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UNIVERSITE Lille 2 - Droit et santéEcole doctorale n° 74
Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales
D. E. A. DROIT DES CONTRATSOPTION DROIT DES AFFAIRES
Année universitaire 2001-2002
MEMOIRE
L E P A R A S I T I S M E E C O N O M I Q U E
PASSE, PRESENT ET AVENIR
Présenté par
Monsieur PETIT Sébastien
Sous la direction de
Madame LE GAC - PECH
L E P A R A S I T I S M E E C O N O M I Q U E
PASSE, PRESENT ET AVENIR
« Nous sommes tous des parasites ». Louis Aragon
INTRODUCTION
Impliquant par définition l’existence d’un acte « déloyal »,
notion pour le moins fluctuante, l’acte de concurrence déloyale est
- ainsi que le rappelle fréquemment la jurisprudence - constitué
dès lors qu’un commerçant commet dans l’exercice et au bénéfice
de son commerce, à l’encontre d’un autre commerçant exerçant
une activité identique ou similaire, un acte fautif susceptible de
porter préjudice à ce dernier et dans le but de détourner sa
clientèle.
Les actes de concurrence déloyale, avant que ne survienne la
Révolution française de 1789, n’étaient que très exceptionnels et
ce, en raison du contrôle exercé sur leurs membres par les
différentes corporations regroupant chacune en leur sein tel ou
tel corps de métier. Or, les révolutionnaires, en réaction contre
l’Ancien régime et le système des corporations, s’attachèrent à
proclamer la liberté du commerce et de l’industrie. Ne figurant
pas dans la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen du 26
Août 1789, ce principe fut en effet proclamé par le fameux décret
d’Allarde des 2 et 17 Mars 1791 toujours en vigueur aujourd’hui,
décret aux termes duquel la liberté était offerte « à toute
personne », selon une formule aujourd’hui devenue célèbre, « de
faire tel négoce ou d’exercer telle profession, art ou métier qu’elle
trouvera bon » sous réserve de « se munir d’une patente »,
principe dont la non moins célèbre loi Le Chapelier des 14 et 17
Juin 1791 - en ce qu’elle s’attachait à abolir groupements et
corporations - fut à la fois analysée comme le prolongement et la
confirmation.Or, si les droits de propriété intellectuelle - en ce qu’ils impliquent sous certaines
exceptions un monopole industriel et commercial - dérogent au principe fondamental de la
liberté du commerce et de l’industrie et si ce principe trouve cependant confirmation
notamment dans celui de la libre circulation des biens et des services ou dans l’article premier
de la loi « Royer » du 27 Décembre 1973 qui, sous le vocable de « liberté d’entreprendre », le
réaffirme en effet en disposant que « La liberté et la volonté d’entreprendre sont le fondement
des activités commerciales et artisanales », il faut bien constater que la répression de la
concurrence déloyale trouve dans le dit principe une limite essentielle.
Favoriser l’initiative individuelle en assurant le libre établissement et la libre
concurrence constitue en effet l’objet et l’atout essentiel de ce « principe fondamental des
rapports commerciaux »1 que constitue, dans une économie libérale, la liberté du commerce et
de l’industrie.
En effet, si le choix d’un système juridique libéral fondé sur la liberté du commerce et
de l’industrie suppose la liberté de la concurrence, c’est à dire « l’offre, par plusieurs
entreprises distinctes et rivales, de produits ou de services qui tendent à satisfaire des besoins
équivalents avec pour les entreprises une chance réciproque de gagner ou de perdre les
faveurs de la clientèle »2, cette liberté trouve en elle-même ses propres limites.
Si une liberté totale en effet ne semble a priori pouvoir être assurée que par l’absence de
toute réglementation, la pratique démontre pourtant que le défaut de normes juridiques, loin
d’entraîner une concurrence libre, engendre au contraire - sinon la disparition pure et simple
de la concurrence par la création d’un monopole au profit de tel ou tel agent économique
parvenu à éliminer, sur tel ou tel marché, l’ensemble de ses compétiteurs - une véritable
paralysie de la concurrence par l’émergence et le développement de comportements contraires
aux usages loyaux du commerce .
1 CA Amiens, 7 Mai 1974, D. 1974, p. 264, note Fourgoux J.-C.2 Cornu (G.), Vocabulaire juridique, PUF 1996, cf. le terme « Concurrence ».
Aussi la nécessité fut-elle tout d’abord d’assurer la protection du marché, de la
concurrence elle-même en organisant la compétition des entreprises pour la conquête de la
clientèle, en en fixant les règles afin d’assurer l’égalité des moyens employés dans la
concurrence : ainsi les ententes et abus de position dominante visent-ils à sanctionner les
pratiques de nature à fausser ou à porter atteinte au jeu de la concurrence sur le marché.
De même est-il apparu nécessaire d’assurer la protection de chaque concurrent pris
individuellement contre les pratiques déloyales des autres agents économiques, « mission »
qui n’a quant à elle pas été confiée au législateur puisque c’est en effet à la jurisprudence
qu’est revenu le soin de mettre progressivement sur pied la théorie de la concurrence déloyale.
Ainsi faudra-t-il attendre le milieu du dix-neuvième siècle et la révolution industrielle
pour trouver les premières traces du souci manifesté par les juges d’assurer la loyauté de la
concurrence, époque avant laquelle ladite concurrence était minime et ne générait que bien
peu de comportements déloyaux comme l’a si bien décrit M. Le Moal en observant que si les
relations concurrentielles étaient, jusqu’à ce que ne survienne la révolution industrielle,
« embryonnaires », le caractère local du marché, le nombre restreint des opérateurs, la
simplicité et la similitude des produits permettant « de croire en la validité du principe de la
liberté de la concurrence », ce dernier principe allait cependant devoir bientôt subir - « sous
les effets conjoints des révolutions techniques, de l’augmentation du nombre et de la taille des
entreprises, d’une nouvelle mentalité capitaliste et de la modification des rapports des
entreprises avec leur clientèle et des entreprises entre elles » - de multiples déformations.
« Celles-ci, constate-t-il, prennent leur source dans la nécessité pour les entreprises d'assurer
leur position vis-à-vis de la clientèle en maintenant leur pouvoir dans le cadre d'une
concurrence toujours plus agressive. D’une part, les entreprises tentent de lier la clientèle et
par là même d'annihiler les efforts des concurrents, en multipliant les monopoles et les signes
de ralliement. D’autre part, un certain nombre d’entre elles tentent de porter atteinte aux
entreprises rivales soit en imitant les divers moyens permettant de capter la clientèle, soit en
détruisant dans l’esprit du consommateur l’impression favorable que les concurrents avaient
créé » 3. Aussi les tribunaux eurent-ils alors à connaître des conditions plus ou moins loyales
dans lesquelles fabricants et commerçants vantaient les mérites de leurs produits, ce qui a pu
conduire à l’élaboration d’un corpus jurisprudentiel essentiellement centré sur l’atteinte au
3 Le Moal (R.), Contribution à l’étude d’un droit de la concurrence. La nature du droit sur les valeursconcurrentielles, Thèse Rennes 1972, p. 55-59.
droit des marques, droit dont celui de la concurrence déloyale ne fut dès lors pendant
longtemps considéré que comme une simple subdivision.
Le doyen Paul Roubier, cependant, allait devoir marquer de son empreinte la matière en
détachant l’un et l’autre droit par l’élaboration - dans son ouvrage intitulé « Droit de la
propriété industrielle » publié en 1952 4 - de la première théorie générale du droit de la
concurrence déloyale. Paul Roubier, en effet, se propose alors d’établir une classification des
différents cas de concurrence déloyale, cas dont il distingue quatre types, à savoir :
1. Les moyens de « confusion » avec une maison rivale, pratiques dont peuvent être à la fois
victimes le concurrent et le consommateur, Paul Roubier prenant l’exemple de l’usage du
nom d’un concurrent pour l’écoulement de produits identiques ou similaires, auquel cas -
constate-t-il - les consommateurs sont le plus souvent lésés car cette fraude est en général
commise aux dépens de la qualité des produits ;
2. Les moyens de « dénigrement » et de « critique excessive » d’une maison concurrente,
hypothèse dans laquelle la victime semble avant tout devoir être le concurrent dont la
clientèle - en effet - aura probablement tendance à s’écarter sans qu’il soit véritablement
possible de dire que cette dernière en ait été personnellement lésée ;
3. Les moyens de « désorganisation interne » d’une entreprise rivale, moyens qui exigent
donc de s’attaquer au fonctionnement interne de la maison concurrente (espionnage
industriel, débauchage…) et qui - dès lors - impliquent une ou plusieurs complicités à
l’intérieur même de la société rivale et enfin ;
4. Les moyens de « désorganisation générale » du marché, pratiques qui aboutissent à
menacer la survie même de tout un secteur économique de telle sorte, souligne Paul
Roubier, que « l’action n’appartient plus à un seul producteur : c’est tout le groupe des
concurrents qui est en droit de se plaindre. D’un autre côté, ajoute-t-il, les consommateurs
subiront aussi, le plus souvent, l’effet de ces méthodes ».
Or, si cette typologie purement théorique peut contribuer à l’établissement, dans chaque
cas d’espèce, des actes de concurrence déloyale, encore faut-il savoir sur quel fondement
juridique il convient de s’appuyer pour justifier la sanction de tels actes. Or, se dresse là l’un
des obstacles les plus difficiles à franchir. En effet, la sanction des actes déloyaux d’un
concurrent est d’autant plus délicate à mettre en œuvre que le principe de la liberté du
commerce et de l’industrie et son corollaire, celui de la libre concurrence, postule le principe
4 Roubier (P.), Droit de la propriété industrielle, Tome I, Sirey 1952, spéc. p. 505.
de la licéité du préjudice concurrentiel, lequel se fonde sur ce constat - dont les tribunaux ne
cessent d’ailleurs de souligner l’évidence 5 - en vertu duquel « un agent économique ne saurait
se plaindre de ce qu’un concurrent cherche à capter sa clientèle » dans la mesure où « il n’a
sur celle-ci aucun droit privatif ».6
La compétition des entreprises pour la recherche et la conquête de la clientèle étant en
effet libre, tout professionnel peut donc légitimement attirer à lui celle d’autrui. La liberté de
la concurrence doit en effet pouvoir permettre à tout agent économique de détourner les
clients de tel ou tel concurrent sans risquer, ce faisant, d’engager sa responsabilité : ainsi peut-
on citer ici M. Prieur qui résume bien la question en énonçant que « La liberté d’agir du
concurrent qui cause le dommage l’emporte sur la sécurité de son rival malheureux »7.
Si la liberté de la concurrence doit donc conduire à admettre la licéité du préjudice
concurrentiel et donc celle de la recherche de la clientèle d’autrui, il convient cependant de
s’abstenir, ce faisant, de « tout acte contraire aux usages honnêtes en matière industrielle et
commerciale » selon la définition de l’acte de concurrence déloyale donnée par l’article 10 bis
de la Convention de Paris de 1883 révisé en 1967 et aujourd’hui encore reprise presque mot
pour mot par la jurisprudence qui préfère parler d’ « usages loyaux du commerce ».
La compétition pour la conquête de la clientèle, en effet, est libre, sous cette réserve de
respecter les usages loyaux du commerce, ce qui conduit à constater que l’acte de concurrence
déloyale est réalisé par la conjonction de deux éléments, à savoir d’une part un acte de
concurrence et d’autre part, la déloyauté de cet acte.
La stricte logique des mots, tout d’abord, conduisit logiquement la jurisprudence à
limiter le champ d'application de la théorie aux seuls concurrents : le principe de la spécialité
de la concurrence déloyale ainsi qu’il est dénommé aboutit en effet à restreindre l’emprise de
la théorie aux seules hypothèses de conquête d’une clientèle commune avec celle de l’agent
économique victime, c’est à dire pour des produits ou services identiques ou similaires.
A côté de cet élément que l’on pourrait - en adoptant l’imagerie pénale - qualifier de
« matériel », s’accole un élément « moral » en ce sens que l’expression « concurrence
5 Citons la Cour d’appel d’Amiens pour laquelle « La liberté de la concurrence reste, dans une économielibérale, le principe fondamental des rapports commerciaux, chaque commerçant ou industriel ayant lapossibilité d’attirer à lui la clientèle de ses concurrents sans que cela puisse lui être reproché » (CA Amiens, 7Mai 1974, D. 1974, p. 264, note Fourgoux J.-C.) ou, notamment, la Cour d’appel de Paris qui souligne qu’ « uneentreprise ne bénéficie d’aucun droit privatif sur sa clientèle » (Entre autres : CA Paris, 27 Mai 1992, D. 1993,Somm. p. 155, obs. Izorche M.-L.).6 Izorche (M.-L.), Les fondements de la sanction de la concurrence déloyale et du parasitisme, RTD Com. Janv.-Mars 1998, p. 18.
déloyale » laisse clairement paraître que la concurrence doit donc être loyale entre les divers
concurrents, ce que M. Philippe Le Tourneau - dans la mouvance solidariste sans cesse
croissante - rattache au devoir de fraternité, devoir qui selon lui impose « de condamner le
commerçant qui fait à ses confrères une concurrence contraire à la morale des affaires et cause
ainsi un trouble commercial »8. Ainsi s’agirait-il de faire respecter une certaine morale
professionnelle que M. Le Tourneau désigne comme la somme des contraintes légales et des
usages commerciaux sanctionnés par le Droit, ce qui nous ramène au flou de la notion
d’ « actes contraires aux usages honnêtes du commerce ».
Parce que la sanction de tels actes ne se justifie donc, au regard de la formule précitée,
qu’en raison de la faute commise par tel ou tel agent économique, faute génératrice d’un
préjudice, le droit commun de la responsabilité civile est apparu comme le rempart
indispensable aux agissements abusifs et déloyaux de certains concurrents.
Le concept de concurrence déloyale, en effet, trouve son origine dans l’extension
jurisprudentielle des principes généraux applicables en matière de responsabilité civile quasi-
délictuelle, c’est à dire - plus précisément - de l’article 1382 du Code civil aux termes duquel
« Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute
duquel il est arrivé à le réparer » : ainsi donc ne peuvent être qualifiés d’actes de concurrence
déloyale que les actes déloyaux commis par un concurrent personne physique ou morale,
agissements qui - par un lien de causalité - génèrent un préjudice chez le tiers victime,
l’absence de l’un quelconque des trois éléments exigibles - fait générateur, préjudice et lien de
causalité entre le fait générateur et le préjudice - faisant obstacle à toute reconnaissance d’un
acte de concurrence déloyale.
Ainsi l’article 1382 du Code civil, défini par MM. Ripert, Planiol et Boulanger comme
« la sanction de la règle morale qui défend de nuire à autrui » 9, a-t-il avant tout un fondement
indemnitaire, sa vocation première étant en effet - plus que de sanctionner la faute en elle-
même - de réparer par l’allocation de dommages et intérêts le préjudice causé à la victime.
Si la preuve de l’existence d’un dommage apparaît donc indispensable à la mise en
œuvre de l’article 1382, il est fondamental de souligner le revirement opéré en la matière par
la jurisprudence qui, après avoir à de multiples reprises souligné que « l’action en concurrence
déloyale, qui trouve son fondement dans les dispositions des articles 1382 et 1383 du Code
7 Prieur (R.), Contribution à l’étude de la concurrence sur le marché, RTD Com. 1960, p. 521.8 Le Tourneau (P.), Liberté, égalité et fraternité dans le droit de la concurrence, Gaz. Pal. 1991, II, Doctr. p. 348et s.
civil, implique nécessairement l’existence d’un préjudice subi par le demandeur », est venue
juger que l’existence d’un préjudice s’inférait nécessairement des actes déloyaux constatés : la
preuve de la faute, en effet, suffit désormais à établir le préjudice.
Ce revirement témoigne ainsi de ce que M. Le Tourneau désigne par le caractère
« ductile » des articles 1382 et 1383 du Code civil 10, Mme Marie-Laure Izorche préférant
parler quant à elle de la « plasticité » desdits articles 11. Or, le droit de la concurrence déloyale
- parce qu’il suit comme dans bien d’autres domaines l’évolution des techniques mais aussi
des comportements qu’il convient de déclarer contraires à la loyauté du commerce et de
l’industrie - est dès lors un droit en perpétuel mouvement auquel ne peut donc que
parfaitement convenir la grande souplesse du droit commun de la responsabilité civile.
La « soif » sans cesse grandissante de loyauté, de solidarité, de fraternité manifestée tant
par la doctrine que par la jurisprudence 12, jumelée à la grande « flexibilité » des articles 1382
et 1383 du Code civil, a sans nul doute contribué au phénomène d’élargissement du champ
d’application de la théorie de la concurrence déloyale et à son prolongement au-delà même du
cercle somme toute assez restreint des stricts rapports concurrentiels.
L’ingéniosité et l’imagination sans cesse grandissante des auteurs d’actes déloyaux, en
effet, rendaient véritablement indispensables une remise à plat des anciens cadres de réflexion
et d’action utilisés par la doctrine et la jurisprudence, celles-ci étant restées trop longtemps
cantonnées à l’hypothèse classique de deux agents économiques directement concurrents dont
l’un attire à lui la clientèle de l’autre.
L’action en concurrence déloyale, qui plus est, portait et porte d’ailleurs toujours en
elle-même sa propre limite dans la mesure en effet où sa recevabilité est traditionnellement
subordonnée à la preuve d’un risque de confusion recherché par le concurrent dans l’esprit du
public entre lui-même et son ‘‘ adversaire’’, exigence bien souvent incompatible avec les
formes pour le moins subtiles qui sont aujourd’hui prises par les agissements déloyaux, leur
9 Ripert (G.), Planiol (M.) et Boulanger (J.), Traité élémentaire de droit civil, 1947, Tome II, spéc. p. 316.10 Le Tourneau (P.), Le parasitisme dans tous ses états, D. 1993, Chron. p. 310 et s.11 Izorche (M.-L.), Les fondements de la concurrence déloyale et du parasitisme, réf. précitées, spéc. n° 3.12 Citons, entre autres auteurs et outre M. Le Tourneau (Liberté, égalité, fraternité dans le droit de laconcurrence, Gaz. Pal. 1991, II, Doctr. p. 348 et s.), Mme Thibierge-Guelfucci C. (Libres propos sur latransformation du droit civil des contrats, RTD Civ. 1997, p. 357 et s.) ou M. Mazeaud D. (Loyauté, solidarité,fraternité : la nouvelle devise contractuelle ?, Mélanges Terré, p. 603 et s.).
auteur - lorsqu’il s’inspire plus qu’il ne copie - ne cherchant en effet pas nécessairement à
créer dans l’esprit des consommateurs une confusion.
A cette stricte application du principe de la spécialité de la concurrence déloyale - en
vertu duquel seul un concurrent direct de l’agent victime serait susceptible de commettre un
tel acte - devait s’adjoindre la prise en considération d’hypothèses dans lesquelles sont en
présence deux agents économiques personnes physiques ou morales qui ne sont guère en
situation de concurrence directe mais dont les agissements de l’un à l’égard de l’autre peuvent
tout autant qu’en situation purement concurrentielle être jugés déloyaux et engendrer pour la
victime un préjudice plus ou moins important.
Ainsi jurisprudence et doctrine devaient-elles, tout en gardant si l’on peut dire
« intacts » le principe de la liberté du commerce et de l’industrie et son corollaire la libre
concurrence, franchir le pas et assurer - selon la formule généralement consacrée - la sanction
de celui qui, sans nécessairement rechercher la confusion, « usurpe sensiblement une valeur
économique d’autrui, même non concurrent », profitant indûment de la notoriété ou des
efforts de l’autre pour marcher sur ses traces et bénéficier ainsi « sans bourse délier » de ses
investissements matériels et / ou intellectuels.
C’est ainsi que naquît la théorie du « parasitisme » ou plus précisément des agissements
parasitaires, venue au secours des victimes non protégées par un droit de propriété
intellectuelle et éprouvant des difficultés à démontrer le risque de confusion requis pour la
caractérisation de tout acte de concurrence déloyale. En effet, se reporter à la définition du
Larousse de la langue française permet de constater que doit être qualifié de « parasite »
« celui qui, par habitude, par métier, s’invite à la table d’autrui, vit à ses dépens, mais est
parfois toléré ou même apprécié ». Or, si le parallèle peut sans hésitation être fait avec
l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique « s’immisce dans le sillage
d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire »13 selon
la définition la plus classique qui ait pu en être donnée, le parasitisme présente en revanche
cette constante on ne peut plus logique - lorsqu’il est appliqué au monde des affaires - de
n’être « ni toléré, ni apprécié »14.
En effet, et pour reprendre une image biologique bien connue des spécialistes, toute
entreprise peut logiquement craindre être victime de ces agissements parasitaires par lesquels
13 Colloque « Le parasitisme économique » placé sous la direction de M. Dupichot J., Paris 1987, Gaz. Pal.-Litec1988.
le « parasite commercial », à l’image du parasite végétal ou animal vivant aux crochets d’un
autre végétal ou animal dont il se nourrit 15, tire profit de l’activité d’autrui dans une ou
plusieurs de ses composantes ( renommée, efforts intellectuels et financiers…) et ce, selon
l’expression consacrée, « sans bourse délier » 16.
Ainsi est-ce à propos de l’usurpation de la notoriété d’autrui que la notion
d’ « agissements parasitaires » fut proposée en 1956 par M. Yves Saint-Gal, lequel est donc
venu - d’une manière générale - définir le parasitisme économique comme le fait « pour un
tiers de vivre en parasite dans le sillage d’un autre en profitant des efforts qu’il a réalisés et de
la réputation de son nom et de ses produits » 17 sans jamais exiger que le comportement
reproché au « parasite » soit générateur d’une confusion dans l’esprit du grand public.
La capacité de nuisance de ces « pilleurs », de ces « plagiaires », accrue par l’évolution
incessante des pratiques commerciales sur un marché de plus en plus concurrentiel et
notamment par l’alourdissement considérable des dépenses d’investissement engagées par les
entreprises, imposait en effet de réagir face à cette véritable « offensive parasitaire » 18. A la
triade - confusion, dénigrement, désorganisation - consacrée par le doyen Paul Roubier dans
le cadre de la concurrence déloyale, est donc venu s’adjoindre un quatrième et dernier élément
- le parasitisme - dont l’utilité s’est également faite sentir en dehors de toute situation de
concurrence entre les agents économiques en cause.
Au moyen d’une distinction (implicite) des rapports concurrentiels ou non entretenus
par les opérateurs en cause mais en dehors de tout considération tenant aux formes prises par
les actes parasitaires, le parasitisme économique a ainsi pu être défini par M. Dupichot
comme désignant « l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’insère
dans le sillage d’un autre agent économique, soit afin d’exploiter aux dépens directs du
parasité le même type de clientèle que ce dernier […], soit surtout pour profiter du travail et
de l’ ‘‘aura’’ du parasité afin d’exploiter une clientèle distincte » 19. Est ainsi mis en exergue
14 Colloque « Entreprise : parasitisme et droit » placé sous la présidence de Mme Simon J., JCP éd. Ent. 1992,Cah. Dr. Ent. 1992, n° 6, p. 14 et s.15 Il est d’ailleurs patent de souligner que le terme « parasitisme » est issu du mot grec parasitos qui signifie« nourriture »…16 Citons ici l’image…vestimentaire mais très parlante de l’américain Leslie D. Taggart pour qui le parasitismeconsiste à « vouloir chausser les bottes de quelqu’un »…17 Saint-Gal (Y.), Concurrence déloyale et concurrence parasitaire (ou agissements parasitaires), RevueInternationale de la Propriété industrielle et Artistique (R.I.P.I.A.) 1956, n° 25-26, p. 19 et s.18 Bonnefont (A.), Parasitisme et concurrence déloyale : il faut garder le cap, Contrats - Conc. - Conso., Mars2001, Chron. n° 4, p. 4 et s.19 Dupichot (J.), Pour une réflexion doctrinale sur la (nécessaire) sanction du parasitisme économique : vers unparticularisme des sanctions ou vers un retour au droit commun ?, Gaz. Pal. 1987, I, Doctr. p. 348 et s.
le comportement suiveur - caractéristique du parasitisme - adopté par une entreprise - dite
« parasite » - à l’égard d’une autre entreprise - dite « parasitée » - sans que cette attitude
découle d’une nécessité objective.
Largement consacrée depuis, la théorie du parasitisme économique a cependant
progressivement vu son contenu se complexifier. En effet, la théorie des agissements
parasitaires ayant été engendrée par celle de la concurrence déloyale pour l’appréhension des
situations « extra-concurrentielles » que cette dernière - par une stricte logique des mots
d’ores et déjà soulignée - ne permettait pas d’appréhender, la pratique ne pouvait que se
satisfaire d’une distinction simple entre la théorie de la concurrence déloyale - applicable aux
relations entre concurrents - et celle des agissements parasitaires, quant à elle applicable aux
actes déloyaux commis en dehors de tout rapport concurrentiel.
Or, cette même pratique a jugé utile d’affiner un peu plus encore ces notions et
d’introduire dans le cadre des stricts rapports concurrentiels - dont il s’agissait pourtant de se
détacher ! - le phénomène parasitaire, apportant ainsi à la notion de concurrence déloyale une
nuance supplémentaire…
L’introduction en France de la notion de « parasitisme », en effet, a dès lors suscité les
interrogations de la doctrine et de la jurisprudence, soucieuses de savoir s’il fallait considérer
- lorsque le « parasite » est concurrent du « parasité » - qu’il s’agissait là d’un cas classique de
concurrence déloyale ou s’il fallait au contraire faire appel à une notion distincte : ainsi est
apparue la notion de « concurrence parasitaire » dont l’objet emprunte à l’une et l’autre
théorie en ce qu’il désigne à la fois un acte émanant d’un concurrent et un acte de parasitisme.
Doctrine et jurisprudence, après maintes hésitations, semblent aujourd’hui vouloir parler
d’une même voix et régler cette question somme toute purement terminologique et que l’on
pourrait donc considérer comme étant de détail s’il n’en résultait pas une inutile
complexification des critères.
Ainsi la jurisprudence s’est-elle pour sa part dans un premier temps illustrée par un
certain « flou terminologique » dont peut notamment témoigner un arrêt particulièrement
topique rendu par la Cour d’appel de Versailles le 10 Mars 1995 dans lequel il est fait état
d’une « faute constitutive de concurrence déloyale et parasitaire »…20 avant de s’employer,
dans un second temps, à clarifier la situation.
20 Peut également être cité l’arrêt rendu par la Chambre commerciale le 21 Juin 1994 aux termes duquel lecomportement en cause « manifestait une volonté de parasitisme constituant une faute de concurrence déloyale »(Cass. Com. 21 Juin 1994, Bull. civ. IV, n° 229).
Deux tendances ont alors pu se dégager au sein même de la pratique jurisprudentielle.
Certaines juridictions, tout d’abord, ont entendu mettre un terme à ces incertitudes en
dissociant nettement la concurrence parasitaire de la concurrence déloyale à l’image du
Tribunal de commerce de Paris qui - le 10 Août 1978 - a en effet condamné une société ayant
« eu la volonté de créer sur le marché français, d’une part un risque de confusion, acte de
concurrence déloyale, d’autre part une appropriation de l’effort de conception des modèles
d’autrui, acte de concurrence parasitaire » 21. Cette distinction, révélée par une partie de la
doctrine, se fonde en effet sur le critère de la confusion : selon cette jurisprudence d’ailleurs
très récemment confirmée 22, la concurrence déloyale imposerait donc la démonstration d’un
risque de méprise de la part du client entre les produits ou entreprises en cause contrairement
à la concurrence parasitaire qui n’impliquerait nullement ce risque de confusion puisqu’il
suffirait de constater que l’entreprise parasite s’est placée dans le sillage du parasité, qu’elle a
tiré profit sans bourse délier de la notoriété et / ou des efforts financiers ou intellectuels de son
concurrent…
La Chambre commerciale de la Cour de cassation, ensuite, va quant à elle venir clarifier
la situation d’une toute autre manière par un arrêt très remarqué en date du 26 Janvier 1999
aux termes duquel « Le comportement parasitaire est un acte de concurrence déloyale
lorsqu’il concerne comme en l’espèce des entreprises en situation de concurrence » 23 : ainsi
la Chambre commerciale fait-elle le choix, plutôt que de les dissocier, de confondre au
contraire l’une et l’autre notions, la Cour de cassation se montrant donc en définitive hostile à
la notion de « concurrence parasitaire » puisqu’elle assimile en effet clairement les actes
parasitaires accomplis entre concurrents à des actes de concurrence déloyale et sous-entend
donc purement et simplement l’inutilité même de ce nouveau concept, rejoignant sur ce point
l’opinion dominante de la doctrine.
La majorité de la doctrine, en effet, s’est elle-même avérée hostile à l’accueil de ce
nouveau critère, niant l’existence d’une différence entre concurrence parasitaire et
21 - Trib. Com. Paris 10 Août 1978, R.I.P.I.A. 1979, p. 248. - Dans le même sens : CA Paris (4ème ch.) 17 Oct. 1997, Soc. Werner c/ Soc. Phytotech, PIBD 1998, III, p. 91 :la Cour d’appel écarte en l’espèce le grief de concurrence déloyale tout en retenant celui de parasitisme.22 Cass. Com. 16 Mai 2000, SA Schabaver c/ SARL Marcel Justet, JCP éd. Ent 2001, I, Jur. p. 1189 et s., noteAmbroise-Casterot C. : Madame Ambroise-Castérot, commentatrice de l’arrêt, relève en effet que la Chambrecommerciale de la Cour de cassation a - par cet arrêt - défini le concept de concurrence déloyale en affirmant laprédominance d’un élément constitutif de cette notion : la confusion. La Cour, en laissant entendre qu’il nesaurait y avoir de concurrence déloyale en l’absence de confusion dans l’esprit de la clientèle, semble bien eneffet ériger la confusion comme critère permettant de distinguer concurrence déloyale et parasitaire.
concurrence déloyale et ayant donc logiquement rejeté l’utilisation de la confusion comme
critère de distinction des deux actions : ainsi, si M. Le Tourneau n’a pas hésité à analyser la
notion de « concurrence parasitaire » comme étant une notion « superflue » en ce qu’ « elle
n’apporte aucune précision supplémentaire » 24 de telle sorte qu’elle ne serait « qu’un autre
nom de la concurrence déloyale » 25, M. Passa manifeste pour sa part son rejet de cette notion
en constatant que l’expression « concurrence parasitaire », loin d’être autonome, est « une
simple variété de concurrence déloyale » et n’est guère utile lorsque l’on sait que le terme
« concurrence déloyale » constitue déjà une dénomination particulière de la faute de l’article
1382 du Code civil ainsi qu’en s’interrogeant : « Pourquoi, demande-t-il en effet, ne pas parler
de concurrence déloyale pour parasitisme comme on parle déjà de concurrence déloyale pour
dénigrement ou risque de confusion ? » 26.
Dans le même sens, et s’agissant plus précisément du critère de la confusion, il paraît
légitime d’adhérer à l’opinion dégagée par Mme Ambroise-Castérot, laquelle a en effet
finement relevé qu’instaurer comme critère de distinction entre la concurrence déloyale et la
concurrence parasitaire le risque de confusion conduirait à ôter toute utilité au concept de
concurrence déloyale. « A quoi bon, s’interroge-t-elle en effet, chercher à qualifier un risque
de confusion puisqu’en son absence, on peut toujours avoir recours à la concurrence
parasitaire, également fondé sur les articles 1382 et 1383 du Code civil et engendrant les
mêmes conséquences… » 27.
Aussi peut-on semble-t-il adhérer à l’opinion de Mme Druez-Marie pour qui la notion
de « concurrence parasitaire », « mis à part le fait qu’elle présente l’avantage de caractériser
plus précisément des comportements répréhensibles au titre de la concurrence déloyale »,
« peut vraisemblablement sembler dépourvue de tout intérêt » 28.
23 Cass. Com. 26 Janv. 1999, Soc. Canavese c/ Soc. Mûrisseries du Centre, D. 2000, Jur. p. 87, note Serra Y. ;Rev. Dr. affaires 1999, p. 508, note Emery C.24 - Le Tourneau (P.), J.-Cl. Concurrence consommation, Fasc. 227 « Parasitisme : Concurrence parasitaire etagissements parasitaires », spéc. n° 13 ; Le parasitisme dans tous ses états, réf. précitées, spéc. n° 19 et s. - Ainsi M. Burst constate-t-il que l’exercice de la concurrence déloyale et l’exercice de la concurrenceparasitaire supposent bien tous deux : que le demandeur ne dispose d’aucun droit privatif, qu’il existe uneclientèle et, enfin, que le demandeur et le défendeur soient en situation de concurrence. Leur fondement reposedonc sur les articles 1382 et 1383 du Code civil, d’où l’utilité discutable de leur distinction (Burst J.-J.,Concurrence déloyale et parasitisme, Dalloz, 1993, spéc. p. 143).25 Le Tourneau (P.), Le parasitisme - Notion, Prévention, Protections, Litec 1998, Coll. Responsabilités, spéc. n°92.26 Passa (J.), Propos dissidents sur la sanction du parasitisme économique, D. 2000, Chron. p. 297 et s.27 Ambroise-Castérot (C.), note sous Cass. Com. 16 Mai 2000, réf. précitées.28 Druez-Marie (C.), Le parasitisme appliqué à la protection des signes et des formes, P.A. 25 Déc. 1998, Doctr.p. 5 et s.
M. Auguet est d’ailleurs venu, dans une thèse remarquée, tenter de mettre un terme à
cette controverse terminologique 29. Ayant en effet constaté que l’étude du parasitisme et, à
l’intérieur de celui-ci, de la concurrence et des agissements parasitaire (s) était très souvent
menée dans le cadre plus général de la concurrence déloyale dont la théorie du parasitisme est
en effet très proche puisqu’également fondée sur l’article 1382 du Code civil, M. Auguet
estimait en revanche que si parler de concurrence déloyale dans des situations où il n’y a
manifestement pas de situation de concurrence est impropre, le parasitisme - à l’inverse - ne
peut rendre compte de tous les actes déloyaux et notamment par exemple du dénigrement.
Aussi l’auteur suggéra-t-il de donner à ces différents types de comportements un nouveau
nom qui puisse servir de cadre juridique unique et qui vise notamment toutes les situations de
concurrence déloyale et d’agissements parasitaires : le nom de « comportements délictuels de
marché », plébiscité par M. Le Tourneau 30, lui est alors apparu approprié. En effet, si le terme
de « comportement » l’a séduit par son caractère générique, permettant de viser toutes les
situations litigieuses, concurrentielles ou non mais aussi volontaires ou non, le mot
« délictuel » présentait selon lui l’avantage de la neutralité par rapport au terme « déloyal »
qui implique une intention de nuire alors que celle-ci - ainsi que nous le verrons - n’est pas
nécessairement requise. Le choix du terme « marché », enfin, présente selon M. Auguet
l’avantage d’intégrer l’ensemble des opérateurs économiques intéressés par ce type de
comportements, à savoir les concurrents - entre lesquels l’équilibre est en effet modifié « sur
un marché unique » -, les non-concurrents entre lesquels l’équilibre est cette fois modifié
« sur leurs marchés respectifs », mais aussi les consommateurs, les salariés, c’est à dire
l’intérêt de la collectivité que nous pourrions qualifier de « marchande » et que la théorie de la
concurrence déloyale - ainsi que le relève l’auteur- a toujours négligé...
Ainsi donc, et nonobstant ce débat purement doctrinal, faut-il constater que le fait de se
placer dans le sillage d’une entreprise de manière à profiter indûment de la notoriété ou des
investissements matériels et / ou intellectuels de celle-ci peut tout aussi bien être le fait d’une
personne physique ou morale directement concurrente du « parasité » que d’une personne ou
entreprise qui n’est nullement en situation de concurrence avec ce dernier, l’absence de tout
rapport concurrentiel entre parasite et parasité ne devant en aucun cas constituer un obstacle à
la sanction des agissements fautifs du premier : une faute génératrice d’un dommage, en effet,
29 Auguet (Y.), Concurrence et clientèle - Contribution à l’étude critique du rôle des limitations de concurrencepour la protection de la clientèle, LGDJ 2000, Préface Serra Y., spéc. n° 462 et s., p. 451 et s.
a par hypothèse été commise, préjudice qu’il s’agit donc de réparer conformément au droit
commun de l’article 1382 du Code civil.
Les théories de la concurrence déloyale et des agissements parasitaires sont
effectivement issues d’un même « moule », celui de la responsabilité civile, et ne trouvent la
justification de leur distinction terminologique que dans l’aspect concurrentiel ou non de leur
champ d’action de telle sorte que doivent être caractérisées les trois constantes de toute action
en responsabilité civile pour faute que sont, traditionnellement, l’existence d’un fait
générateur, d’un dommage et d’un lien de causalité entre la faute et le dommage.
Or, si ce dernier peut être globalement défini comme « une perte de substance du
patrimoine du commerçant parasité » et s’il faut savoir que la perte de la clientèle - par
hypothèse en effet captée par le « parasite » - a pendant longtemps pu être considérée comme
la manifestation unique du préjudice subi par le « parasité », préjudice dont le régime trouvait
alors sa justification dans un souci permanent de protection de la clientèle, il faut bien voir
que la jurisprudence a, comme nous aurons l’occasion de le constater au cours de nos
développements, évolué sur ce point et admet désormais que la déloyauté de l’acte commis
par tel ou tel opérateur économique puisse causer un préjudice autre que la perte de clientèle.
Ainsi le préjudice voit-il à son tour son cadre de référence évoluer, s’entendant
désormais non seulement du préjudice causé à la victime parasitée mais aussi - plus
généralement - du préjudice causé au marché dont les actes déloyaux aboutissent en effet à
« fausser le jeu normal », causant donc - selon l’expression consacrée - un « trouble
commercial » aux divers autres intervenants et plus particulièrement bien sûr au
consommateur.
Or, le principe d’universalité de la responsabilité civile préalablement exposé doit dès
lors nous conduire à constater qu’un tel trouble commercial peut tout aussi bien résulter des
agissements parasitaires que de la concurrence parasitaire ou déloyale stricto sensu, ce qui
résulte très clairement des écrits de cet ardent défenseur du parasitisme qu’est M. le
Professeur Le Tourneau pour lequel l’acte parasitaire, « contraire aux usages du commerce,
notamment en ce qu’il rompt l’égalité entre les différents intervenants, même non
concurrents, fausse le jeu normal du marché et provoque ainsi un trouble commercial » qui
« est, en soi, un préjudice certain ».
30 M. Le Tourneau propose même plus précisément l’expression de « comportements délictuels des intervenantsdu marché » (Le parasitisme - Notion, Prévention, Protections, op. cit., spéc. n ° 8).
La définition générique ( en ce qu’elle évoque les « intervenants même non
concurrents » et met donc sur un pied d’égalité concurrents et non concurrents ) du
parasitisme proposée par ce dernier, en effet, témoigne très clairement de ce lien étroit qui lie
la concurrence déloyale au sens strict du terme, les agissements parasitaires et - si l’on veut
bien l’admettre - la concurrence parasitaire, lien qui est celui de la responsabilité civile
délictuelle régissant son régime juridique.
Aussi l’efficacité de l’action en justice exercée par les personnes physiques ou morales
victimes d’actes de parasitisme imposera-t-elle à celles-ci - dans la mesure où les juges
fondent la sanction de tels actes sur le droit commun des articles 1382 et 1383 du Code civil -
de faire la preuve d’une faute commise par l’individu ou l’entreprise parasite et par elles
subies. Or, cette faute - si elle peut revêtir de multiples facettes - aura toujours pour objet
d’attenter au travail ou aux investissements souvent considérables déployés par autrui ou
d’usurper la notoriété acquise par tel ou tel et qui sera le plus souvent d’ailleurs le fruit de ces
investissements, soit - finalement - deux grandes catégories d’actes parasitaires qu’un souci
évident de clarté - et nonobstant le débat doctrinal et terminologique précité - nous conduira
hghdans une première partie à envisager successivement sous l’angle des rapports
concurrentiels et des rapports extra-concurrentiels.
L’établissement de la faute parasitaire ouvrira alors la voie à son traitement juridique,
lequel supposera conformément au droit commun de la responsabilité civile d’établir - dans
une optique sanctionnatrice dont nous ne manquerons pas d’envisager les différents tenants et
aboutissants - le préjudice en résultant à travers l’établissement d’un lien de causalité, autant
d’exigences dont il nous faudra cependant dans une seconde partie envisager
l’affranchissement jurisprudentiel. Cette volonté répressive, toutefois, trouve dans la
législation des droits de propriété intellectuelle dans le champ d’application de laquelle
intervient pour partie la théorie du parasitisme et l’appropriation de ce que nous nommerons
« valeurs économiques » qui en résulte sinon sa limite, du moins sa contradiction, source
d’une controverse dont il nous faudra mettre en balance les antinomies.
PREMIERE PARTIE
LE PARASITISME ECONOMIQUE : UNE FAUTE AUX MULTIPLES FACETTES
Selon M. Bonnefont, « Le terme de parasitisme dit bien ce qu’il veut dire : dans le règne
végétal ou animal, souligne-t-il en effet, le parasite se nourrit de la substance d’un autre qui
ainsi dépérit et parfois succombe » 31
Ainsi le parasite - en matière économique - cherchera-t-il le plus souvent à exploiter
l’image véhiculée par telle ou telle entreprise concurrente ou non auprès du grand public, c’est
à dire en d’autres termes à tirer profit de la renommée ou de la notoriété que sera parvenue à
se bâtir une entreprise à force d’investissements matériels et intellectuels, d’efforts humains et
financiers, de campagnes publicitaires répétées…, soit autant d’éléments ayant contribué à
valoriser l’image de sérieux, de compétence…de l’entreprise. Aussi le parasite s’attachera-t-il
à imiter le plus fidèlement possible ou, à tout le moins, à s’inspirer très fortement des supports
d’image que peuvent indifféremment constituer pour une entreprise ses signes distinctifs tels
que la marque, le nom commercial ou la dénomination sociale, l’enseigne mais aussi ses
produits ou son organisation interne…( Chapitre premier ).
De même le parasitisme économique pourra-t-il résulter plus insidieusement de
l’utilisation des efforts intellectuels et des investissements publicitaires, de recherche ou de
développement déployés par un tiers concurrent ou non, hypothèse dans laquelle la déloyauté
du comportement parasitaire se fait plus subtile, ce qui n’a toutefois pas empêché la
jurisprudence de s’attacher à sanctionner par le biais de la responsabilité civile de droit
commun l’usurpation des idées et investissements économiques du parasité ( Chapitre
second ).
Chapitre premier :
LE PARASITISME DE LA RENOMMEE D’AUTRUI :
31 Bonnefont (A), A propos de la sanction du parasitisme, Gaz. Pal. 1990, I, Doctr. p. 1 et s.
Ainsi donc M. Yves Saint-Gal est-il en 1956 venu définir le parasitisme comme « le fait
pour un tiers de vivre dans le sillage d’un autre en profitant des efforts qu’il a réalisés et de la
réputation de son nom et de ses produits ». Si cette définition très synthétique permet de
dégager les deux approches essentielles du parasitisme que sont donc l’usurpation du
« travail » d’autrui d’une part et l’usurpation de sa renommée d’autre part, il paraît important
de rappeler que c’est précisément à propos de l’usurpation de la notoriété d’autrui que fut
proposée par M. Saint-Gal la théorie du parasitisme, ce qui a conduit cet auteur à affiner sur
ce point précis la définition précitée et donc à analyser le parasitisme de la renommée d’autrui
comme « le fait de se référer, sans s’adresser à la même clientèle, à une marque ou à toute
autre forme de propriété industrielle ou intellectuelle créée par un tiers et particulièrement
connue et ce, à l’effet de tirer profit de sa renommée » 32.
Ainsi l’objectif premier est-il ici d’assurer la protection de ceux qui ont une certaine
réputation, une certaine renommée pour ne pas dire un certain prestige, ce que la commodité
de l’exposé nous conduira à désigner par le terme générique de « notoriété », notoriété que tel
ou tel va donc chercher à s’approprier ou dont il va pour le moins chercher à tirer le profit
maximal.
