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1 Sommaire Patrick Mubenga : «Celui qui plante un arbre pose une action citoyenne»................................................P. 2 Alain Huart : «Si on veut préserver les arbres des savanes congolaises, il faut multiplier les projets agroforestiers»......................................... P. 3 Christine Tsala : une artiste engagée dans la lutte pour la protection de l’environnement................P. 4 Sud-Kivu : à Bukavu, il faut détruire pour avoir une bonne route .....................................................P. 4 JDC Journal-école n°24 - Semaine du 18 au 24 mai 2009 1 Kinshasa : l’abattage des arbres inquiète les environnementalistes Chaque année, la planète cé- lèbre, le 21 mars et le 5 juin, les Journées internationales respec- tivement de la forêt et de l’envi- ronnement. Apparemment, les choses traînent à s’améliorer en RDC dans ces domaines. L’espa- ce vert disparaît de plus en plus avec l’abattage des arbres de fa- çon un peu désordonnée. Repor- tage. O n aurait pu s’abriter sous l’ar- bre si on ne l’avait pas coupé», s’indigne un étudiant, ployant sous un soleil de plomb, dans un arrêt de bus sur le boulevard du 30 juin. En quête d’ombrage, plusieurs piétons qui longent cette artère ont du mal à trouver refuge. Satisfaits pourtant de voir la chaussée s’élargir et devenir de plus en plus praticable, les Kinois déplorent l’abattage de plusieurs ar- bres le long des artères publiques, sans que d’autres soient plantés. «Ces arbres ont vieilli, il faut pen- ser à les remplacer, mais nous regret- tons le fait que l’Etat n’ait pas pensé à cela», s’indigne Jonas Lomono, opérateur immobilier, habitant non loin des «Eucalyptus», aux abords du boulevard Lumumba, dans la commune de N’Djili, où l’abattage est aussi au rendez-vous. D’après lui, c’est depuis 1952 que ces espèces ont été plantées. Le but était d’aider la radio natio- nale, alors sous le régime colonial et émettant à partir de la commune voisine de Masina, à bien capter les ondes. «C’est pourquoi les mêmes espèces ont été plantées au croise- ment des avenues Assossa et Vic- toire lorsque la radio fut transférée dans la commune de Lingwala», af- firme Jonas Lomono. Au terrain Eucalyptus, l’effort fourni par le service d’environnement de la commune de N’Djili ne semble pas suffisant, bien que les quelques pousses récemment plantées offrent déjà de l’ombre. Les souches d’ar- bres sont nombreuses et servent de siège aux badauds. Les boulangers les utilisent comme bois de chauf- fage. Le site s’est transformé en mar- ché où les gens profitent de l’om- brage pour étaler leurs articles. Les «malewa», ces restaurants de fortune, côtoient des boutiques, des cordonneries et des vendeurs des tambours sous l’œil passif des agents de l’ordre, installés dans des conteneurs-bureaux. Deux autres conteneurs abritent les locaux du Syndicat national des travailleurs de la Regideso (Synatreg) qui les font louer. Sur place, les établissements Tra- maco effectuent la vente des briques en ciment et du sable. Tout autour de ces locaux, des épaves obstruent la voie. Fait curieux : à l’entrée, une pancarte indique que le terrain est réservé pour l’exploitation de la Re- gideso. Elle souligne, par ailleurs, que cet endroit est une parcelle ca- dastrée sous le n°2014. Réactions des défenseurs de la nature L’abattage en série des arbres le long des artères publiques sus- cite des réactions particulièrement dans les milieux des défenseurs de la nature. Artistes, agriculteurs et en- vironnementalistes protestent contre cette pratique qui pourrait exposer la population à la pollution si des me- sures de replantation d’autres arbres ne sont pas prévues (lire textes en pages 2, 3 et 4). Patrick Mubenga, General mana- ger de l’entreprise Dellions environ- ment, estime qu’il est nécessaire de garder des arbres sur la voie publique pour absorber le plomb et le manga- nèse qui émanent des véhicules afin de protéger la population de certai- nes maladies comme la plomberie. Certains écologistes reconnaissent toutefois la nécessité de couper des vieux arbres qui provoquent souvent des dégâts lors des pluies diluvien- nes. Mais, la protection de la flore s’avère nécessaire. Régulation de l’oxygène Dans plusieurs contrées de la ville, la nature est menacée. L’air à Kinshasa devient de moins en moins pur, clament certains observateurs. Face au réchauffement climatique qui menace la planète, la RDC dis- pose d’une grande partie de la forêt équatoriale: la deuxième forêt tropi- cale humide du monde après l’Ama- zonie. Elle contribue ainsi à la régu- lation de l’oxygène atmosphérique et du gaz carbonique, deux molécules chimiques à la base de la photosyn- thèse. Mais, la déforestation s’y porte bien. Interpellée, l’Assemblée natio- nale est en train d’examiner un pro- jet de loi pour sauver l’écosystème congolais. Protéger la verdure L’arbre n’est pas seulement le bois, le lieu de détente, c’est aussi une source d’alimentation et de mé- dication, un élément important de la préservation de l’environnement. A longueur de journée, les pas- sants qui longent le boulevard du 30 juin, prennent le temps d’admirer le terrain de golf. La verdure qui profile à l’horizon suscite imagination, admi- ration... Ce site, voisin du cimetière de la Gombe, procure une quiétude visuelle et baigne dans la fraîcheur. Les arbres reposent sur un vaste ta- pis vert, une pelouse régulièrement entretenue. Ce passage donne au cercle de golf des allures paradisia- ques. «Nous voulons qu’on assainisse notre environnement», souhaite Ar- thur Maluma, agent de l’ONG Kin- Enviro qui plante de la pelouse sur la 15 ème rue, à Limete. Ceux qui em- pruntent le boulevard Lumumba ap- précient le travail de cette ONG qui plantent la pelouse entre la 14 ème et la 16 ème rues, à Limete. L’initiatrice de cette ONG, Eulalie Makela, vise l’embellissement de la capitale. «En- vironnement, salubrité, hygiène, pro- preté» est, du reste, la devise de sa structure. Les six agents commis à l’amé- nagement de cet endroit voient leur esprit patriotique menacé par les conditions pénibles de leur travail. Sans salaire, ils font quasiment du bénévolat. «Ils manquent de maté- riels. Vu leur âge avancé, la plupart d’entre eux sont souvent malades», décrit Arsène Mafolo Kititi, le chef d’équipe. Malgré cela, nous sommes résolus à redonner à la capitale sa beauté perdue. Ce serait notre ma- nière de contribuer aux cinq chan- tiers de la République». «Il est alors déplorable que l’Etat ne vienne pas en aide à de telles ONG», conclut Arthur Maluma. Ricky KAPIAMBA Le boulevard du 30 juin dépouillé des arbres et des monuments L e boulevard du 30 juin subit, depuis quelques semaines, une chirurgie de grande envergure, destinée à faire de cette artère une route moderne. Parsemé jadis de pelouse sur la ber- me centrale, embelli des ronds-points et monuments, jalonné d’arbres et des poteaux électriques, cet axe rou- tier s’est vu dépouiller de ses parures pour permettre une bonne exécution des travaux. De la gare centrale au rond-point Socimat, la berme a disparu du milieu du boulevard. Les panneaux publici- taires, les feux de signalisation... ne sont plus visibles. Seules des bran- ches coupées et quelques arbres qui persistent encore, décorent «les Champs-Elysées» de Kinshasa. Le square Mandela n’est plus un carrefour. La géante colombe de paix, façonnée par le sculpteur congolais Meko, s’est envolée, en quête d’une nouvelle destination. Le rond-point Socimat s’est aussi évaporé. Les en- gins chinois mobilisés pour la réfec- tion du boulevard ont tout déraciné sur leurs passages, monuments et berme compris. Agrandie, la chaussée devient si lisse que certains conducteurs roulent à tombeau ouvert quand la circula- tion est dégagée. Mais aux heures de pointe, bien qu’élargi, le boulevard est paralysé par des embouteillages. Les véhicules rangés en file indienne sont contraints de ralentir avant d’emprun- ter l’axe Socimat - Kintambo-Magasin. L’empreinte chinoise Active sur terrain, l’entreprise chi- noise CREC (China Railway Engen- nering Corporation) travaille d’arrache- pied pour renouveler et moderniser cet important axe routier de la capitale. Se- lon l’un de ses ingénieurs, le Congolais Donat Musenga, le boulevard quitte la phase initiale dont la chaussée était de deux fois deux voies pour une nou- velle phase qui sera d’une chaussée de deux fois quatre voies. «Ce travail, commente l’ingénieur congolais, a exigé la démolition de la berme centrale au milieu du boulevard, l’évacuation des monuments retrouvés sur l’axe de la route, l’abattage des ar- bres afin d’élargir les chaussées de part et d’autre, en ajoutant les ouvra- ges d’assainissement: les trottoirs et les caniveaux. Les arbres ont vieilli, ils doivent être renouvelés. Et pour élar- gir la chaussée, il était nécessaire de les couper. Le ministère de l’Environ- nement s’occupera de la réimplanta- tion de ces arbres». D’après Donat Musenga, les tra- vaux seront exécutés sur deux tron- çons : le premier va de la Gare cen- trale au rond-point Socimat (deux fois quatre voies). Le deuxième part du rond-point Socimat à Kintambo-Ma- gasin. Ici, l’entreprise va construire un viaduc (un pont-route avec deux fois deux voies) et deux échangeurs. Ensuite, il y aura une chaussée de deux fois deux voies. «Certaines ha- bitations seront touchées à 5%, mais il n’y aura pas d’expropriation. En cas d’expropriation, les concernés seront avertis», prévient l’ingénieur. Le chantier du boulevard du 30 juin se réalise suivant un délai d’exécution bien défini. «Mais, compte tenu de certains paramètres, ce délai pourra être revu», signalent les ingénieurs trouvés sur le chantier. Isabelle KIBUNGU

