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Dossier Édition française NRP Avril 2021 N° 56 Société « LA PLACE DES LANGUES EN ALGERIE » Histoire/Mémoire Economie Rachid Sekak, expert financier, à «LSA Direct» «Notre système économique est obsolète» Start-ups en Algérie : Les avantages accordés par la loi de finances 2021 Alerte ! L’Algérie menacée par une pénurie en eau Erosion interne des barrages et manque de pluies Mouloudj Mohamed DROIT Dans l’Atlas Blidéen, sur les traces des traditions amazighes qui résistent au temps Lotfi G Samira Takharboucht L A N O U V E L L E R E V U E D E P R E S S E Massiva Zehraoui

L A N O U V E L L E R E V U E D E - OVH

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Dossier

Édition française

NRP Avril 2021 N° 56

Société

« LA PLACE DES LANGUES EN ALGERIE »

 

Histoire/Mémoire

EconomieRachid Sekak, expert financier, à «LSA Direct»

«Notre système économique est obsolète»

Start-ups en Algérie :

Les avantages accordés par la loi de finances 2021

Alerte ! L’Algérie menacée par une pénurie en eauErosion interne des barrages et manque de pluies

Mouloudj Mohamed

DROIT

Dans l’Atlas Blidéen,sur les traces des traditions amazighes qui résistent au temps

Lotfi G

Samira Takharboucht

L A N O U V E L L E

R E V U E D EP R E S S E

Massiva Zehraoui

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Sommaire

La NRP est la nouvelle formule de la « Revue de presse », créée en 1956 par le centre des Glycines d’Alger.[Attestation du ministère de l’information: A1 23, 7 février 1977]

Revue bimensuelle réalisée en collaboration avec le :

Ont collaboré à ce numéroRyad CHIKHI, Bernard JANICOT, Leila TENNCI, Ghalem DOUAR, Omar AOUAB

Sid Ahmed ABED, Adnane BELAIDOUNI, Sofiane BELKACEM, Redouane ARZOUR

CENTRE DE DOCUMENTATION ECONOMIQUE ET SOCIALE3, rue Kadiri Sid Ahmed, Oran • Tel: +213 41 40 85 83 •

Site web: www.cdesoran.org / Facebook : Cdes Oran

Revoir la gouvernance économique, Professeur desuniversités, expert international Dr Abderrahmane Mebtoul,P.10

SociétéLe ramadan et l’été 2021 s’annoncent compliqué, AdlèneMeddi.P.11

Alerte ! L’Algérie menacée par une pénurie en eau: Erosioninterne des barrages et manque de pluies, SamiraTakharboucht.P.12

Droit

Start-ups en Algérie : Les avantages accordés par la loi definances 2021, LOTFI G.P.13

Élections législatives anticipées : Le corps électoralconvoqué pour le 12 juin, MOKRANE AIT OUARAB.P.13

Histoire/Mémoire

Dans l’Atlas Blidéen, sur les traces des traditions amazighesqui résistent au temps, Mouloudj Mohamed, P.14

El Kessaba, pratique ancestrale pour célibataires àMostaganem, Ait Amine, P.14

Bibliographie

Dossier

« LA PLACE DES LANGUES EN ALGERIE »

Le débat linguistique en Algérie : pourquoi pas quatre langues?,Arezki Ighemat. P.4

Les Suisses parlent toujours plus de langues,Christine Talos, P.5

L’aura perdue de la langue arabe,Chahinaz Gheith,P.6

Tamazight : Préserver le patrimoine culturel, Tahar Kaidi.P.7

Tabelbala, ce coin d’Algérie qui ne parle ni arabe ni tamazight,Amine ait.P.7

Le parler algérien : la langue du peuple aux confluences d'unMaghreb... Une langue constamment renouvelée.El HassarSalim, P.8

Bechar: "Fahla", 1er roman en langue dialectale de RabahSebaa, P.8

Economie

Rachid Sekak, expert financier, à «LSA Direct» «Notre systèmeéconomique est obsolète», Massiva Zehraoui,P.9

[email protected]

N° 56, Avril 2021

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NRP, Avril 2021, n°56

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NRP, Avril 2021, n°56

Les langues sont sans doute les plus belles créations de l'être humain sur terre. À traversdes siècles, les langues ont effectué force migrations et accompagné les brassages entreles peuples jusqu'à aujourd'hui.Elles véhiculent la mémoire, la connaissance, et la civilisation. Cependant une langue

est d’abord un moyen de communication entre les êtres humains. L’homme ne peutconnaître l'autre sans dialoguer, et ce dialogue nécessite un moyen de communicationpour débattre des idées.Une langue est aussi le symbole d'un peuple ou d'une nation, et signe d'appartenance :

on parle de pays arabophones, francophones ou anglophones...Les linguistes ont catégorisé toutes sortes de langue : langue morte, vivante, maternelle,

officielle, secondaire, sacré … dans le but de bien étudier les différentes racines des motset des expressions, pour mieux connaitre l’être humain dans son environnement.Cependant en Algérie, nous vivons depuis un moment une querelle entre l'arabe et le

berbère, l'anglais et le français. Alors, que choisir comme langue nationale, officielle,secondaire dans un pays où le parler est un patchwork entre plusieurs dialectes etplusieurs langues laissées par les civilisations qui sont passées par ce pays, surtout dansle nord et de moins en moins en allant vers le sud.Nous sommes confrontés à la question pourquoi l'arabe et pas le berbère ? pourquoi le

français et pas l'anglais ? Sachant que chaque choix peut se justifier et a ses partisans.Il n’y a pas de raison pour qu'une langue soit supérieure à une autre. Nous pouvons aussiconsidérer ces langues comme une richesse pour avancer plutôt qu’un sujet de conflitentre partisans.Si nous sommes comme toujours fascinés par l'Occident et son développement nous

devons remarquer que certains pays ont plus de trois langues officielles comme la Suisse,et d’autres comme les USA, n’ont pas de langue officielle. Ces exemples pourraient ouvrirdes horizons…

« LA PLACE DES LANGUES EN ALGERIE »

Editorial

AOUAB Omar

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DOSSIER

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Le débat linguistique en Algérie : pourquoi pas quatre langues ?

Dans les années 1980, 1990 et sur-tout 2000, le débat s’est élargi à uneautre langue, tamazight et la ques-tion est devenue : «Quelle est la placede cette langue parmi les deux pré-cédentes ?» Depuis quelques temps,et aujourd’hui encore, une autre lan-gue, l’anglais est venue animer etcomplexifier davantage le débat etla question est devenue : «De la lan-gue française ou anglaise, quelle estcelle qu’il faut privilégier?».Cela s’accompagne par une guerred’arguments en faveur ou en défa-veur de l’une ou de l’autre. Notrepropos ici est de dire qu’au lieu d’es-sayer de défendre ou d’attaquer telleou telle langue, pourquoi ne pas sim-plement les adopter toutes les qua-tre en déterminant l’importance etla place de chacune dans la vie so-ciale et dans le système éducatif al-gérien. Car cette guerre des langues– qui est une guerre d’arguments –ne tient pas compte de l’histoire an-cienne de l’Algérie et de la place quel’Algérie veut avoir dans l’économieglobalisée d’aujourd’hui. Dans cetarticle, nous verrons donc quelle estl’importance et la place de chacunedes quatre langues dans une Algériequi tient à la fois compte de son his-toire et des perspectives à longterme de l’économie mondiale.

Tamazight : la langue de nos ancêtres

Pendant presque trois décenniesdepuis l’indépendance, les gouver-nements qui se sont succédé ontignoré cette langue originelle et ontété jusqu’à criminaliser toute tenta-tive consistant à revendiquer sa placedans l’histoire ancestrale du pays. Ce

n’est que dans les années 2000, etnotamment après ce qu’on a appeléle Printemps berbère de 2001, queles autorités algériennes ont com-mencé à réaliser que continuer àignorer cette langue est un déni d’his-toire alors que de nombreux histo-riens nationaux et internationaux ontmontré que cette langue est la lan-gue originelle de l’Algérie et de tousles pays qu’on appelle Tamazgha (Al-gérie, Maroc, Tunisie, Libye, Mali,Mauritanie, Niger, Iles Canaries etEgypte). Le but ici n’étant pas de re-tracer l’histoire de cette langue -ilfaudrait certainement plus d’unouvrage pour le faire – mais simple-ment de citer quelques références…

