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Les NOUVeLLes L a Moldavie ? Rares sont ceux qui peuvent situer sur une carte cette petite république, grande et peuplée comme une région française. Pour beaucoup, il s'agit d'un de ces pays imaginaires où Hergé avait envoyé Tintin et le capitaine Hadock en mission. L'aventure… c'est bien ce que redoutent d'y trouver les quelques voyageurs qui osent franchir le pas. A l'autre bout du continent, dans une sorte de no man's land délimité par les vestiges du Rideau de fer, toujours dirigée par des gouvernants à la mentalité communiste, en proie, voici encore peu, à une guerre civile, la Moldavie n'a rien de parti- culièrement attirant.Pourtant, ses visiteurs en reviennent immanquablement séduits, éprouvant de l'attachement à l'é- gard de ce pays déroutant. Dès leur arrivée, ils évacuent vite les clichés qui le ternissent et les remplissaient d'appréhension. On se sent plus en sécurité dans la belle Chisinau qu'à Paris ! Quels sortilèges déploie donc la Moldavie pour dissiper aussi facilement les craintes et à priori suscités ? Son alchimie, sans-doute, qui la rend insaisissable et qui fait de cette Bessarabie convoitée et arrachée à la Roumanie, colonisée et considérée comme une province exotique par les Soviétiques, un patchwork flanqué d'un appendice transnistrien pour mieux la russifier, devenu un véritable "sovietland" des années 2000, et d'une Gagaouzie peuplée de turcophones ayant fui l'islami- sation. Sa dignité aussi… non, bien sûr, à ne pas confondre avec l'arrogance de la nomenklatura mafieuse qui met en coupe réglée le pays, mais révélatrice de la fierté silencieuse d'un peuple meurtri par l'histoire et les évènement récents, demeurant, envers et contre tout, attaché à ses racines. Oubliés par le reste du continent, humiliés par l'élite russe, dédaignés par leur grande sœur roumaine, se retrouvant seuls dans les épreuves d'une transition qui a sinistré leur économie et conduit le quart de leurs enfants à choisir l'exil, les Moldaves forcent le respect. Le visiteur ne les verra jamais se plaindre, s'étonnant constamment de ne pas palper cette grande pauvreté révélée à renfort de statistiques par les organismes internationaux. Il les entendra par contre parler de ce pays où, durant des siècles, ils ont bâti des citadelles pour défendre leurs terres et leur liberté, érigeant églises et monastères. Ses amis l'emmèneront décou- vrir ces campagnes magnifiques où les champs de blé envahis de coquelicots frissonnent sous le vent et où les forêts d'aca- cias embaument l'air. Ils le conduiront à Cricova, royaume du vin sous la terre, dans la plus grande cave souterraine d'Europe, avant d'aller se reposer au bord du Dniestr paisible. Après une agréable promenade à travers les grandes avenues et les parcs de Chisinau la Blanche, ils l'entraîneront vers sa délicieuse pâtisserie française, clin d'œil pour rappeler à leur hôte que leur pays est le plus francophone d'Europe. Certes, la Moldavie n'est pas un pays spectaculaire. Pourtant, on en part à regret, envahi par son charme étrange et le sentiment d'avoir rencontré une "Belle au bois dormant", attendant que son prince vienne la réveiller. Dolores Sirbu-Ghiran Moldavie… Au pays injustement oublié Supplément Tourisme Découverte La République de Moldavie Monastères, forteresses, villages médiévaux Sur la route de Chisinau Cricova, royaume du vin sous la terre A Chisinau, la gourmandise est désormais française Un tourisme encore balbutiant… faute d'être encouragé Deux tiers de Roumains… mais un million d'absents Des clés pour voyager sans problèmes Un pays à la Francophonie massive Tiraspol, Sovietland des années 2000; la Transnistrie Une Bessarabie convoitée et déchirée La Gagaouzie refuge de Turcophones fuyant l'islamisation Dimitrie Cantemir et Etienne le Grand La Moldavie de Nathalie La Belle au bois dormant attend son prince charmant Supplément au numéro 34 (mars-avril 2006) de ROUMANIe SOMMAIRE 2 et 3 4 et 5 6 et 7 8 et 9 10 et 11 12 et 13 14 à 17 16 et 17 18 à 21 22 et 23 24 et 25 22 à 29 28 à 31 32

L dans sa belle capitale, Chisinau, où modernisme et ... · désertifient à la vitesse du Sahel, les jeunes y ayant ... dans les villages où la vie semble échapper au ... Soroca

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Page 1: L dans sa belle capitale, Chisinau, où modernisme et ... · désertifient à la vitesse du Sahel, les jeunes y ayant ... dans les villages où la vie semble échapper au ... Soroca

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La Moldavie segoûte avanttout dans ses

riches campagnes, qui sedésertifient à la vitesse duSahel, les jeunes y ayantdéfinitivement perdu l'es-poir d'une vie meilleure.Pourtant qu'ils sont beauxces champs de blé, doréspar un soleil intense etenva-

his de coquelicots, entrecoupés parfoisd'immenses vergers de cerisiers et autresarbres fruitiers, frissonnant sous le vent ets'étendant à perte de vue quand on prend,au sud, la direction du pays gagaouze.Déjà, quand on arrive de Roumanie, unpaysage attachant s'annonce, fait de valléesboisées qu'embaument, fin mai, les forêtsd'acacias qui les recouvrent.

Chisinau, capitale champêtre, ville-jar-din parsemée de nombreux parcs et lacs,aux promenades délicieuses l'été, crisse auprofond de l'hiver sous les pas dans laneige des mystérieuses beautés slaves,enveloppées de grands manteaux de fourrures et bottées decuir, à la blondeur contenue par leurs chapkas. C'est l'un dess o r t i l è g e sd ' u n eM o l d a v i equi inclineau roman-tisme. Lagaîté, lajovialité, laspontanéitérencontréesen Rouma-nie sem-blent éloi-gnées, lais-sant place àune certaine distance, héritage de la présence russe. Mais il nefaut pas s'y tromper, les Moldaves, au passé et à l'histoire sitourmentées, savent se montrer tout autant accueillants.

D'ailleurs, ce sont bien les mêmes petites maisons auxcouleurs criantes et vives, bleues, violettes, vertes, entouréesde leurs vergers et potagers, que l'on retrouve plus au sud, au-

delà de la frontière du Prut, dans cette grande Moldavied'Etienne le Grand.

La vie semble échapper au temps

Tout à l'est de ce minuscule pays, qui fait 150 km de largeet 400 km de haut, dans ses plus grandes dimensions, un autrefleuve, théâtre d'une guerre civile toujours d'actualité, bordeles approches de sa frontière orientale avec l'Ukraine.

Le Dniestr, Nistru en roumain, serpente dans ses bouclespaisibles et majestueuses, cheminant entre falaises et ses

v a l l é e sbordées depeupliers. Ons'y baigne, ony canote, on ypêche. Le fra-casde l'Occi-dent y semblesi lointain…Ses bateliersl'ont aban-donné, n'ytrouvant plusles ressourcespour vivre.

Vivant au ralenti

Sous l'effet de l'exode, la Moldavie paraîtcomme un corps vivant au ralenti. Une " Belleau bois dormant" qui attend son prince char-mant venu pour la réveiller. L'impression estencore plus forte, au sud. Dans le pays turco-phone des Gagaouzes, le touriste aura du malà trouver un restaurant où il pourra se faireservir. Là, on est au contact d'une autre civili-sation; pour s'en convaincre, il suffit d'entrerdans les villages où la vie semble échapper autemps. On y croise de superbes filles au teintbasané, que l'on devine impatientes de mordredans la modernité, de beaux hommes auregard sombre, et aussi, parfois, un cortège se

rendant au cimetière, une charrette découverte, tirée par unâne, servant de corbillard, la veuve, selon la tradition, tenantune poule sur ses genoux et psalmodiant des prières, veillantson mari défunt, qui repose dans un cercueil ouvert. Etrange etétonnante Moldavie…à l’image de ces merveilleuses peinturesphotographiques que nous propose Igor Zenin.

Les NOUVeLLes de ROUMANIe

Les NOUVeLLes

La Moldavie ? Rares sont ceux qui peuvent situer surune carte cette petite république, grande et peupléecomme une région française. Pour beaucoup, il

s'agit d'un de ces pays imaginaires où Hergé avait envoyéTintin et le capitaine Hadock en mission. L'aventure… c'estbien ce que redoutent d'y trouver les quelques voyageurs quiosent franchir le pas.

A l'autre bout du continent, dans une sorte de no man'sland délimité par les vestiges du Rideau de fer, toujours dirigéepar des gouvernants à la mentalité communiste, en proie, voiciencore peu, à une guerre civile, la Moldavie n'a rien de parti-culièrement attirant.Pourtant, ses visiteurs en reviennentimmanquablement séduits, éprouvant de l'attachement à l'é-gard de ce pays déroutant. Dès leur arrivée, ils évacuent viteles clichés qui le ternissent et les remplissaient d'appréhension.On se sent plus en sécurité dans la belle Chisinau qu'à Paris !

Quels sortilèges déploie donc la Moldavie pour dissiperaussi facilement les craintes et à priori suscités ? Son alchimie,sans-doute, qui la rend insaisissable et qui fait de cetteBessarabie convoitée et arrachée à la Roumanie, colonisée etconsidérée comme une province exotique par les Soviétiques,un patchwork flanqué d'un appendice transnistrien pour mieuxla russifier, devenu un véritable "sovietland" des années 2000,et d'une Gagaouzie peuplée de turcophones ayant fui l'islami-sation. Sa dignité aussi… non, bien sûr, à ne pas confondreavec l'arrogance de la nomenklatura mafieuse qui met encoupe réglée le pays, mais révélatrice de la fierté silencieuse

d'un peuple meurtri par l'histoire et les évènement récents,demeurant, envers et contre tout, attaché à ses racines.

Oubliés par le reste du continent, humiliés par l'élite russe,dédaignés par leur grande sœur roumaine, se retrouvant seulsdans les épreuves d'une transition qui a sinistré leur économieet conduit le quart de leurs enfants à choisir l'exil, lesMoldaves forcent le respect.

Le visiteur ne les verra jamais se plaindre, s'étonnantconstamment de ne pas palper cette grande pauvreté révélée àrenfort de statistiques par les organismes internationaux. Il lesentendra par contre parler de ce pays où, durant des siècles, ilsont bâti des citadelles pour défendre leurs terres et leur liberté,érigeant églises et monastères. Ses amis l'emmèneront décou-vrir ces campagnes magnifiques où les champs de blé envahisde coquelicots frissonnent sous le vent et où les forêts d'aca-cias embaument l'air. Ils le conduiront à Cricova, royaume duvin sous la terre, dans la plus grande cave souterrained'Europe, avant d'aller se reposer au bord du Dniestr paisible.Après une agréable promenade à travers les grandes avenueset les parcs de Chisinau la Blanche, ils l'entraîneront vers sadélicieuse pâtisserie française, clin d'œil pour rappeler à leurhôte que leur pays est le plus francophone d'Europe.

Certes, la Moldavie n'est pas un pays spectaculaire.Pourtant, on en part à regret, envahi par son charme étrange etle sentiment d'avoir rencontré une "Belle au bois dormant",attendant que son prince vienne la réveiller.

Dolores Sirbu-Ghiran

Moldavie… Au pays injustement oublié

A la découverte de la MoldavieSupplément

TourismeDécouverte

La République de Moldavie

Monastères, forteresses, villages médiévaux Sur la route de Chisinau Cricova, royaume du vin sous la terre A Chisinau, la gourmandise est désormais française Un tourisme encore balbutiant… faute d'être encouragé Deux tiers de Roumains… mais un million d'absents Des clés pour voyager sans problèmes Un pays à la Francophonie massive Tiraspol, Sovietland des années 2000; la Transnistrie Une Bessarabie convoitée et déchirée La Gagaouzie refuge de Turcophones fuyant l'islamisation Dimitrie Cantemir et Etienne le Grand La Moldavie de Nathalie La Belle au bois dormant attend son prince charmant

Supplément au numéro 34 (mars-avril 2006)

de ROUMANIe

SOMMAIRE2 et 34 et 56 et 78 et 9

10 et 1112 et 1314 à 17

16 et 1718 à 21

22 et 2324 et 2522 à 2928 à 31

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La Moldavie n'est pas un pays spectaculaire. Pourtant, on en part à regret, envahi par son charme étrange. Le visiteur ne peut pas rester insensible à cette contrée

éloignée de tout, figée dans ses campagnes magnifiques, comme un arbre dont la sève s'est retirée, et qui attend d'être réveillée... mais aussi pleine de vie

dans sa belle capitale, Chisinau, où modernisme et russification se mêlent.

La Belle au bois dormant attend son prince charmant

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En découvrant ses monuments anciens, tels que lemonastère de Capriana (1429), produits de l'art reli-gieux de l'époque, le visteur comprendra que la

Moldavie est une terre de civilisation et de culture. La cité his-torique d'Orheiul Vechi recè-le les vestiges d'ancienneshabitations geto-daces, destraces de la cite médiévaletatare et des ruines de la citémoldave du XVème siècle.Les forteresses de Soroca etde Tighina-Bender, le longdu Dniestr, constituent dessystèmes de défense érigéspar les Moldaves contre lesinvasions nomades. A tra-vers tous ces symboles dupassé, la Moldavie revit sonhistoire. Partons à leurdécouverte.

Monastère de Hincu:en 1678, dans une forêt à lasource du fleuve de Cogalnic(environ 55 kilomètres à l'ouest de Chisinau) le dignitaireMihai Hincu, à la demande de sa fille, a fondé un couvent denonnes, appelé Parascheva. Les églises et les cellules en boisont été souvent détruites par les invasions barbares pendant leXVIIième siècle, et le monastère de Parascheva est resté inha-bité. En 1835 une église de pierre a été construite dans un stylerusso-bizantin. Plus tard, en 1841, lui fut adjointe une églisepour la saison d'hiver.

De 1956 à 1990 le couvent aété fermé par les autorités sovié-tiques, et rouvert à la demande dela population, en 1990. Il se visi-te et on peut y être hébergé.

Capriana: le monastère deCapriana est situé dans unerégion couverte de forêts, à seule-ment 40 km à l'ouest deChisinau; c'est le plus vieux deMoldavie (1429). Fermé jusqu'en1989, il est devenu un symbolede la renaissance nationale. Lemonastère peut être visité quoti-diennement. Autres sites intéres-sants à proximité: la réserve naturelle de "Capriana-Scoreni",le chêne de Stefan cel Mare, et la plus ancienne réserve natu-relle de Moldavie, "Codrii".

Saharna: le complexe du monastère, comprenant plu-

sieurs terrasses, avec église d'été et église d'hiver à deuxniveaux, est situé dans une des gorges les plus pittoresques duDniestr, près du village de Saharna, à 8 km de Rezina et 14 kmde Ribnitza. Du haut des collines on peut voir le paysage de la

vallée du Nistru. Couvert deforêts, le canyon Saharna esttraversé par une rivière quicompte plus de 30 rapides etcascades. Le monastère a étéfondé par l'ermiteVartolomeu en 1777. Ferméen 1964 et réouvert seule-ment en 1991, il accueilleaujourd'hui 20 moines etfrères.

La cascade de Tsipova:le petit village de Tsipovaparaît ne pas avoir changédepuis l'époque (1746) où ilest cité dans des documents.Il semble que le temps adécidé de préserver cetendroit. Il y règne une

atmosphère très spéciale pleine de calme et de repos.L'environnement médiéval de la région: maisons minusculeset brillamment peintes, fermes entourées par des clôtures enpierre, puits à chaque porche, contribuent au charme du lieu.

La forteresse de Soroca: au nord de la Moldavie, cettefortification, sur les bords du Dniestr, défendait l'accès dupays. Soroca est aussi la capitale des tsiganes moldaves: voici

plus de 50 ans les familles deBohémiens les plus riches del'Europe de l'Est se sont ins-tallées ici, et on trouve leurspalais luxueux sur la collinedominant le centre-ville.

Orheiul Vechi: OrheiulVechi est un site antique situé surla rive gauche du fleuve Rautprès des villages de Trebujeni etButuceni. En haut, les vestigesd'une mosquée, deux mausolées,un caravansérail et de trois bainsde la période de "la Horde D'or"des Tartares ont été découverts.

La ville moldave médiévaled'Orheiul Vechi a été fondée au XVième, sur les restants deChekhr Al-Djedid de la Horde D'or. Jusqu'à ce qu'elle ait étéabandonnée (XVIième siècle), elle a joué un rôle économique,militaire et administratif important à l'Est de la Moldavie.

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A la découverte de la Moldavie A la découverte de la Moldavie

La Moldavie séduit par ses paysages romantiques, mais il ne faut pas oublier non plus de visiter ses sites. Les Moldaves ont bâti durant des siècles

des citadelles pour défendre leurs terres et leur liberté. S'y sont érigées des églises et monastères, puis des écoles et des bibliothèques…

Fâcheries familiales au moment de l'indépendance

Depuis, cette zone de non-droit, qui n'est reconnue par aucunpays au monde, est devenue une sorte de "Panama" de laRussie, permettant à l'ex Armée rouge d'y mener ses trafics,d'armes ou autres, et d'y blanchir l'argent sale. Nathalie se souvient surtout qu'elle n'a plus revu certains deses oncles, tantes et cousins depuis cette époque.L'éclatement de l'URSS a conduit également à celui desfamilles moldaves, amenées à choisir entre un pays demeu-rant ancré à l'ancien maître ou retrouvant son origine deBessarabie roumaine. Frères et sœurs ne se parlent plus etrendent visite séparément aux parents.

"Chez nous, on a toujours des principes"

Pour autant, Nathalie, comme beaucoup de sesconcitoyens, éprouve des sentiments mitigés à l'égarddes "frères" roumains. Elle supporte mal leur arro-gance, leur sentiment de supériorité qui les amènentaussi à considérer les Moldaves comme des paysanssans culture.

Mais, comme nombre d'entre eux, elle a fait ladémarche pour obtenir un passeport roumain, docu-ment qui pourrait se révéler précieux avec l'entrée dela Roumanie dans l'UE.

Cela n'a pas été simple. Pour réussir, il lui a falluentreprendre de longues démarches, coûteuses,nécessitant plusieurs voyages à Bucarest, des queuesinterminables dans les administrations… qu'il faudra recom-mencer quand le passeport sera périmé.

Lui racontant l'histoire de l'Alsace, je lui demande: "Maisalors, où se trouventdonc les Moldaves,entre occupationrusse et revendicationroumaine?", puis j'en-chaîne avec celle desQuébécois, aban-donnés puis snobéspar les Français,exploités par lesanglophones, avant dese sortir eux-mêmesde leurs humiliations.

Nathalie hoche latête et me confie: "J'aidemandé à émigrer auCanada". Elle se jus-tifie aussitôt: "Je veuxavoir un vrai métier, dans les contacts. Ici, ce n'est pas pos-sible. Et puis dans quatre ans j'aurai la nationalité canadien-ne et avec mon passeport, je pourrais voyager en France, enAfrique, en Australie". Ses yeux se mettent à briller… mais laréalité nous rappelle brusquement à l'ordre.

Nous sommes toujours bien en Moldavie. Installés dans lebus, Nathalie a vu les regards des passagers converger sur mes

jambes croisées négligemment. "Ici, çà ne se fait pas" mesouffle-telle, ajoutant à ma confusion : "Chez nous, on a tou-jours des principes; les jeunes et les hommes se lèvent pourlaisser leur place aux vieux et aux femmes… Ce n'est pascomme à Bucarest".

Départ pour le Québec

Comme déjà un million de Moldaves - le quart de la popu-lation - partis s'établir définitivement de l'autre côté del'Atlantique ou travailler temporairement en Espagne et Italie,laissant leurs enfants seuls ou les confiant aux grands-parents,Nathalie a choisi l'exil. Ses parents, à l'image des autres

familles où lamoitié desenfants s'envont, s'atten-daient à ce quece soit plutôtson jeune frère,de quatre ansson cadet, quiprenne le che-min du départ.Mais celui-cise satisfait desaffaires etpetites com-bines qui luipermettent de

se débrouiller sur place.Le jeune femme a posé sa candidature à la sélection orga-

nisée par la délégation du Québec, à la recherche de ressortis-sants moldaves parlant le français, ce qui setrouve facilement dans ce pays hautementfrancophone. Le reste du Canada attiredavantage les Russes, les Ukrainiens, voireles Roumains. Elle a passé les entretiens sansproblèmes et a été retenue.

Là-bas, débarquant sans rien connaîtreau pays, Nathalie compte sur la solidarité deses amis qui y sont déjà installés. Un couplea promis de lui trouver un logement pas cherpour qu'elle puisse économiser sur le péculeque ses parents lui ont donné ; un autre s'estfait fort de lui trouver rapidement un emploi.

Pour l'instant, Nathalie veut profiter desbonheurs que son pays lui réserve encorepour quelques mois. Ses champs couverts defleurs, ses forêts embaumant l'acacia, sesarbres regorgeant de fruits, ses confitures

naturelles de roses ou de tomates… "Sois en sûr, je reviendrai"me dit-elle tout à coup sur un ton farouche.

J'en suis sûr, tout autant que la Moldavie existe, comme unvrai pays. Un de ses enfants me l'a fait rencontrer. Je lui doisnombre de ces pages*.

Henri Gillet*Nathalie a rejoint le Québec fin septembre 2005

Monastères, forteresses, villages

Ces petites Moldaves aimeraient grandir dans leur beau et attachant pays, sans avoir à suivre

l’exemple de leurs parents prenant les chemins de l’exil.

Comment ne pas rêver à une vie meilleure quand on est enfermé sans horizon dans les quartiers de blocs

de Chisinau et que tous vos amis sont partis à l’étranger ?

Cérémonie au monastère de Saharna.

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Le célèbre ermitage de Butuceni fait partie de l'ensembled'Orheiul Vechi. Jadis on pénétrait dans l'ermitage avec descordes en descendant la falaise. Ensuite on construisit desescaliers en bois qui sedétruisaient périodique-ment. C'est au XIXièmequ'un tunnel d'accès a étécreusé. On l'utiliseaujourd'hui pour visiterl'ermitage. La vue côtéfalaise est impression-nante. Ce site est à voirabsolument. Suivre laroute de Butuceni et nepas confondre avec laville d'Orhei, la villenouvelle, à une vingtainede kilomètres.

"Chisinau la blanche", capitale aux sept collines:Chisinau, est appelée "la ville de pierre blanche, lavée par lesmers vertes". Entourée par sept collines elle est située sur laberge de la rivière Bîc. Petit marché, fondée au XIVème siècle,elle est devenue le centre administratif de la Bessarabie au

XIXème siècle.La ville a alors vite évolué avec ses larges rues, plantéesd'arbres, en faisant une des capitales les plus vertes de

l'Europe, particulière-ment agréable, où sepromenait autrefois legrand poète russeAlexandre Poutchkine,qui y avait été envoyé enexil.

Sorte de ChampsElysées, mais en coreplus long, le BoulevardStefan cel Mare est laprincipale artère de cetteville de 700 000 habi-tants, où les établisse-ments administratifsnationaux les plus impor-

tants sont situés (la Présidence, le Parlement, le Gouverne-ment, l'Administration de la Ville, etc.) et les centres Culturels(le théâtre national Eminescu). On y trouve également lemonument de Stefan cel Mare, l'Arc de triomphe (1840 parZaushkevich), et la cathédrale érigée en 1830 par A. Melnikov.

A la découverte de la Moldavie A la découverte de la Moldavie

"Pour les étrangers, nous sommes toutes des Nathalie ou des Natacha"

Me voilà donc, par la Providence, flanqué d'un guidequ'aucun voyageur n'aurait osé espérer. Nathalie m'intrigueautant que la Moldavie. Toujours de bonne humeur, rieuse, ellemontre un sens pratique éton-nant, démêlant toutes les situa-tions, même quand on se trou-ve bloqués en Transnistrie parles "séparatistes", comme lesappellent avec une colère àpeine rentrée son père.

Sa connaissance profondede son pays, aussi bien de sonpassé que de son présent, l'atta-chement qu'elle montre pourlui, m'impressionnent, toutcomme sa curiosité, sa frénésied'en savoir plus, d'apprendre.Je découvre un être désinté-ressé, passionné par lesautres… bien loin de l'égocen-trisme des jeunes occidentauxd'aujourd'hui. Mais, à travers quelques silences, je surprendsaussi parfois une forme de souffrance cachée que je ne suis pasbien long à interpréter.

Quelle vie imaginer ici, quand, avec trois licences, dontune d'économie, comme cela est son cas, une énergie et uneenvie d'entreprendre à revendre, on doit se contenter d'emploissubalternes, donner des cours, faire des traductions pourgagner tout juste cent euros ? Quel horizon pour rêver quandtoutes les portes se ferment, à commencer par celles de l'UnionEuropéenne, et par ricochet celle de la grande sœur roumai-ne… parce que vous êtes Moldave ? Son sourire triste, qu'elletente de mêler d'humour, en dit long sur ses blessures dues aupeu de considération et à la réputation accordés à son pays etses habitants : "Pour les Turcs, mais aussi les étrangers, lesfilles moldaves sont toutes desNathalie ou des Natacha"…

Des Russes hautains et méprisants

Nathalie me raconte sestreize ans quand le souffle del'indépendance souleva le pays.C'était en 1991. Son père,Valentin, voyait déjà laMoldavie retrouver le giron rou-main. Quelle revanche sur cesRusses que Moscou avaitenvoyé pour devenir les cadresde cette petite République,considérée comme "exotique", rat-tachée de force à l'URSS au lende-main de la Seconde Guerre Mondiale et à laquelle on avait rat-taché la Transnistrie pour accélérer sa russification !

Privilégiés, les Russes occupèrent tous les postes impor-tants de la capitale et des grandes villes, se transmettant leursfonctions comme une charge héréditaire, reléguant lesRoumains aux campagnes attardées. Bénéficiant des largessesdu pouvoir, convaincus de constituer une élite, ils n'avaientcessé de se montrer hautains et méprisants à l'encontre de ces

paysans dont les complexesnourrissaient les ressentiments.

Pour nourrir sa jeunefamille, Valentin qui s'étaitmarié à 24 ans, avec Ina, 20 ans- tous les deux Roumains, luidu nord, elle du centre de laMoldavie - était parti delongues années travaillercomme forestier dans le nordde la Sibérie. Le salaire étaitalléchant, mais les conditionsde vie épouvantables, dans lefroid et sans chauffage, éloignéde tout. Il revenait tous lesdeux ans. L'argent mis de côtélui avait permis de construirelui-même sa maison, à

Chisinau. Puis, étudiant le soir, il avait passé des examens etétait devenu ingénieur, sa femme travaillant dans une banque.

Depuis l'indépendance, le couple vivait plutôt conforta-blement et avait même acheté une petite voiture. Mais lesRusses étaient toujours là. Se rendant compte que leur retourn'était pas forcément le bienvenu dans la Mère-patrie en passed'exploser, considérés de haut, à leur tour, par leurs ancienscompatriotes, nombre d'entre-eux avaient préféré rester surplace et conserver leurs privilèges.

Une nomenklatura mafieuse a faitmain basse sur les richesses du pays

Cette période laisse un goût amer à Nathalie. Non seule-ment, les espoirs de réunifica-tion avec la Roumanie s'étaientvite envolés, mais le pays s'étaiteffondré, l'aide de l'ex-URSS,qui avait permis jusqu’ici à laMoldavie d'être plus riche quela Roumanie, disparaissait aussibrutalement que celle-ci.

Une nomenklatura russo-moldave mafieuse avait faitalors main basse sur lesrichesses laissées sur place. Samentalité archaïque, son incapa-cité à gérer, à entreprendre,avaient immédiatement conduitau désordre économique, puis à

la catastrophe à la suite de la guer-re de sécession de Transnistrie, en

1992, soutenue par Moscou, région où se trouvait le principalpotentiel industriel du pays, amené à péricliter.

Petite Moldavie ? Certes… maispour en prendre la mesure,deviner sa complexité, s'impré-

gner de son charme, découvrir sesfacettes et partager un peudu quotidien de ses habi-tants, le visiteur doit prendreson temps. Une huitaine dejours s'avèrent nécessaires.Voici un exemple d'itinérai-re qui permet une bonneapproche et évite de revenirsur ses pas:

1er et 2ème jours: visi-te de Chisinau, son centre,ses parcs (prendre un taxipour faire le tour de la villeet avoir ses points de repère;compter deux heures);dîners dans les restaurantsindiqués par ailleurs.

3ème jour: le matin, visite de la plusgrande cave souterraine d'Europe àCricova; l'après-midi, déjeuner et baladeà la station balnéaire de Vadul Lui Voda.Ces deux sites se trouvent à moins de

vingt kilomètres de Chisinau.4ème jour: visite des monastères de

l'ouest (Capriana, Hincu); retour àChisinau le soir.

5ème jour: escapade d'une journéeen Transnistrie, visite de Bender etTiraspol, la capitale; prendre un taxi pourvisiter cette dernière ville (retour àChisinau le soir).

6ème jour: découverte du paysgagaouze, dans la région de Comrat(retour à Chisinau le soir).

7ème jour: visite du nord de laMoldavie, partir de bonneheure; citadelle de Sorocaet quartier des Bohémiens,monastère de Saharna;Tsipova, sa cascade et sonvillage, passer sur la rivegauche du Dniestr, enTransnistrie, à Ribnita,pour gagner MolovataNoua, qui se situe dans uneenclave moldave, par unetrès belle route (1/2 heure).Passer la nuit à l'HôtelLaguna* (il faut réserver).

8ème jour: prendre lebac gratuit pour regagnerla rive droite à Molovata ;

visiter les bords du Dniestr et regagnerChisinau en visitant Orhei Vechi (comp-ter trois heures).

* Un séjour de deux ou trois jours yest vivement conseillé pour se reposer.

médiévaux… et "Chisinau la Blanche"

Un petit pays… qui mérite une huitaine de jours pour s'imprégner de son charme

La campagne moldave saisie par l’objectif d’Igor Zenin.

Elégantes dans les grandes artères de la capitale moldave.

Les bâtiments imposants d’une administation surtout russophone.

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Dès que j'ai pénétré dans le poste frontière deCahul, j'ai compris que je venais d'entrer dans unautre monde. Devant moi, Madame le consul qui

doit me délivrer mon visa d'entrée en République de Moldavies'obstine a me parler en russe quand j'utilise ma connaissancedu roumain pour communiquer avec elle. La langue officielledu pays est pourtant le roumain ! Je la soupçonne de le faireexprès. Qu'importe, elle consent a fermer les yeux sur le faitque je ne possède pas de photoa joindre a mon dossier d'en-trée. Avec Alex, mon ami mol-dave, qui entre temps est rede-venu "Sacha", l'appellationrusse de son prénom, nousreprenons notre route versChisinau.

Sur la route défoncée quinous mène vers le nord, les vil-lages défilent. Mais alors qu'enRoumanie beaucoup de mai-sons sont peintes, ici, c'est legris qui domine. Les murs, lestoits, les dépendances: tout estimmensément gris, impression encore accentuée par la pous-sière omniprésente et les toitures de fibrociment. Passée laplaine, nous traversons une zone de collines où domine lavigne. Le paysage est piqueté de forêt et, çà et là, au bord dela route, des fontaines dispensent l'eau des sources.

La statue de Lénine sert de terrain de jeu aux écureuils

Et nous arrivons à Chisinau. Comme en Roumanie, les tra-ditionnels monuments de bétonde style soviétique ornent l'entréede la ville : CHISINAU, nous ysommes bien ! Les avenues largessont encombrées de voitures. LaDacia est ici remplacée par laLada mais les BMW, Mercedes etvoitures de luxe sont en nombre.Curieux les nombreux bus oucamion fonctionnant au gaz dontles grandes bouteilles sont ins-tallées sur le toit. Pas d'impres-sion de pauvreté en tout cas. Leplus étonnant reste pour moi tousles panneaux publicitaires enrusse. Je vais aussi découvrirbientôt que les journaux sont en russe quand la population estroumaine à 65%. Les bouquinistes offrent quasiment seule-

ment des livres en russe, pas un cinéma en langue latine selamentent mes amis qui heureusement parlent tous le russe.

La ville est belle néanmoins et avec le soleil qui va m'ac-compagner toute cette semaine, s'y promener est un plaisir.Beaucoup de beaux monuments anciens, la cathédrale, la mai-rie, les musées, les théâtres. Et aussi les imposants monumentssocialistes : parlement, gouvernement et présidence de la répu-blique, gigantesque bunker de béton et de verre, tous alignés le

long du boulevard Stefan CelMare.

Autre impression qui pré-domine, l'abondance des parcs,des jardins et de la verdure. Lafoule déambule sur les boule-vards, les demoiselles habilléesencore plus sexy qu'à Bucarest.Beaucoup de terrasses déjàencombrées d'un peuple quisemble joyeux. Un peu encontrebas du centre, on accèdea un lac entouré de verdure oul'on a remisé l'imposante statuede marbre de Lénine autrefois

érigée au centre de la ville et qui sert de terrain de jeux auxnombreux écureuils.

Poupée russe… de Chirac à De Gaulle

Pas de pénurie en tout cas dans les nombreux magasins dela ville. Déjà, là aussi les super marché bien achalandés et oùon fait la queue aux caisses. Mais ici aussi, des étalages hété-roclites d'objets bradés par les chômeurs, les retraités qui ven-dent une partie de leurs souvenirs pour survivre. Et aussi, les

traditionnels marchés regorgeantde fruits et de légumes. Ici, il fautprofiter des poissons fumés ousalés de toutes sortes et aussi desdesserts si particuliers que sontles "lapte de pasare" ("lait d'oi-seau").

Circuler à Chisinau m'a parufacile grâce aux nombreux mini-bus qui sillonnent la ville avecdes arrêts fixes mais aussi à lademande pour le prix raison-nable de 2 lei (0,13 €) et qu'onappelle ici "rutier". Ils conver-gent tous vers le centre ville et jai appris a me reconnaître dans

cette ville de 663.000 âmes en peu de temps. Dans le quartierde la gare, se trouvent les bouquinistes et le marché aux puces.

A la découverte de la Moldavie A la découverte de la Moldavie

Fixé depuis plusieurs année à Brasov, et venu en Roumanie en voilier depuis sa Normandie jusqu'à la mer Noire, en empruntant la Seine, les canaux,

le Rhin et le Danube, Claude Aubé hésitait à se rendre en Moldavie. C'est chose faite, et il nous fait partager sa découverte.

Douze heures de train à bord du "Prietenie"

Meredith - pardon Nathalie - sourit quand je lui racontecette aventure. Je l'ai rencontrée laveille dans l'agence de voyage qu'elletient au bout du boulevard Stefan celMare, les Champs Elysées deChisinau. J'y suis entré par hasard,mécontent de l'accueil bureaucratiqueque m'a réservé Tarom auquel je m'é-tais adressé pour réserver un vol deretour sur Bucarest. J'ai été immédia-tement frappé par son extrême res-semblance avec Meredith, ce qui meconduira par la suite à souvent mélan-ger les deux prénoms. Mais, sans levouloir, cherchant à m'obtenir lemeilleur tarif, Nathalie m'a vite rap-pelé au sens des réalités, me deman-dant si je bénéficiais d'une réductionau titre du troisième âge…

Lui expliquant ma préférencepour l'avion, je lui raconte monpériple aller par le "Prietenie", le"train de l'Amitié", frété par lesMoldaves, seule liaison quotidienneentre les deux capitales et qui rejointChisinau depuis Bucarest en un peu plus de douze heures pourparcourir les 600 km les séparant.

Le départ est fixé immuablement chaque soir à 20 h 48,Gare du Nord. Classe unique, compartiments - au confort audemeurant correct - à quatre couchettes, sourires rares descontrôleurs, regards sévères des poli-ciers et plus tard des douaniers… l'at-mosphère devient tout de suite plusrigide à mesure que l'on se rapprochede l'ex-empire soviétique.

Elle tranche avec le joyeuxdésordre des Moldaves rentrant aupays, dont les étudiants qui suiventleurs cours dans les grandes villesroumaines et semblent ne pas avoireu de mal à adopter leur décontrac-tion. Bagages, colis, sacs "Tati"s'amoncellent de manière impres-sionnante au-dessus des têtes desvoyageurs, dans les couloirs. Sûr…famille et amis ne manqueront derien ! Cet empressement à ramener tout ce que l'on trouve sur-prend : on trouve pourtant de tout à Chisinau.

Changement d'univers dans la gare de Chisinau

La première partie du trajet, jusqu'à Iasi, s'effectue sansproblème, permettant de dormir trois-quatre bonnes heures ;mais ensuite, à l'approche de la frontière moldave, vers deux

heures du matin, il n'est plus possible de fermer l'œil. Policiers,douaniers roumains puis moldaves se succèdent ; les derniersréquisitionnent le passeport pour le ramener une demi-heure

plus tard. Le train s'arrête sans arrêt,puis définitivement. Commencentalors trois heures de manœuvre pourchanger d'essieux, de locomotive, carl'écartement des voies est différententre la Roumanie et les ex-répu-bliques soviétiques.

Quand le convoi redémarre, lejour est levé depuis longtemps, et ilne reste plus qu'à maugréer après lesommeil perdu. Il aura fallu septheures pour parcourir les 130 dernierskilomètres… ce qui n'empêchera pasle train, respectant l'horaire annoncé,d'entrer triomphalement à 8 h 56tapantes dans la gare de Chisinau !

Tout de suite, le voyageur se ren-contre qu'il a changé d'univers.L'édifice, sobre et imposant, sa pro-preté, dégagent une impressiond'ordre et de discipline. Le tableaud'affichage annonçant des départs fré-quents pour Moscou, Saint-Péters-bourg, Kiev, Mourmansk ou Odessa

montre qu'ici plus qu'ailleurs le soleil se lève bien à l'Est.

"Ma récompense, ce serad’être un peu en France"

Nathalie n'a pas les mêmesréserves sur l'inconfort de ce voyage.Elle se rend souvent à Bucarest et n'aguère eu l'occasion de compareravec d'autres modes de transport. A27 ans, elle n'a eu qu'une seule foisl'opportunité d'aller dans un paysoccidental.

C'était comme interprète d'ungroupe de judokas moldaves invitéspendant trois jours à participer à unecompétition à Helsinki. La jeunefemme a dû mal à contenir sa soif etson impatience de découvrir lemonde. Outre le roumain - ici, on ditle moldave - elle parle le russe, sans

accent car elle l'a appris dans une école mixte où les deuxlangues étaient pratiquées, le français, l'anglais, l'allemand, etelle se met à l'espagnol et à l'italien. Elle me confie que notreconversation en français la fait déjà voyager en rêve et propo-se, sans autre cérémonie, de prendre quelques jours de congéspour m'accompagner à travers son pays. Et de couper court àla question qu'elle devinait sur une éventuelle rétribution: "marécompense, ce sera grâce à vous d'être un peu en France".

Sur la route

“Elle avait un joli nom mon guide... Nathalie”.Ici, à Tiraspol, mars 2005.

de Nathalie

Calvaire et chemin de croix: symbole et réalité pour la population moldave d’aujourd’hui... après

l’électricité et les Soviets promis autrefois par Lénine.

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Mais là encore, difficile de trouver un livre en roumain.Sur le boulevard Stefan Cel Mare, un marché de peinture, d'ar-tisanat, de souvenir est le royaume des Russes. J y ai vu unepoupée russe allant de Chirac, le plus grand jusqu'à un minus-cule De Gaulle.

Avec Tatiana, mon guide qui parle un français savoureux,nous allons visiter les musées. Comme elle profite de monséjour pour améliorer son français, c'est en parlant cette langueque nous pénétrons dans le musée d'histoire. Dommage pourmoi, la préposée aux billets qui demande 2 lei à Tania m'endemande à moi… 15. Etranger me dit-elle, tarif pour étranger! Le lendemain, nous pénétrerons dans le musée d'ethnogra-phie en parlant roumain et j'échapperai donc au racket.