Kinshasa : l’abattage des arbres inquiète les ... · PDF filedu boulevard Lumumba, dans la commune de N’Djili, ... Kinshasa devient de moins en moins ... A longueur de journée,

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Sommaire Patrick Mubenga : «Celui qui plante un arbre pose une action citoyenne»................................................P. 2

Alain Huart : «Si on veut préserver les arbres des savanes congolaises, il faut multiplier les projets agroforestiers».........................................P. 3

Christine Tsala : une artiste engagée dans la lutte pour la protection de l’environnement................P. 4

Sud-Kivu : à Bukavu, il faut détruire pour avoir une bonne route .....................................................P. 4

JDC Journal-école n°24 - Semaine du 18 au 24 mai 20091

Kinshasa : l’abattage des arbres inquiète les environnementalistes

Chaque année, la planète cé-lèbre, le 21 mars et le 5 juin, les Journées internationales respec-tivement de la forêt et de l’envi-ronnement. Apparemment, les choses traînent à s’améliorer en RDC dans ces domaines. L’espa-ce vert disparaît de plus en plus avec l’abattage des arbres de fa-çon un peu désordonnée. Repor-tage.

On aurait pu s’abriter sous l’ar-bre si on ne l’avait pas coupé»,

s’indigne un étudiant, ployant sous un soleil de plomb, dans un arrêt de bus sur le boulevard du 30 juin. En quête d’ombrage, plusieurs piétons qui longent cette artère ont du mal à trouver refuge. Satisfaits pourtant de voir la chaussée s’élargir et devenir de plus en plus praticable, les Kinois déplorent l’abattage de plusieurs ar-bres le long des artères publiques, sans que d’autres soient plantés.

«Ces arbres ont vieilli, il faut pen-ser à les remplacer, mais nous regret-tons le fait que l’Etat n’ait pas pensé à cela», s’indigne Jonas Lomono, opérateur immobilier, habitant non loin des «Eucalyptus», aux abords du boulevard Lumumba, dans la commune de N’Djili, où l’abattage est aussi au rendez-vous.

D’après lui, c’est depuis 1952 que ces espèces ont été plantées. Le but était d’aider la radio natio-nale, alors sous le régime colonial et émettant à partir de la commune voisine de Masina, à bien capter les ondes. «C’est pourquoi les mêmes espèces ont été plantées au croise-ment des avenues Assossa et Vic-toire lorsque la radio fut transférée dans la commune de Lingwala», af-firme Jonas Lomono.

Au terrain Eucalyptus, l’effort fourni par le service d’environnement de la commune de N’Djili ne semble pas suffisant, bien que les quelques pousses récemment plantées offrent déjà de l’ombre. Les souches d’ar-bres sont nombreuses et servent de siège aux badauds. Les boulangers les utilisent comme bois de chauf-fage.

Le site s’est transformé en mar-ché où les gens profitent de l’om-brage pour étaler leurs articles. Les «malewa», ces restaurants de fortune, côtoient des boutiques, des cordonneries et des vendeurs des tambours sous l’œil passif des agents de l’ordre, installés dans des conteneurs-bureaux. Deux autres conteneurs abritent les locaux du Syndicat national des travailleurs de la Regideso (Synatreg) qui les font louer.

Sur place, les établissements Tra-maco effectuent la vente des briques en ciment et du sable. Tout autour de ces locaux, des épaves obstruent

la voie. Fait curieux : à l’entrée, une pancarte indique que le terrain est réservé pour l’exploitation de la Re-gideso. Elle souligne, par ailleurs, que cet endroit est une parcelle ca-dastrée sous le n°2014.

