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43 HIVER 12 - 13 CULTURE   VISUELLE   &  VISION   CULTURELLE  FIN DU MONDE POUR L’éTERNITé II JEAN MINEUR NINE ANTICO NUANCIER EMBEDDED UNITED COLORS CDI COUVERTURE WARD ROBERTS GRATUIT kiblind.com

KIBLIND 43

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Hiver 12-13

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43

•hiver

12 - 13

—CULTURE  VISUELLE  

& VISION  

CULTURELLE  

fin du mondepour l’éternité ii

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GRATUIT

kiblind.com

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01 Court 152012

05 Court 172012

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07 Court 102012

Ward Roberts voit les courts en plein air comme le ras-semblement de deux ex-

trêmes : lieux d’un joyeux vacarme quand les joueurs les illuminaient et d’un calme désertique maintenant qu’ils sont laissés à l’abandon. Ressort de ce contraste une quiétude exacer-bée qui fascine aujourd’hui plus les peintres et observateurs attentifs que les joueurs du dimanche. Les photo-graphies de Ward Roberts sont les témoins de cette beauté pathétique, rendant mélancoliques ces espaces autrefois pleins de promesses. Comme un symbole, la couleur y est fatiguée, l’ambiance grise et le calme plat. Les fulgurances passées ne seront plus, et c’est ce qui teinte ces Courts de Ward Roberts d’une poésie inattendue.La couverture du Kiblind n°43 est un de ces Courts de Ward Roberts, photographe australien amoureux de l’absence. L’œuvre est issue de sa série Courts, réponse urbaine au tra-vail de Giasco Bertoli sur ces terrains de tennis abandonnés en rase cam-pagne. Cette série fait l’objet d’un ou-vrage de belle facture sorti chez Erm Books / And Collective.

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é d i TO - s O m m a i R ETexte : M. Sandjivy

Ce message et ce magazine s’adressent aux survivants des évènements du 21.12.12.Le monde s’est assombri suite à la destruction du ciel, parce que l’orage nucléaire a changé la composition de l’atmosphère ou parce que les cendres de la destruction continueront de tom-ber pendant des dizaines d’années. Pour lutter contre les cinquante nuances de gris, Kiblind vous propose un éloge de la couleur, afin de garder vivant le souvenir d’une belle époque.Les causes des changements de dé-cembre demeurent à ce jour incon-nues. Cependant, au-delà de la conspi-ration et du complot, deux théories émergent petit à petit. Certains avancent que, suite à l’avè-nement des jeux de guerre, l’homme était voué à sombrer dans un conflit généralisé.En revanche, une hypothèse alterna-tive, proposée par Ward Roberts, fé-dère de plus en plus les communautés scientifique et artistique. En effet, les travaux de ce photographe australien ont cristallisé l’estompage progressif des couleurs extérieures suite à la redirection des énergies dans des lieux clos. En d’autres termes, la désertifica-tion des terrains de sports extérieurs, au profit d’un regroupement massif dans ces stades, a souligné leur beau-té pastel. Mais cette beauté se nourrit d’énergie et l’abandon des courts permet au gris de s’installer progressivement.

Kiblind vous propose donc de faire un tour dehors afin d’admirer ce qui sub-siste et de raviver ce qui se fane.

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POUR LA

FIN DU MONDE

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KIM ROSELIER 25

FLAVIEN MENU 26

YANN KEbbI 27

AURéLIEN DébAT 28

OSMA hARVILAhTI 29

SANTTU MUSTONEN 30

JEAN-bAPTISTE LEVéE 31

MATThIAS MALINGREY 32

VALéRIE ARChENO 33

Cogito Ultralight Italic, Light Italic, Regular Italic, Bold Italic, Black Italic

Gemeli Ultralight Italic, Light Italic, Regular Italic, Bold Italic, Black Italic

Gemeli Mono Regular Italic, Bold Italic

staFF

Directeur de la publication :Jérémie Martinez

Rédacteurs en chef :Jean Tourette - Gabriel Viry - Jérémie Martinez

Rédacteur en chef Mode :Baptiste Viry

Rédaction Kiblind : Maxime Gueugneau - Gabriel Viry - Jean Tourette - Jérémie Martinez - Olivier Trias - Simon Bournel-Bosson - Matthieu Sandjivy - Marlène Cottin.

Cahier Mode : DA / Baptiste Viry - Photographe / Laurent Croisier - Styliste / Alix Devallois - Make up / Melanie Sergeff

Relecture : Frédéric Gude

Merci à : Arnaud Giroud - Anaïs Bourgeois - David Chauvet - François Huguet - Julian Polo - Simon Chambon-Andréani.

Direction artistique : Agence Klar (www.agence-klar.com)

R E V U E d E P R E s s E

10—

POUR

L'ETERNITé II

R é C L a m E

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LE PETIT

MINEUR

R E P O RTaG E G R a P H i Q U E

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LAUSANNE UNDERGROUND

FILM FESTIVAL

d O s s i E R

34—

EMbEDDED

C d i

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ALTERNATIVE 55

bLACK MOVIE 56

COMMUNISME 57

CURIOSITé 58

C a H i E R m O d E

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NUANCES

DéPUCELAGE 59

FESTIVITé 61

ONOMATOPéE 62

ORDINATORISME 63

www.miragefestival.com

Installations, Musique, Performances, Workshops, Conférences.

Expériences Numériques et Audiovisuelles

RéTROVISEUR 64

ROYAUME 65

zONE 66

INFos

Durand Impressions - 9 rue du Maréchal Leclerc - 28600 Luisant - 02 37 24 48 00 [email protected]

Le magazine Kiblind est édité à 40 000 exemplaires par Kiblind Édition & Klar Communication. SARL au capital de 15 000 euros - 507 472 249 RCS Lyon .

27 rue Bouteille - 69001 Lyon 04 78 27 69 82 - www.kiblind.com Le magazine est diffusé à Paris, Lyon, Marseille, Montpellier, Bordeaux, Toulouse, Rennes, Nantes, Lille, Strasbourg, Bruxelles et Genève. Ce numéro comprend un supplément spécial de 28 pages pour la région Rhône-Alpes.

ISSN : 1628-4146 // Les textes ainsi que l’ensemble des publications n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs. Tous droits strictement réservés. THX CBS. Rock Anselme. Welcome.Contact : [email protected]

Comète d

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1832

daTaTexte :  M. Gueugneau  

& J. MartinezGraphisme :  S. bournel-bosson 

& M. Cottin

pour la FINdu moNde

0809

Balzac voyait dans le mythe de la fin du monde une béné-diction pour la fiction : « la

fin du monde annoncée pour une époque fixe, […] les jeunes filles qui se donnent, les bordels ruinés, les avares qui ouvrent leurs coffres, toutes les relations sociales changées, l’on se bat, l’on se tue, un poitrinaire se moque d’un homme en santé. Orgie générale. »Aussi, pour éviter la dépravation de nos mœurs, avons-nous décidé de regarder le passé pour mieux nous préparer à une fin du monde future. En définissant plusieurs types de fin du monde ainsi que les moyens d’y faire face, nous sommes fin prêts pour affronter la fin du monde maya, quelle qu’elle soit. Parce qu’on est français, parce qu’on va pas se laisser faire.

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apoCalYpse

les religions monothéistes sont friandes du principe de la tabula rasa. elles ont

en commun le déluge de noé (également présent dans l’Hindouïsme et les civilisations

mésopotamiennes) et attendent avec peur et espoir le Jugement dernier. dans la religion chrétienne, on attend ainsi un règne éphémère de satan, bientôt bouté par le retour de Jésus.

Benoît XviDalil BoubakeurGilles BernheimKeanu reeves

CroixTapis de prière

KippaFlingue

Guerre

Quand deux pays, deux territoires ou deux entités ne s’entendent vraiment pas, ils se font la guerre et, par un jeu d’alliances

complexes, leurs potes les rejoignent. C’est comme ça depuis la nuit des temps.

sauf que ça fait 60 ans qu’on a inventé la bombe H et qu’on est pleins à en avoir plein.

Kofi AnnanDr.ManhattanLaurent Fabius

BunkerBouclier anti-missile

Paix

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LA ProPhéTie

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1832 1910 1914 1963 1981 1986 1994 1997 1999

21-122012

Comète

À partir du moment où on s’est dit que, éventuellement, nous vivions dans un univers où la terre n’était pas la seule matière solide,

la brèche était ouverte. l’astronomie a mis un moment à être une science exacte et, pendant ce temps-là, il nous est arrivé

de flipper un maximum qu’un de ces objets baladeurs nous tombe sur le coin du nez.

et c’est un euphémisme.

Bruce WillisBen AffleckLiv Tyler

ForeuseSacrifice

Navette Spaciale

ÉpIdÉmIe

on ne la voit pas, on ne la sent pas, mais elle nous tue à petit feu. la maladie est la chose la plus pernicieuse qui soit,

nous faisant vivre l’enfer sur terre. alors, quand elle est transmissible

et incurable, bonjour ! C’est ce qui s’est passé avec la peste, la lèpre, le Choléra,

ce qui se passe encore avec le sida, l’ebola, le paludisme, etc. et avec ces droits

de l’homme qui nous empêche de brûler les malades, la cata n’est pas loin.

Marion Cotillardroselyne BachelotoMS

vaccinCombinaison plastique

épinards

CatastropHeÉColoGIQue

depuis la candidature de rené dumont à l’élection présidentielle de 1974, la France

sait que nous nous occupons salement de l’environnement. mais le savoir n’est pas forcément le vouloir et le climat continue

de se réchauffer quand, dans le même temps, une nouvelle catastrophe nucléaire vient

nous rafraîchir la mémoire. C’est long, insidieux mais très efficace.

Alain LipietzJean Saint-JosseBrigitte Bardot

MoustacheLunettes de Soleil

Mojito

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CatastropHeNaturelle

nous le savons, notre environnement est instable. tous les pays du monde

en ont fait l’expérience : qui son tsunami, qui son déluge, qui son cyclone,

qui son tremblement de terre, qui son éruption volcanique, etc. ne pourrait-on pas penser,

qu’un jour, tout ça pète une bonne fois pour toute ? si, bien sûr, le 21.12.

