieu de compenser les ordre

d'achat et de vente pour tablir le niveau du risque, leontrleurs considraient dans ce cas que l'expositio

tait gale la somme des oprations; ce qui, bien sdonnait d'emble au risque une ampleumpressionnante. Si quelqu'un me doit une somme d00 et que je lui dois en retour 80, le risque est de 18

t non de 20... Cela peut sembler curieux, mais c'eainsi. Seules importent aux yeux des contrleurs levaleurs absolues des transactions engages, sans tenompte de l'effet de compensation qui limite, voir

annule, le risque.

Aux explications que me donna le responsable, jompris alors que les contrleurs devaient rectifier d

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nombreuses critures ; c'tait une oprationvisageable, sauf que nous nous trouvions quelqueours des arrts comptables et que la situatioommenait se tendre - surtout compte tenu dnormit des sommes engages et de la manire dalculer le risque telle que je viens de l'exposer. E

outre, les rumeurs autour du mystrieux milliard et demtaient remontes trop haut dans la hirarchie de

maison pour pouvoir dsormais tre touffes.

Pour complter un tableau dj bien sombre, j'apprors de cette mme journe une autre nouvelle q

n'arrangeait pas mon dossier : les commissaires au

omptes devaient dbarquer ds le lundi suivant banque. Comme au mois d'avril 2007, lors de dtection des premires oprations fictives par leervices de contrle, ces derniers semblaient presss d

gler le problme pour qu'il ne soit pas soumis approbation des commissaires aux comptes. L'affairtait devenue trop grosse, et on s'en souciait trop tard

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Qui allait tre le dernier tenir la patate chaude entre semains ? Car le risque devenait majeur pour leesponsables de la Socit Gnrale: via cette anomalomptable et le dsquilibre du ratio Cooke, un coin d

voile risquait d'tre lev sur l'ensemble dfonctionnement de la plus prestigieuse des salles dmarchs de la Socit Gnrale. Le risque n'tait pamince. Comment ragiraient mdias, banquiers

gouvernants face l'opinion ds lors que celle-dcouvrirait ce que beaucoup savaient mais feignaienoigneusement d'ignorer: que le roi tait nu?

Le lendemain, vendredi, la temprature monta encor

de plusieurs degrs. J'tais peine arriv dans la sallqu'il me fallut subir un nouvel entretien avec un deesponsables du ple d'activit qui, lui, s'occupait de

aspects fiscaux. Je m'en tins la mme ligne de dfens

ui rptant que j'avais contrebalanc les critures degains par d'autres engagements auprs d'unontrepartie dont l'identit tait en cours d

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enseignement dans la base tampon. Le silencmbarrass de mon interlocuteur m'indiqua suffisammen

quel point une telle rponse ne le satisfaisait paComment, du reste, l'aurait-elle pu ? Ces crituretaient fictives - on verra plus loin que mes responsablen avaient t informs - et j'imaginais sans peine le

doutes des grands patrons devant une situation qu'iemblaient dcouvrir - moins qu'ils n'aient jamais vou

a connatre...

Ensuite, on m'ignora. Je retournai mon cran et mon travail habituel. Mais toute la journe, j'euonnaissance de runions entre responsables de plus e

plus importants, depuis mon n+2, Martial Rouyrusqu'au n+6, Luc Franois, le patron des salles d

marchs, qui ne m'avait jamais adress la parole. Au fdes heures, ces rencontres sur lesquelles personne n

me fournissait d'information me plongrent dans unnquitude grandissante. En dbut d'aprs-midi, MartiRouyre m'interrogea sur un ton cassant. Il voula

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avoir, selon ses propres termes, ce que cachait cruc . Le plus trange tait ce jeu de dupes. Meesponsables n'taient-ils pas au courant de la situatio

au moins depuis le mois d'avril prcdent, date laquelon suprieur et lui avaient reu coup sur coup deu

mails de la comptabilit et du contrle financier leundiquant que j'avais saisi des oprations fictives qdgageaient un rsultat, lui aussi fictif, de 94 million

d'euros? Que signifiait toute cette mise en scne? Lon monta rapidement entre nous ; lui me posant unquestion dont il connaissait la rponse, moi lui rpondanpar une esquive dont il n'ignorait pas la fausset... D

plus, la veille, je lui avais parl, ainsi qu' ric Cordelldu problme rencontr par les contrleurs financiers suertaines de mes oprations et de leur impact sur le rati

Cooke. Or, la nature mme de mon mtier rendait lcnario improbable : jtais suppos interven

principalement sur les marchs organiss, et non sur lemarchs de gr gr qui gnrent plus de risques drdit.

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Sur ce, un responsable des services fiscaux, djencontr le matin, revint me voir et me demanda dupprimer le nom de la contrepartie, le courtier Baadet de le remplacer par la formule en attente . Jompris sans peine que quelqu'un, dans la banque, avaontact le courtier pour s'assurer qu'il traitait bien ave

moi. Devant sa rponse ngative, on me demandadter son nom afin d'viter toute fuite via la maiso

Baader. En somme, on noyait l'criture dans l'anonymaien de plus ; le principe de la dissimulation demeurantier, et se trouvait mme cautionn par la dcision qu

venait d'tre prise.