Réactions des défenseurs de la nature

L’abattage en série des arbres le long des artères publiques sus-cite des réactions particulièrement dans les milieux des défenseurs de la nature. Artistes, agriculteurs et en-vironnementalistes protestent contre cette pratique qui pourrait exposer la population à la pollution si des me-sures de replantation d’autres arbres ne sont pas prévues (lire textes en pages 2, 3 et 4).

Patrick Mubenga, General mana-ger de l’entreprise Dellions environ-ment, estime qu’il est nécessaire de garder des arbres sur la voie publique pour absorber le plomb et le manga-nèse qui émanent des véhicules afin de protéger la population de certai-

nes maladies comme la plomberie. Certains écologistes reconnaissent toutefois la nécessité de couper des vieux arbres qui provoquent souvent des dégâts lors des pluies diluvien-nes. Mais, la protection de la flore s’avère nécessaire.

Régulation de l’oxygène Dans plusieurs contrées de la

ville, la nature est menacée. L’air à Kinshasa devient de moins en moins pur, clament certains observateurs. Face au réchauffement climatique qui menace la planète, la RDC dis-pose d’une grande partie de la forêt équatoriale: la deuxième forêt tropi-cale humide du monde après l’Ama-zonie. Elle contribue ainsi à la régu-lation de l’oxygène atmosphérique et du gaz carbonique, deux molécules chimiques à la base de la photosyn-thèse.

Mais, la déforestation s’y porte bien. Interpellée, l’Assemblée natio-nale est en train d’examiner un pro-jet de loi pour sauver l’écosystème congolais.

Protéger la verdureL’arbre n’est pas seulement le

bois, le lieu de détente, c’est aussi une source d’alimentation et de mé-dication, un élément important de la préservation de l’environnement.

A longueur de journée, les pas-sants qui longent le boulevard du 30 juin, prennent le temps d’admirer le terrain de golf. La verdure qui profile à l’horizon suscite imagination, admi-ration... Ce site, voisin du cimetière de la Gombe, procure une quiétude visuelle et baigne dans la fraîcheur. Les arbres reposent sur un vaste ta-pis vert, une pelouse régulièrement entretenue. Ce passage donne au cercle de golf des allures paradisia-ques.

«Nous voulons qu’on assainisse notre environnement», souhaite Ar-thur Maluma, agent de l’ONG Kin-Enviro qui plante de la pelouse sur la 15ème rue, à Limete. Ceux qui em-pruntent le boulevard Lumumba ap-précient le travail de cette ONG qui plantent la pelouse entre la 14ème et la 16ème rues, à Limete. L’initiatrice de cette ONG, Eulalie Makela, vise l’embellissement de la capitale. «En-vironnement, salubrité, hygiène, pro-preté» est, du reste, la devise de sa structure.

Les six agents commis à l’amé-nagement de cet endroit voient leur esprit patriotique menacé par les conditions pénibles de leur travail. Sans salaire, ils font quasiment du bénévolat. «Ils manquent de maté-riels. Vu leur âge avancé, la plupart d’entre eux sont souvent malades», décrit Arsène Mafolo Kititi, le chef d’équipe. Malgré cela, nous sommes résolus à redonner à la capitale sa beauté perdue. Ce serait notre ma-nière de contribuer aux cinq chan-tiers de la République».

«Il est alors déplorable que l’Etat ne vienne pas en aide à de telles ONG», conclut Arthur Maluma.

Ricky KAPIAMBA

Le boulevard du 30 juin dépouillé des arbres et des monuments

Le boulevard du 30 juin subit, depuis quelques semaines, une chirurgie

de grande envergure, destinée à faire de cette artère une route moderne. Parsemé jadis de pelouse sur la ber-me centrale, embelli des ronds-points et monuments, jalonné d’arbres et des poteaux électriques, cet axe rou-tier s’est vu dépouiller de ses parures pour permettre une bonne exécution des travaux.

De la gare centrale au rond-point Socimat, la berme a disparu du milieu du boulevard. Les panneaux publici-taires, les feux de signalisation... ne sont plus visibles. Seules des bran-ches coupées et quelques arbres qui persistent encore, décorent «les Champs-Elysées» de Kinshasa.

Le square Mandela n’est plus un carrefour. La géante colombe de paix, façonnée par le sculpteur congolais Meko, s’est envolée, en quête d’une nouvelle destination. Le rond-point Socimat s’est aussi évaporé. Les en-gins chinois mobilisés pour la réfec-tion du boulevard ont tout déraciné sur leurs passages, monuments et berme compris.

Agrandie, la chaussée devient si lisse que certains conducteurs roulent à tombeau ouvert quand la circula-tion est dégagée. Mais aux heures de pointe, bien qu’élargi, le boulevard est paralysé par des embouteillages. Les véhicules rangés en file indienne sont contraints de ralentir avant d’emprun-ter l’axe Socimat - Kintambo-Magasin.

L’empreinte chinoiseActive sur terrain, l’entreprise chi-

noise CREC (China Railway Engen-nering Corporation) travaille d’arrache-pied pour renouveler et moderniser cet important axe routier de la capitale. Se-lon l’un de ses ingénieurs, le Congolais Donat Musenga, le boulevard quitte la phase initiale dont la chaussée était de deux fois deux voies pour une nou-velle phase qui sera d’une chaussée de deux fois quatre voies.

«Ce travail, commente l’ingénieur congolais, a exigé la démolition de la berme centrale au milieu du boulevard, l’évacuation des monuments retrouvés sur l’axe de la route, l’abattage des ar-bres afin d’élargir les chaussées de part et d’autre, en ajoutant les ouvra-

ges d’assainissement: les trottoirs et les caniveaux. Les arbres ont vieilli, ils doivent être renouvelés. Et pour élar-gir la chaussée, il était nécessaire de les couper. Le ministère de l’Environ-nement s’occupera de la réimplanta-tion de ces arbres».

D’après Donat Musenga, les tra-vaux seront exécutés sur deux tron-çons : le premier va de la Gare cen-trale au rond-point Socimat (deux fois quatre voies). Le deuxième part du rond-point Socimat à Kintambo-Ma-gasin. Ici, l’entreprise va construire un viaduc (un pont-route avec deux fois deux voies) et deux échangeurs. Ensuite, il y aura une chaussée de deux fois deux voies. «Certaines ha-bitations seront touchées à 5%, mais il n’y aura pas d’expropriation. En cas d’expropriation, les concernés seront avertis», prévient l’ingénieur.

Le chantier du boulevard du 30 juin se réalise suivant un délai d’exécution bien défini. «Mais, compte tenu de certains paramètres, ce délai pourra être revu», signalent les ingénieurs trouvés sur le chantier.