Les langues arabe et française : leslangues-butins

La langue arabe – qui est utilisée de-puis plus de 3 siècles en Algérie,même si c’est principalement danssa version dialectale et non classique– et la langue française – qui est pra-tiquée depuis près de deux sièclesen Algérie – sont incrustées dans lavie sociale et culturelle des Algériens.Avec l’arabisation depuis les années1970, la langue arabe – qui était jus-que-là pratiquée essentiellementsous sa forme dialectale – a connuun développement non négligeableen dépit de la controverse concer-nant les résultats atteints par l’arabi-sation en termes de qualité linguisti-que… Le résultat est que les deuxlangues – l’arabe et le français – separtagent la population algériennede façon quasi égale, même si le fran-çais domine dans les domaines dutravail, de l’éducation et de la recher-

che. Etant donné le niveau d’intégra-tion de ces deux langues dans la viesociale et professionnelle des Algé-riens, le débat – ancien et nouveau –portant sur laquelle des deux languesà privilégier et qui pousse même cer-tains à proposer qu’on abandonnel’une ou l’autre – est à notre avis undébat stérile qui fait abstraction desacquis faits par les Algériens dans lesdeux langues…La langue anglaise: la langue universelle(or the “money language”), «Do we like

it or not»

Un autre débat – qui a, en fait, com-mencé déjà dans les années 2000,voire même plus tôt selon certains –consiste à proposer que l’on rem-place le français par l’anglais. L’argu-ment ici – vrai ou faux – est que l’an-glais est davantage que le françaisune langue de science de «business».Pour certains, il n’est pas question deremplacer le français car c’est un«butin de guerre» et qu’il est profon-dément intégré dans la vie sociale,culturelle et professionnelle des Al-gériens. Pour d’autres, l’anglais doitdésormais remplacer le françaiscomme langue de recherche et lalangue du «business».La réalité est que lorsqu’on comparecomment ces deux langues sont uti-lisées dans les deux domaines, onobserve que les deux langues sontutilisées partout dans le monde defaçon quasi semblable, même si quan-titativement – en termes de popula-tion – l’anglais est certainement uti-lisé par un plus grand nombre de per-sonnes et d’organisations dans lemonde.En effet, le français est utilisé aussibien dans les affaires que dans la re-cherche et il en est de même de l’an-glais. Un autre débat au sein de cedébat est celui qui concerne la qua-lité (et l’efficience) des résultats at-teints par les chercheurs et les hom-mes d’affaires dans chacune desdeux langues. Pour certains, les an-glophones ont plus et mieux réussidans les affaires et la recherche queles francophones. Tout dépend, biensûr, de comment on évalue ces ré-sultats : en argent, en volume d’af-faires et de produits de recherche,en qualité, etc…

En Algérie, le débat sur les langues – quelles langues et quelle est leur place dans la vie sociale, la recherche et le développe-ment – n’est pas d’aujourd’hui. Il s’est accentué après la décision, dans les années 1970, par le président Boumediène d’arabiser

le pays. A cette époque, la question était : «Laquelle, de l’arabe ou du français, doit dominer ?

Arezki Ighemat06 Juin 2020

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DOSSIER

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Les Suisses parlent toujours plus de langues

La population suisse devient toujours plus plurilingue.C’est ce que révèle l’Enquête sur la langue, la religion etla culture, réalisée en 2019 pour les 2 e fois par l’Officefédéral de la statistique (OFS). Ainsi par rapport à l’en-quête précédente de 2014, 68% des résidents helvéti-ques utilisent plus d’une langue au moins une fois parsemaine. Sur l’ensemble de la population, 38% pratiquentrégulièrement deux langues, 21% en parlent trois, 6,4%quatre et 1,7% cinq ou plus. Et ils étaient 32% à ne parlerqu’une seule langue, contre 36% en 2014.Sans surprise, c’est au sein la population âgée que l’onest le moins plurilingue. Ainsi chez les plus de 75 ans, 64%des sondés ne parlent qu’une seule langue, soit presquecinq fois plus que chez les 15-24 ans (13%). Leplurilinguisme augmente aussi avec le niveau de forma-tion. Ainsi 76% des diplômés du degré tertiaire utilisentune autre langue que la leur contre 59% des personnesayant achevé une formation du secondaireII.Les jeunes sont toujours plus plurilingues

L’enquête relève le fait aussi que ce sontles jeunes qui pratiquent le plus d’autres lan-gues en Suisse. Ainsi ils sont 43% à parlerune 2e langue, et près de 33% à en prati-quer trois ! Une proportion qui chute avecl’âge puisque 64% des 75% n’en pratiquentqu’une.Quant aux enfants de moins de 15 ans, 57%vivent dans un ménage où l’on parle lesuisse allemand. Viennent ensuite le fran-çais (28%), l’allemand (16%) et l’italien (8,8%), l’anglaiss’avérant la langue non nationale la plus fréquente (7,5%).Dans l’ensemble de la population, la part des personnesvivant dans un ménage où l’on parle plus d’une langue semonte à 32%. À la maison, la génération la plus jeune esttoutefois en contact avec bien d’autres langues : alba-nais (6,7%), portugais (4,9%), espagnol (4,9%), bosniaque,croate, monténégrin ou serbe (3,8%), turc (2,8%) et plusde 70 autres. À domicile, 33% des moins de 15 ans sont encontact avec deux langues différentes et 10% d’entre euxmême avec trois ou plus.

Statut migratoire important

Il faut dire que le statut migratoire joue un rôle importantdans la pratique des langues en Suisse. Car c’est chez lesmigrants que l’on se montre le plus plurilingue. Ainsi 41%des migrants de la première génération et 49% des mi-grants de la 2e et 3e génération utilisent régulièrementau moins trois langues, alors que cette part n’atteint que21% chez les Suisses.Sans surprise également, l’anglais est la langue non na-tionale la plus utilisée en Suisse. Quelque 45% de la popu-lation suisse le pratiquaient régulièrement contre 41% en2014. Son utilisation régulière est plus répandue en Suissealémanique que dans les régions italophone et franco-phone (46% contre 37% et 43% respectivement). Mais c’estsurtout dans les grandes villes comme Genève et Zürichainsi que dans les régions touristiques qu’il est le pluspratiqué, souligne Fiona Mu¨ller, collaboratrice scientifi-que à l’OFS.

L’anglais a la cote chez les jeunes

L’anglais a aussi la cote chez les jeunes. Quelque 72% des

15-24 ans se servaient en 2019 de l’anglais au moins unefois par semaine pour la communication orale ou écrite,contre 62% en 2014. Un chiffre qui tombe à 59% chez les25-39 ans et à 22% chez les plus de 65 ans.L’anglais est aussi la langue que la population souhaite leplus apprendre. Selon l’enquête, une personne sur cinqâgée de 25 ans ou plus apprend une ou plusieurs languesou améliore ses connaissances linguistiques. Un phéno-mène plus marqué outre-Sarine puisque 23% des Aléma-niques se lancent dans un apprentissage contre 14,6%chez les Romands et 8,8% chez les Italophones.L’anglais arrive en tête (33,9%) des langues le plus fré-quemment apprises, devant l’allemand (15,4%), le fran-çais (15%), l’espagnol (11,1%) et l’italien (8,6%. A noter quele suisse allemand n’obtient qu’un petit 3,5%… Les prin-cipales raisons qui poussent les gens à apprendre une

langue sont d’ordre professionnel (34%), mais elles va-rient en fonction de la langue. Ainsi les Suisses se met-tent à l’espagnol ou l’italien surtout pour les loisirs et lesvacances, selon l’enquête.

Langues nationales et dialectes très répandus

Par ailleurs, 76% de la population utilisent régulièrementl’allemand, 65% le suisse allemand, 39% le français, 15%l’italien et 0,9% le romanche. Les langues locales, c’est-à-dire l’allemand et le suisse allemand en Suisse alémani-que (97% et 89%), le français en Suisse romande (99%) etl’italien ainsi que des dialectes tessinois ou italo-grisonen Suisse italienne (100% et 36%), sont utilisées régulière-ment par la majorité des habitants de ces régions.Enfin une large majorité´ de la population est d’avis qu’ilest important de connaître une autre langue nationale(84%) et qu’il faut soutenir les langues nationales pourfavoriser la cohésion en Suisse, a indiqué Maik Roth, dela Section Démographie et migration à l’OFS. Ainsi 72%des Suisses allemands, 80% des Romands et 88% desTessinois soutiennent l’apprentissage d’une 2e languenationale à l’école.A noter que l’OFS a présenté ce lundi les premiers résul-tats de cette Enquête sur les langues basée sur plus de13’000 personnes interrogées. D’autres devraient suivreces prochains mois.

Christine Talos

25 Janvier 2021

Le plurilinguisme gagne du terrain dans notre pays : les deux tiers de la population utilisent régulièrement plus d’une languepar semaine. Ce sont les jeunes qui parlent le plus une 2e voire une 3e langue.