La journe se poursuivit en runions auxquelles je nfus pas convi et je pus me consacrer sans autre inciden mon activit de trading; activit au demeurant de plun plus difficile car, sur le march, la baisse continuai

Mais cette ambiance de mystre autour de moi devenansupportable. C'est pourquoi, en fin de journe, je prmon courage deux mains et m'enquis auprs d'r

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Cordelle des vnements du jour. Il se montra apaisante pouvais partir l'esprit tranquille en week-end car l

problme tait en voie d'tre rsolu. Je trouvai oudainet de cette affirmation plutt bizarre, et tent

d'en savoir plus. J'allai voir mes deux autres suprieurMartial Rouyre et mon n + 3, Philippe Baboulin. Ils monfirmrent que certaines oprations posaient problm

la hirarchie, mais m'informrent d'une bonne nouvelle

e patron de la salle, Luc Franois, venait d'annonceque les procdures de contrle se limiteraient un audnterne visant certaines oprations - entendez, celles quavais entres la fin de 2007 afin de transfrer u

sultat de 1 milliard et demi d'euros sur l'anne suivantTout le monde semblait soulag. Si l'inspection gnralestait en dehors de l'affaire, c'est que l'incendie tairconscrit. Il suffirait de trouver une solution pouxpliquer les positions prises et annuler ou corriger le

critures selon les directives des auditeurs. L'allairerait traite en interne. La salle ne verrait pas des typextrieurs au service fouiller dans les systmes de saisi

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t de contrle des oprations, levant ainsi tous les livrepossibles.

Cette nouvelle m'ta un poids. J'ignorais la solutio

que les techniciens apporteraient au problme, maaprs ce que venaient de me dire mes responsabletais sr qu'ils sauraient trouver la plus adquate. Ce

donc d'un cur allg que je descendis rejoindr

quelques collgues au bar Le Renaissance, juste en bade la tour.

L'atmosphre tait dtendue, on en avait fini avec ravail de la semaine, le week-end se profilait. Nou

changemes les habituelles anecdotes sur la journe es projets pour les heures venir. Certains des prsent

avaient assist aux allers et retours des managers duranoute la journe et me rptrent que je ne devais pa

m'inquiter. Et puis jtais content de leur annoncer qumon amie et moi partions ds le lendemain matin passee week-end Deauville pour fter mon anniversairNous avons trinqu cette bonne nouvelle.

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C'est ce moment-l que mon portable a sonnMartial Rouyre m'informait que Jean-Pierre Mustier epersonne exigeait qu'on appelle le courtier de ontrepartie pour s'assurer de la vracit de mocriture - le fameux cabinet de courtage Baader. J

blmis. En une seconde, j'eus le sentiment pnible d'treparti la case dpart, et que tout ce qu'on m'ava

garanti deux heures plus tt tait ruin par cette nouvell

demande. Jean-Pierre Mustier n'tait autre que le granpatron de la banque de financement et d'investissemene chef de tous les traders, le bras droit du prsiden

Daniel Bouton. Je n'avais jamais eu le moindre conta

avec lui. Mais le fait qu'il prenne personnellement l'affairn mains signifiait que celle-ci tait monte jusqu' ltratosphre et que les patrons de la banque en avaien

dsormais connaissance. Est-ce que tu as le contaavec Baader? me demanda Martial. Je lui rpondi

voix blanche : Bien sr que non. Et tu le sais trbien. La gne de Martial tait aussi palpable que lmienne. Un silence, puis : On va essayer de s

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dmerder, ne t'inquite pas. Bon week-end.

Je raccrochai sans un mot. Pourquoi meesponsables directs avaient-ils laiss l'affaire grimpe

usqu'en haut de la tour, l'tage des grands pontes Quels nouveaux vnements leur avaient fait perdre leurmoyens, et dans un dlai aussi court ? Autant dquestions sans rponses. De prcieuses heures s'taien

coules dans la recherche vaine d'touffer l'allairusqu' ce qu'un grand chef, sans doute Jean- PierrMustier, juge que celle-ci tait devenue trop grosseMme si je voulais encore me convaincre que meuprieurs directs me couvriraient, tout cela commena

sentir mauvais. L'air de Deauville ne serait pas de tropour me purifier de cette atmosphre.

Pour autant, mes ennuis ne se limitaient pas amilliard et demi de fin 2007. Toute la journe j'avais puivre sur mon cran la forte baisse du march. Leffets de la crise des subprimes commenaient sommuniquer aux organismes financiers europen

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Cette chute n'arrangeait pas mes positions, djmauvaises. Ce vendredi soir, la situation devenait mmritique. Non seulement mes pertes avaient effac me

gains antrieurs, mais elles avaient creus un dficit donapparemment personne ne se souciait. Ajoute amatraquage de questions dont j'avais t l'objet depudeux jours et l'inquitude qui montait autour de moi, lhute boursire m'affectait durement - les march

avaient perdu 6 7 % en quinze jours, autant dire qu'umini-krach avait bel et bien eu lieu. Je n'avais donc gurde motif de rjouissance en perspective, sauf ce weeknd en amoureux prvu de longue date pour fter mo

anniversaire. J'avais eu 31 ans le 11 janvier.A ce moment, j'ignorais une srie d'vnement

dcisifs qui, au cours de ce mme vendredi, avaontribu accrotre le malaise des dirigeants de

Socit Gnrale - et donc noircir encore un peu plumon dossier. Face la tempte boursire qui s'annonat aux lourdes incertitudes qui planaient sur le nivea

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d'engagement des banques franaises, Christian Noyee gouverneur de la Banque de France, avait exig que

bilan de toutes les banques soit dpos sur son bureads le lundi matin. Un vent de panique s'tait alormpar des milieux bancaires, et le march ava

poursuivi la baisse. Les professionnels apprhendaienn effet des rvlations dramatiques dans les compte

des confrres. Notamment, une rumeur courait depu

plusieurs jours selon laquelle la Socit Gnrale auraperdu plus de 5 milliards d'euros sur les produits drivde crdit. J'ai galement appris par la suite que, deuours plus tard, en plein secret du dimanche donc,

onseil d'administration de la banque s'tait runi eurgence pour examiner la demande de Christian Noyet valider les pices qui devaient tre remises endemain la Banque de France.