Le parasite, en effet, va le plus souvent s’appliquer à imiter le plus fidèlement possible
ou va à tout le moins s’inspirer fortement de ce qui constitue les éléments d’attraction de la
clientèle, éléments désignés sous l’appellation de « supports d’image » en ce qu’ils
contribuent en effet à véhiculer auprès d’un large public - celui des consommateurs - tout ce
qui fait l’ « image de marque » d’une entreprise et participe donc de sa renommée.
Une première difficulté, dès lors, se pose, celle des liens qui unissent la théorie du
parasitisme et d’autres institutions comme la marque ou le nom commercial. La logique, en
effet, veut que le parasite s’attache à exploiter ces supports d’image par excellence que sont
les signes distinctifs d’une entreprise, c’est à dire la marque, le nom commercial ou la
dénomination sociale, l’enseigne…avec pour objectif évident de parasiter la bonne image
véhiculée par ceux-ci.
Si la théorie du parasitisme permet donc de sanctionner l’usurpation de la notoriété
d’une entreprise, une distinction traditionnelle s’impose cependant selon que le parasite est
( I ) ou n’est pas ( II ) un concurrent direct du parasité, distinction dont nous aurons
32 Saint-Gal (Y.), Concurrence déloyale et concurrence parasitaire ( ou agissements parasitaires ), R.I.P.I.A.1956,p. 19 et s.
l’occasion de mesurer l’importance dans le cadre spécifique du parasitisme de la notoriété
d’autrui.
I) LE PARASITISME DE LA NOTORIETE D’UNE ENTREPRISE
CONCURRENTE, SOURCE D’UN DETOURNEMENT DE
CLIENTELE :
Le parasitisme d’une entreprise notoirement connue par un concurrent direct de celle-ci
consiste donc à se placer dans son sillage afin de détourner sa clientèle et ce, en provoquant
dans l’esprit de celle-ci une confusion entre les deux entreprises.
Par cette véritable « concurrence parasitaire », le parasite en effet cherche
nécessairement à attirer à lui la clientèle qu’est parvenue à se constituer l’entreprise
concurrente, l’acte même de détournement de la clientèle ne pouvant s’entendre que
d’entreprises placées en situation de concurrence, faute - pour les entreprises non-
concurrentes - d’avoir la même « cible » de clientèle.
Or, le parasite concurrent du parasité ne peut espérer attirer à lui la clientèle de ce
dernier que s’il s’attache à provoquer dans l’esprit même de celle qu’est parvenu à se fidéliser
le parasité une confusion, laquelle s’opérera donc - au sein du même secteur d’activité - entre
l’entreprise parasitée et l’entreprise « pirate ».
Dès lors et parce qu’ils incarnent l’image même de toute entreprise, le parasitisme de la
notoriété de toute entreprise concurrente s’opérera-t-il au moyen de ces signes distinctifs de
l’entreprise que sont pour l’essentiel la marque, le nom commercial ou la dénomination
sociale, l’enseigne mais aussi la présentation habituellement donnée aux produits
commercialisés sous telle ou telle marque…, autant d’éléments dont nous savons cependant
qu’ils ont pu faire l’objet de droits privatifs instaurés - dans le cadre des droits de propriété
intellectuelle - par le législateur.
Ainsi l’occasion nous est-elle donnée ici de souligner le caractère subsidiaire de l’action
en parasitisme et de préciser avec M. Le Tourneau que « L’action en condamnation du
parasite n’est recevable que si la victime ne dispose pas d’une autre voie juridique
spécifique », ce que la jurisprudence exprime d’ailleurs parfaitement en affirmant que le
propre de la théorie de la concurrence déloyale ou parasitaire est d’ « assurer la protection de
celui qui ne peut se prévaloir d’un droit privatif », c’est à dire d’un droit de propriété sur un
signe ou une création lui permettant donc - en cas d’atteinte à ce droit - d’ester en justice par
le biais de l’action en contrefaçon.
Aussi apparaît-il clairement que le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle n’a
guère le choix entre l’action en contrefaçon et l’action en concurrence déloyale ou parasitaire
qui s’ouvrent à lui : l’action en contrefaçon de son droit privatif, en effet, devra
nécessairement primer avec cette précision que les deux actions ne pourront être exercées
cumulativement que si elles sont fondées - ainsi que l’exige la jurisprudence 33 - sur des faits
distincts de contrefaçon d’une part, de concurrence déloyale ou parasitaire d’autre part 34.
S’il convient donc de préciser d’une part que l’atteinte portée à tel ou tel droit privatif
par la personne du « parasite » supposera dès lors la condamnation de celui-ci pour faits de
contrefaçon et d’ajouter d’autre part que la jurisprudence n’opérera le cumul de l’action en
contrefaçon et de l’action en concurrence déloyale ou parasitaire que s’il existe des faits
distincts de contrefaçon et de concurrence déloyale, la question qui se posera alors de savoir
ce qu’il en est lorsque le signe distinctif usurpé n’est pas protégé par un quelconque droit
privatif trouve dans la théorie du parasitisme sa meilleure réponse.
En effet, s’il ne faut pas oublier que les droits de propriété intellectuelle constituent
autant d’exceptions au principe fondamental de la liberté du commerce et de l’industrie de
telle sorte qu’il conviendrait logiquement d’en revenir - en l’absence de droit privatif sur un
signe ou sur une création - au principe dit de la « liberté d’imitation » et de considérer dès lors
que chacun est libre d’imiter les signes distinctifs ne remplissant pas (ou plus) les conditions
d’obtention d’un droit de propriété intellectuelle35, doctrine et jurisprudence trouvent
cependant dans le fait que ce signe ou cette création non protégé (e) bénéficie d’une certaine
33 Peut notamment être cité cet attendu très clair aux termes duquel « L’action en concurrence déloyale exige unefaute alors que l’action en contrefaçon concerne l’atteinte à un droit privatif…Ces deux actions procèdent decauses différentes et ne tendent pas aux mêmes fins…la seconde (n’étant) pas l’accessoire, la conséquence ou lecomplément de la première » (Cass. Com. 22 Sept .1983, P.I.B.D. 1984, III, n° 38).34 Ainsi Paul Roubier soulignait-il, dans son Traité de droit de la propriété industrielle paru en 1952, que l’actionen contrefaçon et l’action en concurrence déloyale (ou parasitaire) « ne procèdent pas des mêmes causes et netendent pas aux mêmes fins ». Plus précisément, alors que l’action en contrefaçon est une action spéciale exercéepar le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle pour obtenir la sanction de l’atteinte portée à ce droit par untiers, ayant donc pour fondement « l’atteinte au droit du demandeur », l’action en concurrence déloyale, quant àelle, a pour unique fondement le droit de la responsabilité civile délictuelle en ce qu’elle vise à sanctionner « laconduite critiquable du défendeur » ( Droit de la propriété industrielle, Recueil Sirey 1952, Tome I, spéc. p.308).35 Nous aurons d’ailleurs l’occasion de mesurer, dans la seconde partie, l’importante controverse récemment néesur la question des « rapports » entretenus par la théorie jurisprudentielle du parasitisme et le mécanisme légaldes droits de propriété intellectuelle.
réputation 36 la justification de sa protection et donc la sanction d’une éventuelle usurpation
de celle-ci sur le terrain du parasitisme.
S’il consiste donc - en provoquant une confusion entre les deux entreprises en cause - à
se placer indûment dans son sillage de manière à attirer à lui la clientèle de celle-ci, le
parasitisme de la notoriété d’une entreprise par un concurrent fait habituellement l’objet d’une
subdivision selon qu’il s’opère « directement » ou « indirectement ».
Ainsi nous faudra-t-il successivement envisager d’une part le parasitisme « direct » de
ce qui constitue - par souci d’adopter une formule générique - l’ « image commerciale » de
l’entreprise concurrente ( A ) et d’autre part le parasitisme « indirect » car plus subtil qui
consiste en un « rattachement indiscret » à l’entreprise concurrente ( B ) pour envisager enfin
les limites et exceptions posées par les tribunaux au parasitisme de la notoriété d’une
entreprise concurrente ( C ).
A) Le parasitisme des signes de ralliement de la clientèle attachée à l’entreprise
notoire concurrente :
Parce qu’il est un principe dégagé par la jurisprudence en vertu duquel « Tout
commerçant honnête doit faire en sorte d’individualiser ses produits et ses services par rapport
à ceux de la concurrence », cette obligation positive mise à la charge de tout commerçant
ayant pour nécessaire fondement de prévenir tout risque de confusion, commet donc une faute
celui qui témoigne d’une volonté délibérée de bénéficier de la notoriété d’autrui en créant
pour ce faire une confusion dans l’esprit du public.
Ainsi la faute résultera-t-elle le plus souvent, au regard de la jurisprudence en la
matière, de la confusion générée dans l’esprit de la clientèle par l’imitation illicite de la
marque ou de tout autre signe distinctif d’un concurrent ( 1 ) ou par l’imitation de tout ou
partie de la publicité d’un concurrent ( 2 ) 37.
36 …où même soit le fruit d’efforts et / ou d’investissements intellectuels et financiers (cf. Chapitre second).37 Soulignons dès à présent que les faits de parasitisme pourront aussi consister dans l’imitation illicite de laprésentation habituellement donnée par tel ou tel concurrent à ses produits. Or, si cette usurpation peut permettreau parasite - par une simple imitation ou par la copie servile d’un produit de renom commercialisé par sonconcurrent - de tirer indûment profit de la notoriété acquise par celui-ci ( …peut être d’ailleurs grâce au produiten question ), les longues et nombreuses études marketing nécessaires à l’ « élaboration » d’un produit - depuisla simple idée issue de l’imagination féconde de tel ou tel jusqu’à la commercialisation du produit en passant parles multiples étapes de sa conception - exigent d’en étudier l’usurpation, non pas au titre du parasitisme de lanotoriété, mais dans le cadre de l’analyse du parasitisme des investissements intellectuels et financiers d’uneentreprise concurrente ( Cf. Chapitre second ).
1) L’imitation illicite des signes distinctifs de l’entreprise concurrente :
Entre concurrents, le parasitisme de la notoriété d’une entreprise consistera donc à
exploiter l’image par hypothèse positive véhiculée par celle-ci auprès du grand public dans le
but de créer entre l’une et l’autre une confusion dans l’esprit de la clientèle, confusion qui se
fondera le plus souvent très logiquement sur ces signes de ralliement que sont les signes
distinctifs précités.
Ainsi l’usurpation de la notoriété d’un concurrent par le parasite s’opérera-t-elle le plus
souvent par l’exploitation injustifiée de la marque ( a ), du nom commercial ou de la
dénomination sociale ( b ) ou encore de l’enseigne ( c ) du parasité. De manière plus précise,
la confusion opérée par le parasite dans l’esprit de la clientèle s’effectuera soit par la vente de
ses produits sous une marque ( ou une présentation ) imitées, soit par la vente de produits
différents mais commercialisés sous une marque ou une enseigne imitées…
a - L’exploitation injustifiée de la marque de l’entreprise concurrente :
Commune aux différents actes parasitaires qu’il nous appartient d’envisager ici,
l’exploitation injustifiée de la marque d’autrui ou « contrefaçon de marque » est expressément
visée par l’article L. 713-3 alinéa second du Code de la Propriété intellectuelle qui vient en
effet interdire « l’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée » dès lors qu’il
existe un risque de confusion dans l’esprit du public.
S’il ne nous appartient pas de détailler cette infraction spécifique du droit des marques,
rappelons simplement qu’il faut entendre par « imitation » la reprise d’éléments visuels et / ou
phonétiques d’une marque de nature à induire en erreur la clientèle attachée à la marque
parasitée et ce d’autant plus que celle-ci est utilisée, dit le texte, pour désigner « des produits
ou services similaires à ceux désignés dans l’enregistrement » et que la clientèle ciblée par le
parasite et le parasité est donc la même.
Ainsi peut être cité l’arrêt rendu par le Tribunal de grande instance de Paris
le 6 Décembre 1989 dans lequel les juges ont en effet estimé qu’en lançant sur la marché des
produits similaires à ceux diffusés par la société Playtex France et notoirement connus sous la
dénomination « Cœur croisé » ainsi qu’« en attirant l’attention de la consommatrice sur la
forme croisée » par l’inscription, « en caractères importants au milieu d’un carton de
présentation », « de la mention ‘‘forme croisée’’», la société concurrente avait « eu un
comportement parasitaire en cherchant à profiter de la notoriété des produits ‘’Cœur
croisé’’»38.
Peut de même être cité cet arrêt particulièrement topique rendu par la Cour d’appel de
Versailles le 7 Juillet 1986 dans lequel une entreprise, après avoir dans un premier temps
employé sans droit la marque d’un tiers concurrent - « Néopergonal » - lança une autre
marque - « Inductor » - en vue d’exploiter le même produit en prétendant, dans une intensive
campagne publicitaire, que la seconde marque se substituait purement et simplement à la
première 39.
Le développement des « autoroutes de l’information » a par ailleurs contribué à la
naissance d’un nouveau type de comportement parasitaire consistant notamment à déposer
comme nom de domaine Internet une marque contrefaisant une marque notoire. Si le jeu des
articles L. 713-2 et L.713-3 du Code de la propriété intellectuelle peut dans certains cas
protéger les titulaires des signes repris sur la « toile », ainsi d’ailleurs que l’article L. 713-5 du
même code qui - s’agissant des marques dites de haute renommée ou notoirement connues -
est en réalité comme nous le verrons une consécration légale du parasitisme, les tribunaux
peuvent toujours - alors que les dispositions légales précitées ne sont pas applicables -
interdire, y compris sous astreinte, d’adopter pour désigner un site un nom ou un sigle déjà
utilisé, ayant même le pouvoir d’en imposer le transfert au bénéfice du parasité 40.
L’une des premières victimes de ce phénomène, en effet, fut - dans le cadre de la
concurrence parasitaire 41 - la célèbre société de cosmétiques Lancôme à laquelle devait sans
conteste être reconnu, tant en France qu’à l’étranger, « le bénéfice de la notoriété ». Aussi le
Tribunal de grande instance de Nanterre - après avoir constaté la reproduction quasi servile de
la marque « Lancôme » par l’usage des dénominations « lankome » et « lankom » à titre de
noms de domaine et considéré que « la substitution de la lettre ‘‘c’’ par la lettre ‘‘k ‘’
n’affectait ni la perception globale ni la perception auditive de l’expression originale et ne
suffisait pas à écarter le grief de contrefaçon » - a-t-il pu considérer le 10 Janvier 2000
38 TGI Paris 6 Déc. 1989, Soc. Playtex France, P.I.B.D. 1990, III, 303 et 313.39 CA Versailles 7 Juillet 1988, Gaz. Pal. 1990, II, p. 488, note Desjeux X.40 Bouvel (A.), « Cybersquattage » de marque notoire : contrefaçon ou parasitisme ? (A propos des affairesVichy et Lancôme), Contrats - Conc. - Conso., Juin 2000, Chron. n° 10, p. 9 et s.41 …car les produits ou services présentés dans le site parasite étaient identiques à ceux fabriqués etcommercialisés par l’entreprise dont le site fut parasitée.
qu’ « En enregistrant auprès de l’Internic des dénominations pratiquement identiques à des
marques notoires, telles que Lancôme, dans des graphies créant la confusion, la société a eu
un comportement parasitaire condamnable, distinct des faits de contrefaçon de marque,
entraînant sa responsabilité sur le fondement de l’article 1382 du Code civil » 42.
Ainsi ce comportement parasitaire résulte-t-il non seulement du risque de confusion dû
au dépôt d’un nom de domaine (quasi) identique à celui d’une marque notoire mais aussi,
ainsi que le relèvent très souvent les tribunaux, de ce que « par la saisie du nom de domaine
litigieux, les internautes pensant accéder à un site de cette société aboutissent à un message
d’erreur », cette indisponibilité du nom de domaine étant en effet à l’origine d’un « préjudice
d’image » pour l’entreprise parasitée 43.
b - L’exploitation injustifiée du nom commercial ou de la dénomination sociale de
l’entreprise concurrente :
1° - Le cas de la dénomination sociale :
Définie comme l’appellation légale sous laquelle chaque société est enregistrée au
Registre du commerce et des sociétés, la dénomination ou « raison » sociale constitue donc le
nom désignant une société de telle sorte que l’utilisation d’une dénomination sociale identique
ou similaire à celle adoptée par un concurrent par hypothèse implantée dans le même ressort
géographique est assurément de nature à créer une confusion dans l’esprit du public.
Ainsi par exemple a-t-il pu être jugé par la Cour d’appel de Paris qu’était constitutive
d’un acte de concurrence parasitaire l’utilisation par la personne du parasite de la
dénomination sociale « Accord Informatique » pour désigner sa société, cette appellation étant
en effet de nature à porter atteinte à la dénomination sociale « Acor Informatique »
antérieurement adoptée par une autre société exerçant dans la même ville - en l’occurrence
Paris - une activité identique 44.
42 TGI Nanterre (2ème ch.) 10 Janv. 2000 - 2ème espèce, Soc. Grandtotal Finances LTD c/ Soc. Lancôme Parfumset Beauté, D. 2000, Jur. p. 117 et s., obs. Poisson B. Par ord. référé : TGI Nanterre 19 Sept. 1999, P.A. 13 Janv.2000, Jur. p. 18 et s., note Dreyfus-Weill N.
43 Dans le même sens : TGI Nanterre 20 Mars 2000, Soc. Sony Coporation c/ SARL Alifax, RJDA 2000, n° 11,n° 1058, p. 839 (à propos du dépôt du nom de domaine « espace sony. com » parasitant les marques « Sony » et« Espace Sony »).44 CA Paris 25 Janv. 1990, P.I.B.D. 1990, III, n° 426.
En revanche fut-il jugé par le Tribunal de grande instance de Paris que la dénomination
sociale « HCCJP Hôtel Patio Brancion » ne portait pas atteinte à la dénomination « Hôtel
Brancion » dans la mesure où, d’une part, l’emploi du terme « Patio » permettait selon le
tribunal d’écarter tout risque de confusion et où, d’autre part, les deux sociétés n’exerçaient
pas leur activité dans le même secteur territorial, la première étant implantée à Paris et la
seconde à Malakoff…45
2° - Le cas du nom commercial :
Pouvant être défini comme l’appellation sous laquelle une personne exerce son
commerce, comme le terme sous lequel est connu et exploité un fonds de commerce, le nom
commercial qui donc naît du premier usage acquiert, dans la mesure où il constitue le trait
d’union entre l’entreprise et la clientèle de celle-ci, une valeur patrimoniale importante.
Quand bien même il ne fait pas naître un droit privatif opposable erga omnes, protection
est conférée au nom commercial dès lors que son imitation par la personne du parasite est
susceptible d’engendrer une confusion dans l’esprit de la clientèle, parasite auquel la loi de
1964 sur les marques offrait une belle occasion d’agir puisqu’elle disposait en son article 2
que « Le dépôt d’un nom patronymique à titre de marque n’interdit pas à son homonyme de
faire usage de son nom ».
S’il est en principe libre à quiconque entend exercer telle ou telle activité commerciale
de choisir comme dénomination son patronyme, cette éventualité constituant en effet pour le
commerçant un droit même si tel ou tel autre commerçant exerce déjà une activité
commerciale sous le même nom, la réserve doit néanmoins être faite du risque de confusion
susceptible d’être engendré par ce choix.
Aussi la jurisprudence vient-elle sanctionner pour faits de concurrence déloyale ou
parasitaire tout individu qui, cherchant à tirer profit de son homonymie avec tel ou tel
commerçant, entreprend d’exercer sous son nom patronymique une activité professionnelle
similaire ou identique à celle de ce dernier, cherchant ainsi à exploiter la notoriété acquise par
celui dont il s’est fait un concurrent.
Ainsi la volonté plus ou moins clairement exprimée par l’usurpateur d’exploiter la
notoriété acquise par son homonyme dans l’exercice de son activité professionnelle et donc la
45 TGI Paris 23 Juin 1989, P.I.B.D. 1989, III, n° 27.
recherche délibérée d’une confusion dans l’esprit de la clientèle caractérisent-elles les faits de
parasitisme.
Ainsi la volonté parasitaire de l’homonyme peut-elle se manifester sous deux grands
aspects. L’homonyme ira parfois jusqu’à proposer au titulaire de la marque une association
commerciale, devant bien entendu être cité ici le célèbre « cas » Helmut Rotschild dont la
volonté parasitaire s’exprima en effet très clairement dans la lettre qu’il adressa à la famille
Rotschild et dans laquelle il vantait les chances de succès d’une entreprise internationale qui
associerait le nom Rotschild, « depuis un siècle personnification de la haute aristocratie
financière », à une marque de produits de luxe. Or, alors qu’Edmond de Rotschild n’avait
pourtant donné aucune suite à cette proposition, Helmut Rotschild n’hésita pas à se lancer
dans l’utilisation à grande échelle de son patronyme pour désigner briquets, parfums, eaux de
toilette, cravates, cigarettes… Suite à l’action en justice introduite par la famille Rotschild, le
Tribunal de grande instance de Paris, dont le jugement fut d’ailleurs confirmé par la Cour
d’appel de Paris, déclara que la lettre adressée à la famille Rotschild ainsi que l’étude de
marché auparavant réalisée par Helmut Rotschild sur l’impact de cet illustre patronyme
auprès du grand public traduisaient l’intention frauduleuse de ce dernier « d’utiliser à des fins
commerciales son homonymie avec une famille plus illustre dont la notoriété était
internationale »46.
De même l’homonyme peut-il manifester sa volonté parasitaire en employant autant de
moyens qui permettront aux juges d’établir aisément le souhait du parasite de créer dans
l’esprit de la clientèle des consommateurs une confusion. Peut ici être reprise l’affaire
Rotschild dans laquelle Helmut Rotschild avait vendu un parfum sous la marque Rotschild,
parfum dont le prospectus publicitaire faisait état du « prestige et de la résonance masculine
de ce nom…, symbole, partout dans le monde, de réussite, de puissance, de richesse et de
luxe » : aussi le Tribunal de grande instance de Paris jugea-t-il que le procédé publicitaire
employé par Helmut Rotschild pour le lancement du parfum « était susceptible de laisser
croire que ce produit était parrainé par les barons de Rotschild ».
Peut également être cité l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 12 Mars 1992.
Dominique Arpels, membre de la célèbre famille de joailliers Van Cleef & Arpels, avait en
effet créé la marque du même nom pour la vente de bijoux, en se référant constamment et
46 - TGI Paris 4 Juill. 1984, P.I.B.D. 1984, III, n° 216 ; D. 1985, p. 293, note S. M.P., confirmé par CA Paris 10Juill. 1986, JCP éd. G. 1986, II, n° 20712, note Agostini E.
notamment dans le cadre de sa publicité à son illustre parenté : aussi la Cour d’appel a-t-elle
été conduite à déclarer qu’était constitutif de parasitisme l’annonce dans la presse nationale et
internationale de la création de la marque « Dominique Arpels » dans le domaine de la
joaillerie, dès lors que la déposante, membre d’une famille de célèbres joailliers, était
présentée par référence constante à cette famille et à la tradition de qualité de ses produits
dont elle souhaitait pourtant, releva la Cour, abandonner le goût classique 47.
Constatons cependant que la jurisprudence, dans son appréciation du degré de confusion
provoquée par l’homonymie du parasite et du parasité, conclut fréquemment à l’absence de
toute volonté parasitaire.
Ainsi en juge-t-elle notamment lorsque l’homonyme fait usage dans le commerce de son
patronyme, lequel ne bénéficie cependant d’aucune notoriété particulière en raison notamment
de son « caractère très répandu » ou de la « confidentialité du commerce exercé par le premier
déposant » : la Cour d’appel de Toulouse a ainsi pu estimer, dans l’une des affaires Lasserre,
que MM. Philippe et Jean-Pierre Lasserre - en déposant les marques « CPL Lasserre » et
« Lasserre Couture Sport » pour des sacs de voyage malgré l’existence d’une marque
antérieure Lasserre - « avaient pu, sans esprit parasitaire, et donc sans mauvaise foi, se
méprendre sur l’étendue de leurs droits dans l’utilisation du nom patronymique Lasserre »48.
De même l’absence de volonté parasitaire de l’homonyme peut-elle être déduite des
« efforts » déployés par celui-ci pour se forger sa propre notoriété - ce qui a pu conduire la
Cour d’appel de Rouen à autoriser Michel Leclerc à se servir de son nom pour la publicité des
supermarchés Roc-Eclair dans la mesure en effet où son action personnelle depuis plusieurs
années dans le domaine très spécifique du marché des pompes funèbres lui a valu « une
certaine notoriété distincte de celle de son frère Edouard » 49 - ou pour faciliter la distinction
par le grand public de l’un et l’autre signe. L’ « auto-réglementation » de l’usage du nom par
l’homonyme, en effet, est logiquement perçue comme un indice important de la bonne foi de
celui-ci : ainsi M. Massé - pourtant assigné en contrefaçon par le titulaire de la marque de
champagne Massé - a-t-il été jugé de bonne foi dans la mesure où il avait spontanément
- Agostini (E.), Les agissements parasitaires en droit comparé - Le cas Helmut Rotschild, JCP éd. G. 1987, I,Doctr. n° 3284.47 CA Paris 12 Mars 1992, SA Van Cleef & Arpels c/ Mme Arpels, JCP éd. Ent. 1992, I, Pan. Actu. n° 565.48 CA Toulouse 20 Octobre 1987, P.I.B.D. 1988, III, n° 429.49 CA Rouen 12 Nov. 1992, P.I.B.D. 1993, n° 539, III, p. 177. Précisons cependant que la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a retenu les faits de parasitisme aux motifs qu’il n’était « pas prouvé que Michel Leclerc a acquisune notoriété écartant tout risque de confusion avec les centres Leclerc » (CA Aix-en-Provence 19 Mai 1994,Jur. INPI 94 M 259).
réglementé l’usage de son nom dans la marque Masse-Liebart qu’il avait lui-même déposé en
enlevant l’accent aigu du « e » final de son nom et en y adjoignant le nom de son épouse 50.
Précisons enfin qu’a succédé au ‘‘laxisme’’ de la loi de 1964 une plus grande rigueur
puisque l’article L. 711-4 du Code de la Propriété intellectuelle issu de la réforme du droit des
marques par la loi du 4 Janvier 1991 est venu en quelque sorte « synthétiser » la jurisprudence
relative à la concurrence parasitaire par recherche de confusion.
Ainsi cet article dispose-t-il désormais que « Ne peut être adopté comme marque un
signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment :
a) à une marque antérieure enregistrée ou notoirement connue au sens de l’article 6
bis de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle ;
b) à une dénomination ou raison sociale, s’il existe un risque de confusion dans
l’esprit du public ;
c) à un nom commercial ou à une enseigne connus sur l’ensemble du territoire
national s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public ; [ …]
g) au droit de la personnalité d’un tiers, notamment à son nom patronymique […] »,
demeurant toutefois irrésolu le cas où le premier « porteur du nom » n’a pas déposé de
marque et / ou celui où le second n’a pas davantage effectué de dépôt : ainsi le conflit reste-t-
il désormais cantonné aux cas où l’homonyme en second utilise son nom patronymique
comme dénomination sociale, nom commercial ou enseigne…
c - L’exploitation injustifiée de l’enseigne de l’entreprise concurrente :
Définie par la loi du 29 Décembre 1979 relative à la publicité comme « toute
inscription, forme ou image apposée sur un immeuble et relative à une activité qui s’y
exerce », l’enseigne peut être parasitée, ce qui a notamment conduit la Cour d’appel de Paris à
juger que « L’utilisation d’une même enseigne pour un commerce identique dans un voisinage
immédiat constitue un acte susceptible de détourner la clientèle du premier utilisateur, titulaire
du droit à l’enseigne, au profit du second » 51, d’où concurrence parasitaire répréhensible.
2) L’imitation illicite de la publicité de l’entreprise concurrente :
50 CA Reims 28 Mars 1989, P.I.B.D. 1989, n° 404, III, p. 535.
Pouvant être réalisée sous des formes très variées, l’activité parasitaire peut donc
également consister dans le fait de s’inspirer ou de copier tout ou partie de la publicité d’un
concurrent ( a ), publicité à laquelle est le plus souvent attaché un slogan ( b ).
a - L’exploitation injustifiée de la publicité d’une entreprise concurrente :
L’exploitation de la notoriété d’un concurrent par l’usurpation de ses procédés de
communication avec le grand public et donc de sa publicité, jumelée à l’économie
d’investissements assurément réalisée par le parasite auquel seront en effet épargnées bien des
études marketing, constitue dès lors un acte de concurrence parasitaire.
Ainsi par exemple, et pour rester dans un premier temps très général, la Cour d’appel de
Paris a-t-elle condamné pour concurrence parasitaire une société qui, alors qu’elle cantonnait
jusqu’aux faits de l’espèce l’essentiel de son activité dans la production de confitures, a
entendu profiter de l’intense campagne publicitaire effectuée par Teissi pour se lancer dans le
domaine de la commercialisation du jus de fruit avec le produit « Frutsi » 52.
Or, parce que les procédés publicitaires sont multiples, le sont tout autant les cas de
parasitisme en la matière, la faute étant notamment constituée lorsque la représentation du
produit et / ou le dessin publicitaire adoptés engendrent, par leur trop grande similarité avec
ceux d’une publicité « concurrente », un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle.
Ainsi la jurisprudence refuse-t-elle de considérer fortuites les similarités constatées « dans le
traitement de l’objet central, du décor et des objets annexes » dès lors qu’il existe plusieurs
manières de représenter un produit 53.
Est de même susceptible de provoquer dans l’esprit du public une certaine confusion
l’utilisation d’un logo similaire à celui d’un concurrent - le dépôt à titre de marque dont celui-
ci fera le plus souvent l’objet empêchant toutefois de distinguer l’acte parasitaire de l’acte
contrefaisant…- ou encore l’imitation d’un prospectus ou dépliant publicitaire 54.
Enfin, l’imitation du « thème publicitaire » d’un concurrent peut plus largement
constituer un acte parasitaire. Ainsi la Cour d’appel de Paris a-t-elle, par un arrêt remarqué en
date du 7 Avril 1993, sanctionné une société pour avoir copié le thème publicitaire d’un
51 CA Paris 21 Mars 1988, D. 1989, Somm. p. 135, obs. Burst J.-J.52 CA Paris 26 Janv. 1985, D. 1986, I.R. p. 40.53 TGI Paris 26 Juin 1987, R.D.P.I. n° 15, Fév. 1988, p. 57.54 Fut ainsi sanctionnée l’emprunt de photographies dans le catalogue d’un concurrent pour leur insertion dans unprospectus publicitaire (CA Versailles 11 Fév. 1987, D. 1988, Somm. p. 201, obs. Colombet C.).
concurrent. Les juges, en effet, relèveront qu’ « En dénommant précisément son produit « La
miche Boule d’Or » et non « Boule d’Or » et en construisant, tout comme sa concurrente, son
argument publicitaire autour d’un fromage suggérant un pain à la croûte dorée et au goût
fruité, la fromagère Besnier Bouvron a cherché à lancer sur le marché un produit qu’elle
savait susceptible de remporter immédiatement un succès certain auprès du public » : ainsi la
Cour a-t-elle entendu sanctionner - sans même juger utile de souligner le risque de confusion
pourtant patent en l’espèce - le comportement parasitaire de la société fromagère,
comportement ayant consisté à s’appuyer sur le succès remporté auprès de la clientèle des
consommateurs par le produit d’une société concurrente pour lancer sans crainte un produit
similaire, ce qui lui a dès lors permis d’économiser les frais de coûteuses études de marché sur
le goût des consommateurs…55
En revanche, il faut bien voir que l’action en concurrence déloyale ou parasitaire sera
déclarée irrecevable lorsque la référence au concurrent est jugée trop indirecte, trop subtile
pour être susceptible de causer un préjudice à celui-ci, constat qui ressort notamment d’une
espèce dans laquelle la société exploitant le vin commercialisé sous la marque « Listel »
reprochait à une société concurrente l’utilisation du thème publicitaire d’une bouteille
couchée sur un lit de coquillages, au motif que ce thème évoquait la mer et le sable…et donc
indirectement le Golfe du Lion d’où provient le vin de Listel ( ! ) : la référence a ainsi été
jugée bien trop subtile pour pouvoir être sanctionnée 56.
b - L’exploitation injustifiée du slogan d’une entreprise concurrente :
Un principe peut être établi ici en vertu duquel le commerçant ne sera fondé à faire grief
à un concurrent de l’emploi d’un slogan identique au sien que s’il lui est possible d’apporter
la preuve de son antériorité.
L’évidente nécessité de contrer d’éventuels abus a dès lors conduit la jurisprudence à
refuser - lorsque leur présentation en est différente - de voir dans l’utilisation de termes
identiques issus du langage publicitaire traditionnel la preuve de la recherche d’une confusion,
ce qui ressort notamment des espèces dont ont eu à connaître les tribunaux dans le secteur des
lessives et détergents dont les slogans reprennent le plus souvent - et bien nécessairement ! -
les termes « blanc », « doux », « pur »…
55 CA Paris 7 Avril 1993, Fol Epi, P.I.B.D. 1993, n° 548, III, 462.
B) Le parasitisme par rattachement indiscret à l’entreprise notoire concurrente :
Une nuance fut en effet introduite dans la catégorie fondamentale du parasitisme de la
notoriété d’autrui, nuance qui consiste pour le concurrent à « se placer dans le sillage de la
renommée d’un tiers et à profiter indirectement des retombées de celle-ci, sans chercher
réellement à s’approprier le nom d’autrui, donné comme référence de qualité, (comme) une
espèce de caution morale » 57.
Est ainsi défini le « rattachement indiscret » qu’il est possible de classer en quatre
grandes rubriques selon qu’il s’exerce sans qu’une confusion entre l’entreprise parasitée et le
parasite soit recherchée par celui-ci ( 1 ) ou qu’il réside dans le mécanisme des références
( 2 ), dans le parasitisme d’un réseau de distribution ( 3 ) ou dans le mécanisme parasitaire des
pratiques d’appel ( 4 ).
1) Le parasitisme de la notoriété d’une entreprise concurrente sans recherche de
confusion :
Le parasite, en effet, peut parfaitement se rendre coupable d’actes de concurrence
parasitaire et donc engager sa responsabilité quand bien même il n’aurait point cherché à créer
dans l’esprit de la clientèle une confusion entre lui-même et son concurrent.
Ainsi la Cour de cassation est-elle venue admettre le fait que le parasite ne cherche pas
nécessairement à créer une confusion entre son entreprise ou ses produits et l’entreprise ou les
produits de son concurrent en déduisant par exemple de la pose d’une étiquette « Imitation
Vuitton » sur les produits de maroquinerie en cause la volonté de l’auteur de démarquer sa
production de celle de son concurrent 58 mais aussi et surtout en censurant les juges du fond
56 CA Paris 20 Oct. 1995, P.I.B.D. 1995, n° 601, III, 16.57 Le Tourneau (P.), J. Cl. Concurrence - Consommation, réf. précitées, spéc. n° 22.58 CA Paris (4ème ch.) 21 Fév. 1989, SA Louis Vuitton c/ SARL Paris Lots et a., D. 1993, Somm. p. 115, obs.Burst J.-J.
lorsqu’ils rejettent une demande fondée sur la concurrence parasitaire au motif qu’il
n’existerait « aucun risque de confusion ».
En effet, l’autonomie de la notion de « concurrence parasitaire » par rapport à la
concurrence déloyale par confusion, dissociation qui - donc - résulte de ce que le parasite peut
ne pas rechercher la confusion avec l’entreprise notoire concurrente, résulte parfaitement de
l’arrêt rendu le 27 Juin 1995 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation à propos du
détournement de la notoriété du célèbre chocolatier Lindt par la reproduction quasi servile -
dans le catalogue de la société concurrente - du motif utilisé par Lindt pour l’ornement de ses
conditionnements. Ainsi la Chambre commerciale estima-t-elle que la seule constatation qu’il
n’existait aucun risque de confusion pour un consommateur d’attention moyenne entre les
deux dessins ne suffisait pas à écarter le grief de concurrence déloyale formé par Lindt à
l’encontre de son concurrent dès lors qu’était invoqué, outre le risque de confusion, le
comportement parasitaire de ce dernier, résultant à la fois de la notoriété, auprès de la
clientèle, du conditionnement adopté par Lindt et de la volonté manifestée par l’autre de se
placer dans son sillage 59.
Ainsi est-il admis que le parasite puisse agir sans intention de nuire et cherche
simplement, selon l’expression d’Yves Saint-Gal, à « vivre en parasite dans le sillage » d’un
tiers concurrent.
Nous choisirons ici de citer, parmi une jurisprudence très abondante, l’un des arrêts les
plus connus, arrêt rendu par la Cour d’appel de Versailles le 4 Mars 1986 dans lequel fut
sanctionnée la concurrence parasitaire ayant consisté, pour une société fabricante de sacs, à se
rapprocher le plus possible, au niveau des couleurs, des sacs commercialisés par un
concurrent des plus notoire - en l’occurrence la très célèbre société Vuitton - de manière à
« profiter du renom et du succès remporté » par cette marque.
Ainsi les juges ont-ils - alors même qu’aucune véritable confusion ne semblait avoir été
recherchée et même être possible, l’imitation se limitant en effet aux seules couleurs - retenu,
simplement parce que celles-ci étaient proches, la concurrence parasitaire : « Dès lors que
l’imitation d’une marque déposée par un tiers a permis à l’imitateur, en dépit de l’absence de
similitude des produits, de profiter par parasitisme, non seulement de la qualité du dessin créé
par le propriétaire de la marque imitée, mais encore de la grande renommée de celui-ci en
provoquant chez le client, par l’impact d’un décor évocateur de produits réputés, un réflexe
favorable, il convient de dire qu’en sus de l’imitation et de l’usage de la marque, ce
professionnel s’est rendu coupable d’agissements parasitaires dont il peut être demandé
réparation sur le fondement de l’article 1382 du Code civil » 60.
S’attachant davantage au fait de bénéficier, selon l’expression consacrée, du « courant
d’achats » créé par le concurrent en cause, la Cour d’appel de Paris a dans le même sens
décidé que l’emploi du slogan « le nouveau nom de l’Espace » à titre de publicité du véhicule
Prairie, compte tenu de la notoriété du véhicule concerné, constituait « une manœuvre dont le
but manifeste est de profiter de l’impact dont la marque ‘‘Espace’’ bénéficie auprès des
acquéreurs potentiels de véhicules monocorps ». En effet, la société automobile fautive, en se
plaçant dans le sillage de la célèbre société Renault « pour tirer profit d’une position acquise
sur le marché par ce constructeur », a commis un acte de concurrence parasitaire alors même
que tout risque de confusion était écarté, la Cour ayant pris soin de relever que ce slogan ne
laissait pas entendre au « consommateur raisonnable » qu’il allait - en acquérant le véhicule
objet de la publicité - acquérir celui dénommé « Espace » 61.
De même en a-t-il été jugé à propos de la commercialisation par une société de barres
chocolatées baptisées « Metra » dans un format, un poids ainsi qu’un style de sachet
similaires au conditionnement des barres chocolatées de la célèbre marque « Mars », les juges
ayant ici sanctionné le seul fait de « tenter de profiter du succès de son concurrent » et ce alors
même que les deux produits - ne serait-ce que par leurs appellations - ne pouvaient être
confondus 62, ainsi qu’à propos d’un parfumeur ayant élaboré - pour « se placer dans le
sillage » d’un parfum notoirement connu - une fragrance similaire à celle dudit parfum... 63
Le parasitisme par rattachement indiscret trouve en effet dans le secteur de la
parfumerie l’un de ses principaux « terrains de jeu », pouvant - quant au parfum lui-même 64-
59 Cass. Com. 27 Juin 1995, Soc. Lindt et Sprungli c/ Soc. Chocolaterie Cantalou - Cémoi, D. 1996, Somm. p.251 et s., obs. Izorche M.-L.60 - CA Versailles 4 Mars 1986, SARL Eurobag c/ SA Vuitton, D. 1987, Somm. p. 59, obs. Burst J.-J. - Dans le même sens : CA Paris (3ème ch.) 10 Mars 1999, SA Kenzo Parfums et SA Fleurus Boutique c/ SAGroupe André et SNC Compagnie de la chaussure, Petites Affiches 21 Mars 2000, Jur. p. 18 et s., obs. ReboulN. : fut sanctionnée l’association artificielle ayant consisté à faire usage de boîtes de chaussures reproduisant lemodèle d’emballages ainsi que les caractères utilisés par la célèbre société Kenzo pour le conditionnement de sesparfums, le rapport de concurrence résultant de ce que cette dernière société commercialise également deschaussures.61 CA Versailles (14ème ch.) 10 Mars 1995, Régie Nationale des Usines Renault c/ Soc. Richard Nissan et a., D.1996, Jur. p. 489, note Picod Y.62 CA Paris 17 Mai 1993, P.I.B.D. 1993, n° 550, III, 522.63 TGI Paris (3ème ch.) 14 Déc. 1994, P.I.B.D. 1995, III, 196 ; Cass. Com. 18 Avril 2000, RD intell. n° 116, Oct.2000, p. 29.64 …car nous verrons en effet par la suite que le parasitisme en matière de parfumerie peut revêtir d’autresformes…
résulter selon les espèces de l’imitation de la « couleur du jus » - auquel cas l’acte relève
véritablement de la recherche de confusion et non du rattachement indiscret - ou de l’imitation
de la « fragrance » qui, elle, participe vraiment de la volonté du parfumeur parasite de
s’inspirer des « effluves à succès » mises au point par l’entreprise parasitée 65.
2) La pratique parasitaire des références :
Un principe est posé en vertu duquel un nom commercial, une marque…ne peut être
utilisé - sans l’autorisation de son titulaire - à titre de référence. Ainsi M. Toporkoff estime-t-
il que la technique des références constitue une imitation par « similitude intellectuelle »
destinée à créer dans l’esprit de la clientèle des « associations d’idées » 66. Différentes
méthodes peuvent être recensées.
a - L’utilisation des termes « formule, façon, système, imitation, genre ou méthode » :
Le Code de la Propriété intellectuelle, en l’article L. 713-2 a., vient interdire l’usage de
la marque d’autrui et ce, quand bien même y seraient adjoints des mots tels que « formule,
façon, système, imitation, genre ou méthode », précision faite que cette liste n’est de toute
évidence pas limitative.
Ainsi par exemple la Cour d’appel de Paris a-t-elle pu décider le 4 Mars 1993, à propos
de la référence à une célèbre marque de chaussures, qu’une société - par l’apposition sur un
panonceau de présentation d’un certain modèle de chaussures de la mention « Style
Bensimon », panonceau exposé en vitrine, - s’est rendue coupable d’un acte de concurrence
parasitaire, ayant visiblement cherché « à utiliser la notoriété des chaussures Bensimon pour
capter une partie de la clientèle » d’une société concurrente 67.
b - La référence par d’anciens collaborateurs à la ‘‘maison’’ à laquelle ils étaient
précédemment liés :
65 - CA Versailles (12ème ch.) 15 Mars 2001, SA Jeanne Arthes c/ SNC Lancôme parfums et beauté & Cie, RJDA2001, n° 10, DC n° 1045, p. 897 et s. - Trib. Com. Paris (15ème ch.) 24 Sept. 1999, SA Thierry Mugler Parfums c/ SA GLB Molinard, RJDA 2000,n° 3, DC n° 355, p. 290 et s.66 Toporkoff (M.), Les imitations d’emballage de produits de grande consommation : Commentaires etperspectives d’évolution de la jurisprudence, Gaz. Pal. 6 Août 1991, II, Doctr. p. 402 et s.67 CA Paris 4 Mars 1993, P.I.B.D. 1993, n° 546, III, p. 403.
L’un des cas les plus classiques de concurrence parasitaire consiste, dans le domaine de
la distribution automobile, en l’utilisation - par un vendeur de voitures ou garagiste - de la
marque d’un constructeur automobile dont il n’est pourtant pas ou plus l’agent ou le
concessionnaire, et ce en se présentant comme étant « spécialiste » ou « ancien
concessionnaire » de la marque en question 68.