Isabelle KIBUNGU

JDC Journal-école n°24 - Semaine du 18 au 24 mai 2009

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sécurité. L’homme trouve également un bénéfice génétique. En effet, de l’arbre, l’on peut tirer des médica-ments, de la baume, du papier, de l’air… Bref, il n’y a rien dans l’arbre qui puisse être jeté. Pour ce faire, le débat étant du coté naturaliste, l’ar-bre constitue, à cet effet, un vivier qui garantit l’hygiène et une certaine qualité de vie pour l’humain. C’est pour cela que plusieurs personnes vont en villégiature dans des endroits verts pour récupérer. Les avantages sont aussi à trouver tant du côté phy-sique que psychologique. Du côté physique, on pense à la santé et, du côté psychologique, la verdure per-met à l’homme de retrouver le calme. Par conséquent, arracher la pelouse et les arbres entraîne une pollution visuelle. Et c’est ici où pêchent les Congolais : ils oublient que l’élimina-tion de la verdure enlève à l’environ-nement son esthétique, mais provo-que aussi la pollution atmosphérique. Résultat : cette pratique a de l’impact sur le taux de stabilité du sol avec la présence subséquente des érosions.

Que suggérez-vous pour amélio-rer le paysage des villes de la RDC selon les normes urbanistiques ?Que les Congolais se donnent com-me tâche de planter un arbre. Car, planter un arbre, c’est mener une ac-tion citoyenne. C’est aussi créer un vivier intéressant et bénéfique pour la santé, d’autant plus que l’arbre nous donne des fruits, des médicaments et diminue les érosions. L’améliora-tion du paysage des villes nécessite des études en amont comme en aval, mais également la volonté des déci-deurs de vouloir revenir aux normes qui contribueront à construire, de ma-nière urbanistique, nos villes.En plus, le respect des normes en ce qui con-cerne le lotissement va permettre la préservation des espaces verts, des espaces pour piétons… C’est le com-bat que mène notre entreprise pour qu’on revienne aux normes. A ce sujet, nous disposons de toute une division de l’architecture paysagiste et une cellule d’étude qui est déjà au travail pour toute la ville de Kinshasa.

Interview réalisée par Giscard ABETY

Patrick Mubenga : «Celui qui plante un arbre pose une action citoyenne»

Environnementaliste, Patrick Mubenga est détenteur d’une li-cence en biochimie de l’Université de Kinshasa (Unikin) depuis 2004. Général manager de Dellions En-vironment, une entreprise d’origi-ne congolaise, créée depuis trois mois et implantée dans quatre pays africains, il propose des so-lutions pour préserver l’environ-nement en RDC.

Qu’est-ce qui stimule votre entre-prise à s’occuper de la protection de l’environnement?

Au niveau de notre entreprise, nous estimons que le développement durable passe par l’environnement. Ainsi, hormis l’économie et l’écolo-gie, l’environnement est un vivier qui crée de l’équilibre pour l’homme. Cependant, en terme de dévelop-pement durable et en celui de l’en-vironnement, nous nous sommes donnés comme objectif d’agir dans notre milieu comme une entreprise de façon efficace et non comme une ONG. Cela signifie que nous avons des implications de rendement qui sont internes.

La protection de l’environnement est-elle garantie en RDC ?

Je dirai oui et non. Oui, parce que cela dépend des secteurs. En RDC, il existe des secteurs qui ont déjà pris l’élan et qui se sont imprégnés du rè-glement, mais aussi du Code. C’est le cas du secteur minier où les deux outils comportent des articles qui ré-gissent la gestion et accompagnent l’environnement minier. On a aussi le Code forestier. Lorsqu’on essaie de passer en revue les multiples ac-tivités humaines, une grande partie n’est pas encore couverte comme telle.

Depuis quelques semaines, les Kinois assistent à l’abattage des arbres sur les artères de la ville. Quelle lecture faites-vous de cette pratique?

De prime abord, on constate des impacts négatifs. En tant qu’environ-nementaliste, nous avons remarqué que les arbres sont en train d’être

coupés sans prévention d’une quel-conque étude préalable. Celle-ci per-mettrait de comptabiliser ce qui peut être négatif, notamment le taux d’in-solation qui va augmenter sur le bou-levard et, de l’autre coté, le méso-cli-mat ou le microclimat que contiennent ces arbres qui disparaissent. Ces im-pacts déjà visibles sont ressentis à première vue avec l’abattage de ces arbres. S’agissant de la deuxième observation, les gens pensent qu’en coupant les arbres, le Boulevard du 30 juin sera aménagé de manière beaucoup plus large. Ceux qui pen-sent ainsi ignorent qu’il n’y a pas des mesures prises en amont pour éviter le résultat négatif et qu’en aval, les impacts négatifs priment générale-ment sur les positifs.

Quelle est l’importance des arbres dans les mieux urbains?

Une vie saine, c’est aussi par les arbres que nous l’avons. Dans un univers urbain, les arbres représen-tent des îlots de régénération de l’air, car ils permettent à l’homme de fa-voriser un microclimat et abaisse la température. Cela se justifie dans la mesure où l’on peut essayer de faire vivre un citoyen dans un univers va-lable très engageant. En plus, parler de l’arbre, c’est aussi faire appel à la

biodiversité. C’est dans ce sens qu’il faut faire comprendre aux gens que lorsqu’on coupe un arbre, c’est toute une chaîne trophique ou alimentaire qui est perdue. Il doit savoir que l’homme et l’arbre vivent en équili-bre. D’où, planter un arbre et le faire croître, c’est assurer par là même notre survie. Les arbres permettent également de fournir de l’air frais à l’homme.

Quelles sont les conséquences qu’engendre le plomb émanant des véhicules lors qu’il n’y a pas d’arbres ?

Les arbres jouent un rôle d’ac-cumulateur par rapport au plomb. Ils permettent la purification de l’air dans la mesure où une partie du plomb est incorporée dans les arbres à travers le gaz carbonique et génère en même temps le tissu carboneux. De la même manière, ils diminuent la quantité de plomb dans l’air et jouent, par là, le rôle de tamis pour les hommes. Ce rôle de tamis per-met d’évaluer le plomb en terme de masse carbonée. Il est donc impor-tant d’avoir plusieurs arbres. Car, plus on a des arbres, plus le tamis est plus fin et on parvient à retenir du plomb. Par contre, l’absence des arbres favorise l’inhalation du plomb en grande quantité. C’est ce qui est à la base des maladies telles que la plombémie, les attaques du système nerveux, mais aussi les maladies des organes génitaux de l’homme. Le plomb altère aussi la capacité de spermatozoïdes. Par ailleurs, il y a lieu de signaler que l’activité du transport urbain ne génère pas seu-lement le plomb, car une automobile peut aussi dégager du manganèse. D’autres éléments peuvent aussi générer ou provoquer le cancer. Ce-pendant, il est important de souligner que, de manière générale, les étu-des ont été faites en ce qui concerne le plomb et ont prouvé la nocivité de cet élément.