Mon milliard et demi et les critures de dissimulatioqui l'accompagnaient se trouvrent ainsi pris au cud'une tornade qui ne faisait que se lever. Si j'avais e

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onnaissance de tels vnements, le souci de JeanPierre Mustier serait devenu plus clair : le directeuvoulait tout prix s'assurer de l'existence de cettomme cause des perles enregistres sur leubprimes; redoutait-il l'amalgame que pourrait faire

Banque de France, ou bien avait-il l'ide de compenseune partie des pertes par le gain d'un milliard et demque j'avais gnr?

Je ne pus profiter de Deauville en hiver. Lemprature avait beau tre douce pour la saison, c'e

une srie de douches glaces qui s'est abattue sur moout au long de la journe. Elle a commenc ds

matin. peine arriv dans un petit htel 1cart dDeauville, je reus vers 11 heures un coup de tlphonde Martial Rouyre. Il me demandait de lui indiquer lemots de passe de mon PC, car Jean-Pierre Mustie

voulait confirmer les informations concernant ontrepartie. Surpris par une telle demande et nouvears inquiet de ce qui se tramait Paris, je fournis me

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odes.

Une heure aprs, nouvel appel de Martial. Je ne puui rpondre car le rseau tait trs mauvais et lui lana

Je te rappelle, je rentre l'htel, donne-moi un numro te joindre. De retour l'htel quelques minutes pluard, j'appelai Martial qui m'indiqua qu'il me mettait eonfrence call avec des suprieurs auxquels je n'ava

amais parl. Pour la nime fois, il fut question de ontrepartie. Je ne savais pas qui j'avais affairavanai en aveugle et sentis mes interlocuteurs tr

dubitatifs: comment un petit trader comme moi pouvail souscrire une dette de 1 milliard et demi, et avec qui

Mais une autre question devait les obsder : leesponsables de niveau intermdiaire avaient-ils pouvrir une opration aussi norme et si oui, commente continuais avancer sur le fil. Mes aveux ventue

allaient prcipiter tout le monde dans le mme gouffre oe risquais moi-mme de sombrer. On nageait en pleiparadoxe : ou bien je disais la vrit, et j'avais don

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ontract une dette d'un montant inou auprs d'uorganisme que personne ne parvenait identifier depudeux mois, ou bien je dissimulais, et j'avais ralis ugain considrable!

Deux facteurs amplifiaient encore mon troublCompte tenu des pertes que je subissais sur le marcht qu' cette heure certains hauts responsable

emblaient ignorer, je subodorais qu'il tait dsormarop tard pour rintgrer en criture mes gainantrieurs. Un responsable me l'avait d'ailleurs laissntendre mi- mots : gagner 1 milliard et demi pour leperdre vingt jours plus tard... en dehors du milieu de l

finance, qui comprendrait pareil jeu de yo-yo? Et puie qui m'intimidait, c'tait d'avoir rpondre des genrs levs dans la hirarchie, dont certains passaien

pour tre des killers , et que je ne connaissais pa

Leurs ractions, en cas de ppin, pouvaient devenviolentes. Plus l'affaire grossissait, plus elle m'chappain actes comme en mots. Le tutoiement, les sourires

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e climat de complicit amicale qui rgnent dans les sallede marchs n'y changeaient rien; les hauts responsablet les traders de base n'voluent pas dans le mm

monde. Si j'avais pu en douter, la scheresse de lformule qui vint clore ce deuxime entretien m'auraclair : Merci pour tes explications. On se rappell

bientt, me lana Martial Rouyre.

Je n'ai pas eu attendre longtemps. Nous nouapprtions partir djeuner lorsque mon portable sonn nouveau. C'tait encore Martial Rouyre. Ma battertant quasiment plat, je ne pourrais suivre le seconchange avec les responsables qu'il m'annonait. Je l

proposai donc de rentrer l'htel d'o je le l'appelleraaussitt. Mais peine avais-je raccroch que monnerie retentit une nouvelle fois. Cette fois-ci, c'tait l

patron de la salle de marchs en personne qui tait a

bout du fil. L'change n'eut pas le temps de mettre mbatterie plat; il ne dura que deux phrases. L'opratiode contrepartie n'tait pas confirme; j'avais donc ment

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Oui, pour dissimuler le gain, eus-je peine le tempde prciser, avant de m'entendre intimer l'ordre dejoindre immdiatement Paris. Nous sommes eonfrence avec tous les managers de la salle, tu viens

plus vite possible. Je rentrai l'htel rcuprer meaffaires pour prendre le premier train destination dParis. Mon week-end de dtente tait en train de vireau cauchemar.