S’il y a donc rattachement indiscret à se dire par exemple « spécialiste Volkswagen »69
ou « spécialiste BMW »70, la Chambre commerciale de la Cour de cassation est toutefois
venue dans un arrêt du 17 Décembre 1991 remettre en cause le fondement même de la notion
de « rattachement indiscret » en exigeant en effet la preuve d’une « confusion préjudiciable »
et ce, alors que le principe veut que le parasite - par le rattachement indiscret qu’il opère - ne
cherche nullement la confusion entre lui-même et le parasité, espérant simplement bénéficier
d’éventuelles « retombées » : la Cour, en effet, énonce que « L’utilisation par un ancien
concessionnaire de l’expression « spécialiste de la marque » de son ancien concessionnaire ne
constitue ni un usage illicite de marque, ni un acte de concurrence déloyale en l’absence de
preuve d’une confusion préjudiciable »71.
Ainsi, pour M. Ferrier - commentateur de l’arrêt - la Cour de cassation, « entre l’intérêt
pour l’ex-concessionnaire de se prévaloir de la compétence qu’il a acquise au cours de son
passage dans le réseau et l’intérêt pour le concédant de protéger sa marque contre toute
utilisation parasitaire », « tranche, conformément à sa jurisprudence hostile à toute protection
de la marque, contre l’utilisation qui peut en être faite sans contrefaçon par un tiers, en
estimant que le fait pour un ex-concessionnaire qui possédait une expérience réelle pour les
voitures de la marque du concédant de se présenter comme spécialiste de cette marque ne
constituait pas un usage illicite de la marque ni n’était susceptible de créer en soi une
confusion dans l’esprit de la clientèle. Il appartient donc au concédant de rapporter à
l’encontre de l’ex-concessionnaire la preuve d’un usage déloyal ou d’une confusion
dommageable ».
Il peut de même être intéressant de citer, parce qu’il intervient dans un secteur d’activité
totalement différent, l’arrêt aux termes duquel « ne constitue pas un rattachement indiscret le
68 Cass. Com. 25 Avril 1983, Bull. civ. IV, n° 123, et sur renvoi, CA Paris 27 Nov. 1985, Rev. Jurispr. Com.1986, p. 323, note Lecourt.69 CA Paris 12 Mars 1982, P.I.B.D. 1982, III, n° 166.70 Cass. Com. 25 Avril 1983, Bull. civ. IV, n° 104 .71 Cass. Com. 17 Déc. 1991, D. 1992, Somm. p. 388, obs. Ferrier D.
fait de mentionner l’appartenance à une école, en l’occurrence de danse, et de se référer à
l’acquisition de connaissances et à l’enseignement d’un professeur, alors que la qualité
d’ancien élève ou d’ancien professeur est le fruit de longues années passées dans le même
établissement et s’acquiert dans la perspective de transmettre à d’autres la compétence
acquise » : la Cour d’appel de Versailles refuse en effet de voir un acte de parasitisme dans le
seul fait, pour un professeur de danse, de faire référence dans sa publicité à l’école qui l’a
formé et dont il est aujourd’hui un « concurrent » 72.
c - L’usage de termes notoirement connus :
La notion de « termes » est certes extrêmement floue mais peut se rapporter à des cas
bien concrets.
Ainsi peut être cité le comportement parasitaire ayant consisté, pour l’organisateur d’un
spectacle, à le dénommer « Les chœurs de l’Armée rouge » de manière à entretenir la
confusion avec le spectacle des célèbres « chœurs et danses de l’Armée rouge » et bénéficier
ainsi du renom acquis à travers le monde par cette compagnie concurrente 73.
De même fut sanctionné le « choix » du terme « Bolchoï » effectué par des artistes
soviétiques n’appartenant pourtant nullement à ce célèbre théâtre pour la désignation d’un
spectacle dansé de patinage, la Cour d’appel de Paris ayant en effet vu dans le choix de cette
dénomination la volonté de ces artistes de créer, dans l’esprit du public, une confusion
évidente avec les spectacles chorégraphiques habituellement produits par la célèbre
compagnie 74.
Le rattachement indiscret à l’entreprise concurrente a également pu être établi dans le
domaine particulier de l’édition musicale, à travers l’utilisation de l’appellation d’une célèbre
musique de film. En effet, alors que Vladimir Cosma avait créé - pour la bande originale du
film « Diva » - une œuvre composite à partir d’un célèbre air d’opéra italien tombé dans le
domaine public, la société Polygram avait commercialisé un double CD intitulé « Palmarès du
cinéma » dont la jaquette mentionnait qu’y figuraient « les plus belles musiques de films ». Si,
ainsi que le relèvera la Cour, « tout concourait [donc] à faire penser que les musiques
enregistrées étaient les bandes originales des films », l’enregistrement litigieux figurant dans
72 CA Versailles (3ème ch.) 3 Nov. 1988, Melle Daussin c/ Mme Jacquelin, D. 1993, Somm. p. 116.73 Cass. Com. 26 Avril 1994, Bull. civ. IV, n° 151, p. 119 ; JCP éd. G. 1994, IV, n° 1586.74 CA Paris (1ère ch.) 25 Sept. 1989, RTD Com. 1990, p. 207, obs. Chavanne A. et Azéma J.
le CD n’était en réalité pas celui de la bande originale mais celui du célèbre air d’opéra italien
dont M. Cosma avait écrit l’arrangement pour composer la partition musicale du film Diva,
inscrite à la SACEM sous ce titre « Diva » : ayant qui plus est relevé que ce titre était
mentionné « au dos du coffret en caractère gras et large avec seulement en dessous, en petits
caractères et entre parenthèses, l’indication « Catalani : La Wally », la Cour d’appel de Paris
considéra donc que la société Polygram avait commis une faute « s’apparentant à un acte de
parasitisme », la présentation trompeuse du disque traduisant selon elle « la volonté délibérée
de la société Polygram de s’emparer de la notoriété conférée à la partition de Catalani par
l’arrangement de M. Cosma, afin de distribuer le CD à un large public pour lequel la musique
faisait partie intégrante du film » 75.
Par extension, pourrait également être cité au titre de l’usage de termes notoirement
connus le cas particulier et difficilement classable du parasitisme du code d’accès à un
kiosque télématique. S’il n’est en effet ni un signe distinctif, ni une marque protégée, la
jurisprudence vient cependant protéger contre toute usurpation un tel code d’accès en tant que
« moyen technique d’exploitation d’une activité commerciale ». Aussi la Cour d’appel de
Paris est-elle venue voir dans la création et l’exploitation commerciale d’un code d’accès
similaire à celui d’ores et déjà exploité par un concurrent un fait parasitaire, le rattachement
indiscret résultant de ce que le parasite trouve ainsi le moyen « de s’insérer dans une activité
commerciale existante et similaire » et « d’en profiter à ses dépens » 76.
d - L’implantation de son commerce à proximité d’un concurrent :
Le rattachement indiscret peut également résulter de la seule installation par le parasite
de son commerce dans la même localité qu’un concurrent, le parasitisme étant d’autant plus
fort que le nom de cette localité se trouve être lié à la qualité du produit commercialisé par ce
dernier.
Doit inévitablement ici être citée la jurisprudence « Baccarat » dont ont eu à connaître la
Cour d’appel de Nancy et la Cour de cassation : la Chambre commerciale, en effet, est dans
cette affaire venue approuver la Cour d’appel de Nancy d’avoir condamné pour « activité
parasitaire » une cristallerie au paiement de dommages et intérêts aux motifs que celle-ci, en
75 CA Paris (1ère ch.) 24 Mars 1999, Soc. Polygram c/ M. Vladimir Cosma et Soc. LAM Larguetto Music B.V.,JCP éd. Ent. 1999, Pan. p. 745 et s. ; P.A. 4 Nov. 1999, n° 220, p. 17 et s, note Etner L.
installant son usine à proximité de Baccarat et en fixant son siège social à Baccarat même, qui
plus est à peu de distance du magasin d’usine de la Compagnie des cristalleries de Baccarat
ainsi qu’en ouvrant au même lieu un magasin, « a entendu, ne serait-ce qu’inconsciemment
sans intention de nuire à la Compagnie et de la concurrencer, profiter de la renommée dont
celle-ci a fait bénéficier la ville de Baccarat en tant que cité cristallière »77.
La jurisprudence, néanmoins, semble fluctuante sur ce point. En effet, alors que la
Chambre commerciale de la Cour de cassation avait déjà eu l’occasion de juger en 1974 que
constituait un acte de concurrence parasitaire le fait pour une entreprise de s’installer dans les
locaux anciennement occupés par une autre entreprise avec le même objet, la même enseigne
et le même papier commercial 78, cette même Chambre est en revanche venue déclarer en
1983 que le commerçant qui, sans participer à une foire, tire néanmoins profit de celle-ci en
annonçant à ses clients qu’il leur offre - du fait de l’économie réalisée par sa non-participation
à cette manifestation - ses produits à des prix défiant toute concurrence pendant toute la durée
de ladite foire ne se rend nullement coupable de parasitisme, ne faisant en effet « qu’user du
droit dont dispose tout commerçant dans un système de libre-concurrence » et ce, dès lors
qu’une foire-exposition a pour fonction de créer une incitation dynamique « dont peut
bénéficier l’ensemble du commerce local » 79.
De même encore peut-on légitimement s’étonner de l’arrêt rendu par la Cour d’appel de
Paris le 4 Mars 1982 dans lequel la Cour avait eu à connaître des agissements de la société
Céline, société qui avait adopté une politique d’implantation pour le moins parasitaire
consistant en effet à installer prioritairement ses différents points de vente dans des villes où
s’était d’ores et déjà implantée la prestigieuse société Hermès. Or, la Cour d’appel de Paris
refusa, contre toute attente, de prononcer la condamnation de la société Céline, ayant en effet
estimé que « Le simple fait pour une entreprise d’ouvrir des magasins dans les mêmes villes
que celles où son concurrent avait lui-même des points de vente et d’introduire dans sa
gamme des produits identiques aux siens n’était pas constitutif de concurrence parasitaire »80.
e - La technique des tableaux de concordance :
76 CA Paris (14ème ch.) 20 Sept. 1991, SARL Bazak Communication c/ Soc. nouvelle de Presse et decommunication, D. 1991, I.R. p. 232 ; D. 1993, Somm. p. 153 et s., obs. Serra Y.77 CA Nancy 21 Févr. 1980, Bacarrat, P.I.B.D. 1980, III, n° 227 et, sur pourvoi, Cass. Com. 17 Mai 1982, Bull.civ. IV, n° 180 ; RTD Com. 1982, p. 553, obs Chavanne C. et Azéma J.78 Cass. Com. 20 Mai 1974, D. 1974, Somm. p. 97.79 Cass. Com. 24 Janv. 1983, D. 1983, I.R. p. 255.80 CA Paris 4 Mars 1982, JCP éd. C.I. 1983, n° 12033, obs. Burst J.-J. et Mousseron J.-M.
Nous retrouvons donc ici le secteur spécifique de la parfumerie au sein duquel
l’inspiration des parasites est décidément sans limites…
Un principe a en effet été établi par les tribunaux, lequel consiste à dire que celui qui,
dans le secteur particulier de la parfumerie dont les marques jouissent en effet d’une assez
grande notoriété, vend des produits non authentiques - lesquels sont d’ailleurs généralement
de mauvaise qualité - en établissant une concordance entre ceux-ci et des produits de grande
marque, tente alors d’exploiter la notoriété de ces marques de telle sorte qu’il vient en
affaiblir le pouvoir distinctif et doit donc être condamné sur le fondement du parasitisme.
Ainsi la jurisprudence vient-elle non seulement sanctionner la mention, à titre de
comparatif, de marques connues dans des tableaux de concordance mais aussi sanctionner les
simples références aux noms commerciaux ou dénominations sociales des entreprises
titulaires de celles-ci, pratique qui donc est avant tout spécifique du secteur de la parfumerie.
Peut être cité, parmi une jurisprudence assez peu fournie, l’arrêt de principe en la
matière, lequel fut rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 17 Décembre
1985. Dans cette espèce en effet, la Cour de cassation, après avoir constaté que la référence à
la marque de parfum Amazone constituait un support publicitaire et un important argument de
vente pour les parfums Romain d’Honville et que le tableau de concordance provoquait une
confusion dans l’esprit de l’acheteur entre les senteurs de ces parfums, puis après avoir relevé
que le produit de parfumerie en cause était présenté comme la réplique d’un autre produit de
parfumerie de marque notoirement connue et que cette présentation avait pour effet de
remplacer au moment de la vente le produit de grande marque que souhaitait le client par un
autre produit, a dès lors approuvé la Cour d’appel d’avoir condamné le titulaire de la marque
« Romain d’Honville » pour des actes de concurrence parasitaire ayant ici pris la forme des
infractions d’usage illicite et d’usurpation de marque ainsi que de celle de substitution
frauduleuse de produit 81.
3) L’usage des pratiques d’appel :
Ces pratiques que sont d’une part la technique du prix d’appel ( a ) et d’autre part celle
de la marque d’appel ( b ) constituent une hypothèse classique de « rattachement indiscret ».
81 Cass. Com. 17 Déc. 1985, Bull. civ. 1985, IV, n° 300, p. 257.
a - La technique de la marque d’appel :
La pratique de la marque d’appel consiste pour un commerçant à faire usage d’une
marque connue, apposée sur la vitrine de son magasin ou mise en avant sur un quelconque
document publicitaire, afin de favoriser la vente d’articles d’une autre marque : la
jurisprudence en effet est plus précisément venue définir cette pratique comme consistant « à
faire de la publicité pour un produit d’une marque déterminée que le commerçant ne détient
en réalité qu’en faible quantité, ce qui lui permet d’attirer la clientèle et de lui vendre les
produits d’une autre marque » 82.
Or, si cette pratique peut être aujourd’hui sanctionnée par les tribunaux répressifs au
titre de l’utilisation sans autorisation de la marque d’autrui 83 - et donc comme étant
constitutive d’une contrefaçon de marque - ou de la publicité fausse ou de nature à induire en
erreur, la pratique de la marque d’appel peut aussi et surtout être sanctionnée au titre de la
concurrence déloyale ou parasitaire comme en témoigne l’arrêt rendu en 1985 par la Cour
d’appel de Lyon dans lequel fut condamné pour contrefaçon et concurrence parasitaire le
revendeur qui, dans la mesure où il faisait usage dans le cadre de son activité de bons de
commande portant la marque « Levi’s » alors même qu’il ne commercialisait pas les produits
de cette marque, avait - selon la Cour - « spéculé sur la notoriété de la marque Levi’s »84.
A cette pratique de la marque d’appel, est par ailleurs souvent combinée celle du prix
d’appel…
b - La technique du prix d’appel :
Le « prix d’appel » est un procédé commercial qui consiste à effectuer une importante
publicité sur un faible nombre de produits généralement de marque réputée et vendus à très
bas prix et ce, alors que l’auteur de cette pratique sait ne pas disposer d’un stock suffisant
pour satisfaire à l’ensemble des ventes susceptibles d’être engendrées par une telle publicité,
espérant donc - car là réside, pour le commerçant, l’ « intérêt » d’une telle pratique - que les
82 TGI Lyon 1er Juill. 1982, JCP éd. C.I. 1983, n° 12033, p. 32, obs. Burst J.-J.83 Cette infraction est envisagée par l’article L. 716-9 du Code de la Propriété intellectuelle.84 CA Lyon 10 Mars 1983, PIBD 1983, III, p. 112, obs. Burst J.-J. et Mousseron J.-M.
clients attirés par la publicité soient conduits à acquérir d’autres produits vendus, eux, au prix
« fort ».
Si elle ne fait en tant que tel l’objet d’aucun texte répressif, la technique du prix d’appel
peut néanmoins être condamnée comme étant constitutive du délit de vente à perte ou comme
étant constitutive d’une publicité mensongère, laquelle laisse en effet croire à la disponibilité
de stocks qui sont en réalité inexistants.
De même la victime d’une telle pratique peut-elle agir à l’encontre de son auteur par le
biais de l’action en concurrence déloyale ou parasitaire. Fut ainsi jugée constitutive d’un acte
de parasitisme la technique ayant consisté pour un hypermarché à faire figurer dans son
catalogue publicitaire, parmi les promotions, des chaussures de marque « Ted Lapidus » à un
prix très avantageux alors qu’il n’en détenait en réalité en réserve que…quatre paires 85.
M. Le Tourneau cite par ailleurs l’exemple d’un arrêt venu condamner une habile
manœuvre parasitaire qui, tout en s’apparentant fortement à une pratique d’appel, ne pouvait
être qualifiée ainsi : la Chambre commerciale de la Cour de cassation, en effet, est venue dans
un arrêt du 21 Juin 1994 décidé qu’ « Après avoir relevé qu’une société vendait des vêtements
pour enfants revêtus d’une marque à des prix très inférieurs aux prix pratiqués, en faisant une
promotion dans la vitrine située à proximité d’un magasin vendant dans des conditions
normales les produits licitement revêtus de la marque du promoteur du réseau de distribution
sélective, une cour d’appel peut décider que ce comportement parasitaire manifeste une
volonté de parasitisme constituant une faute de concurrence déloyale »86. Si la proximité
géographique d’ores et déjà évoquée avec la jurisprudence Baccarat fut donc ici prise en
considération pour établir le comportement parasitaire du commerçant, cet arrêt peut
également être analysé comme la sanction d’un acte de parasitisme du réseau de distribution
sélective en cause, hypothèse qu’il nous faut à présent envisager.
4) Le parasitisme des réseaux de distribution :
Un principe doit ici être posé en vertu duquel le parasitisme des réseaux de distribution
exclusive n’est nullement sanctionné par la jurisprudence car il n’est en effet pas possible - la
protection territoriale absolue de la zone d’exclusivité étant prohibée et les importations
85 CA Paris (25ème ch.) 3 Sept. 1999, Ted Lapidus, D. 1999, Jur. p. 30.86 Cass. Com. 21 Juin 1994, Soc. Sorolec c/ Soc. Natalys, Bull. civ. IV, n° 229 ; D. 1994, I.R. p. 201.
parallèles licites - d’interdire à un tiers distributeur non exclusif d’acquérir des produits
contractuels pour les revendre à l’intérieur du territoire concédé.
En effet, s’il ne peut en aucun cas contraindre le fournisseur tenu d’une obligation
d’exclusivité à l’approvisionner, le tiers distributeur non exclusif peut en revanche
parfaitement - et sans se rendre, ce faisant, coupable de concurrence déloyale ou parasitaire -
s’approvisionner auprès d’un fournisseur non lié par l’accord d’exclusivité en cause ou même
s’approvisionner en dehors du territoire concédé pour revendre ensuite, sur ce territoire, la
gamme de produits couverte par l’obligation d’exclusivité.
La jurisprudence applicable au parasitisme des réseaux de distribution sélective, en
revanche, fut consacrée par la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans une série
d’arrêts rendus le 27 Octobre 1992.
S’ils viennent d’abord confirmer le principe général d’ores et déjà posé par la Cour de
cassation dès 1988 87 en vertu duquel « le seul fait d’avoir commercialisé un produit relevant
d’un réseau de distribution sélective ne constitue pas en lui-même, indépendamment de tout
autre élément, un acte de concurrence déloyale susceptible d’entraîner la mise en jeu de la
responsabilité du distributeur tiers au réseau », les arrêts de 1992 - sans remettre en cause le
principe d’irresponsabilité du distributeur hors réseau - viennent cependant préciser la nuance
introduite par la Cour dès 1988 lorsqu’elle prenait soin de préciser « …indépendamment de
tout autre élément… ».
Ainsi, s’il est toujours vrai que « le ( seul ) fait, ( pour un distributeur hors réseau ), de
commercialiser des produits relevant d’un réseau de distribution sélective ne constitue pas en
lui-même un acte fautif » 88, les conditions dans lesquelles l’acquisition et / ou la revente de
ces produits s’est effectuée peuvent toutefois conduire à la mise en jeu de sa responsabilité
extracontractuelle : la commission d’une faute, en effet, est ( logiquement ) nécessaire, les
tribunaux opérant donc une distinction entre la faute commise à l’occasion de
l’approvisionnement en produits ( a ) et celle commise lors de la commercialisation de ces
produits ( b ).
a - Dans le cadre de l’approvisionnement en produits :
87 Cass. Com. 13 Déc. 1988, Bull. civ. IV, n° 344 ; D. 1990, Somm. p. 104, obs. Gavalda C. et Lucas de LeyssacC. – A sa suite : Cass. Com. 10 Janv. - 31 Janv. - 21 Mars et 10 Mai 1989, D. 1989, Jur. p. 427.88 Cass. Com. 27 Oct. 1992, SARL Pin Ups and Co c/ Soc. des parfums Loris Azzaro, D. 1992, Jur. p. 505 et s.
Une série d’arrêts rendus en 1988 et 1989 sont venus poser le principe selon lequel « Un
intermédiaire non agréé dans un réseau de distribution sélective commet une faute en tentant
d’obtenir d’un distributeur agréé, en violation d’un contrat le liant au réseau, la vente de
produits commercialisés selon ce mode de distribution » 89 : ainsi était-il admis que
« s’approvisionner auprès d’un membre du réseau méconnaissant ainsi ses obligations
constituait une faute, conformément au principe général qu’est fautif celui qui aide autrui à
violer ses engagements contractuels » 90.
Cependant, l’administration de la preuve de la faute du distributeur parallèle - en ce
qu’il s’est en effet rendu complice de l’inexécution de l’obligation contractuelle imputable à
un distributeur sélectionné - était extrêmement rigoureuse pour le promoteur du réseau tenu
d’identifier le distributeur agréé qui avait fourni le tiers distributeur parallèle pour que la
responsabilité de ce dernier puisse être engagée.
Ainsi est-ce au stade de la preuve que le revirement est intervenu, la Cour estimant
désormais que le refus du distributeur hors réseau de faire connaître ses sources
d’approvisionnement et donc « de justifier la provenance des marchandises » 91 suffit à
révéler le caractère illicite de celui-ci et permet donc de retenir à sa charge un acte de
concurrence parasitaire : le silence du tiers sur sa source d’approvisionnement est donc
coupable car il est dans ce cas présumé avoir acquis les produits litigieux d’un distributeur
sélectionné et s’être rendu complice de la faute contractuelle de ce dernier, sa responsabilité
pouvant donc être engagée sur le fondement de l’article 1382 du Code civil.
b - Dans le cadre de la revente des produits :
Si donc le seul fait de commercialiser de tels produits « ne constitue pas en lui-même un
acte fautif », la jurisprudence a en revanche déduit de la non soumission du tiers aux règles
applicables au sein du réseau ainsi que de l’appropriation par celui-ci des efforts publicitaires
du réseau des faits distincts de parasitisme, l’affaire « Léonidas » en constituant un bel
exemple.
En effet, avant de sanctionner le fait de mettre en vente des produits litigieux dans un
conditionnement comportant la mention usurpée « Les produits Léonidas ne peuvent être
89 Cf. note n° 87 pour la liste des arrêts.90 Cass. Com. 13 Déc. 1988, réf. précitées.91 Cass. Com. 27 Oct. 1992, Arrêt « Azzaro » précité note 88.
vendus que par un revendeur dûment autorisé à cet effet » dans la mesure où cette mention
était « de nature à favoriser la vente et à faire croire à la clientèle que le vendeur a la qualité
de distributeur agréé » 92, la Cour d’appel de Paris est venue confirmer la tendance amorcée
en 1992 par la Cour de cassation en posant le principe selon lequel :
« Si le seul fait de s’immiscer dans la distribution de produits de marque réservés par le
fabricant à des distributeurs agréés ne constitue pas en soi une faute, le fait pour une société
qui n’est pas au nombre des distributeurs du réseau de commercialiser des produits sans être
soumise aux contraintes habituelles des revendeurs agréés et de bénéficier en outre de la
valeur publicitaire de la marque pour développer sa propre commercialisation est une attitude
caractéristique du parasitisme » 93.
Dans un sens voisin, la Chambre commerciale de la Cour de cassation est venue le 18
Octobre 1994 souligner que si le fait pour un revendeur de s’approvisionner sur un marché
parallèle ne constituait pas en soi une faute, le parasitisme résultait néanmoins de ce que les
produits litigieux étaient vendus dans des magasins proposant au public des articles bas de
gamme ou des produits sans rapport avec ceux en cause et de ce que le personnel n’avait « ni
les connaissances, ni les compétences que tout consommateur est en droit d’attendre du
vendeur d’un produit d’une certaine notoriété […] », autant d’éléments portant atteinte à la
renommée du réseau 94…
C) Les limites et exceptions au parasitisme de la notoriété d’une entreprise
concurrente :
Au titre de ces limites et exceptions à la sanction du parasitisme de la notoriété d’une
entreprise concurrente, doivent être successivement visés - au regard de la jurisprudence en la
matière - la délicate question des produits dits « compatibles » ou « adaptables » d’une part
( 1 ) et le problème plus récent de la technique dite du « couponnage électronique »
d’autre part ( 2 ).
92 Dans le même sens : Cass. Com. 27 Oct. 1992, 1° SA Etabl. Goguet et a. c/ Soc. des Parfums Rochas, D. 1992,Jur. p. 505 et s. et 2° SA Etabl. Goguet c/ SA des Parfums Christian Dior, D. 1992, I.R. p. 274 ; Cass. Com. 9Avril 1996, Soc. Angdis c/ SA des Parfums Christian Dior et a., D. Aff. 1996, p. 681.93 CA Paris (4ème ch.) 7 Juin 1995, Gaz. Pal. 1996, I, Somm. p. 145.94 - Cass. Com. 18 Oct. 1994, SA Time and diamonds c/ SA Monting, D. 1995, Somm. p. 261, obs. Serra Y. ; D.1996, Jur. p. 311 et s., note Krimmer I. ; D. 1997, Somm. p. 61 et s. - Sur pourvoi de : CA Paris (5ème ch.) 2 Oct. 1992, SA Time and diamonds et a. c/ SA Compagnie générale del’horlogerie et a., D. 1993, I.R. p. 28.
1) La question des produits dits « compatibles » ou « adaptables » :
Un principe est depuis longtemps déjà posé par la jurisprudence, principe en vertu
duquel la recherche de compatibilité entre produits de fabricants différents est licite,
correspondant à l’exercice normal de la concurrence.
Ce principe, bien que fermement critiqué par une large partie de la doctrine et
notamment M. Le Tourneau qui - sur ce point - considère la théorie du parasitisme totalement
« battue en brèche » 95, fut en effet posé par la Cour d’appel de Paris le 16 Janvier 1992 dans
une espèce où une société fabricant des trains pour enfants présentait ses produits à la vente
comme étant compatibles avec les célèbres jeux « Lego », cette dernière société ayant dès lors
choisi d’agir sur le fondement du parasitisme alors même qu’aucun risque de confusion n’était
susceptible de naître dans l’esprit de la clientèle.
Aussi est-il intéressant de rappeler ici l’argumentaire développé par la Cour qui, après
avoir posé qu’il convenait « d’examiner si en soi, c’est à dire en l’absence de toute manœuvre
déloyale ou de tout comportement illicite, une recherche de compatibilité entre produits de
fabricants différents doit être permise en vertu de la liberté de la concurrence ou si elle doit
être interdite comme constituant une atteinte à la loyauté de la concurrence », considéra que
« Le consommateur a avantage à pouvoir choisir les produits qu’il désire de la façon la plus
libre entre ceux qui lui sont offerts par les différents fabricants et leurs distributeurs »,
ajoutant qu’ « il doit en principe pouvoir réunir à son gré, sans contrainte artificielle, les
produits offerts par les divers fabricants pour constituer des ensembles à partir des produits
offerts à la vente par différents producteurs dont la concurrence est un facteur de progrès
technique et d’amélioration du service rendu à l’acheteur ».
Ainsi la Cour en déduit-elle que « La création et la mise en vente par « Tomy » de trains
compatibles avec les jeux « Lego » sont licites en elles-mêmes et ne sauraient constituer des
actes de parasitisme commercial » de telle sorte que « le préjudice que peut faire subir cette
compatibilité à Lego, par la perte de clients détournés de ses produits par l’attrait
supplémentaire ainsi procuré au train Tomy et ensuite, éventuellement, à l’ensemble des jeux
Tomy est un préjudice résultant de l’exercice normal de la concurrence et n’a pas à être
95 Le Tourneau (P.), Le bon vent du parasitisme, Contrats - Conc. - Conso., Janv. 2001, Chron. n° 1, p. 4 et s.
indemnisé » 96, solution que ne manquera pas de confirmer la Chambre commerciale de la
Cour de cassation en insistant sur le fait que la société Tomy « ne faisait, lors de la
commercialisation de ses produits, aucune référence susceptible de créer une confusion dans
l’esprit de l’acheteur moyen sur l’origine de ses produits avec ceux de la société
concurrente Lego » 97.
La solution fut depuis confirmée à plusieurs reprises et notamment par la Cour d’appel
de Versailles venue, dans diverses espèces similaires, énoncer que « S’il n’est pas interdit de
fabriquer et de commercialiser des produits compatibles avec ceux d’un concurrent,
l’utilisation abusive de cet argument de la compatibilité comme moyen de vente peut
constituer un comportement parasitaire fautif » dans la mesure où les sociétés en cause, par de
tels agissements, cherchent à accaparer la clientèle de l’entreprise concurrente en utilisant la
notoriété et les efforts techniques et commerciaux de celle-ci 98.
Du problème des produits compatibles, il convient par ailleurs de rapprocher celui -
voisin - des produits « adaptables » et de constater là encore le refus clairement exprimé par la
jurisprudence de sanctionner sur le fondement du parasitisme la commercialisation de telss
produits.
Ainsi trouve-t-on la première expression de ce refus dans un arrêt daté de 1978 aux
termes duquel ne constitue pas une faute le fait, pour une société, de mentionner, dans ses
documents publicitaires, les références des appareils auxquels peuvent s’adapter les pièces
détachées qu’elle fabrique dès lors qu’elle ne crée, ce faisant, aucune confusion entre les
pièces adaptables qu’elle fabrique et les pièces d’origine qu’elle est appelée à remplacer 99.
La Cour de cassation viendra plus tardivement confirmer cette solution dans un arrêt de
principe en date du 7 Mars 1989 dont il résulte en effet qu’un fabricant est en droit - sans
encourir le grief d’une recherche de confusion - de mettre sur le marché des produits pouvant
s’emboîter dans ceux d’une entreprise concurrente « ou être gerbés avec eux » dès lors que ce
choix « répondait à une politique commerciale de normalisation des produits » qui ne pouvait
être considérée comme une pratique déloyale constitutive d’une faute 100.
96 CA Paris 16 Janv. 1992, RJDA 1992, n° 12, n° 1188.97 Sur pourvoi : Cass. Com. 29 Mars 1994, Bull. civ. IV, n° 125, p. 97 ; D.1995, Somm. p. 209, obs. Serra Y.98 - CA Versailles (1ère ch.) 26 Sept. 1996, Soc. Kirkbi et Soc. Lego c/ Soc. Ritvik Toys Europe et a., JCP éd.Ent. 1997, Pan. Actu. n° 120. - CA Versailles (12ème ch.) 14 Janv. 1999, Soc. Meccano c/ Soc. Unica, BRDA 1999, n° 6, p. 10.99 CA Lyon 7 Mars 1978, D. 1978, I.R. p. 331.100 Cass. Com. 7 Mars 1989, RTD Com. 1989, p. 668, obs. Chavanne A. et Azéma J.
Ainsi la Cour de cassation fait-elle de la recherche d’adaptabilité un « fait justificatif »
résultant, comme nous l’avons déjà évoqué, de certaines contraintes fonctionnelles, pouvant
être rapprochée de cette solution celle d’un arrêt en date du 16 Mai 2000 notamment venu
justifier la licéité de la vente par une entreprise de pièces de rechanges adaptables à des
pompes centrifuges vendues par une autre société par « le caractère interchangeable de la
production, appelant une certaine équivalence dans l’identification des composants » 101.
Evoquons enfin, pour être tout à fait complet, le cas voisin des « accessoires » et
signalons que la jurisprudence refuse de considérer la vente ou la simple présentation
d’accessoires comme étant constitutive d’un acte de concurrence parasitaire, ce qui ressort
notamment d’un arrêt de la Cour d’appel de Paris aux termes duquel « Le fournisseur d’encre
pour le fonctionnement d’une imprimante, l’encre étant un accessoire, ne se comporte pas en
parasite » et ce, ajoute la Cour, « même s’il profite des recherches et des investissements du
constructeur de matériel informatique pour écouler ses produits » 102.
2) La question du « couponnage électronique » :
Le pouvoir d’attraction des grandes surfaces, allié à leur niveau d’équipement
informatique, font aujourd’hui de celles-ci des partenaires incontournables pour les
producteurs.
Constituant donc désormais l’une des formes (multiples) de la coopération
commerciale, la technique assez récente du couponnage électronique a pour objectif essentiel
de stimuler la vente de certains produits, produits qui sont aujourd’hui le plus souvent
identifiés et référencés au moyen de codes-barres, ces codes pouvant eux-mêmes être
déchiffrés par le biais de lecteurs optiques comme en sont d’ailleurs désormais équipées la
plupart des grandes surfaces lors du passage en caisse.
Le système suppose donc qu’un micro-ordinateur lui-même relié à une imprimante et
programmé pour la lecture des codes à barres de plusieurs produits concurrents de ceux de
l’annonceur soit connecté aux caisses enregistreuses du magasin. Ainsi, lorsqu’un
consommateur, après avoir fait le choix dans les rayons d’un produit concurrent de celui de
101 Cass. Com. 16 Mai 2000, SA Schabaver c/ SARL Marcel Justet, Bull. civ. IV, n° 103, p. 92 ; JCP éd. Ent.2001, II, Jur. p. 1189 et s., note Ambroise-Castérot C. ; D. 2001, Somm. p. 1309, obs. Auguet Y.102 CA Paris 27 Sept. 1990, D. 1990, I.R. p. 244.
l’annonceur, passera en caisse pour régler le montant de ses achats, la lecture par le micro-
ordinateur du code à barres figurant sur l’article en question - lequel relève donc d’une
catégorie déterminée à l’avance - va déclencher l’émission d’un bon de réduction à valoir sur
l’achat du produit concurrent que l’annonceur désire promouvoir 103.
Or, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, saisie d’un tel procédé, rejeta le grief de
concurrence parasitaire entre autres soulevé par plusieurs fabricants dont les produits
servaient en effet de « déclencheurs » : les juges, après avoir constaté que le programme
litigieux se rattachait non pas aux produits d’une seule et même marque mais à un ensemble
de produits commercialisés par différents industriels en concurrence sur le marché considéré,
ont jugé que « faute de rattachement à un produit unique et alors que le client ignore le nom
du produit déclenchant, le programme […] mis en place […] ne peut être considéré comme
parasitaire » 104.
Ainsi la Cour se fonde-t-elle sur la pluralité des produits déclenchants pour écarter tout
grief d’un comportement parasitaire et ce, tant à l’égard de l’annonceur, promoteur de
l’opération, qu’à l’égard de la grande surface qui y a adhéré…, ce qui n’a pas manqué de
susciter la critique d’une partie de la doctrine et notamment de M. Cas qui, en effet,
s’interroge : « Pourquoi, demande-t-il, le même procédé jugé déloyal et parasitaire lorsqu’il
est utilisé à l’encontre d’une seule entreprise, deviendrait-il loyal et non parasitaire lorsqu’il
est utilisé à l’encontre de plusieurs ? » En effet, ajoute-t-il, « utiliser la notoriété de plusieurs
marques notoires et non d’une seule, profiter de l’effort publicitaire de plusieurs entreprises et
non pas d’une seule influe sur le montant du préjudice mais en aucun cas sur la culpabilité de
l’entreprise parasite » 105.
Par ailleurs, l’usurpation de la notoriété d’autrui par l’usage de marques, noms
commerciaux… notoirement connus peut tout aussi bien être condamnée alors même qu’elle
103 Le produit objet du bon d’achat appartient donc à la même catégorie que le produit « déclenchant ». Ainsi leconsommateur se voit-il, par cette technique, remettre un bon de réduction sans savoir que son émission a étédéclenchée par le code à barres d’un produit concurrent…104 - CA Aix-en-Provence (2ème ch.) 30 Juin 1995, Soc. Catalina Marketing France c/ SA Coca-Cola Beverages eta., D. 1996, Somm. p. 178 et s. ; D. 1997, Jur. p. 39 et s., note Parléani G. - Sur pourvoi : Cass. Com. 18 Nov. 1997, D. 1998, Jur. p. 260, note Bout R. ; JCP éd. G. 1998, II, n° 10026,note Gautier P.-Y.105 - Cas (G.), Du couponnage électronique, D. 1996, Chron. p. 59 et s.
- Précisons en revanche que se sont prononcés en faveur du couponnage électronique :1. Toporkoff (M.), Le couponing électronique et l’affaire « Catalina Marketing » (Orangina contre Coca-
Cola) : Présentation et évaluation des arguments échangés par les parties, D. Aff. 1995, n° 8, p. 167 et s.
est le fait d’un professionnel exerçant son activité dans un secteur différent de celui auquel
appartient le parasité dont le ou les support (s) d’image ont été imités ou reproduits.
II) LE PARASITISME DE LA NOTORIETE D’UNE ENTREPRISE NON
CONCURRENTE :
Intervient ici, faute d’un rapport de concurrence entre le parasite et le parasité, la théorie
des « agissements parasitaires » qui - comme nous le savons en effet - opèrent entre non-
concurrents, agissements dont nous savons également que la notion fut justement, à l’origine,
dégagée par M. Yves Saint-Gal dans le cadre spécifique de l’usurpation de notoriété : ainsi cet
auteur y voyait-il « le fait de se référer, sans s’adresser à la même clientèle, à une marque ou à
toute autre forme de propriété industrielle ou intellectuelle créée par un tiers et
particulièrement connue et ce à l’effet de tirer profit de sa renommée ».
Or, quand bien même l’usurpateur de la notoriété d’autrui n’est pas à proprement parler
un concurrent de ce dernier et ne risque donc a priori pas d’être confondu avec lui par la
clientèle, la jurisprudence vient condamner ce qu’elle considère être constitutifs d’actes
parasitaires et ce, alors même que l’absence de confusion dans l’esprit du public suppose dès
lors l’absence corrélative d’un quelconque détournement de la clientèle ( A ).Or, si l’effet en
règle générale recherché par le parasite non concurrent est de créer une confusion sur l’origine
des produits commercialisés, confusion dont il nous faudra établir les modalités ( B ), ledit
parasite peut également tirer profit de la renommée d’autrui sans avoir à provoquer
directement, pour ce faire, une confusion entre ses produits et ceux de l’entreprise parasitée,
ce qu’il nous appartiendra également de préciser ( C ).
A) Les fondements de la sanction du parasitisme de la notoriété d’une entreprise
non concurrente :
Alors qu’il ne conduit à protéger les signes distinctifs que dans le cadre d’activités
identiques ou - à tout le moins - similaires de telle sorte que le signe distinctif n’est l’objet
2. Gautier (P.-Y.), La propriété intellectuelle fait ses courses : de l’utilisation du code à barres d’autrui, JCP éd.
d’un droit privatif et donc d’une protection que dans son application à l’objet qu’il désigne,
l’impérieuse nécessité de sanctionner les agissements « contraires aux usages honnêtes du
commerce » sans cesse croissants a conduit la jurisprudence à s’efforcer d’étendre - par un
élargissement de la notion de produits ou de services « similaires » - le principe de la
spécialité.
Ainsi les tribunaux ont-ils été conduits, au travers d’une large conception de ce principe,
à juger qu’il pouvait y avoir concurrence déloyale « même si l’identité des deux commerces
n’est que partielle »106 et alors même que demandeur et défendeur ne se situent pas au même
niveau économique de telle sorte qu’aucun détournement de clientèle - faute que celle-ci leur
soit commune - n’est susceptible d’être engendré 107.
Si un obstacle, cependant, doit être opposé à une trop large extension du principe
lorsque sont en cause des produits ou services totalement différents, l’observation de la
pratique a toutefois conduit à constater, d’une manière générale, que cette absence totale de
similitude des produits ou activités en cause n’empêchait pas dans certains cas la confusion de
s’opérer et, de manière plus précise, que la confusion ne porte plus, alors, sur le produit lui-
même mais sur son origine : le public, en effet, « ne sait plus à quelle entreprise rattacher le
produit commercialisé » 108.
Cette « perte de repères » au sein même de la clientèle a dès lors incité certains
opérateurs économiques à exploiter la confusion du grand public par le parasitisme de signes
distinctifs notoires - pourtant propres à un secteur d’activités totalement étranger au leur - de
manière à tirer profit, plus que de leur renommée à proprement parler, du pouvoir d’attraction
dont ces signes notoires, indépendamment même des produits ou services auxquels ils
s’appliquent, sont - au delà d’un certain degré de notoriété - dotés.
B) Le parasitisme de la notoriété d’une entreprise non concurrente, source d’une
confusion sur l’origine des produits :
G. 1995, I, n° 3860, p. 307.
106 Cass. Com. 3 Mars 1965, Bull. civ. III, n° 165, D. 1965, Jur. p. 491.107 Ainsi producteurs et distributeurs ont-ils déjà pu, en considération de la clientèle « finale », celle desconsommateurs, être envisagés comme étant en situation de concurrence.108 Malaurie-Vignal (M.), Parasitisme et notoriété d’autrui, JCP éd. G. 1995, I, Doctr. n° 3888, p. 471 et s., spéc.n° 5.
Certains noms commerciaux ou dénominations sociales ( 1 ), certaines marques
( 2 ) mais aussi, plus originalement, certains termes ( 3 ) ont donc été l’objet d’usurpations
diverses ayant pour finalité première de créer dans l’esprit du public une confusion, non plus
sur l’entreprise ou le produit lui-même, mais sur l’origine du produit.
1) L’exemple des noms commerciaux et dénominations sociales :
Ainsi le Tribunal de commerce de la Seine a-t-il pu estimer, dès 1940, que s’était rendue
coupable d’une usurpation de notoriété une société commercialisant des lames de rasoir qui,
alors que ce nom avait déjà acquis une grande notoriété dans le secteur de la vente de stylos,
avait adopté l’appellation « Waterman »…
De même la Cour d’appel de Paris, dans la célèbre affaire « Ritz », est-elle venue
condamner la reprise par un fabricant de matelas et de sommiers du nom du prestigieux hôtel
Ritz en ce qu’il a ainsi cherché à tirer profit de l’image de marque acquise par le célèbre
établissement 109 et ce, avant que la Chambre commerciale de la Cour de cassation n’ait eu à
connaître du cas d’une société - baptisée « Technobel » - qui avait ainsi pris pour
dénomination, en lui adjoignant un préfixe, « un vocable de notoriété industrielle » - Nobel -
alors que celui-ci constituait « l’élément essentiel, dominant et caractéristique du groupe de
deux mots employés par une autre société pour son appellation », en l’occurrence la
dénomination « Nobel-Bozel » : aussi la Cour fut-elle amenée à décider que « cette dernière
société est, en vertu de l’article 1382 du Code civil, fondée à s’opposer à l’usage de la
dénomination adoptée sciemment par l’autre société » dans la mesure où cette dénomination
« était propre à créer une confusion préjudiciable aux intérêts de la société demanderesse,
contraires à la sécurité des relations commerciales, le vocable notoire inclus dans la
dénomination de chacune de ces sociétés créant une similitude sur la foi de laquelle le public
est fondé à croire à une parenté entre celles-ci » 110.
2) L’exemple des marques :
109 CA Paris 24 Nov. 1959, R.I.P.I.A. 1960, p. 33 et s.110 Cass. Com. 6 Janv. 1969, D. 1969, Jur. p. 454. Contra : CA Paris 11 Juill. 1973, R.I.P.I.A. 1973, p. 124 : « Iln’existe pas de risque de confusion entre le célèbre restaurant La Tour d’argent et le chocolat vendu à Paris sousla même dénomination », et ce notamment parce que « la société La Tour d’argent ne perd pas de clients lors del’achat des chocolats » en question.
Si le droit des marques n’était, sous l’empire de la loi du 23 Juin 1857, guère appliqué
en l’absence de tout risque de confusion, c’est à dire en dehors du strict « cercle des produits
identiques ou similaires à ceux pour lesquels le droit privatif avait été acquis, soit par la voie
du dépôt, soit du fait de l’emploi » 111, le cas particulier des marques notoires ne faisait pas
davantage exception à la règle.