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DOSSIER

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L’aura perdue de la langue arabe

« La terre parle arabe », dit une vieillechanson égyptienne. Un adage quipourrait être remis en question, no-tamment avec la vive concurrencedes langues étrangères. Partoutdans le monde, des peuples récla-ment le respect et la conservation deleur langue maternelle pour défen-dre leur identité menacée. Mais quepourrions-nous dire de notre languematernelle, l’arabe ? En fait, notre lan-gue nationale n’est pas associée auxvaleurs de respect et de fierté. Quandnous cherchons la meilleure écolepour nos enfants, pourquoi choisis-sons-nous celle qui a un bon niveau

en langues étrangères ? Violée par-tout dans la publicité, sur les façadesdes boutiques, dans les rues, àl’école et à l’université, la languearabe est-elle en train de mourir ?Prospectus, publicités, affiches, pan-neaux, l’arabe y est rarement pré-sent, même les factures et les reçusde nos achats quotidiens les plus ba-nals sont rédigés en anglais.Aujourd’hui, il est devenu rare detrouver des personnes qui parlentuniquement l’arabe sans faire rentrerdes mots étrangers. Certains sontmême fiers de ne pas parler leur lan-gue maternelle. Et certains parentsont désormais tendance à parler fran-çais ou anglais avec leurs enfants, àtel point parfois de les réprimanders’ils s’expriment en arabe. Croyantque les langues étrangères sont lagarantie de la réussite profession-nelle de leur progéniture, ces parentsoublient le fait que l’arabe est unatout non négligeable dans le mondedu travail, en Orient comme en Occi-dent. Pour d’autres, le français et l’an-glais sont synonymes de statut socialélevé.

La suprématie de l’anglaisLe problème concerne tant l’arabedialectal que l’arabe classique. Celui-ci n’est presque jamais utilisé en tantque langue de communication etd’usage quotidien, mais limité et en-tendu seulement aux discours offi-ciels, dans les journaux et dans cer-tains programmes télévisés. « Je pré-fère parler l’anglais. J’ai fait toute mascolarité dans cette langue etaujourd’hui, on me demande de maî-triser l’arabe ! », Lance Ihab Mostafa,un jeune interne en médecine qui seplaint d’avoir une nouvelle fois

échoué à son examen final d’arabe.Selon lui, l’anglais est devenu la lan-gue usuelle dans le monde entier, àl’encontre de l’arabe, une langue ar-chaïque et démodée. Cela dit, la mé-connaissance de l’arabe est pour luiun handicap, et il en voit les consé-quences tous les jours. « A l’hôpital, ilm’est arrivé plusieurs fois de com-mettre des fautes dans des rapportsou des ordonnances. Heureuse-ment, les infirmières me relisent tou-jours, elles me connaissent bien main-tenant et vérifient ce que j’écris, ense moquant gentiment de moi »,poursuit-il. Idem pour Riham, uneétudiante diplômée d’une école in-ternationale et qui voit que l’appren-tissage de l’arabe classique est utileuniquement pour ceux qui se spécia-lisent dans la langue et la culture ara-bes ou ceux qui s’intéressent au do-maine de l’enseignement, du journa-lisme, des métiers de la justice ou dela prédication et de la religion. « Lasociété a changé, et il faut désormaismaîtriser l’anglais, c’est plus utile,surtout dans la vie professionnelle »,estime-t-elle.

Parlé par près de 422 millions de personnes, 6e langue officielle de l’Onu, l’arabe a cependant perdu de sonlustre. Une journée mondiale lui est pourtant consacrée : le 18 décembre. L’occasion de revenir sur l’âge d’or de

cette langue et de s’interroger sur les raisons de son déclin.

Résultat : on se trouve parfois face àdes polyglottes qui ne maîtrisentaucune des langues qu’ils parlent. Al’exemple de la famille de Rami, uncomptable marié à une Arméniennelibanaise et ayant deux enfants âgésde 5 et de 6 ans. Les parents parlentmédiocrement le français, la nounou,un anglais approximatif. Et les enfantsarrivent à l’école avec une languehybride, ni anglais, ni français, niarabe…

Un « franco-arabe » qui tue leslangues

A la question de savoir si les élèvesaiment les cours d’arabe, NadineSabri, 17 ans, élève en terminale dansune école privée, a la même réaction: un rire suivi d’un simple « Non ».Pour elle, le cours d’arabe se résumeen quatre mots : « Tu retiens, tu re-craches ».Dr Mohamed Hamdi, enseignant à lafaculté de Dar Al-Oloum, pense quelorsqu’on évoque le déclin de l’arabeclassique, on se réfère plutôt à sondéclin au niveau de l’alphabétisationface à l’usage croissant des dialectesou des langues étrangères, et ce, àcause du difficile accès aux supportsde qualité, permettant de garderl’arabe classique en vie. « Alors queles taux d’alphabéti¬sation dans lespays arabes évoluent positivement,ces données ne permettent pas d’af-firmer que les personnes arri-vent àaméliorer leur niveau en arabe clas-sique », souligne-t-il , tout enajou¬tant que la jeunessed’aujourd’hui pré¬fère utiliser l’an-glais et a de plus en plus de mal à par-ler et à écrire l’arabe de manière cor-recte.Sans oublier le numérique. Là, cen’est pas que l’arabe qui souffre,mais toutes les langues. Les jeunesécrivent des SMS avec un franco-arabe, un mélange d’anglais, d’arabeet de chiffres. « Lorsque j’ai reçu unSMS de mon ami qui me disait : roo7nam bala sa2aleh, je pensais qu’il avaitoublié comment écrire au clavier etque les chiffres étaient juste des fau-tes de frappe. Un vrai charabia. Il s’estmoqué de moi et a répondu : je doist’ap¬prendre à écrire en 3arabi(arabe) numérique »…

Chahinaz Gheith

16 Décembre 2020

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DOSSIER

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Tamazight : Préserver le patrimoine culturelLe programme de la célébration de la Journée mondiale de lalangue maternelle s’est poursuivi, hier à Chlef, où le Haut-Com-missariat à l'Amazighité (HCA) a organisé une visite de la villede Béni Houa, qui se trouve sur le littoral. C'est au siège del'association Tifaouine que le Secrétaire général du HCA, Si ElHachemi Assad, a supervisé l'opération de don de livres et depublications du HCA au profit de cette association locale. Ladélégation s'est ensuite dirigée vers le centre culturel de laville pour l'animation de deux conférences portant sur «l'im-portance de l'enregistrement audio dans l'apprentissage detamazight pour les non-locuteurs» animée par Iftène Tarik, en-

seignant de tamazight à l'Ecole normale supérieure (ENS) deBouzaréah, ainsi qu'une communication sur «les problémati-ques d’apprentissage et d’acquisition chez les enfantsamazighophones» présentée par Mohand Zerdoumi, professeurà l'institut de psychologie à l'université d'Alger-2. Parmi les dé-couvertes de ce programme de célébration de la journée mon-diale de la Langue maternelle, la production par le HCA de plu-sieurs volumes de contes populaires de différentes variantesde tamazight, dans la collection intitulée «Thifoussine». Cher-cheur universitaire et président de l'Association «Numidia» àOran, Yazid Oulha explique que c'est «le fruit de partenariatentre le HCA, les linguistes et universitaires, ainsi que les ac-teurs des associations locales s'activant dans le domaine de lapromotion de tamazight, pour élaborer une série de contesdans toutes les variantes». «Il s'agit d'un immense projet pluri-disciplinaires qui nécessite l'intervention de plusieurs acteurs,pour les traductions vers l'arabe, et les autres langues vivantes,telles que l'anglais, l'allemand, l'espagnol et le français» expli-que-t-il, affirmant que pour les productions, il y a d'abord des

livres illustrés destinés au grand public et aux enfants notam-ment, ainsi que des versions multimédia qui seront complé-mentaires à l'édition papier et contenant des enregistrementsaudio, des sous-titrages et des illustrations», pour faciliter l'assi-milation. Le conférencier fait savoir que le HCA a adopté etporté ce projet, en coordination avec l'association «Numidia»qui s'est occupée de la préparation de la matière, grâce auconcours d’inspecteurs, de pédagogues, et d’enseignants detamazight, et d'indiquer que pour chaque variante, une équipequi se charge de l'enregistrement audio, de la correction, de lapréparation du contenu, pour l'édition numérique et papier.Pour le président de l'association, ce projet vise la réalisation deplusieurs objectifs, à commencer par la préservation et la valo-risation du patrimoine culturel et immatériel amazigh dans tou-tes ses composantes, outre la consolidation du sentiment d'ap-partenance, et d'identité, de vivre ensemble et de continuitéculturelle intergénérationnelle, la publication de cette sérievise à mettre en lumière la réalité de tamazight à travers leterritoire national. Et M. Oulha de faire savoir que «les variantessont un élément unificateur, comme l'expriment les principesde l'UNESCO, en mettant en avant la richesse et l'union dans ladiversité». L'universitaire note également que «ces travaux,coordonnés par le HCA, sont également des outils pédagogi-ques, d'apprentissage d'enseignement et de vulgarisation scien-tif ique pour les locuteurs et non-locuteurs de la languetamazight». L'universitaire insiste sur l'importance d'encoura-ger la production dans plusieurs variantes et mettre à la dispo-sition des enseignants des textes et des contenus multimédias,dans la variante enseignée. Au-delà du caractère pédagogiquela série Thifoussine vise à donner aux enfants et au grand publiccette image positive pour qu'ils valorisent leur langue mater-nelle, belle, riche et qui possède toutes les caractéristiques desautres langues, explique M. Oulha évoquant l'importance derenforcer la présence de la langue tamazight à travers la pro-duction littéraire de qualité. Insistant sur la qualité des produc-tions, le chercheur estime que la richesse linguistique ne con-cerne pas uniquement l'Algérie, mais plutôt un patrimoine hu-main et universel qu'il importe de fédérer les efforts afin de levaloriser.