John CusackAmanda PeetChiwetel ejiofor

ArcheLimousine

Barack obamaUn couple d’animaux rares

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Comète d

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Comète d

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01 . apartameNto n° 10Automne/Hiver 2012www.apartamentomagazine.com

02 . des CHIFFres et des lettres maGazINe n° 1Automne 2012

03 . FuItes n° 1 : Moites Juillet 2012fuitesmoites.blogspot.fr

Berlin, le 10 juillet 2006 – Hier, à l’Olympia Stadion de Berlin, l’équipe de France a rejoint

l’éternité pour la deuxième fois en dix ans. « Réaliser ses rêves, c’est peut-être commencer par les voir les yeux ouverts » 05, nous lâche dans un san-glot Raymond Domenech qui, lui, a su les avoir bien écarquillés. Beaucoup, en effet, n’ont pas daigné voir la vérité en face : celle d’une équipe de carac-tère et d’un staff de qualité, avec les atouts nécessaire pour se placer sur le toit du monde. Comme un agricul-teur qui croit en son terrain, le sélec-tionneur français « a trouvé, semé, sélectionné, mélangé […] pour voir, tester, multiplier la semence. » 09. Un travail de longue haleine, souvent cri-tiqué, mais ô combien productif. La gagne est, depuis un mois, leur unique objectif. « C’est une responsabilité qui n’échappe à personne et c’est sur cette base que le groupe est né » 09. Et quel équipe ! « En la retrouvant on est heureux. Elle change et c’est encore la même. Elle nous étonne toujours, nous l’attendons » 06, et jamais nous ne sommes déçus. Ce soir du 9 juillet 2006, elle nous a comblé de joie.« Suivre son équipe à l’extérieur est la chose la plus excitante pour un sup-porter » 08, et en finale de la Coupe

du Monde, la situation est quasiment intenable. Quand les compositions d’équipe s’affichent sur le grand écran, « nous sommes comme des enfants devant la vitrine des Galerie Lafayette : pleins de désir et de craintes » 06. Zidane, Henry, Ribéry, Thuram, Vieira, Barthez d’un côté, Materazzi, Totti, Cannavaro, Buffon, Camoranesi, Buffon de l’autre. Les gladiateurs sont dans l’arène, prêts à mourir pour un morceau d’or. Et si « le rêve est l’école buissonnière de la vie » 05, nous prions pour sécher le cours de notre existence. Cette première mi-temps est définiti-vement celle des milieux de terrains. « Ils sélectionnent, choisissent un point de vue, rassemblent ou jettent. Leur regard est souverain » 04. Sur leurs inspirations, chaque ballon se meut en un danger imminent. Le premier bijou du match est signé – est-ce un hasard ? – Zinédine Zidane. Malouda perce sur la gauche, et se fait faucher par Materazzi dans la surface. Zidane transforme le penalty par une mer-veille de Panenka. « Quel est votre mot préféré ? Le mot amour » 02. Et ce n’était que la 7e minute. La suite de la mi-temps est, il faut l’admettre, tout à fait italienne. Sur corner, Materazzi a tôt fait de

prendre la presse pour Ce Qu’elle est : une sourCe d’inFormations et d’inspirations. proFusion de saveurs de nos parutions nationales, sous la Forme d’un Court réCit, résultat du Fumet dégagé par nos leCtures.

pour l’ÉterNItÉ II

R E V U E d E P R E s s ETexte : M. Gueugneau

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remettre les deux équipes à égalité, d’un coup de tête rageur. La réponse viendra plus tard… En attendant, l’équipe de France semble s’être en-dormie sur ses lauriers. « Ils sont tous au même endroit, mais ils ne jouent pas ensemble » 07. Les Italiens, eux, brillent. Leur football « a une esthé-tique unique, c’est un langage codé, une source d’énergie, un perpétuel défi » 07 pour les Bleus, qui en perdent leur latin.

« rÉalIser ses rêves, C’est peut-être CommeNCer par les voIr les Yeux ouverts »

RAISE, automne 2012

« Pour réaliser une chose vraiment extraordinaire, […] allez d’un trait jusqu’au bout de votre rêve sans ja-mais vous laisser décourager » 05. Les Français font leur cette phrase de Walt Disney, et au retour des vestiaires, le langage est tout autre. Ce n’est plus celui du football spectacle, on est dans l’art, le vrai. « Quand la culture du di-vertissement détermine notre percep-tion du monde et nos rêves, les artistes élaborent un art du montage » 04. Et, durant ces 45 minutes, le milieu de terrain bleu réalise un chef d’œuvre. Mais la délivrance ne viendra pas, pas tout de suite.« C’était en 1972, Patrice Laffont animait le premier numéro du jeu Des Chiffres et des Lettres » 02 et un gamin aux pieds d’or naissait dans un hôpital marseillais. 34 ans plus tard, le héros de tout un peuple craquait dans les derniers instants. Dans des événements d’une telle ampleur, il faut savoir « faire tomber la pression ou ça casse, ça grésille, ça grille les derniers fusibles, [donner] un dernier coup de frein avant la sortie de route » 03. Malheureusement, Zidane n’a pas

freiné au moment de donner son coup de boule sur le thorax de Materazzi. Dans ce geste à la fois terrible et fasci-nant, on y perçoit comme une « dérive insensée du bateau ivre, voyant dans ce voyage du poète le parcours-même de l’artiste embarqué dans l’aventure exigeante de sa création » 04. Un coup de folie comme seuls les génies en sont capables, les seuls, également, à qui on pardonne tout. De toute façon, ce soir-là, les astres étaient avec nous.

« En fait, mon boulot seul ne fonc-tionne pas. Il fonctionne s’il y a un environnement, s’il y a une histoire à raconter » 07. Cette phrase de Sidney Govou, glissée entre deux gorgée d’Évian, dit tout. Ce changement improbable, avant la séance de tirs au but ; le visage de Trézeguet quand il apprend qu’il ne tirera pas ; Barthez qui écarte le missile de Fabio Grosso ; et enfin, la frappe de Govou qui touche la barre avant de rentrer d’un cheveu dans les cages de Buffon. Nul doute, l’histoire était écrite à l’avance.

Car, oui, quoi d’autre que l’astrologie a pu décider Raymond Domenech, grand amateur de la chose, à faire rentrer Sidney Govou à un moment si décisif. Le génie du coach français fut de croire en sa bonne étoile. Une étoile qui finira brodée sur le maillot tricolore. Pour l’éternité.

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04 . palaIsn° 16

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≈ le premier mineur, dessiné par lucien Jonas

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R é C L a m ETexte : J. Tourette

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enFant et emblème de la publiCité au XXe sièCle, la mas-Cotte de mediavision est dans toutes les mémoires. et malgré ses soiXante ans, le Jeune garçon touCHe tou-Jours sa Cible.

Un petit personnage souriant lance son pic dans une cible au rythme d'une ritournelle

entêtante. Tout le monde le connaît. Tout le monde s'attend à ce qu'il tape dans le 1000, pour faire apparaître à l'envers les derniers chiffres invariables d'un numéro de téléphone inconsciem-ment mémorisé de longue date. Et tout le monde l'aime bien, parce qu'il pro-voque à chaque fois le même réflexe pa-vlovien associé à un moment de plaisir proche : le film va commencer.Icône et égérie de Mediavision, ce petit mineur adresse sans un mot son

message aux annon-ceurs publicitaires des salles obscures : « Avec Mediavision, vous tapez dans le mille ! ». Un mes-sage simple et efficace qui se propage bien au-delà de la cible justement, puisque tout cinéphile a déjà eu la mémoire écor-chée par le coup du pic de mine. « C'est un personnage fort, qui a marqué et qui marque son temps, raconte Patrick Poul, directeur adjoint de la société. Pour nous c'est un emblème ou

une marque de reconnaissance dont on est très fiers. On a une richesse et une notoriété à Mediavision qui tiennent à l'histoire de ce petit personnage, que connaît chaque génération qui se succède. »Mais pourquoi un mineur ? Simplement parce que l'histoire du personnage est liée à celle du publicitaire Jean Mineur, et qu'il était originaire des paysages miniers de Valenciennes.

Lorsqu'il démarre son activité dans les années 20, Jean Mineur fait à la fois le pari de la publicité et du cinéma. Il convainct rapidement les annonceurs de s'essayer au support cinématogra-phique naissant et s'accorde avec les exploitants de salle pour diffuser des films promotionnels. Sa réputation grandissant à mesure que se dévélop-pait l'engouement pour le grand écran, il décide en bon communiquant de se choisir une mascotte : un mineur, pour rappeler l'homonyme de son nom et ses racines du Nord. Ce premier mineur 01, dessiné par Lucien Jonas en 1934, était une vraie « gueule-noire » tout droit sortie de terre, armée de son pic et cas-quée de la barette en cuir bouilli. Mais après la guerre, ses contours réalistes, sérieux et sombres manquaient d'en-thousiasme pour égayer une France en reconstruction. Il fallait imaginer un personnage plus chaleureux, plus sym-pathique et plus jeune, qui puisse incar-

le petIt mINeur

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ner des valeurs d'avenir.Pour réaliser ses films, Jean Mineur fai-sait régulièrement appel à un dessina-teur : Albert Champeaux. Il lui confia la tâche de mettre aux goûts du temps son mineur et d'en rajeunir les traits. La figure du petit mineur, tel qu'on le connaît 02, surgit alors sur le papier en 1951. Jean Mineur fut conquis et commanda à Albert Champeaux un générique pour animer son person-nage. Celui-ci apparut sur les écrans en 1952, accompagné déjà de la musique de René Cloërec et de l'indicatif célèbre « Balzac 00 01 ».

Une fois fixé, le personnage créé par Albert Champeaux n'a guère changé. Les génériques, en revanche, ont com-mencé à évoluer quelques années plus tard. En 1962, Sempé adresse à Jean Mineur un dessin humoritique dévoi-lant une salle consternée, car pour la première fois le petit mineur avait raté sa cible. L'idée lui plut et il commanda une petite dizaine de variantes sur la finale du générique, exposant le person-nage à des situations comiques (pour-suivi par une vache dont il avait troublé le repos ou déchirant malencontreuse-ment la toile de projection...) Plus tard, en 1968, pour faire face à l'arrivée de

la publicité commer-ciale à la télévision et à une baisse d'acti-vité probable, une nouvelle direction est prise : la vente de placement produit au sein du générique-même. Les specta-teurs découvrent alors le petit mineur vantant les saveurs de San Pellegrino ! Le concept aura d'ail-leurs la vie longue et incitera, des années 80 à nos jours, de nombreuses marques à associer leur image à celle du jeune garçon 03.Mais le changement radical survient en 1971. Devant la croissance constante de la publicité télévisuelle, la société Jean Mineur-Pathé Cinéma accepte de fusionner avec sa concurrente, Cinéma et Publicité, pour former Mediavision. Jean Mineur se retrouve minoritaire dans la nouvelle société qui – chose qu'il n'avait pas prévue – décide de faire table rase du passé en supprimant son icône. Un nouveau générique est réalisé, consituté principalement d'une ligne formant le « M » initiale de la société. « On l'appelle gentiment

“ la nouille ” ! », précise Caroline Mineur. « On étaient évidemment tous très attachés à notre petit mineur dans la famille. Mon père en était très fier et il était comme un petit frère pour moi. Mais ce qui est intéressant c'est que le public l'aimait bien aussi, et au bout d'un certain temps pas mal de gens ont spontanément écrit à Mediavision pour demander où il était passé. »La parenthèse dura jusqu'en 1982. Sous la pression du public, dont la mémoire fut grandement ravivée par La Dernière séance d'Eddy Mitchel et son goût pour le cinéma d'époque, le personnage refit surface. Son décor avait subi quelques aménagements : les terrils, de même que les puits qui barraient l'horizon avaient été retirés au profit d'une surface neutre et épu-rée. Et c'est en 1998 que les lignes de fuites disparurent complètement, sous l'impulsion de la 3D, laissant place à l'univers actuel dans lequel la mas-cotte 04 surfe toujours sur un ticket de cinéma, avant de décocher son tir entre les portes ouvertes de la salle.