Ainsi la jurisprudence se refusait-elle à interdire à tel ou tel l’utilisation d’une marque
notoire lorsqu’il s’agissait de désigner, au moyen de celle-ci, des produits qui ne pouvaient -
en raison de leur nature même ou de leur destination - être confondus avec ceux du
demandeur : nature et destination du produit, en effet, constituaient les deux éléments
d’appréciation sur lesquels se fondaient les tribunaux pour juger de la similitude des produits
en cause et de la confusion susceptible de naître entre eux du fait de cette similarité.
Doit dès lors être évoqué ici l’arrêt régulièrement cité en doctrine qu’est l’arrêt « Lu ».
Dans cette espèce en effet, la Cour d’appel de Paris s’est attachée - pour reprocher à un
fabricant de biscottes d’avoir adopté l’appellation Lu alors que cette marque désignait déjà les
célèbres biscuits de la société Lefèvre-Utile, biscuits dont la notoriété, en effet, n’était guère
contestable - à la nature même des produits respectivement fabriqués par les parties : ainsi
jugea-t-elle que la marque Lu, « en raison de son ancienneté, d’une très large publicité
poursuivie pendant plusieurs dizaines d’années, et d’une très vaste diffusion dans tous les
commerces d’alimentation, est incontestablement une marque notoirement connue » avant de
constater que « les pains d’épices et les biscottes sont des produits similaires aux biscuits »
qui « sont fréquemment fabriqués par les mêmes industriels et sont mis en vente dans les
mêmes commerces » pour en déduire que « les acheteurs ont (donc) pu croire en l’espèce
qu’ils provenaient de la société intimée » 112.
Comme le souligne en effet très clairement M. Desbois, « Biscottes et biscuits
présentent, en raison de leur nature, un air de famille, si bien que l’identité de la marque incite
à leur attribuer une même origine et, partant, lorsqu’ils proviennent en réalité de fabriques
111 Desbois (H.), La protection des marques notoires ou de haute renommée en l’absence de risque de confusionentre les produits – A propos de l’ « affaire Mazda », Mélanges Bastian D., Tome II, p. 13 et s.112 CA Paris (4ème ch.) 3 Nov. 1958, Lu, Ann. Propr. Ind. 1959, p. 28 et s. Citons également le cas de la marque« Côte d’or » déposée par deux sociétés, l’une pour désigner du chocolat, l’autre pour désigner, entre autres, desgaufrettes pralinées : la Cour d’appel de Paris, en se fondant sur la nature et la destination des deux produits,jugea donc qu’ « il peut paraître très vraisemblable que la même entreprise fabrique à la fois des chocolats et desgaufrettes », d’où l’existence d’un risque de confusion sur l’origine desdits produits ( CA Paris 26 Avril 1960,Gaz. Pal. 1960, II, p. 299 ).
différents, à succomber à un risque de confusion, contre lequel l’exclusivité attachée à la
marque tend à réagir ».
Si les tribunaux se refusaient donc à interdire l’usage d’une marque notoire dès lors
qu’aucune confusion n’était - du fait de leur nature ou de leur destination - susceptible de
naître entre les produits en cause , un coup d’arrêt fut porté à cette constante jurisprudentielle
le 8 Décembre 1962 à l’occasion de la célèbre affaire « Pontiac ».
La Cour d’appel de Paris, en effet, est venue - par un arrêt aujourd’hui fondateur en la
matière - considérer, sans toutefois employer clairement l’expression et alors même qu’aucun
risque de confusion ne semblait devoir naître entre des voitures et des réfrigérateurs, que
constituait un agissement parasitaire le fait pour un fabricant français de réfrigérateurs - la
Royal Corporation - de vendre ses produits sous la dénomination « Pontiac », appellation
identique à une marque de voitures alors très connue et déposée par General Motors 113.
Aussi cet arrêt est-il venu, ainsi d’ailleurs qu’une affaire « Mazda » dans laquelle fut
reproché à une firme japonaise le fait d’avoir repris - pour l’identification d’automobiles de sa
fabrication destinées à l’importation et à la commercialisation sur le territoire français -
l’appellation de la marque « Mazda », marque française de piles très célèbre à l’époque 114,
rompre la logique précitée consistant à déduire de l’absence d’un rapport de concurrence entre
les entreprises parasite et parasitée l’absence inévitable de toute confusion dans l’esprit de la
clientèle.
De ces deux espèces voisines en effet, se dégage l’idée selon laquelle il peut, quand bien
même le parasite opère dans un secteur d’activité étranger à celui du parasité, y avoir
confusion sur l’origine du bien, dans la mesure où le public ignore quelle est l’entreprise qui a
fabriqué le produit 115.
Ainsi donc la notoriété de l’entreprise victime des agissements parasitaires peut-elle être
telle que la confusion peut, dans l’esprit de la clientèle, s’opérer en l’absence même de
concurrence entre les deux entreprises.
113 CA Paris 8 Déc. 1962, Pontiac, D. 1963, p. 406, note Desbois H.114 - CA Paris 19 Oct. 1970, Mazda, Ann. Propr. Ind. 1971, p. 1 et s., note Dusolier R. - Desbois (H.), La protection des marques notoires ou de haute renommée en l’absence de risque de confusionentre les produits - A propos de « l’affaire Mazda », réf. précitées.115 Ainsi, dans l’arrêt Pontiac, si la Cour a admis l’impossibilité d’une confusion quant aux produits eux-mêmesen relevant que « Le dépôt et l’utilisation du nom Pontiac à titre de marque de fabrique pour des produits autresque les (véhicules) ne constitue ni une usurpation de marque, ni une usurpation de nom, ni un acte deconcurrence déloyale », ladite Cour fonda le risque de confusion « quant à l’origine desdits produits » sur le faitque la dénomination anglophone adoptée par la firme française, cumulée à sa publicité employant « maintes
Or, parce qu’elle ne peut de toute évidence pas porter sur le produit lui-même -
comment en effet confondre, pour reprendre les faits de l’affaire « Pontiac », un véhicule et
un réfrigérateur ? -, la confusion va alors se reporter sur l’origine, la provenance du
produit que les consommateurs ne savent à quelle entreprise rattacher…
Ainsi les tribunaux sanctionnent-ils aujourd’hui régulièrement cette forme particulière
de parasitisme économique que Mme Malaurie-Vignal définit très clairement comme
consistant « à profiter de la notoriété d’une entreprise, non pour détourner une clientèle, faute
de concurrence entre les entreprises, mais pour acquérir une clientèle sans effort particulier,
en profitant seulement de la confusion avec l’entreprise notoire » 116.
Aussi cette jurisprudence permet-elle à l’entreprise parasitée, une fois la recherche
d’une confusion sur l’origine des produits démontrée, d’interdire à l’entreprise parasite de
faire usage de l’un quelconque de ses signes distinctifs et ce, quand bien même le secteur
d’activité couvert par l’une et l’autre est différent.
Ainsi pouvons-nous rappeler qu’il a par exemple pu être interdit à M. Helmut Rotschild,
dans la célèbre affaire du même nom, de faire usage de son nom pour commercialiser des
produits de luxe dans l’intention manifeste de profiter, en l’utilisant donc à des fins
commerciales, de « son homonymie avec une famille plus illustre […] » 117.
De même encore qu’il fut interdit à Pascal Morabito d’utiliser son patronyme « même
s’il s’agissait de secteurs d’activités que la société Morabito n’exercerait pas effectivement
dans ses propres magasins » 118, fut reconnue coupable d’agissements parasitaires une société
qui avait, en ouvrant un magasin de matériel informatique sous l’enseigne Interpole
Informatique et en exploitant donc la notoire dénomination « Interpole » sur le réseau
Internet, « suggéré et rendu vraisemblable l’existence - dans l’esprit du public - d’un lien
entre sa structure et l’organisation internationale de police criminelle Interpol »119.
Un cas original de recherche de confusion, en ce qu’il concernait non pas un produit
mais une manifestation, fut par ailleurs jugé par la Cour d’appel de Paris le 19 Avril 2000
dans un arrêt aux termes duquel le Comité Miss France - par l’apposition de la marque
expressions de langue anglaise », pouvait aisément conduire le public à croire que « les réfrigérateurs avaient lamême origine que les automobiles ».116 Malaurie-Vignal (M.), Parasitisme et notoriété d’autrui, réf. précitées, spéc. n° 5.117 - CA Paris, 1ère ch. B, 10 Juill. 1986, réf. précitées.
- Agostini (E.), Les agissements parasitaires en droit comparé - Le cas Helmut Rotschild, JCP éd. G. 1987, I,Doctr. n° 3284.118 Cass. Com. 5 Nov. 1985, D. 1987, p. 22, note Burst J.-J.119 CA Paris 17 Déc. 1997, P.I.B.D. 1998, n° 650, III, 170.
« France 3 » sur les affiches annonçant les galas de présélection de Miss France 1996, et ce
alors que les accords liant le Comité à la chaîne avaient cessé en 1995 au profit de TF1 - avait
porté atteinte aux droits de la chaîne télévisée. Or, aux faits de contrefaçon ainsi constatés, se
sont adjoints des faits de parasitisme dans la mesure où l’utilisation de la marque « France
3 », accompagnée de la reproduction du visage de l’animateur auparavant associé à la
retransmission de l’élection, laissait indûment croire au soutien de la chaîne à la
manifestation 120.
Le développement - d’ores et déjà évoqué au titre du parasitisme de la notoriété d’une
entreprise concurrente - du « cybersquattage » nécessite également d’être mentionné au titre
des agissements parasitaires, l’une des victimes parmi les plus notoires ayant été la société
L’Oréal qui - titulaire de la marque Vichy - s’était plaint du dépôt auprès de l’Internic du nom
de domaine « vichy. com » : la société propriétaire du site litigieux, quand bien même les
produits ou services présentés dans celui-ci différaient donc de ceux fabriqués et
commercialisés par l’Oréal - fut néanmoins condamnée pour parasitisme en vertu des mêmes
arguments que ceux avancés dans l’affaire « Lancôme » précitée, en l’occurrence la confusion
engendrée par l’emploi de la dénomination « vichy » et le préjudice d’image résultant de
l’ « indisponibilité du nom de domaine » ‘‘officiel’’ 121.
De cette jurisprudence qui donc exige la preuve d’une confusion dans l’esprit de la
clientèle quant à l’origine des produits, il découle logiquement que le simple usage par un
tiers d’un signe distinctif particulièrement notoire ne peut à lui seul, c’est à dire en l’absence
de toute confusion, être jugé fautif et condamné, solution qui ressort clairement d’un arrêt
rendu en matière de marque notoire par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le
18 Janvier 1994 aux termes duquel « En dehors du cas où la notoriété de la marque revêtirait
un caractère exceptionnel, si le simple usage par un tiers d’une marque notoire pour désigner
des produits différents de ceux protégés ne constitue pas à lui seul une faute, l’abus de droit
peut résulter non seulement de l’adoption par un tiers d’une marque notoire avec l’intention
de nuire au titulaire, mais encore de la confusion susceptible d’être créée dans l’esprit du
public, faute par l’utilisateur d’avoir pris les précautions pour éviter une telle confusion »122.
120 CA Paris (4ème ch.) 19 Avril 2000, D. 2000, Jur. p. 303.121 TGI Nanterre (2ème ch.) 10 Janv. 2000 - 1ère espèce, Soc. L’Oréal c/ Soc. Vichy. com., D. 2000, Jur. p. 117 ets., obs. Poisson B. Par ord. référé : TGI Nanterre 16 Sept. 1999, P.A. 13 Janv. 2000, p. 18 et s., obs. Dreyfus-Weill N.122 Cass. Com. 18 Janv. 1994, Ets VJV c/ Soc. Puratos, Bull. civ. 1994, IV, n° 28, P. 22 ; B.R.D.A. 94, n° 4, p.12.
3) L’exemple de la reprise de termes notoirement connus :
Déjà évoqué dans un cadre concurrentiel, le cas particulier de la reprise de termes
notoirement connus peut également se rencontrer en dehors de toute situation de concurrence
entre parasite et parasité.
Peut ainsi être citée ici la jurisprudence bien connue qui s’est développée à propos du
terme « Orient-Express ». La Cour d’appel de Paris, en effet, est venue dans un arrêt de 1991
sanctionner pour parasitisme le fabricant de jouets qui avait tiré profit de la notoriété du train
Orient-Express, terme que la SNCF avait déposé comme marque, de manière à vendre son jeu
plus aisément, la Cour d’appel ayant toutefois déclaré que le fabricant, s’il ne cherche pas à
créer une confusion sur l’origine du produit, « se livre à une exploitation injustifiée de la
marque d’autrui » 123.
De même et sur renvoi de l’arrêt précité, la Chambre commerciale de la Cour de
cassation, après avoir constaté qu’une société bénéficiait d’un contrat de licence
d’exploitation de la marque « Orient-Express » pour des produits et services limitativement
énumérés, est-elle venue, le 4 Juillet 1995, déclarer que la Cour d’appel a pu, à bon droit,
décider que « le fait pour un licencié de déposer la même marque pour des services et produits
non protégés tendait à lui permettre de bénéficier ainsi de la renommée du titre et constituait
donc un agissement parasitaire »124.
Cette hypothèse, cependant, est souvent aussi « l’occasion » pour la jurisprudence de
rejeter le grief de parasitisme invoqué à l’encontre du repreneur. Ainsi par exemple le
Tribunal de grande instance de Paris jugea-t-il qu’aucun acte de parasitisme commis à l’égard
du Centre national des Caisses d’épargne et de prévoyance ne pouvait être imputé à la société
Volkswagen France pour avoir accompagné le lancement d’un nouveau modèle de véhicule
par une campagne publicitaire présentant ledit véhicule comme « la nouvelle caisse d’épargne
familiale » : les juges, en effet, ont considéré que le constructeur automobile, à travers cette
123 CA Paris 21 Nov. 1991, SNCF c/ SARL Jumbo France, D. 1992, I. R. p. 37.124 Cass. Com. 4 Juill. 1995, Soc. Venice Simplon - Orient-Express Limited et a. c/ S.N.C.F., JCP éd. G. 1995,Pan. Actu. n° 1139.
campagne, invoquait « à juste titre le sens commun que revêt cette expression en dehors de
toute référence à un établissement précis » 125.
De même en a-t-il été jugé à propos de l’expression « des femmes » : la Cour d’appel de
Paris, en effet, a considéré que le titulaire de cette marque ne pouvait empêcher son utilisation
dans un sens commun et nécessaire, notamment pour intituler « Histoire des femmes » une
collection d’ouvrages traitant de ce sujet. Ainsi les juges se réfèrent-ils régulièrement dans de
telles espèces au « sens commun » et / ou « nécessaire » revêtu par l’expression soi-disant
parasitée 126.
Ainsi cette jurisprudence toute en nuance doit-elle conduire à opérer - dans le cadre
spécifique du parasitisme de la notoriété d’une entreprise non-concurrente - une subdivision
entre l’hypothèse particulière de la recherche par le parasite d’une confusion sur l’origine des
produits et l’hypothèse « pure » pourrait-on dire de la seule usurpation de notoriété sans
aucune recherche de confusion, l’absence de concurrence entre les entreprises commune aux
deux hypothèses leur conférant ce point commun de n’engendrer aucun détournement de
clientèle.
C) Le parasitisme de la notoriété d’une entreprise non concurrente
indépendamment de toute recherche de confusion :
De même enfin peut-il y avoir atteinte portée à la notoriété de telle ou telle entreprise
non-concurrente, et dès lors exclusive de tout détournement de clientèle, indépendamment de
toute recherche de confusion avec l’entreprise parasitée.
Or, l’absence cumulée de toute confusion dans l’esprit de la clientèle et de tout
détournement de celle-ci au profit de l’entreprise parasite devrait logiquement laisser à penser
que l’usurpation de la notoriété d’autrui, faute d’un quelconque préjudice, doit rester impunie.
125 TGI Paris (1ère ch.) 16 Nov. 1998, Centre national des Caisses d’épargne et de prévoyance c/ VolkswagenFrance, D. 1999, I.R. p. 59 ; D. Aff. 1999, p. 328, obs. A.M. ; Petites Affiches 4 Nov. 1999, n° 220, p. 21, noteEtner L.
A cette affirmation au premier abord incontestable doit néanmoins être apportée une
double objection.
L’atteinte portée à la notoriété d’autrui, d’une part, peut - alors même qu’aucune
confusion et qu’aucun détournement de clientèle n’en ait résulté - engendrer un préjudice
distinct qu’il convient donc de sanctionner : l’affaiblissement du caractère distinctif du signe
usurpé ( 1 ).
La seule atteinte portée à la notoriété d’autrui, d’autre part, est susceptible d’être en elle-
même et donc indépendamment d’un quelconque préjudice condamnée ( 2 ).
1) L’affaiblissement du caractère distinctif du signe usurpé :
La jurisprudence ( a ) et la loi ( b ) présentent en effet cette volonté commune
d’accorder à l’entreprise parasitée - alors même qu’elle n’aurait eu à subir aucune confusion
dans l’esprit de sa clientèle, ni aucun détournement de celle-ci au profit de l’entreprise
parasite - réparation d’un préjudice distinct, en l’occurrence celui qui résulte de ce que Mme
Malaurie-Vignal nomme la « banalisation du signe distinctif » 127.
a - La jurisprudence :
Ainsi s’agit-il de sanctionner les entreprises qui, sans chercher à créer une quelconque
confusion dans l’esprit du public, tirent profit de la notoriété d’autrui et contribuent dès lors à
affaiblir le caractère distinctif du signe parasité, dilution qui pourra également résulter d’un
« rapprochement artificiel entre deux entreprises, l’une notoire et l’autre de moindre renom,
sans que le parasite s’approprie nécessairement un signe distinctif » 128.
Un parallèle peut dès lors ici être opéré avec la jurisprudence relative au rattachement
indiscret. Ainsi peut-on, parmi beaucoup d’autres, citer l’exemple de l’arrêt rendu par la Cour
d’appel de Paris le 21 Février 1989 aux termes duquel les juges ont considéré que « Le dépôt
de la marque « American business Company » pour le commerce de vêtements, son utilisation
associée à l’emploi des couleurs habituellement retenues dans les publicités d’une autre
126 CA Paris 31 Janv. 1997, SARL des femmes c/ SA Les Presses de la Cité, D. Aff. 1997, p. 383 et s.127 Malaurie-Vignal (M.), Parasitisme et notoriété d’autrui, réf. précitées, spéc. n° 8.128 Malaurie-Vignal (M.), ibidem, spéc. n° 11..
marque et le choix de l’enseigne dénotent la volonté d’évoquer dans l’esprit des clients une
marque mondialement connue », en l’occurrence la marque « American Express ».
Si la Cour ajoute que « Le principe de la spécialité des marques empêche, cependant,
que le dépôt et l’utilisation d’une dénomination constituent une contrefaçon de la marque
déposée pour des activités de crédit et de tourisme, sans rapport direct avec le commerce des
vêtements, ces faits - ajoute-t-elle - n’en sont pas moins des agissements déloyaux
d’utilisation parasitaire de la marque, à laquelle le public associe des idées de sérieux et de
qualité, sans avoir, à tout moment une conscience claire et immédiate de l’étendue, ni même
de la nature exacte, des activités et produits qu’elle couvre, alors qu’une telle utilisation de la
renommée d’une marque contribue à en diminuer le prestige », ces agissements abusifs
justifiant dès lors une indemnisation129.
De même peut être évoqué l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Bordeaux en 1964 dans
une affaire où les invitations adressées à ses clients par la maison de couture Coppélia
laissaient supposer que le défilé avait lieu sous le haut patronage de grands couturiers dont les
noms apparaissaient en effet sur les cartons d’invitation, inscrits en gros caractères : aussi la
Cour jugea-t-elle que, même s’il n’y a pas réellement concurrence entre celui-ci et celles-là,
« constitue un acte de concurrence déloyale l’usage, par le fabricant de vêtements de
confection, dans sa publicité (cartes d’invitation à une représentation de modèles), des noms
de certaines grandes maisons de couture parisiennes, sans leur autorisation et d’une manière à
faire croire que celles-ci lui donnaient leur patronage », M. Ghestin - commentateur de l’arrêt
- y ayant vu une application implicite de la théorie du parasitisme 130.
La banalisation du signe distinctif usurpé trouve encore une belle illustration dans la
récente affaire ayant opposé la prestigieuse maison Cartier à la société de VPC
La Redoute 131, cette dernière ayant en effet utilisé - pour une loterie publicitaire offrant des
lots de foulard - le nom des célèbres marques auprès desquelles elle s’était fournie, dont
Cartier. Suite à l’action engagée par cette dernière, la Cour d’appel de Versailles a donc jugé
fautive et constitutive d’un « comportement d’inspiration ou de nature parasitaire »
l’utilisation de la marque Cartier, utilisation jugée abusive en effet puisqu’elle était d’une part
« appelée à concerner et à favoriser exclusivement les produits commercialisés par la société
La Redoute, à l’exclusion des produits Cartier dont elle n’est pas distributeur agréé » et
129 CA Paris 21 Févr. 1989, Soc. American Express, D. 1993, Somm. p. 115, obs. Burst J.-J.130 CA Bordeaux 13 Oct. 1964, D. 1965, Jur. p. 607, note Ghestin J.
puisqu’elle visait d’autre part à tirer profit de la renommée et de la notoriété desdits produits,
permettant qui plus est à la société La Redoute - relève la Cour - « de se dispenser d’un effort
publicitaire propre »…
b - La loi :
Cette jurisprudence fut à différentes reprises consacrée par le législateur venu, quant
aux marques notoires et quant aux appellations d’origine, faire « éclater » le principe de la
spécialité.
• Ainsi l’article L. 713-5 du Code de la Propriété intellectuelle, dans sa rédaction issue
de la loi du 4 Janvier 1991 sur les marques, est-il venu consacrer la théorie du parasitisme en
disposant que « L’emploi d’une marque jouissant d’une renommée pour des produits ou
services non similaires à ceux désignés dans l’enregistrement engage la responsabilité civile
de son auteur s’il est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cet
emploi constitue une exploitation injustifiée de cette dernière ».
A cette large formule qui, en effet, vise « l’exploitation injustifiée » d’une marque,
s’ajoutent les dispositions de l’article L. 121-9 du Code de la consommation, issues de la loi
du 18 Janvier 1992 renforçant la protection des consommateurs, lequel article vient en effet
autoriser, sous certaines conditions, la publicité comparative en France, hormis lorsqu’elle
aurait « pour objet principal de tirer avantage de la notoriété attachée à une marque », texte
dont résulte donc en réalité la prohibition pure et simple de toute publicité comparative
mettant en jeu une marque notoire…
• Quant aux appellations d’origine ensuite, si la loi du 4 Janvier 1991 était venue
introduire une disposition destinée à régler le conflit entre une appellation d’origine et une
marque - disposition devenue l’article L. 711-4 du CPI aux termes duquel « Ne peut être
adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs et notamment […]
d) à une appellation d’origine protégée » -, la loi du 2 Juillet 1990 avait quant à elle modifié
celle du 6 Mai 1919 pour trancher un éventuel conflit entre une appellation d’origine et une
autre utilisation.
131 CA Versailles (12ème ch.) 19 Nov. 1998, Soc. La Redoute c/ SA Cartier et a., D. Aff. 1999, p. 381 et s., noteC.R. ; Petites Affiches 4 Nov. 1999, n° 220, p. 12, note Reboul N.
Ainsi la règle figure-t-elle aujourd’hui en l’article L. 115-5 alinéa 4 du Code de la
consommation selon lequel « Le nom géographique qui constitue l’appellation d’origine ou
toute autre mention l’évoquant ne peuvent être employés pour aucun produit similaire […] ni
pour aucun autre produit ou service lorsque cette utilisation est susceptible de détourner ou
d’affaiblir la notoriété de l’appellation d’origine ». Cet article écarte donc en premier lieu le
principe de spécialité pour les appellations d’origine contrôlée sans même exiger une
notoriété exceptionnelle et sans qu’il soit nécessaire d’établir une intention parasitaire de la
part de l’utilisateur. Il suffit par ailleurs et en second lieu que l’utilisation risque de détourner
ou d’affaiblir la notoriété de l’appellation sans qu’il soit nécessaire d’établir un risque de
confusion entre les produits ou services, ni même d’établir que le préjudice est déjà réalisé, ce
qui permet d’agir de façon préventive, dès lors que le risque apparaît.
Si la loi ne protège donc pas la notoriété en elle-même mais vise le « préjudice » porté
au propriétaire de la marque, l’ « exploitation injustifiée » du signe ou encore le fait de
« détourner » ou d’ « affaiblir » la notoriété de l’appellation d’origine, une tendance s’est
dessinée en jurisprudence tendant à sanctionner le parasitisme de la notoriété alors même
qu’aucun préjudice n’a pu être établi.
2) L’absence d’un quelconque préjudice :
Un constat, tout d’abord, s’impose : si la loi vient donc protéger la marque et
l’appellation d’origine notoire, la protection également accordée par l’alinéa second de
l’article L. 713-5 du CPI à la « marque notoirement connue au sens de l’article 6 bis de la
Convention de Paris… », c’est à dire à la marque notoire non enregistrée, permet d’en déduire
avec Mme Malaurie-Vignal que « ce n’est donc pas l’enregistrement de la marque (ou de
l’appellation) qui (en) fonde la protection, mais sa notoriété ».
Aussi la question peut-elle légitimement se poser de savoir si le seul usage de la
notoriété d’autrui, indépendamment de tout préjudice - c’est à dire, au regard de ce qui
précède, indépendamment de toute confusion, de tout détournement de clientèle et de toute
dilution ou affaiblissement du signe distinctif « emprunté » - peut être sanctionné en lui-
même : ainsi par exemple la doctrine a-t-elle pu s’interroger sur le point de savoir s’il
convenait ou non de sanctionner pour agissement parasitaire l’entreprise dont les éléments
publicitaires font mention de sa proximité géographique avec une célèbre entreprise...
Assurément empreinte d’une grande sévérité, cette solution semble pourtant bien devoir
être celle appliquée par la jurisprudence au regard de certains arrêts, Mme Malaurie-Vignal
citant l’exemple particulièrement flagrant d’un arrêt qui plus est ancien aux termes duquel une
société de revêtement de façades ayant utilisé dans sa publicité et sans autorisation la
photographie d’un immeuble qui jouissait d’une certaine renommée en raison de son
originalité et de sa situation avait, selon la Cour d’appel de Paris et alors même qu’aucun
préjudice n’avait pu être établi, « bénéficié indirectement de la renommée des constructions
en cause » et s’était donc « rendue coupable d’actes parasitaires »132.
Doit par ailleurs inévitablement être citée ici l’espèce que M. Le Tourneau considère
comme étant l’arrêt d’aboutissement de la théorie du parasitisme en raison de son important
retentissement médiatique : l’affaire du parfum « Champagne » 133 dans laquelle la Cour
d’appel de Paris est venue confirmer un jugement du Tribunal de grande instance de Paris 134
qui avait interdit à la société en cause de continuer à utiliser le terme « Champagne » pour
désigner ce parfum 135.
Après avoir lancé, « à grands fracas publicitaires », un parfum baptisé Champagne, la
société Yves Saint-Laurent Parfums fut en effet condamnée par la Cour d’appel de Paris pour
avoir, par ce « procédé constitutif d’agissements parasitaires », « détourné la notoriété dont
seuls les producteurs et négociants en Champagne peuvent se prévaloir pour commercialiser
le vin ayant droit à cette appellation » 136. Or, il est patent de relever, à la lecture de l’arrêt,
que la Cour d’appel n’a à proprement parler pu dégager aucun préjudice tenant à un
quelconque affaiblissement de la notoriété de l’appellation Champagne137, ayant
132 CA Paris 19 Juin 1979, D. 1981, I.R. p. 83, obs. Colombet C.133 - Lampre (C.), Le champagne ou le parfum de la renommée, D. 1994, Chron. p. 213 et s. - Le Tarnec (A.), Appellations d’origine et marques - A propos de l’affaire du parfum « Champagne », Gaz.Pal. 1994, Doctr. p. 176 et s.134 TGI Paris (3ème ch., 2ème sect.) 28 Oct. 1993, R.I.P.I.A. 1994, p. 14 ; Petites Affiches 11 Mars 1994, n° 30, p.9 et s.135 …et ce, dix ans après l’affaire SEITA dans laquelle le Tribunal de grande instance de Paris avait interdit lacommercialisation de cigarettes portant la marque « Champagne » (TGI Paris 5 Mars 1984, Comitéinterprofessionnel du vin de Champagne c/ SEITA, Ann. Propr. Ind. 1985, p. 161, obs. Burst J.-J.).136 CA Paris (1ère ch.) 15 Déc. 1993, D. 1994, Jur. p. 145, note Le Tourneau P. ; JCP éd. Ent. 1994, II, n° 540,note Pollaud-Dulian F. ; Petites Affiches 11 Mars 1994, n° 30, p. 9 et s.137 …et ce, à la différence du TGI qui, lui, souligne que « l’emploi du terme Champagne pour désigner unparfum est susceptible d’affaiblir la notoriété de l’appellation d’origine Champagne » mais aussi que« l’importance de la campagne publicitaire…est de nature à affaiblir le prestige et la renommée de l’appellationd’origine Champagne ».
implicitement reconnu que les agissements d’Yves Saint-Laurent ne pouvaient effectivement -
en raison de l’incontestable notoriété du parfumeur - avoir pour effet de « diluer la notoriété
de l’appellation, de la vulgariser ou de l’affaiblir » 138.
Si seul semble donc importer ici le détournement de notoriété en lui-même,
indépendamment d’un quelconque préjudice dont l’existence n’apparaît donc guère
primordiale pour que puisse être engagée la responsabilité du parasite, approfondir la question
permet en revanche de constater que la Cour insiste particulièrement sur les manœuvres
d’Yves Saint-Laurent et exige donc assurément l’existence d’une faute.
Ainsi les juges déduisent-ils la volonté manifeste du parfumeur de se placer dans le
sillage de la célèbre appellation d’origine de ce qu’il a non seulement adopté « le nom
Champagne pour le lancement d’un nouveau parfum de luxe » mais aussi choisi une
« présentation rappelant le bouchon caractéristique des bouteilles de ce vin » et utilisé pour sa
publicité « l’image et les sensations gustatives, de joie et de fête qu’il évoque », voulant ainsi
« créer un effet attractif emprunté au prestige de l’appellation litigieuse » : aussi faut-il en
déduire que la jurisprudence ne sanctionne pas, à défaut d’éléments particuliers et donc en lui-
même, le simple emprunt d’un signe distinctif.
Ainsi cet arrêt constitue-t-il l’illustration parfaite de la théorie des agissements
parasitaires en ce qu’elle permet de protéger un opérateur de la vie économique lorsqu’il ne
dispose d’aucune autre voie de droit pour protéger une valeur économique. Le constat, en
effet, s’impose : la notoriété, en ce qu’elle représente pour l’entreprise parvenue à l’acquérir
une évidente source de profits, est avant tout une valeur marchande mais est aussi, de toute
évidence, le résultat d’un travail de longue haleine, d’investissements divers et d’efforts
continus non seulement pour faire connaître l’entreprise du grand public mais aussi, les
années passant, pour en maintenir auprès de celui-ci l’image de marque.
138 - Le fait que les intimés ne soient pas parvenus à démontrer le risque d’affaiblissement de la notoriété del’A.O.C. explique d’ailleurs que la Cour d’appel, après en avoir admis l’évidente applicabilité en l’espèce, aitcependant écarté l’article L. 115-5 al. 4 du Code de la consommation précité. - Précisons encore à cette occasion que si l’article L. 711-4 du Code de la Propriété intellectuelle, en ce qu’iltraite notamment du conflit entre une appellation d’origine et une marque, visait de toute évidence les faits del’espèce, son application en fut néanmoins impossible, la société YSL Parfums ayant - pour la commercialisationde son parfum - acquis (et valablement déposé) une marque antérieure à la loi du 4 Janvier 1991 venue créer cetarticle…
Aussi le détournement de la notoriété de telle ou telle entreprise - concurrente ou non -
et par là même du travail créatif et des investissements déployés par celle-ci pour parvenir à
un tel « pouvoir d’attraction » auprès de la clientèle des consommateurs doit-il logiquement
conduire à sanctionner, outre le parasitisme de la notoriété, le parasitisme de ce que nous
désignerons par la notion générique d’ « investissements économiques ».
Chapitre second :
LE PARASITISME DES INVESTISSEMEMENTS ECONOMIQUES D’AUTRUI
La notion de « parasitisme » est aujourd’hui régulièrement invoquée par les tribunaux
pour sanctionner ce qui leur paraît être en effet une appropriation injuste du travail d’autrui,
de ce que nous avons choisi de désigner par la notion générique d’ « investissements
économiques », ce qui nécessite un certain nombre de précisions.
Les investissements économiques d’autrui, en effet, sont constitués par toutes les
dépenses consacrées par tel ou tel professionnel à son activité, dépenses non seulement
financières mais également susceptibles de revêtir la forme d’un travail intellectuel ou d’un
savoir-faire : ainsi les juges se fondent-ils sur la théorie du parasitisme pour condamner celui
ou ceux qui détourne (ent) à son (leur) profit les divers investissements - matériels et / ou
intellectuels - réalisés par tel ou tel.
Partant du principe que le travail d’autrui ne peut être usurpé et que constitue donc un
agissement parasitaire le seul fait de tirer indûment profit des investissements déployés par un
tiers, M. Le Tourneau définit dès lors le parasitisme en la matière comme « l’utilisation
illégitime et intéressée d’une valeur économique d’autrui, fruit d’un savoir-faire spécifique et
d’un travail intellectuel lorsque, ajoute-t-il, - et la précision est, nous le verrons, d’importance
- cette valeur n’est pas protégée par un droit spécifique » 139.
Parce qu’il est en effet un principe selon lequel tout travail, toute idée ou toute
information qui ne présente guère d’originalité et n’a pas une expression matérielle ne peut
dès lors pas être regardé ( e ) comme une œuvre de l’esprit et donc bénéficier de la protection
accordée à celle-ci par la loi de 1957 relative à la propriété littéraire et artistique, il
conviendrait donc d’en déduire qu’appartient au domaine public et peut donc être librement
copiée la création qui ne répond pas aux exigences légalement requises.
Cette logique devait cependant être rompue au nom de l’impérieuse nécessité de faire
face à l’imagination et à l’audace sans cesse croissantes des opérateurs économiques imposant
de protéger, au delà même du « concret » des signes distinctifs dont l’usurpation sera le plus
souvent aisée à démontrer, l’ « abstrait » des investissements économiques de tel ou tel
opérateur.
Bien que totalement immatériels en ce qu’ils consisteront le plus souvent en un travail
de recherche marketing, publicitaire ou autre…, ces investissements sont envisagés - très
probablement à l’origine sur le fondement de ce qu’ils exigent presque toujours un important
investissement financier - comme représentant une valeur économique et sont donc
aujourd’hui protégés à ce titre par la théorie du parasitisme, protection qui est toutefois - au
regard de ce qui précède - soumise à conditions.
Ainsi la première condition, néanmoins soumise à controverse, réside-t-elle dans
l’originalité du travail ou de l’idée usurpé (e). La controverse, en effet, naît de ce que certains
arrêts exigent l’originalité de l’élément usurpé quand d’autres semblent en revanche ne
s’attacher qu’à la seule usurpation du travail d’autrui et considérer la condition
d’originalité comme n’étant pas nécessaire. Si, comme le souligne Mme Malaurie-Vignal 140,
« tout est une question de mesure » car il ne faut pas en effet - par une protection à tout va -
aboutir à « patrimonialiser toute initiative » et à « freiner l’innovation », il paraît en revanche
légitime de protéger le produit du travail fourni lorsque celui-ci a nécessité un certain effort de
conception lui conférant dès lors une certaine dose d’originalité : c’est probablement là que
réside d’ailleurs l’intérêt majeur de la théorie du parasitisme en la matière, laquelle en effet
permet de protéger les travaux présentant une certaine originalité sans qu’il s’agisse pour
autant d’une œuvre de création au sens de la loi de 1957 141 et offre donc aux opérateurs
économiques la garantie d’une large et juste protection contre toute usurpation.
139 Le Tourneau (P.), La verdeur de la faute dans la responsabilité civile, RTD Civ. 1988, p. 505 et s., spéc. p.516.140 Malaurie-Vignal (M.), Le parasitisme des investissements et du travail d’autrui, D. 1996, Chron. p. 177 et s.141 Une bien belle d’illustration nous en est d’ailleurs donnée par le fameux arrêt « Ungaro » dans lequel la Courd’appel de Paris - relativement à l’imitation de l’emballage et de la bouteille du parfum Diva - relève que « Dansl’emballage de Diva, la réunion d’éléments en eux-mêmes banals aboutit à une singularité de l’aspectd’ensemble » (CA Paris 18 Mai 1989, SARL Parfums Ungaro c/ SARL Jean-Jacques Vivier, JCP éd. Ent. 1989,II, n° 15611, obs. Azéma, D. 1990, Jur. p. 340, note Cadiet L. et Somm. p. 75, obs. Serra Y.).
Outre l’originalité, est donc requise l’existence d’un « investissement ». Ainsi le
parasitisme ne sera-t-il constitué que si le travail ou l’idée usurpé (e) a nécessité un
investissement, important peu qu’il soit financier et / ou intellectuel. En effet, si les travaux
usurpés peuvent être originaux - au sens de non banals -, auquel cas l’investissement protégé
est avant tout intellectuel, la réunion d’éléments usurpés - quand bien même ils seraient
« banals » (au sens de non originaux) - supposera toujours au minimum un investissement
financier…
La reprise des investissements économiques d’autrui, enfin, pourra selon les cas
consister pour la personne du parasite dans le fait de chercher ou non à provoquer dans
l’esprit du public une confusion, distinction traditionnelle qui nous amènera à envisager
successivement le parasitisme des investissements économiques d’une entreprise concurrente
( I ) et d’une entreprise non concurrente ( II ).
I) LE PARASITISME DES INVESTISSEMENTS ECONOMIQUES D’UNE
ENTREPRISE CONCURRENTE :
Supposant donc que les entreprises en cause soient placées dans un rapport de
concurrence, le parasitisme des investissements d’un concurrent - bien plus subtil et
pernicieux que ne peut l’être le parasitisme de la notoriété de telle ou telle entreprise
concurrente - se traduit, selon la définition couramment reprise par la jurisprudence, par
« l’utilisation d’une technique ayant nécessité des efforts tant intellectuels que financiers
importants ».
Ainsi l’entreprise parasitée doit-elle s’être « investie », doit-elle avoir fourni des
« efforts », lesquels supposent de toute évidence - dans le secteur économique qui nous
occupe - divers investissements financiers et / (rarement ou) intellectuels… L’alternative, en
effet, est rare car s’il est vrai qu’ « un effort inventif exceptionnel, fruit d’une imagination
féconde, peut parfois permettre de trouver un procédé ou un savoir-faire procurant un
avantage concurrentiel » sans toutefois que sa mise au point nécessite de lourds
investissements pécuniaires, il est surtout vrai qu’aux efforts intellectuels déployés pour
l’élaboration d’une technique ou d’un savoir-faire, s’adjoindront le plus souvent d’importants
efforts financiers de telle sorte que l’usurpation des investissements intellectuels aura le plus
souvent pour corollaire celle des investissements financiers ( et vice-versa )…
Or, les économies assurément réalisées à cette occasion par le parasite ne se réduisent
pas à l’aspect pécuniaire et intellectuel des choses puisqu’aux gains pécuniaire et « cérébral »
réalisés, vont en effet s’ajouter deux avantages, en l’occurrence celui d’un précieux gain de
temps mais aussi, corollairement, celui d’une prise de risque quasi-nulle, le parasitisme d’un
produit ou d’une technique ayant d’ores et déjà fait la preuve de son succès auprès du grand
public réduisant en effet considérablement ( pour ne pas dire, parfois, totalement ) les risques
d’échec.
Dès lors amenée à définir le parasitisme des efforts intellectuels et financiers d’un
concurrent comme le fait, pour l’auteur de tels agissements, « au lieu de donner libre cours à
ses facultés créatrices », de les mettre « en sommeil » et de conduire « un processus
d’élaboration asservi à l’imitation de l’œuvre d’autrui, cette démarche intellectuelle
fournissant l’impulsion au travail créateur et lui servant de guide » - ainsi qu’il en ressort du
célèbre arrêt « Ungaro » -, la jurisprudence a donc logiquement inclus dans ce « processus »
l’usurpation portant sur tel ou tel produit d’un concurrent ( A ) ainsi que la reprise d’une
technique mise au point et appliquée par ce dernier ( B ).
A) L’usurpation des produits d’une entreprise concurrente :
Si le parasitisme des efforts intellectuels ou financiers d’un concurrent trouve en effet
dans l’usurpation des caractéristiques de tel ou tel produit commercialisé par celui-ci son
expression la plus courante, la jurisprudence a toutefois pris soin de distinguer - au sein de ce
type d’activité parasitaire - la simple imitation de ce qui constitue l’ « apparence » d’un
produit ( 1 ) de la copie servile ou quasi-servile de celui-ci ( 2 ).
1) L’imitation illicite de la présentation habituellement donnée aux produits :
Comme ont pu le démontrer certaines études marketing, le consommateur fidèle à tel
produit vaisselle ou telle marque de céréales par exemple pourra néanmoins - s’il est
notamment attiré par la forme ou les couleurs caractéristiques et savamment étudiées de son
produit fétiche - être tenté d’acquérir un produit concurrent placé à proximité…mais qu’il
n’aurait probablement jamais acheté s’il ne s’était pas précédemment habitué à telle ou telle
présentation du produit « phare » 142.
Dès lors, et parce qu’ils connaissent bien cette réaction, les hommes de marketing se
préoccupent-ils le plus souvent de rapprocher la présentation externe, le conditionnement, les
étiquettes ou les couleurs…de leurs produits des présentations externes, conditionnements,
étiquettes ou couleurs…adoptés par la société leader sur le marché considéré pour la
commercialisation de ses produits 143.
Si l’objectif recherché est bien entendu d’engendrer au sein de la clientèle des
consommateurs, par un effet d’entraînement, une certaine confusion et si les entreprises
parasites s’attachent le plus souvent à préserver quelques différences de présentation de
manière à ne point s’attirer les foudres de la justice, celle-ci - soucieuse de sanctionner de tels
comportements - n’exige point pour que l’acte de contrefaçon et / ou de concurrence
parasitaire soit matérialisé qu’il y ait eu copie servile du produit en cause…
Ainsi sont classiquement jugées constitutives d’actes parasitaires - lorsque les
conditions en sont réunies ( b ) et sous réserve de certains « faits justificatifs » ( c ) - les
imitations auxquelles se livrent les entreprises quant à leurs modes de conditionnement et
quant à leurs étiquettes ( a ) mais aussi, d’ailleurs, quant à leurs présentoirs ou leurs sachets…
a - L’imitation des emballages et étiquettes d’un produit concurrent :
Distinguons ici les deux grandes « constantes » jurisprudentielles que sont le
parasitisme du conditionnement d’une part ( 1° ), des étiquettes d’autre part ( 2° ).
1° - L’imitation du conditionnement d’un produit concurrent :
L’imitation du conditionnement d’un produit est en effet condamnable dans la mesure
où elle crée nécessairement dans l’esprit du public un risque de confusion entre le produit
leader et le produit « pirate », précision faite de ce que la jurisprudence - comme l’a
142 Ainsi le Tribunal de commerce de Versailles a-t-il clairement mis en évidence ce phénomène résultant d’uneantériorité d’usage de la présentation en question ( Trib. Com. Versailles 19 Sept. 1991, P.I.B.D. 1992, n° 514,III, 52 ).143 Colloque « Entreprise : parasitisme et droit » sous la direction de Mme Simon J., JCP éd. Ent. 1992, Cah. Dr.Ent. 1992, n° 6.
clairement souligné M. Toporkoff 144 - fait le choix de retenir l’impression d’ensemble
produite par les emballages concernés plutôt que le détail de ces conditionnements et prend
généralement en compte le fait que le consommateur n’accorde aux produits qu’une attention
limitée lors de son acte d’achat.
Ainsi la Cour d’appel de Versailles, parce qu’une telle similitude était de nature à
entraîner « chez les consommateurs moyens, normalement attentifs » une confusion entre les
deux produits et donc l’appropriation par l’entreprise parasite d’une partie de la clientèle
attachée à la marque concurrente, est-elle venue sanctionner le parasitisme résultant de la
similitude du conditionnement et de la présentation entre les boîtes de conserve
commercialisées par Cassegrain et celles commercialisées par Daucy 145.