Que gagne l’homme en retour avec la présence des arbres ?

La présence des arbres permet à l’homme la quiétude, mais aussi la

«Les arbres représentent des îlots de régénération de l’air», soutient Patrick Mubenga.

Lubumbashi : couper du bois pour construire la route divise la population

n’est pas de cet avis. «Les gens ne savent pas observer autour d’eux. Ces vieux arbres datant de l’époque coloniale présentaient déjà un dan-ger pour la population, ils s’abat-taient sur des maisons au moindre coup de vent. On ne les coupe pas seulement, on les remplace», ré-plique-t-il en rappelant que l’année dernière sur le boulevard Laurent Kabila, un vieux arbre est tombé sur une jeep et l’a endommagée.

Esther Kazal ne manque pas d’argument. Pour cette Lushoise (NDLR : habitante de Lubumbashi), cette coupe du bois vaut la peine. «Pour une raison ou pour une autre, les ménages, les briquetiers, les menuisiers…coupent du bois. Mais, qu’on le fasse aujourd’hui pour asphalter nos routes, cela vaut la peine», soutient-elle.

«Lubumbashi, ville verte…»Chef de service de l’Environne-

ment et Conservation de la Nature, Selemani Ngoy, rappelle, lui, que la

A Lubumbashi, chef-lieu de la province du Katanga, la mairie

remplace les vieux arbres qu’elle coupe par de plus jeunes. Les en-treprises qui construisent les rou-tes dans le cadre des cinq chan-tiers de la République cherchent du bois pour chauffer et diluer le goudron.

Avec ses tronçonneuses, l’Hô-tel de ville abat des vieux arbres qu’il met à la disposition de ces entreprises. Mais, cette coupe de bois ne fait pas l’unanimité au sein de la population.

Stéphane Mwilambwa, un ha-bitant de Lubumbashi, pense que le gouvernement aurait dû trouver la solution ailleurs. «La province du Katanga connaît des vents violents pendant la saison sèche. Ces arbres protègent nos mai-sons, affirme-t-il. En les coupant, le gouvernement nous expose aux intempéries».

Jean-Pierre Ilunga, coordina-teur urbain de l’Environnement,

ville mène deux opérations conco-mitantes qui marchent bien : «Nous avons, d’un côté, les routes à réha-biliter et, de l’autre, la ville à reboi-ser. En plus, ces jeunes arbres vont nous fournir de l’oxygène qui fera face aux différentes pollutions des entreprises minières. Et les arbres coupés ne représentent même pas un dixième de ceux plantés pen-dant ces cinq dernières années».

Depuis quelques années, la mai-rie reboise la ville de Lubumbashi. Cette opération implique les éco-les, les églises, les associations de la Société civile et les places publi-ques. Elle redonne peu à peu de la verdure au chef-lieu de la province du Katanga.

«Nous avons commencé par conscientiser les élèves sur l’im-portance et la protection de l’ar-bre avant de les planter, se ré-jouit Jean-Pierre Ilunga Ngwej qui compte sur la jeunesse pour réus-sir. Aujourd’hui, 70% d’écoles sont en vert, les élèves ont l’ombrage

pour bien se récréer pendant la pause».

Mais, pour arriver à ce résul-tat, un vrai travail d’équipe a été mis en place. La mairie se charge d’apporter les plantules aux éco-les. Ensemble avec les élèves, les agents de la mairie plantent dans la cour. Les écoliers restent les ar-roser et les entretenir pour qu’elles ne soient pas piétinées. Une école qui entretient bien ses arbres re-çoit un diplôme de mérite.

L’Institut Njanja qui a très bien reboisé la cour de l’école et ses environs avait ainsi obtenu, en 2006, un diplôme de mérite dé-nommé «Lubumbashi ville verte», en guise de reconnaissance pour tous les efforts de reboisement et de protection des espaces verts.

Plusieurs acacias, qui font l’om-brage dans la cour, attirent même les étudiants qui viennent réviser leurs cours en dessous de ces ar-bres. Régine KAPINGA

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JDC Journal-école n°24 - Semaine du 18 au 24 mai 2009

Pour ou contre l’abattage des arbres sur les artères ?Micro baladeur

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«Ces arbres ne résistaient plus aux intempéries»

C’est très bien que l’on pense enfin à couper ces arbres qui ont dépassé leur durée de vie. Il est clair que ces arbres ne résistaient plus aux intempéries, car ils se déracinaient d’eux-mêmes pour s’échouer sur des maisons, des clôtu-res, des voitures... Mais, il faudrait as-

socier des experts de l’environnement pour replanter les jeunes pousses afin de prévenir la désertification. Pour des raisons d’esthétique, il faudrait vite créer une bande verte aux abords des routes modernisées

«Pourvu qu’après chaque abattage d’arbres, on pense au reboisement»

Je suis tout à fait d’accord avec l’abattage des arbres tout le long du boulevard, si c’est pour l’élargissement de la route, comme on le dit. A chaque vent violent, on a enregistré des dégâts matériels énormes et d’accidents cau-sés par des branches qui se rompaient et allaient s’abattre soit sur des per-sonnes, soit sur des véhicules. Pourvu

«La plupart d’arbres sont fruitiers et produisent pendant leur saison»

Les travaux de réaménagement et de modernisation des grandes artè-res de la capitale congolaise, Kins-hasa, effectués notamment sur les boulevards du 30 juin et Lumumba, exigent l’abattage des arbres en bordure, pour l’élargissement de la chaussée. L’avis de l’opinion diverge quant à la nécessité de cette opéra-tion.

Je suis contre l’abattage des arbres pour deux raisons: sur l’artère com-prise entre le rond-point Socimat et Kintambo magasin, la plupart d’arbres sont fruitiers et produisent pendant leur saison (NDLR: juin et décembre). Tout le monde se retrouve : les passants et les fleuristes exerçant sur cette ave-nue. Deuxièmement, qu’adviendra-t-il à notre commerce? Certes qu’il faille élargir la chaussée pour résoudre le problème du trafic routier, mais nous allons en pâtir

«J’ai failli perdre la vie à bord d’un taxi-bus bondé»

Je suis content de constater que l’autorité se soit finalement résolue à abattre ces arbres. J’ai failli perdre la vie à bord d’un taxi-bus bondé, quand un arbre est brusquement tombé au travers de la route à quel-ques mètres du véhicule. Pendant les pluies torrentielles que nous avons connues en avril dernier, j’ai été témoin d’un incident au quar-tier 1 à Masina quant un arbre s’est abattu sur une voiture

Propos recueillis à Kinshasa par Persévérance NDEGHEY

Jean-Pierre Bosela, fleuriste, Ngaliema

Sacha Kankolongo, web designer, Lingwala

Nvunzi Makambo, jardinier, camp Luka, Kintambo

qu’après chaque abattage d’arbres on pense au reboisement.