Comme si le temps n'avait aucune emprise sur lui, le petit personnage de Jean Mineur a conservé en l'espace d'une soixantaine d'années sa fraîcheur juvénile. À toute génération, il présente le même regard, presque amusé d'arbo-rer toujours son attirail anachronique de petit mineur. Et comme ça n'a pas l'air de le gêner, ça marche.

P O RT R a i TTexte : O. Trias 

Visuels : Nine Antico 

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iCône de la nouvelle génération d'auteurs Françaises, nine antiCo dresse au Fil de ses ouvrages des portraits de Femmes aussi subtils Qu'eFFiCaCes.

Si Nine Antico est aujourd'hui une auteur de BD reconnue, ni son parcours ni son goût pour l'illus-tration ne lui laissaient présager le devenir. Refoulée

des écoles d'art après le collège et après le Bac, Nine ne s'imaginait toujours pas, à 20 ans, faire de la BD : « Je n'y connaissais rien du tout, d'ailleurs je pensais que ça ne me plaisait pas. » C'est à cette époque qu'elle commence à cro-quer sur carnet tout ce qui se passe autour d'elle, de ses concerts aux moments passés avec ses copines, et qu'elle prend conscience que ce qu'elle aime dessiner « ce sont les gens et des trucs de situations ».Petit à petit, elle insère des bouts de phrases dans ses cro-quis, séquence ses dialogues, et se met à retranscrire ses sou-venirs des « dimanches en famille ». C'est ainsi que prend forme dans ses carnets Le Goût du Paradis, sa première BD, entièrement autobiographique. À travers cet ouvrage, on découvre un peu plus son auteur. Elle y raconte son enfance et son adolescence, bon nombre d'anecdotes personnelles, son complexe d'être une fille blanche dans une cité de ban-lieue parisienne, mais surtout sa préoccupation constante pour les garçons depuis son plus jeune âge, lorsqu'elle se rêve en femme et « fait la drague » contre l'arbre de la cour d'école : « J'étais en quête d'un amoureux de manière as-sez précoce. J'ai eu l'impression d'avoir toujours eu besoin d'exister dans le regard d'un garçon pour être digne d'inté-rêt à mes yeux. Et en fait je pense que c'est quelque chose que je combats chez moi, et que je combats aussi plus lar-gement en me creusant la tête sur ces sujets de la féminité. » Cette réflexion sur la féminité se ressent dans les différents travaux de Nine Antico, mais elle l'approfondit particuliè-rement dans l'album Coney Island Baby : « Ce qui m'inter-rogeait c'est, en tant que femme, qu'est-ce que tu fais de la séduction, comment tu la gères, comment on peut l'utiliser dans sa vie ? Il y a aussi toujours ce truc du physique et de l'intellect, qui sont un peu séparés. Tu as l'impression que tu ne peux pas être tout en même temps, qu'on te demande de choisir. »

Avec Girls Don't Cry et Tonight, l'auteur prend « un axe un peu plus léger » et fait preuve de son talent pour l'obser-vation des comportements féminins. Les préoccupations de ses trois héroïnes tournent encore souvent autour du thème de la séduction et, sans pour autant tomber dans les clichés, elle en dépeint les futilités avec justesse et ironie. « Je suis vraiment sur une ligne très sensible entre la superficialité et le vide. Mais c'est cette matière là qui m'intéresse, ces trucs insignifiants qui prennent une importance désespérée, et qui font partie de moi aussi. »Dans sa dernière BD, I Love Alice, 5e opus de la toujours surprenante collection BD Cul des Requins Marteaux, elle met encore en avant des jeunes femmes – mais cette fois dans des situations beaucoup moins conventionnelles – et relate « les dessous » d'une équipe de rugby de lycéennes, plus intéressées par la 3e mi-temps que par le résultat du match.Avec le même style narratif et son trait résolument vintage, Nine Antico se pose, au fil de ses ouvrages, en véritable sociologue de la feminité... L'illustratrice de la femme contemporaine.

PORTFOLIO SUR WWW.KIBLIND.COM

NINeaNtICo

R E P O RTaG E G R a P H i Q U ETexte : M. GueugneauVisuel : S. bournel-bosson

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d o s s i e rTexte : G. ViryVisuel : Matthieu Beck

embeDDeD

Des petits solDats miniatures à l'airsoft, en passant par Call Of Duty, la guerre a bien changé, mais reste un formiDable terrain De jeux. reportage embarqué au cœur D'une « op », qui ressemble autant à un champ De bataille qu'à un processus De paix.

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« There's a soldier in all of us ». Ce cri de ralliement ne vient pas de la Légion Étrangère,

mais d'une baseline publicitaire pour le mastodonte du jeu vidéo de guerre : Call Of Duty (COD). Deux semaines avant le lancement phénoménal de son neuvième opus, Black Ops II, elle ponctue notamment un trailer sur-prise, dont l'impact (35 millions de vues) est aussi incroyable que la ren-contre de Robert Downey Jr et Omar Sy. Dès la sortie, Activision, l'éditeur du jeu, brandit carrément l'artillerie lourde : 500 millions de dollars de recettes en 24 heures, un an seulement après le milliard atteint en 16 jours par Modern Warfare 3, devenu le plus gros lancement de l'histoire du divertisse-ment, devant Avatar. La France fait d'ailleurs partie des cibles privilégiées. Selon Lucie Linant de Bellefonds, res-

ponsable marketing de COD, il s'agit en effet du deuxième pays européen, après l'Angleterre, où le jeu marche le mieux. Ainsi, pendant que l'Armée française redouble d'efforts pour re-cruter 15 000 jeunes chaque année, à coups de spots à sensation et de place-ments « produit » dans les jeux vidéos à succès, le pays du FAMAS et du fusil Dassaut commence aussi sérieusement à s'amuser de la guerre. Pour le véri-fier, nous rejoignons la petite ville de Bainville, en Lorraine, plus proche des hauts fourneaux que de la Bourse de Paris, au moment où le groupe Vivendi annonce une augmentation de ses bénéfices grâce à Call Of Duty. Originaire de Besançon, l'associa-tion SWAT prépare, depuis plusieurs mois, une grande « OP » d'airsoft, sur un ancien terrain d'entraînement des commandos. L'appel du devoir com-

mence, pour nous, par quatre heures de pluie dans une Opel Corsa, une box Sodebo dans une station-service champenoise et la suite royale, à trois lits, du Première Classe de Ludres.« L'airsoft est né au Japon, dans les années soixante », explique Yannick, ancien dépanneur TV et tireur spor-tif, désormais reconverti dans le com-merce de répliques en Franche-Comté. Après la Guerre, en effet, l'interdic-tion des armes génère de telles frus-trations que les Japonnais se mettent à concevoir et collectionner des imitations. « Au milieu des années soixante-dix, Tanio Kobayashi in-tègre un système propulseur dans les maquettes pour leur permettre de tirer des billes en plastique. » Si l'histoire de l'airsoft est un peu moins roman-tique que celle du paintball, inventé par des bergers australiens pour mar-

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quer le bétail à la peinture avant de se tirer la bourre avec les copains, il n'a cessé de se développer, d'abord en Asie, puis dans le monde entier. La pratique continue, aujourd'hui, de gagner du terrain. « J'ai longtemps exercé le paintball mais quand je ren-trais, je ne pouvais pas m'asseoir : j'avais des hématomes au cul ». Avec ses petites billes en plastique ou en maïs biodégradables, tirées à faible puissance, l'airsoft est certes moins douloureux, mais présente également d'autres attraits. « C'est un jeu plus complet, plus stratégique, basé entiè-rement sur le fairplay et donc incom-patible avec l'esprit de compétition », explique Benoît Marius, Président de la Fédération Française d'Airsoft (FFA). Créée en 2009, à Moulins, cette association vise, avec quelques autres, à structurer la discipline et se positionner comme un interlocuteur ad hoc auprès des pouvoirs publics, souvent réticents, malgré une régle-mentation clarifiée.« En France, l'airsoft est apparu il y a une quinzaine d'années ». C'est justement l'époque où le service mili-taire est abandonné, comme si notre petit « soldier » intérieur avait tout de même gardé le besoin de s'exprimer. Si aucune étude n'existe encore sur le sujet, l'histoire se répète en tous les cas à l'étranger : en 2005, par exemple, la Tchéquie abandonne la conscrip-tion et assiste, dans la foulée, à une

explosion des jeux de guerre sur son territoire, dont des OPs d'airsoft à 3 000 participants. En France, l'en-gouement se mesure surtout depuis cinq ans. « Les clubs et les associa-tions essaiment partout. Il n'y a pas de recensement officiel, mais on parle, au minimum, de 60 000 joueurs régu-liers. » Sur les hauteurs de Bainville, Yannick a la gâchette beaucoup plus facile : « On est au moins 300 000 ! »

biLLes eN tête—

« Si je bois encore un café, je vais casser une brique. » En arrivant sur le théâtre de l'OP, samedi matin, on partage un peu la même sensation que l'obsédé gastrique du week-end, tant le débarquement d'une centaine d'airsofters, pour un non-initié, peut retourner le ventre. Originaires, pour la plupart, de l'Est de la France, une région manifestement sur-représentée dans la discipline, ils se préparent de-vant leurs coffres remplis de répliques (fusils d'assaut, mitrailleuses, revol-vers, etc.) et d'équipements divers, nécessaires à une bonne partie de guerre : matériel de bivouac, caméras embarquées Go Pro, radios, tenues de camouflage intégrales, casques mili-taires... On se détend rapidement, avec croissants-cafés-clopes, pendant que les 12 membres du SWAT finalisent, scrupuleusement, la mise en place de

La guerreeN vrai

-

1 800 milliard

le montant annuel Des Dépenses militaires monDiales, en progression De 50 % en 10 ans

76 millions

effectif total Des forces armées monDiales (militaires actifs, réservistes et civils). france : environ 300 000, corée Du norD :

environ 9,5 millions (48,8 % De la population)

200 euros

prix conseillé D'une kalachnikov D'occasion

La guerreeN Jeu

-

100+ millions

le nombre total De copies De Call Of Duty, Depuis la première éDition (2003)