Dans le même sens, fut condamné en tant qu’acte de concurrence parasitaire le fait pour
une société fromagère d’avoir délibérément choisi de se placer dans le sillage de la célèbre
société Bridel « en adoptant, tout comme [elle], un emballage cylindrique en carton montrant
le fromage et les couleurs jaune orangée », ce procédé lui ayant en effet permis de « profiter
indûment [des] études et investissements » réalisés par cette dernière 146.
Le 27 Mars 2001, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a de même
considéré qu’en se rendant notamment coupable d’avoir copié le graphisme et les coloris
utilisés par une société spécialisée dans la fabrication et la vente de souvenirs de Paris pour la
commercialisation de produits identiques, la société intimée « avait cherché à se placer dans le
sillage de la société concurrente et à tirer profit, de façon déloyale, des efforts développés par
celle-ci, proposant ainsi, à moindres frais, à une clientèle identique un produit de
substitution » 147 et ce, alors que la représentation d’une Tour Eiffel pour le conditionnement
de souvenirs de Paris est une idée pour le moins banale…
Constatons d’ailleurs qu’un argument est assez souvent invoqué par les parasites pour
contrer les accusations qui leur sont portées et justifier ainsi les similarités qui leur sont
reprochées, argument qui consiste donc pour le parasite à faire valoir qu’il n’a fait qu’adopter
144 Toporkoff (M.), Les imitations d’emballage de produits de grande consommation : commentaires etperspectives d’évolution de la jurisprudence, Gaz. Pal. 6 Août 1991, p. 401 et s. 145 Ainsi, et à titre d’exemple, les similitudes portaient-elles sur l’emploi d’un même dégradé de couleur verte,d’un même bandeau souligné d’un liseré doré, d’une photographie similaire représentant une assiette blanchegarnie de haricots verts… (CA Versailles 6 Janv. 1995, P.I.B.D. 1995, n° 609, III, 223 ).146 CA Paris (4ème ch.) 2 Oct. 1996, SNC Bridel c/ Soc. des Fermiers réunis, Gaz. Pal. 1997, I, Jur. p. 248 et s.147 Cass. Com. 27 Mars 2001, Soc. Robbler c/ Soc. SAP Polyne, Contrats - Conc. - Conso., Août-Sept. 2001, DCn° 123, p. 17
et suivre les « codes-couleurs » ou « codes de présentation » habituellement utilisés pour
chaque type de produits.
Or, si les codes de présentation ont parfois pu être reconnus comme constituant une
« nécessité commerciale », un « repère » nécessaire pour le consommateur, l’argument des
codes-couleurs n’est en revanche que rarement admis : ainsi, si le Tribunal de grande instance
de Dijon a pu juger - à propos de deux déodorants aux emballages, graphisme et couleurs
identiques - que « Cette combinaison de couleurs et la forme de la bouteille n’ont pas été
rendues nécessaires par les caractéristiques du produit vendu » 148 pour en déduire le
comportement parasitaire de la société intimée, le Tribunal de commerce de Bordeaux s’est
quant à lui en revanche distingué en constatant que « La symbolique des couleurs conduit à
utiliser couramment la couleur blanche pour représenter la propreté, la verte pour la nature, la
jaune et le rouge pour attirer l’attention » de telle sorte qu’il a pu en conclure qu’ « Une
composition même un peu voisine ne permet pas de mettre en évidence un acte de
concurrence parasitaire » 149.
Un arrêt du 3 Juillet 2001, enfin, mérite d’être cité puisque la Chambre commerciale,
après avoir relevé que le conditionnement de lames de rasoir commercialisées par les grandes
surfaces Monoprix reprenait la combinaison de couleurs utilisée par la célèbre marque Gillette
pour ses emballages, en a en effet déduit « la volonté de la société Monoprix de se placer dans
le sillage de la société Gillette et de profiter indûment de ses investissements
publicitaires » 150 : ainsi la Cour de cassation a-t-elle - semble-t-il ici pour la première fois -
fondé ses accusations de parasitisme sur le seul argument des codes-couleurs, ayant même
jugé l’apposition d’une marque distincte sur les emballages insuffisante pour écarter le
parasitisme 151.
2° - L’imitation des étiquettes d’un produit concurrent :
148 TGI Dijon 27 Juin 1989, cité par M. Toporkoff dans l’article précité.149 Trib. Com. Bordeaux 9 Déc. 1988, cité par M. Toporkoff dans l’article précité.150 Cass. Com. 3 Juill. 2001, Soc. The Gillette company c/ Soc. Monoprix, RJDA 2001, n° 12, DC n° 1276, p.1067 et s.151 Notons en revanche le cas particulier d’un arrêt dans lequel la Cour de cassation a refusé de voir dans lacouleur rose fushia utilisée par une entreprise parasite pour l’emballage d’un lait de croissance un « code-couleur » alors même que cette teinte - d’ores et déjà employée d’ailleurs par une société concurrente - étaitpourtant aisément rattachable au monde de l’enfance féminine : si le parasitisme fut admis, il le fut doncuniquement pour l’économie d’investissements réalisée par la société parasite (Cass. Com. 30 Janv. 2001, Soc.Besnier c/ Soc. Candia, RJDA 2001, n° 6, DC n° 735).
Là encore constitutive d’un acte de concurrence parasitaire distinct des actes de
contrefaçon qu’elle peut engendrer, l’imitation des étiquettes est en effet classiquement
considérée par les tribunaux comme tendant à accroître, dans l’esprit de la clientèle, le risque
de confusion qui résulte déjà le plus souvent de l’usage d’une marque contrefaisante.
Ainsi l’imitation des étiquettes a-t-elle notamment pu être sanctionnée par la Cour
d’appel de Paris le 14 Novembre 1995, laquelle jugea en effet que la société Perfecto - outre
la contrefaçon de la marque « Perfecto » déposée par la société Schott Bros - s’était rendue
coupable de concurrence parasitaire en apposant sur ses produits vestimentaires des étiquettes
présentant les mêmes caractéristiques que celles apposées sur les produits de la société Schott
Bros : avaient en effet été constatées certaines similarités portant sur une représentation
semblable de la statue de la Liberté, l’emploi de la même mention « Original » ou d’une
même calligraphie…152
Constatons toutefois qu’une jurisprudence très remarquée n’a pas cru nécessaire - pour
sanctionner « la faute distincte de la contrefaçon » que constitue « le comportement
parasitaire » d’une entreprise ayant consisté à imiter les étiquettes d’un concurrent
notoirement connu « afin de profiter du courant d’achats créé par ce dernier » - de mettre en
avant le risque de confusion engendré par de tels agissements : la Cour d’appel de Colmar, en
effet, après avoir relevé les nombreuses similitudes entre les étiquettes du demandeur
Orangina et celles du défendeur, a considéré le 13 Mai 1994 que « le fait de se rattacher, de
manière directe ou indirecte, à l’entreprise d’un concurrent à la notoriété incontestable, en
profitant du courant d’achats établi en faveur d’articles commercialisés par ce dernier et en
dérivant à son bénéfice une initiative commerciale impliquant diverses dépenses et la prise
d’un risque » constitue un acte de « concurrence déloyale par parasitisme », c’est à dire de
concurrence parasitaire 153.
b - Une condamnation soumise à conditions :
152 CA Paris 14 Nov. 1995, P.I.B.D. 1995, n° 604, III, 68.153 La Cour en effet, après avoir très précisément relevé que « sur les deux étiquettes, la couleur bleue estassociée à la couleur orange ; la couleur bleue est foncée dans le bas de l’étiquette et claire dans la partiesupérieure ; la couleur orange se transforme en jaune sur la partie supérieure de l’étiquette ; le motif central, plusou moins ovale, est de couleur orange » mais aussi que « les mots Orangina, respectivement orange et pulpe,sont écrits en grandes lettres blanches sur fond bleu et orange », constate que « s’il n’y a pas copie servile, il y ades similitudes dans les caractéristiques essentielles des étiquettes », le caractère fautif de ce détournement denotoriété ressortant - selon la Cour - de ce que ces similitudes « ne sont pas imposées par des contraintestechniques ( notamment en ce qui concerne l’emplacement et l’utilisation des couleurs et l’utilisation de la
Le détournement de la notoriété d’un concurrent par l’exploitation injustifiée de la
notoriété de ses emballages, étiquettes…, c’est à dire plus généralement de la présentation
originale qu’il a su donner à ses produits, suppose logiquement - selon les termes employés en
doctrine - l’existence d’un « caractère distinctif » 154 ainsi que d’un « référentiel » dans
l’esprit du public, ce qui a pu conduire la jurisprudence à exiger - pour assurer la protection
du conditionnement ou de la forme d’un produit 155 - que soient préalablement établies par
l’entreprise demanderesse « les caractéristiques qui lui confère sa singularité et en font un
signe de ralliement pour la clientèle » 156.
Parce que le but recherché par l’entreprise parasite est de détourner à son seul profit le
référentiel « acquis » par le consommateur pour tel ou tel type de produit, les tribunaux
s’attacheront dès lors à apprécier le risque de confusion qui en résulte de la manière la plus
traditionnelle qui soit, c’est à dire - selon la formule traditionnellement reprise en
jurisprudence - par rapport au « consommateur moyennement avisé n’ayant pas
simultanément les deux produits sous les yeux » 157.
Par ailleurs, les différents cas d’espèce précédemment envisagés auront permis de
constater que les tribunaux, dans le cadre de leur appréciation du risque de confusion,
s’attachent davantage à l’ « impression d’ensemble » qu’aux détails : ainsi la Cour d’appel de
Paris, dans le dernier cas cité 158, a-t-elle pu énoncer qu’il convient, pour déterminer le risque
de confusion, « de procéder à un examen global des emballages ( ou étiquettes…) en
comparaison et de dégager l’impression d’ensemble que chacun procure » de telle sorte qu’il
conviendra - si les éléments en comparaison présentent davantage de différences que de
similitudes et si aucun risque de confusion n’existe donc - de rejeter toute accusation de
parasitisme…car un autre principe doit encore être dégagé.
En effet, alors que l’acte contrefaisant - par le biais de la méthode analytique -
s’apprécie traditionnellement en fonction des ressemblances et non des différences, l’acte
couleur bleue, laquelle n’est normalement pas de nature à suggérer une boisson à l’orange » (CA Colmar 13 Mai1994, Soc. Schiffer Food BV c/ Compagnie française des produits Orangina et a., D. 1995, Jur. p. 96 et s.).154 Entre autres, CA Douai 1er Mars 1962, Ann. Propr. Ind. 1964, p. 72, CA Paris 9 Mai 1985, R.I.P.I.A. 1985, p.225. Ce caractère distinctif peut résulter de « la nouveauté tant du produit que de la forme de son emballage »(CA Paris 21 Mai 1987, R.D.P.I. 1987, n° 13, p. 169), de l’existence d’ « une création propre et originale » dansle sens de « non banal » et non dans celui qui lui est donné par le droit de la propriété intellectuelle (CA Paris 22Oct. 1987, P.I.B.D. 1988, n° 431, III, 170).155 …et, par hypothèse, en l’absence de tout droit privatif au titre de la législation relative aux dessins et modèles.156 CA Paris (4ème ch.) 7 Janv. 1988, Dior c/ J. Couturier, Ann. Propr. Ind. 1989, p. 271.157 Un parallèle peut ici être établi avec le « bon père de famille » bien connu des civilistes…
parasitaire - lui - s’apprécie d’abord en fonction des différences en vertu de ce souci sans
cesse croissant de privilégier et donc de croire (sans doute trop naïvement, surtout dans le
cadre de stricts rapports concurrentiels…) en la bonne foi des opérateurs économiques.
c - L’existence de faits justificatifs :
L’image pénale, en effet, nous apparaît juste dans la mesure où les ressemblances ou
similitudes constatées dans la présentation donnée aux produits sont non seulement
susceptibles d’être justifiées par diverses contraintes ou données fonctionnelles ( 1° ) mais
aussi de l’être en raison de l’existence de normes professionnelles ou de standards à respecter
impérativement ( 2° ).
1° - L’existence de contraintes ou de données fonctionnelles :
Une jurisprudence s’est établie en vertu de laquelle sont justifiées et donc non
sanctionnables les similitudes qui, constatées dans la présentation externe d’un produit, sont
cependant imposées par divers impératifs techniques à l’image, notamment, de la forme de
pots de yaourt « commandée par des données fonctionnelles inhérentes aux évolutions de la
technique » 159 ou de barquettes « imposée par la dimension des steaks à y contenir » 160 mais
aussi de la présentation de cahiers de vacances « dictée par le contenu des programmes » à
respecter 161 ou, selon un exemple bien connu, de la présentation et de la typographie de
magazines de télévision au sein desquels « la liste et les intitulés des émissions à mentionner
sont obligatoirement les mêmes » 162…
L’argument fut en revanche rejeté s’agissant de la similarité de flacons de shampooing,
la Cour d’appel de Toulouse ayant très finement relevé que « Les ressemblances relevées ne
sont pas la conséquence nécessaire de la nature du produit conditionné car, en matière de
conditionnement en carton, les techniques actuelles, tant de la cartonnerie que de
158 CA Paris (4ème ch.) 7 Janv. 1988, Dior c/ J. Couturier, réf. précitées.159 CA Paris (4ème ch.) 26 Nov. 1982, Soc. Sodima c/ Chambourcy, P.I.B.D. 1983, III, 78.160 CA Paris (4ème ch.) 22 Fév. 1989, Soc. Ise c/ Soc. Omni Pac, Cah. Droits d’auteur 1989, n° 20, p. 15.161 CA Paris (1ère ch.) 9 Nov. 1988, Soc. Guérault c/ Soc. Nathan, D. 1989, I.R. p. 294.162 Trib. Com. Paris 1er Mars 1988, Soc. Hachette c/ Soc. EDI, P.A. 25 Mai 1988, p. 28.
l’imprimerie, permettent la réalisation d’une infinité de formes, de graphismes et de couleurs
et ouvrent donc de très larges possibilités pour éviter toute ressemblance avec un
conditionnement concurrent » 163.
Au titre des contraintes ou données fonctionnelles, doit encore être cité le fait justificatif
pour le moins original qui fut mis en exergue par la Cour d’appel de Versailles le 16 Janvier
1997, à savoir celui…des « tendances du moment ». En effet, les faits de l’espèce avaient
notamment révélé qu’une société commercialisant des meubles et des biens d’équipement et
de décoration pour la maison sous l’enseigne Fly avait entrepris de modifier la présentation de
son catalogue afin d’ « adopter un style très proche » de celui diffusé par la société Habitat
concurrente puisque commercialisant le même type de biens : alors qu’elle s’estimait
confrontée au parasitisme de la première société, la société Habitat s’est étonnamment vue
opposer - sur ce point - par la Cour d’appel l’argument selon lequel l’une comme l’autre
s’étaient - pour la présentation de leur catalogue annuel - « inspirées des modes et tendances
du moment » et n’avaient par là même fait que se soumettre aux « considérations techniques »
imposées par ce type de présentation, ce qui conduisait donc à écarter tout effort créatif
prétendument fourni par la société Habitat 164.
2° - L’existence de normes professionnelles ou de standards :
Si les normes peuvent être définies comme les spécifications techniques adoptées par un
organisme de normalisation dont le plus connu est sans nul doute l’Association Française de
Normalisation (AFNOR), les standards - eux - sont, selon M.Bertrand, « des spécifications
techniques qui soit sont adoptées d’un commun accord par les professionnels, soit s’imposent
de facto à l’ensemble des industriels de par leur utilisation par le leader du marché »165.
Ainsi, si elle admet la similitude dans la forme de produits ou de conditionnements
lorsque celle-ci « répond à une politique commerciale de normalisation des produits qui ne
(peut) être considérée comme une pratique déloyale constitutive d’une faute » 166, la
jurisprudence - en revanche - sanctionne le parasitisme qui consiste à reproduire « non
163 CA Toulouse (2ème ch.) 20 Mai 1987, Soc. Farbec c/ Soc. PFC, P.I.B.D. 1987, III, 455.
164 CA Versailles 16 Janv. 1997, SA Habitat France c/ SA d’exploitation Rapp SER, D. Aff. 1997, n° 18, Chron.p. 565 et s. ; JCP éd. Ent. 1997, I, Pan. Actu. n° 398, p. 143.165 Bertrand (A.), cité par M. Marcellin (Y.) in Le droit français de la propriété intellectuelle, Cedat 1999,Huitième partie - Chap. second : La concurrence déloyale par parasitisme économique, p. 792 et s.166 Cass. Com. 7 Mars 1989, Soc. Allibert c/ Soc. Craemer, P.I.B.D. 1989, III, 461.
seulement…les parties fonctionnelles, où les similitudes sont rendues nécessaires par
l’application des normes standard et de moyens ou procédés techniques, mais encore…les
parties et les formes non fonctionnelles et même simplement décoratives…manifestant une
volonté de créer une confusion inévitable pour une clientèle même avertie » 167…
Le problème se pose toutefois plus particulièrement lorsque les normes adoptées par
l’entreprise leader sur le marché du produit considéré sont copiées sans son autorisation - et
donc purement et simplement parasitées - par la concurrence, étant ici plus particulièrement
visée la délicate question des produits dits « compatibles » d’ores et déjà étudiée et sur
laquelle nous ne reviendrons donc pas.
Au delà d’une simple imitation, l’usurpation portant sur le produit d’un concurrent peut
plus gravement encore consister en une reproduction ou « copie » servile dudit produit.
2) L’imitation illicite des produits eux-mêmes : le cas de la copie servile :
Constituant selon l’expression de M. Le Tourneau « le paroxysme de l’usurpation », la
copie servile du produit d’un concurrent incarne par là même le « summum » du parasitisme
puisqu’elle consiste en effet pour la personne du parasite à reproduire à l’identique le produit
d’un concurrent, produit qui - par hypothèse - a rencontré lors de sa commercialisation un vif
succès car où résiderait sinon l’intérêt du parasite…?
Etudier le phénomène de la copie servile suppose toutefois de distinguer le cas classique
( a ) du cas particulier de la copie d’une création du domaine public ( b ).
a - Le cas classique de la copie servile :
Ainsi est-il intéressant ici de préciser l’argumentaire développé par la Cour d’appel de
Paris le 16 Février 1989 à propos de la copie servile d’un modèle d’autocuiseur mis au point
et commercialisé par la société Seb.
En effet, alors que le défendeur se prétendait titulaire - sur le fondement du principe
fondamental de la liberté du commerce et de l’industrie - d’un « droit à la similitude » dans la
mesure où les procédés techniques de son concurrent n’étaient pas protégés par un quelconque
167 CA Paris (4ème ch.) 10 Avril 1962, Soc. Siedma c/ Lamarque, Ann. Propr. Ind. 1962, p. 240.
droit privatif et où aucun risque de confusion n’était établi, la Cour d’appel de Paris
commença par relever que « sur un marché où nul droit privatif ne crée une situation de
monopole, tous les agents économiques peuvent sur un pied d’égalité, s’efforcer d’accroître
leur part aux dépens d’un concurrent » avant de nuancer ses propos en ajoutant que « la
concurrence ne saurait toutefois s’exercer sans respecter les règles du jeu et dans le mépris des
usages loyaux du commerce qui seraient foulés aux pieds dès lors qu’une progression sur le
marché serait attendue non d’un effort personnel mais de pratiques parasitaires tendant à la
captation des fruits de celui d’autrui ».
Aussi la Cour d’appel, après en avoir déduit que « la condamnation du parasitisme ne
doit pas être restreinte au domaine de la propriété industrielle, artistique ou littéraire » et que
« bien plus, hors du champ des droits privatifs, elle s’impose quand bien même le parasite a
évité la confusion sur l’origine du produit car il importe d’assurer la protection de l’effort
économique de celui qui prend des initiatives coûteuses et risquées […] », jugea-t-elle en
l’espèce que l’égalité avait été rompue et le jeu de la concurrence faussé dans la mesure où la
société Tournus s’est épargnée ces frais en pénétrant sur le marché avec un objet industriel
dont la conception fut « entièrement guidée par le principe d’imitation », « le peu de créativité
mise en œuvre » n’ayant servi « qu’à prévenir le grief de recherche de confusion par des
modifications de détail au demeurant d’un coût suffisamment faible pour ne pas réduire
notablement l’avantage tiré du plagiat » 168.
Ainsi la Cour, en considérant que « ce comportement parasitaire constitue une faute
même à défaut d’une copie servile ou quasi-servile du moment que l’imitation du produit
concurrent a atteint son but, la diminution des sommes investies », a-t-elle a fortiori posé le
principe en vertu duquel la copie servile d’un produit peut être sanctionnée, qu’il y ait ou non
risque de confusion, du moment qu’elle permet à un concurrent de réaliser d’une part une
économie injustifiée et de proposer d’autre part le produit à un prix inférieur au produit copié.
1° - La copie servile, source d’économies diverses :
Le constat, en effet, est souvent fait par les tribunaux de ce que la reproduction (quasi)
servile de tel ou tel produit procure à son auteur - outre l’avantage évident d’une précieuse
économie d’argent et de temps, les coûteux efforts de recherche et d’études ayant d’ores et
168 CA Paris 16 Fév. 1989, Soc. Tournus c/ Soc. Seb, P.I.B.D. 1989, III, p. 398.
déjà été déployés par l’entreprise parasitée - le bénéfice d’une prise de risque minimale, le
succès d’un produit servilement copié n’étant de toute évidence plus à démontrer…
Ainsi la Cour d’appel de Paris, dans l’affaire « Ungaro » précitée, a-t-elle relevé à ce
propos que le fait de vendre un parfum dans un flacon et une boîte imitant celui et celle du
célèbre parfum « Diva » « n’appelle pas seulement un blâme d’ordre moral car (il) vise à
profiter des frais d’études et de mise au point assumés par le concurrent et à s’en faire une
arme contre lui [ étant ici visée l’économie de temps et d’argent réalisée par le parasite ] en
même temps qu’elle évite le risque d’un échec de la commercialisation dans la mesure où
celle-ci porte sur un produit proche d’un autre dont on sait qu’il a les faveurs du public [ étant
ici visé le peu de risque pris par le parasite ] » 169.
2° - La copie servile, source d’un prix moindre :
Par ailleurs, au delà de l’économie de temps, d’argent et de risque réalisée, les tribunaux
constatent le plus souvent que les frais qu’elle s’est épargnée ont qui plus est permis à
l’entreprise parasite de commercialiser le produit servilement reproduit à un prix inférieur à
celui pratiqué par l’entreprise parasitée : ainsi la Chambre commerciale de la Cour de
cassation a-t-elle pu relever, le 14 Décembre 1999, que « si la vente à un prix inférieur d’un
produit similaire à ceux d’un concurrent n’est pas en soi déloyale, elle le devient dès lors
qu’elle est le résultat d’agissements parasitaires » 170.
Ainsi l’observation de la jurisprudence permet-elle de constater que la pratique de la
copie servile, fréquemment sanctionnée, s’opère qui plus est par de nombreux moyens et
touche de nombreux types de produits.
3° - La copie servile, une pratique aux formes multiples :
Le copieur pourra notamment utiliser la technique du « surmoulage » d’un modèle ou
du décalque du dessin d’un concurrent. En effet, s’il est démontré que ce procédé très
spécifique a permis au copieur d’économiser les frais de recherche et de mise au point
169 CA Paris (4ème ch.) 18 Mai 1989, réf. précitées.170 Cass. Com. 14 Déc. 1999, n° 97-20. 274, Rev. Lamy Dr. Aff. 2000, n° 24, p. 22, obs. Storrer P.
nécessaires et de réduire ainsi son prix de revient à un prix inférieur à celui de son concurrent,
les juges considéreront sans nul doute qu’il y a là parasitisme du travail d’autrui 171.
De même le parasite pourra-t-il adopter la technique du « repiquage » applicable aux
disques, disquettes, cassettes ou CD-roms, technique dont certains arrêts sanctionnent le
caractère parasitaire : ainsi le Tribunal de grande instance de Paris, notamment, a-t-il jugé
qu’ « en reproduisant servilement, quelle que soit la durée de la reproduction, les sons
enregistrés initialement par la société Barclay sans le consentement préalable de celle-ci, le
célèbre producteur Paul Lederman, qui exerce sans nul doute la même activité que la société
Barclay, s’est approprié abusivement le résultat du travail et des frais effectués par cette
dernière » 172.
Au nombre des produits victimes de tels agissements, peut être entre autres cité le cas de
la copie servile d’un modèle de tissu ayant conduit la Cour d’appel de Paris à sanctionner
pour parasitisme « le fait de procéder à la reproduction servile d’un modèle de tissu
cachemire, commercialisé dès sa réalisation » dans la mesure où le dessin du tissu avait été
reproduit « dans ses moindres détails par un décalque exact » et où les mêmes coloris avaient
été adoptés de telle sorte que les concurrents du créateur n’ont pas eu à assumer les frais de
mise au point et de promotion du modèle engagés par ce dernier et ont donc indûment profité
de ses efforts…173
De même peut-on citer la copie servile…de thermostats d’ambiance par laquelle son
auteur « a fait preuve de parasitisme économique en profitant des efforts de la société
concurrencée pour mettre au point lesdits thermostats » 174, celle du dessin d’une virole par
laquelle la société fautive - en reproduisant le modèle de virole litigieux « sans y apporter de
modification, sans avoir procédé aux recherches et sans posséder le matériel nécessaire pour
sa création » - a dès lors « bénéficié de l’effort effectué par un concurrent » et « créé un risque
de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine des produits » 175…
b - Le cas particulier de la copie servile d’une création relevant du domaine public :
171 Citons notamment, pour le surmoulage : CA Paris (4ème ch.) 19 Déc. 1995, P.I.B.D. 1995, n° 608, III, 198 ;pour le décalque : CA Paris 20 Déc. 1989, D. 1989, Somm. p. 91.172 TGI Paris 7 Avril 1977, cité par Desjeux (X.), Le droit de la responsabilité civile comme limite au principe dela liberté du commerce et de l’industrie ( A propos de la sanction de la copie ), JCP éd. Ent. 1985, II, n° 14490.173 CA Paris (4ème ch.) 20 Déc. 1989, SA Sativ et a. c/ SA Saint-Ys et a., D. 1990, I.R. p. 32 ; D. 1991, Somm. p.91.174 CA Rennes 28 Janv. 1998, Soc. Import export du Velay c/ SA Delta Dore, JCP éd. G. 1998, II, Somm. Jur. n°3428.
Ce cas n’a en réalité de « particulier » que le domaine auquel il s’applique, celui des
créations issues du ou tombées dans le domaine public, car la jurisprudence a en effet déjà eu
l’occasion de déclarer qu’est constitutive d’un acte de concurrence parasitaire la copie servile
de telle ou telle création, indépendamment même du fait que cette création est depuis l’origine
dans le domaine public ou y soit tombée au terme du monopole d’exploitation conféré par le
brevet, la marque ou le modèle…
Il n’en a cependant pas toujours été ainsi, le principe de la liberté de la concurrence
conduisant en effet à reconnaître la possibilité de copie servile, d’imitation d’un produit qui se
trouve dans le domaine public. Seules, dès lors, les lois sur la propriété intellectuelle
pouvaient être auparavant invoquées pour justifier la sanction de la copie de telle sorte qu’un
dyptique s’était établi : - Soit le bien copié était protégé par un droit privatif relevant de la
propriété intellectuelle
- Soit le bien copié se trouvait dans le domaine public, sa copie étant
alors parfaitement licite.
Une tendance s’est alors faite jour qui tendait, en considération de ce que l’entreprise est
progressivement devenue « le lieu privilégié de l’investissement industriel, commercial ou
publicitaire » 176, à vouloir réprimer par tous les moyens la copie d’un bien économique, d’où
l’extension du champ d’application du droit de la propriété intellectuelle aux nouveaux biens
de l’entreprise et notamment aux logiciels élevés au rang d’œuvres de l’esprit par la loi du 3
Juillet 1985 destinée à protéger contre la copie un bien de caractère industriel représentant un
investissement économique.
Ainsi l’intervention du législateur témoignait-elle déjà du souci de protéger plus
efficacement contre la copie les valeurs économiques de l’entreprise, par hypothèse non
protégeables au titre des droits de propriété intellectuelle, souci qui fut relayé par un important
courant jurisprudentiel attaché à protéger, indépendamment de l’effort intellectuel, l’effort
économique que nul, en effet, ne peut piller impunément.
Ainsi par exemple la volonté jurisprudentielle de protéger par tous moyens les
investissements réalisés pour la conception du logiciel s’est-elle clairement exprimée dans
trois importants arrêts rendus le 7 Mars 1986 par l’Assemblée plénière aux termes desquels
175 Cass. Com. 24 Janv. 1995, SARL Jean Pironin c/ SARL Thiers viroles, JCP éd. G. 1995, IV, n° 734.176 Desjeux (X.), L’investissement économique et le droit de la propriété industrielle : du droit des brevets audroit des marques ?, Gaz. Pal. 1986, II, Doctr. p. 422 et s., spéc. n° 3.
« En l’absence d’un droit privatif, le logiciel peut parfaitement être protégé par l’action en
concurrence déloyale ou en cessation d’agissements parasitaires » 177.
Aussi la jurisprudence condamnant au titre du parasitisme la copie servile d’une
création relevant du domaine public ne vise-t-elle nullement à étendre inconsidérément les
droits de propriété intellectuelle mais à sanctionner le fait - pour un concurrent - de s’emparer
sans bourse délier des investissements industriels, économiques ou publicitaires d’une
entreprise plus innovante et d’avoir ainsi manqué aux impératifs de l’économie de marché
ainsi qu’aux règles de la morale commerciale en s’abstenant de toute précaution pour éviter
un risque de confusion 178, la Chambre commerciale de la Cour de cassation ayant alors
montré la direction à prendre en sanctionnant - à travers le comportement du copieur - le
détournement illicite de la clientèle résultant de celui-ci 179.
La Cour de cassation, en effet, n’a pas manqué les occasions de rappeler que la copie
d’un bien compris depuis l’origine - ou tombé - dans le domaine public pouvait être
sanctionnée sur le fondement du droit de la concurrence déloyale ou parasitaire : ainsi, tout
comme fut sanctionnée la copie servile d’un modèle 180 ou d’une œuvre artistique 181 tombé
(e) dans le domaine public, fut jugée constitutive d’un acte de concurrence parasitaire la copie
de la marque « Super Glue » et ce, alors même que cette marque avait été annulée en raison
de son caractère générique 182… De même, la Cour d’appel de Paris a-t-elle pu décider,
s’agissant de la mise en œuvre d’informations techniques contenues dans le brevet d’un
concurrent, brevet tombé dans le domaine public, que « Si les mécanismes n’étaient pas
protégeables dans leurs structures, les dispositifs mis en œuvre étaient ceux d’un brevet
tombé dans le domaine public » de telle sorte que si la machine du parasité « a été réalisée
177 Cass. Ass. Plén. 7 Mars 1986 (3ème espèce), Babolat / Pachot, D. 1986, Jur. p. 405 et s., concl. Cabannes, noteEdelman B. ; JCP éd. Ent. 1986, II, n° 14713, note Mousseron J.-M., Teyssié B. et Vivant M. : ces arrêts ont euà statuer sur des affaires dans lesquelles la loi du 3 Juillet 1985 sur la protection des logiciels n’était pasapplicable.178 Nous mesurerons, dans la seconde partie, l’ampleur de la controverse récemment née sur la dichotomieparasitisme / droit de la propriété intellectuelle.179 - Desjeux (X.), Le droit de la responsabilité civile comme limite au principe de la liberté du commerce et del’industrie - A propos de la sanction de la copie, JCP éd. Ent. 1985, II, n° 14490. - Du même auteur : La reproduction ou copie servile et l’action en concurrence déloyale dans la jurisprudencefrançaise ( JCP éd. C.I. 1976, II, n° 12066 ) ; L’investissement économique et le droit de la propriétéindustrielle : du droit des brevets au droit des marques ? ( Gaz. Pal. 1986, II, Doctr. p. 422 et s.).180 Cass. Com. 4 Janv. 1984, P.I.B.D. 1984, II, 149 (copie de modèles de montres).181 Cass. Com. 18 Janv. 1982, R.I.D.A. 1982, p. 150 (copie par photocopie d’un dictionnaire français-provençal).182 Cass. Com. 6 Nov. 1984, Super Glue 3 c/ Super Glue, Ann. Propr. Ind. 1985, p. 146.
grâce à des travaux de mise au point précis, longs et coûteux », celle du parasite « qui en a
recopié seulement les éléments a été réalisée à moindre coût de façon parasitaire » 183.
Un dernier point, enfin, mérite d’être développé. Le problème de la copie servile, en
effet, s’est par ailleurs posé de manière accrue dans le domaine de l’industrie pharmaceutique.
Parce que le laboratoire qui met au point un nouveau médicament, en effet, effectue un
important investissement industriel, commercial et publicitaire qu’il s’agit de rentabiliser par
sa mise sur le marché 184, il est incontestable que l’imitation d’un médicament par un
concurrent - au demeurant assez aisée et peu coûteuse - va causer au laboratoire « piraté » un
trouble commercial extrêmement profond et ce, d’autant que les produits copiés sont le plus
souvent ceux qui se vendent le mieux et représentent pour le laboratoire imité une partie
substantielle de son chiffre d’affaires…
Aussi paraît-il évident que celui qui copie un médicament en l’absence ou à l’expiration
de la durée du monopole d’exploitation conféré par le brevet se conduit en parasite puisqu’il
bénéficie ainsi, sans ‘‘mettre la main au porte-monnaie’’, du résultat de tous les frais de
recherche et des démarches engagées pour l’obtention de l’autorisation de mise sur le marché
et - plus généralement - de l’ensemble des investissements réalisés par le laboratoire parasité,
investissements dont le parasite s’économise en effet le coût extrêmement lourd alors qu’ils
représentent pour le parasité une valeur économique qui lui est propre 185.
Dès lors, parce que la copie par un concurrent de cet investissement est assurément
génératrice d’un trouble économique d’autant plus grave que les économies réalisées
permettront au parasite - selon un phénomène déjà constaté - de commercialiser son produit à
un prix inférieur à celui du produit initial concurrent, le principe doit être posé en vertu duquel
le laboratoire qui a conçu et mis au point un nouveau médicament peut, à l’expiration de la
durée du monopole de son brevet, agir à l’encontre du copieur en concurrence déloyale ou
parasitaire chaque fois que le risque de confusion ou la copie résultant du pillage de
l’investissement économique susceptible de causer un préjudice est constaté (e).
Une divergence, cependant, apparaît entre la jurisprudence qui donc sanctionne la copie
de médicaments et la politique de sécurité sociale qui, afin de combler le déficit chronique de
183 CA Paris 4 Avril 1991, P.I.B.D. 1991, III, 625.184 …et ce, alors qu’un nouveau médicament n’est en moyenne commercialisé que dix à douze ans après ladécouverte de la molécule de telle sorte que la durée réelle de l’exclusivité d’exploitation d’un médicament est leplus souvent inférieure à dix ans (d’où la loi du 25 Juin 1990 venue créer le certificat complémentaire deprotection).185 Desjeux (X.), La copie du médicament : un acte de concurrence parasitaire ?, JCP éd. Ent. 1987, II, n° 14929.
celle-ci, encourage quant à elle la commercialisation et la prescription des médicaments
génériques, véritables « copies conformes » de médicaments de marque, au prix ( et donc au
remboursement ) cependant bien moindre… : l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Versailles
le 29 Mars 2001 témoigne parfaitement de ce cercle vicieux en énonçant, à propos d’un
laboratoire dont la responsabilité était recherchée pour avoir lancé et commercialisé - à partir
du médicament de marque « Bétadine » - un médicament générique baptisé « Poliodine », que
« le tribunal a, à juste titre, rappelé que la fabrication et la diffusion de produits
pharmaceutiques identiques aux princeps correspond à la définition même du médicament
générique, de telle sorte que l’imitation du produit princeps afin de le substituer totalement
dans la pratique médicale ne peut être considérée comme parasitaire » 186…
B) L’usurpation d’une technique :
L’usurpation, en effet, peut porter sur une technique, notion qu’il convient semble-t-il
d’envisager dans son sens le plus large et qui conduit donc à protéger sur le fondement du
droit commun de la responsabilité civile tous les « efforts créatifs » déployés par tel ou tel.
Seront donc sanctionnés sur ce fondement, outre l’imitation des méthodes ou
innovations commerciales ( 2 ), des plans, études ou travaux ( 3 ) d’un tiers, l’imitation de
toute sorte de « concepts », terme certes extrêmement flou mais qui - s’il n’est apparu que
récemment en jurisprudence - tend néanmoins à prendre, comme nous le verrons, une
importance considérable ( 1 ).
1) L’imitation de concepts :
Le terme, ainsi que nous allons le constater, recouvre les domaines les plus variés et
témoigne de la richesse du corpus jurisprudentiel en la matière.
a - L’imitation du « look » d’un concurrent :
Parce qu’il est bien souvent nécessaire, pour donner à son établissement un « look »
particulier, de déployer d’importants efforts intellectuels ainsi que des efforts financiers
186 CA Versailles (12ème ch.) 29 Mars 2001, Soc. Asta Medica c/ Soc. Gifrer Barbezat, D. 2002, Somm. p. 1259
considérables et parce qu’il serait donc totalement inéquitable de laisser ces efforts sans
protection, à la merci de « pilleurs sans scrupules », la jurisprudence s’est employée à
chercher sur quel fondement juridique appuyer la condamnation de tels agissements
parasitaires, fondement qu’elle a trouvé dans la notion d’ « idée commerciale ».
Par un jugement en date du 23 Mars 1992 187 en effet, le Tribunal de commerce de Paris
est donc venu, dans le cadre spécifique d’un réseau de distribution, reconnaître la valeur
économique et la nécessaire protection de l’idée commerciale, évolution jurisprudentielle
rendue nécessaire tant il est vrai que l’originalité de certains réseaux ne provient plus
exclusivement de la marque ou des modèles proposés à la clientèle mais résulte également
d’une certaine façon de vendre ou de présenter ainsi que de nombreux petits détails, infimes
certes mais dont la réunion assure à l’entreprise une plus grande rentabilité… : la création
d’une « ambiance » ou d’un « look » particulier est de ceux-là.
Ainsi la reconnaissance de l’idée commerciale, en ce qu’elle permet de donner au réseau
de franchise une identité qui lui soit propre, a-t-elle permis d’offrir aux créateurs une sécurité
accrue contre les véritables « pillages » dont ils étaient victimes de la part de concurrents à la
fois désireux de capter la clientèle du réseau et tentés, pour ce faire, de s’économiser les
efforts intellectuels et financiers nécessaires en s’inspirant directement des modes de
présentation et d’organisation adoptés par tel ou tel réseau pour ses points de vente et donc en
copiant impunément ce qui constitue l’originalité même, le savoir-faire dudit réseau.
Parce que la présentation, l’organisation et l’aménagement intérieur et extérieur d’un
magasin mais aussi les modalités spécifiques de vente propres à chaque réseau sont en effet
autant d’éléments qui font partie intégrante du savoir-faire de chaque franchiseur, la
jurisprudence est donc logiquement venue reconnaître la valeur économique de l’idée
originale mise en œuvre par tel ou tel franchiseur pour attirer à lui plutôt qu’à tel ou tel autre
la clientèle.
Ainsi la valeur économique de l’idée commerciale fut-elle clairement posée par le
Tribunal de commerce de Paris dans le célèbre arrêt « Chevignon » précité aux termes duquel
« L’idée novatrice sur le plan commercial de Chevignon avait été de lancer ses modèles sur le
marché avec un style publicitaire recréant à l’instar des fabricants de cigarettes la manière de
vivre décontractée et sportive que les publications américaines affichaient dans les années
1950 » : les juges, en effet, ont affirmé que « c’est cette idée commerciale qui représente une
et s., obs. Serra Y.
importante valeur économique pour Chevignon et non pas la conception des modèles de
vestes, dont l’originalité ne peut être démontrée par la requérante ».
Aussi les réseaux de franchise, en ce qu’ils impliquent une standardisation de leurs
points de vente indispensable en effet à la mise en place du savoir-faire du franchiseur ainsi
qu’au respect de la qualité des standards du système, ont-ils ouvert la voie à une jurisprudence
de plus en plus fournie.
Au sein de celle-ci, peut notamment être cité, dans le domaine plus particulier de la
franchise de salons de coiffure, l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 1er Juillet 1993,
espèce au sein de laquelle la société Cinderella reprochait à la société Favec d’avoir parasité
l’idée commerciale qui était sienne, en l’occurrence celle d’un « look » spécifique donné aux
salons de coiffure Jean-Claude Biguine, et ce, tant au niveau de la présentation intérieure par
la copie de la disposition du matériel, des couleurs de la décoration ainsi que des tenues
vestimentaires du personnel qu’au niveau de la présentation extérieure par la copie des
couleurs utilisées sur la façade ainsi que de la formule commerciale apparaissant sur la vitrine.
Or, s’ils ont estimé, en ce qui concerne la présentation extérieure, qu’il n’y avait pas eu
copie manifeste, les juges d’appel - après que les premier juges aient relevé que la disposition
du matériel, les couleurs de la décoration et les tenues vestimentaires présentaient « une
certaine identité » - ont effectivement constaté que la société Favec avait, d’une part, loué ses
peignoirs auprès du même fournisseur que la société Cinderella et choisi en outre le même
modèle que cette dernière mais aussi qu’elle avait, d’autre part, ‘‘choisi’’ de peindre les murs
de son salon dans la même couleur saumon que ceux de Cinderella : aussi la Cour d’appel en
a-t-elle logiquement déduit que « ces deux éléments repris à l’identique, même s’ils ne
peuvent entraîner de confusion chez le client, témoignent des agissements parasitaires de la
société Favec qui s’est épargné des frais de conception et s’est approprié les fruits de l’effort
économique de Cinderella, en reproduisant grâce à l’expérience acquise au contact de
Cinderella une partie significative du savoir-faire de cette dernière » 188.
Ainsi la valeur économique de l’idée commerciale est-elle désormais reconnue à travers
la prise en compte du savoir-faire, de la valeur publicitaire mais aussi de tout autre élément
d’identification en général permettant de créer une image de marque spécifique, conséquence
de la standardisation inhérente à tout réseau de franchise. A ce titre, dès lors, s’est développée
une tendance par laquelle de plus en plus de chaînes de magasins ont cherché, dans des
187 Trib. Com. Paris 23 Mars 1992, Chevignon, Petites Affiches 4 Juin 1993, p. 19 et s., note Gast O.
secteurs variés, à protéger leur mode d’agencement, ce qui a donné naissance à un contentieux
spécifique qu’il nous faut à présent envisager.
b - L’imitation de l’architecture intérieure d’un concurrent :
Un principe, en effet, fut progressivement posé en jurisprudence, principe en vertu
duquel l’imitation de l’architecture intérieure d’un commerce par un concurrent - à partir du
moment où l’agencement en question a nécessité de longues et coûteuses recherches et
participe de l’image de marque de l’entreprise ou du réseau - est donc susceptible d’être jugée
constitutive d’un acte de concurrence déloyale ou parasitaire.
Ainsi cette jurisprudence trouve-t-elle son fondement dans le long procès en parasitisme
intenté et finalement gagné par le groupe de parfumeurs Mandonnaud contre le magasin
Patchouli d’Hérouville. Dans cette affaire en effet, il était reproché au magasin Patchouli sis à
Hérouville d’avoir reproduit l’agencement caractéristique des célèbres parfumeries Séphora et
d’avoir ainsi cherché à s’inscrire dans le sillage de celles-ci en voulant faire naître la même
« ambiance », le groupe Mandonnaud ayant fait valoir à l’appui de sa demande qu’il avait,
d’une part, déposé à titre de marque l’identité visuelle de l’un de ses points de vente, en
l’occurrence le caractère spécifique de son agencement mais aussi l’ensemble de ses éléments
de décoration et des couleurs employées et qu’il avait, d’autre part, protégé - par le biais de
dépôts de modèles - quatre éléments caractéristiques de son agencement, à savoir trois
présentoirs et une niche utilisés pour la valorisation des flacons de parfum.