Mes amis m'ontaccueilli dans leurdeux-pièces au onziè-me étage d'un immen-se complexe auxportes de la ville faceau jardin zoologique.Malheureusement, cer-tains n'ayant pas payéleurs charges, l'usagede l'ascenseur a étéinterrompu. Je penseaux malheureux quihabitent au 24 émeétage, un vrai calvairepour les personnesâgées. Hormis cela, jepeux constater icicomme en Roumanieque la population est particulièrement accueillante.

Charrettes et limousines de luxe se croisent

Mais, Sacha m'a pro-posé de monter égalementdeux jours dans son village,Napadova, au nord du pays,sur les rives du Nistru(Dniestr), face à la provincesécessionniste de la Trans-nistrie. Nous avons quittéChisinau par une belle routequi passe à côté des cavesréputées de Cricova quenous n'avons pas le temps devisiter cette fois.

Après 80 kilomètres,nous quittons la bonne routepour emprunter des voies qui me rappellent la Roumanie d'il ya une dizaine d'années, pour finir par emprunter des cheminsempierrés qui nous amènent enfin presque à la frontière del'Ukraine. C'est une zone de collines de sable alluvionnaire quibordent le Nistru, ravinées par les intempéries. Magnifique

coucher de soleil dans ce ciel bleu limpide qui nous accom-pagne encore quand nous arrivons au village.

Toujours les mêmes maisons grises mais agrémentées icide barrières de bois peintes en vert, certaines, peu nombreuses,en bleu. Toutes les maisons sont basses, sans étage, les seulesbâtisses plus hautes étant des bâtiments administratifs. Ici, pasde chiens errants, chaque occupant ayant son ou ses chiens,enchaînés court. Sur les chemins de terre se côtoient les char-rettes et les voitures de luxe au milieu des Lada, des Volga desplus riches ex-communistes et des improbables Zaporojet*ukrainiennes refroidies à l'air.

Le Nistru déserté par ses bateliers

Nous allons nouspromener jusqu'auxrives du Nistru.Merveilleux paysagede falaises de calcaireveinées de langues deterre argileuse grasseau pied de laquelle unelande d'herbe raseconduit jusqu'à la rive.Seul, un pécheur romptl'harmonie de la courbedu fleuve. Plus denavigation hélas sur cecours d'eau où les bate-liers étaient nombreuxautrefois.

Le fleuve coulelentement, large et paisible. Sur presque tout son cours, il vaserpenter jusqu'à la Mer Noire… Mais la quiétude de l'endroitest feinte: le Nistru est devenu la frontière de fait entre laRépublique de Moldavie et la Transnistrie que le "fou" de

Tiraspol, soutenu par lesRusses, revendique. Déjà,sur le pont qui y conduit lessoldats en arme contrôlentle passage et personne nem'encourage à aller plusloin… Retour à Chisinau.

Nous profitons encoreun peu du charme de la villeponctué de rendez-vousavec quelques francophoneset à l'Alliance Française. Etnous devons quitter laMoldavie mais je sais main-tenant que je reviendrai

dans ce pays attachant où je suis venu plutôt réticent et d'où jerepars en y laissant amis et souvenirs…

Claude AubéVice-Président de l'Alliance Française de Brasov

* Plus vieille et pire voiture produite en Union Soviétique.

A la découverte de la Moldavie A la découverte de la Moldavie

La Moldavie

Nathalie se réchauffe les mains sur sa tasse de thébrûlant. J'absorbe à petites gorgées ma Baltica n°3 glacée; les russophones de Chisinau raffolent de

cette bière venue de la patrie-mère. Nous sommes là, installésface à l'autre, dans un café de la rue Pouchkine. Mes penséessont ailleurs. A travers ses longs cheveux châtains, j'observeles flocons de neige qui recouvrent peu à peu le grand jardinpublic où le poète faisait de longues promenades, au temps deson exil. La jeune femme surprend mon sourire et m'interrogedu regard.

Lèse-majesté au Mausolée de Lénine

Voici quarante ans, j'étais à Moscou. Khrouchtchev avaitété limogé quelques semaines plus tôt, la place Rouge étaitblanche et mon guide s'appelait aussi Nathalie. Comme dans lachanson que venait de sortir Gilbert Bécaud et qui courraitdéjà sur toutes les ondes, à travers le monde… sauf en Russieoù l'amour avec un "capitaliste" était inimaginable. Mais ceguide là avait tout de l'Intourist, organisme chargé de régenterles pas des étrangers, revêche et sèche comme ses dépliants.

Avec Meredith, nous nous étions échappés et parcourionsmain dans la main les rues de la capitale rouge. Rien ne pou-vait arrêter nos dix-neuf ans; les boules de neige qu'on selançait, les glissades sur les trottoirs, les éclats de rire lorsquenous demandions notre chemin, le nez perdu dans lescaractères cyrilliques, les clins d'œil complices des Moscovitessurpris et heureux de découvrir une telle insouciance.

Nous nous étions rencontrés dans le train, entre Paris etMoscou, au sein d'un groupe d'une quinzaine d'étudiants basés

à Paris; Français, Canadiens, Américains, nous étions partis àla découverte de "l'autre monde" à l'occasion des vacances deNoël.

Premiers touristes occidentaux autorisés à se rendre enURSS en hiver, nous avions été accueillis sur le quai de la garede Moscou par une délégation qui nous avait offert un bouquetde marguerites défraîchies - il faisait moins vingt cinq degrés!- et le lendemain notre photo paraissait à la une de "LaPravda".

Il était bien difficile de résister à la fraîcheur et à la spon-tanéité de Meredith. Mais à sa façon très "british" de dire"Boston", où elle avait vécu jusque là, je devinais que cettebelle jeune fille d'un avocat de la côte Nord-Est américaineappartenait à un autre univers. Le fils de petit fonctionnaireprovincial français que j'étais se vengeait de ce snobismecaché en massacrant le nom de sa ville natale, le prononçant àla manière d'un Sicilien à la bouche remplie de spaghettis, cequi la mettait en fureur.

Mais ces taquineries s'arrêtèrent un soir, au sortir d'unereprésentation du "Prince Igor", donnée à l'intérieur duKremlin. Nos pas, crissant dans la neige, s'étaient éloignés deceux de la cohorte des spectateurs qui disparaissaient en silen-ce. Réfugiés à l'ombre des projecteurs éclairant dans la nuitblafarde le Mausolée de Lénine, nos visages se cherchèrent.Une voix désespérée tentait de me retenir: "Tu te rends comp-te, embrasser une Américaine en ce lieu… tu n'as pas honte !".Heureusement, Meredith n'avait que faire d'idéologie et nousprolongeâmes longuement ce délicieux moment, indifférentsaux martiales allées et venues de la garde rouge d'honneur du“temple”.

de Chisinau

Roi très pieux, Etienne leGrand n'était pas pour autantinsensible aux plaisirs ter-

restres et aux charmes des femmes,bien sûr très belles. Une certaineMaruschka lui donna un fils,Alexandre. Fut-elle sa femme légiti-me? L'histoire ne nous l'apprend pas.Son nom apparaît dans une litanieauprès des noms de ses autres femmes.

En 1463, six ans après son avène-ment au trône de Moldavie, Etienne leGrand prit en noces Evdochia, sœur duprince Siméon de Kiev, vassal du roi dePologne. Ils eurent deux fils (morts enbas âge) et une fille, Hélène. Quatre ans

plus tard, Evdochia mourait. Une princes-se byzantine, Maria Comnène de Mangop

la remplaça en 1472 mais, une fois deplus, le temps se montra avare et en 1477,la princesse lointaine descendante del'empire de Byzance, disparaissait sanslaisser d'enfants. Elle fut enterrée dans lemonastère de Putna, fondé par le voïvo-

de, là où, plus tard, il allait reposer aussi. A la cour princière de Suceava, une

beauté sans égal fleurissait: la petiteprisonnière Maria Voïchitza , dignehéritière de la beauté de son père,éblouit Etienne le Grand. Il avait 45ans, elle en avait 20. En 1480 ils semarièrent et seule la mort du voïvodevingt-quatre ans plus tard, les sépara.C'était le 2 juillet 1504. Ils eurent deux

enfants: une fille et un fils, Bogdan leBorgne qui lui succéda sur le trône. Safille, Maria, lui donna un petit-fils, PetruRares qui fut le plus important voïvodemoldave du XVIème siècle (1527-38,1541-46) .

"Une porte poussée par hasard me ramène quarante ans en arrière et me fait rencontrerune jeune femme qui me servira de guide. Comme à Moscou, elle s'appelle… Nathalie.

Grâce à elle, je découvre l'existence de cette minuscule république que les Russes considéraient comme exotique. Je lui dois de comprendre que la Moldavie,

pour aussi petite qu'elle soit, est bien un pays à part entière".

Etienne le Grand: pieux et amateur de plaisirs terrestres

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A la découverte de la Moldavie A la découverte de la Moldavie

Cricova, royaume Les touristes peuvent désormais visiter la plus grande cave souterraine d'Europe.Soixante kilomètres de galeries portant des noms de rues, où camions et voitures

se croisent. Après son vol dans l'espace, Gagarine avait mis deux jours pour en sortir.Sous l'URSS, on y stockait trente millions de litres...

soit un verre de vin par citoyen soviétique.

La base politique et militaire de son pouvoir était consti-tuée par les petits propriétaires (Razesimea) et la paysannerielibre qui composaient sa fameuse "Grande Armée" de 40-60000 combattants, s'enrôlant avec leur propre armement.Prendre part à la lutte, c'était pour le voïvode tout à fait nor-mal. En récompense, ses soldats recevaient des terres, parfoisconfisquées aux boyards qui avaient trahi et dont il n'hésitaitpas à faire couper les têtes. Parallèlement, il renforçait le rôledes forces de l'ordre et des seigneurs, constituant une " petitearmée" de 10- 15 000 membres.

Contre les Hongrois et les Polonais

Si Etienne Le Grand consacra la majorité de son règne arepousser les Turcs, refusant de leur faire allégeance et de leurpayer un tribut, il eut aussi à lutter contre ses voisins immé-diats qui voulaient lui imposer leur suzeraineté. Tentant d'en-vahir la Moldavie, le roi Mathias Corvin en fit les frais en 1467à la Bataille de Baia, trois flèches lui transperçant le corps.Vaincu mais survivant à ses blessures, le Hongrois apprit à res-pecter son adversaire et lui offrit plustard son aide contre les Ottomans.

Trente ans plus tard, à CodriiCosminului (Bois de Cosmin), ce fut autour du roi des Polonais Jean Albert, àla tête de 80 000 hommes, de subir unedéroute, les neuf dixièmes de ses sol-dats étant tués. Désespéré, Jean Alberttomba malade et mourut. En 1473,Etienne le Grand profita de ce que lesultan Mahomed II était engagé enMésopotamie contre Uzun Hassan, pourchasser "Radu le Beau" de Valachie,inféodé aux Turcs et le remplacer par unprince loyal au Pays roumain. Radu s'enfuit chez ses amis,abandonnant ses trésors les plus précieux: ses coffres d'or, safemme et sa fille Maria Voïchitza, qui épousera quelquesannées plus tard son ravisseur.

A Vaslui, vainqueur à 50 000 contre 120 000 Turcs

Mais le plus grand fait d'armes d'Etienne le Grand demeu-re la bataille de Vaslui (10 janvier 1475). Quarante mille sol-dats moldaves, la fleur des villages et des bourgs, hauts bon-nets de fourrure, cheveux longs, yeux de feu, avec pour toutearme leurs outils de travail aidés par 9000 Secui (Hongrois) et2000 Polonais firent face aux 120 000 janissaires et spahis del'armée du pacha Soliman, envoyée par le sultan Mohamed II.La supériorité tactique du voïvode l'emporta sur la supérioriténumérique de l'adversaire, épuisé, affamé - tous les villagesavaient été évacués, les vivres emportés - harcelé avant detomber dans un piège. Le voïvode avait réussi à attirer dansdes marais l'armée turque qui s'y enlisa, beaucoup de ses sol-dats se noyant, provoquant sa débandade, dont celle de sonchef, qui échappa à la mort à grand peine.

La Sultane Validé Mara, veuve de Murad II, affirma que"jamais aucune armée turque ne subit pareille défaite".L'historien roumain Constantin Giurascu notait que "la victoi-re de Vaslui, c'est la plus éclatante victoire terrestre de toutel'histoire européenne de la lutte anti-ottomane jusqu'au siègede Vienne de 1683". C'est à cette occasion que le pape Sixte IVle dénomma "l'Athlète du Christ". Comme à l'accoutumée,payant de sa personne, Etienne le Grand était au premier rangdes combats. Connu pour son courage, l'histoire retient que,touché à la jambe lors d'une bataille, il demanda à ce qu'onapplique un fer rouge sur sa blessure, récitant des prières pen-dant cette intervention.

L'année suivante, en 1476, Mohamed II, revint à la char-ge, à la tête d'une armée "que la terre pouvait tenir à peine".En même temps, les Tatars, devenus vassaux du sultan, atta-quèrent à l'est. Etienne le Grand envoya son armée de paysansleur faire front et se retira dans la montagne avec sa "petitearmée", attendant de regrouper ses forces. Ce fut un succèssans gloire et sans suite pour les Turcs qui durent traverser uneterre incendiée, dont toutes les fontaines avaient été empoi-

sonnées. 30 000 Ottomans y laissèrentleur vie sans pour autant prendre uneseule cité fortifiée et se retirèrentdevant la contre-offensive moldave.

Abandonné par l'Occident

Mais le voïvode dût se rendre à l'é-vidence. Si rois, doges, princesd'Europe, le Pape même, le couvraientd'éloges, heureux d'avoir en lui ledéfenseur le plus parfait de leurs fron-tières, les promesses d'aide contre lesTurcs, lui venant de partout, ne

demeurèrent que des paroles. Il envoya une ambassade àVenise pour convaincre l'Occident de l'importance stratégiquede la Moldavie, avant-poste de la Chrétienté. Son appel restasans réponse. Pire même… les Vénitiens, puis Matias Corvinfirent la paix avec les Ottomans. De guerre lasse, Etienne leGrand se résolut à pactiser avec la Sublime Porte qui profitantdu contexte international favorable, s'était emparée des deuxports donnant accès à la Mer Noire, Chilia et Cetetea Alba (LaCité Blanche), celle-ci devenant un lac turc. Il accepta de leurpayer tribut, préservant cependant l'autonomie de la Moldavie.

Dans sa célèbre pièce Coucher de soleil, consacré au voï-vode, son auteur Barbu Delavrancea fait dire à son héros :"Souvenez-vous des mots de Stefan qui vous ont guidé jusqu'àsa vieillesse… que la Moldavie n'appartient pas à nosancêtres, ne m'appartient pas, ni à vous, mais appartient auxdescendants de nos descendants, jusqu'à la fin des siècles".

Canonisé en 1662 par l'Eglise orthodoxe, Stefan Voda estdevenu "Stefan Cel Mare si Sfânt" ("Etienne le Grand et leSaint") et reste pour les Roumains, aux côtés de MihaïViteazul (Michel le Brave), premier unificateur de laRoumanie, le plus grand personnage de leur histoire.

Paula Romanescu

Poutine y a fêté ses cinquante ans; Khrouchtchev,Brejnev, s'y sont livrés à des libations tout autantrusses que communistes, Gorbatchev, plus réservé,

s'est contenter de la parcourir. Depuis sa création, en 1953,dans une immense carrière de calcaire à 20 km au nord deChisinau, trouée comme un gruyère, la célèbre cave deCricova, située au milieu d'un vignoble datant du XVIèmesiècle, a attiré tout le "gotha" de l'uni-vers soviétique et des "pays frères".Mais son visiteur le plus fameux restele cosmonaute Youri Gagarine, auretour de son périple dans l'espace. Lalégende veut qu'il ait mis deux jours àtrouver le chemin de la sortie, décla-rant en retrouvant l'air libre et enfixant le ciel "C'était plus dur que là-haut".

Avec son dédale de 60 kilomètresde galeries, Cricova est en effet laplus grande d'Europe, et peut-être dumonde. A 70 mètres sous terre, on ycircule en voiture, en camion, à tra-vers des rues qui ont pour nom "Merlot", "Chardonnay","Cabernet", "Sauvignon", on s'y croise "Place Dionysos".Dans ces voies, à l'ordre strict, éclairées discrètement pour nepas nuire au vieillissement des vins, on longe des enfilades detonneaux en bois, impeccablement empilés.

A l'époque de l'URSS, l'équivalent de 30 millions de litresy étaient stockés, suffisamment pour donner un verre de vin àchacun des 250 millions de Soviétiques. Avec une températu-re constante de 12-14 ° et une humidité de 97-98 %, les condi-tions sont en effet idéales pour la conservation. Les particulierspeuvent d'ailleurs louer des niches pour y entreposer leurréserve de bonnes bouteilles.

Crûs volés par Goering

Dans sa propre vinothèque, que l'onvisite, Cricova en abrite justement unmillion. La plus vieille date de 1902…un vin de Pâques juives. Un Américaina proposé de l'acheter un million dedollars, ajoutant même quatre Cadillacde collection pour convaincre sesinterlocuteurs… en vain. On ydécouvre aussi une partie de l'impres-sionnante collection de grands crûsque Goering avait accumulée à traversl'Europe pendant la guerre, en

dépouillant leurs propriétaires. S'y côtoient des Mouton-Rothschild, des Nuits-Saint Georges, des Château-Margaux, etmême une bouteille de muscadet de 1940. Lors de la débâclenazie, l'Armée Rouge avait récupéré ce trésor, qui avait étéensuite réparti entre différentes républiques soviétiques.

monument de l'Histoire

Même si elle ne dispose pasde plages sur la Mer Noire,la Moldavie offre

quelques, rares, mais très agréables possi-bilités d'y séjourner en prenant du bontemps sur les berges du Dniestr (Nistru).

La meilleure opportunité se trouvesur la rive gauche, dans la seule enclave

moldave en territoire deTransnistrie, entre les vil-lages de Cocieri etMolovata Noua. Parmi descomplexes touristiquesvieillots où autrefois leshabitants de Chisinau sepressaient pour venir sebaigner et faire desgrillades, un ensemblehôtelier moderne, de classe

supérieure, a vu récemment le jour, l'hô-tel Laguna (tel: (373 22) 226 869, mobi-le: 0694 12 323, e-mail: [email protected]; site: www.laguna.md).

On y loge dans des studios ou petitsappartements, tout équipés, bien amé-nagés, au confort irréprochable. Il encôute de 35 € la nuit pour deux per-

sonnes, à 69 € pour quatre (carte visaacceptée). Dans le calme, terrain de ten-nis, terrasses, restaurant de qualité, parcombragé en bordure du fleuve, inclinentau repos et au farniente. Idéal pour deuxou trois jours et récupérer des fatigues duvoyage. Bain, pêche, canoë complètent leséjour dans un cadre magnifique, au pieddes falaises et au cœur des boucles duDniestr. On peut également partir à ladécouverte des charmants villages toutproches et de leurs maisons colorées etpittoresques. Pour y accéder, vous pouvezprendre la route directe venant deChisinau (trois quarts d'heure de trajet),ce qui permet ainsi d'entrer sur le territoi-re de la Transnistrie et d'expérimenter lesus et coutumes de la petite provincesécessionniste.

Se reposer sur les bords

La gerbe déposée par le président Voronine sur la tombe de Stefan cel Mare, au monastère dePutna, lors du 500ème anniversaire de sa mort.

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Dionis, vin préféré des femmes… car il donne des idées aux hommes

Le vignoble de Cricova est connu pour sa diversité. On ytrouve toutes les sortes de cépages. Certains auraient des ver-tus particulières. Ainsi, dans les sous-marins nucléaires sovié-tiques, on distribuait chaque jour un verre de cabernet à l'équi-page pour lutter contre la radio-activité et, après la catastrophede Tchernobyl, les médecins auraient observé que les habitantsqui avaient eu la bonne idée d'en boire avant l'explosionavaient été moins contaminés.

Quand au Dionis, il s'agit du vinpréféré des femmes car c'est celui quidonnerait … le plus d'idées aux hommes.

La cave propose aussi ses brandy,une quinzaine de sortes de mousseux,dont certains selon la méthode champe-noise. Mais le vin le plus étonnant est unXéres qui ressemble comme un frèrejumeau à son homologue espagnol.L'explication est simple. Dans les annéescinquante, un Moldave voyageant enAndalousie et visitant une cave avaitchapardé quelques spores du champi-gnon qui fleurit sur les barriques conte-nant ce vin et qui font sa spécificité. Illes avait sorties clandestinement,ramenées dans son pays et cultivées avec succès !

Faire bombance dans l'antre des dignitaires communistes

Jusqu'ici, découvrir Cricova n'était pas du plus commode.

En 2004, 200 étrangers seulement en avaient eu la possibilité.La cave a cependant décidé de développer le filon touristiqueet elle est désormais accessible tous les jours de 9 h à 16 h,sauf le samedi-dimanche (ou sur réservation pour les groupes).Depuis le printemps 2005, on peut réserver sa visite en télé-phonant 3-4 jours à l'avance (373/2/44 12 04) ou par e-mail([email protected]). Des guides parlant roumain, russe,français ou anglais vous accompagnent.

Ces visites ne sont pas données. L'excursion dure uneheure et coûte 9 € (60 F). Si elle est prévue avec une dégusta-

tion, elle revient à 23 € (150 F) et prenddeux heures. Pour les groupes d'aumoins trois personnes, il est possible d'yajouter un repas pris sous-terre, dans lessomptueuses salles où les dignitairescommunistes faisaient bombance et quiservent toujours à recevoir les hôtes demarque de la petite République.

Pour une durée totale de troisheures, il en coûte entre 40 et 52 € (260-340 F) par personne. L'accès à la cavepeut se faire par micro-bus (2,5 €, 16 F,l'aller-retour). Sur place, on peut acheterdes bouteilles et quelques souvenirs Sion n'a pas le loisir de se rendre àCricova, on peut se procurer son vindans les magasins dont dispose la cave

dans le centre de Chisinau (126 bd Stefan Cel Mare, tel:373/2/222 775), à Balti, Comrat, Tiraspol. A noter qu'àBucarest on trouve des vins moldaves - souvent meilleurs etplutôt moins chers que les vins roumains - dans les grandessurfaces ou dans une cave spécialisée, Casa de vinuri Ferren,n° 31 strada 11 Iunie, près de la Métropolie.

Les NOUVeLLes de ROUMANIe

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A la découverte de la Moldavie A la découverte de la Moldavie

Etienne le Grand

Le deux juillet 2004, la Roumanie et la Moldavie ontcélèbré avec faste le cinq centième anniversaire dela mort de Stefan Voda, plus connu sous le nom de

Stefan Cel Mare (Etienne Le Grand), survenue à l'âge présuméde 67 ans. Ce voïvode, qui a régné sur la Moldavie pendant 47ans, de 1457 à 1504, a écrit les pages lesplus glorieuses de l'histoire médiévaledes Moldaves, marquant le point culmi-nant de leur lutte pour l'indépendance.

Montrant d'évidentes qualités diplo-matiques, Etienne le Grand a toujoursévité de combattre deux puissancesimportantes à la fois, alternant les rela-tions de paix et conflictuelles devant lesappétits grandissants de ses redoutablesvoisins, Polonais, Hongrois, Turcs, quilorgnaient les richesses moldaves. Sur leplan intérieur, il a su instaurer un équi-libre entre les différentes composantessociales de la province, mettant un termeaux rivalités entre boyards (propriétairesterriens), renforçant ainsi son pouvoir.

Son règne peut se diviser en troisépoques. La première, entre 1457 et1473 se caractérise par le renforcement de ses prérogatives etsa lutte pour l'indépendance de la Moldavie vis à vis de laPologne et de la Hongrie. La seconde, de 1473 à 1486, est celledes grandes confrontations avec l'Empire ottoman. La troisiè-me, de 1486 à 1504, marquera une nouvelle orientation de sapolitique. Ne pouvant compter sur l'aide de l'Occident dansson combat contre les Turcs, il pactisera avec eux, acceptant deleur payer un tribut, obtenant en échange la liberté de laMoldavie, mais enrayant leur volonté d'expansion. En mêmetemps, il s'alliera à la Hongrie pour contrer les visées polo-naises sur sa province.

Une église construite après chaque bataille

"O, grand homme digne d'admiration, en rien inférieuraux héroïques princes qu'on admire tant : de nos jours, lui, ilest le premier entre tous les princes du monde qui aient rem-porté sur les Turcs une si éclatante victoire (NDLR: il s'agit dela bataille de Vaslui en 1475). A juste raison je le considèrecomme le plus digne d'être nommé le chef suprême et le com-mandant contre les Turcs par un conseil et un accord de tousles chrétiens du monde puisque d'autres rois et princes catho-liques sont plutôt enclins vers la paresse, vers les plaisirs oules guerres civiles."… ainsi écrivait Jan Dlugosz, historienpolonais (1415 - 1480, Historiae Polonicae).

Qui est donc cet homme auquel "les ennemis n'épar-gnaient pas leurs éloges" ? Un Roi Soleil de Moldavie ? Unguerrier "fier, adroit et invincible" (Antonio Bonfini, 1454-

1503, historiographe de Mathieu Corvin)? "Un sage vénérépar son peuple" prêt à toujours veiller, l'épée à la main, auxfrontières de son pays ( Mathieu de Murano) ? "L'Athlète deChrist" (le Pape Sixte IV) ? Un "deuxième Alexandre leGrand" (Hustinskaia Letopis)? "L'icône la plus claire et la

plus concrète de l'âme roumaine"(Nicolae Iorga, 1871 - 1940) ?

Comment bien définir Etienne leGrand, voïvode moldave entré dans lalégende, sujet de chansons, d'études, decontes et des romans où l'on exalte sapersonnalité, ses victoires contre lesenvahisseurs qui n'arrêtaient pas de rava-ger la terre moldave afin de mieux laconquérir? Ottomans, Russes,Autrichien, Tatares, "amis" polonais,hongrois, tous transformaient les PaysRoumains, la Moldavie et la Valachie, encarrefour de batailles.

C'est dans ces conditions qu'àDireptate, le quatorze avril 1457, sousles acclamations de la foule des paysans,Etienne, fils du prince Bogdan II (1450 -1451) et petit-fils d'Alexandre le Bon

(1400 - 1431) devint prince de Moldavie, à l'âge de 20 ans.Son règne de 47 ans assura au pays une renommée jamaisatteinte auparavant, l'appuyant sur son armée - le peuple toutentier- et son credo - défendre la liberté et l'indépendance.Cela le conduisit à engager 36 batailles dont il sortit 33 foisvictorieux. A chacune d'elle, il faisait bâtir une église à la gloi-re de Dieu, et à la mémoire de ses héros tombés au combat.Parmi elles, Putna et Voronet, pour ne parler que des plus pré-cieuses perles de cette couronne d'architecture de l'Epoquenommée "Stéfanienne".

Une armée de petits bourgeois et de paysans

Son conseiller vénéré, c'était l'ermite Daniil, qu'il n'ou-bliait jamais de consulter car la sagesse et la foi de celui-ci luifaisaient croire "qu'aux âmes bien nées la valeur n'atteint pasle nombre des années" et que le Bon Dieu protège ceux quidéfendent leur terre avec la Croix et l'épée. Car Etienne leGrand n'avait d'autre visée que de sauvegarder l'indépendancede sa Moldavie, en dehors de tout esprit de conquête. Le voï-vode créa une organisation administrative, accorda des pri-vilèges aux villes, aux négociants, défendit les axes commer-ciaux internationaux, fonda des églises, veilla à l'élaborationdes évangiles, mit en place un système juridique rigoureux,assurant à la Moldavie l'une des périodes les plus florissantesde son histoire. Les plaintes des paysans étaient jugées par leprince-même, là, à Direptate (Champ de la Justice), comme lefit en son temps Saint Louis sous son chêne.

du vin sous la terre

Prestigieuse collection de bouteilles en cristal.

Le Voïvode, grande figure commune de la Roumanie et de la Moldavie, baptisé "Athlète du Christ" par le pape Sixte IV, a défendu inlassablement

l'Occident et la Chrétienté contre les Turcs.

On peut revenir en prenant le bac(gratuit) et pittoresque traversant le fleu-ve pour relier Molovata Noua àMolovata, sur la rive nord, et après unemagnifique promenade regagnerChisinau, en passant par le célèbre sited'Orhei Veche et en empruntant despetites routes et des chemins de terre(praticables).

Un phénomène exceptionnel

A une vingtaine de kilomètres aunord de la capitale sur cette grande routenationale venant d'Orhei, il ne faut pasoublier de s'arrêter, sur la gauche, au res-taurant Safari, pour prendre un café (on ymange aussi fort convenablement) …mais l'intérêt est ailleurs : garez votre voi-

ture sur le parking juste devant l'entrée durestaurant ; arrêter le moteur sans mettrele frein à main… vous aurez la surprise

de la voir grimper toute seule la petitedénivellation (rester au volant, car il fautfreiner dès qu'elle a pris trop de vitesse).Il en est de même pour un car ! Il ne s'agit

pas d'un effet d'optique - comme celaexiste du côté de Roanne - car la pente estréelle, mais d'un phénomène magnétiqueunique et inexpliqué encore.

Les Chisinautes apprécient égale-ment d'aller passer la journée sur desberges du Dniestr un peu plus proches dela capitale, situées à vingt minutes, àVadul Lui Voda. L'endroit, animé auxbeaux jours, dispose d'une belle et longueplage de sable. On peut s'y restaurer, yfaire une balade en bateau et même yséjourner dans les nombreux complexesexistants. Le plus moderne, tout à faitconfortable, calme, disposant d'un bar,d'une terrasse, d'un restaurant, accueillantd'ailleurs ses premiers touristes étrangers,est l'Odiseu (25 € la nuit, tel: 417 221 et417 624, e-mail: [email protected]).

du Dniestr paisible

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En 1947, la République socialistesoviétique moldave fut reconstituée; uneintense russification s'ensuivit, ce quitoucha Moldaves et Gagaouzes.

Obligation d'utiliser l'alphabetcyrillique sous les Soviétiques

Les deux peuples utilisèrent, dès1957, l'alphabet cyrillique russe pourécrire leur langue. Sous le régime sovié-tique, le peuple gagaouze fut privé d'é-coles, sa langue fut totalement négligée etle développement culturel fut laissé pourcompte. Cette situation suscita une réac-tion instinctive de rébellion contre touteautorité, y compris celle des Moldaves.C'est seulement à la fin des annéessoixante que l'enseignement du gagaouzefut introduit en Moldavie.

En juin 1990, le Parlement moldavevota une déclaration de souveraineté ins-taurant la primauté de la Constitutionmoldave sur tout le territoire, ce quiincluait la Gagaouzie. Lorsque leParlement moldave adopta l'utilisation dumoldave (roumain) comme seule langueofficielle de la Moldavie, les Gagaouzesexprimèrent leur mécontentement.

Sous l'impulsion de Stepan Topal, leFront gagaouze commença à émerger; lesGagaouzes fondèrent, le 19 août 1990,une République socialiste soviétique deGagaouzie autour de la ville de Comrat.Le 27 août 1991, l'indépendance de la

Moldavie fut aussi proclamée.

Répression sanglante évitée en 1992

Aussitôt, les minorités gagaouze etrussophone, craignant une union avec laRoumanie, réclamèrent l'autonomie deleurs régions. Une guerre civile éclata

dans la république de Transnistrie entreles forces armées moldaves et les russo-phones. En 1992, le président moldave(Mircea Snegur) autorisa une interven-tion armée contre les rebelles gagaouzes,mais la déconfiture de l'armée moldaveen Transnistrie permit d'éviter une répres-sion sanglante en Gagaouzie.

Les conflits s'achevèrent avec laconclusion d'un accord à Moscou, uneconstitution prévoyant l'autonomie de laTransnistrie et de la Gagaouzie, et leurautodétermination dans l'éventualité

d'une union avec la Roumanie.Depuis 1995, les Gagaouzes ont le

droit de posséder leurs emblèmes, et de sedoter d'une assemblée législative élue etd'organismes exécutifs spécifiques.L'Etat moldave est représenté par un gou-verneur, considéré comme la fonctionofficielle et représentant le pouvoirsuprême de Gagaouzie, qui est élu direc-tement par la population du territoireautonome pour un mandat de quatre ans.On considère que ce statut a résolu leproblème politique de la Gagaouzie.

Pour autant, la situation économiquedes Gagaouzes ne s'est pas améliorée,leur région demeurant l'une des pluspauvres du pays; l'agriculture et le secteurindustriel sont mal développés.Cependant, les Gagaouzes ont su nonseulement éviter un bain de sang, maissurtout faire entendre leur voix auprèsdes autorités moldaves. Leurs institutionsfonctionnent relativement bien et ne ren-contrent pas de réelles oppositions de lapart des Moldaves qui respectent l'auto-nomie gagaouze.

Les Gagaouzes s'identifient aujour-d'hui comme des Moldaves aux traditionsparticulières et, bien qu'ils multiplient lesliens avec la Turquie, ils semblent êtreapparemment satisfaits de pouvoir gérerleurs affaires internes tout en faisant par-tie de la république de Moldavie; cela dit,le mouvement sécessionniste gagaouzen'est pas totalement disparu.

La stabilisation toutefois est encore loin d'être acquiseaujourd'hui en raison des tensions toujours vives enTransnistrie, un état non reconnu au niveau international. Parailleurs, des partis Moldaves pro-roumain désireraient le ratta-chement à la Roumanie. Il est à noter qu'en 2002 la Roumaniea accordé la citoyenneté roumaine aux moldaves d'origine rou-maine qui peuvent disposer d’un passeport particulièrementrecherché, en prévision de l’adhésion de ce pays à l’UE.

Relations exécrables avec Moscou

On peut donc considérer que la transition ne se passe pasbien, l'économie des années suivant l'indépendance s'effon-drant. Les relations avec la Russie sont tendues, même si lesdeux pays n'ont pas de frontière commune.

Le problème de la Transnistrie n'est pas résolu, Moscou ymaintenant des troupes d'occupation, appelées pudiquement"forces d'interposition", malgré son engagement à les retirer.La frontière est souvent fermée.

Enclavée entre l'Ukraine et la Roumanie, la Moldavien'entretenait pas non plus de bons rapports avec elles, voiciencore peu, renforçant davantage son sentiment d'isolement.Le pouvoir, principalement aux mains des russophones, s'é-vertue à mener une politique de déroumanisation, alors que lapopulation est aux deux tiers d'origine roumaine.

Mais en 2004, à la faveur des changements politiquesintervenus à Kiev ("Révolution Orange" et Bucarest (électionde Traian Basescu), Chisinau a opéré un rapprochement avecses deux voisins et s'est tourné vers l'UE.

La Moldavie ne peut cependant guère rêver de perspecti-ve européenne tant que les anciens communistes, reconvertisen juteux hommes d'affaires seront aux commandes d'un étatcorrompu, autoritaire et peu respectueux de la véritable démo-cratie, dirigé par un ancien général et secrétaire du PC molda-ve, Vladimir Voronine, élu Président de la République en 2001et reconduit en 2005. Pourtant, c'est bien l'Europe qui pourraitpermettre un jour à ce pays de se réconcilier avec l'histoire etde trouver, enfin, sa vraie place.

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A la découverte de la Moldavie A la découverte de la Moldavie

A Chisinau, la gourmandise

En passant devant "Délice d'ange", dans le centrechic de Chisinau, le visiteur francophone se retour-ne sur ses pas. Non, il ne rêve pas… l'enseigne est

bien en français, précisant toujours dans notre langue qu'ils'agit d'une pâtisserie-boulangerie-chocolaterie-glaceriefrançaise. D'ailleurs, il suf-fit d'entrer dans l'établisse-ment, arrangé avec beau-coup de goût et d'élégance,lumineux, convivial, et quifait également salon de théet cafétéria, pour seconvaincre de son origine:croissants au beurre, painsaux raisins, au chocolat,côtoient Saint-Honoré,forêts noires et une myriaded'autres délices que l'onvoit habituellement dansles vitrines des meilleurespâtisseries de l'Hexagone.

Le salé est tout autantappétissant avec une décli-naison impressionnante de quiches, lorraines, provençales,moldaves… Le fumet du café noir, l'arôme du thé, ajoutent auraffinement du lieu qui a ouvert ses portes en septembre 2003et attire désormais toute la nouvelle bourgeoisie de la capitalemoldave, mais aussi les nombreux Francophones que comptela petite république et qui se permettent de temps en temps unefolie -un euro le petit gâteau, soit la moitiédu salaire quotidien d'un professeur d'uni-versité en fin de carrière - pour venir humerun peu du parfum du bon goût de la France.

Signe qui ne trompe pas quant à la qua-lité des produits présentés: les Français, etsurtout les Italiens, établis à Chisinau, sontles plus assidus à fréquenter l'endroit, n'enrevenant pas de pouvoir prendre leur café-crème chaque matin dans un pays souventconsidéré comme le bout du monde.

La spécialiste des lasers se retrouve devant les fourneaux

Non, ce miracle n'est pas dû à la nos-talgie d'un quelconque pâtissier bretonexpatrié… mais à la gourmandise d'une authentique Moldavede 36 ans qui, voici trois ans encore, ne savait pas faire la cui-sine, et désespérait de ne pas retrouver dans son pays cesdélices qu'elle avait découverts lors d'un séjour à Paris.

Rien ne destinait pourtant Ina Vieru (photo ci-dessus)à la

carrière d'artisan pâtissier-chocolatier. Docteur en physique del'université de Chisinau, spécialiste des lasers, la jeune et joliefemme, vive et souriante, avait vite compris que la Moldavien'offrait guère d'avenir dans ce domaine. Plutôt que prendre lechemin de l'exil, elle décida avec son mari, Calin, fils du grand

poète moldave GrigoreVieru, de se lancer dans lesaffaires, avec l'aide de safamille, ouvrant un restau-rant de style européen-français de luxe, le"Panipit", voisin immédiatde "Délice d'ange", puisun établissement de styleanglais, le "Robin Pub",tout aussi sélect.

L'idée de la "pâtisse-rie française", commebeaucoup de Moldavesl'appellent, est venue ulté-rieurement. Ina en raffo-lait, la trouvant légère,inventive, mariant fruits,

chocolat. Son pari fou fut de vouloir faire partager son goût,devenu passion, à ses compatriotes, habitués à une pâtisserielourde privilégiant génoises et crèmes au beurre.

Les "pâtissières moldaves" de Strasbourg

Avant de se lancer, la jeune femme fitun tour d'Europe, retenant également lemeilleur du savoir-faire italien et vien-nois, rapportant quantité de livres de cui-sine et de recettes. Pendant un an, dans sacuisine, elle expérimenta ses gâteaux etautres croissants sur sa famille, s'entêtant,partant du simple postulat "si les Françaisle font… pourquoi pas moi?". Un défi évi-dent, mais redoutable à mettre en œuvre.Finalement, elle ne garda que ses réalisa-tions les plus achevées.

Consciente que la production artisa-nale était une autre paire de manches quela pâtisserie faite à la maison, devantimpérativement conjuguer quantité, qua-lité et régularité, elle décida de partir en

France avec trois de ses employées, avant de se lancer dans legrand bain. Pendant trois semaines, en 2003, la pâtisserie Rissde Strasbourg accueillit l'équipe pour une formation qui s'avé-ra décisive dans tous les domaines, aussi bien de la production,du matériel, des compétences, de l'hygiène, de la présentation.

Dans la capitale moldave, Ina, docteur en sciences a troqué sa blouse blanche de chercheuse contre la tenue de pâtissière.