1 milliard de dollars

estimation Du marché monDial De l'airsoft, 2 fois plus important que le chiffre

D'affaires annuel De playmobil

300 euros

prix conseillé D'une réplique D'airsoft

do

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l'OP : balisage du terrain, identifica-tion des secouristes, dissimulation des objets et passage obligatoire au chro-ny, afin de vérifier que la puissance des répliques est inférieure aux normes en vigueur. À l'instar des organisateurs, nous revêtons des lunettes de sécurité et un gilet jaune, comme celui de Karl Lagerfeld, pour éviter d'être pris pour cibles. Les joueurs n'y ont d'ailleurs pas vraiment intérêt s'ils ont suivi les consignes du briefing, entre échanges bon enfant et petites escapades d'hu-mour viril : « Si ces règles de sécurité ne sont pas respectées, ce sera fessée déculottée et sodomie. » Avec sa tenue noire du SWAT et sa voix de baryton, Gwendal force, en tous les cas, le res-pect. Encore davantage lorsqu'il ar-bore son T-shirt à manches longues en lycra, alors que le climat est aussi po-laire que les montagnes afghanes dans lesquelles nous sommes parachutés…« Les terroristes d'Al-Qaïda viennent de kidnapper cinq chercheurs pour

mettre au point une nouvelle arme chimique qu'ils comptent lancer sur les infidèles du monde entier, le jour de la fin du monde. Une course contre la montre est engagée par les Améri-cains et les Russes pour intercepter ce virus. » Perchés au sommet d'un bâti-ment délabré, surplombant le village de combat, nous assistons au lance-ment du jeu, dont la première étape consiste, pour les joueurs, à identifier leur camp et à retrouver les membres de leur unité, tirés au sort. Les sacs ont été sanglés et chacun dispose de 300 billes sur les 5 000 préconisées, au minimum, pour l'ensemble de l'OP. « Nous avons essayé d'élaborer un scénario original, explique Chris-tophe, organisateur de l'événement, un peu plus élaboré que l'affronte-ment classique entre deux équipes. Nous jouons d'abord les trouble-fête avec Al-Qaïda et la mise en scène a été soignée » : fumigènes, sound sys-tem et bruitages de combat, plans

quadrillés de la zone pour favoriser, dans chaque équipe, la répartition des soldats. Au QG russe, d'ailleurs, la pression monte : c'est même l'ébul-lition. Entre deux cigares, Toutouf, le Général, semble aussi bien maîtri-ser l'accent que la stratégie militaire. L'unité 4 est prête à partir à l'attaque. Zézette, l'une des trois participantes à l'OP, impose à Tonton le rôle du médic, chargé de la gestion des serin-gues et de l'évacuation des blessés. On y croit, d'autant plus que l'environne-ment lexical ressemble à une sorte de Que sais-je ? de la guerre en livre au-dio : « Est-ce que tu l'as en visuel ? », « Allez, on décroche, on décroche... », « Nos trois mecs sont à l'intérieur, je leur ai donné ta position ».Après avoir évité, élégamment, une salade Saupiquet, nous battons en re-traite au Mac Do, où la folie des Hap-py Meal tranche assez fatalement avec les « jouets » et les « grands enfants » retrouvés un peu plus haut. Sur le ter-

partie De airsoFt - Nov 2012Le village de combat Pont Saint-Vincent, sur les hauteurs de Bainville, comprend plusieurs bâtiments, une église, des carcasses de véhicule, un sous-terrain. Avant le début des opérations, les joueurs se détentent : « Hé Top Gun, tu me passes du jus d'orange ? »

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rain, les Américains sont mal en point et, après cinq heures de combat, tous les joueurs sont rincés. Ils ont en effet couru toute la journée, sans compter les doses d’adrénalines consommées dans une embuscade ou un assaut. Pour Christophe, d'ailleurs, la pra-tique de l'airsoft s'apparente carré-ment à un sport : « Certaines OPs nécessitent un minimum de prépara-tion ». Métamorphosée, cet après-mi-di, en terroriste souriante d'Al-Qaïda, Mina revient au bivouac avec un œil de pigeon, après avoir reçu une bille sur le front. « Ce sont les risques du métier... », plaisante la jeune femme qui participe à sa deuxième OP : « À l'origine, je ne comprenais pas du tout l'intérêt de faire la guerre. Mais j'ai testé et ça m'a plu. » Après plusieurs années de « métier », Yannick fait fi-gure de vétéran et n'a connu, au final, qu'une petite mésaventure dentaire, en tombant. « Les précautions sont strictes et les joueurs les respectent. » Leur niveau général de fairplay est d'ailleurs impressionnant puisque, en bons petits soldats, ils tirent à bonne distance, évitent les incrusteurs de notre espèce et s'arrêtent dès qu'ils sont touchés, car il y a manifestement pire que la fessée de Gwendal : passer pour un « Highlander » dans la com-munauté...

psYchoLogie Du guerrier

—Dans la vie, Christophe est podo-or-thopédiste, Gwendal est responsable d'une enseigne de gaufres, Mina es-père que sa bosse aura disparu pour sa réunion de lundi. Nous croisons également un ingénieur, qui fait tes-ter sa réplique, un dessinateur en bâtiment au chômage qui « aime bien être pressé » (rouler vite) et d'anciens militaires, dont un professionnel de la logistique, passé par la Yougoslavie, le Kosovo et l'Afghanistan. D'après Benoît Marius, lui-même informati-cien, l'airsoft touche désormais toutes les catégories socio-professionnelles et tous les publics. « Et même les filles », selon Yannick, qui commence à en voir, en boutique, accompagnant généralement leur copain, même si les événements restent encore très axés sur des éclats de testostérone. La plu-part des joueurs ont découvert l'air-soft par le bouche-à-oreille, les jeux vidéos (Call Of Duty, Battlefield, etc.) et les communautés virtuelles. C'est le cas de Christophe : « Je suis gamer, depuis 2004 et il y a quelques mois, on m'a proposé de lâcher le clavier pour voir comment un jeu de guerre se passe en vrai. »« Il y en a qui s'habillent comme des peigne-culs, mais qui ont de superbes répliques. Moi, j'ai tout mis sur l'équi-

lucie linant de bellefonds

À L'iNSTAr Du LANCeMeNT frACASSANT De Black Ops II, eN NOVeMBre DerNier, call Of Duty rePré-SeNTe uN VériTABLe TréSOr De Guerre. eT iL Ne Se-rAiT PAS VOLé, COMMe L'exPLique LA reSPONSABLe MArkeTiNG frANCe De cOD CHez ACTiViSiON.

commeNt expLiquez-vous Le succès phéNoméNaL Des simuLatioNs De guerre, comme COD ?

il repose, selon moi, sur un mélange de cinq ingrédients indispensables que cOD a réussi à réunir, avant les autres jeux de fPS* : le réa-lisme épique, l'adrénaline, l'accessibilité à tous les joueurs, la performance technique (rapidité, qualité immersive) et l'innovation permanente, depuis le premier épisode de la série. Proche de ses cousins hollywoodiens, cOD fonctionne vraiment comme un film d'action, basé sur une fiction mais où tout ce qui se passe est plau-sible. À la différence du cinéma, le joueur en est le héros. Sa progression dans le jeu peut stimuler des émotions intenses comparables à celles que procurent les sports extrêmes.

queLs soNt Les paYs Les pLus « coNsommateurs » De COD ?

en quelques années, cOD est devenu davan-tage qu’un jeu vidéo : c'est un phénomène de société et une marque d’entertainment globale qui touche tous les publics, quels que soient la nationalité, le sexe, l'âge ou la catégorie so-ciale. Comme le jeu s'adresse à tout le monde, les pays les plus consommateurs sont, mathé-matiquement, les plus peuplés. La franchise fonctionne particulièrement bien en france qui est, en termes de ventes, le deuxième pays européen, derrière la Grande-Bretagne.

coNstatez-vous Des évoLutioNs sigNiFicatives Du pubLic ?

Nous n’avons pas encore les résultats de l’étude consommateur liée à la sortie de Black Ops II, mais je peux vous dire que cOD touche à peu près toutes les catégories de gamers. il y a donc des joueurs de tous les âges : schéma-tiquement, la moitié a moins de 24 ans, l'autre moitié se situe entre 25 et 44 ans. Depuis quelques temps, on constate également une féminisation croisante du public : une copie sur cinq de cOD est achetée, aujourd'hui, par une femme.

* first-person shooter

do

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pement. » Quand ce jeune joueur de 19 ans nous présente son camouflage US brodé, à 150 euros pièce, il nous rappelle aussi que l'Airsoft est une discipline coûteuse. Le budget prin-cipal est généralement alloué aux répliques : les joueurs en possèdent plusieurs et certaines s'achètent à prix d'or. « Ça démarre autour de 100 euros, explique Yannick, mais la note peut gonfler très vite, à plusieurs cen-taines d'euro. » Voire plusieurs mil-liers. « C'est aussi une source d'incom-préhension et de critique de l'airsoft quand des jeunes investissent 500 ou 700 euros dans un jouet perçu, à tort, comme une arme. » De toute manière, quel que soit l'argument, la discipline n'a jamais eu bonne presse. Elle est faiblement médiatisée, par rapport à l'ampleur du phénomène et les rares coups de projecteurs déforment, régu-lièrement, la réalité. « Pendant long-temps, on a été stigmatisés comme des para-militaires, sans compter les faits divers récurrents, dans lesquels les dé-linquants utilisent une réplique pour faire un braquage. Aujourd'hui, de

façon plus générale, les gens arrivent à légitimer qu'on fasse la guerre, mais pas qu'on puisse jouer à la guerre. » Partageant le constat, Christophe re-bondit même avec une fleur au fusil : « On est juste là pour faire du fun et se dépenser. Si la guerre n'était assimilée qu'à un jeu, on serait alors dans un monde idéal, en paix. » Parfaitement lucide sur la mauvaise réputation de l'airsoft, Benoît Marius justifie la sous-médiatisation par une sorte de réflexe défensif : « Pour vivre heureux, pendant longtemps, il a fallu vivre caché ». La FFA souhaite justement redorer le blason de la discipline en insistant sur ses valeurs intrinsèques et ludiques, que nous avons consta-tées à Bainville : fairplay, convivialité, mixité. « Beaucoup de clubs orga-nisent, par exemple, des événements caritatifs, en reversant les fonds récol-tés, lors d'une OP, à une association. Il faudrait les montrer. »Dimanche matin : après avoir écumés les bars de Ludres ou, plus exactement, le seul débit de boisson de la ville, abritant aussi un kebab, nous partons

saluer la petite troupe, toujours en vie. Récompensé pour sa prestation dans la partie nocturne, sans équipe mais avec des zombies, le jeune Molotov reçoit une réplique de revolver, de-vant ses aînés. Les membres de Tango Charlie, originaires de Chalon-sur-Saône, demandent à être photogra-phiés, avant de rejoindre les autres ar-tificiers pour le bouquet final : en guise de défouloir, le SWAT a concocté une adaptation du célèbre jeu du drapeau dans laquelle les Russes et les Amé-ricains s'affrontent, une dernière fois, pour ramener un jerricane de 15 litres, du camp adverse, tout en protégeant le leur. Les billes pleuvent, le ciel ré-siste, on s'éclipse. Sur le parking, un airsofter en camo, un peu palot, est af-falé sur le siège de sa Kangoo, dont la sono crache ce qu'elle peut de métal. Le cliché est tentant, mais on sait aussi désormais qu'un jeu de guerre, c'est un peu comme un conflit armé : sou-vent plus complexe qu'il n'en a l'air…

caLL oF DutY bLacK ops iiquinze jours après sa sortie, le 13 novembre dernier, Black Ops II a déjà engrangé 1 milliard de dollars de chiffre d'affaires, au niveau mondial, ravissant à l'épisode précédent, Modern Warfare 3 (2011), la place de plus gros lancement culturel de tous les temps.www.callofduty.com