Aussi le Tribunal de grande instance de Paris a-t-il estimé, le 4 Mai 1995, par un
jugement confirmé en appel, que l’importante similitude qui existait entre les deux magasins
relevait assurément d’une « volonté délibérée de la société Patchouli de se mettre dans le
sillage du concurrent » et a donc condamné celle-ci pour faits de parasitisme 189. Précisons
d’ailleurs que le TGI de Paris a une nouvelle fois donné raison au groupe Mandonnaud en
condamnant dans une affaire similaire, et sur la foi des mêmes arguments, la SARL Patchouli
Valence pour concurrence parasitaire. Cette condamnation fut là encore confirmée par la Cour
d’appel de Paris venue, le 25 Juin 1997, déduire de ce que Patchouli Valence avait adopté la
même combinaison de couleurs que celle des points de vente Séphora mais aussi les mêmes
éléments de présentation et la même disposition pour certains produits le parasitisme du
188 CA Paris 1er Juill. 1993, SARL Favec c/ SA Cinderella, Petites Affiches 18 Oct. 1993, Jur. p. 12 et s.
travail d’autrui : « Un tel comportement, décide-t-elle en effet, (en ce qu’il) trahit la volonté
de Patchouli Valence de bénéficier à moindres frais des études et des travaux réalisés par
Séphora pour offrir à la clientèle un lieu de présentation et de vente à la fois attrayant et
fonctionnel est constitutif de concurrence parasitaire » 190.
Ainsi les faits de l’espèce rappellent-ils ceux d’une affaire ayant mis en cause un
magasin Leclerc auquel il était en effet reproché d’avoir imité l’espace architectural intérieur
des magasins du groupe FNAC, affaire dans laquelle le Tribunal de grande instance de Paris a
contre toute attente conclu à l’absence de comportement parasitaire du groupe Leclerc après
avoir affirmé qu’ « il n’est pas démontré que l’architecture intérieure d’un magasin soit un
élément déterminant dans le choix du client, par rapport à d’autres critères, tel un service de
qualité » de telle sorte que « seule une reproduction identique de l’architecture intérieure
serait donc fautive »…puis ajouté que « la reproduction à l’identique d’une architecture
intérieure ne peut être fautive que s’il y a un détournement de clientèle », la confusion étant
selon lui insuffisante à caractériser le parasitisme 191.
Ainsi le TGI soumet-il en l’espèce la caractérisation des faits de parasitisme à deux
conditions : - D’une part, l’architecture intérieure adoptée par tel ou tel groupe doit permettre,
à elle seule, d’identifier les magasins de son enseigne et donc constituer l’un des éléments
attractifs de la clientèle, ce qui n’était - selon le tribunal - pas le cas en l’espèce.
- D’autre part, l’utilisation par un tiers concurrent de ce concept architectural
spécifique à tel ou tel groupe doit être de nature à créer une confusion préjudiciable dans
l’esprit de la clientèle et donc conduire au détournement de celle-ci, ce qui n’était une
nouvelle fois pas démontré en l’espèce.
Or, cette double exigence se trouvera une nouvelle fois énoncée par la jurisprudence
dans une affaire relative à l’exploitation par une société d’un magasin de produits cosmétiques
et diététiques dans la galerie marchande d’un hypermarché Leclerc, le problème ayant surgi
de ce que cet espace de vente, peint dans les mêmes couleurs, se trouvait signalé par des
enseignes lumineuses portant en lettres vertes sur fond blanc le terme « parapharmacie » ainsi
que par des affiches portant la mention « pharmacien conseil » et illustrées du logo Leclerc.
Or, le Conseil national de l’ordre des pharmaciens vit dans la réunion de ces différents
189 TGI Paris 4 Mai 1995, P.I.B.D. 1996, n° 607, III, 168.190 CA Paris 25 Juin 1997, SARL Patchouli Valence c/ SA Séphora, D. Aff. 1997, n° 29, p. 926 et s. ; D. 1999,Somm. p. 96, obs. Izorche M.-L.191 TGI Paris (3ème ch.) 21 Févr. 1996, SA FNAC et a. c/ Association des centres distributeurs Edouard Leclerc eta., P.I.B.D. 1996, n° 612, III, 322 ; D. 1996, I.R. p. 95 ; D. Aff. 1996, n° 13, p. 38 et s.
éléments de présentation un « faisceau d’indices concordants » témoignant de la volonté
manifeste de la société de recréer l’environnement-type de toute officine pharmaceutique et
donc de s’approprier la réputation de qualité et de sécurité attachée au circuit officinal.
Si un parallèle semblait donc pouvoir être fait avec les affaires Séphora où la
jurisprudence avait caractérisé les faits de parasitisme en se fondant sur la simple
juxtaposition d’éléments similaires de présentation, la Chambre commerciale de la Cour de
cassation en décida néanmoins tout autrement 192.
Les juges, en effet, ont d’une part relevé que le mode d’agencement, l’utilisation d’un
mobilier modulable et les couleurs vert et blanc choisies par le distributeur aboutissait à créer
un « environnement dépourvu d’originalité » dès lors « impropre, par sa banalité, à
caractériser le cadre-type d’une officine » avant, d’autre part, de considérer que le logo
incriminé - un ‘‘L’’ de couleur blanche sur fond vert - ne présentait aucune similitude avec la
croix verte, marque collective dont est titulaire le C.N.O.P., et évoquait surtout dans l’esprit
du consommateur l’appartenance de l’espace de parapharmacie en cause au circuit de grande
distribution Leclerc dont l’enseigne elle-même, en effet, reproduit le ‘‘L’’ en question.
Ainsi la Cour de cassation confirme-t-elle ici la jurisprudence FNAC / Leclerc en
précisant qu’aucun des signes de rattachement invoqués par le C.N.O.P. n’était de nature à
tromper la clientèle et en excluant que leur cumul puisse produire cet effet : l’exigence de la
preuve d’un risque de confusion dans l’esprit des consommateurs entre parasite et parasité est
en effet réaffirmée.
L’ambiance, enfin, semble « inspirer » les tribunaux. La célèbre société Le Club
Méditerranée avait en effet reproché à une maison de disques d’avoir conçu et commercialisé
un disque intitulé « Bienvenue au Club », disque comportant qui plus est la chanson-phare
dudit club, et d’avoir ainsi parasité l’ambiance dite « club » recherchée par les animateurs de
celui-ci : la Cour d’appel de Paris n’hésitera pas à faire sienne cette analyse en considérant
que la référence « implicite mais dénuée d’équivoque » à une entreprise exploitant des centres
de vacances notoirement connue révélait la volonté de la maison de disques de se placer dans
le sillage de la première, de bénéficier indûment des efforts essentiellement publicitaires et
192 - Cass. Com. 16 Janv. 2001, Conseil national de l’Ordre des pharmaciens c/ Soc. Levallois distribution et a.,D. 2001, Actu. jur. p. 777 et s., obs. Rondey C. ; Petites Affiches 16 Mai 2001, p. 13 et s., note Fouassier E. ;Contrats - Conc.- Cons. Mars 2001, Jur. n° 43, p. 15 et s. - Sur pourvoi de : CA Paris 27 Nov. 1998, D. 1999, Jur. p. 661, note Fouassier E. et Fallet P.
promotionnels réalisés par celle-ci mais aussi du renom qui lui est propre « et notamment de
la réputation attachée à son image de leader des clubs de vacances » 193.
c - La reprise d’un concept d’émission :
La sanction du parasitisme des investissements économiques d’autrui aura par ailleurs
conduit la jurisprudence à considérer qu’un concept d’émission de télévision ne pouvait être
repris par un concurrent et ce, nonobstant les modifications qui aient pu y être apportées.
Doit à cet égard être cité l’arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de
cassation le 7 Février 1995 dans une affaire retentissante ayant opposé TF1 et Antenne 2.
Les faits de l’espèce étaient les suivants : alors qu’Antenne 2 avait lancé en septembre
1991 une émission à succès baptisée « La nuit des héros » et en avait confié la présentation à
deux célèbres animateurs, MM. Cabrol et Théron, ces deux derniers présentèrent dès juillet
1992 leur démission pour être aussitôt réengagés par la chaîne concurrente, TF1. Or, et alors
même d’ailleurs que leurs contrats respectifs leur interdisaient de collaborer dans des
émissions similaires, MM. Cabrol et Théron ne tardèrent pas à réapparaître à l’antenne
puisque TF1 leur confia en effet dès septembre 1992 la présentation d’une émission très
comparable à la première et intitulée « Les marches de la gloire ».
Aussi cette reprise du concept d’un reality show fut-elle jugée constitutive d’un
comportement parasitaire et ce, tant par la Cour d’appel que par la Cour de cassation. Ainsi la
Cour d’appel - après avoir considéré que « s’il n’est pas en soi critiquable de produire des
émissions en série mettant en scène des personnages réels et relatant des événements vécus, il
n’est en revanche pas acceptable de plagier l’émission d’un concurrent en adoptant, outre le
thème, la construction, le découpage et la durée, la structure des séquences et le style de
présentation » - a-t-elle qualifié le comportement de TF1 de « parasitaire » dans la mesure,
souligne-t-elle notamment, où « il est…évident que la chaîne Antenne 2 a engagé des frais
d’étude, d’adaptation et des investissements pour le lancement de « La nuit des héros » de
telle sorte que « TF1 a profité du travail, de la réputation et du succès d’Antenne 2, causant
ainsi un préjudice tant financier que moral à cette dernière » 194.
193 CA Paris (4ème ch.) 11 Mars 1998, SA EMI France c / SA Le Club Méditerranée et a., D. 1999, Somm. p. 97,obs. Izorche M.-L.194 CA Versailles (13ème ch.) 11 Mars 1993, TF1 c/ Antenne 2, D. 1993, Somm. p. 244, note Hassler T.
La Chambre commerciale ne fera ensuite que confirmer cette décision. En effet, après
avoir constaté comme l’avait fait la Cour d’appel que « les deux séries télévisées…sont
fondées sur un concept identique, ont une construction similaire mettant en parallèle les
valeurs de la vie quotidienne et le sport », que « le découpage a sensiblement la même
structure avec la même durée des séquences », que « les genres musicaux sont proches » et
que « la partie dite plateau est comparable pour la présentation », la Cour de cassation
souligna qu’ « en l’état de ces constatations, et abstraction faite de motifs surabondants
concernant les économies qui avaient pu être faites par TF1, la Cour d’appel a pu décider
…que les agissements de la société TF1 étaient constitutifs d’activité parasitaire à l’égard de
la société Antenne 2 » 195. Ainsi la Chambre commerciale, tout en en reconnaissant
l’existence, jugea-t-elle même inutile d’invoquer le critère de l’économie d’investissements
réalisée par TF1, le parasitisme de la notoriété du concept imaginé par Antenne 2 lui ayant
paru suffisant…
Ainsi, s’il ne s’agissait en aucune façon ici d’empêcher TF1 de produire son propre
reality show, il s’agissait en revanche de lui interdire d’adopter pour ce faire un comportement
parasitaire consistant à plagier une émission concurrente, comportement qu’aucune nécessité
technique n’était susceptible de justifier.
d - La reprise d’un concept d’œuvre musicale :
Dans un sens et un domaine voisin, il est intéressant de souligner que l’affaire de « La
nuit des héros » a conduit la jurisprudence à s’enrichir et à condamner ainsi, à l’image de la
reprise d’un concept d’émission de télévision, celle d’un concept d’œuvre musicale.
Une société de production détentrice des droits sur un enregistrement musical baptisé
« Les Tambours du Bronx », en effet, est venue reprocher aux chaînes de télévision TF1 et
Eurosport de s’être trop inspiré - pour la réalisation d’un clip publicitaire promotionnel - de
deux vidéo-musiques (ou « clips ») « présentant une originalité et portant l’empreinte
personnelle de (leur) auteur ». Le Tribunal de commerce de Nanterre fit droit à cette demande
195 - Cass. Com. 7 Fév. 1995, SA TF1 c/ SA Antenne 2 et a., JCP éd. G. 1995, II, n° 22411, note Le TourneauP. ; D. 1997, Somm. comm., obs. Picod Y. ; RJDA 6 / 1995, n° 789, p. 627 et s. - Contra : CA Versailles (14ème ch.) 27 Sept. 1995, TF1 c/ SA Plaisance films, D. 1997, Somm. p. 83 et s,obs. Hassler T. : la Cour estime que la banalité du thème de l’émission - les phénomènes paranormaux - et de sontraitement empêche de reconnaître à celle-ci une originalité au regard de laquelle la nouvelle émission pourraitconstituer une contrefaçon ou un comportement parasitaire.
en considérant que ces agissements étaient constitutifs d’activité parasitaire, les défenderesses
ayant entendu - par la reprise du « concept global » de l’une de leurs compositions - se placer
dans le sillage des célèbres « Tambours du Bronx » et utiliser ainsi « de façon intéressée une
valeur économique d’autrui, fruit d’un savoir-faire et d’un travail intellectuel lorsque cette
valeur n’est pas protégée par un droit spécifique » 196.
e - La reprise d’un concept publicitaire :
Cette question donne l’occasion de revenir sur un principe d’ores et déjà évoqué,
principe en vertu duquel l’absence de banalité serait nécessaire au succès de l’action en
concurrence déloyale ou parasitaire sans pour autant que soit exigé un caractère d’originalité
qui, lui, ressortit aux conditions nécessaires pour bénéficier du droit de la propriété littéraire et
artistique.
Ainsi par exemple les formules publicitaires « Le mariage n’est pas une loterie » ou
« SOS Dépannage », à défaut d’être originales, sont-elles à tout le moins non banales et ont
donc pu être protégées par le biais de l’action en concurrence déloyale contrairement au
slogan « Encore plus pur, encore plus doux » que son caractère purement descriptif rendait en
effet banal…
Cependant, il semble évident que la distinction banal - non banal, aussi séduisante et
pratique qu’elle puisse être, sera le plus souvent difficile à mettre en œuvre tant le passage du
banal au non banal est étroit, la jurisprudence compliquant davantage encore la situation en
s’attachant au risque de confusion ainsi qu’au caractère plus ou moins servile de l’imitation et
en ne faisant donc du caractère banal ou non banal de l’idée publicitaire qu’un élément parmi
d’autres 197.
Aussi la jurisprudence semble-t-elle depuis avoir éclairci la situation, et notamment par
un arrêt de la Cour d’appel de Paris en date du 26 Juin 1996 mettant en cause une célèbre
entreprise de vente par correspondance qui proposait à la vente sur catalogue un produit
destiné à l’entretien du cuir en des termes similaires à ceux du message publicitaire d’une
196 T. Com. Nanterre (7ème ch.) 25 Juin 1996, Soc. Les Tambours du Bronx productions c/ TF1 et a., D. 1998,Somm. p. 127.197 Citons ici un arrêt dans lequel la Cour d’appel de Paris exige à la fois, pour que puisse être sanctionnée lareprise par un concurrent d’une idée publicitaire, l’existence d’un risque de confusion, celle d’une faute ainsi quele caractère non banal (c’est à dire non descriptif) des termes ou formules employés (CA Paris (4ème ch.) 17 Nov.1992, Ehrenreich et SARL Argos c/ Soc. Madura SA, JCP éd. Ent. 1993, II, Jur. n° 418, p. 79 et s., note GreffeF.).
société concurrente, laquelle lui reprochait donc d’avoir servilement copié son message
publicitaire tant au niveau des expressions que de la mise en page, des photographies et de
l’argumentaire 198.
Ainsi la Cour d’appel se fonde-t-elle, pour établir l’intention délibérée de la société de
VPC de se placer dans le sillage de sa concurrente et de tirer profit à moindres frais des efforts
publicitaires particulièrement importants développés par celle-ci, sur les similitudes relevées,
lesquelles - souligne-t-elle - ne sont pas fortuites et peuvent créer une confusion dans l’esprit
du public moyennement attentif « qui ne dispose pas en même temps sous les yeux des deux
publicités ».
Deux constatations, dès lors, doivent être faites : - D’une part, la Cour d’appel écarte en
l’espèce toute considération relative au caractère banal ou non des expressions utilisées alors
même que le seul constat de la banalité de celles-ci, avérée ici 199, aurait pu conduire les juges
à énoncer la solution contraire en refusant de voir dans la reprise d’expressions pour le moins
banales un quelconque acte de concurrence parasitaire…
- D’autre part, la Cour d’appel, en
relevant le caractère mensonger de l’allégation « Vu à la télé », met ici superbement en
exergue le comportement parasitaire de la société de VPC : le parasitisme des investissements
réalisés par sa concurrente, en effet, prend ici une forme pour le moins originale puisque la
société fautive ne se donne même pas la peine de recopier le message (pourtant banal…)
employé par celle-ci, préférant beaucoup plus simplement y renvoyer et s’économisant ainsi
de considérables efforts en suggérant à la clientèle que le message télévisé par son concurrent
est le sien 200…
Au delà de la reprise de slogans, la jurisprudence en la matière a également eu à
connaître de la reprise de thèmes publicitaires et notamment par un arrêt particulièrement
significatif du 3 Mai 2000 ayant jugé constitutif de parasitisme le fait par une association de
prévention routière de reprendre dans des affiches les concepts choisis par l’auteur d’autres
affiches consistant à évoquer les conséquences dramatiques des accidents de la circulation par
des images sobres mais porteuses d’un message fort, caractérisées par la seule présence d’un
fauteuil pour handicapé vide ou d’un ours en peluche abandonné au milieu de la chaussée et
198 CA Paris (4ème ch.) 26 Juin 1996, SA France direct service c/ SARL Estheticuir, D. Aff. 1996, n° 36, p. 113et s.199 Sont en effet pour le moins banales des expressions ou formules telles que « Redonnez l’éclat du neuf à tousvos cuirs », « Jugez plutôt du résultat » ou « Vu à la télé »…200 Pour une stratégie analogue : CA Paris 9 Avril 1992, D. 1993, Somm. p. 152.
ce, alors que ces deux concepts « témoignent d’un réel travail intellectuel et présentent une
valeur économique indéniable » 201. Il est intéressant de constater que la Cour d’appel de
Paris, en reprenant l’historique des campagnes de prévention routière précédemment menées,
s’est en l’espèce implicitement référée à un critère que les tribunaux prennent parfois - mais
assez rarement - soin d’écarter : ce critère, en effet, est celui du « hasard » que les juges visent
parfois pour considérer, selon l’expression consacrée, que les similitudes constatées « ne
peuvent en aucun cas être le fait du hasard ».
Le raisonnement adopté par la Cour d’appel de Paris le 25 Octobre 1989 est sur ce point
patent 202. En l’espèce en effet, parce qu’un laboratoire avait lancé une campagne publicitaire
au profit de l’un de ses produits en l’associant à la grande muraille de Chine, la Cour d’appel
de Paris a logiquement déclaré coupable de concurrence parasitaire le laboratoire concurrent
qui avait en effet élaboré une publicité pour un produit similaire et adopté - par l’emploi de la
même photographie de fortifications - la même association. Excluant logiquement tout hasard
« dans une rencontre si insolite », les juges insistent ici sur la confusion nécessairement
engendrée dans l’esprit de la clientèle des médecins par la reprise - pour la publicité et la
présentation d’un produit similaire - de l’association selenium - muraille de Chine, confusion
conduisant dès lors à « faire glisser » du premier au second produit la connaissance des effets
du selenium : aussi la Cour a-t-elle jugé constitutive d’une « publicité parasitaire » la reprise
de l’association créée par la première campagne publicitaire, voyant même dans l’utilisation
de la même photographie de fortifications 203 une sorte de « circonstance aggravante »…
2) La reprise de méthodes ou d’innovations commerciales :
Le parasitisme sera par ailleurs encore aisément mis en évidence s’il consiste à
s’approprier purement et simplement l’innovation commerciale d’un concurrent.
Aussi la Cour d’appel de Paris, après avoir relevé que « Constitue une innovation
commerciale pour des horoscopes mensuels la présentation sous forme de rouleaux, forme
ancienne des livres », estima donc logiquement que s’était rendu coupable d’actes de
201 CA Paris (4ème ch.) 3 Mai 2000, Soc. LG Conseil Utopies c/ M. Jammes, RJDA 2000, n° 12, DC n° 1191, p.959.202 CA Paris (4ème ch.) 25 Oct. 1989, Soc. des Laboratoires de l’EAF c/ SA les Laboratoires Herbaxt, D. 1989,I.R. p. 300.203 …alors, va-t-elle jusqu’à souligner, que « les perspectives sont innombrables » et peuvent être prises « àtravers des paysages très différents »…
concurrence parasitaire « le commerçant qui, conscient de l’innovation commerciale exploitée
par un concurrent, adopte un comportement suiveur afin de tirer profit des efforts de celui-ci
en reproduisant la forme de rouleaux pour présenter un horoscope mensuel, cette forme, qui
n’est pas une nécessité technique, constituant une source certaine de confusion même si la
couleur du rouleau pouvait être différente, dès lors que la clientèle d’attention moyenne qui
n’aurait pas les deux produits simultanément sous les yeux est susceptible de se tromper sur
leur origine… » 204.
Il est à cet égard intéressant de signaler que la Chambre commerciale de la Cour de
cassation est le 26 Janvier 1999 venue préciser en ce domaine le mode d’appréciation du
parasitisme.
Une société avait en effet mis au point une méthode de commercialisation des bananes
consistant à livrer aux revendeurs un présentoir en plastique prêt pour la mise en rayon. Ainsi
la Cour eut-elle à connaître des agissements d’une société concurrente, laquelle en effet avait
repris l’un des trois éléments du concept en question, en l’occurrence le bac en plastique : or,
la Chambre commerciale a, contre toute attente, refusé de condamner pour concurrence
parasitaire cette dernière société après avoir retenu que « seul l’ensemble des éléments
composant ce concept, comprenant avec le bac, le présentoir et le système d’affichage, devait
être pris en considération » pour apprécier l’existence d’un acte de parasitisme 205.
Ainsi, et comme le relève M. Emery, cette solution suggère-t-elle une inflexion assez
subtile dans la façon d’envisager l’acte de parasitisme puisque si la copie ou l’usurpation peut
porter sur des éléments isolés d’un concept, il ressort toutefois de cet arrêt que la copie ou
l’usurpation doit être appréciée en prenant en compte l’ensemble du concept et non pas
élément par élément : ainsi la jurisprudence s’attache-t-elle ici à l’impression d’ensemble
produite sur un consommateur d’attention moyenne, confirmant ainsi une tendance constatée
depuis quelques années selon laquelle les tribunaux ont progressivement délaissé la
traditionnelle méthode analytique consistant à mettre en balance - après les avoir relevé - les
« ressemblances » et les « différences » afin de déterminer ensuite le caractère parasitaire des
204 - CA Paris (4ème ch.) 27 Sept. 1990, SA IDF Conseils c/ Soc. Twelve Signs Incorporated et a., D. 1990, I.R. p.242. - Dans le même sens : CA Besançon (2ème ch.) 6 Déc. 1996, Assoc. Centaure et. c/ SA Circuit Sécurité Auto,JCP éd. G. 1997, I, Jur. n° 520, p. 81. : L’auteur a profité des investissements réalisés par son concurrent encopiant servilement le « concept de sensibilisation à la sécurité routière et d’incitation à la conduite préventive »créé par ce dernier.205 Cass. Com. 26 Janv. 1999, Soc. Canavese et a. c/ Soc. Les Mûrisseries du Centre, D. Aff. 1999, p. 508 et s.,obs. Emery C. ; D. 2000, Jur. p. 87 et s., note Serra Y.
agissements en cause pour s’attacher désormais, le plus souvent, à « l’impression
d’ensemble » dégagée par le produit ou la prestation imité (e) 206.
3) La reprise de plans, études ou documents :
Etudier cet aspect du parasitisme nous conduit dès lors à explorer un domaine
jusqu’alors totalement ignoré, celui des rapports contractuels ou précontractuels qui ont pu
unir, à un moment ou à un autre, parasite et parasité.
Est en effet visée ici l’hypothèse particulière du parasitisme des informations, plans
études, documents et autres…communiqués dans le cadre de négociations. Un nouvel horizon
s’ouvre alors dans lequel parasite et parasité ne sont plus des concurrents ou non concurrents
l’un pour l’autre mais des… « partenaires » entre lesquels a pu s’instaurer un rapport de
confiance que la personne du parasite est néanmoins venue briser en usurpant à son seul profit
les informations confidentielles ( a ), plans, études ( b ) ou documents ( c ) qui lui auront été,
comme l’exigent le plus souvent les négociations préalables à la conclusion d’un contrat
comportant des investissements importants, communiqués lors de celles-ci.
a - La reprise d’informations confidentielles:
S’il est un principe en vertu duquel chaque partie est, durant la phase des négociations,
tenue d’une obligation de loyauté, un rapport de confiance s’étant implicitement établi entre
elles, la jurisprudence en a très tôt déduit la règle selon laquelle la faute est constituée dès lors
que les pourparlers n’ont été engagés que dans la seule intention d’obtenir un savoir-faire ou
une information 207. La preuve de la mauvaise foi étant toutefois - dans ce cas - difficile à
rapporter, il fut admis par les juges que la faute puisse également consister dans le fait d’avoir
trompé la confiance de l’autre partie, laquelle en effet pouvait légitimement croire en la
conclusion du contrat et dès lors ne pas hésiter à transmettre à l’autre partie, pour le bon
déroulement des négociations, des informations confidentielles.
Application de ce principe fut faite dans la célèbre affaire dite « des chantiers
modernes » où la Chambre commerciale de la Cour de cassation estima que le fait d’utiliser,
206 Cf. l’analyse de Mme Izorche sur ce point in Concurrence déloyale et parasitisme économique, Colloque « Laconcurrence déloyale : perspectives d’avenir », sous la direction de M. Serra Y., Dalloz, 2001, p. 27 et s.
après la rupture des pourparlers, des indications techniques, fussent-elles dépourvues
d’originalité, était constitutif d’un acte de concurrence déloyale, la faute - qui donc consistait
ici à utiliser la phase des négociations pour se saisir d’indications que le contrat avait
précisément pour objet de communiquer - ne résidant pas dans la reprise en elle-même mais
dans la reprise effectuée au moyen d’une violation des rapports de confiance…208
De même a-t-il pu par exemple en être jugé à propos de la reprise d’une idée de
chanson. Le producteur de Jacques Dutronc, en effet, n’avait pas hésité - après avoir pourtant
refusé au compositeur qui la lui avait présentée une chanson intitulée « La publicité » - à
produire lui-même une chanson en lui attribuant le même titre. Or, si elle le débouta de son
action en contrefaçon, la Cour d’appel de Paris, en revanche, donna satisfaction au
compositeur en condamnant le producteur sur le fondement de l’article 1382 du Code
civil aux motifs que « si les idées sont de libre parcours, des circonstances particulières
peuvent obliger certains tiers à ne pas révéler une idée qui leur a été confiée » : ainsi la Cour
estime-t-elle que le producteur a conservé « l’idée génératrice » pour « faire composer une
œuvre du même genre » 209.
b - La reprise de plans ou d’études confidentiels :
Un parallèle peut être fait ici entre la jurisprudence précitée et l’arrêt rendu par la Cour
d’appel de Rouen le 13 Janvier 1981 dans laquelle celle-ci est venue, sur le fondement de la
concurrence déloyale, sanctionner une entreprise qui s’était appropriée les plans d’un sous-
traitant auquel elle avait dans un premier temps demandé des études techniques non
brevetables d’un réducteur de vitesse 210.
Cette jurisprudence fut ensuite reprise par le Tribunal de grande instance de Paris,
lequel s’est alors plus spécifiquement fondé sur le parasitisme pour sanctionner une société
207 Mme Malaurie-Vignal cite cet arrêt rendu par la Cour d’appel de Montpellier le 7 Juillet 1982 in Leparasitisme des investissements et du travail d’autrui, D. 1996, Doctr. p. 177 et s.208 Cass. Com. 3 Oct. 1978, Soc. des Chantiers modernes c/ Rousset, D. 1980, Jur. p. 55 et s., note Schmidt-Szalewski J.209 CA Paris 8 Juill. 1972, Soc. Vogue c/ Soc. Alpha, JCP éd. G. 1973, II, n° 17509, note Leloup J.-M. :L’annotateur souligne que les « circonstances particulières » évoquées dans l’arrêt résident essentiellement dansle danger qui pèse tout particulièrement sur les créateurs et inventeurs lorsque les négociations n’ont pu aboutir,lesquels en effet risquent ensuite de voir leur « partenaire » user librement d’un travail ou d’une idée qui, le plussouvent, tire l’essentiel de sa valeur de ce qu’il (elle) n’est pas directement accessible au public et qui sera doncassurément dévalorisé (e) par sa divulgation. Aussi l’attrait de cet arrêt réside-t-il selon M. Leloup dans le faitqu’il met à la charge du professionnel auquel a été proposée l’exploitation d’une idée le devoir de ne pas larévéler et de ne pas l’exploiter s’il ne contracte pas à cette fin avec l’auteur de l’idée en question…
ayant « utilisé sans autorisation le produit du travail d’un concurrent et commis une faute qui
engage sa responsabilité ». Le tribunal, en effet, après avoir relevé que « la copie servile, sans
autorisation, à des fins commerciales, de plans réalisés par un concurrent, plans communiqués
par ledit concurrent à l’occasion de relations contractuelles, est un acte contraire aux usages
loyaux du commerce et de l’industrie alors même que ces plans ne seraient pas protégés par la
législation sur la propriété intellectuelle », a jugé que l’industriel s’était, par un tel acte,
« conduit en parasite au détriment de son concurrent » 211.
Tendant donc à confirmer que des informations, plans ou études…communiqués lors de
relations précontractuelles ont une valeur économique qu’il convient de protéger, cette
jurisprudence fut par ailleurs étendue à l’extrême, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence ayant
en effet jugé que « commet un acte déloyal celui qui a, sans bourse délier, utilisé le devis et le
plan qui, sur sa demande et seulement en vue d’une commande, lui avaient été adressés » 212.
Cette personne, en effet, s’était servie de ces plans et devis pour faire fabriquer les cuves par
un autre fabricant et pour acquérir d’autres fournisseurs les équipements complémentaires
nécessaires à la réalisation du projet de construction prévu dans le devis.
Ainsi l’acte parasitaire peut-il être condamné quand bien même il n’émanerait pas de
relations précontractuelles entre professionnels, et notamment lorsqu’il est le fait d’un client
ayant à l’origine sollicité un devis et un plan en vue d’une commande…
c - La reprise de documents commerciaux :
De même le parasitisme des investissements d’autrui peut-il résider dans l’imitation des
documents commerciaux que le « partenaire » a pu se voir remettre ou auxquels il a pu avoir
accès au cours des négociations ainsi qu’en a pour la première fois décidé le Tribunal de
commerce de Lyon dans un jugement aux termes duquel s’était rendu coupable de
concurrence déloyale et parasitaire « celui qui recopie servilement et grossièrement des
documents commerciaux conçus et réalisés par un concurrent, lesquels, sans être d’une
originalité rare, dénotent une conception bien particulière et spécialement adaptée à la
technique de prospection commerciale utilisée par lui, alors qu’en utilisant des documents
contrefaits, le défendeur ne pouvait que créer une confusion dans l’esprit de la clientèle. Le
210 CA Rouen 13 Janv. 1981, D. 1983, Jur. p. 53, note Lucas.211 TGI Paris 2 Juin 1983, JCP éd. Ent. 1985, n° 14156, obs. Burst J.-J. et Mousseron J.-M.212 CA Aix-en-Provence, 23 Nov. 1979, Ann. Propr. Ind. 1981 / 1982, p. 330.
tribunal, ensuite, prenait soin d’ajouter qu’il importait cependant peu qu’il l’ait fait dans une
intention de nuire ou non dès lors « qu’il est certain qu’il l’a fait pour s’approprier les efforts
de recherche et de mise au point d’une technique particulière à son concurrent » 213.
L’usurpation de documents commerciaux, cependant, présente cette particularité d’être
souvent le fait d’anciens salariés ou collaborateurs de l’entreprise parasitée, particularisme qui
reste néanmoins sans incidence sur le caractère fautif de l’acte accompli comme en témoigne
notamment cet arrêt venu sanctionner, en ce qu’elle aboutissait à la reproduction des créations
de son ancien employeur, la mise en œuvre par un ancien salarié des éléments obtenus dans le
cadre de son travail accompli chez ce dernier 214.
De même, peut être cité le cas de l’ancien salarié d’une société vendant des produits de
haute technicité qui avait, après avoir été licencié, créé une société dont l’activité, d’une part,
portait sur des produits similaires et dont le catalogue, d’autre part, reproduisait servilement
croquis, courbes et indications chiffrées contenus dans les catalogues de la première société :
aussi la Cour d’appel de Paris a-t-elle classiquement pu en déduire que « s’il était loisible à
l’intéressé de démarcher la clientèle de son ancien employeur 215, celui-ci n’en étant pas
propriétaire, il lui incombait toutefois d’exercer son droit à la concurrence en respectant les
usages loyaux du commerce, ce qu’il n’a pas fait - constate-t-elle - dans la mesure où il s’est
approprié des efforts intellectuels et économiques de son ex-employeur en usant de procédés
tels que copie, photographie, calque qui, outre la confusion qu’ils sont de nature à créer, sont
constitutifs d’un comportement parasitaire dont l’auteur s’évite par ce moyen des frais et se
sert de ceux assumés par autrui pour lui prendre une part de marché » 216.
Evoquer le cas particulier du parasitisme accompli par d’anciens salariés de l’entreprise
victime nous permet d’ailleurs de revenir sur l’hypothèse de la reprise d’études réalisées par
celle-ci. La Chambre commerciale de la Cour de cassation, en effet, a pu condamner une
société ayant lancé les « Pages soleil », imitation illicite des « Pages jaunes » éditées par
l’ODA, sans avoir eu à procéder auparavant à d’importantes études, et ce après avoir constaté
en effet que cette société avait été créée par deux anciens associés d’ODA qui - dans le cadre
de leur activité - avait eu connaissance d’études représentant un très lourd investissement et
213 Trib. Com. Lyon 5 Juill. 1977, D. 1978, I.R. p. 78 et s.214 CA Paris (14ème ch.) 11 Mai 1989, D. 1989, I.R. p. 189.215 …sous réserve bien sûr, mais là n’est pas notre sujet, d’une éventuelle clause de non-concurrence.216 CA Paris 18 Mai 1989, SARL 3 S.I.C., JCP éd. Ent. 1989, n° 18706, p. 180.
avait donc pu s’économiser, pour lancer leur « concept », fruit de ces études, d’importants
frais et aléas : ainsi la Cour vit-elle là « un comportement parasitaire envers ODA » 217.
La volonté clairement manifestée par la jurisprudence, à la lueur de ce qui précède, de
dépasser la condition de notoriété, fruit des efforts constants de l’entreprise qui l’a acquise, et
donc d’ « attaquer », en quelque sorte, « le mal à la racine » par la sanction de celui qui - en
détournant les investissements d’autrui - tire indûment profit des efforts accomplis par ladite
entreprise pour se constituer une « valeur économique » a progressivement dépassé le stade
des stricts rapports concurrentiels pour atteindre le cadre des agissements parasitaires qu’il
nous faut donc à présent envisager.
II) LE PARASITISME DES INVESTISSEMENTS ECONOMIQUES D’UNE
ENTREPRISE NON CONCURRENTE :
« Quiconque, à titre lucratif et de façon injustifiée, s’inspire sensiblement ou copie sans
nécessité absolue une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage
concurrentiel, fruit d’un effort intellectuel et d’investissements commet un agissement
parasitaire fautif car cet acte, contraire aux usages du commerce, notamment en ce qu’il
rompt l’égalité entre les divers intervenants, même non concurrents et sans risque de
confusion, fausse le jeu normal du marché et provoque ainsi un trouble commercial ».
Par cette définition générique, M. Le Tourneau confirme donc l’existence, au sein du
droit positif français, d’un parasitisme des investissements d’autrui sanctionnable en dehors
de tout rapport concurrentiel entre les individus en cause, la mise en œuvre de la théorie des
agissements parasitaires ayant alors pour objet de mettre un terme aux manoeuvres du parasite
qui profite indûment - non pas d’un détournement de clientèle, faute d’un rapport de
concurrence entre les parties - mais d’un détournement des efforts créatifs et des
investissements du parasité.
Dès lors, et parce qu’elle est le fruit de ces efforts intellectuels et matériels regroupés
sous la notion d’ « investissements économiques », la considération de la valeur économique
217 Cass. Com. 4 Oct. 1994, CMS c/ France Télécom, Petites Affiches 17 Mars 1995, p. 7, note Ferrière C.
ainsi créée suffit à justifier la sanction - au titre du parasitisme - de l’atteinte susceptible de lui
être portée, faute pour celle-ci d’être autrement protégée.
Ainsi par exemple les agissements parasitaires seront-ils caractérisés dès lors qu’un
opérateur économique va utiliser le logiciel d’un tiers non concurrent, logiciel par hypothèse
non protégé au titre du droit d’auteur faute d’originalité, mais aussi lorsqu’il va par exemple
reprendre les travaux ou les investissements publicitaires d’une entreprise non concurrente
( A ). Le particularisme des informations, qu’elles soient destinées à la publication par voie de
presse ou d’ouvrage ou qu’elles aient fait l’objet d’un regroupement au sein d’une
compilation ou d’une banque de données, mérite également d’être évoqué ( B ) avant
d’envisager les limites posées par certaines décisions à la sanction du parasitisme des
investissements économiques ( C ).
A) La notion de « valeur économique », source d’une protection accrue :
La notion d’ores et déjà rencontrée et somme toute assez floue de « valeur
économique » prend en effet, dans le cadre du parasitisme des investissements économiques
et faute d’un rapport de concurrence entre les entreprises parasite et parasité, toute sa mesure
et ouvre, par sa grande souplesse, toute latitude au juge pour protéger tout « bien technique »
dont la protection n’est pas autrement assurée comme en témoigne, à travers de nombreux
exemples, la jurisprudence.
1) La valeur économique des « moyens techniques d’exploitation d’une activité
commerciale » :
Par cette expression générique, les tribunaux s’offrent ainsi une confortable marge
d’appréciation et ouvrent la voie à la sanction des formes de parasitisme les plus inattendues.
Ainsi la Cour d’appel de Liège, le 20 Avril 1990, en a-t-elle fourni, quand bien même elle n’a
pas concrètement employé l’expression d’agissements parasitaires, une éclatante
démonstration : la Cour, en effet, considéra qu’en fournissant à tel ou tel - par la vente des
décodeurs nécessaires - les moyens de s’approprier indûment les services ou la valeur
économique créés par la chaîne cryptée Canal Plus, le commerçant avait commis un « acte
contraire aux usages honnêtes en matière commerciale », la chaîne cryptée s’étant dès lors vue
reconnaître - en tant que « créatrice d’une valeur économique » dit la Cour - « le droit d’en
conserver la maîtrise et donc d’empêcher que quiconque en tire profit, directement ou
indirectement, sans son accord » 218.
2) La valeur économique d’un « univers » :
De même, et le cas est bien trop original pour ne pas être cité, fut jugée constitutive
d’un agissement parasitaire…l’exploitation d’un « univers » et plus précisément l’utilisation
de l’univers d’un célèbre personnage de bande dessinée. Ayant en effet eu à connaître des
agissements d’une société ayant commercialisé sous la forme de lots dont la présentation
mettait clairement en avant le nom du célèbre personnage Astérix un opuscule, un jeu et une
vidéocassette relatifs à la vie des Gaulois, la Cour d’appel de Paris énonça très clairement que
cette société ne pouvait « prétendre sans mauvaise foi qu’elle n’aurait pas recherché à utiliser
la valeur économique qui s’attache à l’évidence au seul nom d’Astérix, ni à s’inscrire dans le
sillage de son renom » 219. Ainsi la Cour vient-elle condamner ici, indépendamment de toute
considération tenant à la valeur économique ou au pouvoir attractif des lots mis en vente, la
volonté de la société d’exploiter - au moyen d’une présentation faisant incontestablement
bénéficier les produits vendus de la renommée du célèbre gaulois - une « valeur économique »
créée par autrui, en l’occurrence ici l’ « univers » d’un personnage de bande dessinée issu des
efforts imaginatifs déployés par ses créateurs, Uderzo et Goscinny…
3) La valeur économique d’une campagne publicitaire :
De la même manière, parce qu’elle est le fruit du travail créatif d’une personne physique
ou morale et apporte à l’entreprise une plus-value durable en ce qu’elle participe largement de
son image de marque, il serait injuste que telle ou telle publicité commerciale non protégeable
par le droit de la propriété industrielle puisse dès lors être librement reprise par un tiers non
concurrent.
Aussi la théorie des agissements parasitaires témoigne-t-elle de toute son efficacité dans
le domaine publicitaire où elle permet en effet de sanctionner sur son fondement toute
218 CA Liège 20 Avril 1990, Dossiers Brevets 1991, I, 1, cité par M. Le Tourneau in Le parasitisme dans tousses états, réf. précitées.
utilisation sans droit d’une campagne publicitaire ayant nécessité de lourds investissements
matériels et / ou intellectuels.
Ainsi le Tribunal de grande instance de Paris a-t-il par exemple considéré que
l’Association Vive la radio avait eu, en adoptant sept ans ( ! ) après la campagne publicitaire
lancée par le Comité français du parfum avec le slogan « Sans parfum, la vie serait muette » le
slogan « Sans radio, la vie serait muette », un comportement parasitaire : le Tribunal, en effet,
reproche à l’association d’avoir - d’une part - cherché, en reprenant quasi-servilement son
slogan publicitaire, à se placer dans le sillage du Comité français du parfum « afin de profiter
de manière indue et de reprendre à leur compte le slogan obtenu grâce à des études et une
campagne onéreuse, sans procéder à de tels investissements » et d’avoir, d’autre part, ce
faisant, « considérablement affaibli le pouvoir attractif du slogan » adopté par le comité 220.
De même a-t-il pu être reproché à un commerçant, non pas d’avoir par la publicité
incriminée créé ou entretenu une confusion avec les produits tiers, mais d’avoir donné à sa
publicité pour la promotion de lave-vaisselle « une connotation évocatrice de celle dont elle
est directement tirée », en l’occurrence de celle lancée par la société Guerlain pour la
promotion du parfum Samsara. Le commerçant, en effet, « en opérant un tel rattachement
indiscret à l’image que l’appelante a, à grands frais, utilisée pour présenter sa ligne de
produits dont elle constitue un élément essentiel de l’identification visuelle », « a non
seulement indûment exploité par un effet de sillage et sans bourse délier l’impact visuel créé
par l’appelante dans le public féminin, mais encore affadi et amenuisé l’identité de l’image
emblème de la ligne de produits » 221.
La voie était alors ouverte à la Cour de cassation qui eut en effet à connaître d’une
affaire similaire à celles-ci dans laquelle s’opposaient l’Office néerlandais des fromages,
titulaire du slogan « La Hollande, l’autre pays du fromage » qu’il utilise lors de campagnes
publicitaires destinées à promouvoir les produits fromagers des Pays-Bas, et un réseau de
fleuristes qui avait adopté pour sa publicité la formule « La Côte d’Azur, l’autre pays de la
tulipe ».
Ainsi la Chambre commerciale de la Cour de cassation, alors même qu’aucun préjudice
commercial ne pouvait résulter pour l’Office néerlandais des fromages de l’imitation de son
219 CA Paris (14ème ch.) 14 Avril 1999, Soc. Inter Face Communication c/ Soc. Les éditions Albert René, D.2000, Somm. p. 314 et s, obs. Izorche M.-L.220 TGI Paris 17 Juin 1992, Association « Vive la radio » c/ Comité français du parfum, P.I.B.D. 1992, n° 531,III, 557, cité par Mme Malaurie-Vignal in Le parasitisme des investissement et du travail d’autrui, réf. précitées.221 CA Paris (4ème ch.) 29 Sept. 1995, D. 1996, Somm. p. 251, note Izorche M.-L.
slogan, faute d’un rapport de concurrence évident entre les marchés du fromage et de la tulipe,
jugea-t-elle que s’était rendu coupable d’agissements parasitaires et engageait donc sa
responsabilité la société qui, « dans le but évident de profiter à un moindre coût de l’impact
des campagnes promotionnelles de l’Office », s’était approprié en le transposant à son
domaine d’activités le slogan publicitaire d’autrui avec cette conséquence pour l’Office d’un
double préjudice (cependant bien imprécis et subjectif…) consistant en une « banalisation de
son slogan » et en une « perte de rentabilité des investissements réalisés dans le cadre de ses
campagnes publicitaires » 222.