Tabelbala, ce coin d’Algérie qui ne parle ni arabe ni tamazightLes oasis qui avoisinent celle de Tabelbala, à l’extrême sud-ouestde pays, comptent parmi leurs habitants, des gens qui pensentencore que les tabelbalis parlent une langue les djins. Ces idéesreçues, découlent de l’ignorance les liens profonds qui lientnotre pays à son continent mère. L’Afrique. Située à 400 km ausud de Béchar, tabelbala est décrite comme «une contrée aumilieu de désert de le Numidie?», par al-Hassan ibn Mohammadal-zayyati al-fasi al-wazzan, l’explorateur connu également sousle nom de Léon l’africain. Cette oasis qui était jadis réputéepour être édénique et luxuriante, malgré qu’elle se trouve aumilieu les infinités les grains de sables de Sahara, a vu égale-ment se succéder plusieurs peuplements sur ses terres. En ef-fet, si la tradition orale raconte qu’elle fut fondée par les lamtuna,les berbères tribaux alliés les almoravides, l’on sait égalementqu’elle a vu se succéder mandingues, reguibet, touaregs, etchaanbas.

Tabelbala, un vrai carrefour linguistique

Pendant que certains théoriciens de la linguistique soutiennentla théorie de la mono-genèse qui affirme que toutes les languesdescendent d’une lengue seule et originelle, d’autres sont con-vaincus de la véracité de la théorie de la poly-genèse, qui af-firme le contraire. Entre les deux théories, le parler de tabelbale

brouille les pistes. Mohamed tilmatine, auteur d’une étudesociolinguiste sur l’oasis, déclare que tabelbala est « un carre-four de très nombreuses pistes Chamalières qui on desservidepuis une époque lointaine, difficile à préciser, le drâ et leTafilalet d’une part, d’autre part le soudan et Tombouctou ».L’emplacement stratégique de cette oasis a fait que tabelbalaest devenue le théâtre d’un brassage sociolinguistique, qui adonné un parler particulier, le koranji, appelé égalementkawara’n’dzi en berbère, ou encore le tablbali, en arabe.Kawara’n’dzi, veut dire « langue de village ». Cette langue qua-lifiée de particulière, est considérée par les linguistes commele parler le plus septentrional et le plus isolé de la langue songhaï.Une langue elle-même fragmentée, parlée dans des régions demali, de Burkina Faso, de Niger, de Nigeria, et de bénin. Lesonghaï est entré à les certains moment de l’histoire, en con-tact avec le peul, le soninké, le tamasheq, le dogon et lehassaniya. Outre la richesse apportée par le koranji, appeléeaussi le tabelbali, à la culture algérienne, ce parler rappelle sur-tout que l’Algérie est un pays qui tire ses origines de l’Afrique,et que son histoire et son évolution culturelle et linguistique vade pair avec celles de continent mère.

Tahar Kaidi21 Février 2021

Amine ait

11 Février 2021

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DOSSIER

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Le parler algérien : la langue du peuple aux confluencesd'un Maghreb... Une langue constamment renouvelée

…. Le parler algérien est devenu, depuisle XVe siècle, une langue écrite avecl'œuvre des grands poètes de la littéra-ture populaire du XVIe au XVIIIe : Saïd al-Mandassi, Lakhdar Benkhlouf, AhmedBentriqui, Mohamed Bouletbag,Mohamed Ben M'saîb, MohamedBendebbah... dès lors qu'elle est entréedans la chanson. La poétique populairemaghrébine apparaissait bien avant aussi,sous le nom de «Aroud al-balad» (la mé-trique des terroirs locaux) par le grandhistorien et sociologue AbderrahmaneIbn Khaldoun.

La langue parlée est restée depuisouverte à toutes les influencesétrangères d'où sa vitalité,aujourd'hui encore, en tantqu'idiome, dans tout le Maghreb.C'est les Berbères au pouvoir quiont arabisé le pays maghrébin aumoyen âge arabe au-delà du faitaussi que les grandes dynasties mu-sulmanes du Maghreb (lesOmeyyades d'al-Andalous, lesAghlabides et les Fatimides de l'Ifri-qiya) sont aussi d'origine arabe…

C'est à travers la poésie populaire quenous avançons le plus parfaitement dansl'étude de ce phénomène. La présenta-tion des genres musicaux dans leurs con-textes historiques nous permet d'allerplus rapidement à l'étude de la langueparlée avec ses strates superposées oùse mêlent les traditions et styles périphé-riques ou arborescences répertoriéessous des vocables désignant des formesqui réfléchissent chacun un mode de vieen Algérie et plus largement encore auMaghreb qui a servi de cadre fertile à leurélaboration, voire par là «Hawzi», «Gherbi-Malhoun», le «Zdjoul» et plus tardivementencore le «Aroubi», le «Zendani»... Nousvoilà donc dès le XVe siècle reparti avecune langue et un art vivant que n'ont

cessé d'être d'enrichis par des apportsnouveaux aux plans à la fois de la poésieque de la musique. Cette évolution estlisible à travers les sédiments légués parce trésor national à caractère imminentà la fois historique et artistique et dontl'enjeu aujourd'hui est de le conserver…

Le XXe siècle a enregistré certes aussi ladécouverte de deux autres manuscritsimportants ayant appartenu par des es-thètes connus… C'est dans la littératureconsignée dans les compilations de nosgrands poètes populaires que la langue

populaire est là, comme témoignage etcomme trait fondamental de notre es-prit national. C'est là que se trouve la plusgrande bibliothèque du dialecte maghré-bin. Une véritable mine lexicographiquede quoi alimenter une académie de la lan-gue parlée, un parler de petites gens desmétiers et des artisans sur fond d'un paysfamilier et vivant d'une culture tradition-nelle berbéro-arabe et musulmane quicimente la cohésion. Avec sa diversité lar-gement imbriquée cette culture entendainsi rappeler les liens historiques et l'im-minence de la culture arabo-maghrébine.Le dialecte algérien fit l'objet d'étudesdès le début du XIXe siècle. Il fut mêmeenseigné un temps dans les lycées jus-

08 Décembre 2020

El Hassar Salim

qu'avant l'indépendance…

L'écrivain algérien Kateb Yacine et la ques-tion de la langue dialectale

(Kateb Yacine disait répondant à une in-terview à El Hassar Bénali en 1972) : « Pourla langue, le problème actuel est évidem-ment celui de l'arabisation. Pourquoi com-met-on tant d'erreurs ? Parce que toutsimplement on n'a pas encore comprisque l'arabe que nous parlons en Algériene peut absolument pas être celui quel'on parle dans d'autres pays. Or d'où vientla différence ? De son cachet national, pré-

cisément. Si vous venez de l'Ouestalgérien et que vous parlez à quel-qu'un de l'Est, vous sentez aussi-tôt dans la langue une expériencevécue qui est la même, certesavec une infinité de variantes etde nuances, mais avec une pro-fonde unité que vous ne sentezpas quand vous parlez à quelqu'und'un autre peuple… Aujourd'huicela dépend de nous que le dia-lecte parlé par le peuple algériendevienne une langue, c'est-à-direqu'il s'enrichisse et s'organise pour

acquérir tout ce qui fait qu'un dialectedevienne une langue. Pourquoi ? Parceque notre identité nationale reste floue.Elle comporte un autre élément : la com-posante berbère, importante à l'heure ac-tuelle. Or qui sont les Algériens ? Des Ber-bères arabisés, ou des Arabes berbérisésqui sont au fond, à l'origine des Berbè-res… Le français a lui aussi un avenir. Il nefaut jamais l'abandonner parce qu'une lan-gue c'est une arme puissante à notre épo-que et que les moyens de communica-tion avec les autres peuples sont très pré-cieux. Nous devons avoir une attitude of-fensive…