A la tête d’un commando de jeunes femmes, elle est venue en Alsace découvrir les secrets des artisans locaux pour les importer dans son pays.

de Turcophones fuyant l'islamisation

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A la découverte de la Moldavie

Les "pâtissières moldaves" devinrent vite célèbres dans lacapitale alsacienne, regardées avec beaucoup de sympathie, detendresse même… et d'étonnement: en France, la pâtisserie estconsidérée comme un métier d'homme, du fait de sa pénibilitédue aux horaires, à la charge de travail, aux poids des matièresà soulever et à transporter. C'est même un chauffeur de taxistrasbourgeois qui proposera le nom, finalement retenu, dufutur établissement, "Délice d'ange".

Mieux qu'en France… des gâteaux toujours frais

De retour à Chisinau, Ina Vieru pensa un moment impor-ter directement de France par camion frigorifique la viennoi-serie-pâtisserie. Le coût de revient l'en dissuada vite. Elle déci-da donc de se jeter à l'eau en fabriquant elle-même ses pro-duits, ne perdant pas de vue que les clés de la réussite rési-daient dans la qualité, un précepte loin d'êtresuivi en Moldavie. Elle fit donc venir deStrasbourg du matériel hautement profes-sionnel, dont un four.

Les premiers essais avec des produitsmoldaves se révélèrent médiocres.Chocolat, pâtes d'amande, beurre, fruits,furent donc acheminés de France afin d'as-surer une qualité qui ne se limite pas à unepâle imitation, comme c'est souvent le cas.Mieux même… Alors que beaucoup depâtissiers français ont opté pour la congéla-tion des bases, que ce soit les génoises oules fonds salés et sucrés, ajoutant simple-ment crèmes ou fruits frais à la demande -ce qui permet d'importantes économies depersonnel et de gestion - "Délice d'ange" aopté pour le frais intégral.

La pâtisserie propose des produits directement sortis deses fourneaux, dès 9 heures le matin, jusqu'à 23 heures, septjours sur sept. Ina Vieru s'est entourée d'une équipe d'une tren-taine de personnes,dont huit serveurs,quatre barmen, etquinze pâtissières.

A "Délice d'an-ge" on est sans arrêtà la recherchederecettes nouvelles,lesquelles provo-quent la curiosité àChisinau.

Régulièrementun artisan pâtissiervenu de France vientapporter son expé-rience, pour l'espaced'une quinzaine. Aujourd'hui, une usine moldave répondant aucahier des charges spécifique, le beurre est fait sur place. Il enest de même pour les fruits et leurs conserves, de très bonne

qualité et beaucoup moins chers. L'établissement ne désemplit pas, s'est créé une clientèle

fidèle, en perpétuelle croissance. Les grands hôtels prennentl'habitude d'y commander leur viennoiserie pour le petit-déjeu-ner et la pâtisserie pour leur table.

Après un essai, Ina a laissé de côté l'ambition de faire dela boulangerie française. Les Moldaves sont attachés à leurpain, qu'ils trouvent meilleur, plus consistant, et ne sont pashabitués à aller l'acheter en dehors des dépôts où on le trouveordinairement. Par contre, se fiant à son instinct "gourmand",elle s'apprête à développer son activité chocolaterie, convain-cue que ses compatriotes craqueront en découvrant les raffine-ments importés de France, cerises, amandes, oranges, liqueurs,inconnus ici.

Le bon goût concurrent de McDonald

Jamais àcourt d'idée, Inaa même entre-pris de concur-rencer les 4McDonald pré-sents dans lacapitale molda-ve. Une tâchea m b i t i e u s equand on sesouvient quel'installation dugéant de la"mal-bouffe" àMoscou avait

provoqué plus de queue que pour la visite du mausolée deLénine ! Du vendredi au dimanche, deux animatrices s'occu-pent des enfants des clients, leur faisant faire dessins, pein-tures, moules en plâtres - œuvres récompensées par de déli-

cieux gâteaux - pendant que leurs parentspeuvent se livrer sans retenue à l'un des septpéchés capitaux… la gourmandise.

Devant cette réussite, les projets nemanquent pas. Dans quelques mois, un éta-blissement de la même qualité verra le jourà Iasi, capitale de l'éternelle grandeMoldavie. Des Moldaves exporteront ainsileur savoir-faire, sur un fond de culturefrançaise, chez la grande sœur roumaine.Du jamais vu !

Mais le compliment qui est allé le plusdroit au cœur de Ina est venu d'un touristefrançais de passage, auquel elle demandait,avec une certaine inquiétude, son sentimentsur ses croissants. Dans un lapsus révéla-

teur, plutôt que le traditionnel "ca la mama acasa" ("commechez maman à la maison"), témoignage du plus grand conten-tement, celui-ci répondit "ca la Franta acasa".

Les NOUVeLLes de ROUMANIe

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A la découverte de la MoldavieLes NOUVeLLes de ROUMANIe

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est désormais françaiseToute l'économie sera dès lors orientée vers les besoins del'URSS. La soviétisation se traduira également par la déporta-tion de Moldaves en Sibérie ou au Kazakhstan. Les Russes etUkrainiens seront invités à migrer en Moldavie et particulière-ment en Transnistrie. Moscou réquisitionnera de grandesquantités de produits agricoles en dépit d'une moisson faible,la petite république devenant le verger de l'URSS. Une théorie,reprise aujourd'hui par le pouvoir moldave, affirmera mêmeque le roumain et le moldave sont deux langues différentes, lesecond devant s'écrire obligatoirement en cyrillique.

En principe, le différend territorial entre l'URSS et laRoumanie devait être clos puisque les deux Etats étaient com-munistes et amis. Les tensions ne disparurent pas pour autant,et se cristallisèrent à la fin des années 1980 par la revendica-tion de la reconnaissance de la langue moldave enfin admisecomme langue officielle en 1989.

Le Front populaire moldave verra alors le jour, le drapeaumoldave sera reconnu, tout comme la souveraineté moldave le23 juin 1990, puis l'indépendance le 27 août 1991 (fête natio-

nale depuis). La Moldavie deviendra membre de la CEI et del'ONU, le communiste Mircea Snegur étant le premierPrésident démocratiquement élu.

500 morts lors de la guerre civile de 1992-1993

Mais très vite, en 1992, une guerre civile éclatera entre lescommunautés russophone de Transnistrie et moldave. De plus,les Gagaouzes (peuple turcophone chrétien) proclamerontaussi leur indépendance. La Transnistrie, soutenue par la14ème armée russe du Général Lebed fera sécession. Un com-promis sera signé en 1993, après deux ans de combats, 500morts et des milliers de blessés. Igor Smirnov, un directeurd'usine parachuté par Moscou, sera élu président de laRépublique de Transnistrie.

Les premières élections législatives pluralistes auront lieuen février 1994. Les Moldaves se déclareront pour le maintiend'une Moldavie indépendante de la Roumanie, dans des fron-tières incluant la Transnistrie.

Ne voulant pas entendre parler d'un rattachement à la Roumanie, après l'éclatement de l'URSS, les Gagaouzes, venus de Turquie et de Bulgarie,

s'apprêtaient à prendre les armes. La petite communauté se satisfait aujourd'hui de son statut d'autonomie

La Gagaouzie constitue unerégion autonome au sud de laMoldavie de 172 000 per-

sonnes. Il s'agit de l'unité administrativedite Gagaouze-Yeri (littéralement: le"lieu gagaouze") comptant unesuperficie de 1831 km², c'est-à-dire5,4 % de celle de la République deMoldavie (33 800 km²). Ce territoi-re morcelé est réparti en cinq dis-tricts et 31 villages situés entrel'Ukraine et la Roumanie au sud dupays. La capitale en est Comrat (32000 habitants).

Les Gagaouzes forment unpeuple dont la population est d'en-viron 200 000 personnes au total.Bien qu'il soient dispersés dansplusieurs pays (Moldavie,Bulgarie, Roumanie, Ukraine,Kazakhstan, Turquie et Russie),l'essentiel de la population réside enMoldavie, qui représente 87 % de lapopulation gagaouze totale, et enBulgarie (12 000 personnes).

Christianisés selon le rite bulgare orthodoxe

Les Gagaouzes sont caractérisés par

le fait qu'ils constituent une communautéturcophone christianisée. La plupart pra-tiquent la même religion que les Bulgareset respectent les préceptes de l'Égliseorthodoxe bulgare. Ce peuple parle en

principe le gagaouze, une langue turquede la famille altaïque transcrite aupara-vant avec l'alphabet cyrillique, maismaintenant avec l'alphabet latin.

Les Gagaouzes entrèrent dans l'his-toire au cours du XIIIe siècle dans larégion de Varna, en Bulgarie. Ce sont desdescendants des Oghouz turcophones.

Après la chute de Constantinople (1299),les Oghouz christianisés auraient fui l'in-vasion turque, car les Turcs lesmenaçaient de leur imposer la religionmusulmane. Durant le Moyen Âge, ils se

seraient réfugiés, avec desBulgares, dans une zone de 200 kmle long de la mer Noire et de la merCaspienne, principalement enRoumanie, puis en Bulgarie.

Ils fondèrent une républiquedu nom d'un de leurs chefs appeléKay-Ka'us et se convertirent à lareligion grecque orthodoxe bulga-re, la majorité d'entre eux restantfidèles au patriarche deConstantinople après l'invasionottomane conduite par Bayasid Ieren 1398, qui mit fin à la seuleentité politique durable que lesGagaouzes aient connue au coursde leur histoire.

Cette ethnie fut ensuite intégrée dansl'ancienne principauté de Moldavie, quidemeura sous la suzeraineté turque, avantd'être annexée par la Russie au momentde la guerre russo-turque (1877-1878).L'histoire des Gagaouzes se confonditalors avec celle de la Roumanie et de laMoldavie puis de l'Union Soviétique.

La Gagaouzie, refuge

L’âne est encore un moyen de traction très utilisé dans la petite communauté gagaouze.

Ville de culture,Chisinau offre aussi des raffinements spirituels.

Tous les goûts sont dans la nature...

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A la découverte de la Moldavie

Transnistrie, à l'empire russe. Au XVIIIè siècle, le Nord de laMoldavie sera incorporée à l'Empire autrichien,sous le nom de Bucovine (1774).

A la suite de la guerre russo-turque de 1806-1812, le territoire de la Moldavie actuel, situéentre le Prut et le Nistru, appelé plus tard"Bessarabie", sera annexé par l'Empire russe. Ala fin de la guerre de Crimée et à la signature dutraité de paix de Bucarest en 1856, le reste de laMoldavie et la Valachie reviendront à laRoumanie. Mais, la pression des Russes, notam-ment par le biais d'une colonisation continue, sepoursuivra.

En 1917, pendant la Première GuerreMondiale et la révolution bolchevique, les chefs politiques dela Bessarabie créèrent un Conseil national qui déclara laBessarabie "République démocratique indépendante deMoldavie", fédérée avec la Russie. Mais en février 1918, lanouvelle république déclara son indépendance complète de laRussie et, deux mois plus tard, vota pour s'unir à la Roumanie,ce fait irritant fortement Moscou. Cette décision étant enté-

rinée par la Conférence de Paris en 1920, la Roumanie réuni-ra alors les trois provinces: la Valachie, laMoldavie et la Transylvanie. Les Russes répli-queront en créant une République socialistesoviétique autonome de Moldavie en 1924, avecpour capitale Tiraspol (en 1929) sur le territoirede la République d'Ukraine et qui correspond àla Transnistrie actuelle.

Déportation, russification et soviétisation

A la suite du protocole secret du pacte ger-mano-soviétique d'août 1939, les Soviétiques

envahiront la Bessarabie en juin 1940. Celle-ci sera ensuitereprise entre 1941 et 1944 par les Roumains, devenus alorsalliés de l'Allemagne. Des déportations de Juifs et de Tsiganessont alors perpétrées en grand nombre.

En 1944, les Soviétiques annexeront la Bessarabie, créantla République socialiste soviétique de Moldavie reconnue parle Traité de Paris de 1947. (A suivre pages 24 et 25)

Les NOUVeLLes de ROUMANIe

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A la découverte de la MoldavieLes NOUVeLLes de ROUMANIe

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Renseignements: mieux vaut compter sur soi-même… le tourisme est encore loin d'avoir fait sonnid en Moldavie. Il n'existe pas d'office de touris-

me sur place, ni à l'étranger. Il est difficile de trouver des cartesroutières ou des plans de ville dignes de ce nom; on déniche cequi en tient lieu dans quelques librairies de chisinau. Un numé-ro de téléphone délivre toutefois des renseignements pratiquessur les hôtels, restaurants et garages: le 1188, mais il est uni-quement en roumain et russe.

Saisons: L'idéal se situe en mai-début juin;tout le pays est en fleurs après que le printemps soitarrivé, brutalement, à la mi-avril. Il fait vite chaud.L'été, de mi-juin à début septembre, peut être cani-culaire, le thermomètre montant parfois à 40°.

De septembre à mi-octobre, le pays connaît unété indien très agréable et c'est l'époque des ven-danges, importantes en Moldavie. Ensuite, après uncourt automne pluvieux, le pays entre dans l'hiververs la mi-novembre, avec les premières neiges,mais les mois les plus froids (jusqu'à - 25°) et lesplus neigeux sont février et début mars.

Pas aisé de se loger

Se loger: le grand problème en Moldavie, si on ne veut paspayer des prix inconsidérés dans les hôtels. Malheureusement,la chambre d'hôte est un système qui n'existe pas, à la diffé-rence de la Roumanie. On peut imaginer qu'il se développe-ra… quand les autoritésencourageront le tourismeet l'ouverture du pays.

Pour l'instant, il fautprocéder par relations per-sonnelles pour être logéchez des amis d'amis rou-mains ou par le biais deconnaissances person-nelles. Quelques rares orga-nismes proposent des loca-tions de studios ou miniappartements à Chisinau( w w w . m o l d o v a -travel.com/accomod/apartements.htm ou www.turisme.md/rom/sections/203/), compter entre 30 et 50 € la nuit.

En province, rien n'est prévu, mais on peut demander dansles villages à une "casa mare" (grande maison), ou "gospodo-rie", qui disposent d'annexes logeables pour la famille que l'onreçoit, que l'on n'utilise pas l'hiver car il faudrait chauffer et oùon entrepose les pommes et les coings à l'automne.

Elles peuvent être louées pour moins de dix euros; l’hé-

bergement comprend le repas du soir et le petit-déjeuner.

Des hôtels hors de prix

Hôtels à Chisinau: très chers, mais corrects… ce qui estnormal à ce prix là.

- Jolly Alon, 37 str. Maria Cebotari (tel.: /3732/ 23 28 96;fax: /3732/ 23 28 70); prix d'une nuitée: 100-120 €

- Monte Nelly, 13str. Corobceanu (tel.:/3732/ 23 49 91, fax:/3732/ 29 25 30); 120€.

- Dacia, 135 str.31 August (tel: / 3732/23 22 51, fax: /3732/23 46 47); 80 €.

- Codru, 127 str31 August (tel.:/3732/ 22 55 06; 22 6270, fax: /3732/ 23 7948); 70 €.

- National: 4 bd.Stefan cel mare (tel.:

/3732/ 54 03 05, fax: /3732/ 54 04 94); prix d'une nuitée: 45 €.Tous ces hôtels sont dans le centre; il en existe de nom-

breux autres, mais il est difficile d'en trouver à bon marché etau confort acceptable.

En province: il existe quelques hôtels dansles grandes villes, mais çà craint et il est préfé-rable de rentrer sur Chisinau, qui n'est jamaisloin, le soir. A la sortie de la capitale, sur lesgrandes routes, on trouve parfois un ou deuxmotels neufs.

Restaurants à Chisinau à recommander:- Curtea Vinatorului ("La cour du chasseur"

Str. Decebal 13 (tel: 784 440), restaurant typiquedans un jardin, cadre vert et agréable, fréquentépar la nomenklatura et les étrangers, orchestre etdanses tsiganes; cuisine appréciable. Compter 25€ pour deux, tout compris.

-Taifas, str. Bucuresti 67 (tel: 227 692 ou 693,site: www. la taifas.com); restaurant moldave roumaintypique, assez bien; compter 25-30 € pour deux.

- Symposium, 78 str. 31 august (tel: 211 318 ou 17, 794 10955); chic, en plein centre, très belle salle voûtée, terrasseombragée agréable et tranquille en été, cuisine soignée; comp-ter 25-30 € pour deux.

… et ne pas oublier "Délice d'ange", 117/2 str. 31 august(tel: 241 428), la merveilleuse pâtisserie française.

Un tourisme encore balbutiant… convoitée et déchiréePrix des hôtels élevé, chambres d'hôtes inexistantes, la vie des touristes

n'est pas facilitée. On peut imaginer que le secteur se développera… quand les autoritésle décideront et ouvriront vraiment leur pays. Mais, dans l'attente, il ne faut pas bouder

son plaisir : la Moldavie regorge de richesses à découvrir et à apprécier.

tus par les Turcs en 1711 à Stanilesti, surla rivière Prut, et Dimitrie Cantemir duts'exiler en Russie où, bien qu'intime dutsar et apparenté par son second mariageà la famille des princes Troubetzkoy,devenant lui-même prince russe et faitplus tard prince du Saint Empire germa-nique par l'empereur autrichien CharlesVI, il restera toujours un étranger. Sestentatives pour recouvrer le trône deMoldavie seront vaines.

Ecrivain, penseur, compositeur

En 1714, le prince fut élu membre del'Académie de Berlin, qui lui suggéra larédaction de sa Description antique etactuelle de l'Etat de Moldavie, premierouvrage critique sur l'histoire de sonpays, qu'il compléta en dressant égale-ment la première carte du pays.

Pour ses lecteurs occidentaux encore,il donna, en 1716, l'Histoire des accrois-sements et des amoindrissements del'empire ottoman, qui circula longtempssous forme de manuscrit dans toutel'Europe, et fut traduite et imprimée parles soins de son fils Antioche (ambassa-deur de Russie à Londres et Paris et écri-vain d'expression russe), en anglais(Londres, 1734, 1736), en français (Paris,

1743), en allemand (Hambourg, 1745).Outre de très divers travaux en latin,Cantemir écrivit aussi en turc, notam-ment un livre fondamental de musique,qui a permis de conserver le patrimoinemusical de l'époque en lui donnant uneforme écrite. Il composa par ailleurs lui-même différents morceaux de musiquemoyen-orientale.

Cantemir, laissa un ouvrage deréflexion : Le Divan, ou Causerie dusage avec le monde, ou Dispute del'âme avec le corps, qui fut le premierlivre publié en langue roumaine. Impriméà Iasi en 1698, en une édition bilingueroumaine et grecque, Le Divan fut aussitraduit en arabe. En 1705, il écrivit unroman animalier allégorique, Histoirehiéroglyphique, où, prince savant maismalchanceux en politique, il s'incarnesous la figure de la Licorne, animal decapture difficile, accumulant les vertus, àla corne dotée de pouvoirs miraculeux.

Sa fille, rivale amoureuse de Catherine 1ère de Russie

De 1717 à 1723, enfin, DimitrieCantemir rédigea en roumain Chroniquede l'antiquité des Romano-moldo-valaques, ouvrage polémique fondé sur

les mêmes sentiments que les écrits deMiron Costin ou de ConstantinCantacuzino, où il voit dans lesRoumains les héritiers de Rome.

Le prince moldave s'éteignit à l'âgede 50 ans, en 1723 à Kharkov, en Russie,loin de sa Moldavie natale qu'il désespé-rait de revoir. Il laissa derrière lui unedescendance nombreuse qui s'illustraégalement. Antioche (1708-1744), futprêtre et diplomate. Maria (1700-1754),séduisit Pierre le Grand, lequel s'apprêtaità répudier sa femme Catherine pour sesbeaux yeux, lorsqu'il mourut. La ven-geance de Catherine 1ère , devenue impé-ratrice, fut implacable… Maria terminases jours dans un couvent. Constantin(1703-1747) fut impliqué dans la conspi-ration du prince Galitzine contre l'impé-ratrice Anne et exilé en Sibérie.

La plus jeune fille de DimitrieCantemir, Smaragda (1720-1761),connue pour sa très grande beauté, épou-sa un prince russe et devint l'amie et laconfidente de l'impératrice Elizabeth.Aucun des enfants de Cantemir ne connutla terre de leur père et de leurs ancêtres. Ilfaudra attendre l'avènement d'un autrehéros de la Moldavie, Etienne le Grand,pour qu'elle soit rendue aux Moldaves etlibérée du joug des Turcs.

et écrivain de dimension européenne

“Haïducs (“Bandits au grand coeur”) de tous les pays, unissez-vous”... Clin d’oeil

d’un tableau dans un restaurant du centre de Chisinau.

La Baltica n°3, bière préférée des Russophones.

Page 11: L dans sa belle capitale, Chisinau, où modernisme et ... · désertifient à la vitesse du Sahel, les jeunes y ayant ... dans les villages où la vie semble échapper au ... Soroca

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A la découverte de la Moldavie

Un paradis de fruits et de fleurs

Cuisine: les Moldaves sont amateurs de porc, de poulet etde mamaliga (polenta ou semoule de maïs) qu'ils serventnotamment avec du poisson et du mujdei (assaisonnement àl'ail). Ils apprécientégalement les sarmale,appelés galuste, lesplacinte (galettes) aufromage, aux choux,aux pommes, auxcerises, et le poissonfumé (hareng, maque-reau) mais celui-cicoûte cher. Suivant lasaison, sont servis despoivrons, des tomatesfarcies, des melonsjaunes (zamos), despastèques (arbuz), dessalades d'aubergines (vinete), des haricots (fasole), desconcombres, radis… La Moldavie est connue pour être unparadis de fleurs champêtres et de fruits, pas chers du tout enoutre: cerises, fraises, framboises, pêches, coings, raisins,prunes, pommes, poires… il ne manque que des scoubidous !

Boissons: la Moldavie est le pays du vin, que l'on sert sur-tout au sud, la tsuica la remplace dans le nord; la bière estbonne, les plus répandues sont de fabrication russe, dont lafameuse "Baltica", au degré d'alcool augmentant avec lenuméro (se contenter de la n° 3, si on n'aime pas les excès).

Marchés: Ils sont pittoresques, vivants; ony trouve de tout. Ne pas manquer le marché cen-tral de Chisinau, près de Stefan Cel mare (entréeprincipale strada Armeneasca), ouvert de 6 h lematin à 16 h; on y vient de tout le pays. Compterdeux heures de visite et de nombreuses photos.

Pas de Noël et la Toussaint une semaine après Pâques

Fêtes: nostalgie du régime, les fêtes sovié-tiques (Révolution d'octobre, le 7 novembre, 1ermai, 9 mai ou fin de la Seconde guerre mondia-le) sont toujours célébrées avec défilé etmusiques militaires. La fête nationale est le 27août, commémorant la proclamation de l'indé-pendance, le 27 août 1991. Noël n'est pas chômé(on travaille les 25 et 26 décembre), comme chez les ortho-doxes russes; on le fête, simplement, le 7 janvier.

Par contre Pâques (orthodoxe) est un moment très fort,suivi, une semaine plus tard, des "Pâques des morts" qui est lafête religieuse la plus importante de l'année, correspondant à laToussaint des catholiques; les familles se retrouvent et seregroupent sur les tombes des disparus, le plus souvent dansles cimetières à la campagne. On dépose des œufs que le popevient bénir et qu'on récupère ensuite. La vie dans le pays

s'arrête pendant trois jours, du samedi au lundi, et tous lesmagasins sont fermés.

A noter aussi les jours des enfants, fêtés avec de lamusique et des fleurs, le 1er juin, quand les écoles fermentleurs portes, et le 1er septembre, pour la rentrée scolaire.

Fête du vin: elle n'existe que depuisquelques années et a pour objet de promou-voir ce fleuron de l'économie et de la traditionmoldave. Organisée à Chisinau sur unesemaine, tout début octobre, avec foire-expo-sition attirant de nombreux négociants étran-gers, elle culmine pendant le week-end avecle défilé dans le centre de la capitale des charsdes villages viticoles qui font la publicité deleurs crûs, accompagnés de groupes folklo-riques, costumés, de fanfares et orchestres.Exceptionnellement, les étrangers sont dis-pensés de visa à cette occasion.

Adresses :Ambassades de Moldavie en France: 1

rue de Sfax, 75 116 Paris; tel: 01 40 67 11 20, 11 11, 11 23, 7133, 79 17, e-mail: [email protected]

- en Belgique: 175 avenue Emile-Max, B 1040 Bruxelles;tel: 02 732 96 60

Pas d'ambassade en Suisse.- en Roumanie (consulat général): 762 432 Bd. Eroilor n°

8, Sector 5; tel: (0040-21) 410 98 27Fax: (0040-21) 410 98 26Ambassade de France en République de Moldavie:

101-a, Rue du 31 August - MD-2012, Chisinau; tel: + 373 (2)23.70.17 Fax: + 373(2) 22.82.24; e-mail:[email protected],amb- f r@cni .md;site: www.amba-france.md

Pas d'ambassa-de de Suisse et deBelgique.

Air Moldova:Personne à contac-ter: Olga Socolova,représentante decette compagnieaérienne à Paris (tel:01 40 53 83 55, 0609 39 91 31, e-mail:

[email protected]).MoldovaTur : Il n'existe pas d'agence française de voya-

ge qui travaille avec la République de Moldavie. En ce quiconcerne les agences moldaves, les touristes peuvent s'adres-ser à "MoldovaTur" qui organise des excursions pour les étran-gers qui se rendent en Moldavie.

Adresse: 4 bd Stefan cel Mare 2001,Chisinau, Républiquede Moldavie; tel: (37322) 54 03 01, fax: (3732) 27 25 86; e-mail: [email protected]; site Internet: www.ipm.md/mtur

Les NOUVeLLes de ROUMANIe

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faute d'être encouragé

Les origines latines de la Moldavie datent de lapériode où les Romains conquirent le royaume peu-plé par les Daces, qui s'étendait sur une zone cor-

respondant à peu prés à la Roumanie, la Bulgarie, et la Serbieactuelles. De 105 à 270, la population se forma avec une cul-ture latine, mélange des colons romains et de la populationlocale. Après que l'empire romain et son influence se soientaffaiblis, les troupes romaines quittant la région vers 271,différents peuples ont traversé le secteur, souvent violemment:Huns, Ostrogoths, et Avars. Les Bulgares, les Magyars, lesPetchénègues, et les Mongols ont également contrôlé la régiontemporairement. Entre les Xème et XIIIème siècles, les princi-pautés de Valachie et de Moldavie commencèrent à se former.La région est alors sous la souveraineté hongroise jusqu'à cequ'une principauté de Moldavie indépendante ait été établiepar le prince Bogdan en 1359 (buste ci-contre), s'étendant du

versant oriental des Carpates au Dniestr (Nistru).Les puissants voisins, hongrois et surtout polonais, dont la

suzeraineté était reconnue par les princes moldaves auxXIVème et XVème siècles, se livrèrent à une intense lutte d'in-fluence. Pendant la deuxième moitié du quinzième siècle,toute l'Europe du sud-est sera soumise à la pression croissantede l'empire Ottoman, et en dépit des victoires militaires signi-ficatives obtenue par Etienne le Grand (Stefan cel Mare,1457-1504), la Moldavie succombera à la puissance Ottomaneen 1512, restant sous domination des Turcs pendant les 300années à venir.

Ballottée entre Turquie, Russie et Roumanie

En 1792, le traité signé à Iasi força l'empire Ottoman àcéder ses possessions, dont celle qui représente maintenant la

Une BessarabieMélange de colons romains et de population locale, les Moldaves n'ont obtenu leur indépendance qu'en 1991. Leur histoire a été marquée par les occupations,

déportations, et les séparations avec la Moldavie d'Etienne le Grand. L'Europe permettra-t-elle un jour à ce petit pays de trouver enfin sa vraie place ?

Prince de Moldavie, au règneéphémère qui dura deux ans,Dimitrie Cantemir (1673-

1723) n'en est pas moins considérécomme une des grandes figures de l'his-toire de la Roumanie, car il en fut le pre-mier véritable écrivain et penseur et, toutcomme Etienne le Grand, il est égalementrevendiqué par la République Moldavequi considère que par ses origines, ilappartient au patrimoine de ce pays.

Fils du voïvode Constantin Cantemiret d'Ana Bantos, une noble dont on van-tait la personnalité lumineuse, DimitrieCantemir est né à Silisteni. D'abord élevéà Iasi par Jérémie Cacavelas, théologienpolyglotte qui avait étudié à Vienne et àLeipzig, lui apprit le grec et lui donna unegrande connaissance des culturesantiques, il fut envoyé à Constantinoplepar son père, à l'âge de 15 ans, pour rem-placer son frère, Antioche, "otage"auprès de "la Sublime Porte" afin degarantir la fidélité de la Moldavie à sessuzerains ottomans.

Le jeune homme y passa vingt deux

ans, avec des interruptions, goûtant à lavie de la société du Moyen-Orient, fré-

quentant les milieux cosmopolites desambassadeurs occidentaux, la sociétégrecque du Phanar et le monde savant del'Académie grecque qui évoluait autourdu Patriarcat orthodoxe. Il maniera ainsi

avec aisance, outre le roumain, le grec etle latin, le turc, l'arabe, le persan et, plustard, le russe… au total onze langues.

Réfugié auprès de Pierre Le Grand après avoir étéchassé par les Turcs

En épousant Cassandre, fille du prin-ce valaque Serban Cantacuzino,Cantemir entra dans la branche de lafamille hostile au prince régnantConstantin Brancoveanu. A la mort deson père, en 1693, il fut élu voïvode deMoldavie, mais les Ottomans s'opposè-rent à cette décision et c'est Antioche quimonta sur le trône. Ce ne fut que partieremise, car il prit la succession de sonfrère, devenant prince régnant deMoldavie pour deux ans, en 1710.

Cantemir commit en effet l'erreur des'allier secrètement, puis ouvertement àPierre le Grand contre la Sublime Porte,espérant obtenir la libération de laMoldavie. Les Russes, renforcés parquatre mille soldats moldaves furent bat-

Dimitrie Cantemir, prince malheureux Otage de "la Sublime Porte", voïvode éphémère de Moldavie, ami du Tsar de Russie, passant sa vie en exil, Dimitrie Cantemir fut un piètre souverain mais un remarquable

homme de culture. Polyglotte, il parlait onze langues dont le grec, le turc, l'arabe et le persan. La Roumanie lui doit le premier livre écrit en langue roumaine.

La religion est très présente en Moldavie. Ici, au monastèrede Saharna, des femmes écrivent les recommandations

aux prêtres et moines pour qu’ils citent dans leurs prières lesproches dans la peine, au cours des messes dites en public.

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A la découverte de la Moldavie

Sergueï, lui, sait les réalités de cette vie. Dans un mélangede roumain et d'anglais, ce père de famille nous conte sa situa-tion: à 35 ans, vétérinaire le jour, il cumule cette activité avecun emploi de veilleur de nuit dans le parking de notre hôtel.

En dépit de cette double vie,c'est tout juste s'il parvient péni-blement à réunir 60 euros parmois. Il y ajoute donc un petittrafic de vin et, à l'occasion,peut, nous souffle-t-il discrète-ment, nous trouver une fille à 15euros la nuit.

Coupures de courant et sanctions économiques

Depuis l'épisode des écolesmoldaves, les relations avecChisinau sont tendues. Tiraspola coupé l'alimentation électriquede plusieurs villages moldavessitués sur la rive gauche duDniestr.

En réponse, la Moldavie amis en place des sanctions éco-nomiques à l'encontre de la pro-vince rebelle, en attendant la réouverture des écoles moldaves.En fait, il s'agit d'un véritable blocus économique qui pousse

le commerce transnistrien vers la Russie. Quant à laRoumanie, elle a suspendu ses relations commerciales avec legouvernement de Transnistrie et augmenté son aide écono-mique à la Moldavie.

Pour l'heure, les négocia-tions semblent dans l'impasse.A la fin de janvier 2005, lesautorités moldaves ont mêmeinterdit aux ambassadeurs russeet ukrainien de se rendre àTiraspol pour la poursuite desnégociations de la Commissionà cinq (Moldavie, Transnistrie +les trois médiateurs que sontl'OSCE, la Russie et l'Ukraine).Face à cette attitude, IgorSmirnov a brandi la menaced'une rupture définitive.

Au rez-de-chaussée de l'hô-tel, l'unique employée d'unsalon de mariage nous présentefièrement ses modèles. Svetlanase moque de ces débats poli-tique. A 28 ans, elle ne rêve quede quitter son travail pour Pariset la France. Si seulement, elle

pouvait trouver place dans le cœur d'un Français…Fabrice Dubesset

Les NOUVeLLes de ROUMANIe

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A la découverte de la MoldavieLes NOUVeLLes de ROUMANIe

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Une population aux deux tiers

La République de Moldavie (ou Moldova) est unpetit état de 33 700 km² situé au sud-est del'Europe. Elle est enclavée, à l'est et au sud par

l'Ukraine, et à l'ouest par la Roumanie. Le fleuve Prout séparela Moldavie (à l'est) de la Roumanie (àl'ouest). La partie orientale de la Moldaviecomprend une petite bande, la Transnistrie,qui a fait sécession en 1992 et est situéeentre le Nistru (nom du Dniestr en russe) etla frontière ukrainienne. L'accès à la merNoire se fait par un débouché de moins d'unkilomètre sur le Bas-Danube.

Avec 128 habitants au km², la Moldaviepossède la plus forte densité de populationde toutes les anciennes républiques de l'ex-URSS. Malgré l'immigration russophoneayant alimenté sous le communisme l'indus-trie nationale en ressources humaines, le pays est relativementpeu urbanisé, puisqu'à peine le moitié environ de la populationvit en zone urbaine. Il faut souligner qu' un million deMoldaves, soit près d'un quart de la population, sont partiss'installer à l'étranger depuis 1991.

La capitale est Chisinau (appelée en russe Kichinev) ; c'estaussi la ville principale du pays. Les autres villes importantessont Tiraspol (184 000 habitants), Tighina, appelé aussiBender (162 000 habitants) et Balti.

La Moldavie est divisée en plusieursunités administratives, dont deux régionsautonomes (Gagaouzie et Transnistrie), dixjudete (ou "comtés") et une municipalité àstatut spécial (Chisinau Oras). Les judetulesont les suivants: Balti, Cahul, Chisinau,Dubasari, Edinet, Lapusna, Orhei, Soroca,Tighina et Ungheni.

La population a une grande diversité eth-nique, linguistique et culturelle (65 % deRoumains, 27 % de Russes et d'Ukrainiens, 8% de minorités: Gagaouzes, 3,5 %, Bulgares,2 %, Juifs, 1,5 %, Allemands), due tout autant

au brassage de cultures qu'aux grandes vagues migratoiresorganisées sous Staline. Le groupe majoritaire parle le rou-main et est à une très grande majorité de religion orthodoxerusse. Pour des raisons politiques, la langue moldave a été pré-sentée comme une langue distincte du roumain.

Exemple : un chauffeur de taxi arrêtésur une route déserte par un policier seulen faction, pour un excès de vitesse quin'existait pas, et visiblement désireux dese faire un peu d'argent. Le "contreve-nant", sortant ses papiers, exhibe égale-ment une carte d'invalidité, et indiquequ'il est un vétéran de guerre, blessé àCuba, ce qui est aussi faux que l'infrac-

tion reprochée. Le policier se met immé-diatement au garde à vous… le laissant

partir. Dans l'ex-URSS, on ne plaisantepas avec les héros du socialisme !

Facile depuis Chisinau

Visiter Tiraspol etThigana se fait dans lajournée, si on part de bonneheure. On peut s'y rendre

depuis la gareroutière deChisinau pardes cars trèsconfortables(trajet d'uneheure, coûtun euro) oudes maxi-taxis. Les départs sont fré-quents; attention, le retourdu dernier car se fait à 17heures. Sur place, il nefaut pas oublier de chan-ger, la monnaie étant le

rouble transnistrien (reconnu uniquementsur place) et l'on vous en donne dix pour

un euro. Ces billets exotiques serontsans-doute le souvenir le plus originalque vous pourrez rapporter et ravira vosamis collectionneurs.

Dans la capitale, le mieux est delouer les services d'un taxi, si possibleparlant roumain qui vous fera faire le tourde la ville en une heure ou deux (compter5 € de l'heure). Ensuite vous pourrezvous balader tranquillement, humant l'at-mosphère de l'époque soviétique… ce quine s'oublie pas.

Vladimir Voronine, président de la République de Moldavie.

Après le plongeon des année90, la croissance a reprisvigoureusement à partir de

2000, mais est dépendante de labonne santé de la Russie.L'absence de connaissance de l'é-conomie de marché freineconsidérablement le développe-ment ainsi que l'agriculture,archaïque, faiblement compétiti-ve et encore collectivisée.

D'un point de vue écono-mique, la transition des années1990 a été marquée par une suc-cession d'échecs de réformesmenées par des décideurs poli-tiques corrompus et incompé-tents, conduisant la Républiquede Moldavie à un des plus basniveaux de développement en Europe, cequi se traduit au plan social par des reve-nus extrêmement faibles (salaire moyennet de l'ordre de 60 €) et une véritablehémorragie par une émigration qui repré-sente un quart de la population.

La situation économique s'estaggravée notamment à la suite du conflitde Transnistrie, région sécessionniste quiconcentre la plus grande partie des res-sources industrielles du pays.

Contraints par les institutions inter-nationales, les récents gouvernements ontmis en place une politique monétaire et

fiscale plus stricte. L'inflation est désor-mais sous contrôle et la valeur du leu,devise moldave depuis 1993, s'est stabi-lisée. Le solde public reste toutefois défi-citaire, tant la collecte fiscale et les priva-tisations sont limitées. Le pays parvenantpour l'instant difficilement à exporter, labalance commerciale enregistre un déficitstructurel croissant.

Entamant un rattrapage après le plon-geon des années 1990 - Produit national

brut en chute de 15 % - la croissance éco-nomique de la Moldavie est vigoureusedepuis l'année 2000.

Elle profite de la bonne santédu premier partenaire du pays, laRussie, mais également d'unaccroissement de la consomma-tion des ménages, rendu possiblenotamment grâce aux revenus dela diaspora. Compte tenu de l'im-portance du secteur agricole, lesperformances macro-écono-miques du pays sont dépendantesdu niveau mondial des prix ali-mentaires et des conditions cli-matiques nationales.

Le secteur privé contribue à 75 % du PIB

Le secteur agricole moldave emploiela majorité de la population et contribue àhauteur du quart du PIB national. Lesexportations du domaine agro-alimentai-re comptent pour plus du tiers des expor-tations totales du pays. Le pays comptepeu de spécialisations industrielles, etcelles-ci concernent généralement dessecteurs à faible valeur ajoutée, du fait del'insuffisance de l'investissement privé.

Transition désastreuse

journée qui ne s'oublie pas

Près du marché central de Chisinau, des femmes patiententdes heures, espérant vendre les tricots de leur confection.

Otage de la Russie soviétique, de ses mafias, d’une nomenklatura séparatiste et affairiste,

la population s’efforce de croire en une vie normale, alors que nombre de ses enfants prennent le chemin de l’exil.

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Le secteur industriel de la Moldavie,représenté par l'industrie mécanique, l'in-dustrie des matériaux de construction etl'industrie agroalimentaire, s'est effondréà la suite de l'implosion de l'URSS.Seules quelques centaines d'entreprisessont encore actives, mais toutes sontconfrontées à des difficultés plus oumoins sérieuses. Une partie importanted'entre elles sont situées en Transnistrie.Le secteur de l'énergie est privatisé.

L'industrie légère est plus diversifiéeet plus productive, grâce notamment auxinvestissements étrangers. Se distinguentles activités textiles et la production debois et de meubles.