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nUanCesDA : Baptiste Viry I Photo : Laurent CroisierStyliste : Alix Devallois

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Texte : Jérémie Martinez

basiC-

Un pull, un T-shirt. Basique. Et une affinité colorée qui saute aux yeux. Luciano Benetton (Benetton) et Dov Chraney (American Apparel) partagent le même amour de la déclinaison teintée et de la communication en ton direct. Pour le premier, sa réputation s'est bâtie à partir d'une technique ramenée d'Angleterre permettant de multiplier les teintes au dernier moment à partir d'un seul modèle de tricot écru. Entouré de ses frères et de sa sœur Giuliana qui s'occupe de la maille, l'ita-lien Luciano décide en 1963 de monter une première boutique où seront proposés, chaque saison, des pulls ayant la particularité de se décliner en 48 couleurs. Le second bonhomme, un adolescent montréalais au prénom savonneux, met au point en 1991 le prototype du premier T-Shirt American Apparel. Cet autodidacte, d'abord fournisseur pour d'autres magasins (Colette) où le vêtement sert de matrice à imprimer, crée sa propre ligne en 1997. Signes distinctifs : un T-shirt ajusté et décliné en couleurs flashis en rupture totale avec la coupe XXL des années 80/90. La recherche d'un coton de qualité justifie alors un déménagement déterminant à Los Angeles. AA est né.En s'appuyant sur la diversité de couleurs des produits et des mannequins photographiés, le succès des deux marques suit surtout, à deux époques différentes, la logique d'une communication inversement propor-tionnelle à la simplicité du produit. Jusqu'en 1982, Benetton ne communique que sur la filiation bienpen-sante entre produits colorés et multiculturalisme 01. Mais à partir de 1983, lorsque le styliste Elio Fiorucci permet la rencontre entre Luciano et Oliviero Toscani, les campagnes de publicité vont prendre un tout autre virage. En s'appuyant sur la fameuse baseline créée par Luciano lui même, United Colors, Toscani, qui hait la communication classique, va creuser 02 , puis bouleverser l'idée originale. S'il conserve les fonds blancs et l'absence de décor (permettant de valori-ser la ligne graphique créée par les vêtements et les mannequins colorés), il ajoute une dimension sociale et politique. À partir de 1985, les opposés s'unissent sous les couleurs de la marque, en particulier les cam-pagnes qui confrontent le noir et le blanc 03, et renfor-cent le malaise provoqué par une publicité Benetton. Le vêtement s'efface et laisse place à des symboles souvent provocants. L'escalade communicationnelle, qui offrira de nombreux rédactionnels gratuits à la marque, se traduit par la transgression d'un prin-cipe ancestral de la communication : ne jamais asso-cier le produit à un élément négatif pouvant générer

02 B-1990

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UnbasiC-

une image anxiogène. Et tout y passe : SIDA, conflits armés 04, misère sociale 05, catastrophes naturelles…, jusqu'à la mise en scène en 2000 de condamnés à mort américains (sans leur autorisation) qui scellera la fin de la collaboration entre Benetton et Toscani, sous le tollé des associations anti-pubs et même, dit-on, des franchisés. Mais après une longue accalmie, la marque a repris l'année dernière ses bonnes vieilles habitudes avec sa campagne de photomontage unhate 06, criti-quée par un Toscani amer.American Apparel et son fondateur ont suivi, à une autre époque, la même évolution, le succès de la marque s'appuyant largement sur une communication provocante réalisée en interne par Dov Charney. La marque reposant sur le principe de l'intégration verti-cale, l'entreprise contrôle toutes les étapes de création, production, distribution et surtout marketing, le tout étant intégralement basé à Los Angeles. La marque gère donc elle-même ses campagnes publicitaires. Au menu, du cul, des seins, et des culs. Les modèles ne sont pas des mannequins professionnels mais généralement des employés de l'entreprise à la limite de l'âge légal ou des stars du porno prises au naturel. À la photo, c'est Dov lui-même qui s'y colle. Si les poses suggestives et le multiculturalisme sont de rigueur 07, on dénote cependant plusieurs variantes : les débuts gentils 08, les slogans à double sens 09, la simulation de mastur-bation ou de préliminaires 10, des actrices de talent 11, du noir et blanc, de l'homme, des dessins, du Dov Charney 12, du vieux et du Woody Allen. Cette com-munication nous ferait presque oublier le principal : American Apparel est une marque engagée, made in LA. Elle le revendique même en énorme sur son usine : « American Apparel est une révolution industrielle ». Tout simplement. Dov Charney a toujours communi-qué sur son refus de la délocalisation, l'apport d'ou-vriers immigrés (même sans papier), les conditions de salaires de ses employés et le respect de l'environne-ment. Une marque responsable donc, qu'on est fier d'arborer à Williamsburg et dans le monde entier. Quelques procès pour harcèlements sexuels, un procès intenté par Woody Allen et une bonne crise plus tard, la communication de la marque n'a pas trop changé. Elle continue d'accompagner le rebond d'une marque en pleine crise d'adolescence.La communication haute en couleurs, ça rend addicts. Benneton et American Apparel, après un court passage par le conformisme du discours nuancé, ont clairement décidé d'inscrire la provocation dans leur ADN de marque, au même titre que les basics colorés.

05 B-1992

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a l t e r n a t i v e

Fig. 2 : Postcoïtum_

[ m u s i q u e ] . Le post-coït est un espace-temps plutôt original dans la vie d’un homme. Ce dernier se retrouve dans une étrange situation de tristesse, alors même qu’il vient d’assou-vir son plaisir. Couramment comparé à la descente du drogué, car jouant sur les mêmes zones du cerveau, l’effet n’en est pourtant pas exactement semblable. Ce qui se joue ici doit plutôt se comparer à la mélancolie. Et à ce jeu-là, le groupe Postcoïtum n’est pas mauvais.En art, la mélancolie est une muse bien délicate et Postcoïtum la gère admirablement. À l’aide d’un laptop, d’un synthétiseur, d’une batterie et d’un pad, Damien Ravnich et Bertrand Wolff créent une musique d’une force peu comparable. À la fois mys-tiques et industriels, insaisissables et palpables, les morceaux de Postcoïtum naviguent sur l’étroite corniche qui mène du rock expérimental à l’électro, se concentrant sur l’essentiel : l’émo-tion. Leur mini-album Animal Triste, sorti en avril sur l’excellent label marseillais Daath, est de ce bois-là, enchaînant bidouillages électroniques et grandeurs synthétiques avec une facilité prodi-gieuse. L’auditeur plonge alors dans une béatitude triste, le cul confortablement placé entre les deux chaises de la mélancolie et du plaisir auditif. Un plan à 3 pas désagréable.• Postcoïtum sera en concert le 29.12 à La Fabuleuz à Apt

et le 24.01 au CENC à Genève et le 26.01 au Festival MO’FO’ 13.

daath.bandcamp.com/album/animal-triste ; www.facebook.

com/postcoitummusic ; www.facebook.com/postcoitummusic

Fig. 1 : 30''30' Les RencontRes du couRt #10

_

[spectacle v ivant] . Depuis dix ans, Les Rencontres du Court s’échine à faire découvrir aux spectateurs une forme autre du spectacle vivant : le court. Partant du constat que le théâtre, la danse, la musique ou le cirque se trouvent asphyxiés par une standardisation galo-pante, Jean-Luc Terrade et son équipe ont voulu faire éclater les normes en s’at-taquant à la plus rigide d’entre elles : le

temps. Ce faisant, Les Rencontres du Court ont permis aux auteurs et interprètes de repenser leur art, et aux spectateurs de découvrir un visage différent de la création contempo-raine. Et avec le passage, entre autres, de Mathurin Bolze, Steven Cohen, Joëlle Léandre, Ivo Dimchev, la Cie des Limbes ou Olivier de Sagazan, on peut dire qu’ils ont été salement gâtés.Ainsi sera également la dixième édition qui promet, comme toujours, de réinventer les arts de la scène. Du bricolage sonore de Perrine En Morceaux au spectacle en apesanteur de la com-pagnie espagnole Morosof, en passant par le corps fragile de Jean-Sébastien Lourdais ou le violoncelle mutant de Didier Petit, Les Rencontres du Court a encore trouvé de nouvelles et bien étranges cordes à son arc. Tant mieux car si, pour 30"30', le temps est un moyen, la fin reste, elle, toujours la même : mon-trer au public bordelais des spectacles différents, innovants, enthousiasmants. Et à chaque édition, Les Rencontres tape dans le mille.• 30’’30’ Les Rencontres du Court, du 17 au 26.01 dans

l’agglomération bordelaise. Inauguration le 10.01 sur l’I.Boat

www.marchesdelete.com ; www.marchesdelete.com

n.f. (alternatum), se dit d’une autre option face

à une thèse, une doctrine majoritaire.

ex : « Je suis une alternative crédible à la réalité » — raël.

Se dit également d’une musique rare et

précieuse ou d’un format différent d’expression

artistique.