Dans le train du retour, je passai en revue toutes lehypothses, et la peur commena m'envahir. Avidence, les patrons de la Socit Gnrale n

parvenaient pas croire que j'avais dissimul un gain

ls continuaient chercher o tait la perte en facL'opration promettait d'tre dlicate et n'tait paxempte de risques de sanction, car les dpassemennormes dont j'avais pris l'habitude surgiraient en plein

umire. Mais de faon trange, je n'allai pas jusqu' mposer la question de mon licenciement. Peu peu, force d'analyser les laits avec toute l'objectivit don

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tais capable, je retrouvai mme un minimum donfiance. Il serait toujours temps de voir comment s

drouleraient les futures conversations. Un autre lmenontribuait me rassurer : les nombreuses information

que mes suprieurs recevaient depuis des mois leavaient alerts de la prsence d'oprations fictives sumes portefeuilles de trading. Pour n'importe quellpersonne familire des activits de marchs, la finalit d

elles oprations tait limpide, et l'importance dengagements ne faisait pas mystre. En dfinitive, tout c

que j'avais fait avait t rendu possible grce unforme de complicit par laisser-faire.

Nous arrivmes la gare Saint-Lazare en fin d'aprsmidi. La nuit commenait tomber. Je passai un coude tlphone mon frre pour lui demander de prendroin de mon amie, dont l'inquitude n'avait cess d

grandir depuis notre dpart pour ce week-enompltement rat. Je m'en voulais normment dgcher ce temps deux qu'elle avait prpar dans l

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plus grande discrtion pour me faire une surprise. Malle prfrait rentrer chez elle et m'attendre. Nous nouommes donc quitts, tous deux assez tendus malgr le

apaisements que je lui prodiguais et la dcontraction quaffectais. La vrit est que je n'en menais pas large.

Il tait aux environs de 18 heure quand je pntrdans la tour de la Socit Gnrale. Entre-temp

Martial Rouyre m'avait nouveau appel, comme svoulait s'assurer que j'tais bien sur la route. Il vind'ailleurs me chercher en bas de la tour, accompagn dpatron de la salle de marchs en personne, LuFranois. Un tel comit d'accueil donnait la mesure d

e qui m'attendait. Le temps des conversations feutrederrire mon dos tait fini. On allait clairement vers dexplications en face face, et sans doute affrontement.

Aussitt rentr dans la salle de marchs, j'aperuune dizaine de personnes regroupes dans la pnombrau fond, sans parvenir distinguer de qui il s'agissait

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ans doute des responsables de la banque dont j'ignoradentit et fonction. On me fit aussitt entrer dans unpetite salle de runion vitre qui se trouve au milieu dvaste open space. et un long interrogatoire commenPierre-Yves Morlat, le patron du ple Arbitrage, MartiRouyre et Luc Franois se relayaient pour me harcelede questions sur les oprations que j'avais menes, meechniques de dissimulation des rsultats, l'identit d

mes contreparties, etc. J'avais l'impression de plonger aur d'une intrigue policire, tant les techniquemployes par mes interlocuteurs ressemblaient celle

du Quai des Orfvres telles qu'on peut les vivre dans le

films. Soufflant tour tour le chaud et le froid, lomplicit et la fermet, la gentillesse et la menacptant les mmes questions sous une autre forme pou

voir si j'allais me contredire dans mes rponses, imenrent le bal avec professionnalisme. Ce qu

ignorais alors, et que j'apprendrai lors de mon auditio la Brigade financire, c'est que notre conversation tanon seulement suivie mot mot par le groupe mass

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dans le fond de la salle, qui lcoutait sur oreillettes, manregistre pour garder la preuve de ce que j'avanais.

Sans me dmonter, j'exposai ma stratgie. Je pris

parti Martial Rouyre, qui affirmait n'tre au courant dien. C'est un peu fort. Tu ne me disais rien, mais tavais tout ce que je faisais! Sur ce, il sortit, sans u

mot, et je me retrouvai seul face Luc Franois.

poursuivit le mme interrogatoire pendant des heureparfois relay par d'autres personnes, dont Jean-PierrMustier, notre patron, l'exemple type du cadre dirigeande la haute finance, g de 48 ans, brillante carrire, oon directeur de cabinet, Slawomir Krupa. Je ne cess

de leur rpter que j'avais en effet dboucl 1 milliard demi d'euros au bnfice de la banque en dcembrque cette somme lui appartenait donc bel et bien. Elapparaissait d'ailleurs dans sa trsorerie. Mais face ce

affirmations ritres, mes interlocuteurs persistaient roire qu'il existait une perte ailleurs, et ils voulaient out prix la dcouvrir. Les changes devinrent de plus e

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plus vifs. A un moment, Jean- Pierre Mustier, qui avaadopt le ton de l'interrogatoire de type garde vue efaisant alterner menaces et confidences, m'avoua quavait lui-mme fait une grosse connerie sur leubprimes; je n'aurais donc pas rougir d'une erreuommise, cela arrivait tout le monde. Ma rponse n

varia pas, mme si mon propre ton montait: Non, jn'ai rien fait, sauf vous faire gagner 1 milliard et dem

merde!

L'interrogatoire prenait un tour de plus en plus dur. Jme sentais puis. Je ne comprenais rien ce qui spassait et ne me privais pas de le dire. Mais qu'est-c

que vous cherchez? Tout est sur la table, et depuis deheures. Alors? Une ide commenait cheminer emoi : s'ils voulaient me licencier, qu'ils le fassent, maqu'on en finisse avec cette comdie. Je n'en pouva

plus. Je demandai aller aux toilettes. Jean-PierrMustier, soudain trs paternel, m'accompagna. J'eualors la surprise de l'entendre me demander de ne pa

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faire de connerie car, ajouta-t-il en une confidencmmorable, j'ai besoin de toi pour avancer dans cettnqute. Je le rassurais; loin de moi l'ide de fair

une connerie. Comme pour mieux m'aider tenir mpromesse, je vis alors surgir une dame qui se prsentomme mdecin du travail. Elle me demanda commene me sentais; trs bien, merci pour sa sollicitude. San

doute craignaient-ils en haut lieu que je ne commett

irrparable - quelques mois plus tt un collgue d'uautre service s'tait donn la mort dans deirconstances similaires. Je n'en avais pourtant paintention, mme si j'tais de plus en plus convaincu qu

e risquais le licenciement immdiat. Mais j'en avaassez de leur mange. Toutes ces questions rptees accusations sans preuve, cette sollicitude soudaine

Nous regagnmes tous deux la salle de runion. Et lequestions reprirent.