4) La valeur économique d’une « manifestation » :
Le même raisonnement a pu être adopté à propos de l’exploitation d’un certain nombre
de manifestations sportives, la jurisprudence se fondant alors non seulement sur la renommée
acquise par celles-ci mais aussi, selon l’expression employée, sur les « efforts » déployés par
les organisateurs.
Ainsi la société Henri Maire fut-elle condamnée pour avoir baptisé l’une de ses cuvées
« Cuvée Pierre de Coubertin », les juges ayant vu dans cette utilisation tendancieuse des
« symboles olympiques » la volonté de la société d’exploiter la valeur économique de
l’événement Jeux olympiques en profitant de la notoriété de cette manifestation ainsi qu’en
détournant, sans contrepartie, « les retours que le Comité olympique français était en droit
d’attendre de ses efforts » 223.
De même, commet des agissements parasitaires l’entreprise de relations publiques qui
utilise la marque « Roland Garros » dont est titulaire la Fédération française de tennis afin de
« bénéficier des retombées économiques du tournoi et donc de profiter indûment des efforts
déployés par la Fédération pour son organisation » 224.
222 Cass. Com. 30 Janv. 1996, SA Fleurs Eclairs c/ Office néerlandais des produits laitiers, D. 1997, Jur. p. 232 ets., note Serra Y. ; RJDA 4 / 1996, n° 579, p. 404.223 TGI Paris 4 Oct. 1996, P.I.B.D. 1997, n° 624, III, 39.224 TGI Paris 1er Juill. 1993, P.I.B.D. 1993, n° 555, III, 691. Précisons que la même solution a été appliquée à unesociété ayant utilisé les termes « Tour féminin », « Maillot jaune » et « Maillot vert » pour se placer dans lesillage de la société du Tour de France (TGI Paris 10 Sept. 1997, P.I.B.D. 1997, n° 642, III, 586). - Dans le même sens : CA Paris (4ème ch.) 20 Nov. 1995, Soc. Actiomédia c/ F.F.T. : la référence auxchampionnats internationaux de France de tennis à chaque page d’une brochure diffusée par la société appelantefut jugée constitutive d’agissements parasitaires dans la mesure où cette société s’était - ce faisant - placée dans
B) Le cas spécifique de la reprise d’études et de données :
Distinguons ici le cas « classique » de la reprise d’informations ou d’études ( 1 ) et le
cas plus particulier de la reprise de données ( 2 ).
1) Le cas de la reprise d’informations ou d’études :
Situé au carrefour de la liberté de la presse et de la liberté d’opinion, le droit à
l’information est un droit fondamental dont les données sont dès lors, selon l’expression
d’usage, « à la libre disposition de tous » et ne peuvent donc faire l’objet d’un quelconque
droit privatif…Deux conséquences en résultent : si toute information, une fois révélée, peut
donc être reprise par tous sans que l’auteur de la divulgation puisse revendiquer sur elle un
quelconque droit privatif, chacun est par ailleurs libre de se procurer ses propres informations.
Cependant, s’il est admis que les informations sont en elles-mêmes insusceptibles
d’appropriation, il n’en demeure pas moins que celui qui reproduit, sans frais, des
informations collectées et diffusées (ou appelées à l’être) par un tiers se rend dès lors
coupable d’un acte parasitaire. Les informations, données et connaissances sont en effet à leur
naissance - et donc tant qu’elles n’ont pas été répandues auprès du grand public - dotées
d’une grande valeur économique, ce qui ressort non seulement de la jurisprudence d’ores et
déjà citée relative aux informations et connaissances divulguées lors de rapports (pré-)
contractuels mais aussi de la jurisprudence rendue dans le domaine de la presse et des médias,
sachant que les puissantes agences mondiales de presse n’obtiennent qu’à grands frais et grâce
à une lourde organisation les informations, nouvelles, photos ou images et que seuls quelques
journaux à travers le monde peuvent, si l’on peut dire, se passer de leurs services…
Ce principe, en effet, est admis depuis longue date, ayant été consacré bien avant que ne
l’ait été la théorie du parasitisme dans des espèces dont les faits réunissaient pourtant déjà
tous les éléments caractéristiques de cette théorie. Ainsi résulte-t-il d’un arrêt de 1897 rendu
par la Cour d’appel de Paris que « le journal qui, s’étant procuré d’une façon détournée et
sans bourse délier les dépêches recueillies par l’agence Havas, les insère avant qu’elles
le sillage de cette manifestation sportive et avait ainsi entretenu une équivoque lui ayant permis de percevoir àpeu de frais les « retombées » économiques de ce tournoi.
n’aient été répandues dans le public, cause à l’agence un préjudice qu’il est tenu de réparer
[…] » 225.
Cette solution sera d’ailleurs confirmée par la Chambre des requêtes dès 1900 dans un
arrêt qui, après avoir relevé que « les dépêches transmises par une agence de renseignements
[…] constituent […] une propriété particulière acquise à grands frais et conférant à l’agence et
à ses abonnés un droit exclusif à la propriété de leur publication jusqu’au moment où, soit par
son fait, soit par celui de ses abonnés, elles ont été mises en circulation et sont tombées dans
le domaine public », en a déduit que « le propriétaire d’un journal qui publie des dépêches
émanant de l’agence, dépêches qu’il s’est procurées sans rien débourser en imprimant un
autre journal, abonné de celle-ci, doit être condamné à réparer le préjudice subi par elle si, lors
de cette publication, les dites dépêches n’étaient pas encore portées à la connaissance du
public, les deux journaux paraissant à la même heure [...] » 226.
Sous réserve de leur protection spécifique au titre du droit d’auteur, les écrits peuvent
donc également être protégés au titre du parasitisme « dès lors que l’éditeur ou le pseudo-
auteur se (les) attribue en s’épargnant ainsi tous frais de recherche et d’études » 227.
Bien plus récemment, fut dans le même sens sanctionnée la société éditrice d’une revue
économique qui s’était contentée de « rassembler, dans une publication hebdomadaire,
différents articles, études ou extraits d’études qui avaient déjà été publiés dans des journaux
ou revues étrangères (d’où l’absence de concurrence à proprement parler), après les avoir
traduits et parfois écourtés sans ajout, ni comparaison, ni synthèse et sans permettre au lecteur
de connaître clairement leur provenance » 228 : les faits de parasitisme résident donc ici dans
le fait pour la société d’avoir voulu tirer profit, sans bourse délier, des données acquises à
grands frais par la société étrangère…
Ainsi le Tribunal de grande instance de Paris est-il venu, dans un jugement mettant en
cause le journal Les Echos, juger constitutif d’ « actes parasitaires » le fait de « s’emparer du
travail d’autrui sans s’adresser aux agences de presse ou aux sources directes » et de
« dénaturer l’information » dans la mesure où « les informations brutes ainsi transposées,
225 CA Paris 30 Déc. 1897, Ann. Propr. Ind. 1898, p. 58.226 Cass. Req. 23 Mai 1900, Havas, D. Périod. 1902, I, p. 40.227 CA Paris (4ème ch.) 11 Fév. 1987, Soc. GMA c/ Mordacq, D. 1987, I.R. p. 55.228 CA Paris 25 Mars 1982, D. 1983, I.R. p. 97, obs. Colombet C., cité par M. Burst in Concurrence déloyale etparasitisme, réf. précitées.
dégagées de leur présentation littéraire et artistique, sont offertes au public comme émanant
du journal » 229.
De même a-t-il pu en être jugé le 1er Octobre 1997 à propos de la publication par le
journal Voici - ayant puisé ses sources dans une copie clandestine - de révélations inédites sur
la vie privée de la princesse Diana, informations extraites des « bonnes feuilles » d’une
biographie de la Princesse de Galles à paraître. La Cour d’appel de Paris, en effet, releva
qu’en fournissant à ses lecteurs, non pas le fruit exclusif de ses recherches ou de ses
investigations personnelles mais des informations contenues uniquement dans le livre à
paraître, la société de presse éditrice du journal Voici s’est rendue coupable d’agissements
parasitaires dont elle doit réparation 230…
Un principe peut donc être posé en vertu duquel chacun peut entreprendre à sa guise des
investigations ou des recherches personnelles sans toutefois pouvoir obtenir des informations
par des moyens contraires à la morale commerciale et notamment, comme dans cette dernière
espèce, par le « piratage » pur et simple des sources d’un écrivain à scandale : le
détournement des investissements réalisés par ce dernier pour l’obtention de « ses »
informations est en effet assurément constitutif d’un comportement parasitaire…
De même en va-t-il, plus particulièrement, en cas d’appropriation fautive et de
reproduction intégrale d’études statistiques issues du travail d’autrui par un organe de presse.
En effet, « même si elles ne sont pas protégées par un droit privatif spécifique, des études
statistiques sont le fruit d’un savoir-faire dans la conception des méthodes de sondages,
d’importantes prestations de service pour l’exécution de ceux-ci et d’un travail intellectuel
pour leur exploitation » 231…
2) Le cas particulier des bases de données :
229 TGI Paris 14 Sept. 1994, Soc. Les Echos, RIDA 1995, n° 163, p. 353, cité par Mme Malaurie-Vignal in Leparasitisme des investissements et du travail d’autrui, réf. précitées.230 CA Paris (4ème ch.) 1er Oct. 1997, SNC Prisma Presse c/ Soc. Michaël O’Mara Books Ltd, D. 1998, Somm. p.143 et s., obs. Durrande S.231 Aussi la Cour d’appel de Paris a-t-elle pu juger, dans un cas de concurrence parasitaire, qu’ « en publiant detelles données sans la moindre contrepartie, un organe de presse s’approprie ce qui n’a pu être obtenu que parl’œuvre d’autrui et commet un acte de concurrence parasitaire dont il doit réparation » : les juges, en effet, ontconsidéré qu’ « en se livrant au pillage et à l’exploitation systématique de données provenant du travail d’autrui,cet organe de presse a donc commis une faute que le droit à l’information ne saurait justifier ( CA Paris (1ème ch.)22 Mai 1990, SARL Cometur c/ SA Médiamétrie, D. 1990, I.R. p. 175).
Le particularisme réside ici dans le fait que les informations et données à protéger ont
fait l’objet d’un regroupement, d’où l’appellation de « compilations » ( a ) ou de « banques »
( b ) qui leur est donnée.
a - Le cas particulier de la reprise de compilations de données :
Le principe fut, s’agissant des compilations de données, très clairement posé par Yves
Marcellin 232: une compilation de données, même si elle n’est pas originale par sa sélection ou
par son arrangement et ne bénéficie pas de la protection par le droit d’auteur, ne peut être
utilisée sans commettre un acte de concurrence déloyale dans la mesure où son élaboration a
nécessité un investissement en temps et en argent.
La Cour d’appel de Versailles consacrera ce principe en décidant que « L’utilisation par
un tiers à des fins commerciales d’un travail de compilation précis et exhaustif, régulièrement
mis à jour et édité sous la forme d’un catalogue nécessitant un certain savoir-faire et un
investissement financier, même si les renseignements contenus dans ce catalogue n’ont aucun
caractère confidentiel, s’analyse, indépendamment de tout risque de confusion en un
agissement parasitaire fautif », cet acte contraire aux usages loyaux du commerce ayant en
effet pour conséquence, selon l’expression consacrée, « de vider de sa substance le travail
d’autrui » 233.
Le problème s’est plus particulièrement posé à propos du parasitisme de certains
fichiers d’adresses et notamment d’annuaires, ce qui a conduit la jurisprudence à considérer
que les emprunts faits par une société à la liste d’adresses d’un annuaire, dès lors qu’ils restent
« parcellaires » et ne constituent pas une reprise systématique de cette liste, ne caractérisent
pas un comportement parasitaire 234 : ainsi retrouve-t-on ici implicitement énoncée l’idée
selon laquelle importe peu le fait de se servir du travail d’autrui si celui-ci est ensuite intégré
dans une « œuvre » personnelle…
232 Marcellin (Y.), Le droit français de la propriété intellectuelle, Huitième partie - Chap. second : Laconcurrence déloyale par parasitisme économique, op. cit.233 CA Versailles (12ème ch.) 21 Nov. 1996, SARL Informations et Etudes Médicales c/ SA Sotec, Gaz. Pal. 15Juin 1997, I, Somm. p. 23.234 - Cass. 1ère civ. 5 Mai 1998, Soc. Labo France, D. 1998, Somm. p. 98, obs. Izorche M.-L. ; Petites Affiches18 Juin 1999, p. 22, obs. Reboul N. - Sur pourvoi de : CA Paris (4ème ch.) 6 Oct. 1995, RIDA 1996, n° 168, p. 308 ; Gaz. Pal. 1997, I, Somm. p.64.
b - Le cas particulier de la reprise de banques de données :
Définie par l’article L.112-3 al. 2 du Code de la Propriété intellectuelle comme « un
recueil d’œuvres, de données ou d’autres éléments indépendants, disposés de manière
systématique ou méthodique et individuellement accessibles par des moyens électroniques ou
par tout autre moyen », la banque de données doit assurément respecter, lorsqu’elle les
reproduit entièrement ou sous la forme de larges extraits, les droits d’auteur qui peuvent
assortir les textes d’origine.
Le problème de la reprise de tels textes s’est toutefois posé s’agissant de la reproduction
dans une banque de données de courtes citations, de simples références ou de résumés issus
de ces textes : les tribunaux, en effet, se demandaient non seulement si l’auteur devait ou non
donner son aval à cette reprise mais aussi s’il fallait voir dans une telle reprise un acte
parasitaire alors même que l’emprunteur n’avait pas hésité à citer ses sources et que l’article
L. 122-5 du Code de la Propriété intellectuelle ( ancien article 41 de la loi du 11 Mars 1957 )
autorise, « sous réserve que soient indiqués clairement le nom de l’auteur et la source », « les
analyses et courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique,
scientifique ou d’information de l’œuvre à laquelle elles sont incorporées ».
Ainsi la question s’est-elle posée dans une célèbre affaire ayant opposé la société
Microfor au journal Le Monde, ce dernier ayant reproché à la première d’avoir repris pour les
insérer dans sa banque de données les titres ainsi que le texte de certains des articles parus
dans le célèbre quotidien, la difficulté étant née de ce que la banque de données élaborée par
Microfor non seulement citait ses sources mais qui plus est n’avait nullement altéré l’énoncé
ou le contenu des dits titres ou articles…
Au terme de moults jugements et arrêts constituant autant de témoignages de la
difficulté de résoudre cette délicate question, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation
devait décider le 30 Octobre 1987 que les emprunts réalisés par Microfor auprès du journal Le
Monde « n’ont pas excédé la mesure permise par l’article 41 de la loi du 11 Mars 1957 » dans
la mesure où « les résumés, constitués uniquement de courtes citations de l’œuvre, ne
dispensaient pas le lecteur de recourir à celle-ci » et où « la combinaison de ces résumés avec
l’index analytique de la publication formait un ensemble ayant le caractère d’une œuvre
d’information » 235.
Ainsi l’Assemblée plénière vient-elle, par cette décision, implicitement rejeter le grief
de parasitisme mais subordonner ce rejet à diverses conditions. Les juges exigent en effet :
- que les sources des données enregistrées soient expressément citées, les juges ayant
qui plus est jugé utile de souligner là encore à titre justificatif l’insertion de ces résumés dans
une œuvre « originale »…
- que ces données ne viennent pas se substituer aux sources exploitées et ne dispensent
donc pas le lecteur de recourir aux dites sources, ce qui suppose encore…
- que ces données restent lacunaires et se limitent, comme en l’espèce, à de simples
citations ou résumés.
Cette jurisprudence, néanmoins, est aujourd’hui condamnée puisqu’il résulte en effet
d’une directive européenne du 11 Mars 1996 depuis lors transposée en droit français et
incorporée au Code de la Propriété intellectuelle par la loi n° 98-536 du 1er Juillet 1998 que
« les copies ou reproductions d’une base de données électronique » peuvent désormais - selon
l’article L. 112-5 dudit Code - être interdites : si, a contrario, la reprise d’une base de données
non électronique reste certes licite236, le développement sans cesse croissant de l’informatique
mais aussi et surtout de l’Internet sur lequel figure aujourd’hui la majeure partie des bases de
données semble bien devoir faire primer sur ce principe l’exception de l’article L.112-5
précité…
De même résulte-t-il de la directive que les bases de données qui, par le choix ou la
disposition des matières, constituent une création intellectuelle propre à leur concepteur sont
protégées comme telles par le droit d’auteur, ce qui a pu conduire la jurisprudence à décider
qu’une compilation d’informations relevant du domaine public ait pour effet de transformer
« une information brute » en « une œuvre originale » 237.
La théorie du parasitisme, toutefois, est sauve dans la mesure où la directive, au delà du
mécanisme du droit d’auteur, est venue instaurer - à défaut d’une telle protection - un droit sui
generis au profit de l’initiateur de la base de données litigieuse, c’est à dire de celui qui a
235 Cass. Ass. Plén. 30 Oct. 1987, Soc. Microfor c/ SA Le Monde, JCP éd. G. 1988, II, n° 20932, rapp. Nicot,obs. Huet J. ; D. 1988, Jur. p. 21 et s., concl. Cabannes J.236 L’article L. 343-3, 2° du C.P.I. l’énonce d’ailleurs expressément.237 Trib. Com. Valenciennes 20 Janv. 1998, Ed. Encyclopédie douanière Conex, Expertises 1998, p. 196, obs.Bertrand J.
réalisé les investissements nécessaires 238, investissements qu’il s’agit donc de protéger contre
tout pillage : ainsi la directive est-elle venue permettre, à défaut de sa protection par le droit
d’auteur faute d’originalité, la condamnation au titre du parasitisme de toute reprise d’une
base de données.
C) Les limites à la sanction du parasitisme des investissements économiques :
Deux limites ont, dans le souci manifesté par une certaine partie de la doctrine de
circonscrire le domaine d’application du parasitisme, été sinon instituées du moins proposées.
Fut d’une part avancée l’idée consistant à limiter la qualification de parasitisme aux seules
copies de créations issues de travaux de recherche et d’investissements « importants » ( 1 ) et
d’autre part proposée de limiter la sanction du parasitisme aux seuls cas de copie
« systématique » des créations d’autrui ( 2 ).
1) La nécessité d’un investissement matériel et / ou intellectuel important :
La limite fut clairement posée par la Cour d’appel de Toulouse le 19 Octobre 1988 dans
un arrêt relatif à la fabrication et à la commercialisation d’un produit - en l’occurrence une
bougie-perles - contrefaisant un modèle d’ores et déjà déposé sans apport d’une quelconque
originalité. Ainsi la Cour, pour légitimer le fait qu’un concurrent ait « pu tirer parti, pour la
commercialisation d’un produit similaire », d’un modèle de bougie-perles n’ayant pas acquis
une notoriété particulière, énonça-t-elle que « Le principe de la liberté du commerce et de
l’industrie et celui de la fluidité des échanges commerciaux intracommunautaires devant
toujours être respectés, l’application de la notion d’agissements parasitaires ne se conçoit que
s’il y a utilisation d’une technique ayant nécessité des efforts tant intellectuels que financiers
importants ou […] d’une notoriété particulière résultant notamment d’une publicité très
onéreuse et quasi-permanente et représentant une valeur économique importante en soi » 239.
Confirmation de ce principe fut notamment apportée par la Cour d’appel de Versailles
ayant à plusieurs reprises formulé, pour que soit admis le parasitisme du travail d’autrui,
238 Ce droit sui generis figure aujourd’hui en l’article L. 342-1 du C.P.I.239 CA Toulouse (2ème ch.) 19 Oct. 1988, Mme E…c/ B…Chemie GMBH, D. 1989, Jur. p. 290 et s., obs.Barbieri J.-J.
l’exigence d’ « un travail qui se caractérise par des efforts de recherche et des investissements
financiers et intellectuels importants ainsi que par un savoir-faire particulier » 240.
Une objection de taille fut néanmoins opposée à l’adoption jurisprudentielle de ce
critère par certains auteurs et particulièrement M. Passa 241 pour qui il n’est en effet ni
opportun, ni juste de prendre en considération l’importance des dépenses et ce pour trois
raisons :
- La prise en compte de ce critère, d’une part, conduit de manière discriminatoire
et totalement injustifiée à protéger l’entreprise qui a beaucoup investi et non celle qui, par
nécessité ou ingéniosité, a moins dépensé pour mettre au point sa propre prestation ;
- Le juge, d’autre part, ne dispose en aucun cas de la faculté d’accorder, de sa
propre initiative, un « traitement de faveur » aux investissements importants alors, constate-t-
il, qu’ « il n’y a là aucune notion juridique » ;
- Juger - pour la fixation du ‘‘seuil parasitaire’’ - de ce qui est ou de ce qui n’est
pas « important » aboutirait à fonder la sanction du parasitisme sur l’arbitraire du juge, d’où
une large part d’aléa pour le moins inacceptable.
2) La réalisation de modifications substantielles sur l’élément copié ou repris :
Se pose ici la délicate question de savoir quel sort doit être réservé à celui qui exploite
les investissements financiers et intellectuels d’autrui sans pour autant réaliser une copie
servile du produit piraté mais, plus subtilement, un produit dérivé de celui-ci.
Parce qu’il faut prouver, pour que l’action fondée sur le parasitisme aboutisse, que le
parasite vit dans le sillage d’un autre de telle sorte que la copie, sans être une imitation servile
ou quasi servile, doit être à tout le moins dérivée de celle réalisée par la personne piratée, la
théorie du parasitisme semble bien devoir s’appliquer quand bien même un travail personnel
aurait été fourni par le parasite et quand bien même, dès lors, aucun risque de confusion n’est
susceptible de naître entre les deux produits 242.
240 CA Versailles (12ème ch.) 5 Déc. 1996, Soc. Dresser Rand SA c/ Soc. Dewco SARL, Gaz. Pal. 15 Juin 1997,Jur. p. 230 - 19 Déc. 1996, SA Sétric Biologie c/ SA Deno France, idem p. 249.241 Passa (J.), Propos dissidents sur la sanction du parasitisme économique, D. 2000, Doctr. p. 297 et s., spéc. n°25.242 Cette tendance ressort d’ailleurs clairement, dans le domaine de la concurrence parasitaire, du fameux arrêt« Ungaro » d’ores et déjà cité aux termes duquel il importait peu qu’ « après la phase d’imitation servile ou quasiservile, le parasite [ait] libéré sa créativité pour prévenir le grief de recherche de confusion grâce à desmodifications de l’œuvre imitante […] » (CA Paris 18 Mai 1989, réf. précitées).
La condamnation de tels agissements paraît d’ailleurs d’autant plus fondée que les
efforts déployés par le parasite pour différencier son produit de celui du tiers copié ne sont
que très rarement motivés par la très honorable volonté du parasite d’optimiser les
caractéristiques dudit produit et de donner ainsi à la clientèle entière satisfaction : la
motivation du parasite, en effet, réside avant tout dans la crainte éprouvée par ce dernier quant
à d’éventuelles poursuites en parasitisme si la copie s’avérait purement servile.
Mme Malaurie-Vignal, cependant, s’interroge : « le maître peut-il se plaindre que son
élève l’imite, plus ou moins maladroitement, plus ou moins étroitement ? Le commerçant
peut-il se plaindre que son concurrent cherche à le supplanter ou à lui faire ombrage, en
produisant un produit similaire au sien, mais présentant cependant des caractères distinctifs ?
Les lois de la nature ou celles du commerce n’imposent-elles pas ce type de relations ? Le
fabricant ne dispose pas d’un monopole d’exploitation sur le produit ou sur les méthodes
permettant la fabrication du produit, sauf s’il dispose de droits légaux d’exploitation, tel un
brevet d’invention. La patrimonialisation des investissements intellectuels ou financiers
conduirait à freiner toute initiative » 243.
Ainsi n’y aurait-il plus place pour l’application de la théorie du parasitisme « si le pirate
fait ensuite une œuvre originale, c’est à dire distincte de celle dont il s’est inspiré », ce qui
suppose donc - au regard de la jurisprudence favorable à cette conception - qu’un travail
personnel ait été fourni par le soi-disant parasite sans pour autant que soit exigée la création
d’une œuvre « originale » au sens où l’entend le droit d’auteur.
Cette conception ressort notamment d’une affaire ayant opposé l’écrivain Jean Vautrin à
un universitaire auteur de deux ouvrages sur la Louisiane, lequel reprochait en effet au
premier d’avoir utilisé pour la rédaction de l’un de ses romans divers éléments issus de ces
deux ouvrages. Or, contrairement aux conclusions de l’avocat général sollicitant - sur le
fondement d’une jurisprudence ancienne 244 et du « principe de suppléance et d’universalisme
de la responsabilité pour faute » dégagé par M. Le Tourneau - la condamnation de Jean
Vautrin pour « agissements parasitaires envers Patrick Griolet », la Cour d’appel de Paris a
confirmé la solution des premiers juges 245 et jugé qu’il n’y avait pas parasitisme économique
243 Malaurie-Vignal (M.), Le parasitisme des investissements et du travail d’autrui, réf. précitées, spéc. n° 11.244 Cette jurisprudence est celle issue d’un arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence du 13 Janvier 1958 qui,dans une espèce similaire et sans se référer à la théorie du parasitisme méconnue à l’époque des faits, s’estfondée sur le droit commun de la responsabilité civile, à savoir - plus précisément - sur la faute ayant consistépour l’auteur en cause à ne point citer ses sources alors, considérait l’arrêt, que « la loyauté commandait auromancier de ne pas les passer sous silence » (CA Aix-en-Provence 13 Janv. 1958, RTD Com. 1958, p. 555).245 TGI Paris 16 Janv. 1991, Gaz. Pal. 18-19 Sept. 1991, note Frémond P.
dans la mesure où le parasite s’était borné à reproduire le travail d’autrui en s’épargnant tout
effort personnel, « alors que l’importance du travail de création de Jean Vautrin d’après les
matériaux recueillis ne peut être contestée, que l’originalité de son style, unanimement salué
par la critique, provient de sa capacité à intégrer les termes et expressions cadjines dans une
langue de son cru et que seuls son imagination et son talent ont pu donner naissance au roman
litigieux qui porte ainsi l’empreinte de sa personnalité » 246.
Ainsi résulte-t-il de cet arrêt que l’exploitation du travail d’autrui n’est ni condamnable
ni condamnée à partir du moment où ce travail est intégré dans une œuvre empreinte de la
personnalité de son auteur…
Une parfaite illustration nous en est d’ailleurs donnée par le droit de la décompilation
des logiciels issu de la loi du 10 Mai 1994 et repris par l’article L.122-6-1 du Code de la
Propriété intellectuelle aux termes duquel est donc admise la technique de la décompilation,
encore dite de l’« ingénierie à rebours » ou de l’« ingénierie inverse », traduction de son
appellation originaire « reverse engineering », laquelle peut être définie comme consistant -
face à un problème technique - à « analyser les solutions mises en œuvre par les entreprises
concurrentes et à s’en inspirer pour développer une nouvelle solution plus performante » 247.
Appliquée aux logiciels, la technique consiste donc dans le désassemblage d’un logiciel
nécessaire à l’analyse du programme qu’il contient de manière à s’en inspirer pour pouvoir
ensuite élaborer un mécanisme plus performant. Parce qu’elle va donc permettre au
« décompilateur » d’accéder, selon l’expression d’un auteur, « aux secrets les plus intimes du
logiciel », cette pratique - que les milieux professionnels de l’informatique justifient par un
souci ( au demeurant bien légitime ) d’interopérabilité 248 et donc par l’exigence d’une
compatibilité de principe des systèmes informatiques - laisse cependant la voie entièrement
libre aux abus de toute sorte, abus qu’il sera toutefois - et c’est bien là que le bât blesse -
difficile de mettre au jour et de sanctionner tant il sera malaisé d’évaluer la part de travail
personnel fourni par le décompilateur…
La forte dose d’aléa à laquelle sera soumis le contentieux en la matière trouve déjà dans
la jurisprudence certaines illustrations. Ainsi la société Tomy avait-elle lancé sur le marché
des trains pour enfants et pris soin de les munir de pignons identiques de manière à pouvoir
246 CA Paris 14 Janv. 1992, Griolet c/ Vautrin, Gaz. Pal. 26 Sept. 1992, I, p. 570 et s., concl. Delafaye B. etBerhault B.247 Pinto (N.) et Taylor (D.), La décompilation des logiciels : un droit au parasitisme, D. 1999, Chron. p. 463 et s.248 Définie par ces auteurs comme la capacité des programmes d’ordinateur à échanger des données et à utiliserles données qui ont été échangées, l’interopérabilité est en effet essentielle…
être parfaitement assemblés avec les pièces des divers jeux vendus par Lego, d’où l’action en
parasitisme engagée par cette dernière. Or, nombreux sont les auteurs qui se sont étonnés de
ce que la Chambre commerciale de la Cour de cassation ait, pour justifier le comportement
parasitaire de la société Tomy à l’égard de la société Lego, pris « comme un exemple parmi
d’autres alors qu’il s’agit d’une exception remarquable » l’exemple de la décompilation des
programmes d’ordinateurs sans même prendre en considération le droit applicable en la
matière et en allant jusqu’à étendre ce droit à « l’interconnexion de tous les éléments d’un
système informatique, y compris ceux de fabricants différents, afin qu’ils puissent fonctionner
ensemble » sans aucune limitation 249…
Peut de même être évoqué l’arrêt d’ores et déjà cité rendu par la Cour d’appel de
Versailles le 5 Décembre 1996, arrêt dont l’attendu est on ne peut plus clair : « Si est
condamnable une entreprise qui s’approprierait indûment les plans, mêmes non protégés,
réalisés par un fabricant de machines au prix d’efforts financiers et intellectuels importants et
recopierait servilement ces plans pour intervenir dans la maintenance de machines mises sur
le marché par ce fabricant en faisant ainsi l’économie des frais de recherche et de mise en
œuvre […], tel n’est pas le cas, dès lors qu’il existe des différences notables entre les deux
plans et qu’il est concevable que les techniciens de la société intimée qui, pendant plusieurs
années, a été amenée à assurer la maintenance de la machine litigieuse, aient, pour
reconstituer les plans de la pièce incriminée à partir de la pièce originale existante, agi selon le
procédé connu sous le nom de l’ingénierie à rebours, ce qui n’est pas en soi répréhensible,
s’agissant d’un matériel ancien et non protégé » 250.
Ainsi l’observation de toute cette jurisprudence permet-elle, par un raisonnement a
contrario, d’en déduire et de confirmer d’une manière générale que le parasite - lorsqu’il est
condamné - ne l’est pas tant pour la reprise du travail d’autrui à laquelle il a procédé que pour
l’économie d’efforts intellectuels et financiers qui, nécessairement, en résulte.
249 Cass. Com. 29 Mars 1994, Soc. Tomy c/ Soc. Lego, D. 1995, Somm. p. 209, obs. Serra Y. , cité par MM.Pinto et Taylor in La décompilation des logiciels : un droit au parasitisme, réf. précitées.250 CA Versailles (12ème ch.) 5 Déc. 1996, réf. précitées.
SECONDE PARTIE
LE TRAITEMENT JURIDIQUE DU PARASITISME
Une fois la faute parasitaire accomplie, il reviendra donc à la personne physique ou
morale l’ayant subie d’ester afin d’obtenir en justice du tribunal compétent la condamnation
de son auteur ou - pour reprendre l’imagerie pénale - de ses « complices ». En effet, la
jurisprudence est unanime pour considérer qu’est non seulement responsable l’auteur
principal des faits parasitaires mais aussi la ou les personnes lui ayant, selon l’expression
consacrée, prêté aide et assistance, individus dont l’intention de nuire n’est pas davantage
requise qu’elle ne l’est, ainsi que nous l’avons vu, pour l’auteur principal mais dont les
tribunaux exigent qu’ils aient eu ou dû avoir connaissance du caractère anormal parce que
déloyal de l’agissement 251.
Extension du droit commun de la responsabilité civile, l’action en parasitisme 252 obéit
toutefois aux règles de procédure issues du Nouveau Code de procédure civile auxquelles doit
donc se plier le parasité demandeur, lequel en effet doit avoir intérêt et qualité pour agir.
Si la licéité du dommage concurrentiel, conséquence du principe de la libre concurrence
elle-même corollaire de la liberté du commerce et de l’industrie, ne saurait admettre que cet
intérêt puisse être démontré par la seule présence d’un autre commerçant - concurrent ou non
- et si le parasité peut parfois invoquer un droit - et notamment le droit qu’il a, en vertu de
l’article L. 713-5 du CPI, sur sa marque notoire 253 -, le parasitisme de sa notoriété ou de ses
251 Entre autres : CA Paris (4ème) 30 Avril 1997, Gaz. Pal. 7 et 8 Juin 1998, p. 30 : a ainsi été condamnél’annonceur qui, après avoir mis en concurrence plusieurs agences de publicité sur un projet de plaquettepublicitaire, a révélé à celle qu’il avait choisie et fait exploiter par elle le thème autour duquel était construit leprojet établi sur sa demande par une agence concurrente à laquelle il n’avait cependant finalement pas confié letravail et qui n’avait qui plus est reçu aucune rémunération.252 …sous réserve de sa prescription : l’action en parasitisme, comme toute action en responsabilité civiledélictuelle, se prescrit en effet par dix ans aux termes de l’article 2270-1 du Code civil. Précisons toutefois que sice délai ne court en principe qu’à compter de la réalisation du préjudice ou de son aggravation, la jurisprudence aadmis que le point de départ de la prescription puisse être repoussé à la date à laquelle la victime a prisconnaissance de l’acte délictueux lui portant préjudice. M. Le Tourneau cite le cas Maxim’s où la Chambrecommerciale a admis que le délai de prescription ne commence à courir qu’à compter de la cessation des actesdéloyaux, soit - en l’espèce - 50 ans après qu’ait débuté l’exploitation injustifiée de la célèbre dénominationMaxim’s (Cass. Com. 2 Nov. 1966, Maxim’s, Gaz. Pal. 1967, I, p. 45).253 …ou qu’il a, en vertu de l’article L. 115-5 alinéa 4 du Code de la consommation, sur une appellationd’origine.
investissements permettra à la victime d’invoquer l’intérêt légitime qu’elle a à ce que le
parasite défendeur ne fasse pas - par l’emploi de moyens déloyaux - un usage excessif, abusif
de la liberté du commerce et de l’industrie.
Ainsi le demandeur doit-il avoir un intérêt légitime, juridiquement protégé, mais aussi
né et actuel. Or, s’il faut se garder de confondre l’intérêt né et actuel avec le préjudice, nous
verrons qu’il n’en est pas véritablement ainsi en matière parasitaire.
S’il doit donc pouvoir justifier d’un intérêt légitime, né et actuel, le demandeur doit
également avoir qualité pour agir, c’est à dire disposer du titre lui conférant le pouvoir
d’arguer en justice du droit bafoué dont il demande la sanction - en l’occurrence pouvoir
mettre en avant le droit qu’il a sur sa marque ou son appellation d’origine aux termes des
articles précités - ou pouvoir justifier d’un intérêt personnel et direct, à savoir prouver la faute
qu’il a personnellement subi et l’intérêt direct et évident qu’il a à la faire cesser 254.
Ces conditions de fond une fois remplies, doivent encore êtresatisfaites certaines conditions de forme et plus précisément de
compétence, tant territoriale que d’attribution.Ratione loci, l’action en parasitisme est soumise aux règles du droit commun de la
responsabilité civile qui suppose que le demandeur puisse saisir à son gré, soit la juridiction
du lieu du domicile du défendeur, soit celle du lieu d’accomplissement du fait dommageable,
soit encore celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi 255.
Ratione materiae, diverses juridictions se « partagent » le traitement juridique du
parasitisme. Si les tribunaux de commerce - parce que les parties au litige seront le plus
souvent l’une et l’autre commerçantes - seront donc fréquemment compétents pour connaître
des actes de parasitisme commis par l’une d’elles à l’occasion de ses activités
professionnelles, la compétence reviendra logiquement - lorsque les parties en cause ne seront
254 Précisons que les organismes professionnels - lorsque l’acte parasitaire cause un préjudice matériel ou moral àtelle ou telle profession ou à un ensemble de commerçants - peuvent agir en réparation du préjudice ainsi subipar la collectivité qu’ils représentent : ainsi le Conseil national de l’ordre des pharmaciens a-t-il été admis à agirpour faire cesser l’atteinte portée à l’image collective des pharmaciens par une publicité ( CA Paris (1ère ch.) 13Sept. 1993, Gaz. Pal. 1993, II, Somm. p. 512 ).255 - Ainsi en résulte-t-il, tant pour l’action en parasitisme que pour l’action en concurrence déloyale, de l’article46 du NCPC. Notons toutefois que la détermination du lieu d’accomplissement du fait dommageable ou du lieude réalisation du dommage peut s’avérer difficile, la clientèle ou les supports d’image parasités pouvant être eneffet dispersés sur une plus ou moins grande partie du territoire. - Précisons également que les personnes morales doivent, selon l’article 43 al. 2 du NCPC, être assignéesdevant le tribunal du siège social sous réserve de la jurisprudence dite « des gares principales ».
pas commerçantes - aux tribunaux de grande instance (ou d’instance) 256, précision faite
toutefois de ce que si l’acte est mixte, mettant en cause un commerçant et un non-
commerçant, la partie non-commerçante dispose traditionnellement d’une option entre le
tribunal de grande instance (ou d’instance), juridiction civile, et le tribunal de commerce.
Précisons enfin que s’il peut l’être, le Conseil des prud’hommes ne peut toutefois être
compétent que si la faute parasitaire commise par le salarié contrevient à l’obligation générale
de fidélité lui incombant durant l’exécution de son contrat de travail ou à la clause de non-
concurrence éventuellement insérée dans ledit contrat et par hypothèse bafouée après
l’expiration de celui-ci alors que les actes de parasitisme accomplis par d’anciens salariés -
souvenons-nous, par exemple, de l’imitation illicite des « Pages jaunes » par d’anciens
salariés de France Télécom ayant procédé au lancement des « Pages Soleil »257 - ne relèvent
pas de la compétence du Conseil des prud’hommes dès lors qu’ils sont intervenus
postérieurement à l’expiration ou à la rupture du contrat de travail.
Si sont donc applicables les conditions procédurales requises par le droit commun de la
responsabilité civile, l’action en parasitisme suppose également qu’il soit satisfait - pour son
succès et donc pour permettre, quelle que soit la forme prise par celle-ci, la sanction du
parasite ( Chapitre second ) - à l’exigence du traditionnel tryptique requis aux termes de
l’article 1382 du Code civil ( Chapitre premier ).
Chapitre premier :
LES CONDITIONS DE RECEVABILITE DE L’ACTION EN RESPONSABILITE
CIVILE POUR FAITS DE PARASITISME
256 Précisons que compétence exclusive leur a également été attribuée par la loi du 2 Janvier 1968 sur les brevetsd’invention - en son article 52 - pour connaître des actes de concurrence déloyale ou de parasitisme connexes àune contrefaçon de brevet ainsi que par la loi du 31 Décembre 1964 sur les marques - en son article 26 al. 2devenu l’article L. 615-19 al. 2 du CPI - pour connaître de tels actes lorsqu’ils sont réalisés conjointement àl’exploitation injustifiée d’une marque déposée, solution que n’est nullement venue remettre en cause la loi du 4Janvier 1991 réformant le droit des marques dont l’article 34, en effet, devenu l’article L.716-3 du CPI, disposeque « Les actions civiles relatives aux marques sont portées devant les tribunaux de grande instance ainsi que lesactions mettant en jeu à la fois une question de marque et une question […] de concurrence déloyale ( et doncpar extension de parasitisme) connexes ».257 Cass. Com. 4 Oct. 1994, CMS c/ France Télécom, précité, Petites Affiches 17 Mars 1995, p. 5 et s., noteFerrière C.
Parce que la théorie du parasitisme n’est que l’extension du droit commun de la
responsabilité civile, la sanction des actes parasitaires suppose dès lors la réunion des trois
éléments dont l’article 1382 du Code civil infère la présence et le constat, en l’occurrence
l’existence d’une faute ( I ), mais aussi celle d’un dommage ou préjudice ainsi que d’un lien
de causalité, c’est à dire de cause à effet, entre celle-ci et celui-là ( II ).
I) LA TRADITIONNELLE CARACTERISATION DE LA FAUTE
PARASITAIRE :
Le principe est clairement admis : il ne suffit pas, pour qu’il y ait parasitisme
condamnable juridiquement, qu’une personne physique ou morale tire profit de la renommée
acquise et / ou des efforts déployés par telle ou telle autre personne, encore faut-il que ce soit
de manière illégitime, ce qui implique qu’une faute soit commise.
Si la question se révèle très délicate dans la mesure où l’auteur de l’acte de parasitisme
ne commet aucune infraction aux lois et aux conventions de telle sorte que l’acte parasitaire
est par hypothèse licite, l’observation de la jurisprudence ne laisse pourtant subsister aucun
doute sur le caractère malhonnête et donc fautif des faits de parasitisme : « Un tel
comportement parasitaire est fautif… », « Constituent des agissements parasitaires permettant
de caractériser une faute… »…
Sur le fondement de l’article 10 bis de la Convention de Paris de 1883 aux termes
duquel constitue un acte de concurrence déloyale « tout acte contraire aux usages honnêtes en
matière industrielle ou commerciale », la jurisprudence a donc pour « mission » de
sanctionner tout acte excédant l’exercice normal de ce principe fondamental qu’est celui de la
liberté du commerce et de l’industrie : ainsi les juges semblent-ils trouver dans le caractère
abusif des agissements du « parasite » et dans le non-respect par celui-ci des règles du marché
le fondement de leur action.
Si le principe de la liberté du commerce et de l’industrie implique en effet
corollairement l’exercice d’une libre concurrence, cette liberté trouvera néanmoins dans le
parasitisme de la notoriété ou des investissements matériels et / ou intellectuels d’autrui l’une
de ses principales limites. Si la clientèle - il est vrai - ne peut faire l’objet d’aucun droit
privatif, étant - selon l’expression bien connue de M. Paul Roubier - « à qui sait la conquérir
et la prendre » 258, il s’agit toutefois pour chaque opérateur économique de s’abstenir, dans le
cadre de cette conquête de la clientèle, de toute déloyauté à l’égard des tiers concurrents ou
non concurrents.
Ainsi la faute réside-t-elle ici dans le caractère déloyal de l’acte accompli par tel ou tel
opérateur économique à l’égard de tel ou tel autre, déloyauté qu’il reviendra aux tribunaux
d’apprécier. Le parallèle peut alors à nouveau être fait avec le droit commun de la
responsabilité civile où l’unité traditionnelle de mesure de la faute sera, ainsi que le rappelle
M. Le Tourneau 259, celle du « bon père de famille », ‘‘image’’ idéaliste qui - transposée au
domaine du parasitisme - conduira à prendre en considération le comportement qu’aurait
adopté - face aux faits de chaque espèce - le « bon professionnel » du secteur d’activité en
cause : le juge, par une appréciation in abstracto de la faute, se demandera en effet ce
qu’aurait fait un bon professionnel, la grande latitude ainsi laissée aux tribunaux dans
l’appréciation de ce qui est « bon » ou non imposant toutefois la plus grande prudence, faute
dont il nous faudra préciser la véritable nature ( A ) et les modalités de preuve ( B ).
A) La nature de la faute parasitaire :
Si l’action engagée par tel ou tel commerçant pour faits de parasitisme est donc
nécessairement fondée sur la faute de son auteur, la question s’est rapidement posée en
doctrine et en jurisprudence de savoir si celle-ci doit impérativement être intentionnelle ou si
une simple faute non intentionnelle peut suffire. Ainsi l’interrogation portait-elle sur le
caractère nécessaire ou facultatif de l’intention de nuire ayant pu guider dans ses actes la
personne du parasite.