Vers

, Jea

n-Se

bast

ien

Lour

dais

© V

aler

ian

Maz

atau

d

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b l a c k m o v i e n.m + adj (film noir), se dit d’un festival de cinéma qui affirme sa différence tout en gardant son exigence. ex : « moi, quand l’hiver est dans mon cœur, je vais voir mes films au black movie » takashi miike

[cinéma]. L’industrie du cinéma est une machine infernale. Bousculés que nous sommes, mercredi après mercredi, par les multiples sorties nauséeuses qui encombrent nos écrans, il nous arrive parfois de baisser les bras. Pour tout dire, il y aurait de quoi devenir enragé s’il n’y avait pas, de temps en temps, ce petit « mais » qui rend somme toute le cinéma bougrement intéressant. En janvier, ce « mais » se nomme Black Movie, festival genevois de films du monde. Pour sa 13e édition, le leitmotiv ne bougera pas d’un poil car Black Movie fait une nouvelle fois le choix d’un cinéma différent, novateur et rare. Avouons-le tout net, la manifestation genevoise a un petit faible pour les asiatiques et 2013 ne fera pas défaut. Son programme « À suivre » est en effet tout dédié au bel orient avec un gros focus sur ces bons Coréens (Kim Ki Duk, Hong Sang Soo, Im Sang Soo, Gyeong Tae-roh) parmi lesquels le nouveau venu Kim Kyung-Mook aura toute notre attention. Des Japonais répondent présents également, et pas les plus crades, avec Takeshi Kitano (Outrage Beyond), Masahiro Kobayashi (Japan’s Tragedy), Naomi Kawase et le très attendu Penance, film-série de six heures d’un Kurosawa, Kiyoshi pour être précis (réalisateur de Tokyo Sonata). Le Sri Lanka, Hong-Kong et Taïwan seront dans la place avec la présentation des derniers films de Vimukthi Jayasundara, Tsai Ming Liang et Johnnie To. Mais le regard malin du Black Movie ne se focalise pas uniquement sur l’Orient. Le nouveau cinéma portugais aura aussi sa part du lion avec la présentation, notamment, du Tabu de Miguel Gomes, et un focus sur les réalisateurs Joao Pedro Rodrigues et Joao Rui Guerre de Mata. L’éternelle Russie n’est pas en reste non plus, elle qui sera dépeinte par les sombres cinémas de Sergei Loban (Chapiteau Show), d’Angelina Nokanova (Twilight Portrait) ou encore de Nikolai Khomeriki (Heart’s Boomerang). Black Movie sera donc bel et bien ce « mais » de janvier, ce « mais » turbulent, différent, fascinant, ô combien enthousiasmant.• Black Movie, du 18 au 27. 01 à Genève.

blackmovie.ch

maria watZlawiCkCo-direCtriCe dU Festival

- Pouvez-vous, en quelques mots, Présenter le festival ?un festival vorace, curieux, pointu, passionné, et qui ne se satisfait pas de notre ordinaire ciné-matographique américano-français. un festival extra-ordinaire, donc.

- De quoi êtes-vous le Plus fier Dans le Projet Black movie ?De sa poigne, de son exigence, de sa magnifique bonne humeur communicative à la vue d'excel-lents films.

- quels sont les films immanquaBles cette année ? Heart's Boomerang (russie), pour le coeur fragile de kostia, et la B.o. dont on ne se lasse pas ; El muerto y ser feliz (argentine), pour son spleen et son mordant ; Sofia's Last Ambulance (Bulgarie), pour l'humour corrosif de l'équipe d'ambulan-ciers ; Fogo (mexique), pour le visage extraor-dinaire de son petit vieux protagoniste dans un paysage de fin de monde ; Rafa (Portugal), pour la grâce fugace de l'adolescence ; Japan's Tragedy (japon), pour l'amour de tous les pères ; Solution (corée du sud), pour le côté merdique des télé-réalités.

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c o m m u n i S m en.m. (communis),

idéologie qui prône la mise en commun

des richesses d’une communauté,

d’un territoire, d’un pays. ex : « c’est le communisme qui a

changé, pas moi » alain minc. Se dit aussi

de la volonté des artistes de mutualiser leurs œuvres.

[ e x p o ] . Nancy est une ville de grâce, et le monde ne le sait que trop peu. Pourtant, deux structures s’échinent, jours après jours, nuits après nuits, à faire savoir au peuple que l’art contemporain nancéien est non seulement florissant mais encore innovant. D’un côté, nous avons Ergastule, plateforme, née en 2009, qui mutualise compétences et outils multi-techniques au sein d’un atelier commun en vue de pro-céder à la diffusion de l’art contemporain émergent. De l’autre, il y a l’excellente galerie My.monkey envers laquelle nous ne tarissons pas d’éloges depuis bien long-temps déjà. Et paf, la collision des deux se nomme Multiples 2012, exposition de la collection 2012 du travail d’Ergastule. À la ville comme à la cène, ce sont treize artistes qui montreront de quoi Nancy est capable. Pour que le monde sache enfin.• Multiples 2012 jusqu’au 17.01 à la galerie My.monkey à Nancy

www.mymonkey.fr ; www.ergastule.org

Fig. 2 : muLtiPLes 2012–

[ e x p o ] . Le calembour est un art difficile que les Flamands manient avec éclat. L’intitulé de l’exposition La Boîte à Gand en est un exemple manifeste, alliant avec subtilité le fourre-tout automobile et la ville de Gand, en Belgique flamande. Mais attention, la blague n’est pas le seul moteur de ce titre alambiqué. Celui-ci reflète également une vérité toute neuve dans le monde de la Bande Dessinée : le règne à venir des Gantois dans le 9e art. Brecht Evens, le commissaire de cette exposition, a été le premier à tirer avec deux albums d’une qualité incomparable : Les Noceurs et Les Amateurs. Ses disciples ne sont toutefois pas en reste. Brecht Vandenbroucke, avec son album White Cube à paraître chez Bries, Sarah Yu Zeebroek et les clips de son groupe Hong Kong Dong, Lotte Vandewalle et ses toiles mystérieuses ou encore Hannelore Van Dijck accompagnée de son furieux fusain font de cette scène gantoise un paradis nouveau. Leur secret ? Un savant alliage entre bonhomie et tristesse, couleurs vives et cynisme, enfance et dépression. Angoulême peut donc accueillir avec fierté ce qui s’annonce être l'un des climax du festival international de la Bande Dessinée. Sans blague.• Exposition La Boîte à Gand du 31.01 au 3.02 dans le cadre du Festival d’Angoulême.

www.fondsvoordeletteren.be ; www.fondsvoordeletteren.be ; www.bdangouleme.com

Fig. 1 : La Boîte à gand –

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c u r i o S i t én.f. (curiositas), passion, désir, empressement de voir, d’entendre, d’apprendre des choses nouvelles ; chose rare, curieuse. ex : « la curiosité est mon grand défaut » - Dominique Strauss-kahn. Se dit également d’un label qui cherche la musique nouvelle.

[ m u s i q u e ] . Lorsque Julien Haguenauer, impétueux archi-tecte, statua l'inauguration de Dement3d en tant que maison de disque, rien ne laissait présager qu'un tel objet sonore puisse un jour éclore en sa demeure. Soucieux de créer des matières nouvelles, curieux d'expérimenter des substances inédites, et bien déterminé à bâtir seul cet univers particu-lier, le label parisien, dès ses débuts, affirma tenacement sa volonté d'indépendance et sut se dispenser, valeureusement, de l'aide précieuse qu'apporte souvent un artiste renommé aux nouveaux arrivants. En effet le remix, puisqu'il en est question, n'a la plupart du temps d'autre motivation que celle du « faire valoir ». S'en sortir, tout en y renonçant, c'est le défi que cette mystérieuse et sauvage équipée a pu résoudre en trois EP seulement. Dm3d004 s'autorise donc l'audace - bien méritée - de contredire ces convictions préambulaires, mais ce, pour mieux les affirmer. Là où d'ordinaire, revisiter l'original ne correspond générale-ment qu'à son altération, c'est une métamorphose massive et radicale que nos tympans doivent accueillir ici. Des divagations

aussi dépouillées qu'oniriques de Dscrd ne sub-sistent alors que quelques vestiges impénétrables. La délicate dis-cordance initiale s'efface puis dis-paraît, cédant sa place à de brutales harmo-nies. Lucy retourne L'Envers des Clefs sur son endroit, Polar Inertia transfigure l'aube (The Dawn) en un coucher de soleil... Déroutez-vous, égarez-nous, nous ne sommes vraiment pas prêts de nous en lasser.

Simon Chambon-Andréani• Dm3d004 – DSCRD remixed sortie courant décembre.

www.dement3d.com

[ m u s i q u e ] . Aussi étrange que cela puisse paraître, aimer la musique est parfois le seul moteur d’un label. Oh bien sûr, des bizarreries de ce genre se font assez rares et, Dieu soit loué, elles ne se hissent jamais bien haut dans les charts. Mais il faut admettre que la démarche est intrigante. Ainsi, deux iconoclastes ont lancé, il y a 18 mois, le label Fin de Siècle. Ayant pour seule ambition la diffusion d’une musique de qualité sur un format approprié – le vinyle –, Alex et Dom se sont donc

embarqués, faisant fi de toute considé-ration économique primaire. Le pire, c’est qu’ils nous ont rendu heureux. En quatre sorties, les bougres ont mon-tré la pleine puissance d’une véritable mélomanie. Peu attachés aux styles ou aux genres qui cadenassent habituelle-ment la vie des maisons de disque, Fin de Siècle fait feu de tout bois. Quel autre lien, en effet, que l’amour sin-cère de la musique pourrait rapprocher l’ambient cotonneuse d’Archers by the Sea (le groupe de Cankun) du post rock

signé Kwoon, ou le rock synthétique de Geste de l’électronique apocalyptique de Paulie Jan ? Rien, évidemment. Alors, oui, ce n’est pas commun, la sensation est inconfortable mais la vérité est là, belle comme le jour : Fin de Siècle est un label de qualité, entière-ment dédié à la bonne musique.• À venir en 2013, une série de 7" avec

notamment une nouvelle sortie de Geste

www.findesiecle.fr

Fig. 2 : Fin de siècLe –

Fig. 1 : dscRd Remixed –

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D é p u c e l a g e n.m. (pullicella), action relative à la perte de la virginité d’un individu ;

peut convenir plus généralement

à toutes les formes de première fois.

ex : « le dépucelage, ça n’a jamais été mon

truc » - benoît XVI. Se dit aussi de

magazines ou de revues qui se lance et du cirque qui inaugure

la grand-messe de marseille-provence 2013Fig. 1 : ciRque en caPitaLes

maRseiLLe PRovence 2013caPitaLe euRoPéenne de La cuLtuRe

[ s p e c t a c l e v i v a n t ] . Pour le reste on sait pas trop quoi dire encore mais ce que l'on sait déjà, c'est que, côté nou-veau cirque, le territoire de Marseille Provence 2013 sera un rendez-vous incontournable en janvier et février 2013. Impossible de citer tous les artistes présents là, car pendant quelques semaines Cirque en Capitales proposera plus de 200 représentations entre Marseille, Arles, Martigues, Port de Bouc La Seyne, Istres ou Aix. Tous les grands noms de cette nouvelle génération qui a renouvelé le genre et fait croiser les esthétiques seront là entre Rhône et Méditerranée. On peut citer parmi nos préférés Camille Boitel, Rémi Luchez, Chloé Moglia, Ludor Citrik, Mathurin Bolze ou encore la 24e promotion du CNAC, cette école nationale des arts du cirque de Châlons-en-Champagne où, pour beaucoup de ces artistes, tout a commencé.Ne pas rater aussi les cinq minutes de poésie et trampoline avec Fugue de Yoann Bourgeois les 26 et 27 janvier dans l'église des Frères Prêcheurs à Arles (Gratuit). Cette entrée en matière circassienne est un très bon moyen pour Marseille Provence de nous emporter tous grâce à des proposi-tions multiples et des tarifs très attractifs et fédérer ainsi tous les publics du territoire avant les grandes inaugurations, exposi-tions et parades populaires de cette année en capitales.