C'est plus tard, alors que la soire tait dj travance, que j'ai compris la principale raison d'un t

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acharnement. Jean-Pierre Mustier lui-mme me mit dana confidence. Il m'annona qu'il devait, ds le lendemaundi, annoncer une grosse perte de la banque sur leubprimes, ce qui aurait un effet dsastreux sur

march financier en gnral et le cours de la SociGnrale en particulier. Il m'indiqua ce sujet qu'uonseil d'administration devait se tenir le dimanche danaprs-midi. Alors tu comprends que, dans ce

onditions, ton ventuel gain de 1 milliard et demi prenune sacre saveur... Il revint encore la charge : oavais-je dissimul ma perte? Je m'acharnai lui rptequ'il ny avait pas de perte, et que ce qui avait t

dissimul, c'tait le gain lui-mme. D'ailleurs il suffisait dontrler sur mon compte les appels de margellement pays et reus sur le march ; il apparatraout de suite que cet argent existait bel et bien. Ce

appels de marge offrent, en effet, une traabilit idal

Sur un march terme, le compte de marge debanques est en effet quotidiennement crdit ou dbitdes gains et pertes latents. Ce compte est nominatif, d

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orte que son examen permet de remonter jusqu'aompte affect chaque trader.

Il semble que ma suggestion ait enfin ouvert de

pistes mes interlocuteurs. Vrifications faites, ils dureeconnatre qu'il n'y avait pas de perte, ce que j

m'chinais leur rpter depuis vingt-quatre heureMais la consquence, c'est que les responsable

ecomposrent mes oprations sur toute l'anndcouvrant alors l'normit des positions que j'avaprises ; sans toutefois m'en faire plus remarque oeproche que mes suprieurs directs eux-mmes navaient fait au fil des mois.

L'ambiance se dtendit d'un coup. Tout sembladsormais clair, les doutes avaient disparu, on ne mharcelait plus de questions. pisode surraliste: surgit uhomme aux anges, Luc Franois, le patron de la salle dmarchs, celui qui pendant des heures avait dout dmes dclarations. C'est l'histoire la plus extraordinairque j'ai jamais entendue, s'exclama- t-il ; planquer u

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gain de 1 milliard et demi... Du jamais vu ! Pour upeu, il aurait dbouch le champagne. L'pisode lut suid'une squence tout aussi irrelle : mes suprieurs smirent me questionner sur mes stratgies de tradingallant mme jusqu' me demander de leur montrer undi suivant comment je pratiquais. Je leur donnai moaccord avec un mlange de satisfaction et de stupeur. Lgrand coupable devenait d'un coup charg de l

formation des responsables de salles de marchs... Toue monde semblait soulag. Le comble: quelqu'un, je nme rappelle plus qui, parla mme de monter montention un fonds l'intrieur du dpartement, ce q

permettrait de crer une structure pour dvelopper mtratgie ! Le type harcel de questions pendant deheures devenait le hros de la soire...

Mais j'tais loin de toutes ces rjouissances ; je n

entais mme plus le poids de la fatigue et n'avais qu'unhte : aller dormir. Au moment de partir, Jean-PierrMustier en rabattit tout de mme sur l'euphor

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ambiante. Il m'indiqua que ce serait dlicat de me garden salle, mais, sur un ton paternaliste, tint prciser: Su as gagn 1,4 milliard, ce sera difficile que tu continuede travailler la Socit Gnrale, mais tu pourras allebosser dans un fonds et gagner du bl. Si tu as vraimengagn 1,4 milliard, c'est que tu es vachement bon, que ts un trs bon trader. Il y en a de temps en temps. Il fau

que tu te mettes a en tte et que ce que tu as fait, c'e

pas grave, c'est emmerdant, mais c'est pas grave. Il fauque tu sois tranquille avec toi-mme Puis il enchanur la question que j'aurais voulu ne pas entendre: Di

moi, en 2008, tu n'as pas repris de positions tro

fortes?

Ma rponse allusive

: Si, un peu

, parut dgriser d'un coup. La seconde question tomba comm

un couperet : Tu peux revenir demain? Je ne pris paa peine de rpondre. Le rpit avait t de courte dur

nouveau, les mchoires de la banque se refermaien

ur moi.

Je signai la dcharge de responsabilit qu'exigeait l

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femme mdecin et quittai la tour, puis, vers 3 heure dmatin, pour rejoindre mon amie. Je souponnais que cqui m'attendait quelques heures plus tard ne serait pafacile. Je repassais le film de ces dernires heures danma tte. Tous les reportings d'oprations taient bel bien visibles dans la base tampon... Comment pouvaion prtendre ignorer ce qui se passait sur mon compte Dcidment, je n'en avais pas fini avec les mystres d

e que savaient mais de ce que voulaient ignorer meuprieurs.