Bechar: "Fahla", 1er roman en langue dialectale de Rabah SebaaBECHAR- Le roman "Fahla" de RabahSebaa est une œuvre écrite en arabe dia-lectale (Daridja), avec une transcriptionlatine, a-t-on appris jeudi de l’auteur. Ceroman édité par les éditions Frantz Fa-non, traite du sort d’une société terniedans de fausses valeurs religieuses éri-gées en dogme, où tout commence dansun cimetière, le jour de l’enterrementd’un poète +El-Goual+, qui n’ayant pas ledroit d’entrer au cimetière, des femmeslancent une révolution contre lamarginalisation, l’oppression et la vio-lence, a-t-il expliqué. "Fahla, est le nomdu personnage principal du roman maiségalement une métaphore pour dési-gner (blad Fahla), un pays qui a su résis-ter à toutes les agressions et qui est unsymbole de résistance", poursuitM.Sebaa. Au sujet de cette œuvre litté-

raire, Rabah Sebaa a indiqué à l’APS: "jepréfère l'usage de la langue algérienne àcelui de Darija qui est une mauvaise tra-duction de la notion de dialecte et quicharrie une forte péjoration". "La languealgérienne n'est pas un dialecte mais unelangue à part entière avec sa grammaire,sa syntaxe, sa sémantique et sa person-nalité linguistique’’, a-t-il ajouté. "Il existeen Algérie une littérature d'expressionarabe et une littérature d'expression fran-çaise, il faut à présent ouvrir la voie à unelittérature d'expression algérienne, celava sans doute enrichir notre patrimoinelinguistique et notre culture nationale",estime M.Sebaa. "Cette vision peut par-faitement s'intégrer dans un programmeéducatif, et l'Unesco conseille fortementl'intégration des langues natives dans lesprogrammes scolaires", souligne cet uni-

versitaire, en signalant que "des étudesscientifiques sérieuses ont montré queles langues de socialisation sont fonda-mentales dans le développement de lapersonnalité de l'enfant". Une littératured'expression algérienne s'inscrit danscette perspective, a-t-il fait savoir encore.Professeur en anthropologie linguistique,Rabah Sebaa a publié plusieurs essais, dontL’Algérie et la langue française ou l’alté-rité en partage, l’arabisation dans les scien-ces sociales : le cas de l’Algérie, en plusd’articles dans la presse nationale sur dif-férents thèmes et sujets de société etculturels.

19 Mars 2021

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NRP, Avril 2021, n°56

[ECONOMIE]Rachid Sekak, expert financier, à «LSA Direct»

«Notre système économique est obsolète»(…) Situation ponctuée par une fra-gilité endémique depuis quelquesannées maintenant, notammentaprès la chute des cours du pétrole.(….) pour cet expert, ce facteur,auquel on a tendance à attribuer tousnos malheurs, n’a fait que révélerl’obsolescence de notre modèle éco-nomique.

Rachid Sekak a souligné la nécessitéde « changer de paradigme écono-mique », dans la mesure où le sys-tème actuel a démontré son incapa-cité à fonctionner de la même façonqu’il le faisait dans un passé lointain.Avant d’approfondir son analyse, ilprécise que ce n’est pas chose aiséeque de résumer en quelques mots lasituation économique de l’Algérie,car très complexe.

Rachid Sekak estime, en revanche,que le problème de notre modèleéconomique réside dans le fait « queles équilibres sociaux politiques etéconomiques ont toujours été tribu-taires d’une variable exogène qui estle prix du baril ». Selon l’expert finan-cier, la crise économique que connaîtl’Algérie n’a pas pour seule originel’effondrement des prix du pétrolesur le marché. Attribuer cet état defait à cet unique aspect serait uneerreur, insiste-t-il. « Ce qu’on vit ac-tuellement est la résultante d’unecombinaison de plusieurs problèmesplus ou moins sérieux», dit-il. RachidSekak voit en la chute des prix du barilsurvenue en 2014 un élément qui acontribué à révéler que « le systèmeéconomique national est obsolète ».Il fait remarquer que, par la suite, lesautorités ont tenté tant bien que malde colmater les brèches, « mais cetteposture n’a pas aidé à améliorer leschoses ». Pour ce dernier, il est évi-dent qu’aujourd’hui, ce constatexige « de changer complètementde modèle économique ». Il jugeutile de penser à passer concrète-ment à une économie de productionde biens et de services.

L’endettement extérieur est unealternative

Réfléchissant à de nouvelles pers-pectives, Rachid Sekak a évoqué le

recours à l’endettement extérieurpour permettre d’atténuer « l’ame-nuisement rapide de nos réserves dechange ».

Il rappelle que celles-ci sont passéesde 195 milliards au début de l’année2014 à 40 milliards en ce moment. Cebilan ne peut être pris à la légère, pré-vient-il. Il juge que la dette ne doitpas être perçue comme un objet po-litique mais plutôt « comme n’im-porte quel autre instrument ». L’ex-pert précise, cependant, que l’endet-tement extérieur va sans doute con-tribuer à opérer un ajustement quiamènerait à réduire les coûts so-ciaux, mais ne les évitera sûrementpas. Le coût social est inévitable, ex-plique-t-il, en sachant qu’il est « lefruit de la gabegie économique deces dernières années ». Il relève,dans le même contexte, qu’outrecette dimension, « les capacités del’Algérie à mobiliser des crédits ex-térieurs sont très limitées ». Par rap-port à l’amplitude de nos déficits, ladette extérieure ne pourra que cou-vrir l’équivalent d’un an d’exporta-tion.

Rachid Sekak insiste, toutefois, qu’ilfaut distinguer entre deux catégoriesde dettes et prendre le soin d’enchoisir la bonne. C'est-à-dire celle «qui crée de l’emploi, qui fait de lacroissance, et qui augmente les ex-portations». Elle n’est donc pas con-traire à notre souveraineté, dit-il. L’in-

tervenant pointe du doigt le « désé-quilibres macroéconomique qui ca-ractérise l’Algérie, avançant qu’il est« intenable ». C’est pourquoi il pré-vient : « Si on ne s’ajuste pas rapide-ment, nous irons inévitablement versune impasse.»

La réforme bancaire est nécessaire

Le directeur de la société de conseilsstratégiques SL Finances a, en outre,abordé la question de la réforme ban-caire, qu’il estime aujourd’hui « né-cessaire ». Cela dit, ce processus de-vra être accompagné par « des me-sures complémentaires ».

Rachid Sekak estime qu’il faut claire-ment revoir la gouvernance des ban-ques publiques. Situant la probléma-tique, il soutient qu’elles constituentl’élément par lequel se fait la distri-bution de la rente. « Leur rôle a tou-jours été ambigu », signale-t-il, « cerôle est commercial, mais il est à lafois pour le compte de l’État ». Le pro-blème est que ces deux aspects n’ontjamais été dissociés, d’après lui. C’estpourquoi il est difficile aujourd’huid’apprécier l’efficacité de nos ban-ques.

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22 Mars 2021

Massiva Zehraoui

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NRP, Avril 2021, n°56

[ECONOMIE]

Revoir la gouvernance économique

Posant la problématique de la sécurité nationale, l’infla-tion et la détérioration du pouvoir d’achat, il s’impose derevoir la gouvernance économique - Rédaction LNR

(….) S’agissant d’un problème aussi complexe que celuide l’inflation, une analyse objective doit tenir compte dela structure et des particularités de l’économie à laquelleelles sont appliquées, les aspects de structures de l’éco-nomie internationale, de l’économie interne résultant del’option de la stratégie de développement économique,aux schémas de consommation générés en son sein pourdes raisons historiques, d’influences socioculturelles et auxcomposantes des différentes forces sociales pour s’ap-proprier une fraction du revenu national. Il y a lieu d’évi-ter à la fois autosatisfaction et sinistrose par un discoursde vérité, des réalisations entre 1963/2020 mais égalementdes insuffisances qu’ils s’agit de corriger.

1- Concernant la maîtrise de l’inflation annoncée par cer-tains responsables, je laisse le soin aux mé-nages algériens, aux journalistes de terrain,aux experts universitaires et aux opéra-teurs économiques le soin de juger. En éco-nomie, la production des marchandises pardes marchandises, des segments de circuitsouverts, circuit existant en dynamique, unlien dialectique entre toutes les sphères del’activité économique. Nous avons depuisquelques mois, avec une amplification en-tre janvier et mars 2021, une envolée de lamajorité des prix tant des matières premiè-res, biens d’équipements et des biens deconsommation comme par exemple les pro-duits des pauvres les pâtes, lentilles, hari-cots entre 30/50%, la sardine plus de 1 000dinars le kg, le poulet 500 dinars le kg etbeaucoup plus pour les produits informati-ques, les fruits malgré leur disponibilité fluc-tuant entre 150/300 dinars le kg ou d’autres poissons etde la viande 1 500 dinars/1 800 le kg selon la qualité, le foiplus de 3 000 dinars le kg, la crevette royale et le rougetplus de 2 500/3 000 dinars le kg, donc inaccessibles auxbourses moyennes. Alors que doit être un revenu pourune famille avec trois enfants payant les factures de loyer,d’électricité et gaz et sans voitures ? Concernant le blo-cage des importations de voitures, qui ne sont pas unproduit de luxe, (la voiture d’occasion ayant augmentéentre 40/50%) du fait de la faiblesse des moyens de trans-port public, pour la majorité des couches moyennes l’uti-lisant comme moyen de locomotion pour aller travailler,la majorité des pièces détachées.