David Chauvet• Cirques en Capitales, dans le cadre de Marseille-Provence

2013, capitale européenne de la culture 2013, en janvier

et février.

www.mp2013.fr

Fig. 3. : magazine gonzaï –

[ p r i n t ] . L’expert n’échappe pas à son temps, il en subit les influences les plus basses. De cette phrase de Chesterton, Gonzaï tire toutes les conséquences nécessaires. Aux vues de la moribonderie tenace qui règne sur l’Esprit critique français, l’heure n’était plus aux bavardages mais à l’action. Mieux, à l’épopée. Et quelle plus belle aventure intellectuelle (nous sommes en France, que diable) que celle qui consiste à se lancer dans la presse papier ? La réponse est sans appel : aucune. Las, donc, que le jugement culturel et sociétal soit aux mains des minables, le site Gonzaï a décidé de s’incarner. Le 15.01.2013, Gonzaï Magazine arrivera ainsi chez votre disquaire préféré (si vous avez eu l’outrecuidance de ne pas vous abonner) et vous prodiguera une souplesse d’esprit, une vigueur cognitive et une force spirituelle que nul autre canard ne pourrait espérer vous promettre. À base de faits, de freaks et de fun, de vrais héros de la (contre) culture pop et d’inconnus souhaitant le rester, le bimestriel nouveau entend substituer, enfin, le vrai au faux. La technique est simple, mais redoutable : l’indépendance totale, du financement à la ligne éditoriale, en passant par la distribution. Pour, simplement, se défaire des influences basses de notre temps.• Gonzaï Magazine n° 1, sortie le 15.01 chez les disquaires

et boutiques partenaires.

gonzai.com

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∆f e S t i v i t é S

01-la villette enchantée a choisi de fêter le nouvel an d'une façon pas banale : la meilleure. ils invitent pour cela chateau flight (i:cube & Gilb'r) et clément meyer (Get the curse). le 31.12 à Paris.

02-le festival ciné-court animé de roanne (42), présentera plus de 130 courts-métrages d’animation du 19 au 24.03. comme quoi, il porte bien son nom.

03-le social club fête ses cinq ans de bons et loyaux services envers la musique et les nuits sauvages. les premiers noms sont alléchants : Gesaffelstein, the Hacker et andrew Weatherhall.

04-Deux belles soirées au social club ces temps-ci : le 29 décembre avec kolombo, jupiter, alan Braxe et Dj falcon, et le 15.01, avec juke ellington, nah like, Dave luxe et kesmo. chic.

05-le jardin numérique, grand barnum de la création numérique au jardin moderne à rennes, aura lieu du 6 au 10.02. au programme : initiations, workshops, performances, etc.

06-sazamyzy, fer de lance de l’un des meilleurs crew du rap français, Grand Banditisme, sort son premier album solo courant 2013. restez à l’écoute.

n.f. (festivitas), réjouissances qui se

tiennent pour célébrer une fête. ex : « c’est

vrai, j’ai beaucoup de festivités en moi »

Yann m’vila. Se dit aussi

d’événements qui envoient le bois.

Fig. 2 : monogRaPh –

[ p r i n t ] . Certes, la musique s’écoute. Mais il n’échappera à personne qu’elle se bavarde, se débat et se conceptualise tout autant. Et ce travail de réflexion autour de la musique est moins aussi important que la composition elle-même. Malheureusement, les espaces de discussion se font rares et plus rares encore sont les parutions dédiées à la pensée musicale. Il y a quelques temps de cela, nous avions accueilli avec bonheur la sortie d’Audimat par les Siestes Électroniques ; aujourd’hui, la joie nous transporte à l’annonce du premier numéro de la revue Monograph, bi-annuelle d’expression autour des musiques électroniques. Lancée par la structure The Unknown Precept, Monograph veut prendre à contre-pied les babillages incessants et, le plus souvent, stériles qui encombrent les réseaux de l’Internet. En offrant une tribune sans limite, quoique cadrée par une thématique générale, aux artistes, labels, promoteurs ou journalistes qui en ont, Monograph permet à la musique de s’écrire avec intelligence, pertinence et bon goût. Pour ce premier numéro, The Unknown Precept accueille ainsi de précieuses et belles plumes pour disserter autour de « l’idéal noir » : Mondkopf & Jules Estèves, Dement3d, Shifted, CLFT & Rudy Guedj, Emptyset & Caroline Seymour, Ancient Methods, Sigha, entre bien d’autres. De quoi, sans aucun doute, apporter quelques litres d’eau au moulin joli de la connaissance.• Monograph, sortie courant janvier, 84 p., 300 ex.

www.theunknownprecept.com ; www.facebook.com/theunknownprecept

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[ e x p o ] . Le « Huh ? » est une donnée essentielle dans l’art d’aujourd’hui, et un procédé de premier plan pour Ed Ruscha dans l’accroche du spectateur. Ce moment, qu’on pourrait traduire par « Hein ? » en français ou « WTF ? » en langage 2.0, se retrouve au centre de l’exposition A Kind Of « Huh ? » réalisée dans le cadre du Festival Graphéine à Toulouse. Cinq artistes sont ainsi rassemblés autour de ce subtil espace-temps d’incompréhension : la graphiste et éditrice Aurore Chassé, ce bon vieux Ed Ruscha, les artistes contemporains Claude Closky et Julien Nédélec ainsi que la structure de diffusion

Information as Material, fondée par Simon Morris. A Kind Of « Huh ? » se veut être une exposition où l’évidence renvoie à l’indéchiffrable, où le rationnel est définitivement absurde et où ce que l’on perçoit n’est jamais aussi beau que lorsqu’on ne le comprend pas. Et la moue dubitative devint la plus belle des créations artistiques. • A Kind Of « Huh ? » jusqu’au 23.03 à la Médiathèque

des Abattoirs, à Toulouse.

www.lesabattoirs.org ; www.pinkpong.fr

o n o m a t o p é e n.f. (ὀνοματοποιία), formation d’un mot dont le son imite la chose qu’il signifie. ex : « Zdedededex, blah, blah » - Seth gueko. Se dit aussi d’expositions qui collent à leurs sujets.

Fig. 2 : a Kind oF « huh ? » –

Fig. 1 : aRRRgh ! monstRes de mode

[ e x p o ] . Le monstre n’est-il pas une édition de luxe de l’homme, dont il offre une image ennoblie et agrandie ? Pure artefact, le monstre est cet être issu de l’ima-ginaire des vivants qui, se regardant, voyaient bien qu’ils se démenaient dans un corps et une âme par trop réduits. L’humanité voulait voir plus grand, plus fort et, pourquoi pas, plus beau. Ainsi est né le monstre, ainsi il vécut, ainsi il renaît. Car, oui, force est de constater que la monstruosité fait de nouveau parler d’elle chez les artistes de tous bords. La Gaîté Lyrique le sait, elle qui l’année dernière consacrait son exposition Pictoplasma au « character design », et qui fait place à l’hiver 2013 aux monstres de mode pour l’événement Arrrgh. Invitant les Grecs d’Atopos, association de diffusion de la culture visuelle contemporaine, la structure parisienne entend rendre compte de l’invasion des podiums de mode par d’énigma-tiques créatures. En effet, s’inspirant des nouvelles figures qui infestent la recherche en design, en illustration ou en animation, les stylistes utilisent de plus en plus la forme du monstre pour questionner celle du corps. Et le vêtement, vu comme un véritable exosquelette, permet enfin à l’homme de devenir ce qu’il a toujours, au fond de lui, rêvé d’être.• Arrrgh ! Monstres de Mode, à La Gaîté Lyrique du 13.02 au 7.04 avec la participation

d’Issey Miyake, JC de Castelbajac, Craig Green, Chi He, Piers Atkinson, etc.

www.gaite-lyrique.net

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o r D i n a r i S m e

Fig. 2 : FestivaL miRage

n.m. (ordinator), fait d’avoir une relation

dépendante et maladive à l’ordinateur.

ex : « avec mon ipad et mon ipod, je suis un geek frappé d’ordinatorisme »

françois fillon. est également

la nouvelle muse des créations artistiques

contemporaines.

[ a r t n u m é r i q u e ] . Le monde réel est d’un ennui mortel. Si l’homme n’a pu faire autrement que d’y vivre bon gré mal gré pendant 50 000 ans, il était temps que cela change. La roue, le suicide, la perspective, la machine à vapeur, l’électricité, le train, etc., tout ça nous a bien fait marrer, mais l’ennui revenait, inexora-blement. C’est alors que, dans son infinie bonté, le Créateur inventa la Silicon Valley et que, dans le même élan de générosité, l’Amérique nous donna l’ordinateur. De cette nouvelle techno-logie le Lux de Valence a immédiate-ment su quoi en faire : l’appliquer à la

culture. De cette idée est né le Festival (É)mergences, rendez-vous incontour-nable des cultures numériques contem-

poraines. Pour mériter ce qualificatif, la manifestation se démène comme un beau diable. Cette année, par exemple, où le thème est « spectateur augmenté », le Lux nous invite à nous délester de notre sensibilité trop humaine pour mieux s’accaparer celles, puis-santes, offertes par les tech-

nologies transmédias, vidéoludiques et immersives. Pour faire passer une pilule qui pourrait en rendre pâles quelques-uns, le Lux fait appel à la crème des chercheurs en art numérique. Le cho-

régraphe Adrien Mondot, par exemple, viendra présenter XYZT, son exposi-tion interactive réalisée avec Claire Bardainne, ainsi que son spectacle Un point c’est tout ! ; la cinéaste Johanna Vaude présentera, elle, son programme de court-métrages Hybride ; Benjamin Nuel marchera dans ses pas en nous présentant son film Hôtel ; Dépli, l’installation cinématographique de Thierry Fournier sera là, elle aussi, parmi d’autres spectacles, conférences, et workshop. Un programme qui, pour sûr, empêchera quiconque de sentir le poids terrible de la lassitude.• (É)mergences du 21 au 26.01 au Lux de

Valence

www.lux-valence.com

[ a r t n u m é r i q u e ] . On ne sait jamais de quoi hier sera fait. Sans doute nos enfants verront-ils d’un œil moqueur notre attachement maladroit aux nouvelles technologies. Mais quoi ? Le foisonnement actuel de l’art numérique ne mérite-t-il pas qu’on s’y intéresse un tantinet ? Oh que si, et Dolus & Dolus ne nous a pas attendu pour faire sortir du vide son festival Mirage, bise sur la joue de cette riche et nouvelle discipline. Ma foi, plongeons corps et âmes dans ce bain à la solution fascinante.Et de fascination, nul doute qu’il en sera question, en effet, parmi les diverses propositions formulées par la manifestation lyonnaise. Hypnotisés, nous le serons par les expositions avec Fundburo, projet franco-sud-africain présenté au réfectoire des Nonnes, Mécaniques Discursives de Legoman et Fred Penelle à Sunset Résidence, In The Woods de Camille Scherrer ou encore les drawbots de La Fabrique

d’Objets Libres. Estomaqués, nous nous trouverons devant les performances de 1024 Architecture au Grand Temple,

le Eile de Yro à la salle Garcin et le LSD de Boris Edelstein & Steve Buchanan. Minables et ravis, nous terminerons après les deux soirées concoctées par Mirage, avec d’un côté une carte blanche à CLFT qui invite le merveilleux MPIA3 et de l’autre un Club Transbo tout tourné autour de Duke Dumont et Douster, régional de l’étape.