Le secteur bancaire et financierconstitue une des rares satisfactions desréformes économiques. La Moldavie dis-pose d'une banque centrale indépendanteet de banques commerciales, principale-ment détenues par des capitaux étrangers.Le pays a également mis en place un mar-ché des obligations publiques et un mar-ché des changes.

Sous le communisme, la Moldavie sedistinguait dans la maîtrise des technolo-gies militaires et aérospatiales avancées.L'entreprise moldave contemporaine secaractérise par un manque de connaissan-

ce de l'économie de marché, une absencede stratégie de marketing, un environne-ment réglementaire contraignant et desdébouchés limités.

Les tentatives de réformes écono-miques des années 1990 et 2000 ont tou-tefois légèrement amélioré l'efficacité etla réactivité des entreprises anciennes,mais ce sont les jeunes entreprises quisont les plus prometteuses. Le secteurprivé contribuait en mars 2005 à environ75 % du PIB national.

L'agriculture emploie la moitié de la population active

Le secteur de l'agriculture contribueà moins du quart du PIB de la Moldavie,mais il emploie environ la moitié de lapopulation active. Archaïque et donc fai-blement compétitive, l'agriculture molda-ve est spécialisée dans la culture decéréales, de betteraves, de tournesol et detabac, ainsi que dans les vignes et les ver-gers. Seule la production de pomme deterres dépend exclusivement du secteurprivé, les autres productions agricolesétant le plus souvent réalisées par desexploitations collectives. La réformeagraire a commencé en août 1997, avec

une loi autorisant la vente des terres agri-coles. La grande majorité des terres sonttoutefois encore occupées par des exploi-tations collectives.

L'agriculture moldave bénéficie d'unclimat favorable au développement descultures. De plus, le pays dispose deréserves d'eau abondantes et les troisquarts de la superficie nationale sont desterres cultivables et pour la plupart trèsfertiles. L'agriculture moldave a fait sespreuves dans des domaines tels que laculture du tabac, des fruits ou deslégumes, la viticulture et la fabrication devin. Elle est par ailleurs soutenue par desinstituts de recherche scientifique ayantla compétence nécessaire au bon déve-loppement de l'agriculture.

Traditionnellement tournée vers lesmarchés de l'URSS, l'agriculture moldavea souffert de l'éclatement de cette derniè-re. Ce secteur manque par ailleurs d'équi-pements et de technologies, ce qui freinesa modernisation. Tirée par le tabac, levin et la viande, l'industrie agro-alimen-taire est toutefois en progression. LaMoldavie exporte les deux tiers de sa pro-duction, essentiellement vers les pays dela CEI, mais également de manière crois-sante vers les marchés occidentaux.

A la découverte de la Moldavie

Les minorités les plus importantes du pays sont lesUkrainiens (13,8 %) et les Russes (13 %). Ces deux commu-nautés linguistiques sont puissantes, d'une part, parce qu'ellessont solidaires et forment une coali-tion de 26,8 %, d'autre part, parcequ'elles constituent une classesociale privilégiée, économique-ment plus riche et omniprésentedans les grandes villes et surtoutdans la capitale.

A savoir

La République de Moldavie (enmoldave "Moldova"), anciennementRépublique Soviétique Socialiste deMoldavie, a pris son indépendance le 27 août 1991.

Chef de l'État: Vladimir VoronineChef du gouvernement : Vasile TarlevCapitale: Chisinau (700 000 habitants)Superficie: 33.845 km² Population: 4 320 000 habitants (dont un million sont

partis à l'étranger), 2 millions dans les villes, 2,3 millions à lacampagne

Fuseau horaire : GMT + 2 heures, Paris + 1 heure (mêmedécalage qu'en Roumanie)

Langue officielle: le moldave(...qui est en fait le roumain) et lerusse. La langue russe est large-ment utilisée, car la plupart desentreprises ont des investisseursrusses. La plupart des journaux etdes chaînes de télévision sont dif-fusés en Russe.

Religion: orthodoxe, minoritéde catholiques

Monnaie: leu moldaveFrontières terrestres: 1389

km dont 450 km avec la Roumanie et 939 km avec l'UkraineRivières: Dniestr ou Nistru 1352 km (657 km en

Moldavie), Prut 989 km (695 km)Point le plus haut: colline Balanesti (430 m)Températures moyennes en janvier: nord -5°C, sud -3°CTempératures moyennes en juillet : nord 19°C, sud 22°C

Les NOUVeLLes de ROUMANIe

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A la découverte de la MoldavieLes NOUVeLLes de ROUMANIe

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roumaine… mais un million d'absents

et économie sinistrée

Paranoïa et méfiance

La paranoïa et la méfiance sont aussi bien réelles. Ainsi,dés notre arrivée à Tiraspol, nous cherchons un des trois hôtelsde la ville. La nuit tombe et à la réception de l'hôtel Droujba(Amitié), l'employée nous faitcomprendre que pour nous enre-gistrer, un document du commis-sariat de police est nécessaire.Niet, pas de papier, pas dechambre! Dépités, nous finissons,après moults palabres à travers lafenêtre d'un immeuble sordide, ànous procurer la précieuse décla-ration contre quelques roubles. Lapaperasse n'est pas finie puisque,le lendemain, nous devons nousrendre dans un autre bureau de laville. La bonne vieille bureaucra-tie soviétique a ici devant elle debeaux jours!

...et une économie sinistrée et corrompue

Si la Transnistrie représentait 40% du potentiel industrielde l'ancienne République Socialiste Soviétique de Moldavie,l'économie n'en est pas moins sinistrée. "Beaucoup ici nerêvent que de partir en Occident, et un grand nombre l'a déjà

fait", nous explique Natacha, une jeune allemande d'originerusse, née à Tiraspol. Chaque été, celle-ci revient dans cetteville "agréable", à condition de ne pas y habiter précise-t-elle.Avec ses 200.000 habitants, Tiraspol ressemble à une tran-quille ville de province. Cependant, les façades du régime ne

sauraient cacher la réalité d'unedes économies les plus sinistréesdu continent. Le salaire moyenaffiché ici n'est que de 50 eurospar mois.

Toute l'économie de la répu-blique autoproclamée est en faitdirigée par une seule firme,Shériff, dont le fils du présidentSmirnov est l'un des principauxdirigeants. Celui-ci contrôle éga-lement les douanes. Stations d'es-sence, cigarettes, alcools, télépho-nie, supermarchés… le nom deShériff apparaît partout.

Ainsi, radio Shériff diffuse les matchs de l'équipe de footde la ville, qui bénéficie d'un stade flambant neuf, doté deséquipements les plus modernes et destiné à recevoir deséquipes étrangères contre la sélection nationale, malgré l'inter-diction de la fédération Internationale, afin de donner un sem-blant de légitimité au pays. Corruption et trafics sont monnaiecourante. Un fait étonnant: la Transnistrie exporte plus d'armeslégères que la Chine!

Visiter la Transnistrie: une

Se rendre en Transnistrie n'arien d'exceptionnel, contraire-ment à ce que rapportent les

récits de certains "reporters de guerre"racontant leurs exploits etqui font se plier de rire lesdiplomates occidentaux enposte à Chisinau. Bien sûr,une visite sera plus mouve-mentée si la période est ten-due. Il faut toutefois prendreconscience qu'il s'agit d'unezone de non-droit où, s'ilarrive quelque chose, on nedispose d'aucun recours, lesambassades y ayant très peude moyens d'agir.

Entre dernier barragemoldave, celui de la forced'interposition russe, puisdes forces transnistriennes,le passage de la frontière ne réclame pasplus d'un quart d'heure. Le temps d'obser-ver les deux ou trois tanks à demi camou-flés rangés sur les bas-côtés du "no man'sland" et que l'on prend davantage pour

des pièces de musée. Seul le passeport avec le visa molda-

ve est nécessaire. Les militaires le regar-dent à peine, sauf à certains endroits où

ils voient très peu d'étrangers passer, s'ag-glutinant alors pour l'examiner aveccuriosité. Une taxe d'entrée de 6-7 leimoldaves (18 lei = un euro) par personneest demandée pour la journée, un peu plus

si vous venez avec votre voiture. Si onsouhaite séjourner plus longtemps, il fau-dra remplir une fiche, ce qui prend cinqminutes, la seule difficulté étant qu'elle

est en russe. Il ne faudrasurtout pas se démunir dutalon qui vous sera remiscar il est la preuve quevous êtes entré légalementet sa perte peut vous valoirdes ennuis à la sortie.

En général, on nedemande pas de bakchich,du moins si vous êtesaccompagné par unMoldave qui remplit lesformalités pour vous.D'ailleurs, après l'expé-rience de cinq-six pas-sages en Transnistrie, il estdifficile d'affirmer que

cette pratique se transforme en racket.Bien sûr, quelques billets peuvent arran-ger certaines situations. Mais la popula-tion se débrouille avec ses "ficelles" quilaissent éberlué l'étranger.

Aux portes de la république sécessionniste, tout comme au coeur de Tiraspol,des symboles militaires qui ne trompent pas sur la nature du régime.

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A la découverte de la Moldavie

Discrètement, le président Poutine souhaiterait faire decette région une enclave russe, une sorte de secondKaliningrad. De cette façon, la Russie entend toujours jouer unrôle stratégique dans cette région-clef, en maintenant une pré-sence militaire dans le dos de l'Ukraine.

Certaines têtes pensantes du Kremlin ont peur d'un retraitrusse de cette région qui provoquerait un effet "boule deneige" négatif pour les intérêts russes en Crimée et dans leCaucase. Quant aux russophones de Transnistrie, ils ne veulentà aucun prix d'une intégration dans une grande Roumanie, unrisque jugé réel si Tiraspol revenait dans le giron moldave.

Alpahabet latin et langue roumaine proscrits

En 1990, sur les 750.000 habitants de la province, les deuxtiers étaient russophones, Russes ou Ukrainiens. Le derniertiers était composé de Moldaves, Roumains d'origine et rou-manophones. Depuis, le pays est en voie de russificationtrès avancée. IgorSmirnov, investi detous les pouvoirs,ne rencontre aucuneopposition sérieuseni même structurée.Le "duc", commel'appellent les rus-sophones, a en faitdéveloppé un natio-nalisme anti-molda-ve. En effet, le régi-me mène la vie dureaux Moldaves.

La discrimina-tion règne dans l'ad-ministration, les services, la culture et l'éducation. L'alphabetlatin et la langue roumaine sont interdits. Les quelquesMoldaves rencontrés dans la rue n'osent même pas nousrépondre en roumain.

En juillet 2004, huit écoles publiques dont l'en-seignement se faisait en langue roumaine et qui utili-saient l'alphabet latin ont été fermées, à l'issue d'unassaut donné par la milice, malgré la présence desenseignants et des parents d'élèves, pourtant biendécidés à les défendre. Des opposants ont été jetés enprison pour quelques jours.

L'intervention de l'OSCE a permis d'éviter leconflit plus violent qui se profilait. Quant au Conseilde l'Europe, inquiet, il a envoyé par la suite une délé-gation de diplomates. Il convient de se rappeler quec'est bien une question linguistique qui entraîna larupture avec Chisinau: au lendemain de l'indépen-dance de la Moldavie en 1991, la langue russe futinterdite et l'alphabet latin rétabli sur tout le territoire de laMoldavie. Les russophones en ont développé la crainte d'uneunion avec la Roumanie, union qu'ils ne voulaient à aucunprix. La voie de l'indépendance fut alors choisie.

Depuis, la Transnistrie, zone de non-droit à seulementtrois heures de vol de Paris, viole les droits de l'homme et ceuxdes minorités. "Ici? mais nous sommes en Moldavie!" Sur cepetit marché, cette énergiquecommerçante moldave nousassène ce qui est pour elle uneévidence. Cependant, la minoritémoldave se fait discrète, à l'ima-ge de cette communauté molda-ve rencontrée dans une égliseorthodoxe, non loin de Tiraspol.Dans ce village moldave, desfidèles se sont rassemblés pourla célébration d'un baptême. Al'abri dans une sorte de cave, leprêtre demande alors à l'assem-blée si tout le monde comprendle roumain. En catimini, la célé-

bration continue sur la présentation des saintesicônes.

Un Lénine de 25 mètres de haut veille sur la capitale

La première chose qui frappe, dés l'entrée àTiraspol, est le sentiment anachronique d'être deretour dans une république soviétique. Devant lePalais présidentiel, un Lénine de 25 mètres de hautgarde l'entrée. Sur une des places de la ville, lesportraits des héros soviétiques de la DeuxièmeGuerre mondiale fixent les passants. Le régime uti-lise savamment cette référence au passé glorieuxdont il se réclame. Igor Smirnov lui-même arboreun visage léninien.

L'actuelle Transnistrie fut créée en 1924 sous le nom deRépublique Autonome Socialiste Soviétique de Moldavie(RASSM) rattachée à l'Ukraine. Le reste de la Moldavie devint

la RépubliqueSocialiste Sovié-tique de Moldavie(RSSM). En 1944,la RASSM futrattachée à cettedernière.

Devant la néo-classique Maisondes Soviets, un desprincipaux bâti-ments officiels, unbuste de Lénine

cette fois fixe lespassants. Bizarre…

il côtoie… celui de Mickey, ornant l'entrée d'un magasin dejouets. Faucille, marteau, gerbe de blé et grappes de raisin, lessymboles de l'ancienne RSSM sont ici légion. Le lien est clai-rement affirmé et Lénine n'est pas prêt d'être déboulonné!

Les NOUVeLLes de ROUMANIe

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A la découverte de la MoldavieLes NOUVeLLes de ROUMANIe

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Des clés pour

Formalités: passeport nécessaire, valable encore sixmois + visa. Attention, la carte d’identité ne suffitpas, contrairement à la Roumanie.

Visa obligatoire : délivrer en général pour un mois, pré-ciser le nombre d'entrées que l'on veut (par exemple si on faitun crochet pour aller en Ukraine).

- le demander par courrier auprès des ambassades de laMoldavie qui envoient un formulaire à remplir, à retourner enrecommandé avec le passeport, une photo d'identité et unchèque d'environ 45 €; retour en moins d'une semaine.

Autres solutions, mais elles pourraient être suppriméesprochainement, du moins pour la délivrance à la frontière, saufpour les pays qui n'ont pas d'ambassade de Moldavie sur leurterritoire (la Suisse par exemple) :

- l'obtenir lors de votre passage àBucarest ; même procédure. Se pré-senter avec les pièces nécessaires(voir ci-dessus) au consulat généralde Moldavie, le matin de 9 h à 11 h(une demi-heure d'attente), puis allerle payer en euros dans une banque ducentre de Bucarest qui délivre unreçu, et le retirer l'après-midi mêmeentre 15 et 17 h.

- délivré à l'entrée: immédiat à lafrontière aérienne ou terrestre (uni-quement les postes frontières avec la Roumanie de Leuseni,Sculeni et Cahul qui possèdent un service consulaire); mêmesconditions, un quart d'heure d'attente, prévoir des euros.

Enregistrement: survivance du communisme, les étran-gers sont tenus de se faire enregistrer auprès de l'administra-tion s'ils résident chez des particuliers ou dans des petits hôtelsdans les trois jours suivant leur arrivée. Il faut compter une àdeux heures pour la démarche, pas inintéressante car elle per-met de découvrir le fonctionnement de la bureaucratie à lasoviétique, ses fonctionnaires mal aimables et ses queues. Onpeut aussi décider de s'en passer, ne serait-ce que pour rendrecaduc ce système policier. Les clients des grands hôtels sontdispensés de cette démarche, étant "fliqués" par les fichesqu'ils doivent remplir.

Frontières: pas de problèmes particuliers, passage immé-diat pour les frontières aériennes.

Frontières terrestres: compter environ trois quarts d'heure.Plusieurs démarches à effectuer: payer la taxe pour les voi-tures, payer la taxe écologique, au total environ 10 € en leimoldaves qu'il faut changer à la banque du poste frontière.

On commence à sentir la pesanteur administrative, maisles agents sont courtois, plus sympathiques à la frontièreAlbita-Leusani (en provenance de Husi), qu'à celles du nord(Sculeni, Lipscani), en provenance de Iasi et Botosani, où se

ressentent le formalisme et la raideur russes.Héritage du communisme entre "pays frères", Roumanie

et Moldavie ne comptent que 3 frontières routières et 2 ferro-viaires … à comparer avec les centaine qui existent entre laFrance et la Belgique ou la Suisse.

Paris - Chisinau par Amsterdam ou Francfort

Accès: La Moldavie est un pays enclavé, n'ayant aucunefrontière maritime, enfermé entre l'Ukraine et la Roumanie,avec lesquelles elle a de rares frontières terrestres et ferro-viaires (3 routières et 2 ferroviaires avec la Roumanie, 11 et 7pour l'Ukraine qui l'entoure sur plus de 1500 km).

Avion: L'accès le plus pratiquese fait par avion, mais seulementquelques lignes desservent la capitaleChisinau: Amsterdam, Francfort,Vienne, Budapest, Prague, Moscou,Istanbul, Athènes, Larnaka (Chypre).Ces vols, en liaison directe, sontassurés par la compagnie nationaleAir Moldova et Moldovean Airlinespour Budapest. La desserte directedepuis Paris est supprimée depuisjanvier 2005 et remplacée par un pré-acheminement par Amsterdam

(KLM, 3 fois par semaine) et Francfort (Lufthansa, tous lesjours sauf le dimanche), pour des vols d'une durée de troisheures. Le tarif le plus intéressant aller-retour depuis Paris,valable au maximum un mois, était d'environ 450 €, pré-ache-minement et taxes d'aéroport incluses, avant l'envolée descours du pétrole.

La liaison Bucarest-Chisinau est une option très intéres-sante, évitant temps perdu et fatigue du train si on se trouve enRoumanie. Assurée quasiment quotidiennement et alternative-ment par Tarom et Air-Moldova, en une heure, il en coûteenviron 100-120 € l'aller, aux meilleurs tarifs.

Train: pénible car très long (12 heures pour 600 km) audépart de la gare du Nord de Bucarest. Un train par jour, départle soir à 21 h, arrivée le lendemain matin à Chisinau à 9 h. Levoyage aller en classe unique et couchette coûte 30 €. A par-tir de 3 heures du matin et l'approche de la frontière, on ne peutplus dormir car on est réveillé sans arrêt par les douaniers. Auretour, le trajet est moins fatiguant; le départ de Chisinau étantà 17 h, les frontières sont passées entre 21 h et 23 h; ensuite onpeut se reposer jusqu'à l'arrivée à Bucarest, à 5 h 30.

Bus: il existe une ligne directe Chisinau-Paris parEurolines (départ de la gare routière centrale); compter 50heures de trajet et 200 € l'aller (160 € pour les moins de 26ans et plus de 60 ans).

La Moldavie, petit pays enclavé, sans façade maritime, entouré par deux grands voisins, la Roumanie et l'Ukraine, possède peu de portes d'entrée. S’y rendre se mérite

et ce voyage peut se révéler parfois déroutant pour le visiteur occidental, mais il ne présente aucun risque particulier. On se déplace en toute sécurité, contrairement

à ce que laissent à penser certains clichés inhérents à cette partie de l'Europe.

des années 2000

Igor Nicolaievitch Smirnov,“maître” de la Transnistrie.

Visite obligatoire aux monuments patriotiques pour ces enfants rieurs, malgré tout.

Les portraits des “camarades” méritants, affublés de leursrangées de médailles sont exposés dans les rues.

La gare disparue de Chisinau, à l’époque où laMoldavie était entièrement roumaine.

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A la découverte de la Moldavie

Maxi-taxis: le moyen de transport le plus commode et leplus utilisé par les Moldaves. Pas très confortables, car on y estserré, ils emmènent une quinzaine de personnes en 8-9 heuresvers Bucarest (coût: environ 20 €, l'aller) ou en trois heuresvers Iasi, où l'on peut prendre des trains plus agréables vers lacapitale roumaine (20 €, Inter-city en première classe).

Les départs de Chisinau se font Gare du sud ou Gare cen-trale, plutôt le soir. De Bucarest, strada Iorga et Premier mai,près des ambassades du Canada et d'Italie.

Des autocars, beaucoup plus confortables, assurent lamême liaison pour le même prix. Veiller à ce qu'ils soient desMercedes ou d'une marque européenne et non russe.

Autre possibilité, les voitures particulières qui proposentd'emmener 3 à 4 personnes pour 17-20 € chacune. Les départsse font aux mêmes endroits, entre 11 h et 15 h, pour arriver lesoir.

Attention, la carte verte ne marche pas toujours

Routes: plutôt meilleures qu'en Roumanie, notammentles grandes routes, larges et qui ont de grandes lignes droitesinclinant à la vitesse; vitesse limitée à 90 km/h et 50 km/h dansles communes; pas d'autoroutes.

Assurance: bien lire sa carte verte ; écrit en petit, dans lebas du document, on découvre parfois qu'elle exclut laMoldavie et l'Inde des garanties (cela dépend des compa-gnies). Pourtant les routes moldaves sont plus sûres que lesroumaines ou que les autoroutes allemandes, mais le problèmeest celui de la Transnistrie, province sécessionniste où le droitinternational n'est pas reconnu ! Renseigner -vous avant votredépart, mais mieux vaut le savoir que risquer un pépin auxconséquences effroyables, d'autant plus qu'à l'entrée du pays,les policiers ne vous préviennent pas que vous n'êtes plusassuré. Dans ce cas, il faut prendre impérativement une assu-rance aux postes frontières, avant de continuer sa route, auprèsdes guérites d'assureurs, notamment l'agence d'Etat Moldasig.Elle est délivrée sur place, offre les mêmes garanties que lacarte verte et coûte entre 3 et 10 €, suivant la puissance de lavoiture, pour deux semaines, le minimum de validité.

Police: omniprésente; nombreux contrôles - 4 à 5 entre lafrontière et Chisinau, dont le premier 3 à 4 km après l'entrée enMoldavie - alors qu'on n'est pas familiarisé avec les us et cou-tumes du pays, dont celui de ralentir à moins de 30 km/h avantles guérites de police. Policiers en général peu sympathiques,arrogants, pas aimés par la population, en symbiose avec lerégime autoritaire et ouverts aux bakchichs. Attention : degréd'alcoolémie de 0°, comme dans l'ensemble des ex-pays del'Est.

Essence à moitié prix

Essence : beaucoup moins chère qu'en Roumanie (ne pasoublier de faire le plein avant de revenir) et équivalente auxprix pratiqués en Ukraine. 0,45 € le litre d'essence en mai2005 et 0,40 celui de diesel. Pas de problème d'approvisionne-ment, les station-services sont nombreuses et on trouve tous

les carburants, dont le sans-plomb.Garages: il existe un garage Citroën-Renault-Ford à

Chisinau (DAAC Hermes, strada Petricani 17, tel 22 205 898ou 899). Pas facile à trouver, s'y faire éventuellement accom-pagner par un taxi. Attention, il faut trois semaines pour fairevenir une pièce de rechange, à moins de la faire acheminer paravion par votre compagnie d'assurance internationale. Il estprudent d'avoir en réserve des plaquettes de frein, des cour-roies de ventilateur ou autres, des bombes anti-crevaison.

Stationner : la marche vers le capitalisme n'est pas encoreallée vers le système des parcmètres; ce ne saurait tarder. Lestationnement est donc encore gratuit dans les villes. La nuit,il est préférable de faire garder sa voiture, soit en s'assurantque le parking est surveillé à l'hôtel, soit en la garant dans desparcs payants dits "Parcova" - il y en a plusieurs à Chisinau,notamment dans le centre-ville - pour 5 lei l'heure (0,3 €) et10 lei la nuit.

Maxi-taxis, autocars: nombreux, pas chers, entre un et8 € pour traverser tout le pays (300 km).

Gare routière centrale: Metropolit Varlaam, derrière lemarché central; tel: 54 21 85

Gare routière du sud-est (direction Cahul): 146 route deHincesti tel: 72 39 83.

Taxis à Chisinau : plus chers qu'en Roumanie, mais beau-coup plus confortables car ce sont des voitures européennes, laDacia étant inconnue en Moldavie. Compter entre 25 et 35 lei(1,6 à 2,3 €) la course dans Chisinau. On peut louer un taxi,par exemple pour visiter la ville (60 lei l'heure, 4 €), ou faireune excursion à la journée (70 lei l'heure, environ 5 €). Trajetaéroport-centre-ville: 70 lei (5 €).

Plus économique, rapide, mais on y est entassé, le maxi-taxi: 2 lei la course (0,15 €). Ils ont des trajets bien définis,mentionnés par un numéro (le 156 pour l'aéroport).

Bus: 1,5 leu (0,1 €).Location de voitures: pas encore très développée et chère

(compagnies internationales Avis et Hertz). La location d'unvéhicule avec chauffeur est plus courante. Compter 55 € toutcompris (salaire du chauffeur, essence, kilométrage, assuran-ce) pour la journée (8 heures) + 3,5 € par heure supplémen-taire et kilométrage en sus (0,15 € du kilomètre) pour un véhi-cule du type Mazda, Toyota, Honda Civic, classe B ; pour uneAudi 100 ou une W Passat : 75 € ; pour une Mercedes 600 :90 €. On peut louer également des vans, des mini-bus et aussides autocars.

S'adresser à Glemus-Com Ltd, 26, strada Kogalniceanu,Chisinau, tel : (00 373) 22 271 280 ou 22 201 936, 22 201 937,fax (00 373) 22 201 938 ; e-mail: [email protected].

A savoir

Langues: le roumain, que les autorités appellent ici lemoldave, est parlé par les deux tiers de la population, surtouten province, mais à Chisinau, le russe est très employé et ilarrive fréquemment que l'on tombe sur des interlocuteurs neparlant pas - ou ne voulant pas parler roumain. (suite p. 16)

Les NOUVeLLes de ROUMANIe

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A la découverte de la MoldavieLes NOUVeLLes de ROUMANIe

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voyager sans problèmesTiraspol, Sovietland

Tighina, premier check-point à l'ouest de laTransnistrie. Des barrières au travers de la route,des soldats pointant leur kalachnikov. Voici donc la

"frontière" entre laMoldavie et sa régionsécessionniste. En cette finde journée, notre véhiculeest le seul à vouloir fran-chir le fleuve Dniestr(Nistru pour lesRoumains) dans ce sens,c'est-à-dire en direction deTiraspol, la capitale. Deuxsoldats, un vétéran russe etun bleu moldave, nousarraisonnent.

Visiblement, l'ancienforme le nouveau auxficelles du métier. Le rac-ket en fait partie. Aprèsquelques questions et unefouille du véhicule, nousnous voyons demandé un "souvenir" de France: une bouteilled'eau minérale et un paquet de gâteaux made in France fontl'affaire. Ravi, le vétéran nous salue de son sourire aux troisdents d'or.

Cinquante mètres plus loin, secondcheck-point. Cette fois, c'est à l'Arméerusse que nous avons affaire. Après unefouille de notre Peugeot, c'est d'une bou-teille de vin que nous sommes délestés,le ton sur lequel elle nous est demandéene souffrant aucun compromis. Voilà,nous avons notre ticket d'entrée: unemince feuille glissée dans notre passe-port, en guise de visa. La Transnistrie nepeut en effet utiliser un tampon diplo-matique officiel. Aucune extorsion d'euros sous forme d'unequelconque taxe fantaisiste pour l'instant.

Sous l'œil de Moscou

A l'entrée de la ville, un panneau présente la carte du pays:une mince bande de terre de 4.163 km2 à l'est du Dniestr, soitune grosse moitié d'un département français. La Transnistries'est autoproclamée indépendante le 27 août 1991. C'est pen-dant la guerre qui suivit contre le régime de Chisinau, en 1992,que Thigina fut prise sur la rive Ouest du fleuve par les forcesarmées de Tiraspol.

L'ancienne Bender, conquise par Soliman le Magnifique,en 1538 transpire la tristesse. Le temps semble s'être ici arrêté

aux années 1970, tant l'atmosphère des anciennes villes sovié-tiques est palpable. A Tighina, comme partout ailleurs enTransnistrie, le cyrillique remplace l'alphabet latin. Le décor

est planté. Vis-à-vis deTighina, enjambant leDniestr, un vieux pontconduit à Tiraspol, dontles blocs d'immeubles sedessinent déjà au loin.

Pas même reconnuepar la Russie, laP r i d n e s t r o v s k a i aM o l d a v s k a i aRespublica, son nomrusse, est dans les faitsindépendante. En effet,que dire d'autre d'unpays qui possède sapropre Constitution, sondrapeau, sa monnaie (lerouble transnistrien), sonhymne, sa poste, ses

médias, ou encore sa propre Armée? A la tête de cet Etat fantôme, Igor Smirnov - un ancien

général russe placé aux commandes au lendemain de l'indé-pendance. De facto, la Transnistrie vit àl'heure de Moscou. La Russie a grande-ment contribué à son indépendance.C'est en effet contre la 14e armée russede Lebed que les Moldaves ont lancéleur offensive en mars 1992. Une gros-sière erreur quand on sait la puissancede l'Armée russe. Au centre deTiraspol, non loin de l'imposant Palaisprésidentiel, le cimetière des héros estdédié à la gloire des soldats tombés faceaux Moldaves. Une flamme éternelle

brûle en souvenir de ces morts dont le sang versé a contribuéà sceller l'indépendance.

Les restes de l'armée de Lebed toujours sur place

Douze ans après, l'Armée russe est toujours là, et ce mal-gré les promesses de départ faites à Chisinau. Dans les rues dela ville, les militaires, nombreux, se mêlent aux civils. Oncompte toujours 2000 soldats russes sur place 500 appartien-nent à la "force d'interposition", 1500 constituent les restes del'armée de Lebed, l'ami d'Alain Delon qui lui voyait un destinprésidentiel à Moscou, et devenu par la suite gouverneur d'unelointaine ex-république soviétique, avant de disapraître dansun mytérieux accident d'avion.

Voyage au cœur de la Transnistrie, seul "pays" non reconnu en Europe, situé sur la frange orientale de la Moldavie. Autoproclamé indépendant en 1991,

cet "État" russophone entretient un nationalisme anti-moldave mêlé à un culte surprenant de l'ère soviétique.

Vestige unique en Europe, un Lénine de 25 mètres de haut trône devant le palais des soviets de Tiraspol.

Page 16: L dans sa belle capitale, Chisinau, où modernisme et ... · désertifient à la vitesse du Sahel, les jeunes y ayant ... dans les villages où la vie semble échapper au ... Soroca

l'enseignement était développé dans l'an-cienne URSS, et peu les sciencessociales, peu considérées sous ce régime.Il s'agit toujours de formations complé-mentaires, au niveau du doctorat ou del'équivalent, la formation de base étant debon niveau sur place.

Pour être offensive, la Francophoniese doit aussi d'être attractive. Elle se veutun outil pour s'ouvrir à d'autres domaines: la sociologie, la psychologie, mais aussil'agriculture. La suppression de "LaFrance agricole" du présentoir de lamédiathèque a provoqué des vagues,amenant son rétablissement, car il s'agis-sait de la seule revue spécialisée dispo-nible en Moldavie.

La France est le seul pays qui organi-se un festival du film étranger. L'entrée yest quasiment gratuite et les salles sontarchi-combles. L'exercice n'est pas duplus simple car les films doivent êtresous-titrés aussi bien en roumain qu'enrusse, pour ne pas tenir à l'écart les 600000 Russophones que compte le pays.D'ailleurs, à la médiathèque, tout estsystématiquement présenté dans les troislangues, afin d'éviter les impairs.

Ici, la semaine de la Francophonie estun événement et dure une dizaine dejours. Plus de 200 rendez-vous franco-phones sont proposés à travers le paysallant de conférences sur Jules Verne etMarguerite Yourcenar à des représenta-tions théâtrales, des concours de gram-

maire, des "dictées pour tous", des réci-tals de chansons ("La cause des femmesen chantant" d'après les chansons de JoëDassin), des tables rondes sur la bioé-thique et la médecine humaine, des sémi-naires dans les lycées sur la contraceptionet les maladies sexuellement transmis-

sibles, etc. Tout est mis en œuvre pourfaire participer les Moldaves, élèves,jeunes, enseignants, adultes… S'inspirantde l'initiative de la ville d'Aix enProvence, le service culturel français pré-pare également "Les nuits pianistiques deMoldavie", événement musical qui devaitfaire appel aux nombreux talents mol-daves et à son orchestre national.

Une façon de briser l'isolement

La plus petite ambassade de France àl'étranger - seulement trois diplomates enposte, l'ambassadeur, le Premier secrétai-re, le conseiller culturel - est donc amené

à multiplier les initiatives pour défendrele pré-carré de la Francophonie. Sonaction s'étend également à la coopérationinstitutionnelle (formation de juristes,etc…), technique et s'élargit au secteurmédical-humanitaire.

Cette activité a pris de l'ampleurdepuis fin 2003, quand l'ambassade areçu un statut à part entière. Jusque là,elle faisait partie des trois ambassadesitinérantes, avec Asmara en Erythrée etOulan-Bator en Mongolie extérieure, quecompte la France à travers le monde,leurs ambassadeurs partageant leur tempsentre Paris et ces pays.

La Moldavie, 4,5 millions d'habi-tants, dont un million partis à l'étranger et500 000 vivant en Transnistrie méritaitbien cet effort. Mais ce pays y trouveaussi son compte. En mauvais termes ouen délicatesse avec l'ensemble de sespays voisins, la Russie, la Roumanie,l'Ukraine, et en conflit avec laTransnistrie, Chisinau paraît bien isoléeet la Francophonie lui ouvre un espace.Son président n'a pas manqué de sautersur cette occasion. Lui, qui se déplacerarement, vient assister au concert inau-gural de la semaine de la Francophonie.Présent au sommet francophone deBeyrouth, en 2002, envoyant son Premierministre le représenter à Ouagadougou,en 2006… il a d'ores et déjà posé la can-didature de son pays à l'organisation dusommet prévu en 2012.

A la découverte de la Moldavie

Téléphoner: à moins d'avoir un portable donnant accès auréseau international (le portable roumain ne marche pas ici), ilfaut passer par les cabines téléphoniques, en achetant unecarte.

Astuce: on peut "louer" un portable pour passer un coupde fil, aussi bien en Moldavie qu'à l'étranger, à leurs proprié-taires qui attendent leurs clients à chaque bout du boulevardStefan Cel Mare, la plus grande artère de Chisinau, (devant lemagasin Unic, au carrefour Stefan Cel Mare-Ismaïl, et devantle Mac Donald et le magasin Gemini, près du monument àStefan Cel Mare) et poireautent en tenant une pancarte où estécrit "Moldcell".

Internet : S'il n'existe pas encore de bornes d'accès Wifi,il est très facile de communiquer par le biais des cafés Internet,tous équipés en haut débit, fonctionnant 24 h sur 24 et pour unprix dérisoire (0,2 € de l'heure). Demander un clavier qui nesoit pas en russe et caractères cyrilliques.

Téléphones utiles : Pompiers: 901

Police: 902Ambulance: 903Médecin conseils: 963Informations pharmacies : 72 55 01,72 55 10,72 55 38Informations indicatifs téléphoniques : 972Informations N° de téléphone à Chisinau : 909Informations N° de téléphone (payant) : 999Commande taxi: 900, 905, 906, 907, 908, 930, 971, 972Renseignements pratiques (hôtels, restaurants, garages):1188 (uniquement en roumain et russe)Adresses utiles en France:Association Culturelle France Moldavie (ACFM)2, Place des Blanchisseries - F-21000 DIJON Tél: +33 (0) 870.260.875 Fax: +33 (0) 380.364.396 e-mail: [email protected]; http://www.francemoldavie.comComité France-Moldavie C/o F.S.C.F. - 22, rue Oberkampf - 75011 PARIS Tel: 01 43 38 89 90 - 01 47 00 50 39 Fax: 01 43 14 06 65

Les NOUVeLLes de ROUMANIe

17

A la découverte de la MoldavieLes NOUVeLLes de ROUMANIe

16

Le français est toujours la première langue enseignée,mais la pratique de l'anglais se développe de façon foudroyan-te chez les jeunes. Si vous êtes perfectionniste, vous pouvezvous mettre au gagaouze, dialecte turc parlé dans le sud dupays, ainsi vous disposerez de tout le panel de langues utiliséesdans le pays.

Sécurité: pas de problèmes particuliers; on circule, sedéplace et on vit dans les mêmes conditions de sécurité quedans les pays de l'UE, contrairement à ce que laisse à penser lamauvaise réputation qui colle aux pays de cette région. Doncles mêmes précautions sont à prendre, ni plus, ni moins. Parcontre, en cas de troubles sérieux de santé ou d'accident, il estpréférable de se faire rapatrier.

Change: on trouve facilement à changer dans les bureaux"exchange", nombreux à Chisinau, et dans les banques; ilsaffichent pratiquement tous le même cours, qui varie peu:15,25 lei pour un euro en septembre 2005. Veiller à ce que letaux soit sans commission (“fara comisie")

Distributeurs de billets: assez nombreux à Chisinau, plus

rares en province, ils sont appelés "Bancomat" et acceptentaussi bien les cartes Visa que Mastercard. Il en coûte environ7 % de commission. Changer du liquide dans les banques estdonc plus intéressant, si on accepte le risque de transporter desespèces, et peut faire économiser jusqu'à 150 € pour un séjourde deux semaines.

Electricité: 220 volts, comme dans l'UE ; parfois, dans lesmaisons anciennes, on trouve des prises électriques sovié-tiques nécessitant un adaptateur qui s'achète facilement.

Achats: un paradis pour les fumeurs, à 0,6 € le paquet deMarlboro, mais ils n'ont le droit de ramener qu'une cartouchepar personne en UE. Les petits malins doivent bien dissimulerle surplus, car les taxes sont exorbitantes s'il est découvert, del'ordre de 50 € la cartouche.

Le vin de Moldavie est aussi recherché, quoique son goûtchargé en sucre ne corresponde pas au notre, les meilleuresbouteilles coûtent entre 2 et 3 €. Quitte à en ramener, autantprendre du Xerex, du mousseux méthode champenoise et ducognac.

francophonie massiveUn pays à la

Le Français est loin d’être morten Moldavie.D'après les der-nières statistiques, que ce soit

en première ou deuxième langue, 57 %des enfants apprennent notre langue,laquelle caracole loin en première place.Ce pourcentage est de 40 % dans lesvilles où les Russes se concentrent etgrimpe jusqu’à 80 % dans les campagnes,où la population roumaine est dominante.

Mais pourquoi donc cette niche dufrançais dans une ancienne républiquesoviétique ? Certainement parce que enMoldavie, terre roumaine, la présence dufrançais y était historique. Mais aussi,sans-doute, parce que ce petit pays, appa-raissant exotique à bien des égards auxlointaines autorités de Moscou, a bénéfi-cié d'un traitement à part, plus indulgent.Il faut également se souvenir que lesautorités soviétiques avaient "spécialisé"leurs républiques: en dehors du russe,obligatoire, les Baltes apprenaient l'alle-mand, d'autres l'anglais ou l'espagnol. Lefrançais avait ainsi échu à la Moldavie età la Georgie…

"Ne pas se contenter d'une victoire par défaut"

Olivier Jacquot, diplomate français

en poste à Chisinau, chargé d'animer leservice culturel de l'ambassade mais ausside piloter l'Alliance française relativisecette omniprésence de notre langue:"C'est un peu une victoire par défaut.Dans ce pays où un habitant sur quatreémigre, dès qu'on parle anglais on part àl'étranger et les Moldaves ont beaucoupde mal à trouver des professeurs d'an-glais compétents, alors il n'y a guèred'autre choix que le français qui estdavantage épargné par ce phénomène".