2- Quelles sont les raisons principales de ce processus in-flationniste ? Premièrement, l’inflation provient de la fai-blesse de la production et de la productivité interne (plusde 1 000 milliards de dollars de recettes en devises entre2000/2019 avec une importation de biens et services d’en-viron 935 milliards de dollars, le taux d’intégration entre-prises publiques et privées ne dépasse pas 15%. L’efficacitéde la récente dynamisation de la diplomatique économi-que suppose des entreprises compétitives en termes decoûts/qualité alors que 97/98% des exportations sont lerésultat des hydrocarbures à l’état brut et semi-brut te-

nant compte des dérivés d’hydrocarbures comptabilisésdans la rubrique exportation hors hydrocarbures. Les ré-serves de change ont terminé fin 2020 à 42 milliards dedollars contre 194 en janvier 2014, 62 fin 2019 et à cettetendance entre 2019/2020 fin 2021 environ 20 milliards etqu’en sera-t-il en 2022 si le cours du pétrole stagne entre55/65 dollars et s’il n’y pas de relance économique ? La loide finances 2021 pour son équilibre selon le FMI, nécessiteplus de 110 dollars le baril, 135 dollars selon la Banque mon-diale dans son rapport de janvier 2021, le PLF-2021 pré-voyant un déficit budgétaire record de plus de 21,75 mil-liards de dollars contre à la clôture 2020 de 18,60 milliardsde dollars avec un déficit global du trésor de 28,26 mil-liards de dollars, soit 17,6% du PIB.

(…..) C’est que plus de 95% du tissu économique sontconstitués de PMI/PME organisées sur des structures fa-miliales, ne possédant pas de management stratégique,

ne pouvant pas faire face à la concurrence internationale.La deuxième raison du processus inflationniste est la dé-valuation rampante du dinar, sans réformes structurel-les. On peut établir un coefficient de corrélation entre lacotation du dinar, le niveau des réserves de change prove-nant des hydrocarbures et l’évolution des recettes deshydrocarbures pour un taux d’environ 70%, 30% étantdues aux phénomènes spéculatifs et aux sections horshydrocarbures bien que limitées. Avec une diminution desréserves de change inférieur à moins de 15/20 milliards dedollars, pouvant tendre vers zéro horizon 2022, la cota-tion du dinar s’établirait à entre 200/250 dinars un euro aucours officiel et plus de 300 dinars un euro sur le marchéparallèle. La troisième raison du processus inflationnisteest la dominance de la sphère informelle produit des dys-fonctionnements des appareils de l’Etat et le manque devision stratégique qui bloquent l’émergence d’entrepri-ses productives (…..).

Professeur des universités,expert international DrAbderrahmane Mebtoul

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21 Mars 2021

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NRP, Avril 2021, n°56

[SOCIÉTÉ]Le ramadan et l’été 2021 s’annoncent compliqués

Barrages à peine remplisLe 22 mars dernier, le patron de l'Al-gérienne des eaux (ADE) a déclaré àla radio publique que, si la situationdes remplissages des barrages (rem-plis à seulement 44 %, moyenne na-tionale) ne s'améliore pas d'ici débutà l'été, « s'imposera alors une réduc-tion des plages horaires de distribu-tion », voire « passer à un jour surdeux » dans les zones les plus tou-chées par cette crise.Les autorités assurent que ces res-trictions ne seraient appliquéesqu'après le mois du ramadan (quidébute à la mi-avril), en attendant

une pluviométrie meilleure. Dansl'ouest du pays, la situation est plustendue avec un taux moyen de rem-plissage des barrages de 27 %. « Lechangement climatique annonce unavenir compliqué », s'inquiètent descadres des ressources en eau, et «les retards dans les projets de dessa-lement d'eau de mer accentuent lapression » alors que rien qu'à l'été2020 la consommation d'eau a aug-menté de 10 %.D'autres sources expertes regret-tent que les autorités aient tardé àréagir alors que la SEAAL – une so-ciété mixte algéro-française … pourla gestion de l'eau potable à Alger –avait alerté, depuis fin février, sur l'im-minence d'une crise à cause des fai-bles précipitations depuis 2019. « LaSEAAL aurait proposé un plan pourfaire face à la situation en prenant desmesures, dont le rationnement de ladistribution de l'eau potable et l'ar-rêt de certaines activités consomma-trices en eau. Mais elle n'a pas reçude réponse [de la part des autorités]

», avait révélé le site TSA.À Alger, plusieurs quartiers sont …soumis à des coupures d'eau, …, etles Algérois commencent à craindreun ramadan compliqué et un été ca-tastrophique. Mais ce n'est pas l'uni-que casse-tête des ménages.

Fausse pénurie et vraie criseUn autre sujet d'inquiétude résumetoute la difficulté, en Algérie, d'avoirun circuit commercial sain, tant laspéculation, la bureaucratie et lemanque de prospective sont rois. ÀAlger, on l'appelle la « vraie-faussecrise de l'huile de table ». Depuisdeux semaines, cette denrée de base

se fait rare dans les étals et, pourceux qui ont la chance d'en trouver,ils doivent payer le prix fort, au pointqu'une campagne a été lancée surles réseaux sociaux pour boycotterl'huile, en parallèle d'une autre cam-pagne ciblant les viandes blanchesdont les prix explosent. « Vraie-fausse» crise, car, selon les cinq produc-teurs algériens, où on compte legéant Cevital du tycoonIssadRebrab,le marché est approvisionné à plusde « 300 % » ! Alors, pourquoi une tellepénurie ?Selon la Fédération nationale del'agroalimentaire, les raisons de cettecrise sont à chercher du côté des dé-taillants qui refusent la dernière di-rective du ministère du Commerceimposant de facturer toutes leurstransactions. « Les détaillants esti-ment que leur marge bénéficiaire estnégligeable, ils achètent avec desfactures les huiles dont le prix est pla-fonné par l'État. Pour échapper à cequ'ils qualifient de “contrainte”, lesdétaillants se fournissent auprès de

plusieurs grossistes en achetant depetites quantités au prix du détail »,explique un représentant de cettefédération.Un air de 2011…« C'est faux, répond un commerçantalgérois. Ce sont les producteurs etles grossistes qui ne nous livrentqu'en petite quantité pour créer lapression et justifier des hausses deprix. »… « Les circuits de distribution dansl'agroalimentaire attirent une multi-tude d'intermédiaires occasionnels,encouragés par l'emballement de la

demande sur les denrées alimen-taires à l'occasion des fêtes ou dumois de jeûne, leur permettant detirer des gains substantiels au détri-ment des consommateurs », expli-que à El Watan Brahim Guendouzi,professeur en économie.À ses yeux, la régulation des activi-tés commerciales « est problémati-que du fait de la présence tentacu-laire du secteur informel qui concen-tre un capital monétaire énorme luipermettant d'agir à tout moment surl'ensemble de la chaîne de distribu-tion, rendant le contrôle relative-ment diff icile par les services del'État. Ces derniers se contentent desuperviser uniquement les produitssubventionnés ».

Adlène Meddi

24 Mars 2021

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NRP, Avril 2021, n°56

[SOCIÉTÉ]Alerte ! L’Algérie menacée par une pénurie en eau :

Erosion interne des barrages et manque de pluies

Depuis l’été dernier, une vingtainede wilayas du pays sont touchées pardes perturbations dans l’alimentationen eau potable. Pendant des jours oumême des semaines, les robinetssont restés secs. Depuis, aucuneamélioration n’a été constatée.

La situation risque de s’aggraver …,…, …les autres régions du pays,…,avec l’augmentation de la consom-mation d’eau, alors que les réservessouterraines sont surexploitées et lesbarrages sont en érosions internedepuis plus de deux ans. …, l’Al-gérie devra faire face…à un dé-ficit irrégulier en eau et changerradicalement sa gestion …afind’éviter une situation catastro-phique qui pourrait entraîner desrépercussions irréversibles sur lasanté publique et le développe-ment économique du pays, alorsque la crise sanitaire du Covid-19a précipité le pays depuis desmois dans une grave crise éco-nomique ….