Lorsque je retrouvais la salle de marchs vers dheures, le dimanche, il n'y rgnait plus l'ambiance qua

uphorique que javais connue quelques heures plus tDs les premiers instants je saisis que mon heure dgloire de la nuit dernire avait t brve. J'avais beau mbercer d'illusions ce matin dans le mtro qui m

onduisait La Dfense, me rpter que mes suprieufocalisaient sur l'anne 2007 et ne s'occupaient pas d2008, j'avais du mal m'en convaincre. Sans me l

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formuler clairement, tandis que je m'acheminais vers ige de la Socit Gnrale, je craignais d'essuyer un

douche froide. Je ne me trompais pas. Aprs modpart, cette nuit, les responsables n'avaient pas dmettre longtemps dcouvrir que mes gains de 200taient d'ores et dj effacs par mes pertes latentes d

2008, et que le milliard et demi qui les mettait tant eoie s'tait envol. Tu as perdu tout ce que tu ava

gagn, mon gars... , me lana aussitt ChristophMiann, un des patrons de la salle des marchs, sur uon d'amiti complice dont ce milieu raffole jusque danes pires moments. Et me voil reparti, durant prs d

deux heures, dans de nouvelles explications qui portaienette fois sur mes positions actuelles, la stratgie quavais adopte, mes espoirs que le march setournerait dans les jours ou les semaines venir. Mae sentais que la cause tait entendue. J'avais encore plu

xplos les plafonds que l'an pass. Ds lors tout talair. Puisqu'il tait tacitement convenu que meesponsables directs ne sauraient tre souponns d

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m'avoir couvert dans la mesure o ils ignoraient tout dmes oprations, les patrons de la Socit Gnrale npouvaient que me sacrifier sur l'autel de la purebancaire. Luc Franois me signifia mon sort avenettet : Tu ne reviens pas lundi, tu ne rentres eontact avec aucun de tes collgues, mais tu resteoignable. Les patrons quittrent alors la salle, eilence. Martial Rouyre rentra dans la salle et m

demanda, dpit : Qu'est-ce que tu vas fairmaintenant? Je lui rpondis que je n'en savais rien, quavais le cerveau vide, que je ne comprenais pas ce qe passait. Il hocha la tte en silence. Pour lui non plu

heure n'tait pas la victoire. Sa ligne de dfense - Jne savais pas, je n'tais pas au courant, donc je n'ai rieouvert - ne pouvait le mettre l'abri. Il me lcha, su

un ton teint : Moi non plus, je ne sais pas. Il sdoutait dj que son temps tait compt.

Car lui comme les autres responsables se retrouvaienau cur d'une contradiction dont ils allaient avoir bien d

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mal sortir. Comment faire bonne figure ds lors qufaut choisir entre l'aveu d'incomptence et celui domplicit ? Une seule issue au problme, quonnaissent toutes les institutions humaines, depuis le

plus mafieuses jusqu'aux plus respectables: procder agrand mnage pour effacer toute trace d'un passdrangeant. Quelques mois plus tard, Martial et meautres suprieurs paieraient leur silence d'u

icenciement. Les trois traders de mon quipe seraienux aussi remercis. Quant aux responsables directs, i

disparatraient de l'organigramme, renvoys ou dplacn douceur, avec le moins de bruit possible. Lu

Franois, le patron de la salle de marchs, dmissionn, celui du service de l'arbitrage aussi ; sandoute sont-ils partis avant d'tre pousss la portMais tous ont retrouv des postes importants. dfaude pouvoir revendiquer haut et fort l'efficacit de se

ontrles internes, la Socit Gnrale a donc su laguees branches malades avec discrtion, efficacit maurtout avec une gnrosit qui me stupfia. Tout e

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tant licencis pour faute professionnelle, les uns et leautres ont empoch des sommes plus que rondelettes...

Le temps tait dsormais bien loin o le prsiden

Daniel Bouton, lors d'un chat internet avec les salaridu groupe, en fvrier 2006, pouvait affirmer sur un toans appel : L'inspection Gnrale est la colonn

vertbrale de la rigueur, de l'organisation et des valeur

Si elle n'existait pas, j'essaierais de la crer. Espronque, pour l'efficacit des services bancaires autant qupour le respect de la morale, il s'est depuis lors employ une si noble tche.

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CHAPITRE 3

David contre Goliath

Je quittai la tour sans un mot, press d'aller rejoindrmon amie que je savais dans les affres de l'inquitudAujourd'hui, lorsque je tente de retrouver mon t

d'esprit lors des heures qui ont suivi ces momendcisifs, mes souvenirs ne laissent pas de me surprendrBizarrement, ce dimanche midi, je ne me faisais pas tro

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de souci sur mon sort. J'tais devenu persona non grat la Socit Gnrale, mais je conservais en moi lemmes certitudes. Au total, il ne pouvait rien marrivede trs grave. J'avais sans conteste commis des erreuroutrepass les encours habituels, saisi de faussenformations dans un systme pour masquer aussi biedes gains que des pertes en un mot : j'avais jou avec lfeu, pouss le systme au bout du bout jusqu' le fair

mploser. Mais que se passait-il autour de moi ? Lalit tenait en une phrase : mes collgues agissaienomme moi, et la hirarchie le savait. Les n+1, n+2

n+3 ainsi que les employs en charge des contrle

onnaissaient mes positions et les couvraient. En outrls ne pouvaient ignorer que j'avais en vue le seul intrde la banque et que je n'avais poursuivi aucun intrpersonnel. Comment, dans ces conditions, pouvais-jdouter que la vrit finirait par voir le jour ? Sans dout

allais-je faire les frais de l'opration, car il est bien connque lorsque la tempte souffle les employs sont pluxposs que les chefs. Et puis aprs ? Qui, la Socit