• Festival Mirage du 13 au 17.02 à Lyon

www.miragefestival.com

Fig. 1 : (é)meRgences –

www.miragefestival.com

Installations, Musique, Performances, Workshops, Conférences.

Expériences Numériques et Audiovisuelles

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Fig. 2 : WoRK in PRogRess –

r é t r o v i S e u rn.m. (visere), dispositif présent sur certains véhicules permettant au conducteur d’observer derrière lui sans se retourner. ex : « c’est à cause que mon rétroviseur, il est pété. » romain grosjean. Se dit aussi de manifestations ou de spectacles qui se servent du passé pour parler de notre présent.

[ s p e c t a c l e v i v a n t ] . Ivan Ilitch Mosjoukine était russe ; ses compatriotes l'appelaient d'ailleurs par son petit nom Иван Ильич Мозжухин qui veut dire la même chose en russe. Aujourd’hui, deux femmes et deux hommes ont eu la bonne idée de s’attribuer le nom de la vedette du cinéma soviet d’avant et de la star du cinéma muet français d’après la Révolution Rouge, pour y apposer leur vision personnelle et résolument contemporaine de ce qu’est (ou devrait être) le cirque d’aujourd’hui : un art de recherche. Ces quatre transfuges du CNAC, révélés dans le spectacle « Du goudron et des plumes » de Mathurin Bolze, dynamitent les formes de cet art et lui font tailler la bavette. Leurs envies : écouter enfin ce que le corps agissant a

à dire et ce que la tête pensante a à faire. Puis oser une forme osée et faire 80 notes sur le circus avec en ligne de mire 15 principes que l’on pourrait rapprocher du dogme de Von Trier et Vinterberg (sauf qu’ici on a à peu près tout le temps du sourire plein les lèvres). De nos jours [Note on the circus] est bien plus que SWAG, Ivan Mosjoukine serait content et

ferait parler son cinéma pour applaudir. En attendant, c’est nous qui faisons clap-clap. Za zadarovié !

François Huguet

• De nos jours [Note on the

circus] par Ivan Mosjoukine,

les 15 & 16 février au Théâtre de

Cornouailles de Quimper, dans

le cadre du festival Circonova.

ivan-mosjoukine.blogspot.fr

[ a r c h i t e c t u r e ] . Le turbin, cette infamie, cette punition, cette croix que l’homme se trimballe depuis la nuit des temps parce que le premier d’entre nous a fauté. Sommes-nous res-ponsables ? Sommes-nous les gardiens de notre lointain aïeul qui, pour manger, choisit une pomme plutôt qu’une poire ? Il faut croire que oui puisque, au xxie siècle, celui-ci continue de réguler notre vie, voire de la gâcher. Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir essayé de le rendre plus confortable, d’en avoir changé les us et coutumes, d’en avoir transformé l’environ-nement. C’est cette histoire que vient nous conter le Pavillon de l’Arsenal pour l’exposition Work In Process. Retraçant l’évolution esthétique des bureaux franciliens depuis 1900, le centre d’architecture de Paris entend scruter cette face méconnue et pourtant primordiale de notre vie en société.

Des préfabriqués de Jean Prouvé aux projets de Jean Nouvel, des pièces individuelles aux espaces de co-working, les zones de travail façonnent nos villes et notre quotidien. Le Grand Paris, à lui seul, compte plus de 50 millions de mètres carrés de bureaux : l’affaire n’est pas mince et les enjeux sociaux, de taille. À l’aide de vidéos, d’interviews, de cartes, de docu-ments historiques, le Pavillon de l’Arsenal dresse le panorama de ces différentes formes du travail et essaie d’entrevoir son avenir. Pour que l’architecture puisse, un jour, rendre la puni-tion moins lourde. • Work In Process jusqu’au 15.03 au Pavillon de l’Arsenal

à Paris.

www.pavillon-arsenal.com

Fig. 1 : de nos JouRs [note on the ciRcus] –

© Ivan Mosjoukine

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Fig. 2 : t3 - Le Roi des mouches –

[ B d ] . On l'attendait fiévreusement depuis plus de quatre ans : le 3e et der-nier volume du Roi des Mouches, dia-blement imaginé par Pirus et Mezzo, vient d'être annoncé par Glénat pour le 9 janvier prochain. Beau, dérangeant, bizarre... Sublime en somme.• Le Roi des mouches T. 3 : Sourire

suivant. Pirus et Mezzo, Glénat BD.

Collection Hors Collection, 64 pages.

19,50 euros

Sortie prévue le 09.01.

Fig. 1 : saLon d'hiveR –

r o Y a u m e n.m. (reaume), pays dirigé par un roi ou une reine ; étendue,

territoire, champ d’action parfaitement

maîtrisé. ex : « la musique, c’est

mon royaume » tony parker.

Se dit également du quartier du roi

des mouches et de l’Île des impressionnistes

pour le cneai.

[ a r t c o n t e m p o r a i n ] . La vie n’est qu’une suite de recommencements. Cette phrase de pessimiste trouve ses arguments dans une vision cyclique de l’existence. Sauf que celle-ci oublie de dire une chose : chaque cycle pré-voit son lot de surprises. La saison 2012 - 2013 du CNEAI fonctionne ainsi, une suite de cycles saisonniers, comme un enchaînement de renou-vellements. Et comme prévu, comme promis, le Centre National Édition Art Image enchaîne. Après avoir présenté un Salon d’Automne riche en œuvres et événements de qualité, le CNEAI suit le cours du temps et présente logiquement son Salon d’Hiver. Le programme n’est pas encore totalement tombé, mais on peut d’ores et déjà annoncer trois points de vue qui seront trois étoiles vives du Salon d’Hiver : l’art télépho-

nique du Art by Telephone…Recalled 2012 de Sébastien Pulot et Fabien Vallos ; l’art généreux de Courtesy of The Artist par Alexandra Baudelot ;

l’art (in)confortable de Reading Danse par Sylvie Boulanger et Christophe Daviet Thery. Comme pour la sai-son dernière, l’inauguration et point d’orgue de la manifestation sera pour le Festival Island, week-end d’expo-sitions et de divagations sur l’Île des Impressionnistes. Celui-ci sera ainsi l’occasion d’assister à des perfor-mances, conférences, lectures, pro-jections, concerts, etc. Comme en Automne, mais pas comme d’habitude.• Salon D’Hiver, du 9.02 au 17.05.

Week-end d’inauguration au Festival

Island #2, les 9 et 10.02. Art by

Telephone et Courtesy of The Artist sont

déjà visibles, Reading Danse le sera à

partir du 19.01.

www.cneai.com

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Z o n en.f. (zona), territoire identifié sur la base d’une caractéristique spécifique. ex : « franchement, la libye, c’est la zone » bernard-Henri lévy. Se dit également d’un territoire particulièrement propice à la création.

[expo]. Depuis mi-octobre souffle dans les couloirs des Arts Décoratifs comme un furieux vent de

nostalgie. Celui des pantalons bario-lés en lycra, des sonorités trip hop et des rythmes house aux relents de funk et de disco ; celui des heures glo-rieuses de l’électro à la française et des pochettes d’albums où on osait tout et même le pire. Tandis que des acharnés bidouillent dans leurs caves les pré-mices de l’électro downtempo façon hexagone, une nouvelle génération de graphistes indépendants cherche à

rompre avec vingt ans de visuels ternes et fanés et à rendre à la créativité le grain de folie qui lui manque. Il n’en fal-lait pas moins pour produire l’identité explosive qui allait exporter la musique française à l’extérieur de ses frontières et conquérir les charts anglo-saxons. C’est à cette collaboration fortuite où le génie flirtait régulièrement avec le mauvais goût que les Arts Décoratifs rendent aujourd’hui hommage : the nineties are back et avec elles les beaux jours de la French Touch, des raves et des dancefloors enfiévrés. Sous la direction scénographique du collectif 1024, les plus belles créations sonores

et visuelles de la décennie reprennent vie ; flyers, affiches, pochettes vinyles, l’exposition vous invite à déambu-ler parmi les trésors graphiques de l’époque, le tout sur fond sonore pur jus 100% certifié. A la régie Laurent Garnier, Cassius, Motorbass, Etienne de Crécy ou encore Air et Daft Punk ; à l’image Seb Jarnot, Hot Spot, Serge Nicolas et le collectif H5 : promis c’est du tout bon.• French Touch juqu'au 31.03

aux Arts Décoratifs à Paris.

http://www.lesartsdecoratifs.fr

Fig. 2 : FRench touch –

Fig. 1 : FestivaL ciRcuLation(s) –

[ p h o t o g r a p h i e ] . Faire confiance à la jeunesse est la pré-rogative des doux rêveurs. Et du rêve, il en fallait à foison pour créer le Festival Circulation(s), premier festival français dédié à la jeune photographie européenne. À croire que les membres de l’association Fêtart avaient le sommeil agité, puisque le festival en est à sa troisième édition. Et pour celle-ci, c’est 43 photographes, dont quatre invités par le parrain François Cheval (conservateur du Musée Nicéphore Niepce), qui se verront exposés dans l’antre merveilleux du Parc de Bagatelle. Notre amour s’est jeté sur le travail de Colin Delfosse et Julie David de Loissy, et sur celui de Thomas Martin, qui illustrent cet article. Le songe d’un jour d’hiver.• Festival Circulation(s), du 22.02 au 31.03

au Parc de Bagatelle à Paris.

www.festival-circulations.com

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Vue par Brecht eVens (4 / 6)