Pour autant, aux yeux du diplomate,la francophonie ne doit pas se contenterd'une situation de repli, faussementconfortable mais, au contraire, impulserune politique dynamique au rang delaquelle figure, au premier plan, la for-mation des professeurs, un corps vieillis-sant, comme en Roumanie, et dont lerenouvellement n'est pas assuré. Le servi-ce culturel de l'ambassade et l'Alliancefrançaise se sont donc fixés commeobjectif prioritaire de soutenir les ensei-gnants de notre langue, intensifiant etmodernisant leur formation, afin de nepas se cantonner aux sempiternels EdithPiaf, Charles Aznavour et Tour Eiffel.

Au cœur de Chisinau, la médiathèquefrançaise, animée par 3 Français, 12Moldaves, emploie 25 professeurs de

français. On y trouve livres, revues,vidéos, Internet, TV 5, etc… C'est le seulétablissement étranger de ce genre dansla capitale. Il est souvent difficile d'ytrouver une place, surtout en hiver… carc'est l'unique bibliothèque chauffée de lacapitale. Les trois autres grandes villesuniversitaires du pays, Balti, Cahul, etmême Tiraspol, dans la Transnistriesécessionniste, disposent d'AlliancesFrançaises, plus modestes, mais propo-sant une gamme importante de facilités.Enfin, cinq villes moyennes, Ungheni,Nisporeni, Holercani, Bobeica etCauseni, assurent le rôle d'antennes.

Systématiquement en roumain et en russe

La moitié de l'argent dépensé surplace par la France pour la Francophonieest consacré aux bourses d'études avec lebut affiché de former les élites. Près de200 étudiants déjà diplômés ou cher-cheurs ont été envoyés en France en2004, pour des stages allant de un mois àtrois ans.

"Nous avons quinze demandes pourune place" reconnaît Olivier Jacquot quinote que les candidatures concernentessentiellement les sciences exactes, dont

Ne vous trompez pas ! La Moldavie est un tout petit pays… mais l’usage du français y esttrès développé, beaucoup plus qu'en Roumanie. Environ 2500 professeurs y enseignent notre langue alors qu'on n’en compte que 87, côté allemand.

Page 17: L dans sa belle capitale, Chisinau, où modernisme et ... · désertifient à la vitesse du Sahel, les jeunes y ayant ... dans les villages où la vie semble échapper au ... Soroca

l'enseignement était développé dans l'an-cienne URSS, et peu les sciencessociales, peu considérées sous ce régime.Il s'agit toujours de formations complé-mentaires, au niveau du doctorat ou del'équivalent, la formation de base étant debon niveau sur place.

Pour être offensive, la Francophoniese doit aussi d'être attractive. Elle se veutun outil pour s'ouvrir à d'autres domaines: la sociologie, la psychologie, mais aussil'agriculture. La suppression de "LaFrance agricole" du présentoir de lamédiathèque a provoqué des vagues,amenant son rétablissement, car il s'agis-sait de la seule revue spécialisée dispo-nible en Moldavie.

La France est le seul pays qui organi-se un festival du film étranger. L'entrée yest quasiment gratuite et les salles sontarchi-combles. L'exercice n'est pas duplus simple car les films doivent êtresous-titrés aussi bien en roumain qu'enrusse, pour ne pas tenir à l'écart les 600000 Russophones que compte le pays.D'ailleurs, à la médiathèque, tout estsystématiquement présenté dans les troislangues, afin d'éviter les impairs.

Ici, la semaine de la Francophonie estun événement et dure une dizaine dejours. Plus de 200 rendez-vous franco-phones sont proposés à travers le paysallant de conférences sur Jules Verne etMarguerite Yourcenar à des représenta-tions théâtrales, des concours de gram-

maire, des "dictées pour tous", des réci-tals de chansons ("La cause des femmesen chantant" d'après les chansons de JoëDassin), des tables rondes sur la bioé-thique et la médecine humaine, des sémi-naires dans les lycées sur la contraceptionet les maladies sexuellement transmis-

sibles, etc. Tout est mis en œuvre pourfaire participer les Moldaves, élèves,jeunes, enseignants, adultes… S'inspirantde l'initiative de la ville d'Aix enProvence, le service culturel français pré-pare également "Les nuits pianistiques deMoldavie", événement musical qui devaitfaire appel aux nombreux talents mol-daves et à son orchestre national.

Une façon de briser l'isolement

La plus petite ambassade de France àl'étranger - seulement trois diplomates enposte, l'ambassadeur, le Premier secrétai-re, le conseiller culturel - est donc amené

à multiplier les initiatives pour défendrele pré-carré de la Francophonie. Sonaction s'étend également à la coopérationinstitutionnelle (formation de juristes,etc…), technique et s'élargit au secteurmédical-humanitaire.

Cette activité a pris de l'ampleurdepuis fin 2003, quand l'ambassade areçu un statut à part entière. Jusque là,elle faisait partie des trois ambassadesitinérantes, avec Asmara en Erythrée etOulan-Bator en Mongolie extérieure, quecompte la France à travers le monde,leurs ambassadeurs partageant leur tempsentre Paris et ces pays.

La Moldavie, 4,5 millions d'habi-tants, dont un million partis à l'étranger et500 000 vivant en Transnistrie méritaitbien cet effort. Mais ce pays y trouveaussi son compte. En mauvais termes ouen délicatesse avec l'ensemble de sespays voisins, la Russie, la Roumanie,l'Ukraine, et en conflit avec laTransnistrie, Chisinau paraît bien isoléeet la Francophonie lui ouvre un espace.Son président n'a pas manqué de sautersur cette occasion. Lui, qui se déplacerarement, vient assister au concert inau-gural de la semaine de la Francophonie.Présent au sommet francophone deBeyrouth, en 2002, envoyant son Premierministre le représenter à Ouagadougou,en 2006… il a d'ores et déjà posé la can-didature de son pays à l'organisation dusommet prévu en 2012.

A la découverte de la Moldavie

Téléphoner: à moins d'avoir un portable donnant accès auréseau international (le portable roumain ne marche pas ici), ilfaut passer par les cabines téléphoniques, en achetant unecarte.

Astuce: on peut "louer" un portable pour passer un coupde fil, aussi bien en Moldavie qu'à l'étranger, à leurs proprié-taires qui attendent leurs clients à chaque bout du boulevardStefan Cel Mare, la plus grande artère de Chisinau, (devant lemagasin Unic, au carrefour Stefan Cel Mare-Ismaïl, et devantle Mac Donald et le magasin Gemini, près du monument àStefan Cel Mare) et poireautent en tenant une pancarte où estécrit "Moldcell".

Internet : S'il n'existe pas encore de bornes d'accès Wifi,il est très facile de communiquer par le biais des cafés Internet,tous équipés en haut débit, fonctionnant 24 h sur 24 et pour unprix dérisoire (0,2 € de l'heure). Demander un clavier qui nesoit pas en russe et caractères cyrilliques.

Téléphones utiles : Pompiers: 901

Police: 902Ambulance: 903Médecin conseils: 963Informations pharmacies : 72 55 01,72 55 10,72 55 38Informations indicatifs téléphoniques : 972Informations N° de téléphone à Chisinau : 909Informations N° de téléphone (payant) : 999Commande taxi: 900, 905, 906, 907, 908, 930, 971, 972Renseignements pratiques (hôtels, restaurants, garages):1188 (uniquement en roumain et russe)Adresses utiles en France:Association Culturelle France Moldavie (ACFM)2, Place des Blanchisseries - F-21000 DIJON Tél: +33 (0) 870.260.875 Fax: +33 (0) 380.364.396 e-mail: [email protected]; http://www.francemoldavie.comComité France-Moldavie C/o F.S.C.F. - 22, rue Oberkampf - 75011 PARIS Tel: 01 43 38 89 90 - 01 47 00 50 39 Fax: 01 43 14 06 65

Les NOUVeLLes de ROUMANIe

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A la découverte de la MoldavieLes NOUVeLLes de ROUMANIe

16

Le français est toujours la première langue enseignée,mais la pratique de l'anglais se développe de façon foudroyan-te chez les jeunes. Si vous êtes perfectionniste, vous pouvezvous mettre au gagaouze, dialecte turc parlé dans le sud dupays, ainsi vous disposerez de tout le panel de langues utiliséesdans le pays.

Sécurité: pas de problèmes particuliers; on circule, sedéplace et on vit dans les mêmes conditions de sécurité quedans les pays de l'UE, contrairement à ce que laisse à penser lamauvaise réputation qui colle aux pays de cette région. Doncles mêmes précautions sont à prendre, ni plus, ni moins. Parcontre, en cas de troubles sérieux de santé ou d'accident, il estpréférable de se faire rapatrier.

Change: on trouve facilement à changer dans les bureaux"exchange", nombreux à Chisinau, et dans les banques; ilsaffichent pratiquement tous le même cours, qui varie peu:15,25 lei pour un euro en septembre 2005. Veiller à ce que letaux soit sans commission (“fara comisie")

Distributeurs de billets: assez nombreux à Chisinau, plus

rares en province, ils sont appelés "Bancomat" et acceptentaussi bien les cartes Visa que Mastercard. Il en coûte environ7 % de commission. Changer du liquide dans les banques estdonc plus intéressant, si on accepte le risque de transporter desespèces, et peut faire économiser jusqu'à 150 € pour un séjourde deux semaines.

Electricité: 220 volts, comme dans l'UE ; parfois, dans lesmaisons anciennes, on trouve des prises électriques sovié-tiques nécessitant un adaptateur qui s'achète facilement.

Achats: un paradis pour les fumeurs, à 0,6 € le paquet deMarlboro, mais ils n'ont le droit de ramener qu'une cartouchepar personne en UE. Les petits malins doivent bien dissimulerle surplus, car les taxes sont exorbitantes s'il est découvert, del'ordre de 50 € la cartouche.

Le vin de Moldavie est aussi recherché, quoique son goûtchargé en sucre ne corresponde pas au notre, les meilleuresbouteilles coûtent entre 2 et 3 €. Quitte à en ramener, autantprendre du Xerex, du mousseux méthode champenoise et ducognac.

francophonie massiveUn pays à la

Le Français est loin d’être morten Moldavie.D'après les der-nières statistiques, que ce soit

en première ou deuxième langue, 57 %des enfants apprennent notre langue,laquelle caracole loin en première place.Ce pourcentage est de 40 % dans lesvilles où les Russes se concentrent etgrimpe jusqu’à 80 % dans les campagnes,où la population roumaine est dominante.

Mais pourquoi donc cette niche dufrançais dans une ancienne républiquesoviétique ? Certainement parce que enMoldavie, terre roumaine, la présence dufrançais y était historique. Mais aussi,sans-doute, parce que ce petit pays, appa-raissant exotique à bien des égards auxlointaines autorités de Moscou, a bénéfi-cié d'un traitement à part, plus indulgent.Il faut également se souvenir que lesautorités soviétiques avaient "spécialisé"leurs républiques: en dehors du russe,obligatoire, les Baltes apprenaient l'alle-mand, d'autres l'anglais ou l'espagnol. Lefrançais avait ainsi échu à la Moldavie età la Georgie…

"Ne pas se contenter d'une victoire par défaut"

Olivier Jacquot, diplomate français

en poste à Chisinau, chargé d'animer leservice culturel de l'ambassade mais ausside piloter l'Alliance française relativisecette omniprésence de notre langue:"C'est un peu une victoire par défaut.Dans ce pays où un habitant sur quatreémigre, dès qu'on parle anglais on part àl'étranger et les Moldaves ont beaucoupde mal à trouver des professeurs d'an-glais compétents, alors il n'y a guèred'autre choix que le français qui estdavantage épargné par ce phénomène".

Pour autant, aux yeux du diplomate,la francophonie ne doit pas se contenterd'une situation de repli, faussementconfortable mais, au contraire, impulserune politique dynamique au rang delaquelle figure, au premier plan, la for-mation des professeurs, un corps vieillis-sant, comme en Roumanie, et dont lerenouvellement n'est pas assuré. Le servi-ce culturel de l'ambassade et l'Alliancefrançaise se sont donc fixés commeobjectif prioritaire de soutenir les ensei-gnants de notre langue, intensifiant etmodernisant leur formation, afin de nepas se cantonner aux sempiternels EdithPiaf, Charles Aznavour et Tour Eiffel.

Au cœur de Chisinau, la médiathèquefrançaise, animée par 3 Français, 12Moldaves, emploie 25 professeurs de

français. On y trouve livres, revues,vidéos, Internet, TV 5, etc… C'est le seulétablissement étranger de ce genre dansla capitale. Il est souvent difficile d'ytrouver une place, surtout en hiver… carc'est l'unique bibliothèque chauffée de lacapitale. Les trois autres grandes villesuniversitaires du pays, Balti, Cahul, etmême Tiraspol, dans la Transnistriesécessionniste, disposent d'AlliancesFrançaises, plus modestes, mais propo-sant une gamme importante de facilités.Enfin, cinq villes moyennes, Ungheni,Nisporeni, Holercani, Bobeica etCauseni, assurent le rôle d'antennes.

Systématiquement en roumain et en russe

La moitié de l'argent dépensé surplace par la France pour la Francophonieest consacré aux bourses d'études avec lebut affiché de former les élites. Près de200 étudiants déjà diplômés ou cher-cheurs ont été envoyés en France en2004, pour des stages allant de un mois àtrois ans.

"Nous avons quinze demandes pourune place" reconnaît Olivier Jacquot quinote que les candidatures concernentessentiellement les sciences exactes, dont

Ne vous trompez pas ! La Moldavie est un tout petit pays… mais l’usage du français y esttrès développé, beaucoup plus qu'en Roumanie. Environ 2500 professeurs y enseignent notre langue alors qu'on n’en compte que 87, côté allemand.

Page 18: L dans sa belle capitale, Chisinau, où modernisme et ... · désertifient à la vitesse du Sahel, les jeunes y ayant ... dans les villages où la vie semble échapper au ... Soroca

A la découverte de la Moldavie

Maxi-taxis: le moyen de transport le plus commode et leplus utilisé par les Moldaves. Pas très confortables, car on y estserré, ils emmènent une quinzaine de personnes en 8-9 heuresvers Bucarest (coût: environ 20 €, l'aller) ou en trois heuresvers Iasi, où l'on peut prendre des trains plus agréables vers lacapitale roumaine (20 €, Inter-city en première classe).

Les départs de Chisinau se font Gare du sud ou Gare cen-trale, plutôt le soir. De Bucarest, strada Iorga et Premier mai,près des ambassades du Canada et d'Italie.

Des autocars, beaucoup plus confortables, assurent lamême liaison pour le même prix. Veiller à ce qu'ils soient desMercedes ou d'une marque européenne et non russe.

Autre possibilité, les voitures particulières qui proposentd'emmener 3 à 4 personnes pour 17-20 € chacune. Les départsse font aux mêmes endroits, entre 11 h et 15 h, pour arriver lesoir.

Attention, la carte verte ne marche pas toujours

Routes: plutôt meilleures qu'en Roumanie, notammentles grandes routes, larges et qui ont de grandes lignes droitesinclinant à la vitesse; vitesse limitée à 90 km/h et 50 km/h dansles communes; pas d'autoroutes.

Assurance: bien lire sa carte verte ; écrit en petit, dans lebas du document, on découvre parfois qu'elle exclut laMoldavie et l'Inde des garanties (cela dépend des compa-gnies). Pourtant les routes moldaves sont plus sûres que lesroumaines ou que les autoroutes allemandes, mais le problèmeest celui de la Transnistrie, province sécessionniste où le droitinternational n'est pas reconnu ! Renseigner -vous avant votredépart, mais mieux vaut le savoir que risquer un pépin auxconséquences effroyables, d'autant plus qu'à l'entrée du pays,les policiers ne vous préviennent pas que vous n'êtes plusassuré. Dans ce cas, il faut prendre impérativement une assu-rance aux postes frontières, avant de continuer sa route, auprèsdes guérites d'assureurs, notamment l'agence d'Etat Moldasig.Elle est délivrée sur place, offre les mêmes garanties que lacarte verte et coûte entre 3 et 10 €, suivant la puissance de lavoiture, pour deux semaines, le minimum de validité.

Police: omniprésente; nombreux contrôles - 4 à 5 entre lafrontière et Chisinau, dont le premier 3 à 4 km après l'entrée enMoldavie - alors qu'on n'est pas familiarisé avec les us et cou-tumes du pays, dont celui de ralentir à moins de 30 km/h avantles guérites de police. Policiers en général peu sympathiques,arrogants, pas aimés par la population, en symbiose avec lerégime autoritaire et ouverts aux bakchichs. Attention : degréd'alcoolémie de 0°, comme dans l'ensemble des ex-pays del'Est.

Essence à moitié prix

Essence : beaucoup moins chère qu'en Roumanie (ne pasoublier de faire le plein avant de revenir) et équivalente auxprix pratiqués en Ukraine. 0,45 € le litre d'essence en mai2005 et 0,40 celui de diesel. Pas de problème d'approvisionne-ment, les station-services sont nombreuses et on trouve tous

les carburants, dont le sans-plomb.Garages: il existe un garage Citroën-Renault-Ford à

Chisinau (DAAC Hermes, strada Petricani 17, tel 22 205 898ou 899). Pas facile à trouver, s'y faire éventuellement accom-pagner par un taxi. Attention, il faut trois semaines pour fairevenir une pièce de rechange, à moins de la faire acheminer paravion par votre compagnie d'assurance internationale. Il estprudent d'avoir en réserve des plaquettes de frein, des cour-roies de ventilateur ou autres, des bombes anti-crevaison.

Stationner : la marche vers le capitalisme n'est pas encoreallée vers le système des parcmètres; ce ne saurait tarder. Lestationnement est donc encore gratuit dans les villes. La nuit,il est préférable de faire garder sa voiture, soit en s'assurantque le parking est surveillé à l'hôtel, soit en la garant dans desparcs payants dits "Parcova" - il y en a plusieurs à Chisinau,notamment dans le centre-ville - pour 5 lei l'heure (0,3 €) et10 lei la nuit.

Maxi-taxis, autocars: nombreux, pas chers, entre un et8 € pour traverser tout le pays (300 km).

Gare routière centrale: Metropolit Varlaam, derrière lemarché central; tel: 54 21 85

Gare routière du sud-est (direction Cahul): 146 route deHincesti tel: 72 39 83.

Taxis à Chisinau : plus chers qu'en Roumanie, mais beau-coup plus confortables car ce sont des voitures européennes, laDacia étant inconnue en Moldavie. Compter entre 25 et 35 lei(1,6 à 2,3 €) la course dans Chisinau. On peut louer un taxi,par exemple pour visiter la ville (60 lei l'heure, 4 €), ou faireune excursion à la journée (70 lei l'heure, environ 5 €). Trajetaéroport-centre-ville: 70 lei (5 €).

Plus économique, rapide, mais on y est entassé, le maxi-taxi: 2 lei la course (0,15 €). Ils ont des trajets bien définis,mentionnés par un numéro (le 156 pour l'aéroport).

Bus: 1,5 leu (0,1 €).Location de voitures: pas encore très développée et chère

(compagnies internationales Avis et Hertz). La location d'unvéhicule avec chauffeur est plus courante. Compter 55 € toutcompris (salaire du chauffeur, essence, kilométrage, assuran-ce) pour la journée (8 heures) + 3,5 € par heure supplémen-taire et kilométrage en sus (0,15 € du kilomètre) pour un véhi-cule du type Mazda, Toyota, Honda Civic, classe B ; pour uneAudi 100 ou une W Passat : 75 € ; pour une Mercedes 600 :90 €. On peut louer également des vans, des mini-bus et aussides autocars.

S'adresser à Glemus-Com Ltd, 26, strada Kogalniceanu,Chisinau, tel : (00 373) 22 271 280 ou 22 201 936, 22 201 937,fax (00 373) 22 201 938 ; e-mail: [email protected].

A savoir

Langues: le roumain, que les autorités appellent ici lemoldave, est parlé par les deux tiers de la population, surtouten province, mais à Chisinau, le russe est très employé et ilarrive fréquemment que l'on tombe sur des interlocuteurs neparlant pas - ou ne voulant pas parler roumain. (suite p. 16)

Les NOUVeLLes de ROUMANIe

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A la découverte de la MoldavieLes NOUVeLLes de ROUMANIe

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voyager sans problèmesTiraspol, Sovietland

Tighina, premier check-point à l'ouest de laTransnistrie. Des barrières au travers de la route,des soldats pointant leur kalachnikov. Voici donc la

"frontière" entre laMoldavie et sa régionsécessionniste. En cette finde journée, notre véhiculeest le seul à vouloir fran-chir le fleuve Dniestr(Nistru pour lesRoumains) dans ce sens,c'est-à-dire en direction deTiraspol, la capitale. Deuxsoldats, un vétéran russe etun bleu moldave, nousarraisonnent.

Visiblement, l'ancienforme le nouveau auxficelles du métier. Le rac-ket en fait partie. Aprèsquelques questions et unefouille du véhicule, nousnous voyons demandé un "souvenir" de France: une bouteilled'eau minérale et un paquet de gâteaux made in France fontl'affaire. Ravi, le vétéran nous salue de son sourire aux troisdents d'or.

Cinquante mètres plus loin, secondcheck-point. Cette fois, c'est à l'Arméerusse que nous avons affaire. Après unefouille de notre Peugeot, c'est d'une bou-teille de vin que nous sommes délestés,le ton sur lequel elle nous est demandéene souffrant aucun compromis. Voilà,nous avons notre ticket d'entrée: unemince feuille glissée dans notre passe-port, en guise de visa. La Transnistrie nepeut en effet utiliser un tampon diplo-matique officiel. Aucune extorsion d'euros sous forme d'unequelconque taxe fantaisiste pour l'instant.

Sous l'œil de Moscou

A l'entrée de la ville, un panneau présente la carte du pays:une mince bande de terre de 4.163 km2 à l'est du Dniestr, soitune grosse moitié d'un département français. La Transnistries'est autoproclamée indépendante le 27 août 1991. C'est pen-dant la guerre qui suivit contre le régime de Chisinau, en 1992,que Thigina fut prise sur la rive Ouest du fleuve par les forcesarmées de Tiraspol.

L'ancienne Bender, conquise par Soliman le Magnifique,en 1538 transpire la tristesse. Le temps semble s'être ici arrêté

aux années 1970, tant l'atmosphère des anciennes villes sovié-tiques est palpable. A Tighina, comme partout ailleurs enTransnistrie, le cyrillique remplace l'alphabet latin. Le décor

est planté. Vis-à-vis deTighina, enjambant leDniestr, un vieux pontconduit à Tiraspol, dontles blocs d'immeubles sedessinent déjà au loin.

Pas même reconnuepar la Russie, laP r i d n e s t r o v s k a i aM o l d a v s k a i aRespublica, son nomrusse, est dans les faitsindépendante. En effet,que dire d'autre d'unpays qui possède sapropre Constitution, sondrapeau, sa monnaie (lerouble transnistrien), sonhymne, sa poste, ses

médias, ou encore sa propre Armée? A la tête de cet Etat fantôme, Igor Smirnov - un ancien

général russe placé aux commandes au lendemain de l'indé-pendance. De facto, la Transnistrie vit àl'heure de Moscou. La Russie a grande-ment contribué à son indépendance.C'est en effet contre la 14e armée russede Lebed que les Moldaves ont lancéleur offensive en mars 1992. Une gros-sière erreur quand on sait la puissancede l'Armée russe. Au centre deTiraspol, non loin de l'imposant Palaisprésidentiel, le cimetière des héros estdédié à la gloire des soldats tombés faceaux Moldaves. Une flamme éternelle

brûle en souvenir de ces morts dont le sang versé a contribuéà sceller l'indépendance.

Les restes de l'armée de Lebed toujours sur place

Douze ans après, l'Armée russe est toujours là, et ce mal-gré les promesses de départ faites à Chisinau. Dans les rues dela ville, les militaires, nombreux, se mêlent aux civils. Oncompte toujours 2000 soldats russes sur place 500 appartien-nent à la "force d'interposition", 1500 constituent les restes del'armée de Lebed, l'ami d'Alain Delon qui lui voyait un destinprésidentiel à Moscou, et devenu par la suite gouverneur d'unelointaine ex-république soviétique, avant de disapraître dansun mytérieux accident d'avion.

Voyage au cœur de la Transnistrie, seul "pays" non reconnu en Europe, situé sur la frange orientale de la Moldavie. Autoproclamé indépendant en 1991,

cet "État" russophone entretient un nationalisme anti-moldave mêlé à un culte surprenant de l'ère soviétique.

Vestige unique en Europe, un Lénine de 25 mètres de haut trône devant le palais des soviets de Tiraspol.

Page 19: L dans sa belle capitale, Chisinau, où modernisme et ... · désertifient à la vitesse du Sahel, les jeunes y ayant ... dans les villages où la vie semble échapper au ... Soroca

A la découverte de la Moldavie

Discrètement, le président Poutine souhaiterait faire decette région une enclave russe, une sorte de secondKaliningrad. De cette façon, la Russie entend toujours jouer unrôle stratégique dans cette région-clef, en maintenant une pré-sence militaire dans le dos de l'Ukraine.

Certaines têtes pensantes du Kremlin ont peur d'un retraitrusse de cette région qui provoquerait un effet "boule deneige" négatif pour les intérêts russes en Crimée et dans leCaucase. Quant aux russophones de Transnistrie, ils ne veulentà aucun prix d'une intégration dans une grande Roumanie, unrisque jugé réel si Tiraspol revenait dans le giron moldave.

Alpahabet latin et langue roumaine proscrits

En 1990, sur les 750.000 habitants de la province, les deuxtiers étaient russophones, Russes ou Ukrainiens. Le derniertiers était composé de Moldaves, Roumains d'origine et rou-manophones. Depuis, le pays est en voie de russificationtrès avancée. IgorSmirnov, investi detous les pouvoirs,ne rencontre aucuneopposition sérieuseni même structurée.Le "duc", commel'appellent les rus-sophones, a en faitdéveloppé un natio-nalisme anti-molda-ve. En effet, le régi-me mène la vie dureaux Moldaves.

La discrimina-tion règne dans l'ad-ministration, les services, la culture et l'éducation. L'alphabetlatin et la langue roumaine sont interdits. Les quelquesMoldaves rencontrés dans la rue n'osent même pas nousrépondre en roumain.

En juillet 2004, huit écoles publiques dont l'en-seignement se faisait en langue roumaine et qui utili-saient l'alphabet latin ont été fermées, à l'issue d'unassaut donné par la milice, malgré la présence desenseignants et des parents d'élèves, pourtant biendécidés à les défendre. Des opposants ont été jetés enprison pour quelques jours.

L'intervention de l'OSCE a permis d'éviter leconflit plus violent qui se profilait. Quant au Conseilde l'Europe, inquiet, il a envoyé par la suite une délé-gation de diplomates. Il convient de se rappeler quec'est bien une question linguistique qui entraîna larupture avec Chisinau: au lendemain de l'indépen-dance de la Moldavie en 1991, la langue russe futinterdite et l'alphabet latin rétabli sur tout le territoire de laMoldavie. Les russophones en ont développé la crainte d'uneunion avec la Roumanie, union qu'ils ne voulaient à aucunprix. La voie de l'indépendance fut alors choisie.

Depuis, la Transnistrie, zone de non-droit à seulementtrois heures de vol de Paris, viole les droits de l'homme et ceuxdes minorités. "Ici? mais nous sommes en Moldavie!" Sur cepetit marché, cette énergiquecommerçante moldave nousassène ce qui est pour elle uneévidence. Cependant, la minoritémoldave se fait discrète, à l'ima-ge de cette communauté molda-ve rencontrée dans une égliseorthodoxe, non loin de Tiraspol.Dans ce village moldave, desfidèles se sont rassemblés pourla célébration d'un baptême. Al'abri dans une sorte de cave, leprêtre demande alors à l'assem-blée si tout le monde comprendle roumain. En catimini, la célé-

bration continue sur la présentation des saintesicônes.

Un Lénine de 25 mètres de haut veille sur la capitale

La première chose qui frappe, dés l'entrée àTiraspol, est le sentiment anachronique d'être deretour dans une république soviétique. Devant lePalais présidentiel, un Lénine de 25 mètres de hautgarde l'entrée. Sur une des places de la ville, lesportraits des héros soviétiques de la DeuxièmeGuerre mondiale fixent les passants. Le régime uti-lise savamment cette référence au passé glorieuxdont il se réclame. Igor Smirnov lui-même arboreun visage léninien.

L'actuelle Transnistrie fut créée en 1924 sous le nom deRépublique Autonome Socialiste Soviétique de Moldavie(RASSM) rattachée à l'Ukraine. Le reste de la Moldavie devint

la RépubliqueSocialiste Sovié-tique de Moldavie(RSSM). En 1944,la RASSM futrattachée à cettedernière.

Devant la néo-classique Maisondes Soviets, un desprincipaux bâti-ments officiels, unbuste de Lénine

cette fois fixe lespassants. Bizarre…

il côtoie… celui de Mickey, ornant l'entrée d'un magasin dejouets. Faucille, marteau, gerbe de blé et grappes de raisin, lessymboles de l'ancienne RSSM sont ici légion. Le lien est clai-rement affirmé et Lénine n'est pas prêt d'être déboulonné!

Les NOUVeLLes de ROUMANIe

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A la découverte de la MoldavieLes NOUVeLLes de ROUMANIe

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Des clés pour

Formalités: passeport nécessaire, valable encore sixmois + visa. Attention, la carte d’identité ne suffitpas, contrairement à la Roumanie.

Visa obligatoire : délivrer en général pour un mois, pré-ciser le nombre d'entrées que l'on veut (par exemple si on faitun crochet pour aller en Ukraine).

- le demander par courrier auprès des ambassades de laMoldavie qui envoient un formulaire à remplir, à retourner enrecommandé avec le passeport, une photo d'identité et unchèque d'environ 45 €; retour en moins d'une semaine.

Autres solutions, mais elles pourraient être suppriméesprochainement, du moins pour la délivrance à la frontière, saufpour les pays qui n'ont pas d'ambassade de Moldavie sur leurterritoire (la Suisse par exemple) :

- l'obtenir lors de votre passage àBucarest ; même procédure. Se pré-senter avec les pièces nécessaires(voir ci-dessus) au consulat généralde Moldavie, le matin de 9 h à 11 h(une demi-heure d'attente), puis allerle payer en euros dans une banque ducentre de Bucarest qui délivre unreçu, et le retirer l'après-midi mêmeentre 15 et 17 h.

- délivré à l'entrée: immédiat à lafrontière aérienne ou terrestre (uni-quement les postes frontières avec la Roumanie de Leuseni,Sculeni et Cahul qui possèdent un service consulaire); mêmesconditions, un quart d'heure d'attente, prévoir des euros.

Enregistrement: survivance du communisme, les étran-gers sont tenus de se faire enregistrer auprès de l'administra-tion s'ils résident chez des particuliers ou dans des petits hôtelsdans les trois jours suivant leur arrivée. Il faut compter une àdeux heures pour la démarche, pas inintéressante car elle per-met de découvrir le fonctionnement de la bureaucratie à lasoviétique, ses fonctionnaires mal aimables et ses queues. Onpeut aussi décider de s'en passer, ne serait-ce que pour rendrecaduc ce système policier. Les clients des grands hôtels sontdispensés de cette démarche, étant "fliqués" par les fichesqu'ils doivent remplir.

Frontières: pas de problèmes particuliers, passage immé-diat pour les frontières aériennes.

Frontières terrestres: compter environ trois quarts d'heure.Plusieurs démarches à effectuer: payer la taxe pour les voi-tures, payer la taxe écologique, au total environ 10 € en leimoldaves qu'il faut changer à la banque du poste frontière.

On commence à sentir la pesanteur administrative, maisles agents sont courtois, plus sympathiques à la frontièreAlbita-Leusani (en provenance de Husi), qu'à celles du nord(Sculeni, Lipscani), en provenance de Iasi et Botosani, où se

ressentent le formalisme et la raideur russes.Héritage du communisme entre "pays frères", Roumanie

et Moldavie ne comptent que 3 frontières routières et 2 ferro-viaires … à comparer avec les centaine qui existent entre laFrance et la Belgique ou la Suisse.

Paris - Chisinau par Amsterdam ou Francfort

Accès: La Moldavie est un pays enclavé, n'ayant aucunefrontière maritime, enfermé entre l'Ukraine et la Roumanie,avec lesquelles elle a de rares frontières terrestres et ferro-viaires (3 routières et 2 ferroviaires avec la Roumanie, 11 et 7pour l'Ukraine qui l'entoure sur plus de 1500 km).

Avion: L'accès le plus pratiquese fait par avion, mais seulementquelques lignes desservent la capitaleChisinau: Amsterdam, Francfort,Vienne, Budapest, Prague, Moscou,Istanbul, Athènes, Larnaka (Chypre).Ces vols, en liaison directe, sontassurés par la compagnie nationaleAir Moldova et Moldovean Airlinespour Budapest. La desserte directedepuis Paris est supprimée depuisjanvier 2005 et remplacée par un pré-acheminement par Amsterdam

(KLM, 3 fois par semaine) et Francfort (Lufthansa, tous lesjours sauf le dimanche), pour des vols d'une durée de troisheures. Le tarif le plus intéressant aller-retour depuis Paris,valable au maximum un mois, était d'environ 450 €, pré-ache-minement et taxes d'aéroport incluses, avant l'envolée descours du pétrole.

La liaison Bucarest-Chisinau est une option très intéres-sante, évitant temps perdu et fatigue du train si on se trouve enRoumanie. Assurée quasiment quotidiennement et alternative-ment par Tarom et Air-Moldova, en une heure, il en coûteenviron 100-120 € l'aller, aux meilleurs tarifs.

Train: pénible car très long (12 heures pour 600 km) audépart de la gare du Nord de Bucarest. Un train par jour, départle soir à 21 h, arrivée le lendemain matin à Chisinau à 9 h. Levoyage aller en classe unique et couchette coûte 30 €. A par-tir de 3 heures du matin et l'approche de la frontière, on ne peutplus dormir car on est réveillé sans arrêt par les douaniers. Auretour, le trajet est moins fatiguant; le départ de Chisinau étantà 17 h, les frontières sont passées entre 21 h et 23 h; ensuite onpeut se reposer jusqu'à l'arrivée à Bucarest, à 5 h 30.

Bus: il existe une ligne directe Chisinau-Paris parEurolines (départ de la gare routière centrale); compter 50heures de trajet et 200 € l'aller (160 € pour les moins de 26ans et plus de 60 ans).

La Moldavie, petit pays enclavé, sans façade maritime, entouré par deux grands voisins, la Roumanie et l'Ukraine, possède peu de portes d'entrée. S’y rendre se mérite

et ce voyage peut se révéler parfois déroutant pour le visiteur occidental, mais il ne présente aucun risque particulier. On se déplace en toute sécurité, contrairement

à ce que laissent à penser certains clichés inhérents à cette partie de l'Europe.

des années 2000

Igor Nicolaievitch Smirnov,“maître” de la Transnistrie.

Visite obligatoire aux monuments patriotiques pour ces enfants rieurs, malgré tout.

Les portraits des “camarades” méritants, affublés de leursrangées de médailles sont exposés dans les rues.

La gare disparue de Chisinau, à l’époque où laMoldavie était entièrement roumaine.

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Le secteur industriel de la Moldavie,représenté par l'industrie mécanique, l'in-dustrie des matériaux de construction etl'industrie agroalimentaire, s'est effondréà la suite de l'implosion de l'URSS.Seules quelques centaines d'entreprisessont encore actives, mais toutes sontconfrontées à des difficultés plus oumoins sérieuses. Une partie importanted'entre elles sont situées en Transnistrie.Le secteur de l'énergie est privatisé.

L'industrie légère est plus diversifiéeet plus productive, grâce notamment auxinvestissements étrangers. Se distinguentles activités textiles et la production debois et de meubles.

Le secteur bancaire et financierconstitue une des rares satisfactions desréformes économiques. La Moldavie dis-pose d'une banque centrale indépendanteet de banques commerciales, principale-ment détenues par des capitaux étrangers.Le pays a également mis en place un mar-ché des obligations publiques et un mar-ché des changes.

Sous le communisme, la Moldavie sedistinguait dans la maîtrise des technolo-gies militaires et aérospatiales avancées.L'entreprise moldave contemporaine secaractérise par un manque de connaissan-

ce de l'économie de marché, une absencede stratégie de marketing, un environne-ment réglementaire contraignant et desdébouchés limités.

Les tentatives de réformes écono-miques des années 1990 et 2000 ont tou-tefois légèrement amélioré l'efficacité etla réactivité des entreprises anciennes,mais ce sont les jeunes entreprises quisont les plus prometteuses. Le secteurprivé contribuait en mars 2005 à environ75 % du PIB national.

L'agriculture emploie la moitié de la population active

Le secteur de l'agriculture contribueà moins du quart du PIB de la Moldavie,mais il emploie environ la moitié de lapopulation active. Archaïque et donc fai-blement compétitive, l'agriculture molda-ve est spécialisée dans la culture decéréales, de betteraves, de tournesol et detabac, ainsi que dans les vignes et les ver-gers. Seule la production de pomme deterres dépend exclusivement du secteurprivé, les autres productions agricolesétant le plus souvent réalisées par desexploitations collectives. La réformeagraire a commencé en août 1997, avec

une loi autorisant la vente des terres agri-coles. La grande majorité des terres sonttoutefois encore occupées par des exploi-tations collectives.

L'agriculture moldave bénéficie d'unclimat favorable au développement descultures. De plus, le pays dispose deréserves d'eau abondantes et les troisquarts de la superficie nationale sont desterres cultivables et pour la plupart trèsfertiles. L'agriculture moldave a fait sespreuves dans des domaines tels que laculture du tabac, des fruits ou deslégumes, la viticulture et la fabrication devin. Elle est par ailleurs soutenue par desinstituts de recherche scientifique ayantla compétence nécessaire au bon déve-loppement de l'agriculture.

Traditionnellement tournée vers lesmarchés de l'URSS, l'agriculture moldavea souffert de l'éclatement de cette derniè-re. Ce secteur manque par ailleurs d'équi-pements et de technologies, ce qui freinesa modernisation. Tirée par le tabac, levin et la viande, l'industrie agro-alimen-taire est toutefois en progression. LaMoldavie exporte les deux tiers de sa pro-duction, essentiellement vers les pays dela CEI, mais également de manière crois-sante vers les marchés occidentaux.

A la découverte de la Moldavie

Les minorités les plus importantes du pays sont lesUkrainiens (13,8 %) et les Russes (13 %). Ces deux commu-nautés linguistiques sont puissantes, d'une part, parce qu'ellessont solidaires et forment une coali-tion de 26,8 %, d'autre part, parcequ'elles constituent une classesociale privilégiée, économique-ment plus riche et omniprésentedans les grandes villes et surtoutdans la capitale.

A savoir

La République de Moldavie (enmoldave "Moldova"), anciennementRépublique Soviétique Socialiste deMoldavie, a pris son indépendance le 27 août 1991.

Chef de l'État: Vladimir VoronineChef du gouvernement : Vasile TarlevCapitale: Chisinau (700 000 habitants)Superficie: 33.845 km² Population: 4 320 000 habitants (dont un million sont

partis à l'étranger), 2 millions dans les villes, 2,3 millions à lacampagne

Fuseau horaire : GMT + 2 heures, Paris + 1 heure (mêmedécalage qu'en Roumanie)

Langue officielle: le moldave(...qui est en fait le roumain) et lerusse. La langue russe est large-ment utilisée, car la plupart desentreprises ont des investisseursrusses. La plupart des journaux etdes chaînes de télévision sont dif-fusés en Russe.