Laurent Kimwanga Sakasaka, domestique, Kimbaseke

sécurité. L’homme trouve également un bénéfice génétique. En effet, de l’arbre, l’on peut tirer des médica-ments, de la baume, du papier, de l’air… Bref, il n’y a rien dans l’arbre qui puisse être jeté. Pour ce faire, le débat étant du coté naturaliste, l’ar-bre constitue, à cet effet, un vivier qui garantit l’hygiène et une certaine qualité de vie pour l’humain. C’est pour cela que plusieurs personnes vont en villégiature dans des endroits verts pour récupérer. Les avantages sont aussi à trouver tant du côté phy-sique que psychologique. Du côté physique, on pense à la santé et, du côté psychologique, la verdure per-met à l’homme de retrouver le calme. Par conséquent, arracher la pelouse et les arbres entraîne une pollution visuelle. Et c’est ici où pêchent les Congolais : ils oublient que l’élimina-tion de la verdure enlève à l’environ-nement son esthétique, mais provo-que aussi la pollution atmosphérique. Résultat : cette pratique a de l’impact sur le taux de stabilité du sol avec la présence subséquente des érosions.

Que suggérez-vous pour amélio-rer le paysage des villes de la RDC selon les normes urbanistiques ?Que les Congolais se donnent com-me tâche de planter un arbre. Car, planter un arbre, c’est mener une ac-tion citoyenne. C’est aussi créer un vivier intéressant et bénéfique pour la santé, d’autant plus que l’arbre nous donne des fruits, des médicaments et diminue les érosions. L’améliora-tion du paysage des villes nécessite des études en amont comme en aval, mais également la volonté des déci-deurs de vouloir revenir aux normes qui contribueront à construire, de ma-nière urbanistique, nos villes.En plus, le respect des normes en ce qui con-cerne le lotissement va permettre la préservation des espaces verts, des espaces pour piétons… C’est le com-bat que mène notre entreprise pour qu’on revienne aux normes. A ce sujet, nous disposons de toute une division de l’architecture paysagiste et une cellule d’étude qui est déjà au travail pour toute la ville de Kinshasa.

Interview réalisée par Giscard ABETY

quand vous vous rendez dans d’autres grandes villes (Bruxelles, Paris, Berlin, etc.), vous allez voir qu’il y a beau-coup d’espaces verts. Il y a même des mini-forets qui sont préservés dans la ville même. Or, ici à Kinshasa, avec un urbanisme tel qu’il se développe, on n’a pas réservé beaucoup d’espaces. Une des pratiques qui avaient été dé-veloppées dans certaines villes, com-me Lubumbashi, c’est justement de planter des arbres le long des routes pour oxygéner la ville, la rendre plus jolie, plus agréable, produire des om-brages… Heureusement, par rapport à Lubumbashi, Kinshasa est une ville qui est encore assez verte, parce qu’il y a des manguiers, des avocatiers et pas mal d’arbres ! C’est important parce que, pour la vie des Kinois qui est dif-ficile, avoir un manguier, un avocatier dans son jardin, c’est quelque chose d’appréciable, puisque cela permet de diminuer tant soit peu des dépenses qu’il faut faire pour l’alimentation.

S’il faut replanter des arbres le long du boulevard, combien de temps leur faut-il pour germer ?

Cela dépend de la nature de l’ar-bre. Pour certains arbres qu’on trouve sur le boulevard, il faut 30 à 40 ans pour atteindre la taille adulte, la taille où il doit être coupé. C’est un travail de longues années. Même l’acacia qui est un arbre à croissance rapide, il faut attendre dix ans de croissance. Donc quelque part, un arbre met du temps à pousser. Il faut s’y prendre à temps, planifier la plantation des arbres… Et si vous devez renouveler des arbres dans une avenue, parce que ces ar-bres étaient abîmés par le feu où ont vieilli, il faut absolument replanter à temps. Ainsi, avant d’abattre les ar-bres, il faut déjà planter des jeunes ar-bres qui prendront le relais. Et quand ces arbres auront cinq ou dix ans, c’est bien en ce moment là qu’on pourra abattre les arbres plus anciens. C’est une question de programmation.

Interview réalisée par Judith NIMY

Alain Huart : «Si on veut préserver les arbres des savanes congolaises, il faut multiplier les projets agroforestiers»Médecin vétérinaire de forma-

tion, actif en RDC depuis 1982, Alain Huart est le chef d’un projet d’appui à la restructuration au ministère congolais de l’Agriculture. Coau-teur d’un ouvrage intitulé «Congo, pays magnifique» et rédacteur en chef de plusieurs revues (La Voix du Congo profond, Troupeaux et cultures des tropiques), il s’est lan-cé dans la lutte pour la protection de l’environnement. Alain Huart enseigne, en même temps, dans plusieurs universités et anime des conférences à Kinshasa, à Lubum-bashi, à Butembo.

Qu’est-ce qui vous a motivé à vous occuper de la protection de l’envi-ronnement en RDC ?

Mon expérience et le travail que je fais au Congo sont surtout liés au sec-teur agricole. Si nous voulons déve-lopper ce secteur, nous devons le faire de manière durable, en sauvegardant l’environnement. Quand on s’occupe de l’agriculture, on remarque souvent qu’on abîme l’environnement. D’une part, il y a l’agriculture itinérante sur brûlis qui abîme nos galeries forestiè-res. Il s’agit d’une pratique qui consiste à allumer le feu de brousse destiné à déboiser des espaces pour cultiver. Nous avons, d’autre part, la consom-mation, par les centres urbains comme Kinshasa, Lubumbashi, Mbuji-Mayi, des braises qui proviennent de la cou-pe d’arbres sauvage, en milieux natu-rels. Il faut donc parvenir à promouvoir une agriculture qui sauvegarde l’en-vironnement. L’agroforesterie est l’un des secteurs de l’agriculture qui pro-tège l’environnement. Elle consiste à cultiver en même temps, sur les mê-mes terrains, mais en alternance, des arbres ou des cultures vivrières pour nourrir les hommes...

Où pratique-t-on «l’agroforesterie» en RDC ?