Les experts … du secteur necessent, …, de lancer des mes-sages pour alerter sur le manquede la pluviométrie et l’érosioninterne des barrages provoquéepar des épisodes de sécheressefréquents et des vents qui tou-chent l’Algérie …. Il est de la res-ponsabilité de tous de … valorisercette source … en interaction avectous les autres secteurs. La gestionde l’eau en Algérie n’a pas évolué etla mauvaise gestion de cette res-source, aujourd’hui, devient un véri-table casse-tête au Gouvernement etau citoyen qui s’est toujours plaint dela gestion de l’eau potable, des cou-pures fréquentes, de la pollution ….

Un défi majeur

Les solutions …résident dans la ré-partition et l’usage de cette source…, …surtout en la responsabilisationet la sensibilisation des consomma-teurs sur la rareté de l’eau qui me-nace le pays…. L’Etat est devant uneéquation très difficile. Optimiser lagestion de l’eau et éviter une crisesociale et environnementale en rai-son du manque d’eau. Une situation…à l’origine… de troubles sociauxet de crise alimentaire. La mise en

place de nouveaux plans n’est, …,pas possible en raison de l’urgenceet la pauvreté hydraulique du paysen raison du manque de la pluviomé-trie et le phénomène du gaspillagedans les foyers, mais aussi dans lesecteur agricole et industriel.

…Pour étancher cette soif, les servi-ces concernés …doivent créer tousles moyens nécessaires pour répon-dre aux besoins en eau d’une popu-lation en hausse. Un facteur …à pren-dre en considération est celui des

réseaux faibles et désuets de l’ali-mentation de la population en eaupotable. En Algérie, les habitants deszones d’ombre, rurale et du Saharasont les plus touchés par la pénuried’eau. …. Ceci constitue un enjeumajeur de la santé publique et sur-tout pour la stabilité sociale. La cons-truction de barrages ne suffit pluspour subvenir aux besoins du con-sommateur, des industriels et desagriculteurs. ….

Le régime pluviométrique irrégulier,la sécheresse et les vents ont une in-fluence significative sur les pertes ensol…. l’envasement des barrages cesdeux dernières années limite le vo-lume d’eau des retenues, ce qui en-traîne des perturbations dans l’ali-mentation en eau potable….

C’est un résultat inévitable vu l’étatdes 95 barrages que compte l’Algé-rie dont 5 sont en cours de réalisa-

27 Février 2021

Samira Takharboucht

tion. L’Etat prévoit … d’atteindre 139barrages d’ici 2030. La constructiondes barrages n’est plus suffisante enraison des bouleversements climati-ques, l’Etat doit revoir ses prioritéset penser à renforcer la réalisationdes stations de dessalement de l’eaude mer et le recyclage des eauxusées pour l’utilisation industrielle etagricole. Egalement, lutter contre legaspillage, les puits mécanisés et l’ir-rigation intensive et surtout anarchi-que.

…, le ministre des Ressources eneau, Mustapha Kamel Mihoubi, a misl’accent, sur la nécessité «d’adopterune nouvelle approche scientifiquede gestion, fondée sur le savoir et l’in-novation, et de chercher des voiesde préservation des ressources eneau et d’adaptation aux change-ments climatiques», …. Sous le stresshydrique, l’Algérie devra trouver dessolutions à cette situation …, toute-fois, sans céder au catastrophisme etau pessimisme.

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[DROIT]

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Start-ups en Algérie : Les avantages accordés par la loi de finances 2021Algérie – Depuis maintenant quel-ques années, le gouvernement algé-rien compte énormément sur les jeu-nes entrepreneurs pour relancerl’économie du pays. Pour favoriser ledéveloppement de ces Start-ups,l’État leur a accordé un bon nombred’avantages fiscaux.

Alors que la Loi de finances 2020 sepenchait déjà sur le cas des Start-upsalgériennes. Elle prévoyait notam-ment une ligne de dépenses pour lefinancement des actions d’aides auxPME et aux Start-ups, pour encoura-ger ces derniers dans leurs activitésprofessionnelles. Bien évidemment,cela se poursuit avec la Loi de finan-ces pour 2021 favorable aux start-upsen Algérie.

Après avoir assuré la création du co-mité national de labellisation desStart-ups, avec le décret exécutifn°20-254 du 15 septembre 2020, legouvernement a notamment pu re-voir à la hausse les avantages fiscauxaccordés aux Start-ups. En effet,dans l’article 11 du décret exécutif n°20-254 nous pouvons notammentconstater qu’une Start-up est bienévidemment une société.

Elle doit avoir moins de 08 ans d’exis-

tence et dont 50 % du capital socialest détenu par des personnes physi-ques, d’autres sociétés disposant dulabel start-up ou des fonds d’inves-tissement agréés. Les Start-ups sontdéfinis par voie réglementaire à pré-sent. La loi de finances 2021 a de nou-veau modifié l’article 33 de la LFC2020.

Cela pour mieux encadrer les avan-tages offerts aux Start-ups. « Lesentreprises disposant du label start-up sont exonérées de la taxe sur l’ac-tivité professionnelle (TAP). Ils lesont aussi de l’impôt sur le revenuglobal (IRG). Ou de l’impôt sur lesbénéfices des sociétés (IBS) pourune durée de quatre 04 ans.

Le financement des Start-upstoujours aussi diversifié

Cela à compter de la date d’obten-tion du label start-up, avec une an-née supplémentaire, en cas de re-nouvellement ». C’est ce l’on arrive àlire dans l’article 33. Celui-ci a étémodifié dans la LF 2021. La LF 2021avait permis l’ouverture du compted’affectation spéciale de trésor.

Il s’intitule « Fonds d’appui et de dé-veloppement de l’écosystème start-up ». Un fonds d’appui instauré par

l’Algérie, via sa Loi de finances 2021,pour venir en aide aux Start-ups. Ilassure alors le financement des cré-dits bancaires des Starts-ups.

Le financement de la bonification destaux d’intérêt de ces crédits bancai-res aussi. Au même titre que celui desformations. Mais avec la Loi de finan-ces complémentaires de 2020, les li-gnes de dépenses ont été modifiées.

La garantie des f inancements descrédits bancaires des start-ups et lesbonifications des taux d’intérêt descrédits bancaires ont notamment étéretirées. Cela pour laisser place auxf inancements des étapes d’amor-çage. Et d’études des Starts-upsaussi.

Le financement des études de faisa-bilité a été intégré au compte d’af-fectation spéciale du trésor. Maiségalement le financement de l’éla-boration du business plan. Celui desassistances techniques aussi. Et en-fin, le financement des frais liés à lacréation d’un prototype.

Élections législatives anticipées : Le corps électoral convoqué pour le 12 juinLes élections législatives anticipéesauront lieu le 12 juin prochain. «Envertu des dispositions de l’article 151,alinéa 02, de la Constitution, le prési-dent de la République, AbdelmadjidTebboune, a signé aujourd’hui 27Rajab 1442, correspondant au 11 mars2021, le décret présidentiel 96-01 re-latif à la convocation du corps élec-toral en vue des élections législati-ves, dont la date est fixée au samedi12 juin 2021», a indiqué un communi-qué de la présidence de la Républi-que, répercuté jeudi par l’agenceofficielle APS.Ainsi donc, le président AbdelmadjidTebboune a convoqué le corps élec-toral le même jour où il a promulguéla loi portant le nouveau régime élec-toral. Une loi qui est passée par or-donnance suite à la dissolution, le 1ermars, de l’Assemblée populaire na-tionale (APN)…La limitation des élections de juin pro-chain au seul renouvellement desmembres de la Chambre basse duParlement n’est pas, selon certainsjuristes, un choix mais plutôt unecontrainte juridique. Le chef de l’Etatavait fait part, lors d’un entretien ac-

cordé le 1er mars à des responsablesde médias nationaux, de sa volontéd’organiser des élections anticipéespour toutes les assemblées élues(APC, APW, APN).

Assemblées élues représentatives

Le Président avait justifié ces élec-tions anticipées par l’impératif dedoter le pays d’assemblées élues re-présentatives du peuple. C’estd’ailleurs l’argumentaire principal despartisans de ces élections, qui consi-déraient que les assemblées élues,aussi bien au niveau national que lo-cal, étaient issues de processus élec-toraux entachés de fraude et domi-nés par l’argent sale. Mais, contrai-rement à la dissolution de l’APN pré-vue par la Constitution, rien ne con-fère explicitement le pouvoir au chefde l’Etat de dissoudre les APC et lesAPW pour tenir des élections antici-pées. Comme aussi rien ne lui inter-dit de tenir des élections locales anti-cipées s’il y a nécessité politique oudemande populaire. Il n’est donc pastotalement écarté la tenue de loca-les anticipées dans les prochainsmois.