Religion: orthodoxe, minoritéde catholiques

Monnaie: leu moldaveFrontières terrestres: 1389

km dont 450 km avec la Roumanie et 939 km avec l'UkraineRivières: Dniestr ou Nistru 1352 km (657 km en

Moldavie), Prut 989 km (695 km)Point le plus haut: colline Balanesti (430 m)Températures moyennes en janvier: nord -5°C, sud -3°CTempératures moyennes en juillet : nord 19°C, sud 22°C

Les NOUVeLLes de ROUMANIe

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A la découverte de la MoldavieLes NOUVeLLes de ROUMANIe

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roumaine… mais un million d'absents

et économie sinistrée

Paranoïa et méfiance

La paranoïa et la méfiance sont aussi bien réelles. Ainsi,dés notre arrivée à Tiraspol, nous cherchons un des trois hôtelsde la ville. La nuit tombe et à la réception de l'hôtel Droujba(Amitié), l'employée nous faitcomprendre que pour nous enre-gistrer, un document du commis-sariat de police est nécessaire.Niet, pas de papier, pas dechambre! Dépités, nous finissons,après moults palabres à travers lafenêtre d'un immeuble sordide, ànous procurer la précieuse décla-ration contre quelques roubles. Lapaperasse n'est pas finie puisque,le lendemain, nous devons nousrendre dans un autre bureau de laville. La bonne vieille bureaucra-tie soviétique a ici devant elle debeaux jours!

...et une économie sinistrée et corrompue

Si la Transnistrie représentait 40% du potentiel industrielde l'ancienne République Socialiste Soviétique de Moldavie,l'économie n'en est pas moins sinistrée. "Beaucoup ici nerêvent que de partir en Occident, et un grand nombre l'a déjà

fait", nous explique Natacha, une jeune allemande d'originerusse, née à Tiraspol. Chaque été, celle-ci revient dans cetteville "agréable", à condition de ne pas y habiter précise-t-elle.Avec ses 200.000 habitants, Tiraspol ressemble à une tran-quille ville de province. Cependant, les façades du régime ne

sauraient cacher la réalité d'unedes économies les plus sinistréesdu continent. Le salaire moyenaffiché ici n'est que de 50 eurospar mois.

Toute l'économie de la répu-blique autoproclamée est en faitdirigée par une seule firme,Shériff, dont le fils du présidentSmirnov est l'un des principauxdirigeants. Celui-ci contrôle éga-lement les douanes. Stations d'es-sence, cigarettes, alcools, télépho-nie, supermarchés… le nom deShériff apparaît partout.

Ainsi, radio Shériff diffuse les matchs de l'équipe de footde la ville, qui bénéficie d'un stade flambant neuf, doté deséquipements les plus modernes et destiné à recevoir deséquipes étrangères contre la sélection nationale, malgré l'inter-diction de la fédération Internationale, afin de donner un sem-blant de légitimité au pays. Corruption et trafics sont monnaiecourante. Un fait étonnant: la Transnistrie exporte plus d'armeslégères que la Chine!

Visiter la Transnistrie: une

Se rendre en Transnistrie n'arien d'exceptionnel, contraire-ment à ce que rapportent les

récits de certains "reporters de guerre"racontant leurs exploits etqui font se plier de rire lesdiplomates occidentaux enposte à Chisinau. Bien sûr,une visite sera plus mouve-mentée si la période est ten-due. Il faut toutefois prendreconscience qu'il s'agit d'unezone de non-droit où, s'ilarrive quelque chose, on nedispose d'aucun recours, lesambassades y ayant très peude moyens d'agir.

Entre dernier barragemoldave, celui de la forced'interposition russe, puisdes forces transnistriennes,le passage de la frontière ne réclame pasplus d'un quart d'heure. Le temps d'obser-ver les deux ou trois tanks à demi camou-flés rangés sur les bas-côtés du "no man'sland" et que l'on prend davantage pour

des pièces de musée. Seul le passeport avec le visa molda-

ve est nécessaire. Les militaires le regar-dent à peine, sauf à certains endroits où

ils voient très peu d'étrangers passer, s'ag-glutinant alors pour l'examiner aveccuriosité. Une taxe d'entrée de 6-7 leimoldaves (18 lei = un euro) par personneest demandée pour la journée, un peu plus

si vous venez avec votre voiture. Si onsouhaite séjourner plus longtemps, il fau-dra remplir une fiche, ce qui prend cinqminutes, la seule difficulté étant qu'elle

est en russe. Il ne faudrasurtout pas se démunir dutalon qui vous sera remiscar il est la preuve quevous êtes entré légalementet sa perte peut vous valoirdes ennuis à la sortie.

En général, on nedemande pas de bakchich,du moins si vous êtesaccompagné par unMoldave qui remplit lesformalités pour vous.D'ailleurs, après l'expé-rience de cinq-six pas-sages en Transnistrie, il estdifficile d'affirmer que

cette pratique se transforme en racket.Bien sûr, quelques billets peuvent arran-ger certaines situations. Mais la popula-tion se débrouille avec ses "ficelles" quilaissent éberlué l'étranger.

Aux portes de la république sécessionniste, tout comme au coeur de Tiraspol,des symboles militaires qui ne trompent pas sur la nature du régime.

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A la découverte de la Moldavie

Sergueï, lui, sait les réalités de cette vie. Dans un mélangede roumain et d'anglais, ce père de famille nous conte sa situa-tion: à 35 ans, vétérinaire le jour, il cumule cette activité avecun emploi de veilleur de nuit dans le parking de notre hôtel.

En dépit de cette double vie,c'est tout juste s'il parvient péni-blement à réunir 60 euros parmois. Il y ajoute donc un petittrafic de vin et, à l'occasion,peut, nous souffle-t-il discrète-ment, nous trouver une fille à 15euros la nuit.

Coupures de courant et sanctions économiques

Depuis l'épisode des écolesmoldaves, les relations avecChisinau sont tendues. Tiraspola coupé l'alimentation électriquede plusieurs villages moldavessitués sur la rive gauche duDniestr.

En réponse, la Moldavie amis en place des sanctions éco-nomiques à l'encontre de la pro-vince rebelle, en attendant la réouverture des écoles moldaves.En fait, il s'agit d'un véritable blocus économique qui pousse

le commerce transnistrien vers la Russie. Quant à laRoumanie, elle a suspendu ses relations commerciales avec legouvernement de Transnistrie et augmenté son aide écono-mique à la Moldavie.

Pour l'heure, les négocia-tions semblent dans l'impasse.A la fin de janvier 2005, lesautorités moldaves ont mêmeinterdit aux ambassadeurs russeet ukrainien de se rendre àTiraspol pour la poursuite desnégociations de la Commissionà cinq (Moldavie, Transnistrie +les trois médiateurs que sontl'OSCE, la Russie et l'Ukraine).Face à cette attitude, IgorSmirnov a brandi la menaced'une rupture définitive.

Au rez-de-chaussée de l'hô-tel, l'unique employée d'unsalon de mariage nous présentefièrement ses modèles. Svetlanase moque de ces débats poli-tique. A 28 ans, elle ne rêve quede quitter son travail pour Pariset la France. Si seulement, elle

pouvait trouver place dans le cœur d'un Français…Fabrice Dubesset

Les NOUVeLLes de ROUMANIe

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A la découverte de la MoldavieLes NOUVeLLes de ROUMANIe

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Une population aux deux tiers

La République de Moldavie (ou Moldova) est unpetit état de 33 700 km² situé au sud-est del'Europe. Elle est enclavée, à l'est et au sud par

l'Ukraine, et à l'ouest par la Roumanie. Le fleuve Prout séparela Moldavie (à l'est) de la Roumanie (àl'ouest). La partie orientale de la Moldaviecomprend une petite bande, la Transnistrie,qui a fait sécession en 1992 et est situéeentre le Nistru (nom du Dniestr en russe) etla frontière ukrainienne. L'accès à la merNoire se fait par un débouché de moins d'unkilomètre sur le Bas-Danube.

Avec 128 habitants au km², la Moldaviepossède la plus forte densité de populationde toutes les anciennes républiques de l'ex-URSS. Malgré l'immigration russophoneayant alimenté sous le communisme l'indus-trie nationale en ressources humaines, le pays est relativementpeu urbanisé, puisqu'à peine le moitié environ de la populationvit en zone urbaine. Il faut souligner qu' un million deMoldaves, soit près d'un quart de la population, sont partiss'installer à l'étranger depuis 1991.

La capitale est Chisinau (appelée en russe Kichinev) ; c'estaussi la ville principale du pays. Les autres villes importantessont Tiraspol (184 000 habitants), Tighina, appelé aussiBender (162 000 habitants) et Balti.

La Moldavie est divisée en plusieursunités administratives, dont deux régionsautonomes (Gagaouzie et Transnistrie), dixjudete (ou "comtés") et une municipalité àstatut spécial (Chisinau Oras). Les judetulesont les suivants: Balti, Cahul, Chisinau,Dubasari, Edinet, Lapusna, Orhei, Soroca,Tighina et Ungheni.

La population a une grande diversité eth-nique, linguistique et culturelle (65 % deRoumains, 27 % de Russes et d'Ukrainiens, 8% de minorités: Gagaouzes, 3,5 %, Bulgares,2 %, Juifs, 1,5 %, Allemands), due tout autant

au brassage de cultures qu'aux grandes vagues migratoiresorganisées sous Staline. Le groupe majoritaire parle le rou-main et est à une très grande majorité de religion orthodoxerusse. Pour des raisons politiques, la langue moldave a été pré-sentée comme une langue distincte du roumain.

Exemple : un chauffeur de taxi arrêtésur une route déserte par un policier seulen faction, pour un excès de vitesse quin'existait pas, et visiblement désireux dese faire un peu d'argent. Le "contreve-nant", sortant ses papiers, exhibe égale-ment une carte d'invalidité, et indiquequ'il est un vétéran de guerre, blessé àCuba, ce qui est aussi faux que l'infrac-

tion reprochée. Le policier se met immé-diatement au garde à vous… le laissant

partir. Dans l'ex-URSS, on ne plaisantepas avec les héros du socialisme !

Facile depuis Chisinau

Visiter Tiraspol etThigana se fait dans lajournée, si on part de bonneheure. On peut s'y rendre

depuis la gareroutière deChisinau pardes cars trèsconfortables(trajet d'uneheure, coûtun euro) oudes maxi-taxis. Les départs sont fré-quents; attention, le retourdu dernier car se fait à 17heures. Sur place, il nefaut pas oublier de chan-ger, la monnaie étant le

rouble transnistrien (reconnu uniquementsur place) et l'on vous en donne dix pour

un euro. Ces billets exotiques serontsans-doute le souvenir le plus originalque vous pourrez rapporter et ravira vosamis collectionneurs.

Dans la capitale, le mieux est delouer les services d'un taxi, si possibleparlant roumain qui vous fera faire le tourde la ville en une heure ou deux (compter5 € de l'heure). Ensuite vous pourrezvous balader tranquillement, humant l'at-mosphère de l'époque soviétique… ce quine s'oublie pas.

Vladimir Voronine, président de la République de Moldavie.

Après le plongeon des année90, la croissance a reprisvigoureusement à partir de

2000, mais est dépendante de labonne santé de la Russie.L'absence de connaissance de l'é-conomie de marché freineconsidérablement le développe-ment ainsi que l'agriculture,archaïque, faiblement compétiti-ve et encore collectivisée.

D'un point de vue écono-mique, la transition des années1990 a été marquée par une suc-cession d'échecs de réformesmenées par des décideurs poli-tiques corrompus et incompé-tents, conduisant la Républiquede Moldavie à un des plus basniveaux de développement en Europe, cequi se traduit au plan social par des reve-nus extrêmement faibles (salaire moyennet de l'ordre de 60 €) et une véritablehémorragie par une émigration qui repré-sente un quart de la population.

La situation économique s'estaggravée notamment à la suite du conflitde Transnistrie, région sécessionniste quiconcentre la plus grande partie des res-sources industrielles du pays.

Contraints par les institutions inter-nationales, les récents gouvernements ontmis en place une politique monétaire et

fiscale plus stricte. L'inflation est désor-mais sous contrôle et la valeur du leu,devise moldave depuis 1993, s'est stabi-lisée. Le solde public reste toutefois défi-citaire, tant la collecte fiscale et les priva-tisations sont limitées. Le pays parvenantpour l'instant difficilement à exporter, labalance commerciale enregistre un déficitstructurel croissant.

Entamant un rattrapage après le plon-geon des années 1990 - Produit national

brut en chute de 15 % - la croissance éco-nomique de la Moldavie est vigoureusedepuis l'année 2000.

Elle profite de la bonne santédu premier partenaire du pays, laRussie, mais également d'unaccroissement de la consomma-tion des ménages, rendu possiblenotamment grâce aux revenus dela diaspora. Compte tenu de l'im-portance du secteur agricole, lesperformances macro-écono-miques du pays sont dépendantesdu niveau mondial des prix ali-mentaires et des conditions cli-matiques nationales.

Le secteur privé contribue à 75 % du PIB

Le secteur agricole moldave emploiela majorité de la population et contribue àhauteur du quart du PIB national. Lesexportations du domaine agro-alimentai-re comptent pour plus du tiers des expor-tations totales du pays. Le pays comptepeu de spécialisations industrielles, etcelles-ci concernent généralement dessecteurs à faible valeur ajoutée, du fait del'insuffisance de l'investissement privé.

Transition désastreuse

journée qui ne s'oublie pas

Près du marché central de Chisinau, des femmes patiententdes heures, espérant vendre les tricots de leur confection.

Otage de la Russie soviétique, de ses mafias, d’une nomenklatura séparatiste et affairiste,

la population s’efforce de croire en une vie normale, alors que nombre de ses enfants prennent le chemin de l’exil.

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A la découverte de la MoldavieLes NOUVeLLes de ROUMANIe

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A la découverte de la Moldavie

Un paradis de fruits et de fleurs

Cuisine: les Moldaves sont amateurs de porc, de poulet etde mamaliga (polenta ou semoule de maïs) qu'ils serventnotamment avec du poisson et du mujdei (assaisonnement àl'ail). Ils apprécientégalement les sarmale,appelés galuste, lesplacinte (galettes) aufromage, aux choux,aux pommes, auxcerises, et le poissonfumé (hareng, maque-reau) mais celui-cicoûte cher. Suivant lasaison, sont servis despoivrons, des tomatesfarcies, des melonsjaunes (zamos), despastèques (arbuz), dessalades d'aubergines (vinete), des haricots (fasole), desconcombres, radis… La Moldavie est connue pour être unparadis de fleurs champêtres et de fruits, pas chers du tout enoutre: cerises, fraises, framboises, pêches, coings, raisins,prunes, pommes, poires… il ne manque que des scoubidous !

Boissons: la Moldavie est le pays du vin, que l'on sert sur-tout au sud, la tsuica la remplace dans le nord; la bière estbonne, les plus répandues sont de fabrication russe, dont lafameuse "Baltica", au degré d'alcool augmentant avec lenuméro (se contenter de la n° 3, si on n'aime pas les excès).

Marchés: Ils sont pittoresques, vivants; ony trouve de tout. Ne pas manquer le marché cen-tral de Chisinau, près de Stefan Cel mare (entréeprincipale strada Armeneasca), ouvert de 6 h lematin à 16 h; on y vient de tout le pays. Compterdeux heures de visite et de nombreuses photos.

Pas de Noël et la Toussaint une semaine après Pâques

Fêtes: nostalgie du régime, les fêtes sovié-tiques (Révolution d'octobre, le 7 novembre, 1ermai, 9 mai ou fin de la Seconde guerre mondia-le) sont toujours célébrées avec défilé etmusiques militaires. La fête nationale est le 27août, commémorant la proclamation de l'indé-pendance, le 27 août 1991. Noël n'est pas chômé(on travaille les 25 et 26 décembre), comme chez les ortho-doxes russes; on le fête, simplement, le 7 janvier.

Par contre Pâques (orthodoxe) est un moment très fort,suivi, une semaine plus tard, des "Pâques des morts" qui est lafête religieuse la plus importante de l'année, correspondant à laToussaint des catholiques; les familles se retrouvent et seregroupent sur les tombes des disparus, le plus souvent dansles cimetières à la campagne. On dépose des œufs que le popevient bénir et qu'on récupère ensuite. La vie dans le pays

s'arrête pendant trois jours, du samedi au lundi, et tous lesmagasins sont fermés.

A noter aussi les jours des enfants, fêtés avec de lamusique et des fleurs, le 1er juin, quand les écoles fermentleurs portes, et le 1er septembre, pour la rentrée scolaire.

Fête du vin: elle n'existe que depuisquelques années et a pour objet de promou-voir ce fleuron de l'économie et de la traditionmoldave. Organisée à Chisinau sur unesemaine, tout début octobre, avec foire-expo-sition attirant de nombreux négociants étran-gers, elle culmine pendant le week-end avecle défilé dans le centre de la capitale des charsdes villages viticoles qui font la publicité deleurs crûs, accompagnés de groupes folklo-riques, costumés, de fanfares et orchestres.Exceptionnellement, les étrangers sont dis-pensés de visa à cette occasion.

Adresses :Ambassades de Moldavie en France: 1

rue de Sfax, 75 116 Paris; tel: 01 40 67 11 20, 11 11, 11 23, 7133, 79 17, e-mail: [email protected]

- en Belgique: 175 avenue Emile-Max, B 1040 Bruxelles;tel: 02 732 96 60

Pas d'ambassade en Suisse.- en Roumanie (consulat général): 762 432 Bd. Eroilor n°

8, Sector 5; tel: (0040-21) 410 98 27Fax: (0040-21) 410 98 26Ambassade de France en République de Moldavie:

101-a, Rue du 31 August - MD-2012, Chisinau; tel: + 373 (2)23.70.17 Fax: + 373(2) 22.82.24; e-mail:[email protected],amb- f r@cni .md;site: www.amba-france.md

Pas d'ambassa-de de Suisse et deBelgique.

Air Moldova:Personne à contac-ter: Olga Socolova,représentante decette compagnieaérienne à Paris (tel:01 40 53 83 55, 0609 39 91 31, e-mail:

[email protected]).MoldovaTur : Il n'existe pas d'agence française de voya-

ge qui travaille avec la République de Moldavie. En ce quiconcerne les agences moldaves, les touristes peuvent s'adres-ser à "MoldovaTur" qui organise des excursions pour les étran-gers qui se rendent en Moldavie.

Adresse: 4 bd Stefan cel Mare 2001,Chisinau, Républiquede Moldavie; tel: (37322) 54 03 01, fax: (3732) 27 25 86; e-mail: [email protected]; site Internet: www.ipm.md/mtur

Les NOUVeLLes de ROUMANIe

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faute d'être encouragé

Les origines latines de la Moldavie datent de lapériode où les Romains conquirent le royaume peu-plé par les Daces, qui s'étendait sur une zone cor-

respondant à peu prés à la Roumanie, la Bulgarie, et la Serbieactuelles. De 105 à 270, la population se forma avec une cul-ture latine, mélange des colons romains et de la populationlocale. Après que l'empire romain et son influence se soientaffaiblis, les troupes romaines quittant la région vers 271,différents peuples ont traversé le secteur, souvent violemment:Huns, Ostrogoths, et Avars. Les Bulgares, les Magyars, lesPetchénègues, et les Mongols ont également contrôlé la régiontemporairement. Entre les Xème et XIIIème siècles, les princi-pautés de Valachie et de Moldavie commencèrent à se former.La région est alors sous la souveraineté hongroise jusqu'à cequ'une principauté de Moldavie indépendante ait été établiepar le prince Bogdan en 1359 (buste ci-contre), s'étendant du

versant oriental des Carpates au Dniestr (Nistru).Les puissants voisins, hongrois et surtout polonais, dont la

suzeraineté était reconnue par les princes moldaves auxXIVème et XVème siècles, se livrèrent à une intense lutte d'in-fluence. Pendant la deuxième moitié du quinzième siècle,toute l'Europe du sud-est sera soumise à la pression croissantede l'empire Ottoman, et en dépit des victoires militaires signi-ficatives obtenue par Etienne le Grand (Stefan cel Mare,1457-1504), la Moldavie succombera à la puissance Ottomaneen 1512, restant sous domination des Turcs pendant les 300années à venir.

Ballottée entre Turquie, Russie et Roumanie

En 1792, le traité signé à Iasi força l'empire Ottoman àcéder ses possessions, dont celle qui représente maintenant la

Une BessarabieMélange de colons romains et de population locale, les Moldaves n'ont obtenu leur indépendance qu'en 1991. Leur histoire a été marquée par les occupations,

déportations, et les séparations avec la Moldavie d'Etienne le Grand. L'Europe permettra-t-elle un jour à ce petit pays de trouver enfin sa vraie place ?

Prince de Moldavie, au règneéphémère qui dura deux ans,Dimitrie Cantemir (1673-

1723) n'en est pas moins considérécomme une des grandes figures de l'his-toire de la Roumanie, car il en fut le pre-mier véritable écrivain et penseur et, toutcomme Etienne le Grand, il est égalementrevendiqué par la République Moldavequi considère que par ses origines, ilappartient au patrimoine de ce pays.

Fils du voïvode Constantin Cantemiret d'Ana Bantos, une noble dont on van-tait la personnalité lumineuse, DimitrieCantemir est né à Silisteni. D'abord élevéà Iasi par Jérémie Cacavelas, théologienpolyglotte qui avait étudié à Vienne et àLeipzig, lui apprit le grec et lui donna unegrande connaissance des culturesantiques, il fut envoyé à Constantinoplepar son père, à l'âge de 15 ans, pour rem-placer son frère, Antioche, "otage"auprès de "la Sublime Porte" afin degarantir la fidélité de la Moldavie à sessuzerains ottomans.

Le jeune homme y passa vingt deux

ans, avec des interruptions, goûtant à lavie de la société du Moyen-Orient, fré-

quentant les milieux cosmopolites desambassadeurs occidentaux, la sociétégrecque du Phanar et le monde savant del'Académie grecque qui évoluait autourdu Patriarcat orthodoxe. Il maniera ainsi

avec aisance, outre le roumain, le grec etle latin, le turc, l'arabe, le persan et, plustard, le russe… au total onze langues.

Réfugié auprès de Pierre Le Grand après avoir étéchassé par les Turcs

En épousant Cassandre, fille du prin-ce valaque Serban Cantacuzino,Cantemir entra dans la branche de lafamille hostile au prince régnantConstantin Brancoveanu. A la mort deson père, en 1693, il fut élu voïvode deMoldavie, mais les Ottomans s'opposè-rent à cette décision et c'est Antioche quimonta sur le trône. Ce ne fut que partieremise, car il prit la succession de sonfrère, devenant prince régnant deMoldavie pour deux ans, en 1710.

Cantemir commit en effet l'erreur des'allier secrètement, puis ouvertement àPierre le Grand contre la Sublime Porte,espérant obtenir la libération de laMoldavie. Les Russes, renforcés parquatre mille soldats moldaves furent bat-

Dimitrie Cantemir, prince malheureux Otage de "la Sublime Porte", voïvode éphémère de Moldavie, ami du Tsar de Russie, passant sa vie en exil, Dimitrie Cantemir fut un piètre souverain mais un remarquable

homme de culture. Polyglotte, il parlait onze langues dont le grec, le turc, l'arabe et le persan. La Roumanie lui doit le premier livre écrit en langue roumaine.

La religion est très présente en Moldavie. Ici, au monastèrede Saharna, des femmes écrivent les recommandations

aux prêtres et moines pour qu’ils citent dans leurs prières lesproches dans la peine, au cours des messes dites en public.

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A la découverte de la Moldavie

Transnistrie, à l'empire russe. Au XVIIIè siècle, le Nord de laMoldavie sera incorporée à l'Empire autrichien,sous le nom de Bucovine (1774).

A la suite de la guerre russo-turque de 1806-1812, le territoire de la Moldavie actuel, situéentre le Prut et le Nistru, appelé plus tard"Bessarabie", sera annexé par l'Empire russe. Ala fin de la guerre de Crimée et à la signature dutraité de paix de Bucarest en 1856, le reste de laMoldavie et la Valachie reviendront à laRoumanie. Mais, la pression des Russes, notam-ment par le biais d'une colonisation continue, sepoursuivra.

En 1917, pendant la Première GuerreMondiale et la révolution bolchevique, les chefs politiques dela Bessarabie créèrent un Conseil national qui déclara laBessarabie "République démocratique indépendante deMoldavie", fédérée avec la Russie. Mais en février 1918, lanouvelle république déclara son indépendance complète de laRussie et, deux mois plus tard, vota pour s'unir à la Roumanie,ce fait irritant fortement Moscou. Cette décision étant enté-

rinée par la Conférence de Paris en 1920, la Roumanie réuni-ra alors les trois provinces: la Valachie, laMoldavie et la Transylvanie. Les Russes répli-queront en créant une République socialistesoviétique autonome de Moldavie en 1924, avecpour capitale Tiraspol (en 1929) sur le territoirede la République d'Ukraine et qui correspond àla Transnistrie actuelle.

Déportation, russification et soviétisation

A la suite du protocole secret du pacte ger-mano-soviétique d'août 1939, les Soviétiques

envahiront la Bessarabie en juin 1940. Celle-ci sera ensuitereprise entre 1941 et 1944 par les Roumains, devenus alorsalliés de l'Allemagne. Des déportations de Juifs et de Tsiganessont alors perpétrées en grand nombre.

En 1944, les Soviétiques annexeront la Bessarabie, créantla République socialiste soviétique de Moldavie reconnue parle Traité de Paris de 1947. (A suivre pages 24 et 25)

Les NOUVeLLes de ROUMANIe

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A la découverte de la MoldavieLes NOUVeLLes de ROUMANIe

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Renseignements: mieux vaut compter sur soi-même… le tourisme est encore loin d'avoir fait sonnid en Moldavie. Il n'existe pas d'office de touris-

me sur place, ni à l'étranger. Il est difficile de trouver des cartesroutières ou des plans de ville dignes de ce nom; on déniche cequi en tient lieu dans quelques librairies de chisinau. Un numé-ro de téléphone délivre toutefois des renseignements pratiquessur les hôtels, restaurants et garages: le 1188, mais il est uni-quement en roumain et russe.

Saisons: L'idéal se situe en mai-début juin;tout le pays est en fleurs après que le printemps soitarrivé, brutalement, à la mi-avril. Il fait vite chaud.L'été, de mi-juin à début septembre, peut être cani-culaire, le thermomètre montant parfois à 40°.

De septembre à mi-octobre, le pays connaît unété indien très agréable et c'est l'époque des ven-danges, importantes en Moldavie. Ensuite, après uncourt automne pluvieux, le pays entre dans l'hiververs la mi-novembre, avec les premières neiges,mais les mois les plus froids (jusqu'à - 25°) et lesplus neigeux sont février et début mars.

Pas aisé de se loger

Se loger: le grand problème en Moldavie, si on ne veut paspayer des prix inconsidérés dans les hôtels. Malheureusement,la chambre d'hôte est un système qui n'existe pas, à la diffé-rence de la Roumanie. On peut imaginer qu'il se développe-ra… quand les autoritésencourageront le tourismeet l'ouverture du pays.

Pour l'instant, il fautprocéder par relations per-sonnelles pour être logéchez des amis d'amis rou-mains ou par le biais deconnaissances person-nelles. Quelques rares orga-nismes proposent des loca-tions de studios ou miniappartements à Chisinau( w w w . m o l d o v a -travel.com/accomod/apartements.htm ou www.turisme.md/rom/sections/203/), compter entre 30 et 50 € la nuit.

En province, rien n'est prévu, mais on peut demander dansles villages à une "casa mare" (grande maison), ou "gospodo-rie", qui disposent d'annexes logeables pour la famille que l'onreçoit, que l'on n'utilise pas l'hiver car il faudrait chauffer et oùon entrepose les pommes et les coings à l'automne.

Elles peuvent être louées pour moins de dix euros; l’hé-

bergement comprend le repas du soir et le petit-déjeuner.

Des hôtels hors de prix

Hôtels à Chisinau: très chers, mais corrects… ce qui estnormal à ce prix là.

- Jolly Alon, 37 str. Maria Cebotari (tel.: /3732/ 23 28 96;fax: /3732/ 23 28 70); prix d'une nuitée: 100-120 €

- Monte Nelly, 13str. Corobceanu (tel.:/3732/ 23 49 91, fax:/3732/ 29 25 30); 120€.

- Dacia, 135 str.31 August (tel: / 3732/23 22 51, fax: /3732/23 46 47); 80 €.

- Codru, 127 str31 August (tel.:/3732/ 22 55 06; 22 6270, fax: /3732/ 23 7948); 70 €.

- National: 4 bd.Stefan cel mare (tel.:

/3732/ 54 03 05, fax: /3732/ 54 04 94); prix d'une nuitée: 45 €.Tous ces hôtels sont dans le centre; il en existe de nom-

breux autres, mais il est difficile d'en trouver à bon marché etau confort acceptable.

En province: il existe quelques hôtels dansles grandes villes, mais çà craint et il est préfé-rable de rentrer sur Chisinau, qui n'est jamaisloin, le soir. A la sortie de la capitale, sur lesgrandes routes, on trouve parfois un ou deuxmotels neufs.

Restaurants à Chisinau à recommander:- Curtea Vinatorului ("La cour du chasseur"

Str. Decebal 13 (tel: 784 440), restaurant typiquedans un jardin, cadre vert et agréable, fréquentépar la nomenklatura et les étrangers, orchestre etdanses tsiganes; cuisine appréciable. Compter 25€ pour deux, tout compris.

-Taifas, str. Bucuresti 67 (tel: 227 692 ou 693,site: www. la taifas.com); restaurant moldave roumaintypique, assez bien; compter 25-30 € pour deux.

- Symposium, 78 str. 31 august (tel: 211 318 ou 17, 794 10955); chic, en plein centre, très belle salle voûtée, terrasseombragée agréable et tranquille en été, cuisine soignée; comp-ter 25-30 € pour deux.

… et ne pas oublier "Délice d'ange", 117/2 str. 31 august(tel: 241 428), la merveilleuse pâtisserie française.

Un tourisme encore balbutiant… convoitée et déchiréePrix des hôtels élevé, chambres d'hôtes inexistantes, la vie des touristes

n'est pas facilitée. On peut imaginer que le secteur se développera… quand les autoritésle décideront et ouvriront vraiment leur pays. Mais, dans l'attente, il ne faut pas bouder

son plaisir : la Moldavie regorge de richesses à découvrir et à apprécier.

tus par les Turcs en 1711 à Stanilesti, surla rivière Prut, et Dimitrie Cantemir duts'exiler en Russie où, bien qu'intime dutsar et apparenté par son second mariageà la famille des princes Troubetzkoy,devenant lui-même prince russe et faitplus tard prince du Saint Empire germa-nique par l'empereur autrichien CharlesVI, il restera toujours un étranger. Sestentatives pour recouvrer le trône deMoldavie seront vaines.

Ecrivain, penseur, compositeur

En 1714, le prince fut élu membre del'Académie de Berlin, qui lui suggéra larédaction de sa Description antique etactuelle de l'Etat de Moldavie, premierouvrage critique sur l'histoire de sonpays, qu'il compléta en dressant égale-ment la première carte du pays.

Pour ses lecteurs occidentaux encore,il donna, en 1716, l'Histoire des accrois-sements et des amoindrissements del'empire ottoman, qui circula longtempssous forme de manuscrit dans toutel'Europe, et fut traduite et imprimée parles soins de son fils Antioche (ambassa-deur de Russie à Londres et Paris et écri-vain d'expression russe), en anglais(Londres, 1734, 1736), en français (Paris,

1743), en allemand (Hambourg, 1745).Outre de très divers travaux en latin,Cantemir écrivit aussi en turc, notam-ment un livre fondamental de musique,qui a permis de conserver le patrimoinemusical de l'époque en lui donnant uneforme écrite. Il composa par ailleurs lui-même différents morceaux de musiquemoyen-orientale.

Cantemir, laissa un ouvrage deréflexion : Le Divan, ou Causerie dusage avec le monde, ou Dispute del'âme avec le corps, qui fut le premierlivre publié en langue roumaine. Impriméà Iasi en 1698, en une édition bilingueroumaine et grecque, Le Divan fut aussitraduit en arabe. En 1705, il écrivit unroman animalier allégorique, Histoirehiéroglyphique, où, prince savant maismalchanceux en politique, il s'incarnesous la figure de la Licorne, animal decapture difficile, accumulant les vertus, àla corne dotée de pouvoirs miraculeux.

Sa fille, rivale amoureuse de Catherine 1ère de Russie

De 1717 à 1723, enfin, DimitrieCantemir rédigea en roumain Chroniquede l'antiquité des Romano-moldo-valaques, ouvrage polémique fondé sur

les mêmes sentiments que les écrits deMiron Costin ou de ConstantinCantacuzino, où il voit dans lesRoumains les héritiers de Rome.

Le prince moldave s'éteignit à l'âgede 50 ans, en 1723 à Kharkov, en Russie,loin de sa Moldavie natale qu'il désespé-rait de revoir. Il laissa derrière lui unedescendance nombreuse qui s'illustraégalement. Antioche (1708-1744), futprêtre et diplomate. Maria (1700-1754),séduisit Pierre le Grand, lequel s'apprêtaità répudier sa femme Catherine pour sesbeaux yeux, lorsqu'il mourut. La ven-geance de Catherine 1ère , devenue impé-ratrice, fut implacable… Maria terminases jours dans un couvent. Constantin(1703-1747) fut impliqué dans la conspi-ration du prince Galitzine contre l'impé-ratrice Anne et exilé en Sibérie.

La plus jeune fille de DimitrieCantemir, Smaragda (1720-1761),connue pour sa très grande beauté, épou-sa un prince russe et devint l'amie et laconfidente de l'impératrice Elizabeth.Aucun des enfants de Cantemir ne connutla terre de leur père et de leurs ancêtres. Ilfaudra attendre l'avènement d'un autrehéros de la Moldavie, Etienne le Grand,pour qu'elle soit rendue aux Moldaves etlibérée du joug des Turcs.

et écrivain de dimension européenne

“Haïducs (“Bandits au grand coeur”) de tous les pays, unissez-vous”... Clin d’oeil

d’un tableau dans un restaurant du centre de Chisinau.

La Baltica n°3, bière préférée des Russophones.

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A la découverte de la Moldavie

Les "pâtissières moldaves" devinrent vite célèbres dans lacapitale alsacienne, regardées avec beaucoup de sympathie, detendresse même… et d'étonnement: en France, la pâtisserie estconsidérée comme un métier d'homme, du fait de sa pénibilitédue aux horaires, à la charge de travail, aux poids des matièresà soulever et à transporter. C'est même un chauffeur de taxistrasbourgeois qui proposera le nom, finalement retenu, dufutur établissement, "Délice d'ange".

Mieux qu'en France… des gâteaux toujours frais

De retour à Chisinau, Ina Vieru pensa un moment impor-ter directement de France par camion frigorifique la viennoi-serie-pâtisserie. Le coût de revient l'en dissuada vite. Elle déci-da donc de se jeter à l'eau en fabriquant elle-même ses pro-duits, ne perdant pas de vue que les clés de la réussite rési-daient dans la qualité, un précepte loin d'êtresuivi en Moldavie. Elle fit donc venir deStrasbourg du matériel hautement profes-sionnel, dont un four.

Les premiers essais avec des produitsmoldaves se révélèrent médiocres.Chocolat, pâtes d'amande, beurre, fruits,furent donc acheminés de France afin d'as-surer une qualité qui ne se limite pas à unepâle imitation, comme c'est souvent le cas.Mieux même… Alors que beaucoup depâtissiers français ont opté pour la congéla-tion des bases, que ce soit les génoises oules fonds salés et sucrés, ajoutant simple-ment crèmes ou fruits frais à la demande -ce qui permet d'importantes économies depersonnel et de gestion - "Délice d'ange" aopté pour le frais intégral.

La pâtisserie propose des produits directement sortis deses fourneaux, dès 9 heures le matin, jusqu'à 23 heures, septjours sur sept. Ina Vieru s'est entourée d'une équipe d'une tren-taine de personnes,dont huit serveurs,quatre barmen, etquinze pâtissières.

A "Délice d'an-ge" on est sans arrêtà la recherchederecettes nouvelles,lesquelles provo-quent la curiosité àChisinau.

Régulièrementun artisan pâtissiervenu de France vientapporter son expé-rience, pour l'espaced'une quinzaine. Aujourd'hui, une usine moldave répondant aucahier des charges spécifique, le beurre est fait sur place. Il enest de même pour les fruits et leurs conserves, de très bonne

qualité et beaucoup moins chers. L'établissement ne désemplit pas, s'est créé une clientèle

fidèle, en perpétuelle croissance. Les grands hôtels prennentl'habitude d'y commander leur viennoiserie pour le petit-déjeu-ner et la pâtisserie pour leur table.

Après un essai, Ina a laissé de côté l'ambition de faire dela boulangerie française. Les Moldaves sont attachés à leurpain, qu'ils trouvent meilleur, plus consistant, et ne sont pashabitués à aller l'acheter en dehors des dépôts où on le trouveordinairement. Par contre, se fiant à son instinct "gourmand",elle s'apprête à développer son activité chocolaterie, convain-cue que ses compatriotes craqueront en découvrant les raffine-ments importés de France, cerises, amandes, oranges, liqueurs,inconnus ici.

Le bon goût concurrent de McDonald

Jamais àcourt d'idée, Inaa même entre-pris de concur-rencer les 4McDonald pré-sents dans lacapitale molda-ve. Une tâchea m b i t i e u s equand on sesouvient quel'installation dugéant de la"mal-bouffe" àMoscou avait

provoqué plus de queue que pour la visite du mausolée deLénine ! Du vendredi au dimanche, deux animatrices s'occu-pent des enfants des clients, leur faisant faire dessins, pein-tures, moules en plâtres - œuvres récompensées par de déli-

cieux gâteaux - pendant que leurs parentspeuvent se livrer sans retenue à l'un des septpéchés capitaux… la gourmandise.

Devant cette réussite, les projets nemanquent pas. Dans quelques mois, un éta-blissement de la même qualité verra le jourà Iasi, capitale de l'éternelle grandeMoldavie. Des Moldaves exporteront ainsileur savoir-faire, sur un fond de culturefrançaise, chez la grande sœur roumaine.Du jamais vu !

Mais le compliment qui est allé le plusdroit au cœur de Ina est venu d'un touristefrançais de passage, auquel elle demandait,avec une certaine inquiétude, son sentimentsur ses croissants. Dans un lapsus révéla-

teur, plutôt que le traditionnel "ca la mama acasa" ("commechez maman à la maison"), témoignage du plus grand conten-tement, celui-ci répondit "ca la Franta acasa".

Les NOUVeLLes de ROUMANIe

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A la découverte de la MoldavieLes NOUVeLLes de ROUMANIe

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est désormais françaiseToute l'économie sera dès lors orientée vers les besoins del'URSS. La soviétisation se traduira également par la déporta-tion de Moldaves en Sibérie ou au Kazakhstan. Les Russes etUkrainiens seront invités à migrer en Moldavie et particulière-ment en Transnistrie. Moscou réquisitionnera de grandesquantités de produits agricoles en dépit d'une moisson faible,la petite république devenant le verger de l'URSS. Une théorie,reprise aujourd'hui par le pouvoir moldave, affirmera mêmeque le roumain et le moldave sont deux langues différentes, lesecond devant s'écrire obligatoirement en cyrillique.

En principe, le différend territorial entre l'URSS et laRoumanie devait être clos puisque les deux Etats étaient com-munistes et amis. Les tensions ne disparurent pas pour autant,et se cristallisèrent à la fin des années 1980 par la revendica-tion de la reconnaissance de la langue moldave enfin admisecomme langue officielle en 1989.