Sur le plateau des Bateke, se dé-veloppe un projet dénommé «Agro-foresterie de Mampu», décrit dans le livre «Congo, pays magnifique». On plante des acacias afin que d’ici dix ans, lorsque ces arbres seront grands, on puisse les couper et en faire du charbon, qu’on appelle «makala» à Kinshasa. Une fois les acacias cou-pés, avant que les nouvelles plantes repoussent, on peut pratiquer la cul-ture de manioc et de maïs sur cette surface pendant deux ans. Et lorsque les jeunes acacias vont grandir, on va déplacer la culture de manioc et de maïs sur une autre parcelle. Par cette pratique qui permet de produire de la braise sans aller dans une ga-lerie forestière, mais en coupant des arbres que l’on a plantés, on aboutit à un système durable. Les acacias ont des avantages, parce qu’en plus du charbon de bois, ils enrichissent, par leurs racines, le sol en azote, en élé-ments nutritifs, et leurs feuilles qui se décomposent dans la terre, améliorent la matière organique dans le sol. Cette pratique permet de donner des rende-ments deux fois plus importants que si cette culture était faite dans un endroit où il n’y a pas d’arbres. On gagne à la fois sur une production agricole qui favorise des rendements élevés et, en même temps, on jouit d’un système qui permet de couper des arbres pour obtenir de la braise et gagner de l’ar-gent. Ce qui permettra aux fermiers de Mampu de bénéficier des revenus qui oscillent autour de 3.000 à 5.000 dol-lars Us par an. Avec un périmètre de 6.500 hectares d’acacias, Mampu peut produire 2% de braise dont a besoin le marché de Kinshasa. Dans les parcel-les de ces 350 fermiers, on a planté aussi des arbres fruitiers (manguiers, avocatiers, orangers, papayers…) qui leur permettent de bénéficier des fruits

«Avant d’abattre les arbres, il faut déjà planter de jeunes pousses»,

recommande Alain Huart (P

hoto

JD

C)

pour leurs familles. On a aussi installé des ruchers des abeilles qui leur pro-duisent du miel. Voilà un système in-tégré qui fonctionne sur le plateau des Batéké et qui pourrait être reproduit dans d’autres zones du pays. Si on veut préserver les arbres des savanes congolaises, il faut multiplier des pro-jets agroforestiers autour de grandes villes.

Comment jugez-vous l’abattage des arbres plantés le long de prin-cipales artères de la ville ?

Je ne veux pas faire des commen-taires sur les travaux d’aménagement que j’estime importants. Mais, l’arbre en milieu urbain est aussi important ! Regardez l’aspect éducatif des choses pour les enfants, l’ombrage pour les passants qui arpentent le boulevard, l’esthétique générale, l’oxygénation…Quand vous regardez Kinshasa, vous remarquerez que nous n’avons pas prévu, dans l’aménagement de cette ville, beaucoup d’espaces où il y a des parcs et des zones forestières ! Mais

A coeur ouvert

JDC Journal-école n°24 - Semaine du 18 au 24 mai 2009

Journal du Citoyen Congo profond

4

Congo profond

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La nature l’inspire. Son art res-pire le naturel. Artiste plasticienne, polyvalente, Raphaëlle Christine Tsala maîtrise aussi bien la sculp-ture, la peinture, la scénographie que l’installation multimédia. Ca-merounaise, elle a décidé de s’ins-taller à Kinshasa pour enrichir ses connaissances artistiques. Une oc-casion aussi pour elle de mener la lutte pour la protection de l’environ-nement.

Rien qu’à voir son look, on se sent devant une artiste : lock’s, bijoux

en cauris, blue jean, tee-shirt, basket aux pieds… Bref, de quoi rester souple et cool. A 29 ans, cette jeune femme, née le 18 juillet 1979 à Yaoundé (capi-tale camerounaise), tient à demeurer simple. Hostile au maquillage, Chris-tine Tsala se veut naturelle, préférant se contenter de son teint clair, aller-gique aux éclaircissants. «C’est de-puis mon enfance que j’ai horreur du maquillage, confie-t-elle. Je n’arrive pas à le faire. J’ai plutôt une attirance pour le naturel. Il en va même de ma manière de manger, de me coiffer, de m’habiller, de vivre… et même de ma façon de marcher. Mes bijoux, je les fabrique moi-même. Je peux même les vendre, mais il faudrait que je m’or-ganise mieux, que j’aie l’argent en vue de monter une petite industrie en me servant des matières disponibles dans la nature : cauris, bois, fibre naturelle, fruits sauvages et séchés».

La vocation d’artisteC’est dans cet effort de vouloir

rester naturelle que Christine Tsala a découvert sa vocation d’artiste. Alors que ses parents voulaient la voir étu-dier au lycée, maîtriser mieux les lan-gues étrangères, elle a échappé à leur vigilance pour se présenter à un test à Mbalmayo, une contrée située à 45 minutes de route de Yaoundé. Son aventure va réussir, car elle parvien-dra à décrocher la deuxième place du concours et à obtenir son inscription à l’Institut de formation artistique (IFA), une école moderne d’artistes supervi-sés par des formateurs italiens.

Après trois années d’études, elle a obtenu son baccalauréat qui lui a per-mis d’exercer son métier d’abord au Cameroun. Ensuite, elle a eu l’aubaine d’être retenue en 2005 pour représen-ter son pays aux Jeux de la Franco-phonie en tant que sculpteur, aux cô-tés d’un photographe et d’un groupe de chanteurs camerounais. Ainsi, malgré l’opposition de ses parents qui voyaient dans l’art un chemin sans is-sue, «un métier qui ne nourrit pas son homme», Raphaëlle Christine Tsala a persévéré et gagne aujourd’hui son pain grâce à cette profession.

A la découverte de Kinshasa Commence alors une tournée en

Afrique de l’Ouest qui débouchera sur Kinshasa, capitale de la RDC, en plein cœur de l’Afrique. Christine Tsala est fascinée. Ce chemin qu’on croyait sans issue lui a permis para-doxalement de découvrir le monde et surtout de réaliser son rêve : voir de visu les artistes congolais, ceux dont ses enseignants vantaient les mérites à travers les manuels d’arts. A Kins-hasa, Christine Tsala a l’occasion de voir notamment le peintre Lema Kusa et Chéri Samba qu’il a eu le bonheur d’étudier à l’école. Elle peut même se photographier avec eux.

En janvier 2006, la Camerounaise découvre Aza, une jeune congolaise, fraîchement diplômée de l’Académie des Beaux-Arts. Elle retrouve aussi Samuel Dallé, un compatriote came-rounais qu’elle a connu à l’école de Mbalmayo (Cameroun) et qui travaillait sous le moule des ateliers Botembe. Cette sympathie entre les trois artistes débouche, quelques mois plus tard, sur la création de «Trois Kokorico», le nouvel atelier qu’ils mettent sur pied après la dispersion des artistes des ateliers Botembe, délocalisés de leur siège.