Cela surtout que l’argumentaire del’Autorité nationale indépendantedes élections (ANIE), dirigée parMohamed Charfi, quant à la non-or-ganisation d’un double scrutin le 12juin prochain est lié à la logistique. Lesprochaines législatives seront-ellesdifférentes des précédents proces-sus électoraux ? La fraude électorale,que dénonçait l’opposition depuisbelle lurette, hante encore les es-prits. L’Exécutif promet une totaletransparence, mettant en avant les«bienfaits» de la nouvelle loi organi-que portant régime électoral qui«consacre la démocratie, l’alter-nance au pouvoir et la moralisationde la vie politique». Une loi qui a étécritiquée par des partis de l’opposi-tion, selon lesquels il ne suffit pasd’une loi pour garantir la transpa-rence d’un processus électoral…..

18 Janvier 2021

LOTFI G

MOKRANE AIT OUARAB

13 Mars 2021

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NRP, Avril 2021, n°56

[HISTOIRE/MÉMOIRE]Dans l’Atlas Blidéen,

sur les traces des traditions amazighes qui résistent au tempsTibboura, Tala Amrane, Tachwit,Tamaksawt, Taghzout, Tifarine, Timsirt,Danes, Gar Ougalmime, Baânsar… La to-ponymie de la région, à cheval entre Blidaet Médéa, fait vivre une culture et destraditions millénaires. « C'est ici que jesuis né. J’y ai vécu et je ne peux être moi-même que sur ma terre ». Voilà une phrasequi résume le sentiment d’appartenanceà une terre. Celle de Thourtathine sur lesmonts de Médéa, sur le versantEst de l’Atlas Blidéen. Dans ceterritoire suspendu entre le cielet les plaines de la Mitidja, la dis-parition de Tamazight (leZénète) n’a pas pour autantrompu le lien qui unit ses enfantsà leur terre. La voix de la terrenatale finit toujours par réson-ner là où la surdité a pris place.La perception de l’appel de laterre est d’abord cet attache-ment atavique qui incite à réin-tégrer les siens. Le recul ou la quasi-dis-parition de la langue Amazighe fait pres-que perdre son âme à cette régionmontagneuse...Lors d’une virée dans l’At-las Blidéen, dans les méandres de cetteculture Amazighe qui tend à laisser placeà d’autres emprises, des indices persis-tent non seulement à marquer, mais aussià rappeler cette appartenance à une cul-ture qui se meurt, certes, mais qui revit àtravers une toponymie qui tient lieu degarde-fous, de barrières qui protègent unhéritage que nul ne veut voir disparaître.L’Atlas Blidéen, un lieu où se meurtl’amazighité, domine des vallées, maissouffre, hélas, d’indigence. Un dénue-

ment qui détruit une vie, celle d’un peu-ple. La capitale et Blida au Nord, Médéaau Sud et Bouira à l’Est, ce croisementn’est au final que ce continuum qui dissi-mule une richesse culturelle et linguisti-que ensorcelante. Région rurale par ex-cellence, l’Atlas Blidéen est un haut lieud’Histoire. Une langue unique, une appar-tenance qui s’étend au fin fond des âgeset aussi un imaginaire social qui se recons-

truit peu à peu. Une prise de consciencepour briser les chaînes qui la ligotent àune sphère culturelle et linguistique dis-parate, conçue par des images sans liensociologique ou historique à une régionque toutes les violences ont écrasée pourmieux l’asservir. Tourthathine(Tourtsatine en zénète), actuelle El-Aïssaouia sur les monts de Médéa domi-nant fièrement les plaines de Tablat etde Baâta, apparaît comme la gardienne.Celle qui a reçu Lalla Fadhma N’Soumeuraprès sa capture par le maréchal Randon,arbore une stèle aux martyrs. FadhmaN’Soumeur se réfugia vers 1857 dans unhameau à Souk Larbaâ avant de rejoindre

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El Kessaba, pratique ancestrale pour célibataires à Mostaganem

Thourthathine. C’était chez la confrérielocale dirigée, alors par El Bey Mahiedine.Elle y resta jusqu’à 33 ans, âge de sa morten 1863. Le choix de Fadhma N’Soumeurde s’y réfugier s’explique par son appar-tenance à la Tariqa Rahmania. Le prolon-gement a été trouvé à El-Aïssaouia, maispas que. La langue était-elle un facteurfacilitateur à l’arrivée de FadhmaN’Soumeur dans la région, dont la langue

Zénète est proche du kabyle? Laquestion n’a pas encore été trai-tée par les spécialistes, mais toutporte à croire que l’apport de lalangue était important. Sur leflanc du mont Yagurten,Thourthathine (Ourthath-la figue)compte plus de 400 martyrs. Ap-pelée après l’indépendance El-Aïssaouia en hommage au martyrAïssa Lazouri, responsable del’ALN. Au chef-lieu de la com-mune, rien n’indique que la région

est amazighophone. Même les vieux necomprennent pas cette langue si étrangeà leurs yeux. « Nous avons perdu l’usagede notre langue », disent quelquesvieillards rencontrés au siège de l’APC d’El-Aïssaouia. Sauf que face à cette « amné-sie », les noms des lieux sonnent commeun rappel. Tidjaï, At Ouattas, Chmali,Belhiret, Laâzib… sont des villages de larégion.

Sur le littoral de Mostaganem, les riresjoyeux et les youyous fusent dans tousles sens. Plusieurs femmes, de tout âge,viennent rendre visite aux saints patronsde la ville, et s’adonner à une vieillepratique dans le but de trouver unmari. Cette pratique ancestrale, estune tradition plutôt féminine, appe-lée El Kessaba. Mais rien n’empêchetoutefois les hommes de s’y adonnereux aussi. El Kessaba se pratique le21 mars de chaque année, à l’entréede la saison de printemps. Les fem-mes candidates à ce rituel ancestral,doivent se rendre à la plage de SidiMadjdoub, dans la Wilaya de Mosta-ganem. « El Kessaba est une tradi-tion que nous avons hérité de nos parents,ces derniers, à l’entrée de printemps, al-laient rendre visite à Sidi Abdelkader deSalamandre, ou à Sidi Madjdoub. On mar-che, on fait les youyous, même pour lesenfants, c’est une grande joie », déclare

une vieille dame devant la caméra deBiled Tv. Selon cette tradition, les fem-mes désireuses de trouver un mari, doi-vent cueillir les fleurs jaunes, et puis les

découper avec de l’or. « On étale cesfleurs, on chantonne un peu, puis on versedessus un peu de lait, on les saupoudrede sucre, et à la fin, on découpe avec del’or », ajoute le vieille dame. A l’originede cette pratique ancestrale encore au

Mouloudj Mohamed

12 Janvier 2021

gout de jour, se cache apparemment unevieille légende. L’histoire racontequ’autrefois, une jeune fille qui habitaitau sein de cette région, avait cueilli une

fleur avec sa bague. Suite à cela, elleest directement tombée surl’homme de ses rêves. Le nom ElKessaba, vient du mot « kassaba » enarabe, qui veut dire posséder. Cettetradition est sans doute une vieillepratique païenne ancestrale qui aété par la suite influencée par lescroyances islamiques. Cette prati-que, malgré la joie de vivre qu’elleprocure, reste mal vue par certainsreligieux rigoristes et intégristes.

Ait Amine

22 Mars 2021

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NRP, Avril 2021, n°56

[BIBLIOGRAPHIE]

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.Cordoue, 1090. L’Espagne sous domination musulmaneest à un tournant de son histoire. Les Almoravides me-nacent la capitale emblématique de l’Andalousie. De-vant l’horreur de l’invasion, c’est l’occasion pour Walladade revenir sur sa vie et une partie de l’histoire de l’Anda-lousie.

Sidali KOUIDRI FILALIWALLADA

Hedna Editions,2021

Revue international des études dudéveloppement

l’entrepreneuriat en afrique

N° 245 -2021-1

Éditions de la Sorbone

Mauvignier Laurent

Des hommes

Edition de Minuit,2011

DES HOMMES

De Lucas Belvaux, 2021

[FILM]

Ils ont été appelés en Algérie au moment des « événe-ments », en 1960. Deux ans plus tard, Bernard, Rabut,Février et d'autres sont rentrés en France. Ils se sont tus,ils ont vécu leurs vies. Mais parfois il suffit de presquerien, d'une journée d'anniversaire en hiver, d'un cadeauqui tient dans la poche, pour que, quarante ans après, lepassé fasse irruption dans la vie de ceux qui ont cru pou-voir le nier. Des hommes a reçu le prix des Libraires et leprix Initiales en 2010

Ce numéro s'intéresse aux entrepreneurs africains, dansun contexte où ressurgissent nombre de discours politi-ques et médiatiques "pro-entrepreneuriat" sur le conti-nent et où s’accumulent les dispositifs visant à promou-voir la création d’entreprise

"Des hommes" de Lucas Belvaux adapte le livre épo-nyme de Laurent Mauvignier et signe un drame sincèresur les blessures psychologiques des anciens combat-tants d'Algérie.