Le Front populaire moldave verra alors le jour, le drapeaumoldave sera reconnu, tout comme la souveraineté moldave le23 juin 1990, puis l'indépendance le 27 août 1991 (fête natio-

nale depuis). La Moldavie deviendra membre de la CEI et del'ONU, le communiste Mircea Snegur étant le premierPrésident démocratiquement élu.

500 morts lors de la guerre civile de 1992-1993

Mais très vite, en 1992, une guerre civile éclatera entre lescommunautés russophone de Transnistrie et moldave. De plus,les Gagaouzes (peuple turcophone chrétien) proclamerontaussi leur indépendance. La Transnistrie, soutenue par la14ème armée russe du Général Lebed fera sécession. Un com-promis sera signé en 1993, après deux ans de combats, 500morts et des milliers de blessés. Igor Smirnov, un directeurd'usine parachuté par Moscou, sera élu président de laRépublique de Transnistrie.

Les premières élections législatives pluralistes auront lieuen février 1994. Les Moldaves se déclareront pour le maintiend'une Moldavie indépendante de la Roumanie, dans des fron-tières incluant la Transnistrie.

Ne voulant pas entendre parler d'un rattachement à la Roumanie, après l'éclatement de l'URSS, les Gagaouzes, venus de Turquie et de Bulgarie,

s'apprêtaient à prendre les armes. La petite communauté se satisfait aujourd'hui de son statut d'autonomie

La Gagaouzie constitue unerégion autonome au sud de laMoldavie de 172 000 per-

sonnes. Il s'agit de l'unité administrativedite Gagaouze-Yeri (littéralement: le"lieu gagaouze") comptant unesuperficie de 1831 km², c'est-à-dire5,4 % de celle de la République deMoldavie (33 800 km²). Ce territoi-re morcelé est réparti en cinq dis-tricts et 31 villages situés entrel'Ukraine et la Roumanie au sud dupays. La capitale en est Comrat (32000 habitants).

Les Gagaouzes forment unpeuple dont la population est d'en-viron 200 000 personnes au total.Bien qu'il soient dispersés dansplusieurs pays (Moldavie,Bulgarie, Roumanie, Ukraine,Kazakhstan, Turquie et Russie),l'essentiel de la population réside enMoldavie, qui représente 87 % de lapopulation gagaouze totale, et enBulgarie (12 000 personnes).

Christianisés selon le rite bulgare orthodoxe

Les Gagaouzes sont caractérisés par

le fait qu'ils constituent une communautéturcophone christianisée. La plupart pra-tiquent la même religion que les Bulgareset respectent les préceptes de l'Égliseorthodoxe bulgare. Ce peuple parle en

principe le gagaouze, une langue turquede la famille altaïque transcrite aupara-vant avec l'alphabet cyrillique, maismaintenant avec l'alphabet latin.

Les Gagaouzes entrèrent dans l'his-toire au cours du XIIIe siècle dans larégion de Varna, en Bulgarie. Ce sont desdescendants des Oghouz turcophones.

Après la chute de Constantinople (1299),les Oghouz christianisés auraient fui l'in-vasion turque, car les Turcs lesmenaçaient de leur imposer la religionmusulmane. Durant le Moyen Âge, ils se

seraient réfugiés, avec desBulgares, dans une zone de 200 kmle long de la mer Noire et de la merCaspienne, principalement enRoumanie, puis en Bulgarie.

Ils fondèrent une républiquedu nom d'un de leurs chefs appeléKay-Ka'us et se convertirent à lareligion grecque orthodoxe bulga-re, la majorité d'entre eux restantfidèles au patriarche deConstantinople après l'invasionottomane conduite par Bayasid Ieren 1398, qui mit fin à la seuleentité politique durable que lesGagaouzes aient connue au coursde leur histoire.

Cette ethnie fut ensuite intégrée dansl'ancienne principauté de Moldavie, quidemeura sous la suzeraineté turque, avantd'être annexée par la Russie au momentde la guerre russo-turque (1877-1878).L'histoire des Gagaouzes se confonditalors avec celle de la Roumanie et de laMoldavie puis de l'Union Soviétique.

La Gagaouzie, refuge

L’âne est encore un moyen de traction très utilisé dans la petite communauté gagaouze.

Ville de culture,Chisinau offre aussi des raffinements spirituels.

Tous les goûts sont dans la nature...

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En 1947, la République socialistesoviétique moldave fut reconstituée; uneintense russification s'ensuivit, ce quitoucha Moldaves et Gagaouzes.

Obligation d'utiliser l'alphabetcyrillique sous les Soviétiques

Les deux peuples utilisèrent, dès1957, l'alphabet cyrillique russe pourécrire leur langue. Sous le régime sovié-tique, le peuple gagaouze fut privé d'é-coles, sa langue fut totalement négligée etle développement culturel fut laissé pourcompte. Cette situation suscita une réac-tion instinctive de rébellion contre touteautorité, y compris celle des Moldaves.C'est seulement à la fin des annéessoixante que l'enseignement du gagaouzefut introduit en Moldavie.

En juin 1990, le Parlement moldavevota une déclaration de souveraineté ins-taurant la primauté de la Constitutionmoldave sur tout le territoire, ce quiincluait la Gagaouzie. Lorsque leParlement moldave adopta l'utilisation dumoldave (roumain) comme seule langueofficielle de la Moldavie, les Gagaouzesexprimèrent leur mécontentement.

Sous l'impulsion de Stepan Topal, leFront gagaouze commença à émerger; lesGagaouzes fondèrent, le 19 août 1990,une République socialiste soviétique deGagaouzie autour de la ville de Comrat.Le 27 août 1991, l'indépendance de la

Moldavie fut aussi proclamée.

Répression sanglante évitée en 1992

Aussitôt, les minorités gagaouze etrussophone, craignant une union avec laRoumanie, réclamèrent l'autonomie deleurs régions. Une guerre civile éclata

dans la république de Transnistrie entreles forces armées moldaves et les russo-phones. En 1992, le président moldave(Mircea Snegur) autorisa une interven-tion armée contre les rebelles gagaouzes,mais la déconfiture de l'armée moldaveen Transnistrie permit d'éviter une répres-sion sanglante en Gagaouzie.

Les conflits s'achevèrent avec laconclusion d'un accord à Moscou, uneconstitution prévoyant l'autonomie de laTransnistrie et de la Gagaouzie, et leurautodétermination dans l'éventualité

d'une union avec la Roumanie.Depuis 1995, les Gagaouzes ont le

droit de posséder leurs emblèmes, et de sedoter d'une assemblée législative élue etd'organismes exécutifs spécifiques.L'Etat moldave est représenté par un gou-verneur, considéré comme la fonctionofficielle et représentant le pouvoirsuprême de Gagaouzie, qui est élu direc-tement par la population du territoireautonome pour un mandat de quatre ans.On considère que ce statut a résolu leproblème politique de la Gagaouzie.

Pour autant, la situation économiquedes Gagaouzes ne s'est pas améliorée,leur région demeurant l'une des pluspauvres du pays; l'agriculture et le secteurindustriel sont mal développés.Cependant, les Gagaouzes ont su nonseulement éviter un bain de sang, maissurtout faire entendre leur voix auprèsdes autorités moldaves. Leurs institutionsfonctionnent relativement bien et ne ren-contrent pas de réelles oppositions de lapart des Moldaves qui respectent l'auto-nomie gagaouze.

Les Gagaouzes s'identifient aujour-d'hui comme des Moldaves aux traditionsparticulières et, bien qu'ils multiplient lesliens avec la Turquie, ils semblent êtreapparemment satisfaits de pouvoir gérerleurs affaires internes tout en faisant par-tie de la république de Moldavie; cela dit,le mouvement sécessionniste gagaouzen'est pas totalement disparu.

La stabilisation toutefois est encore loin d'être acquiseaujourd'hui en raison des tensions toujours vives enTransnistrie, un état non reconnu au niveau international. Parailleurs, des partis Moldaves pro-roumain désireraient le ratta-chement à la Roumanie. Il est à noter qu'en 2002 la Roumaniea accordé la citoyenneté roumaine aux moldaves d'origine rou-maine qui peuvent disposer d’un passeport particulièrementrecherché, en prévision de l’adhésion de ce pays à l’UE.

Relations exécrables avec Moscou

On peut donc considérer que la transition ne se passe pasbien, l'économie des années suivant l'indépendance s'effon-drant. Les relations avec la Russie sont tendues, même si lesdeux pays n'ont pas de frontière commune.

Le problème de la Transnistrie n'est pas résolu, Moscou ymaintenant des troupes d'occupation, appelées pudiquement"forces d'interposition", malgré son engagement à les retirer.La frontière est souvent fermée.

Enclavée entre l'Ukraine et la Roumanie, la Moldavien'entretenait pas non plus de bons rapports avec elles, voiciencore peu, renforçant davantage son sentiment d'isolement.Le pouvoir, principalement aux mains des russophones, s'é-vertue à mener une politique de déroumanisation, alors que lapopulation est aux deux tiers d'origine roumaine.

Mais en 2004, à la faveur des changements politiquesintervenus à Kiev ("Révolution Orange" et Bucarest (électionde Traian Basescu), Chisinau a opéré un rapprochement avecses deux voisins et s'est tourné vers l'UE.

La Moldavie ne peut cependant guère rêver de perspecti-ve européenne tant que les anciens communistes, reconvertisen juteux hommes d'affaires seront aux commandes d'un étatcorrompu, autoritaire et peu respectueux de la véritable démo-cratie, dirigé par un ancien général et secrétaire du PC molda-ve, Vladimir Voronine, élu Président de la République en 2001et reconduit en 2005. Pourtant, c'est bien l'Europe qui pourraitpermettre un jour à ce pays de se réconcilier avec l'histoire etde trouver, enfin, sa vraie place.

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A la découverte de la Moldavie A la découverte de la Moldavie

A Chisinau, la gourmandise

En passant devant "Délice d'ange", dans le centrechic de Chisinau, le visiteur francophone se retour-ne sur ses pas. Non, il ne rêve pas… l'enseigne est

bien en français, précisant toujours dans notre langue qu'ils'agit d'une pâtisserie-boulangerie-chocolaterie-glaceriefrançaise. D'ailleurs, il suf-fit d'entrer dans l'établisse-ment, arrangé avec beau-coup de goût et d'élégance,lumineux, convivial, et quifait également salon de théet cafétéria, pour seconvaincre de son origine:croissants au beurre, painsaux raisins, au chocolat,côtoient Saint-Honoré,forêts noires et une myriaded'autres délices que l'onvoit habituellement dansles vitrines des meilleurespâtisseries de l'Hexagone.

Le salé est tout autantappétissant avec une décli-naison impressionnante de quiches, lorraines, provençales,moldaves… Le fumet du café noir, l'arôme du thé, ajoutent auraffinement du lieu qui a ouvert ses portes en septembre 2003et attire désormais toute la nouvelle bourgeoisie de la capitalemoldave, mais aussi les nombreux Francophones que comptela petite république et qui se permettent de temps en temps unefolie -un euro le petit gâteau, soit la moitiédu salaire quotidien d'un professeur d'uni-versité en fin de carrière - pour venir humerun peu du parfum du bon goût de la France.

Signe qui ne trompe pas quant à la qua-lité des produits présentés: les Français, etsurtout les Italiens, établis à Chisinau, sontles plus assidus à fréquenter l'endroit, n'enrevenant pas de pouvoir prendre leur café-crème chaque matin dans un pays souventconsidéré comme le bout du monde.

La spécialiste des lasers se retrouve devant les fourneaux

Non, ce miracle n'est pas dû à la nos-talgie d'un quelconque pâtissier bretonexpatrié… mais à la gourmandise d'une authentique Moldavede 36 ans qui, voici trois ans encore, ne savait pas faire la cui-sine, et désespérait de ne pas retrouver dans son pays cesdélices qu'elle avait découverts lors d'un séjour à Paris.

Rien ne destinait pourtant Ina Vieru (photo ci-dessus)à la

carrière d'artisan pâtissier-chocolatier. Docteur en physique del'université de Chisinau, spécialiste des lasers, la jeune et joliefemme, vive et souriante, avait vite compris que la Moldavien'offrait guère d'avenir dans ce domaine. Plutôt que prendre lechemin de l'exil, elle décida avec son mari, Calin, fils du grand

poète moldave GrigoreVieru, de se lancer dans lesaffaires, avec l'aide de safamille, ouvrant un restau-rant de style européen-français de luxe, le"Panipit", voisin immédiatde "Délice d'ange", puisun établissement de styleanglais, le "Robin Pub",tout aussi sélect.

L'idée de la "pâtisse-rie française", commebeaucoup de Moldavesl'appellent, est venue ulté-rieurement. Ina en raffo-lait, la trouvant légère,inventive, mariant fruits,

chocolat. Son pari fou fut de vouloir faire partager son goût,devenu passion, à ses compatriotes, habitués à une pâtisserielourde privilégiant génoises et crèmes au beurre.

Les "pâtissières moldaves" de Strasbourg

Avant de se lancer, la jeune femme fitun tour d'Europe, retenant également lemeilleur du savoir-faire italien et vien-nois, rapportant quantité de livres de cui-sine et de recettes. Pendant un an, dans sacuisine, elle expérimenta ses gâteaux etautres croissants sur sa famille, s'entêtant,partant du simple postulat "si les Françaisle font… pourquoi pas moi?". Un défi évi-dent, mais redoutable à mettre en œuvre.Finalement, elle ne garda que ses réalisa-tions les plus achevées.

Consciente que la production artisa-nale était une autre paire de manches quela pâtisserie faite à la maison, devantimpérativement conjuguer quantité, qua-lité et régularité, elle décida de partir en

France avec trois de ses employées, avant de se lancer dans legrand bain. Pendant trois semaines, en 2003, la pâtisserie Rissde Strasbourg accueillit l'équipe pour une formation qui s'avé-ra décisive dans tous les domaines, aussi bien de la production,du matériel, des compétences, de l'hygiène, de la présentation.

Dans la capitale moldave, Ina, docteur en sciences a troqué sa blouse blanche de chercheuse contre la tenue de pâtissière.

A la tête d’un commando de jeunes femmes, elle est venue en Alsace découvrir les secrets des artisans locaux pour les importer dans son pays.

de Turcophones fuyant l'islamisation

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Dionis, vin préféré des femmes… car il donne des idées aux hommes

Le vignoble de Cricova est connu pour sa diversité. On ytrouve toutes les sortes de cépages. Certains auraient des ver-tus particulières. Ainsi, dans les sous-marins nucléaires sovié-tiques, on distribuait chaque jour un verre de cabernet à l'équi-page pour lutter contre la radio-activité et, après la catastrophede Tchernobyl, les médecins auraient observé que les habitantsqui avaient eu la bonne idée d'en boire avant l'explosionavaient été moins contaminés.

Quand au Dionis, il s'agit du vinpréféré des femmes car c'est celui quidonnerait … le plus d'idées aux hommes.

La cave propose aussi ses brandy,une quinzaine de sortes de mousseux,dont certains selon la méthode champe-noise. Mais le vin le plus étonnant est unXéres qui ressemble comme un frèrejumeau à son homologue espagnol.L'explication est simple. Dans les annéescinquante, un Moldave voyageant enAndalousie et visitant une cave avaitchapardé quelques spores du champi-gnon qui fleurit sur les barriques conte-nant ce vin et qui font sa spécificité. Illes avait sorties clandestinement,ramenées dans son pays et cultivées avec succès !

Faire bombance dans l'antre des dignitaires communistes

Jusqu'ici, découvrir Cricova n'était pas du plus commode.

En 2004, 200 étrangers seulement en avaient eu la possibilité.La cave a cependant décidé de développer le filon touristiqueet elle est désormais accessible tous les jours de 9 h à 16 h,sauf le samedi-dimanche (ou sur réservation pour les groupes).Depuis le printemps 2005, on peut réserver sa visite en télé-phonant 3-4 jours à l'avance (373/2/44 12 04) ou par e-mail([email protected]). Des guides parlant roumain, russe,français ou anglais vous accompagnent.

Ces visites ne sont pas données. L'excursion dure uneheure et coûte 9 € (60 F). Si elle est prévue avec une dégusta-

tion, elle revient à 23 € (150 F) et prenddeux heures. Pour les groupes d'aumoins trois personnes, il est possible d'yajouter un repas pris sous-terre, dans lessomptueuses salles où les dignitairescommunistes faisaient bombance et quiservent toujours à recevoir les hôtes demarque de la petite République.

Pour une durée totale de troisheures, il en coûte entre 40 et 52 € (260-340 F) par personne. L'accès à la cavepeut se faire par micro-bus (2,5 €, 16 F,l'aller-retour). Sur place, on peut acheterdes bouteilles et quelques souvenirs Sion n'a pas le loisir de se rendre àCricova, on peut se procurer son vindans les magasins dont dispose la cave

dans le centre de Chisinau (126 bd Stefan Cel Mare, tel:373/2/222 775), à Balti, Comrat, Tiraspol. A noter qu'àBucarest on trouve des vins moldaves - souvent meilleurs etplutôt moins chers que les vins roumains - dans les grandessurfaces ou dans une cave spécialisée, Casa de vinuri Ferren,n° 31 strada 11 Iunie, près de la Métropolie.

Les NOUVeLLes de ROUMANIe

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A la découverte de la Moldavie A la découverte de la Moldavie

Etienne le Grand

Le deux juillet 2004, la Roumanie et la Moldavie ontcélèbré avec faste le cinq centième anniversaire dela mort de Stefan Voda, plus connu sous le nom de

Stefan Cel Mare (Etienne Le Grand), survenue à l'âge présuméde 67 ans. Ce voïvode, qui a régné sur la Moldavie pendant 47ans, de 1457 à 1504, a écrit les pages lesplus glorieuses de l'histoire médiévaledes Moldaves, marquant le point culmi-nant de leur lutte pour l'indépendance.

Montrant d'évidentes qualités diplo-matiques, Etienne le Grand a toujoursévité de combattre deux puissancesimportantes à la fois, alternant les rela-tions de paix et conflictuelles devant lesappétits grandissants de ses redoutablesvoisins, Polonais, Hongrois, Turcs, quilorgnaient les richesses moldaves. Sur leplan intérieur, il a su instaurer un équi-libre entre les différentes composantessociales de la province, mettant un termeaux rivalités entre boyards (propriétairesterriens), renforçant ainsi son pouvoir.

Son règne peut se diviser en troisépoques. La première, entre 1457 et1473 se caractérise par le renforcement de ses prérogatives etsa lutte pour l'indépendance de la Moldavie vis à vis de laPologne et de la Hongrie. La seconde, de 1473 à 1486, est celledes grandes confrontations avec l'Empire ottoman. La troisiè-me, de 1486 à 1504, marquera une nouvelle orientation de sapolitique. Ne pouvant compter sur l'aide de l'Occident dansson combat contre les Turcs, il pactisera avec eux, acceptant deleur payer un tribut, obtenant en échange la liberté de laMoldavie, mais enrayant leur volonté d'expansion. En mêmetemps, il s'alliera à la Hongrie pour contrer les visées polo-naises sur sa province.

Une église construite après chaque bataille

"O, grand homme digne d'admiration, en rien inférieuraux héroïques princes qu'on admire tant : de nos jours, lui, ilest le premier entre tous les princes du monde qui aient rem-porté sur les Turcs une si éclatante victoire (NDLR: il s'agit dela bataille de Vaslui en 1475). A juste raison je le considèrecomme le plus digne d'être nommé le chef suprême et le com-mandant contre les Turcs par un conseil et un accord de tousles chrétiens du monde puisque d'autres rois et princes catho-liques sont plutôt enclins vers la paresse, vers les plaisirs oules guerres civiles."… ainsi écrivait Jan Dlugosz, historienpolonais (1415 - 1480, Historiae Polonicae).

Qui est donc cet homme auquel "les ennemis n'épar-gnaient pas leurs éloges" ? Un Roi Soleil de Moldavie ? Unguerrier "fier, adroit et invincible" (Antonio Bonfini, 1454-

1503, historiographe de Mathieu Corvin)? "Un sage vénérépar son peuple" prêt à toujours veiller, l'épée à la main, auxfrontières de son pays ( Mathieu de Murano) ? "L'Athlète deChrist" (le Pape Sixte IV) ? Un "deuxième Alexandre leGrand" (Hustinskaia Letopis)? "L'icône la plus claire et la

plus concrète de l'âme roumaine"(Nicolae Iorga, 1871 - 1940) ?

Comment bien définir Etienne leGrand, voïvode moldave entré dans lalégende, sujet de chansons, d'études, decontes et des romans où l'on exalte sapersonnalité, ses victoires contre lesenvahisseurs qui n'arrêtaient pas de rava-ger la terre moldave afin de mieux laconquérir? Ottomans, Russes,Autrichien, Tatares, "amis" polonais,hongrois, tous transformaient les PaysRoumains, la Moldavie et la Valachie, encarrefour de batailles.

C'est dans ces conditions qu'àDireptate, le quatorze avril 1457, sousles acclamations de la foule des paysans,Etienne, fils du prince Bogdan II (1450 -1451) et petit-fils d'Alexandre le Bon

(1400 - 1431) devint prince de Moldavie, à l'âge de 20 ans.Son règne de 47 ans assura au pays une renommée jamaisatteinte auparavant, l'appuyant sur son armée - le peuple toutentier- et son credo - défendre la liberté et l'indépendance.Cela le conduisit à engager 36 batailles dont il sortit 33 foisvictorieux. A chacune d'elle, il faisait bâtir une église à la gloi-re de Dieu, et à la mémoire de ses héros tombés au combat.Parmi elles, Putna et Voronet, pour ne parler que des plus pré-cieuses perles de cette couronne d'architecture de l'Epoquenommée "Stéfanienne".

Une armée de petits bourgeois et de paysans

Son conseiller vénéré, c'était l'ermite Daniil, qu'il n'ou-bliait jamais de consulter car la sagesse et la foi de celui-ci luifaisaient croire "qu'aux âmes bien nées la valeur n'atteint pasle nombre des années" et que le Bon Dieu protège ceux quidéfendent leur terre avec la Croix et l'épée. Car Etienne leGrand n'avait d'autre visée que de sauvegarder l'indépendancede sa Moldavie, en dehors de tout esprit de conquête. Le voï-vode créa une organisation administrative, accorda des pri-vilèges aux villes, aux négociants, défendit les axes commer-ciaux internationaux, fonda des églises, veilla à l'élaborationdes évangiles, mit en place un système juridique rigoureux,assurant à la Moldavie l'une des périodes les plus florissantesde son histoire. Les plaintes des paysans étaient jugées par leprince-même, là, à Direptate (Champ de la Justice), comme lefit en son temps Saint Louis sous son chêne.

du vin sous la terre

Prestigieuse collection de bouteilles en cristal.

Le Voïvode, grande figure commune de la Roumanie et de la Moldavie, baptisé "Athlète du Christ" par le pape Sixte IV, a défendu inlassablement

l'Occident et la Chrétienté contre les Turcs.

On peut revenir en prenant le bac(gratuit) et pittoresque traversant le fleu-ve pour relier Molovata Noua àMolovata, sur la rive nord, et après unemagnifique promenade regagnerChisinau, en passant par le célèbre sited'Orhei Veche et en empruntant despetites routes et des chemins de terre(praticables).

Un phénomène exceptionnel

A une vingtaine de kilomètres aunord de la capitale sur cette grande routenationale venant d'Orhei, il ne faut pasoublier de s'arrêter, sur la gauche, au res-taurant Safari, pour prendre un café (on ymange aussi fort convenablement) …mais l'intérêt est ailleurs : garez votre voi-

ture sur le parking juste devant l'entrée durestaurant ; arrêter le moteur sans mettrele frein à main… vous aurez la surprise

de la voir grimper toute seule la petitedénivellation (rester au volant, car il fautfreiner dès qu'elle a pris trop de vitesse).Il en est de même pour un car ! Il ne s'agit

pas d'un effet d'optique - comme celaexiste du côté de Roanne - car la pente estréelle, mais d'un phénomène magnétiqueunique et inexpliqué encore.

Les Chisinautes apprécient égale-ment d'aller passer la journée sur desberges du Dniestr un peu plus proches dela capitale, situées à vingt minutes, àVadul Lui Voda. L'endroit, animé auxbeaux jours, dispose d'une belle et longueplage de sable. On peut s'y restaurer, yfaire une balade en bateau et même yséjourner dans les nombreux complexesexistants. Le plus moderne, tout à faitconfortable, calme, disposant d'un bar,d'une terrasse, d'un restaurant, accueillantd'ailleurs ses premiers touristes étrangers,est l'Odiseu (25 € la nuit, tel: 417 221 et417 624, e-mail: [email protected]).

du Dniestr paisible

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A la découverte de la Moldavie A la découverte de la Moldavie

Cricova, royaume Les touristes peuvent désormais visiter la plus grande cave souterraine d'Europe.Soixante kilomètres de galeries portant des noms de rues, où camions et voitures

se croisent. Après son vol dans l'espace, Gagarine avait mis deux jours pour en sortir.Sous l'URSS, on y stockait trente millions de litres...

soit un verre de vin par citoyen soviétique.

La base politique et militaire de son pouvoir était consti-tuée par les petits propriétaires (Razesimea) et la paysannerielibre qui composaient sa fameuse "Grande Armée" de 40-60000 combattants, s'enrôlant avec leur propre armement.Prendre part à la lutte, c'était pour le voïvode tout à fait nor-mal. En récompense, ses soldats recevaient des terres, parfoisconfisquées aux boyards qui avaient trahi et dont il n'hésitaitpas à faire couper les têtes. Parallèlement, il renforçait le rôledes forces de l'ordre et des seigneurs, constituant une " petitearmée" de 10- 15 000 membres.

Contre les Hongrois et les Polonais

Si Etienne Le Grand consacra la majorité de son règne arepousser les Turcs, refusant de leur faire allégeance et de leurpayer un tribut, il eut aussi à lutter contre ses voisins immé-diats qui voulaient lui imposer leur suzeraineté. Tentant d'en-vahir la Moldavie, le roi Mathias Corvin en fit les frais en 1467à la Bataille de Baia, trois flèches lui transperçant le corps.Vaincu mais survivant à ses blessures, le Hongrois apprit à res-pecter son adversaire et lui offrit plustard son aide contre les Ottomans.

Trente ans plus tard, à CodriiCosminului (Bois de Cosmin), ce fut autour du roi des Polonais Jean Albert, àla tête de 80 000 hommes, de subir unedéroute, les neuf dixièmes de ses sol-dats étant tués. Désespéré, Jean Alberttomba malade et mourut. En 1473,Etienne le Grand profita de ce que lesultan Mahomed II était engagé enMésopotamie contre Uzun Hassan, pourchasser "Radu le Beau" de Valachie,inféodé aux Turcs et le remplacer par unprince loyal au Pays roumain. Radu s'enfuit chez ses amis,abandonnant ses trésors les plus précieux: ses coffres d'or, safemme et sa fille Maria Voïchitza, qui épousera quelquesannées plus tard son ravisseur.

A Vaslui, vainqueur à 50 000 contre 120 000 Turcs

Mais le plus grand fait d'armes d'Etienne le Grand demeu-re la bataille de Vaslui (10 janvier 1475). Quarante mille sol-dats moldaves, la fleur des villages et des bourgs, hauts bon-nets de fourrure, cheveux longs, yeux de feu, avec pour toutearme leurs outils de travail aidés par 9000 Secui (Hongrois) et2000 Polonais firent face aux 120 000 janissaires et spahis del'armée du pacha Soliman, envoyée par le sultan Mohamed II.La supériorité tactique du voïvode l'emporta sur la supérioriténumérique de l'adversaire, épuisé, affamé - tous les villagesavaient été évacués, les vivres emportés - harcelé avant detomber dans un piège. Le voïvode avait réussi à attirer dansdes marais l'armée turque qui s'y enlisa, beaucoup de ses sol-dats se noyant, provoquant sa débandade, dont celle de sonchef, qui échappa à la mort à grand peine.

La Sultane Validé Mara, veuve de Murad II, affirma que"jamais aucune armée turque ne subit pareille défaite".L'historien roumain Constantin Giurascu notait que "la victoi-re de Vaslui, c'est la plus éclatante victoire terrestre de toutel'histoire européenne de la lutte anti-ottomane jusqu'au siègede Vienne de 1683". C'est à cette occasion que le pape Sixte IVle dénomma "l'Athlète du Christ". Comme à l'accoutumée,payant de sa personne, Etienne le Grand était au premier rangdes combats. Connu pour son courage, l'histoire retient que,touché à la jambe lors d'une bataille, il demanda à ce qu'onapplique un fer rouge sur sa blessure, récitant des prières pen-dant cette intervention.

L'année suivante, en 1476, Mohamed II, revint à la char-ge, à la tête d'une armée "que la terre pouvait tenir à peine".En même temps, les Tatars, devenus vassaux du sultan, atta-quèrent à l'est. Etienne le Grand envoya son armée de paysansleur faire front et se retira dans la montagne avec sa "petitearmée", attendant de regrouper ses forces. Ce fut un succèssans gloire et sans suite pour les Turcs qui durent traverser uneterre incendiée, dont toutes les fontaines avaient été empoi-

sonnées. 30 000 Ottomans y laissèrentleur vie sans pour autant prendre uneseule cité fortifiée et se retirèrentdevant la contre-offensive moldave.

Abandonné par l'Occident

Mais le voïvode dût se rendre à l'é-vidence. Si rois, doges, princesd'Europe, le Pape même, le couvraientd'éloges, heureux d'avoir en lui ledéfenseur le plus parfait de leurs fron-tières, les promesses d'aide contre lesTurcs, lui venant de partout, ne

demeurèrent que des paroles. Il envoya une ambassade àVenise pour convaincre l'Occident de l'importance stratégiquede la Moldavie, avant-poste de la Chrétienté. Son appel restasans réponse. Pire même… les Vénitiens, puis Matias Corvinfirent la paix avec les Ottomans. De guerre lasse, Etienne leGrand se résolut à pactiser avec la Sublime Porte qui profitantdu contexte international favorable, s'était emparée des deuxports donnant accès à la Mer Noire, Chilia et Cetetea Alba (LaCité Blanche), celle-ci devenant un lac turc. Il accepta de leurpayer tribut, préservant cependant l'autonomie de la Moldavie.

Dans sa célèbre pièce Coucher de soleil, consacré au voï-vode, son auteur Barbu Delavrancea fait dire à son héros :"Souvenez-vous des mots de Stefan qui vous ont guidé jusqu'àsa vieillesse… que la Moldavie n'appartient pas à nosancêtres, ne m'appartient pas, ni à vous, mais appartient auxdescendants de nos descendants, jusqu'à la fin des siècles".

Canonisé en 1662 par l'Eglise orthodoxe, Stefan Voda estdevenu "Stefan Cel Mare si Sfânt" ("Etienne le Grand et leSaint") et reste pour les Roumains, aux côtés de MihaïViteazul (Michel le Brave), premier unificateur de laRoumanie, le plus grand personnage de leur histoire.

Paula Romanescu

Poutine y a fêté ses cinquante ans; Khrouchtchev,Brejnev, s'y sont livrés à des libations tout autantrusses que communistes, Gorbatchev, plus réservé,

s'est contenter de la parcourir. Depuis sa création, en 1953,dans une immense carrière de calcaire à 20 km au nord deChisinau, trouée comme un gruyère, la célèbre cave deCricova, située au milieu d'un vignoble datant du XVIèmesiècle, a attiré tout le "gotha" de l'uni-vers soviétique et des "pays frères".Mais son visiteur le plus fameux restele cosmonaute Youri Gagarine, auretour de son périple dans l'espace. Lalégende veut qu'il ait mis deux jours àtrouver le chemin de la sortie, décla-rant en retrouvant l'air libre et enfixant le ciel "C'était plus dur que là-haut".

Avec son dédale de 60 kilomètresde galeries, Cricova est en effet laplus grande d'Europe, et peut-être dumonde. A 70 mètres sous terre, on ycircule en voiture, en camion, à tra-vers des rues qui ont pour nom "Merlot", "Chardonnay","Cabernet", "Sauvignon", on s'y croise "Place Dionysos".Dans ces voies, à l'ordre strict, éclairées discrètement pour nepas nuire au vieillissement des vins, on longe des enfilades detonneaux en bois, impeccablement empilés.

A l'époque de l'URSS, l'équivalent de 30 millions de litresy étaient stockés, suffisamment pour donner un verre de vin àchacun des 250 millions de Soviétiques. Avec une températu-re constante de 12-14 ° et une humidité de 97-98 %, les condi-tions sont en effet idéales pour la conservation. Les particulierspeuvent d'ailleurs louer des niches pour y entreposer leurréserve de bonnes bouteilles.

Crûs volés par Goering

Dans sa propre vinothèque, que l'onvisite, Cricova en abrite justement unmillion. La plus vieille date de 1902…un vin de Pâques juives. Un Américaina proposé de l'acheter un million dedollars, ajoutant même quatre Cadillacde collection pour convaincre sesinterlocuteurs… en vain. On ydécouvre aussi une partie de l'impres-sionnante collection de grands crûsque Goering avait accumulée à traversl'Europe pendant la guerre, en

dépouillant leurs propriétaires. S'y côtoient des Mouton-Rothschild, des Nuits-Saint Georges, des Château-Margaux, etmême une bouteille de muscadet de 1940. Lors de la débâclenazie, l'Armée Rouge avait récupéré ce trésor, qui avait étéensuite réparti entre différentes républiques soviétiques.

monument de l'Histoire

Même si elle ne dispose pasde plages sur la Mer Noire,la Moldavie offre

quelques, rares, mais très agréables possi-bilités d'y séjourner en prenant du bontemps sur les berges du Dniestr (Nistru).

La meilleure opportunité se trouvesur la rive gauche, dans la seule enclave

moldave en territoire deTransnistrie, entre les vil-lages de Cocieri etMolovata Noua. Parmi descomplexes touristiquesvieillots où autrefois leshabitants de Chisinau sepressaient pour venir sebaigner et faire desgrillades, un ensemblehôtelier moderne, de classe

supérieure, a vu récemment le jour, l'hô-tel Laguna (tel: (373 22) 226 869, mobi-le: 0694 12 323, e-mail: [email protected]; site: www.laguna.md).

On y loge dans des studios ou petitsappartements, tout équipés, bien amé-nagés, au confort irréprochable. Il encôute de 35 € la nuit pour deux per-

sonnes, à 69 € pour quatre (carte visaacceptée). Dans le calme, terrain de ten-nis, terrasses, restaurant de qualité, parcombragé en bordure du fleuve, inclinentau repos et au farniente. Idéal pour deuxou trois jours et récupérer des fatigues duvoyage. Bain, pêche, canoë complètent leséjour dans un cadre magnifique, au pieddes falaises et au cœur des boucles duDniestr. On peut également partir à ladécouverte des charmants villages toutproches et de leurs maisons colorées etpittoresques. Pour y accéder, vous pouvezprendre la route directe venant deChisinau (trois quarts d'heure de trajet),ce qui permet ainsi d'entrer sur le territoi-re de la Transnistrie et d'expérimenter lesus et coutumes de la petite provincesécessionniste.

Se reposer sur les bords

La gerbe déposée par le président Voronine sur la tombe de Stefan cel Mare, au monastère dePutna, lors du 500ème anniversaire de sa mort.

Page 28: L dans sa belle capitale, Chisinau, où modernisme et ... · désertifient à la vitesse du Sahel, les jeunes y ayant ... dans les villages où la vie semble échapper au ... Soroca

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Mais là encore, difficile de trouver un livre en roumain.Sur le boulevard Stefan Cel Mare, un marché de peinture, d'ar-tisanat, de souvenir est le royaume des Russes. J y ai vu unepoupée russe allant de Chirac, le plus grand jusqu'à un minus-cule De Gaulle.

Avec Tatiana, mon guide qui parle un français savoureux,nous allons visiter les musées. Comme elle profite de monséjour pour améliorer son français, c'est en parlant cette langueque nous pénétrons dans le musée d'histoire. Dommage pourmoi, la préposée aux billets qui demande 2 lei à Tania m'endemande à moi… 15. Etranger me dit-elle, tarif pour étranger! Le lendemain, nous pénétrerons dans le musée d'ethnogra-phie en parlant roumain et j'échapperai donc au racket.

Mes amis m'ontaccueilli dans leurdeux-pièces au onziè-me étage d'un immen-se complexe auxportes de la ville faceau jardin zoologique.Malheureusement, cer-tains n'ayant pas payéleurs charges, l'usagede l'ascenseur a étéinterrompu. Je penseaux malheureux quihabitent au 24 émeétage, un vrai calvairepour les personnesâgées. Hormis cela, jepeux constater icicomme en Roumanieque la population est particulièrement accueillante.

Charrettes et limousines de luxe se croisent

Mais, Sacha m'a pro-posé de monter égalementdeux jours dans son village,Napadova, au nord du pays,sur les rives du Nistru(Dniestr), face à la provincesécessionniste de la Trans-nistrie. Nous avons quittéChisinau par une belle routequi passe à côté des cavesréputées de Cricova quenous n'avons pas le temps devisiter cette fois.

Après 80 kilomètres,nous quittons la bonne routepour emprunter des voies qui me rappellent la Roumanie d'il ya une dizaine d'années, pour finir par emprunter des cheminsempierrés qui nous amènent enfin presque à la frontière del'Ukraine. C'est une zone de collines de sable alluvionnaire quibordent le Nistru, ravinées par les intempéries. Magnifique

coucher de soleil dans ce ciel bleu limpide qui nous accom-pagne encore quand nous arrivons au village.

Toujours les mêmes maisons grises mais agrémentées icide barrières de bois peintes en vert, certaines, peu nombreuses,en bleu. Toutes les maisons sont basses, sans étage, les seulesbâtisses plus hautes étant des bâtiments administratifs. Ici, pasde chiens errants, chaque occupant ayant son ou ses chiens,enchaînés court. Sur les chemins de terre se côtoient les char-rettes et les voitures de luxe au milieu des Lada, des Volga desplus riches ex-communistes et des improbables Zaporojet*ukrainiennes refroidies à l'air.

Le Nistru déserté par ses bateliers

Nous allons nouspromener jusqu'auxrives du Nistru.Merveilleux paysagede falaises de calcaireveinées de langues deterre argileuse grasseau pied de laquelle unelande d'herbe raseconduit jusqu'à la rive.Seul, un pécheur romptl'harmonie de la courbedu fleuve. Plus denavigation hélas sur cecours d'eau où les bate-liers étaient nombreuxautrefois.

Le fleuve coulelentement, large et paisible. Sur presque tout son cours, il vaserpenter jusqu'à la Mer Noire… Mais la quiétude de l'endroitest feinte: le Nistru est devenu la frontière de fait entre laRépublique de Moldavie et la Transnistrie que le "fou" de

Tiraspol, soutenu par lesRusses, revendique. Déjà,sur le pont qui y conduit lessoldats en arme contrôlentle passage et personne nem'encourage à aller plusloin… Retour à Chisinau.

Nous profitons encoreun peu du charme de la villeponctué de rendez-vousavec quelques francophoneset à l'Alliance Française. Etnous devons quitter laMoldavie mais je sais main-tenant que je reviendrai

dans ce pays attachant où je suis venu plutôt réticent et d'où jerepars en y laissant amis et souvenirs…

Claude AubéVice-Président de l'Alliance Française de Brasov

* Plus vieille et pire voiture produite en Union Soviétique.

A la découverte de la Moldavie A la découverte de la Moldavie

La Moldavie

Nathalie se réchauffe les mains sur sa tasse de thébrûlant. J'absorbe à petites gorgées ma Baltica n°3 glacée; les russophones de Chisinau raffolent de

cette bière venue de la patrie-mère. Nous sommes là, installésface à l'autre, dans un café de la rue Pouchkine. Mes penséessont ailleurs. A travers ses longs cheveux châtains, j'observeles flocons de neige qui recouvrent peu à peu le grand jardinpublic où le poète faisait de longues promenades, au temps deson exil. La jeune femme surprend mon sourire et m'interrogedu regard.