Défendre une cause noble

Tenace, la jeune équipe décide de s’installer à la résidence d’accueil de Christine Tsala dans la commune de Lingwala. Polyvalents, les trois artistes travaillent sans arrêt pour peaufiner leurs œuvres : sculptures, peintures… «L’objectif n’est pas d’abord de gagner l’argent, mais surtout de défendre une cause, d’éveiller des consciences, de

Christine Tsala : une artiste engagée dans la lutte pour la protection de l’environnement

lutter pour la protection de l’environ-nement et la conservation de la natu-re…», explique Samuel Dallé. Artistes, ils se muent carrément en écologis-tes.

Leur philosophie séduit aussitôt le Centre Carter, une fondation américai-ne qui promeut les droits de l’homme. En 2007 et 2008, ils animent des expo-sitions dans le siège de ce centre où afflue la crème intellectuelle de Kins-hasa : hommes politiques, diplomates, journalistes, opérateurs économiques, étudiants, élèves, miss…

Dans la première exposition axée sur le thème «Regards», le trio fustige la violation des droits de l’homme qui met en mal la vie humaine. Les artis-tes décrient le viol et le meurtre des humains, ainsi que la destruction des sites touristiques, à travers le ravage de la flore et de la faune.

«Face au temps», le thème de la deuxième exposition, interpelle davan-tage sur la responsabilité de l’homme dans la destruction de la nature. «Les Trois Kokorico» présentent au public, à travers leurs toiles et sculptures, les conséquences des actions de sape de l’environnement au niveau planétaire, tâchant de démontrer comment l’hom-me devient lui-même victime de ses pratiques nocives sur la nature.

Sensibilisation : un effort continuChristine Tsala s’explique : «Quand

on coupe trop d’arbres, on détruit la

Pigistes (provinces)Correspondants de Syfia/InterCongo média

et de Panos ParisDessin

Patou BOMENGALay-out et mise en page

ASIMBA BATHYDiffusion

Jean KIALA

Hebdomadaire indépendant d’éducation civique

Avenue Colonel Ebeya n°101Kinshasa/Gombe

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Huguette WEMBO (IFASIC)

A Bukavu, chef-lieu du Sud-Kivu, de grands travaux ont démarré avec

envergure. Tout obstacle qui retrécit la voie publique est écarté : arbres en-combrants coupés, les pans des bâ-tisses détruits ... canalisations d’eaux bouchées par les constructions illicites refaites.

Dans cette ville, la réalisation des cinq chantiers passe par le rétablisse-ment de bonnes normes. Dès l’ouvertu-re des collecteurs d’eau, «les maisons qui furent construites anarchiquement sur leur passage dans le temps ont été endommagées», déclare Jacques Bulibirha, un habitant de la commune d’Ibanda.

Dans la commune de Kadutu, les travaux n’ont pas encore pris de l’en-vergure, mais déjà kiosques, boutiques et maisons d’habitation ont été détruits pour laisser place à une route respec-tueuse des normes.

Partout, les propriétaires des mai-sons construites sur la voie publique ont dû réparer les pans des murs qui ont été rasés pour «respecter les di-

mensions de la chaussée et celles du trottoir», explique Géronce Balegamire, ministre provincial des Infrastructures. Les autorités tiennent à respecter les normes et la population attend «une route avec ses trois parties essentielles : la chaussée, le trottoir et la canalisa-tion d’eaux», se réjouit Dismas Mbaka, un étudiant en management.

Kilomètres témoins…A Bukavu, les cinq chantiers de la

République ont été inaugurés par les «kilomètres témoins». Il s’agit du pro-jet du gouvernement provincial visant la réhabilitation d’un tronçon routier à deux voies long de 800 mètres et qui longe la concession du Collège Alfajiri. L’entreprise burundaise BERCO, qui met en œuvre le projet, a commencé en septembre 2008.

Une multitude d’engins allumés à longueur des journées polluent l’air, et «il n’est pas aisé de respirer lorsqu’on traverse les abords des lieux de cons-truction de cette route», fait remarquer Norbert Mbonekube, un vendeur de

pains derrière son étal placé le long de cette route. Pendant le réchauffement du bitume et quand il est répandu sur la chaussée pour rejointoyer les graviers, les caillasses et du sable fin, l’air reste pollué durant 24 heures».

Le besoin d’avoir une belle route et de travailler dans le calme a obligé l’en-treprise BERCO à «détourner la route dans une avenue boueuse non éclairée la nuit et très longue», regrette Mahi Drakula, un taximan. Les habitants du quartier Nyalukemba ont souffert de cette situation parce que, dès 17 heu-res, les taxis ne se rendaient plus jus-qu’à la frontière.

«La route était devenue longue et au même moment, le prix du carburant avait pris de l’ascenseur», se rappelle Rita Njinji, une commerçante de Bu-kavu qui s’approvisionne à Kamembe, au Rwanda. En dehors de Bukavu, «les routes attendues sur toute l’étendue de la province trainent à être réhabilitées», regrette Vichy Namukama, un camion-neur. Thaddée HYAWE-HINYI

InterCongo Media

Portrait

couche d’oxygène vitale pour la vie hu-maine. Par le braconnage, on tue les éléphants pour leur arracher l’ivoire, les empêchant ainsi de continuer à propager leur bouse qui fertilise le sol dans la brousse. Et lorsqu’on décime les hippopotames pour extraire leurs dents, on réduit le taux des poissons qui se nourrissent de leurs excréments dans l’eau. Quand l’homme pollue les cours d’eaux en y déversant des déchets toxiques, il empoisonne les poissons qui, demain, se retrouveront sur son assiette et le rendront ma-lade… A travers tous ces exemples, c’est l’homme qui est pointé du doigt. C’est ce qui m’a inspiré le tableau inti-tulé «Au banc des accusés».

Dans cette optique, un séminaire à l’égard des élèves d’une quinzaine d’écoles a été organisé pendant l’ex-position «Face au temps». Les enfants ont compris la nécessité de jeter les ordures dans la poubelle pour ne pas polluer l’environnement. Ils ont aussi appris à planter la pelouse, des fleurs et bien d’autres plantes pour avoir plus d’oxygène et créer des espaces verts agréables pour la vue. Les «Trois Ko-korico» ont aussi convié les écoliers à respecter l’environnement, en veillant à la survie des espèces animales et végétales.

Christine Tsala regrette toutefois que le message ne puisse pas passer comme elle l’espère. «Je comprends, avoue-t-elle, qu’on ne peut pas de-mander à l’Africain de respecter la na-ture alors qu’il a faim. Ventre affamé n’a point d’oreille, dit-on. Mais, nous ne pouvons pas croiser les bras et nous résigner. La sensibilisation exi-ge un effort continu, une campagne permanente».

Yves KALIKAT

Bukavu : détruire pour avoir une bonne routeSud-Kivu

Christine Tsala met son art au service de l’environnement et de la nature

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