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Gnrale, oserait rvler l'opinion publique le dessoudes cartes, la gigantesque tricherie dans laquelle svautrent les salles de marchs du monde entier et qveut que, pour obtenir de bons rsultats, tous les coupont permis ? Qui oserait la fois se jeter dans la gueul

du loup des organismes boursiers de contrle, de Bercyde la Banque de France, et affronter une rprobatiopublique universelle ? Le systme marchait sur la tte, e

e n'tait pas un maillon perdu dans l'ensemble d'unongue chane qui en tait responsable. Mais la loi dmilieu bancaire est simple : celui qui gagne a toujouraison et on l'entoure de mille soins, celui qui perd

oujours tort et on le lche.Tandis que je rentrais chez mon amie, bras ballant

te confuse, puis par ces longues heured'explications infructueuses et cette impression d'tr

onstamment pass durant ces deux jours du chaud afroid, un souvenir me revint en mmoire. C'tait quatrmois plus tt, en septembre 2007. Un collgue m'ava

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onfi que l'un de mes responsables tait, de son propraveu, parfaitement au courant de mes mthodes dravail ; jusqu'au jour, avait-il ajout, o il y aurait ugros ppin, et o l, il ne serait plus au courant de quoque ce soit. Sur le moment, je n'avais pas prt attentio la discrte mise en garde que mon collgue avait tenu me faire passer. Comment l'aurais-je pu ? Toutes meoprations, alors, taient profitables ; je me croya

nvulnrable - et d'ailleurs je l'tais, puisque je faisagagner de l'argent la banque. Mais en ce dimanchnoir ce souvenir revint me tarauder et, une fois encore pestai contre ma navet. Je parvins tout de mme

me ressaisir. Les preuves crites d'une compltonnaissance des faits par mes suprieurs taiennombreuses et parlaient d'elles-mmes ; qui oseraprtendre ne pas avoir su ? Je me souviens notammend'une rflexion lance par Christophe Miann aux autre

dirigeants durant le week-end : On va avoir du mal xpliquer qu'on a pay de tels appels de marge pendan

un an. La crainte de ce haut cadre de la banque ta

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ustifie. Mme si mes juges d'instruction devaient pluard balayer ce point d'un revers de la main, les chiffreont l : la Socit Gnrale avait dcaiss et encaiss

prs de 30 milliards d'euros, uniquement en appels dmarge, en l'espace d'un an sur le seul compte SF58attribu ... Jrme Kerviel. Telle est la raison pouaquelle, pendant longtemps, lors de mon instruction, j'efus de mettre d'autres personnes en difficult. Le

lments crits parlaient d'eux-mmes. On verra que cne fut pas ainsi que les choses se droulrent. Noeulement la Socit Gnrale varia de nombreuses fo

dans sa version des faits, ce qui aurait d pour le moin

ntriguer les juges d'instruction, mais ces derniers nprirent en compte aucune des pices qui prouvaient bien-fond de mes dires.

En ce sinistre dimanche, mon principal suj

d'inquitude ne rsidait pas encore l. Je pensais auourdes positions que j'avais prises sur le march, lrise que celui-ci traversait, aux pertes latentes qui, jou

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aprs jour, ne cessaient de crotre. Or, comme tourader, j'avais le vif sentiment que mon bood'oprations m'appartenait, et je ne voulais pas que mehefs repassent le bb n'importe qui. S'ajoute ce

que, confidentialit oblige, je ne pouvais voir personnxpliquer mes positions, la stratgie qui avait prsid

mes engagements, le calendrier de d bouclage quavais en tte... Tout cela se mit tourner, e

brusquement je revins sur terre. J'avais pris des risquexcessifs, mes positions taient trop fortes, et j'ava

d'autant plus succomb la griserie des chiffres et passion de mon mtier qu'aucun garde-fou n'tait ven

me freiner dans mon mouvement.Aprs une conversation que j'ai voulue la plu

assurante possible avec mon amie, nous partmeejoindre mon frre et son pouse pour prendre un verr

dans le quartier de l'Opra. Tous trois s'inquitaient dmon sort, sur lequel je ne laissais planer aucun douteauf rebondissement imprvu, ma carrire la Socit

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Gnrale avait dj pris fin ; c'est du moins ce qu'om'avait signifi officieusement. Il ne me restait quattendre la suite, la lettre recommande, l'entretieformel, les modalits de mon licenciement. Peut-trallaient-ils se souvenir de leurs promesses de la veille me trouver une place dans un service extrieur lbanque ? Je verrais bien. Un collgue m'appela, inquiepour prendre de mes nouvelles. Depuis jeudi dernier, le

umeurs me concernant allaient bon train. Je restai d'unotale discrtion sur les deux jours couls comme su

ma mise pied. Il n'en demanda pas plus. Ce qm'arrangea. Moins j'aurais de contact avec des gens d

a Socit Gnrale, moins j'encourrais de reproches da part de ses dirigeants. Qui sait ? Il restait peut-trncore quelque chose sauver. Et puis que se passerail si le march remontait lundi matin et que mes positiondevenaient gagnantes ? Toutes les hypothses taient su

a table.

Ensuite nous sommes rentrs, et ce fut le sas d

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dcompression qui suit les moments intenses ; la fatigua tendance vouloir revivre les heures coules, 'interroger sur les erreurs commises, la duplicit de

questions... Je finis par mendormir, puis. Javaimpression que je n'avais pas ferm l'il depuis de

nuits.