Lèse-majesté au Mausolée de Lénine

Voici quarante ans, j'étais à Moscou. Khrouchtchev avaitété limogé quelques semaines plus tôt, la place Rouge étaitblanche et mon guide s'appelait aussi Nathalie. Comme dans lachanson que venait de sortir Gilbert Bécaud et qui courraitdéjà sur toutes les ondes, à travers le monde… sauf en Russieoù l'amour avec un "capitaliste" était inimaginable. Mais ceguide là avait tout de l'Intourist, organisme chargé de régenterles pas des étrangers, revêche et sèche comme ses dépliants.

Avec Meredith, nous nous étions échappés et parcourionsmain dans la main les rues de la capitale rouge. Rien ne pou-vait arrêter nos dix-neuf ans; les boules de neige qu'on selançait, les glissades sur les trottoirs, les éclats de rire lorsquenous demandions notre chemin, le nez perdu dans lescaractères cyrilliques, les clins d'œil complices des Moscovitessurpris et heureux de découvrir une telle insouciance.

Nous nous étions rencontrés dans le train, entre Paris etMoscou, au sein d'un groupe d'une quinzaine d'étudiants basés

à Paris; Français, Canadiens, Américains, nous étions partis àla découverte de "l'autre monde" à l'occasion des vacances deNoël.

Premiers touristes occidentaux autorisés à se rendre enURSS en hiver, nous avions été accueillis sur le quai de la garede Moscou par une délégation qui nous avait offert un bouquetde marguerites défraîchies - il faisait moins vingt cinq degrés!- et le lendemain notre photo paraissait à la une de "LaPravda".

Il était bien difficile de résister à la fraîcheur et à la spon-tanéité de Meredith. Mais à sa façon très "british" de dire"Boston", où elle avait vécu jusque là, je devinais que cettebelle jeune fille d'un avocat de la côte Nord-Est américaineappartenait à un autre univers. Le fils de petit fonctionnaireprovincial français que j'étais se vengeait de ce snobismecaché en massacrant le nom de sa ville natale, le prononçant àla manière d'un Sicilien à la bouche remplie de spaghettis, cequi la mettait en fureur.

Mais ces taquineries s'arrêtèrent un soir, au sortir d'unereprésentation du "Prince Igor", donnée à l'intérieur duKremlin. Nos pas, crissant dans la neige, s'étaient éloignés deceux de la cohorte des spectateurs qui disparaissaient en silen-ce. Réfugiés à l'ombre des projecteurs éclairant dans la nuitblafarde le Mausolée de Lénine, nos visages se cherchèrent.Une voix désespérée tentait de me retenir: "Tu te rends comp-te, embrasser une Américaine en ce lieu… tu n'as pas honte !".Heureusement, Meredith n'avait que faire d'idéologie et nousprolongeâmes longuement ce délicieux moment, indifférentsaux martiales allées et venues de la garde rouge d'honneur du“temple”.

de Chisinau

Roi très pieux, Etienne leGrand n'était pas pour autantinsensible aux plaisirs ter-

restres et aux charmes des femmes,bien sûr très belles. Une certaineMaruschka lui donna un fils,Alexandre. Fut-elle sa femme légiti-me? L'histoire ne nous l'apprend pas.Son nom apparaît dans une litanieauprès des noms de ses autres femmes.

En 1463, six ans après son avène-ment au trône de Moldavie, Etienne leGrand prit en noces Evdochia, sœur duprince Siméon de Kiev, vassal du roi dePologne. Ils eurent deux fils (morts enbas âge) et une fille, Hélène. Quatre ans

plus tard, Evdochia mourait. Une princes-se byzantine, Maria Comnène de Mangop

la remplaça en 1472 mais, une fois deplus, le temps se montra avare et en 1477,la princesse lointaine descendante del'empire de Byzance, disparaissait sanslaisser d'enfants. Elle fut enterrée dans lemonastère de Putna, fondé par le voïvo-

de, là où, plus tard, il allait reposer aussi. A la cour princière de Suceava, une

beauté sans égal fleurissait: la petiteprisonnière Maria Voïchitza , dignehéritière de la beauté de son père,éblouit Etienne le Grand. Il avait 45ans, elle en avait 20. En 1480 ils semarièrent et seule la mort du voïvodevingt-quatre ans plus tard, les sépara.C'était le 2 juillet 1504. Ils eurent deux

enfants: une fille et un fils, Bogdan leBorgne qui lui succéda sur le trône. Safille, Maria, lui donna un petit-fils, PetruRares qui fut le plus important voïvodemoldave du XVIème siècle (1527-38,1541-46) .

"Une porte poussée par hasard me ramène quarante ans en arrière et me fait rencontrerune jeune femme qui me servira de guide. Comme à Moscou, elle s'appelle… Nathalie.

Grâce à elle, je découvre l'existence de cette minuscule république que les Russes considéraient comme exotique. Je lui dois de comprendre que la Moldavie,

pour aussi petite qu'elle soit, est bien un pays à part entière".

Etienne le Grand: pieux et amateur de plaisirs terrestres

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Dès que j'ai pénétré dans le poste frontière deCahul, j'ai compris que je venais d'entrer dans unautre monde. Devant moi, Madame le consul qui

doit me délivrer mon visa d'entrée en République de Moldavies'obstine a me parler en russe quand j'utilise ma connaissancedu roumain pour communiquer avec elle. La langue officielledu pays est pourtant le roumain ! Je la soupçonne de le faireexprès. Qu'importe, elle consent a fermer les yeux sur le faitque je ne possède pas de photoa joindre a mon dossier d'en-trée. Avec Alex, mon ami mol-dave, qui entre temps est rede-venu "Sacha", l'appellationrusse de son prénom, nousreprenons notre route versChisinau.

Sur la route défoncée quinous mène vers le nord, les vil-lages défilent. Mais alors qu'enRoumanie beaucoup de mai-sons sont peintes, ici, c'est legris qui domine. Les murs, lestoits, les dépendances: tout estimmensément gris, impression encore accentuée par la pous-sière omniprésente et les toitures de fibrociment. Passée laplaine, nous traversons une zone de collines où domine lavigne. Le paysage est piqueté de forêt et, çà et là, au bord dela route, des fontaines dispensent l'eau des sources.

La statue de Lénine sert de terrain de jeu aux écureuils

Et nous arrivons à Chisinau. Comme en Roumanie, les tra-ditionnels monuments de bétonde style soviétique ornent l'entréede la ville : CHISINAU, nous ysommes bien ! Les avenues largessont encombrées de voitures. LaDacia est ici remplacée par laLada mais les BMW, Mercedes etvoitures de luxe sont en nombre.Curieux les nombreux bus oucamion fonctionnant au gaz dontles grandes bouteilles sont ins-tallées sur le toit. Pas d'impres-sion de pauvreté en tout cas. Leplus étonnant reste pour moi tousles panneaux publicitaires enrusse. Je vais aussi découvrirbientôt que les journaux sont en russe quand la population estroumaine à 65%. Les bouquinistes offrent quasiment seule-

ment des livres en russe, pas un cinéma en langue latine selamentent mes amis qui heureusement parlent tous le russe.

La ville est belle néanmoins et avec le soleil qui va m'ac-compagner toute cette semaine, s'y promener est un plaisir.Beaucoup de beaux monuments anciens, la cathédrale, la mai-rie, les musées, les théâtres. Et aussi les imposants monumentssocialistes : parlement, gouvernement et présidence de la répu-blique, gigantesque bunker de béton et de verre, tous alignés le

long du boulevard Stefan CelMare.

Autre impression qui pré-domine, l'abondance des parcs,des jardins et de la verdure. Lafoule déambule sur les boule-vards, les demoiselles habilléesencore plus sexy qu'à Bucarest.Beaucoup de terrasses déjàencombrées d'un peuple quisemble joyeux. Un peu encontrebas du centre, on accèdea un lac entouré de verdure oul'on a remisé l'imposante statuede marbre de Lénine autrefois

érigée au centre de la ville et qui sert de terrain de jeux auxnombreux écureuils.

Poupée russe… de Chirac à De Gaulle

Pas de pénurie en tout cas dans les nombreux magasins dela ville. Déjà, là aussi les super marché bien achalandés et oùon fait la queue aux caisses. Mais ici aussi, des étalages hété-roclites d'objets bradés par les chômeurs, les retraités qui ven-dent une partie de leurs souvenirs pour survivre. Et aussi, les

traditionnels marchés regorgeantde fruits et de légumes. Ici, il fautprofiter des poissons fumés ousalés de toutes sortes et aussi desdesserts si particuliers que sontles "lapte de pasare" ("lait d'oi-seau").

Circuler à Chisinau m'a parufacile grâce aux nombreux mini-bus qui sillonnent la ville avecdes arrêts fixes mais aussi à lademande pour le prix raison-nable de 2 lei (0,13 €) et qu'onappelle ici "rutier". Ils conver-gent tous vers le centre ville et jai appris a me reconnaître dans

cette ville de 663.000 âmes en peu de temps. Dans le quartierde la gare, se trouvent les bouquinistes et le marché aux puces.

A la découverte de la Moldavie A la découverte de la Moldavie

Fixé depuis plusieurs année à Brasov, et venu en Roumanie en voilier depuis sa Normandie jusqu'à la mer Noire, en empruntant la Seine, les canaux,

le Rhin et le Danube, Claude Aubé hésitait à se rendre en Moldavie. C'est chose faite, et il nous fait partager sa découverte.

Douze heures de train à bord du "Prietenie"

Meredith - pardon Nathalie - sourit quand je lui racontecette aventure. Je l'ai rencontrée laveille dans l'agence de voyage qu'elletient au bout du boulevard Stefan celMare, les Champs Elysées deChisinau. J'y suis entré par hasard,mécontent de l'accueil bureaucratiqueque m'a réservé Tarom auquel je m'é-tais adressé pour réserver un vol deretour sur Bucarest. J'ai été immédia-tement frappé par son extrême res-semblance avec Meredith, ce qui meconduira par la suite à souvent mélan-ger les deux prénoms. Mais, sans levouloir, cherchant à m'obtenir lemeilleur tarif, Nathalie m'a vite rap-pelé au sens des réalités, me deman-dant si je bénéficiais d'une réductionau titre du troisième âge…

Lui expliquant ma préférencepour l'avion, je lui raconte monpériple aller par le "Prietenie", le"train de l'Amitié", frété par lesMoldaves, seule liaison quotidienneentre les deux capitales et qui rejointChisinau depuis Bucarest en un peu plus de douze heures pourparcourir les 600 km les séparant.

Le départ est fixé immuablement chaque soir à 20 h 48,Gare du Nord. Classe unique, compartiments - au confort audemeurant correct - à quatre couchettes, sourires rares descontrôleurs, regards sévères des poli-ciers et plus tard des douaniers… l'at-mosphère devient tout de suite plusrigide à mesure que l'on se rapprochede l'ex-empire soviétique.

Elle tranche avec le joyeuxdésordre des Moldaves rentrant aupays, dont les étudiants qui suiventleurs cours dans les grandes villesroumaines et semblent ne pas avoireu de mal à adopter leur décontrac-tion. Bagages, colis, sacs "Tati"s'amoncellent de manière impres-sionnante au-dessus des têtes desvoyageurs, dans les couloirs. Sûr…famille et amis ne manqueront derien ! Cet empressement à ramener tout ce que l'on trouve sur-prend : on trouve pourtant de tout à Chisinau.

Changement d'univers dans la gare de Chisinau

La première partie du trajet, jusqu'à Iasi, s'effectue sansproblème, permettant de dormir trois-quatre bonnes heures ;mais ensuite, à l'approche de la frontière moldave, vers deux

heures du matin, il n'est plus possible de fermer l'œil. Policiers,douaniers roumains puis moldaves se succèdent ; les derniersréquisitionnent le passeport pour le ramener une demi-heure

plus tard. Le train s'arrête sans arrêt,puis définitivement. Commencentalors trois heures de manœuvre pourchanger d'essieux, de locomotive, carl'écartement des voies est différententre la Roumanie et les ex-répu-bliques soviétiques.

Quand le convoi redémarre, lejour est levé depuis longtemps, et ilne reste plus qu'à maugréer après lesommeil perdu. Il aura fallu septheures pour parcourir les 130 dernierskilomètres… ce qui n'empêchera pasle train, respectant l'horaire annoncé,d'entrer triomphalement à 8 h 56tapantes dans la gare de Chisinau !

Tout de suite, le voyageur se ren-contre qu'il a changé d'univers.L'édifice, sobre et imposant, sa pro-preté, dégagent une impressiond'ordre et de discipline. Le tableaud'affichage annonçant des départs fré-quents pour Moscou, Saint-Péters-bourg, Kiev, Mourmansk ou Odessa

montre qu'ici plus qu'ailleurs le soleil se lève bien à l'Est.

"Ma récompense, ce serad’être un peu en France"

Nathalie n'a pas les mêmesréserves sur l'inconfort de ce voyage.Elle se rend souvent à Bucarest et n'aguère eu l'occasion de compareravec d'autres modes de transport. A27 ans, elle n'a eu qu'une seule foisl'opportunité d'aller dans un paysoccidental.

C'était comme interprète d'ungroupe de judokas moldaves invitéspendant trois jours à participer à unecompétition à Helsinki. La jeunefemme a dû mal à contenir sa soif etson impatience de découvrir lemonde. Outre le roumain - ici, on ditle moldave - elle parle le russe, sans

accent car elle l'a appris dans une école mixte où les deuxlangues étaient pratiquées, le français, l'anglais, l'allemand, etelle se met à l'espagnol et à l'italien. Elle me confie que notreconversation en français la fait déjà voyager en rêve et propo-se, sans autre cérémonie, de prendre quelques jours de congéspour m'accompagner à travers son pays. Et de couper court àla question qu'elle devinait sur une éventuelle rétribution: "marécompense, ce sera grâce à vous d'être un peu en France".

Sur la route

“Elle avait un joli nom mon guide... Nathalie”.Ici, à Tiraspol, mars 2005.

de Nathalie

Calvaire et chemin de croix: symbole et réalité pour la population moldave d’aujourd’hui... après

l’électricité et les Soviets promis autrefois par Lénine.

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Les NOUVeLLes de ROUMANIe

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Les NOUVeLLes de ROUMANIe

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Le célèbre ermitage de Butuceni fait partie de l'ensembled'Orheiul Vechi. Jadis on pénétrait dans l'ermitage avec descordes en descendant la falaise. Ensuite on construisit desescaliers en bois qui sedétruisaient périodique-ment. C'est au XIXièmequ'un tunnel d'accès a étécreusé. On l'utiliseaujourd'hui pour visiterl'ermitage. La vue côtéfalaise est impression-nante. Ce site est à voirabsolument. Suivre laroute de Butuceni et nepas confondre avec laville d'Orhei, la villenouvelle, à une vingtainede kilomètres.

"Chisinau la blanche", capitale aux sept collines:Chisinau, est appelée "la ville de pierre blanche, lavée par lesmers vertes". Entourée par sept collines elle est située sur laberge de la rivière Bîc. Petit marché, fondée au XIVème siècle,elle est devenue le centre administratif de la Bessarabie au

XIXème siècle.La ville a alors vite évolué avec ses larges rues, plantéesd'arbres, en faisant une des capitales les plus vertes de

l'Europe, particulière-ment agréable, où sepromenait autrefois legrand poète russeAlexandre Poutchkine,qui y avait été envoyé enexil.

Sorte de ChampsElysées, mais en coreplus long, le BoulevardStefan cel Mare est laprincipale artère de cetteville de 700 000 habi-tants, où les établisse-ments administratifsnationaux les plus impor-

tants sont situés (la Présidence, le Parlement, le Gouverne-ment, l'Administration de la Ville, etc.) et les centres Culturels(le théâtre national Eminescu). On y trouve également lemonument de Stefan cel Mare, l'Arc de triomphe (1840 parZaushkevich), et la cathédrale érigée en 1830 par A. Melnikov.

A la découverte de la Moldavie A la découverte de la Moldavie

"Pour les étrangers, nous sommes toutes des Nathalie ou des Natacha"

Me voilà donc, par la Providence, flanqué d'un guidequ'aucun voyageur n'aurait osé espérer. Nathalie m'intrigueautant que la Moldavie. Toujours de bonne humeur, rieuse, ellemontre un sens pratique éton-nant, démêlant toutes les situa-tions, même quand on se trou-ve bloqués en Transnistrie parles "séparatistes", comme lesappellent avec une colère àpeine rentrée son père.

Sa connaissance profondede son pays, aussi bien de sonpassé que de son présent, l'atta-chement qu'elle montre pourlui, m'impressionnent, toutcomme sa curiosité, sa frénésied'en savoir plus, d'apprendre.Je découvre un être désinté-ressé, passionné par lesautres… bien loin de l'égocen-trisme des jeunes occidentauxd'aujourd'hui. Mais, à travers quelques silences, je surprendsaussi parfois une forme de souffrance cachée que je ne suis pasbien long à interpréter.

Quelle vie imaginer ici, quand, avec trois licences, dontune d'économie, comme cela est son cas, une énergie et uneenvie d'entreprendre à revendre, on doit se contenter d'emploissubalternes, donner des cours, faire des traductions pourgagner tout juste cent euros ? Quel horizon pour rêver quandtoutes les portes se ferment, à commencer par celles de l'UnionEuropéenne, et par ricochet celle de la grande sœur roumai-ne… parce que vous êtes Moldave ? Son sourire triste, qu'elletente de mêler d'humour, en dit long sur ses blessures dues aupeu de considération et à la réputation accordés à son pays etses habitants : "Pour les Turcs, mais aussi les étrangers, lesfilles moldaves sont toutes desNathalie ou des Natacha"…

Des Russes hautains et méprisants

Nathalie me raconte sestreize ans quand le souffle del'indépendance souleva le pays.C'était en 1991. Son père,Valentin, voyait déjà laMoldavie retrouver le giron rou-main. Quelle revanche sur cesRusses que Moscou avaitenvoyé pour devenir les cadresde cette petite République,considérée comme "exotique", rat-tachée de force à l'URSS au lende-main de la Seconde Guerre Mondiale et à laquelle on avait rat-taché la Transnistrie pour accélérer sa russification !

Privilégiés, les Russes occupèrent tous les postes impor-tants de la capitale et des grandes villes, se transmettant leursfonctions comme une charge héréditaire, reléguant lesRoumains aux campagnes attardées. Bénéficiant des largessesdu pouvoir, convaincus de constituer une élite, ils n'avaientcessé de se montrer hautains et méprisants à l'encontre de ces

paysans dont les complexesnourrissaient les ressentiments.

Pour nourrir sa jeunefamille, Valentin qui s'étaitmarié à 24 ans, avec Ina, 20 ans- tous les deux Roumains, luidu nord, elle du centre de laMoldavie - était parti delongues années travaillercomme forestier dans le nordde la Sibérie. Le salaire étaitalléchant, mais les conditionsde vie épouvantables, dans lefroid et sans chauffage, éloignéde tout. Il revenait tous lesdeux ans. L'argent mis de côtélui avait permis de construirelui-même sa maison, à

Chisinau. Puis, étudiant le soir, il avait passé des examens etétait devenu ingénieur, sa femme travaillant dans une banque.

Depuis l'indépendance, le couple vivait plutôt conforta-blement et avait même acheté une petite voiture. Mais lesRusses étaient toujours là. Se rendant compte que leur retourn'était pas forcément le bienvenu dans la Mère-patrie en passed'exploser, considérés de haut, à leur tour, par leurs ancienscompatriotes, nombre d'entre-eux avaient préféré rester surplace et conserver leurs privilèges.

Une nomenklatura mafieuse a faitmain basse sur les richesses du pays

Cette période laisse un goût amer à Nathalie. Non seule-ment, les espoirs de réunifica-tion avec la Roumanie s'étaientvite envolés, mais le pays s'étaiteffondré, l'aide de l'ex-URSS,qui avait permis jusqu’ici à laMoldavie d'être plus riche quela Roumanie, disparaissait aussibrutalement que celle-ci.

Une nomenklatura russo-moldave mafieuse avait faitalors main basse sur lesrichesses laissées sur place. Samentalité archaïque, son incapa-cité à gérer, à entreprendre,avaient immédiatement conduitau désordre économique, puis à

la catastrophe à la suite de la guer-re de sécession de Transnistrie, en

1992, soutenue par Moscou, région où se trouvait le principalpotentiel industriel du pays, amené à péricliter.

Petite Moldavie ? Certes… maispour en prendre la mesure,deviner sa complexité, s'impré-

gner de son charme, découvrir sesfacettes et partager un peudu quotidien de ses habi-tants, le visiteur doit prendreson temps. Une huitaine dejours s'avèrent nécessaires.Voici un exemple d'itinérai-re qui permet une bonneapproche et évite de revenirsur ses pas:

1er et 2ème jours: visi-te de Chisinau, son centre,ses parcs (prendre un taxipour faire le tour de la villeet avoir ses points de repère;compter deux heures);dîners dans les restaurantsindiqués par ailleurs.

3ème jour: le matin, visite de la plusgrande cave souterraine d'Europe àCricova; l'après-midi, déjeuner et baladeà la station balnéaire de Vadul Lui Voda.Ces deux sites se trouvent à moins de

vingt kilomètres de Chisinau.4ème jour: visite des monastères de

l'ouest (Capriana, Hincu); retour àChisinau le soir.

5ème jour: escapade d'une journéeen Transnistrie, visite de Bender etTiraspol, la capitale; prendre un taxi pourvisiter cette dernière ville (retour àChisinau le soir).

6ème jour: découverte du paysgagaouze, dans la région de Comrat(retour à Chisinau le soir).

7ème jour: visite du nord de laMoldavie, partir de bonneheure; citadelle de Sorocaet quartier des Bohémiens,monastère de Saharna;Tsipova, sa cascade et sonvillage, passer sur la rivegauche du Dniestr, enTransnistrie, à Ribnita,pour gagner MolovataNoua, qui se situe dans uneenclave moldave, par unetrès belle route (1/2 heure).Passer la nuit à l'HôtelLaguna* (il faut réserver).

8ème jour: prendre lebac gratuit pour regagnerla rive droite à Molovata ;

visiter les bords du Dniestr et regagnerChisinau en visitant Orhei Vechi (comp-ter trois heures).

* Un séjour de deux ou trois jours yest vivement conseillé pour se reposer.

médiévaux… et "Chisinau la Blanche"

Un petit pays… qui mérite une huitaine de jours pour s'imprégner de son charme

La campagne moldave saisie par l’objectif d’Igor Zenin.

Elégantes dans les grandes artères de la capitale moldave.

Les bâtiments imposants d’une administation surtout russophone.

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En découvrant ses monuments anciens, tels que lemonastère de Capriana (1429), produits de l'art reli-gieux de l'époque, le visteur comprendra que la

Moldavie est une terre de civilisation et de culture. La cité his-torique d'Orheiul Vechi recè-le les vestiges d'ancienneshabitations geto-daces, destraces de la cite médiévaletatare et des ruines de la citémoldave du XVème siècle.Les forteresses de Soroca etde Tighina-Bender, le longdu Dniestr, constituent dessystèmes de défense érigéspar les Moldaves contre lesinvasions nomades. A tra-vers tous ces symboles dupassé, la Moldavie revit sonhistoire. Partons à leurdécouverte.

Monastère de Hincu:en 1678, dans une forêt à lasource du fleuve de Cogalnic(environ 55 kilomètres à l'ouest de Chisinau) le dignitaireMihai Hincu, à la demande de sa fille, a fondé un couvent denonnes, appelé Parascheva. Les églises et les cellules en boisont été souvent détruites par les invasions barbares pendant leXVIIième siècle, et le monastère de Parascheva est resté inha-bité. En 1835 une église de pierre a été construite dans un stylerusso-bizantin. Plus tard, en 1841, lui fut adjointe une églisepour la saison d'hiver.

De 1956 à 1990 le couvent aété fermé par les autorités sovié-tiques, et rouvert à la demande dela population, en 1990. Il se visi-te et on peut y être hébergé.

Capriana: le monastère deCapriana est situé dans unerégion couverte de forêts, à seule-ment 40 km à l'ouest deChisinau; c'est le plus vieux deMoldavie (1429). Fermé jusqu'en1989, il est devenu un symbolede la renaissance nationale. Lemonastère peut être visité quoti-diennement. Autres sites intéres-sants à proximité: la réserve naturelle de "Capriana-Scoreni",le chêne de Stefan cel Mare, et la plus ancienne réserve natu-relle de Moldavie, "Codrii".

Saharna: le complexe du monastère, comprenant plu-

sieurs terrasses, avec église d'été et église d'hiver à deuxniveaux, est situé dans une des gorges les plus pittoresques duDniestr, près du village de Saharna, à 8 km de Rezina et 14 kmde Ribnitza. Du haut des collines on peut voir le paysage de la

vallée du Nistru. Couvert deforêts, le canyon Saharna esttraversé par une rivière quicompte plus de 30 rapides etcascades. Le monastère a étéfondé par l'ermiteVartolomeu en 1777. Ferméen 1964 et réouvert seule-ment en 1991, il accueilleaujourd'hui 20 moines etfrères.

La cascade de Tsipova:le petit village de Tsipovaparaît ne pas avoir changédepuis l'époque (1746) où ilest cité dans des documents.Il semble que le temps adécidé de préserver cetendroit. Il y règne une

atmosphère très spéciale pleine de calme et de repos.L'environnement médiéval de la région: maisons minusculeset brillamment peintes, fermes entourées par des clôtures enpierre, puits à chaque porche, contribuent au charme du lieu.

La forteresse de Soroca: au nord de la Moldavie, cettefortification, sur les bords du Dniestr, défendait l'accès dupays. Soroca est aussi la capitale des tsiganes moldaves: voici

plus de 50 ans les familles deBohémiens les plus riches del'Europe de l'Est se sont ins-tallées ici, et on trouve leurspalais luxueux sur la collinedominant le centre-ville.

Orheiul Vechi: OrheiulVechi est un site antique situé surla rive gauche du fleuve Rautprès des villages de Trebujeni etButuceni. En haut, les vestigesd'une mosquée, deux mausolées,un caravansérail et de trois bainsde la période de "la Horde D'or"des Tartares ont été découverts.

La ville moldave médiévaled'Orheiul Vechi a été fondée au XVième, sur les restants deChekhr Al-Djedid de la Horde D'or. Jusqu'à ce qu'elle ait étéabandonnée (XVIième siècle), elle a joué un rôle économique,militaire et administratif important à l'Est de la Moldavie.

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A la découverte de la Moldavie A la découverte de la Moldavie

La Moldavie séduit par ses paysages romantiques, mais il ne faut pas oublier non plus de visiter ses sites. Les Moldaves ont bâti durant des siècles

des citadelles pour défendre leurs terres et leur liberté. S'y sont érigées des églises et monastères, puis des écoles et des bibliothèques…

Fâcheries familiales au moment de l'indépendance

Depuis, cette zone de non-droit, qui n'est reconnue par aucunpays au monde, est devenue une sorte de "Panama" de laRussie, permettant à l'ex Armée rouge d'y mener ses trafics,d'armes ou autres, et d'y blanchir l'argent sale. Nathalie se souvient surtout qu'elle n'a plus revu certains deses oncles, tantes et cousins depuis cette époque.L'éclatement de l'URSS a conduit également à celui desfamilles moldaves, amenées à choisir entre un pays demeu-rant ancré à l'ancien maître ou retrouvant son origine deBessarabie roumaine. Frères et sœurs ne se parlent plus etrendent visite séparément aux parents.

"Chez nous, on a toujours des principes"

Pour autant, Nathalie, comme beaucoup de sesconcitoyens, éprouve des sentiments mitigés à l'égarddes "frères" roumains. Elle supporte mal leur arro-gance, leur sentiment de supériorité qui les amènentaussi à considérer les Moldaves comme des paysanssans culture.

Mais, comme nombre d'entre eux, elle a fait ladémarche pour obtenir un passeport roumain, docu-ment qui pourrait se révéler précieux avec l'entrée dela Roumanie dans l'UE.

Cela n'a pas été simple. Pour réussir, il lui a falluentreprendre de longues démarches, coûteuses,nécessitant plusieurs voyages à Bucarest, des queuesinterminables dans les administrations… qu'il faudra recom-mencer quand le passeport sera périmé.

Lui racontant l'histoire de l'Alsace, je lui demande: "Maisalors, où se trouventdonc les Moldaves,entre occupationrusse et revendicationroumaine?", puis j'en-chaîne avec celle desQuébécois, aban-donnés puis snobéspar les Français,exploités par lesanglophones, avant dese sortir eux-mêmesde leurs humiliations.

Nathalie hoche latête et me confie: "J'aidemandé à émigrer auCanada". Elle se jus-tifie aussitôt: "Je veuxavoir un vrai métier, dans les contacts. Ici, ce n'est pas pos-sible. Et puis dans quatre ans j'aurai la nationalité canadien-ne et avec mon passeport, je pourrais voyager en France, enAfrique, en Australie". Ses yeux se mettent à briller… mais laréalité nous rappelle brusquement à l'ordre.

Nous sommes toujours bien en Moldavie. Installés dans lebus, Nathalie a vu les regards des passagers converger sur mes

jambes croisées négligemment. "Ici, çà ne se fait pas" mesouffle-telle, ajoutant à ma confusion : "Chez nous, on a tou-jours des principes; les jeunes et les hommes se lèvent pourlaisser leur place aux vieux et aux femmes… Ce n'est pascomme à Bucarest".

Départ pour le Québec

Comme déjà un million de Moldaves - le quart de la popu-lation - partis s'établir définitivement de l'autre côté del'Atlantique ou travailler temporairement en Espagne et Italie,laissant leurs enfants seuls ou les confiant aux grands-parents,Nathalie a choisi l'exil. Ses parents, à l'image des autres

familles où lamoitié desenfants s'envont, s'atten-daient à ce quece soit plutôtson jeune frère,de quatre ansson cadet, quiprenne le che-min du départ.Mais celui-cise satisfait desaffaires etpetites com-bines qui luipermettent de

se débrouiller sur place.Le jeune femme a posé sa candidature à la sélection orga-

nisée par la délégation du Québec, à la recherche de ressortis-sants moldaves parlant le français, ce qui setrouve facilement dans ce pays hautementfrancophone. Le reste du Canada attiredavantage les Russes, les Ukrainiens, voireles Roumains. Elle a passé les entretiens sansproblèmes et a été retenue.

Là-bas, débarquant sans rien connaîtreau pays, Nathalie compte sur la solidarité deses amis qui y sont déjà installés. Un couplea promis de lui trouver un logement pas cherpour qu'elle puisse économiser sur le péculeque ses parents lui ont donné ; un autre s'estfait fort de lui trouver rapidement un emploi.

Pour l'instant, Nathalie veut profiter desbonheurs que son pays lui réserve encorepour quelques mois. Ses champs couverts defleurs, ses forêts embaumant l'acacia, sesarbres regorgeant de fruits, ses confitures

naturelles de roses ou de tomates… "Sois en sûr, je reviendrai"me dit-elle tout à coup sur un ton farouche.

J'en suis sûr, tout autant que la Moldavie existe, comme unvrai pays. Un de ses enfants me l'a fait rencontrer. Je lui doisnombre de ces pages*.

Henri Gillet*Nathalie a rejoint le Québec fin septembre 2005

Monastères, forteresses, villages

Ces petites Moldaves aimeraient grandir dans leur beau et attachant pays, sans avoir à suivre

l’exemple de leurs parents prenant les chemins de l’exil.

Comment ne pas rêver à une vie meilleure quand on est enfermé sans horizon dans les quartiers de blocs

de Chisinau et que tous vos amis sont partis à l’étranger ?

Cérémonie au monastère de Saharna.

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La Moldavie segoûte avanttout dans ses

riches campagnes, qui sedésertifient à la vitesse duSahel, les jeunes y ayantdéfinitivement perdu l'es-poir d'une vie meilleure.Pourtant qu'ils sont beauxces champs de blé, doréspar un soleil intense etenva-

his de coquelicots, entrecoupés parfoisd'immenses vergers de cerisiers et autresarbres fruitiers, frissonnant sous le vent ets'étendant à perte de vue quand on prend,au sud, la direction du pays gagaouze.Déjà, quand on arrive de Roumanie, unpaysage attachant s'annonce, fait de valléesboisées qu'embaument, fin mai, les forêtsd'acacias qui les recouvrent.

Chisinau, capitale champêtre, ville-jar-din parsemée de nombreux parcs et lacs,aux promenades délicieuses l'été, crisse auprofond de l'hiver sous les pas dans laneige des mystérieuses beautés slaves,enveloppées de grands manteaux de fourrures et bottées decuir, à la blondeur contenue par leurs chapkas. C'est l'un dess o r t i l è g e sd ' u n eM o l d a v i equi inclineau roman-tisme. Lagaîté, lajovialité, laspontanéitérencontréesen Rouma-nie sem-blent éloi-gnées, lais-sant place àune certaine distance, héritage de la présence russe. Mais il nefaut pas s'y tromper, les Moldaves, au passé et à l'histoire sitourmentées, savent se montrer tout autant accueillants.

D'ailleurs, ce sont bien les mêmes petites maisons auxcouleurs criantes et vives, bleues, violettes, vertes, entouréesde leurs vergers et potagers, que l'on retrouve plus au sud, au-

delà de la frontière du Prut, dans cette grande Moldavied'Etienne le Grand.

La vie semble échapper au temps

Tout à l'est de ce minuscule pays, qui fait 150 km de largeet 400 km de haut, dans ses plus grandes dimensions, un autrefleuve, théâtre d'une guerre civile toujours d'actualité, bordeles approches de sa frontière orientale avec l'Ukraine.

Le Dniestr, Nistru en roumain, serpente dans ses bouclespaisibles et majestueuses, cheminant entre falaises et ses

v a l l é e sbordées depeupliers. Ons'y baigne, ony canote, on ypêche. Le fra-casde l'Occi-dent y semblesi lointain…Ses bateliersl'ont aban-donné, n'ytrouvant plusles ressourcespour vivre.

Vivant au ralenti

Sous l'effet de l'exode, la Moldavie paraîtcomme un corps vivant au ralenti. Une " Belleau bois dormant" qui attend son prince char-mant venu pour la réveiller. L'impression estencore plus forte, au sud. Dans le pays turco-phone des Gagaouzes, le touriste aura du malà trouver un restaurant où il pourra se faireservir. Là, on est au contact d'une autre civili-sation; pour s'en convaincre, il suffit d'entrerdans les villages où la vie semble échapper autemps. On y croise de superbes filles au teintbasané, que l'on devine impatientes de mordredans la modernité, de beaux hommes auregard sombre, et aussi, parfois, un cortège se

rendant au cimetière, une charrette découverte, tirée par unâne, servant de corbillard, la veuve, selon la tradition, tenantune poule sur ses genoux et psalmodiant des prières, veillantson mari défunt, qui repose dans un cercueil ouvert. Etrange etétonnante Moldavie…à l’image de ces merveilleuses peinturesphotographiques que nous propose Igor Zenin.

Les NOUVeLLes de ROUMANIe

Les NOUVeLLes

La Moldavie ? Rares sont ceux qui peuvent situer surune carte cette petite république, grande et peupléecomme une région française. Pour beaucoup, il

s'agit d'un de ces pays imaginaires où Hergé avait envoyéTintin et le capitaine Hadock en mission. L'aventure… c'estbien ce que redoutent d'y trouver les quelques voyageurs quiosent franchir le pas.

A l'autre bout du continent, dans une sorte de no man'sland délimité par les vestiges du Rideau de fer, toujours dirigéepar des gouvernants à la mentalité communiste, en proie, voiciencore peu, à une guerre civile, la Moldavie n'a rien de parti-culièrement attirant.Pourtant, ses visiteurs en reviennentimmanquablement séduits, éprouvant de l'attachement à l'é-gard de ce pays déroutant. Dès leur arrivée, ils évacuent viteles clichés qui le ternissent et les remplissaient d'appréhension.On se sent plus en sécurité dans la belle Chisinau qu'à Paris !

Quels sortilèges déploie donc la Moldavie pour dissiperaussi facilement les craintes et à priori suscités ? Son alchimie,sans-doute, qui la rend insaisissable et qui fait de cetteBessarabie convoitée et arrachée à la Roumanie, colonisée etconsidérée comme une province exotique par les Soviétiques,un patchwork flanqué d'un appendice transnistrien pour mieuxla russifier, devenu un véritable "sovietland" des années 2000,et d'une Gagaouzie peuplée de turcophones ayant fui l'islami-sation. Sa dignité aussi… non, bien sûr, à ne pas confondreavec l'arrogance de la nomenklatura mafieuse qui met encoupe réglée le pays, mais révélatrice de la fierté silencieuse

d'un peuple meurtri par l'histoire et les évènement récents,demeurant, envers et contre tout, attaché à ses racines.

Oubliés par le reste du continent, humiliés par l'élite russe,dédaignés par leur grande sœur roumaine, se retrouvant seulsdans les épreuves d'une transition qui a sinistré leur économieet conduit le quart de leurs enfants à choisir l'exil, lesMoldaves forcent le respect.

Le visiteur ne les verra jamais se plaindre, s'étonnantconstamment de ne pas palper cette grande pauvreté révélée àrenfort de statistiques par les organismes internationaux. Il lesentendra par contre parler de ce pays où, durant des siècles, ilsont bâti des citadelles pour défendre leurs terres et leur liberté,érigeant églises et monastères. Ses amis l'emmèneront décou-vrir ces campagnes magnifiques où les champs de blé envahisde coquelicots frissonnent sous le vent et où les forêts d'aca-cias embaument l'air. Ils le conduiront à Cricova, royaume duvin sous la terre, dans la plus grande cave souterrained'Europe, avant d'aller se reposer au bord du Dniestr paisible.Après une agréable promenade à travers les grandes avenueset les parcs de Chisinau la Blanche, ils l'entraîneront vers sadélicieuse pâtisserie française, clin d'œil pour rappeler à leurhôte que leur pays est le plus francophone d'Europe.

Certes, la Moldavie n'est pas un pays spectaculaire.Pourtant, on en part à regret, envahi par son charme étrange etle sentiment d'avoir rencontré une "Belle au bois dormant",attendant que son prince vienne la réveiller.

Dolores Sirbu-Ghiran

Moldavie… Au pays injustement oublié

A la découverte de la MoldavieSupplément

TourismeDécouverte

La République de Moldavie

Monastères, forteresses, villages médiévaux Sur la route de Chisinau Cricova, royaume du vin sous la terre A Chisinau, la gourmandise est désormais française Un tourisme encore balbutiant… faute d'être encouragé Deux tiers de Roumains… mais un million d'absents Des clés pour voyager sans problèmes Un pays à la Francophonie massive Tiraspol, Sovietland des années 2000; la Transnistrie Une Bessarabie convoitée et déchirée La Gagaouzie refuge de Turcophones fuyant l'islamisation Dimitrie Cantemir et Etienne le Grand La Moldavie de Nathalie La Belle au bois dormant attend son prince charmant

Supplément au numéro 34 (mars-avril 2006)

de ROUMANIe

SOMMAIRE2 et 34 et 56 et 78 et 9

10 et 1112 et 1314 à 17

16 et 1718 à 21

22 et 2324 et 2522 à 2928 à 31

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La Moldavie n'est pas un pays spectaculaire. Pourtant, on en part à regret, envahi par son charme étrange. Le visiteur ne peut pas rester insensible à cette contrée

éloignée de tout, figée dans ses campagnes magnifiques, comme un arbre dont la sève s'est retirée, et qui attend d'être réveillée... mais aussi pleine de vie

dans sa belle capitale, Chisinau, où modernisme et russification se mêlent.

La Belle au bois dormant attend son prince charmant