Le lundi matin, nouveau choc. Le march parisie

ouvrit en trs forte baisse et le CAC 40 chuta en courde sance jusqu' clturer - 6%. Pour une raisonconnue, un vent de panique parti d'Asie sommuniquait aux places europennes. Rsultat : seloexpression consacre entre traders, le march tait e

rain de dgueuler, de caver, de partir la cavede yourzer. La peur recommena s'emparer de moLes positions que j'avais prises, dj un peu perdantedevenaient catastrophiques. Il tait clair que la Socit

Gnrale risquait d'tre srieusement plante, tandis qumon ventuel retour en grce s'loignait grands paUne pense m'effleura l'esprit : la banque ne serait-ell

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pas elle- mme cause de cette chute brutale des court donc de ses propres pertes ? Si elle avait commenc

dboucler en catastrophe mes positions sur le marchasiatique, elle alimentait le mouvement de chute, et lepertes risquaient de devenir normes. Je fis rapidemenes comptes. Si la Socit Gnrale ne conservait pa

mes positions, les pertes se monteraient aux environs dquatre milliards et demi - trois milliards en tenant comp

du profit ralis en 2007. Du moins tait-ce l'hypothsn cas de vente brutale. Tout le monde connat le vieu

principe : sur un march, on ne perd que le jour o l'oalise ; car tant qu'une position n'est pas dboucle l

perte reste latente. Mais comment imaginer un instanqu'un organisme bancaire ne cherche pas limiter lasse en refusant de brader, afin de limiter une nouvellhute des cours ? Car un autre principe reste intangibleur les marchs, toute application du principe d

prcaution entrane une dgradation encore plus fortea baisse ne fait qu'alimenter la baisse. Surtout quand 'agit, pour viter une lourde perte, de prcipiter d'u

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oup sur le march des produits pour un nominal dplusieurs dizaines de milliards d'euros, comme c'tait as ici tandis que je tournais et retournais comme un lion cage, entre France Info et LCI.

Par moments, je m'accrochais un ultime espoir. Cundi, Wall Street tait ferm. Les volumes dransactions taient donc faibles. La Socit Gnra

n'avait pu commettre l'norme erreur de dboucler lepositions, car vendre de gros volumes d'actions dans upetit march revient littralement faire s'effondrer leours. A moins que, la panique poussant fair

n'importe quoi... On conoit que, cette nuit-l, j'eus d

mal fermer l'il.

La vrit, je devais l'apprendre plus tard, pendanmon instruction. Grce l'aveu de la personne qdboucla la position, je saurais que les oprations ddgagement avaient t effectues de faon porcinn'importe comment . Et lorsque je serais confrontavec le trader en charge du dbouclage, des lmen

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me feraient en effet penser que la banque avait aggravlle-mme son trou. La Socit Gnrale avait certe

pris soin d'annoncer que la position avait t solde pae trader star de la banque, un pro de chez pro ; ce qtait vrai. Cette personne, trs exprimente, compta

probablement parmi les meilleurs traders de la place. Leul problme, et il l'avoua, c'est qu'il ne savait pa

quelle type d'opration il tait en train de faire ; il pensa

mme qu'il excutait l'ordre d'un gros client. Quant somode opratoire, il avoua dans le cabinet des juges quavait travers jusqu' cinq limites dans le carnd'ordres pendant trois jours . Je fus stupfait d

entendre. Agir ainsi, c'tait comme donner des coupde boutoir dans une porte dj branlante - le meilleumoyen de faire exploser un march dj dfiant.

Au-del de cela, j'eus la surprise d'apprendre que l

Socit Gnrale avait menti lors de l'annonce du jeudEn effet, le dbouclage ne s'tait pas fait dans la plugrande confidentialit comme le garantissaient haut

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fort la Socit Gnrale et le gouverneur de la Banqude France. Le trader star avait commenc vendrpendant quelques heures au milieu de tous les autreraders avant d'tre dplac dans une autre salle. Pou

qui connat un peu le fonctionnement d'une salle dmarchs, de telles transactions ne restent pas secrteplus d'une minute ou deux. L'usage est de prvenir qu'ova envoyer un gros ordre qui va faire dcaler le march

histoire de ne pas coller les collgues.

Un dernier point me stupfia : la dure de l'oprationeudi 24 janvier, le prsident Daniel Bouton annon

que la position tait totalement dboucle. Hors c

n'tait pas le cas. J'appris lors de cette confrontation que dbouclage avait dur cinq jours et non trois. C'est-

dire qu'au moment o la banque annonait sa perte, elne pouvait la chiffrer avec prcision puisqu'elle ta

oujours en cours de dbouclage.Mardi, les marchs ouvrirent nouveau la baiss

Mes sueurs froides se transformrent en vritabl

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malaise. Je n'osais mme plus calculer le montant depertes. D'ailleurs comment l'aurais-je pu ? J'ignorais tode ce qui se passait la Socit Gnrale ; avaient-idboucl, avaient-ils attendu ? Je me perdais eonjectures. Puis les cours remontrent lgrement dana journe, lorsque la banque fdrale amricain

annona une baisse de ses taux directeurs.

Mais la pause fut de courte dure. Je continuais broyer du noir. Dans l'aprs-midi, je reus un sms d'urader qui appartenait au mme dpartement que moi

Viens d'appre

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Kerviel Jerôme - L Engrenage