Si la licéité du dommage concurrentiel, largement admise, interdit de voir dans la faute
la violation d’un devoir général de ne pas nuire à autrui, la faute constituerait pour certains, et
notamment pour M. Louis Josserand, un abus de droit, ce qu’a clairement refusé d’admettre
M. Paul Roubier pour qui les critères de l’abus de droit dégagés par la jurisprudence à propos
du droit de propriété étaient ici inapplicables : « Ni l’intention de nuire, ni le motif illégitime
ne nous permettent de caractériser la responsabilité encourue » disait-il avant d’ajouter qu’
« En effet, il ne faut pas dire que le concurrent qui se livre à des manœuvres […]est guidé par
une intention malicieuse et le dessein de nuire à autrui : c’est bien au contraire exclusivement
258 Roubier (P.), Le droit de la propriété industrielle, Recueil Sirey, Tome II, spéc. p. 493.
en vue de ses propres intérêts qu’il agit […] ; ce ne sont pas du tout les motifs de ses actes qui
sont en cause, ce sont exclusivement les moyens qu’il emploie ».
Si nous pourrions parler avec Mme Izorche, plus que d’un abus de droit, d’un « abus de
liberté » 260, celle de la concurrence, il est de toute façon patent que les tribunaux ont
largement suivi, sur ce point, l’opinion de M. Roubier.
La preuve ne s’en est d’ailleurs pas fait attendre puisque la Chambre commerciale de la
Cour de cassation est en effet venue, dès le 18 Avril 1958, juger que « la faute peut être
retenue en l’absence même de tout élément de mauvaise foi, de tout élément intentionnel » 261.
Cette jurisprudence qui donc écarte toute considération relative à l’intention sera par la
suite régulièrement consacrée, pouvant à ce titre être cité l’arrêt rendu par cette même
chambre le 26 Avril 1994, arrêt aux termes duquel « L’action en concurrence déloyale
suppose seulement l’existence d’une faute, sans requérir un élément intentionnel » 262.
La jurisprudence ne s’attache donc plus à l’intention, exigeant seulement que soit
démontrée l’existence d’une faute : « L’action en concurrence déloyale trouve son fondement
dans les articles 1382 et 1383 du Code civil, lesquels impliquent l’existence d’une faute
commise par le défendeur et également celle d’un préjudice subi par le demandeur » 263.
De même qu’en matière de concurrence déloyale, la jurisprudence est à de multiples
reprises venue sanctionner les agissements du parasite indépendamment de toute intention
malicieuse manifestée par ce dernier, pouvant notamment être rappelée ici la célèbre affaire
« Baccarat » dans laquelle la Chambre commerciale de la Cour de cassation est en effet venue
sanctionner la cristallerie qui, en s’établissant à proximité de la fameuse « Compagnie des
cristalleries de Baccarat », avait - selon elle - « entendu, ne serait-ce qu’inconsciemment, sans
intention de nuire à la Compagnie et de la concurrencer, profiter de la renommée dont celle-
ci a fait bénéficier la ville de Baccarat en tant que cité cristallière » 264.
Une autre illustration de cette possible absence de tout élément intentionnel peut être
donnée avec la jurisprudence relative aux personnes « parasites malgré elles » qui adoptent en
259 Le Tourneau (P.), J.-Cl. Concurrence - Consommation, Fasc. n° 227, spéc. n° 91.260 Izorche (M.-L.), Les fondements de la sanction de la concurrence déloyale et du parasitisme, RTD Com.1998, p. 17 et s., spéc. n° 41.261 Cass. Com. 18 Avril 1958, D. 1959, Jur. p. 87, note Derrida F.262 Cass. Com. 26 Avril 1994, Bull. civ. 1994, IV, n° 151.263 CA Versailles 8 Déc. 1994, D. 1995, Somm. p. 261, obs. Serra Y.264 Cass. Com. 17 Mai 1982, Baccarat, Bull. civ. 1982, IV, n° 180, p. 157 ; RTD Com. 1982, p. 553, obs.Chavanne A. et Azéma J.
totale bonne foi comme nom commercial ou dénomination sociale, pour l’exercice de leur
activité, leur nom patronymique dans l’ignorance de ce qu’il a déjà été déposé par autrui pour
l’exercice d’une activité similaire, le parasitisme résidant alors dans la possible confusion
susceptible de naître dans l’esprit de la clientèle…
L’étude pratique des multiples facettes du parasitisme nous aura cependant permis de
constater qu’au delà de la théorie, aux termes de laquelle l’intention de nuire du parasite est
donc purement facultative, l’acte parasitaire - qu’il concerne la notoriété ou les
investissements du parasité - sera le plus souvent volontaire, le parasite cherchant tout à fait
consciemment à s’insérer, à vivre « dans le sillage » du tiers concurrent ou non.
Cette mauvaise foi latente du parasite constituera d’ailleurs régulièrement pour les
tribunaux comme une sorte de « roue de secours », la mise en évidence de cette mauvaise foi
leur permettant en effet de prononcer la condamnation de celui-ci alors même qu’aucun
préjudice avéré n’aura pu être établi et qu’aura seulement pu être constatée la possibilité d’un
risque de confusion dans l’esprit de la clientèle : les juges, en effet, ont trouvé dans le risque
de confusion qu’ils sont susceptibles d’engendrer le moyen de sanctionner au titre du
parasitisme les agissements du commerçant dont la volonté de nuire n’est pourtant pas
établie…
Ainsi les juges, conformément au droit commun de la responsabilité civile, axent-ils
leur décision sur la preuve de la faute - intentionnelle ou non - commise par la personne du
parasite.
B) La preuve de la faute parasitaire :
Tout comme l’action en concurrence déloyale, l’action en parasitisme suppose que soit
rapportée par la victime des agissements déloyaux la preuve de leur commission, cette
exigence ayant toutefois conduit doctrine et jurisprudence à s’interroger sur le point de savoir
s’il était envisageable de fonder cette action sur une présomption de responsabilité.
Cette question, qui s’est d’abord posée en matière de concurrence déloyale, a toutefois
reçu au sein même de la jurisprudence des réponses divergentes. En effet, si la Chambre
commerciale, après moultes hésitations 265, estime aujourd’hui qu’il n’y a point à rechercher si
des faits pris dans leur ensemble forment un « faisceau de présomption » de faute dès lors que
265 Cf notamment, en sens inverse, Cass. Com. 23 Oct. 1967, Bull. civ. 1967, III, n° 336.
l’action en concurrence déloyale - et par extension l’action en parasitisme - est fondée sur les
articles 1382 et 1383 du Code civil et non sur une présomption de responsabilité 266, la
Chambre civile de la Cour de cassation a quant à elle pu considérer qu’un « faisceau de
présomptions » d’une action concertée pour s’approprier une clientèle pouvait suffire à la
sanction de celle-ci au titre de la concurrence déloyale 267.
Ainsi, si M. Serra - au sein d’une doctrine tout aussi divergente - paraît rejoindre
l’opinion de la Chambre commerciale en considérant qu’il est souhaitable d’affirmer que
l’action en concurrence déloyale repose sur une responsabilité pour faute prouvée et non sur
une présomption de responsabilité, l’opinion de la Chambre civile semble en revanche avoir
les faveurs de M. Le Tourneau qui considère en effet, sur le fondement de l’article 1353 du
Code civil, que peut parfaitement être admis comme preuve un faisceau de faits de
parasitisme 268, hypothèse dans laquelle la responsabilité - dit-il - « n’est pas pour autant
présumée » et « reste pour faute prouvée » : ainsi, si le Tribunal de commerce de Paris n’a pas
hésité à relever expressément « un faisceau de faits » déloyaux 269, la Cour d’appel de Paris
n’a quant à elle pas hésité à considérer que des « éléments convergents » révélaient le
comportement parasitaire fautif du défendeur 270.
Ainsi la faute intentionnelle ou non constitue-t-elle assurément, parce qu’est d’abord
sanctionnée la déloyauté des moyens utilisés par le parasite pour attirer à lui et à lui seul la
clientèle, l’élément central du raisonnement, élément dont le droit commun de la
responsabilité civile interdit toutefois de dissocier le dommage ou préjudice à travers
l’exigence du lien de causalité devant unir la faute et le dommage.
II) LA CARACTERISATION SPECIFIQUE DU DOMMAGE ET DU LIEN
DE CAUSALITE AU SEIN DE L’ACTION EN PARASITISME :
266 - Cass. Com. 30 Nov. 1983, Bull. civ. 1983, IV, n° 331, p. 287. - Dans le même sens : Cass. Com. 7 Nov. 1984, Bull. civ. 1984, IV, n° 301 - 3 Janv. 1985, Bull. civ. 1985, IV,n° 2 ; Cass. Soc. 30 Avril 1987, Bull. civ. 1987, V, n° 236 ; D. 1988, Somm. p. 213, obs. Serra Y.267 Cass. 1ère Civ. 29 Oct. 1985, Bull. civ. 1985, IV, n° 275.268 Le Tourneau (P.), Le bon vent du parasitisme, Contrats - Conc. - Conso., Janv. 2001, Chron. n° 1, p. 4 et s.269 Trib. Com. Paris 14 Mai 1986, Expertises 1986, p. 188, cité par M. Le Tourneau in J.-Cl. Concurrence-Consommation, Fasc. n° 227, spéc. n° 92.270 CA Paris 24 Mai 1995, Soc. Infodidact, D. 1996, Somm. p. 252, obs. Izorche M.-L.
Fondée sur le droit commun de la responsabilité civile, l’action en parasitisme suppose
en effet que soit ordinairement requise, pour la sanction de ces agissements, la démonstration
d’un dommage subi par le parasite et engendré, en vertu du lien de causalité, par la faute du
parasité.
Ainsi la jurisprudence a-t-elle à de maintes reprises confirmé la nécessité d’un
dommage en ces termes : « L’action en concurrence déloyale trouve son fondement dans les
articles 1382 et 1383 du Code civil qui impliquent non seulement l’existence d’une faute
commise par le défendeur, mais aussi celle d’un préjudice souffert par le demandeur » 271 de
telle sorte que l’action en concurrence déloyale ou en parasitisme sera rejetée si la « victime »
ne parvient pas à rapporter la preuve d’un préjudice particulier, précision faite que si les
tribunaux ne se satisfont pas d’un dommage « virtuel » comme l’a clairement rappelé la Cour
d’appel de Paris le 4 Juin 1991 dans une affaire Coca-Cola 272, le caractère…bénéfique du
préjudice a même déjà pu être démontré 273…
Si plus nombreuses sont les décisions qui, constatant l’existence d’un préjudice,
prononcent la condamnation du parasite, il est patent que l’identification de ce dommage est
plus délicate que ne l’est celle de la faute, l’observation de la jurisprudence permettant
toutefois d’opérer - au sein des multiples facettes revêtues par le préjudice - une distinction
entre la catégorie des préjudices d’ordre matériel ( A ) et la catégorie des préjudices d’ordre
moral ( B ). L’exigence traditionnelle d’un lien de causalité devant unir la faute causée et le
dommage subi, appliquée au parasitisme, a quant à elle été quelque peu ébranlée par une
tendance jurisprudentielle pour le moins « innovante » ( C ).
A) Les multiples facettes du préjudice d’ordre matériel :
L’aspect « matériel » du préjudice subi par le parasite tend à désigner de toute évidence
l’aspect pécuniaire du dommage à celui-ci causé, préjudice dont il nous faut dégager les
tendances essentielles.
271 Cass. Com. 25 Mars 1965, Bull. civ. 1965, III, n° 228 - 19 Juill. 1976, JCP éd. G. 1976, II, n° 18507, noteR.D.M.272 CA Paris 4 Juin 1991, P.I.B.D. 1991, n° 510, III, 647.273 CA Paris 13 Sept. 1993, Korff, Gaz. Pal. 1993, II, Somm. p. 512 : parce que le fabricant du produit litigieuxavait rappelé que ce produit était vendu exclusivement aux pharmaciens et que ces derniers donnaient desconseils efficaces, la Cour - indépendamment de la faute caractérisée en l’espèce - a en effet considéré que leparasite avait pu - par la publicité faite - accroître la notoriété du parasité.
Lorsque parasite et parasité sont dans une situation de concurrence et ont donc pour
cible la même catégorie de consommateurs, le dommage va alors consister dans le
détournement de cette clientèle, clientèle qu’était par hypothèse parvenue à se constituer - au
prix d’efforts financiers et intellectuels constants - l’entreprise parasitée et qui, attirée sous les
cieux (semble-t-il) plus propices d’un quelconque concurrent, va incontestablement causer à
cette dernière un plus ou moins sérieux manque à gagner…
Le détournement de clientèle, cependant, ne saurait à lui seul réaliser l’entièreté du
préjudice subi par le parasité car, comme le souligne en effet M. Le Tourneau, « le
commerçant le plus loyal et le plus honnête peut tout à fait licitement détourner la clientèle
d’autres commerçants, en vertu du principe de la liberté du commerce et du marché s’il est
plus dynamique ou que ses produits ou services sont plus attractifs, pour une raison ou pour
une autre (qualité, prix, services après-vente, etc…) : fugitive, volatile, la clientèle est en
effet, selon les mots déjà cités de M. Roubier, « à qui sait la conquérir et la prendre » de telle
sorte que le dommage résultant de son détournement doit être en lui-même regardé comme
licite, comme la résultante d’un exercice normal du principe de la libre concurrence.
Le véritable préjudice, dès lors, est ailleurs. En effet, de ce détournement de clientèle en
soi licite et somme toute donc assez abstrait, va naturellement s’induire le préjudice quant à
lui bien concret qu’est la diminution du chiffre d’affaires réalisé par le parasité. En effet, la
perte de clientèle engendrée par les agissements du concurrent va logiquement se répercuter
sur le chiffre d’affaires moyen réalisé par l’entreprise parasitée.
Si elle résultera donc de toute évidence du détournement de clientèle qui s’induit du
parasitisme d’un concurrent, la baisse du chiffre d’affaires du parasité pourra également
résulter de divers autres préjudices à lui causés, préjudices dont la « teneur » sera fonction de
la forme prise par les agissements du parasite.
Ainsi, et alors qu’il ne s’agit plus ici de distinguer concurrence et agissements
parasitaires, diverses tendances peuvent-elles être dégagées.
1) L’affaiblissement du caractère distinctif du signe usurpé :
Ainsi l’usurpation de la notoriété ou des investissements d’autrui peut-elle avoir pour
effet préjudiciable d’engendrer, selon la terminologie jurisprudentielle, la « banalisation », la
« dilution » , la « dépréciation » ou la « vulgarisation » du signe distinctif, cet affadissement
pouvant même s’accompagner d’une perte de rentabilité des investissements réalisés pour
parvenir à faire de ce signe un élément attractif de la clientèle : ainsi la Chambre commerciale
de la Cour de cassation a-t-elle considéré à propos du slogan « La Côte d’Azur, l’autre pays
de la tulipe » - et indépendamment de toute perte de clientèle, faute d’un rapport de
concurrence entre les parties en cause - que le préjudice subi par l’Office néerlandais des
fromages résultait de la « banalisation de son slogan publicitaire et de la perte de rentabilité
des investissements réalisés dans le cadre des campagnes publicitaires »274.
De même cette affaiblissement du caractère distinctif du signe usurpé pourra-t-il résulter
de son utilisation pour la désignation d’activités, de produits ou de services similaires, voire
même différents puisque l’emploi simultané d’un même signe distinctif, quand bien même
aucun risque de confusion entre les entreprises n’est donc possible, vient toujours semer le
trouble dans l’esprit des consommateurs qui, à telle dénomination ou tel signe figuratif, vont
associer telle entreprise ou tel produit et donc fausser l’association des idées sur laquelle
repose toute la valeur commerciale d’un signe distinctif… C’est ainsi par exemple que le
Tribunal de grande instance de Lyon, en dépit de l’absence de similitude des produits vendus,
a estimé que le bijoutier, titulaire de la marque « Aujourd’hui plus qu’hier et moins bien que
demain » apposée sur des cartes postales par une autre société, était bien fondé à reprocher à
ladite société de tirer profit d’une formule à laquelle il avait « conféré une grande renommée
grâce à un effort publicitaire soutenu et grâce à la qualité des bijoux vendus » : les juges, en
effet, ont vu dans ces agissements des faits de parasitisme et ont clairement dégagé la nature
du préjudice subi par le bijoutier en relevant que « La banalisation de la formule consécutive à
son apposition sur un produit médiocre susceptible d’être vendu à des milliers d’exemplaires
affaiblit son caractère attractif […] » 275.
De même encore la dilution pourra-t-elle résulter de ce que le signe distinctif usurpé est
utilisé pour la désignation de produits de qualité inférieure à ceux du parasité, ce que la
dernière décision citée met également en exergue en parlant d’ « un produit médiocre » 276…
La qualité médiocre du produit peut d’ailleurs à elle seule justifier la plainte du parasité,
la jurisprudence ayant en effet admis à plusieurs reprises que l’entreprise parasitée puisse se
274 Cass. Com. 30 Janv. 1996, Soc. Fleurs Eclairs c/ Office néerlandais des produits laitiers, D. 1997, Somm. p.232 et s., note Serra Y.275 TGI Lyon (3ème ch.) 7 Déc. 1989, SA Augis Médailles c/ Soc. Editions Art Delta, D. 1993, Somm. p. 116,obs. Burst J.-J.276 Entre autres : TGI Lyon (3ème ch.) 7 Déc. 1989, réf. précitées.
plaindre de la dévalorisation ou de la dépréciation de son produit en raison de la qualité
médiocre de la reproduction servile de celui-ci 277.
Peut à ce titre être cité l’arrêt par lequel le Tribunal de grande instance de Paris a
considéré qu’ « En faisant usage de la marque Chanel sur des vêtements de très médiocres
qualités et sous une forme particulièrement commune », une société « a porté atteinte à
l’image de marque de la société Chanel » 278.
Cette décision, dès lors, permet de faire le lien : par la sanction de la banalisation, de la
vulgarisation…de tel ou tel signe distinctif en effet, la jurisprudence ne fait en réalité - mais
sans jamais le dire…- pas autre chose que sanctionner l’atteinte portée à l’ « image de
marque » de l’entreprise parasitée, à ce bien incorporel que M. Maccioni définit comme étant
« constitué de l’ensemble des représentations tendant à singulariser, aux yeux du public, la
notoriété d’une marque - ou de tout autre élément pouvant avoir une valeur économique - et
qui résulte de nombreux investissements (notamment publicitaires et marketing) » 279. Sans
doute la réticence manifestée par la jurisprudence à l’égard de l’emploi de cette formule
s’explique-t-elle par son caractère trop immatériel, trop flou…280
2) La perte d’une chance de développement :
Le préjudice pourra également résider dans la perte d’une chance de développement. Le
parasite, en effet, peut avoir fait perdre au parasité « une chance d’évoluer et de diversifier
son activité économique en exploitant d’autres champs d’activité, ce qui va devenir
doublement impossible puisque le parasite y a pris, par anticipation, position et, qui plus est,
en bénéficiant de l’image du parasité […] » 281. Après la sanction du gain manqué ou
« lucrum sessans » constitué par la diminution du chiffre d’affaires résultant de la dérive de la
clientèle, est donc ici visée la sanction de la perte subie ou « damnum emergans » : les
tribunaux, en effet, vont ici sanctionner le « coup d’arrêt » porté par les agissements du
parasite à la possible expansion économique de l’entreprise parasitée…
277 Entre autres : TGI Saint-Brieuc 14 Mai 1996, RJDA 1997, n° 297.278 TGI Paris 10 Nov. 1987, PIBD 1988, n° 431, III, p. 165.279 Maccioni (H.), L’image de marque - Emergence d’un concept juridique ?, JCP éd. G. 1996, I, Doctr. n° 3934,p. 205 et s., spéc. n° 3.280 M. Maccioni estime en tout cas que « tant que la notion d’image de marque ne figurera pas dans laterminologie juridique reçue, nous rencontrerons ce flottement dans la caractérisation du préjudice d’image »,réf. précitées, spéc. n° 24.
Ainsi le préjudice subi par la personne ou l’entreprise parasitée ne résiderait-il pas
seulement dans l’atteinte portée à la conservation de la clientèle qu’elle était parvenue à se
constituer au prix d’efforts soutenus mais résiderait aussi dans l’atteinte portée aux
possibilités de développement de cette clientèle, ce qui revient - selon la distinction opérée par
Mme Izorche 282 - à considérer l’entreprise parasitée non d’un point de vue statique, en la
protégeant contre les atteintes à une clientèle qu’elle peut légitimement espérer conserver,
mais d’un point de vue dynamique selon lequel les autres opérateurs économiques ne doivent
pas, par des procédés déloyaux, empêcher l’évolution normale de l’entreprise.
Va donc ici être sanctionnée la perte d’une chance, pour l’entreprise parasitée, de voir
son activité commerciale se déployer, se diversifier ou ses initiatives se concrétiser, M.
Dupichot ayant même à cet égard plaidé en faveur d’un élargissement de la notion de
préjudice en déclarant que l’atteinte fautive portée à une « chance de développement
constitue, (lui) semble-t-il, un préjudice juridiquement réparable au titre de la perte de chance
‘‘d’une évolution de carrière’’ » 283…
3) La diminution ou la perte d’un « avantage concurrentiel » :
Par cette notion empruntée à M. Le Tourneau, est visé le préjudice résultant d’une
manière générale de l’usurpation d’une valeur économique, notion pour le moins générique
dont nous avons d’ores et déjà étudié l’objectif « hyper-protecteur » et dont l’usurpation a
pour résultante essentielle d’anéantir ou, à tout le moins, d’amenuiser les investissements
déployés pour son développement.
Une espèce est particulièrement significative de ce type de préjudice. Alors que M.
Christian Lacroix était le créateur modéliste de la maison Jean Patou depuis plusieurs années
déjà et que cette dernière société, forte des talents créatifs et de l’originalité du célèbre
couturier, avait entrepris des investissements considérables qui commençaient à porter leurs
fruits, M. Lacroix fit en pleine période de présentation des collections l’annonce soudaine de
son départ en même temps qu’il annonçait la création de sa propre maison de couture. Saisi
par la maison Patou de ce que le comportement de M. Lacroix l’avait privée « des retombées
281 Dupichot (J.), Le parasitisme économique - Quelles solutions juridiques ?, Colloque du 13 Mai 1987, Gaz.Pal.et Litec 1988, p. 106.282 Izorche (M.-L.), Les fondements de la sanction de la concurrence déloyale et du parasitisme, réf. précitées.283 Dupichot (J.), Pour une réflexion doctrinale sur la (nécessaire) sanction du parasitisme économique - Vers unparticularisme des sanctions ou vers un retour au droit commun ?, Gaz. Pal. 1987, I, p. 348 et s.
médiatiques du succès de la collection » alors que ces retombées « sont importantes sur les
accessoires », le Tribunal de commerce de Paris - confirmé par la Cour d’appel de Paris -
prononça à l’encontre du célèbre couturier diverses condamnations : s’il a notamment décidé,
sur le fondement du « détournement des retombées médiatiques de la présentation de la
collection » et de la réparation des investissements perdus, de condamner M. Lacroix pour
acte de concurrence parasitaire à respectivement 10 et 11,7 millions de francs d’amende, le
tribunal consacrera l’indemnisation la plus élevée - 12 millions de francs - à la réparation du
préjudice résultant de la « perte d’image », c’est à dire de l’atteinte à l’image de marque de la
société Jean Patou 284.
Le lien peut dès lors être fait avec ce qui précède : les juges sont ici venus faire de
l’ « image de marque » acquise par la maison Patou grâce au talent de Christian Lacroix une
valeur économique à part entière, valeur en l’occurrence fortement amenuisée et détournée
par ce dernier…au seul profit du chiffre d’affaires de sa propre maison de couture.
B) Les diverses facettes du préjudice d’ordre moral :
L’émergence d’un préjudice moral trouva sa première concrétisation dans un arrêt de la
Chambre commerciale de la Cour de cassation du 9 Février 1993 rendu en matière de
concurrence déloyale : les juges, en effet, ont relevé que « Dans le cas où un garagiste,
concessionnaire d’une marque automobile, a continué, après la perte de cette qualité, d’utiliser
à des fins publicitaires le nom commercial de cette marque, a violé l’article 1382 du Code
civil la Cour d’appel qui, pour rejeter la demande de dommages et intérêts de la société
concédante pour faits de concurrence déloyale, a énoncé que si le commerçant s’était rendu
coupable d’une faute, l’existence d’un préjudice n’était pas établie tant sur le plan commercial
qu’au regard d’une atteinte à la notoriété et à la réputation de l’entreprise concédante, alors
qu’il résultait nécessairement des actes déloyaux constatés l’existence d’un préjudice pour
celle-ci, fût-il simplement moral » 285.
Ainsi la Chambre commerciale se contente-t-elle en l’espèce d’un simple préjudice
moral, préjudice auquel il semblerait par exemple possible d’assimiler - par leur caractère
284 Trib. Com. Paris 23 Nov. 1992 et, sur appel, CA Paris 26 Sept. 1994, cités par M. Maccioni in L’image demarque - Emergence d’un concept juridique ?, réf. précitées.285 Cass. Com. 9 Fév. 1993, Soc. Mercedes Benz France c/ Tchumak, Bull. civ. 1993, IV, n° 53 ; JCP éd. Ent.1994, II, Jur. p. 545 et s., note Danglehaut C.
extrêmement flou - les atteintes portées à l’ « image de marque » ou à la « réputation
commerciale » de l’entreprise parasitée.
Le commentaire de cet arrêt de la Chambre commerciale par Madame Danglehaut,
cependant, interpelle : l’auteur, en effet, se félicite de ce que la Cour de cassation ne recourt
plus à la notion de « trouble commercial » mais à celle de « préjudice moral », estimant que
« Cette nouvelle position est préférable car la notion de ‘’trouble commercial’’ est vague et
difficile à cerner ». Aussi l’assimilation semble-t-elle devoir être opérée entre les notions
somme toute assez évasives de « préjudice moral » et de « trouble commercial » que doctrine
et jurisprudence définissent comme la rupture d’égalité survenant entre les différents
intervenants sur le marché économique.
L’atteinte déloyale portée au principe fondamental de la liberté du commerce et de
l’industrie vient en effet fausser le jeu normal du marché et rompre l’égalité entre les
différents intervenants comme l’a très clairement décrit la Cour d’appel de Paris dans l’arrêt
précité du 16 Février 1989 286 et ainsi qu’il en ressort de la définition de M. Le Tourneau aux
termes de laquelle - rappelons-le - l’acte parasitaire, « contraire aux usages du commerce,
notamment en ce qu’il rompt l’égalité entre les différents intervenants, même non
concurrents, fausse le jeu normal du marché et provoque ainsi un trouble commercial ».
Ainsi les tribunaux viennent-ils, selon l’expression consacrée, sanctionner le « trouble
commercial » causé à l’entreprise ou à la personne parasitée par les agissements du parasite :
si la jurisprudence considère en effet ce trouble commercial comme constituant en lui-même
et à lui seul l’ « intérêt né et actuel » requis - comme nous l’avons vu en introduction à cette
seconde partie - par le Nouveau Code de procédure civile pour que le demandeur soit autorisé
à ester en justice, certains arrêts n’hésitent pas à se fonder sur ce seul trouble envisagé comme
constituant en lui-même un préjudice actuel et certain pour octroyer des dommages et intérêts
à la victime de celui-ci, faisant ainsi fi de ce qu’il ne faut en principe pas confondre l’intérêt
né et actuel avec le préjudice.
L’action en parasitisme, dès lors, serait recevable indépendamment de toute perte de
clientèle ou de toute baisse du chiffre d’affaires de telle sorte qu’invoquer l’existence d’un
« trouble commercial » semble devoir permettre aux tribunaux de sanctionner pour faits de
parasitisme la personne ou l’entreprise en cause lorsque et alors que le procès n’aura pas
permis de mettre à jour un quelconque préjudice matériel.
Aussi la jurisprudence semble-t-elle avoir trouvé dans la notion de « trouble
commercial » le moyen de garantir au demandeur la condamnation quasi-systématique du
« parasite », le trouble commercial faisant incontestablement partie de ces « concepts mous »,
de ces notions dénuées de définition claire et précise dont la grande malléabilité permet dès
lors au juge d’adapter à chaque espèce la disposition mise en œuvre.
Cette volonté sanctionnatrice à tous crins manifestée par la jurisprudence trouve
d’ailleurs dans la caractérisation du lien de causalité une autre brillante illustration.
C) La remise en cause du traditionnel lien de causalité :
Extension du droit commun de la responsabilité civile, le parasitisme suppose donc
encore - pour sa sanction - que soit caractérisée l’existence d’un lien de causalité entre la faute
commise par le parasite et le préjudice subi par le parasité.
Or, comme le constate M. Le Tourneau, « la jurisprudence ne se montre pas trop
rigoureuse à cet égard » 287. En effet, au delà même du fait qu’il soit dans l’action préventive
au fond 288 ou en référé d’autant moins nécessaire d’établir un lien de causalité que l’existence
d’un dommage n’est elle-même pas requise - seul comptant son risque de survenance -, une
tendance s’est depuis quelques années dégagée en jurisprudence tendant à établir l’existence
d’un préjudice en l’inférant simplement des actes déloyaux accomplis.
Ainsi l’étude des multiples facettes de la notion de parasitisme en première partie nous
aura-t-elle par exemple permis de constater que nombreuses sont les décisions qui se
contentent d’un préjudice éventuel ou possible et ceci, tout particulièrement, en matière de
confusion. Le plus souvent en effet, la constatation directe par le juge d’un préjudice
consistant dans la confusion entre les entreprises parasite et parasitée est impossible pour la
bonne et simple raison que cette confusion s’opère - par hypothèse même et selon
l’expression consacrée - dans l’esprit de la clientèle ou du public : aussi les juges se
contenteront-ils alors de relever que le procédé utilisé était « de nature à provoquer » ou « à
créer une confusion » ou mettront-ils en exergue une simple possibilité, un simple « risque de
confusion », pouvant être cité ici l’arrêt particulièrement significatif de cette tendance
jurisprudentielle qui fut rendu par la Cour d’appel de Douai le 21 Décembre 1989. Les juges,
286 CA Paris 16 Fév. 1989, Soc. Tournus c/ Soc. Seb, précité, JCP éd. Ent. 1990, II, n° 15698, obs. Burst J.-J. etMousseron J.-M.287 Le Tourneau (P.), Le bon vent du parasitisme, réf. précitées.
en effet, après avoir estimé qu’était dépourvu de pertinence l’argument du défendeur selon
lequel les demanderesses ne pouvaient prospérer en leur demande faute de pouvoir justifier
d’un préjudice exactement quantifié, n’ont pas hésité à déclarer que « la preuve d’un préjudice
chiffré [ en l’occurrence ici une baisse précise du chiffre d’affaires des demanderesses « qui
serait la mesure de leur préjudice » ] n’est pas une condition nécessaire au succès d’une telle
demande dès lors que de la démonstration d’un risque de confusion entre deux produits
concurrents, s’infère nécessairement l’existence d’un préjudice » 289.
Ainsi les juges semblent-ils par une telle formule faire fi de la preuve du préjudice ainsi
que de l’exigence relative au lien de causalité en ne cherchant pas à démontrer le préjudice
mais en se contentant simplement de le déduire de la faute commise, ce qui n’a pas manqué
de susciter les réactions de la doctrine et par là même d’engendrer les théories les plus
inattendues quant au fondement même de la sanction du parasitisme économique.
Si M. Mousseron s’est avec d’autres auteurs demandé si le parasitisme ne relevait pas
du régime de la propriété dans la mesure où le préjudice - constata-t-il - n’est plus requis en
cas d’atteinte à la propriété 290, Mme Frison-Roche est quant à elle venue établir un
rapprochement de la théorie du parasitisme avec celle des troubles du voisinage : ne pourrait-
on pas, se demande-t-elle en effet, invoquer une théorie dite « des troubles anormaux de
concurrence » uniquement fondée sur le constat d’un comportement déloyal et donc sans
égard au préjudice ? 291
De même, et alors qu’il est acquis que « concurrence déloyale, concurrence parasitaire
et agissements parasitaires ne sont [en réalité] que différentes facettes de la responsabilité
civile » 292 de sorte que le parasitisme peut être sanctionné sur le fondement de la
responsabilité du fait personnel, Mme Malaurie-Vignal s’est interrogée : « On connaissait la
responsabilité sans faute. Peut-on encore parler de responsabilité pour faute, sans
préjudice ? » 293.
288 …sur laquelle nous reviendrons plus avant.289 CA Douai 21 Déc. 1989, R.D.P.I. 1989, n° 3, p. 316.290 Mousseron (J.-M.), Entreprise : parasitisme et droit, Colloque sous la direction de Mme Simon J., précité, JCPéd. Ent. 1992, Cah. Dr. Ent. n° 6, p. 15 et s.291 Frison-Roche (M.-A.), Les principes originels du droit de la concurrence déloyale et du parasitisme, RJDA1994, n° 6, p. 483 et s.292 Druez-Marie (C.), Le parasitisme appliqué à la protection des signes et des formes, Petites Affiches 25 Déc.1998, Doctr. p. 5 et s.293 Malaurie-Vignal (M.), Parasitisme et notoriété d’autrui, précité, JCP éd. G. 1995, I, Doctr. n° 3888, p. 471 ets., spéc. n° 17.
La jurisprudence, de son côté, s’était dans un premier temps il est vrai montré prudente
dans son expression : ainsi, lorsqu’il déclarait que « les faits générateurs d’un trouble
commercial impliquent l’existence d’un préjudice » 294, le juge semblait vouloir dire que le
préjudice était ce trouble commercial lui-même. Plus étonnante en revanche était déjà
l’expression employée par la Cour d’appel de Paris le 3 Avril 1995, laquelle en effet - en
déclarant que « le préjudice, comme pour tout acte de concurrence déloyale, s’infère du seul
dénigrement »295 - établissait une double présomption. En effet, en estimant que le préjudice
s’inférait des actes déloyaux, les juges présumaient à la fois l’existence du préjudice et
l’existence d’un lien de causalité entre celui-ci et la faute commise.
Persistant dans cette voie, la Chambre commerciale jugera par exemple en 1996 qu’il
résulte nécessairement des actes déloyaux constatés par la Cour d’appel l’existence d’un
préjudice, fût-il moral, pour la société qui en est victime, résultant des procédés fautifs utilisés
par la parasite 296 ou en 1997 qu’ « il s’infère nécessairement des actes déloyaux constatés
l’existence d’un préjudice » 297 : la faute, selon toutes ces espèces, engendre donc
nécessairement un préjudice.
Ainsi, seuls sont ici appréhendés les moyens déloyaux employés, c’est à dire la faute
parasitaire, en dehors de toute considération tenant au dommage qui en résulte 298, ce constat
rejoignant l’opinion de M. Jonquères pour qui n’est pas tant sanctionné le fait d’avoir causé
un préjudice à autrui que celui d’avoir pour ce faire commis des actes déloyaux 299. De même
rejoint-il l’opinion de M. Paul Roubier lorsqu’il estime que la preuve du préjudice n’est
nécessaire que pour l’obtention de dommages et intérêts mais qu’elle n’est en revanche pas
exigée pour le succès de l’action en général qui a avant tout pour objectif de sanctionner un
exercice abusif de la liberté du commerce et de l’industrie. Cette distinction de l’action en
réparation et de l’action en cessation qui, seule, serait dispensée de la preuve d’un préjudice
n’a cependant guère prospéré en jurisprudence qui l’a même dépassée en estimant - lorsqu’il
294 Cass. Com. 25 Fév. 1992, Bull. civ. 1992, IV, n° 88.295 - CA Paris 3 Avril 1995, D. 1995, I.R. p. 128, cité par Mme Izorche in Les fondements de la sanction de laconcurrence déloyale et du parasitisme, réf. précitées. - Dans le même sens : CA Paris 24 Mai 1995, D. 1996, Somm. p. 252, obs. Izorche M.-L.296 Cass. Com. 27 Fév. 1996, Pompes funèbres, D. 1997, Somm. p. 104, obs. Serra Y. ; RJDA 1996, n° 732.297 Cass. Com. 8 Juill. 1997, Lyon meubles, P.I.B.D. 1998, III, p. 24.298 « Ce qui importe, c’est de s’attaquer aux moyens et non aux buts » estime M. Le Tourneau (J.-Cl.Concurrence - Consommation, Fasc. n° 227, spéc. n° 3). 299 Jonquères (J.), note sous Cass. Com. 22 Oct. 1985, Soc. Générale de Mécanographie, R.D.P.I. 1985, n° 2, p.137 et s. (arrêt rendu en matière de concurrence déloyale).
s’agit de faire cesser des agissements déloyaux - que le simple « risque » de la survenance
d’un préjudice dans le futur suffit à justifier la condamnation de leur auteur.
La jurisprudence au premier abord originale qui sanctionne, à l’image de la
responsabilité pénale, la simple tentative parasitaire trouve alors sa justification dans l’aspect
préventif susceptible d’être revêtu par l’action en parasitisme, aspect qui trouve lui-même sa
justification dans le principal objectif de l’action en responsabilité civile dont celle en
parasitisme constitue l’une des formes particulières. Comme a pu en effet le souligner M. Le
Tourneau, « la fonction première de la responsabilité civile est de prévenir les dommages plus
que de les réparer ou de les compenser, d’où (le fait que) tout individu qui risque de souffrir
d’un dommage illicite peut demander la suppression de son fait constitutif, avant même la
réalisation du dommage, afin d’en prévenir la survenance » 300.
Constatons enfin que si les tribunaux s’attachent donc davantage à la faute qu’au
préjudice qui en résulte, un pas supplémentaire a été franchi par la jurisprudence avec un arrêt
de la Cour d’appel de Paris du 29 Avril 1998 dans lequel les juges se sont non seulement
dispensés de vérifier le lien de causalité entre la faute et le préjudice en énonçant que le
second s’inférait de la première mais n’ont qui plus est pas hésité - pour établir cette faute - à
s’affranchir purement et simplement des éléments concrets du cas d’espèce en énonçant très
expressément qu’ « il s’infère de tout acte de cette nature un préjudice » 301…
Une fois le tryptique faute - dommage et lien de causalité établi, va donc intervenir la
sanction des faits de parasitisme, sanction dont il nous faut à présent envisager la teneur et les
implications.
Chapitre second :
LA SANCTION DU PARASITISME ET SES IMPLICATIONS
Le constat de l’existence cumulée d’une faute, d’un préjudice ainsi que d’un lien de
causalité en résultant avec les nuances que l’on connaît désormais va dès lors permettre à la
juridiction compétente de sanctionner - à travers la condamnation des faits de parasitisme - la
300 Le Tourneau (P.), La responsabilité civile professionnelle, Coll. Droit de poche - Droit des affaires,Economica 1995, spéc. p. 30.
personne même du parasite, personne physique ou morale. La satisfaction de la victime des
agissements déloyaux commis par cette dernière pourra alors, ainsi que nous le verrons,
passer par diverses sentences susceptibles d’être prononcées - cumulativement ou non - par le
tribunal à l’encontre de la personne ou de l’entreprise parasite ( I ).
Si cette sanction doit de toute évidence apparaître aux yeux de tous comme la juste
contrepartie du préjudice plus ou moins grave subi par le parasite, l’unanimité est pourtant -
sur cette question de la sanction du parasitisme - loin de se faire, la critique ne portant certes
pas sur le fait même de la condamnation - bien légitime - mais sur ses conséquences. Ainsi M.
Burst, suivi par bien d’autres auteurs, écrivait-il dès 1990 que protéger par l’action en
responsabilité civile la notoriété, les travaux et investissements d’autrui « n’est pas sans
danger ». « Si l’on n’y prend pas garde, considère-t-il en effet, on risque de reconstituer des
monopoles non voulus par le législateur et inévitablement contraires à la liberté du commerce
et de l’industrie » 302. La crainte d’une large partie de la doctrine, en effet, est réelle : la
sanction du parasitisme, se demande-t-elle, n’aboutit-elle pas à reconstituer indirectement un
droit privatif ?, question dont il nous faudra non seulement mesurer l’incidence au regard de
la législation des droits de propriété intellectuelle mais aussi mettre en balance les différents
arguments ( II ).
I) LES DIFFERENTES SANCTIONS DU PARASITISME :
L’action en justice engagée par la personne ou l’entreprise parasitée, victime des
agissements déloyaux du parasite, aura naturellement pour objectif premier d’obtenir la
cessation des actes déloyaux. ( A ), l’allocation de dommages et intérêts à titre de réparation
du préjudice subi ( B ) n’étant bien souvent qu’un « bonus » pour l’entreprise avant tout
soucieuse de voir la justice mettre fin à l’exploitation illégitime de sa notoriété ou de ses
investissements. Ce terme mis aux agissements déloyaux du parasite sera d’ailleurs parfois
symbolisé par la publication de la décision de condamnation ordonnée par le juge ( C ).
A) La cessation des actes déloyaux :
301 CA Paris (14ème ch.) 29 Avril 1998, Soc. Bemaex c/ Soc. Melun Hydraulique et a., D. 1999, Somm. 99, obs.Izorche M.-L.302 Burst (J.-J.), La reconstitution des « monopoles » de propriété industrielle par l’action en concurrencedéloyale ou en responsabilité civile : mythe ou réalité ?, Mélanges Paul Mathély, Litec 1990, p. 93 et s.
La personne physique ou morale, victime des agissements parasitaires d’un tiers
concurrent ou non concurrent, aura comme souci premier de faire le plus rapidement possible
cesser ces agissements déloyaux. L’efficacité de l’action en justice, en effet, passe par une
prompte réaction du parasité et suppose par là même le prononcé rapide d’une décision : aussi
l’exigence d’efficacité et de rapidité que suppose l’action en cessation des faits de parasitisme
apparaît-elle en contradiction avec la lenteur de toute action engagée au fond…
Aussi le législateur, conscient de la nécessité d’une certaine promptitude dans l’action
de la justice, était-il venu instituer par la loi de finance rectificative du 2 Juillet 1963 une
procédure accélérée, loi dont l’article 2 venait en effet instituer - en attendant qu’il soit statué
au fond - une action en cessation ayant pour objet d’interdire provisoirement l’exercice par le
parasite de son activité déloyale…mais dont le décret d’application n’est jamais intervenu.
Ayant eu l’occasion de se prononcer sur ce « projet », M. Le Moal, loin de s’en
plaindre, s’est au contraire félicité de cette absence de décret au regard des différents dangers
engendrés par une telle procédure 303. L’auteur, en effet , soulignait d’une part qu’en
ordonnant la cessation des agissements déloyaux avant qu’il ne soit statué au fond, « le juge
se prononcerait déjà et pour l’essentiel sur le fond ». D’autre part, ajoutait-il, le juge, en
décidant de cette cessation « à titre provisoire et sous astreinte » et en y adjoignant la
publication de la décision, « créerait une situation irréversible par la publicité accordée et la
connaissance qu’en aurait eue le public ». « On imagine mal en effet, ajoutait-il avec justesse,
comment, lors du jugement ‘’définitif’’, le juge pourrait contredire son jugement en
cessation ».
Dans le même sens, M. Mousseron relevait en 1992 que « le non-achèvement de la
réforme de 1963 établit […] son peu de besoin » avant d’ajouter que « puisqu’il (le
législateur) n’a pas été capable, en trente ans, de vaincre des difficultés bien mesurées, c’est
que ce besoin était mince » et de conclure en constatant que l’ampleur de l’article 809 du
Nouveau Code de procédure civile « suffit à la prévention des actes de concurrence
déloyale »304.
Ainsi la personne ou l’entreprise parasitée n’a-t-elle qu’une seule arme contre le
parasite, celle du recours au juge des référés. Si l’article 808 énonce en effet que « Dans tous
les cas d’urgence, le président du tribunal peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se
303 Le Moal (R.), J.-Cl. Concurrence - Consommation, Fasc. n° 245, spéc. n° 53.304 Mousseron (J.-M.), Entreprise : parasitisme et droit, Colloque sous la direction de Mme Simon J., réf.précitées, spéc. n° 70.
heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend », l’article
809 du NCPC dispose quant à lui en son alinéa premier que « Le président peut toujours
prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour
prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite », ce
que constitue sans nul doute les faits de parasitisme, lesquels sont en effet - selon l’expression
consacrée - générateurs d’un « trouble commercial ».
Ainsi la jurisprudence statuant en matière de référé a-t-elle pu à plusieurs reprises
interdire la fabrication et la vente de produits copiant servilement ou quasi-servilement ceux
d’un concurrent après avoir constaté le « trouble manifestement illicite » causé par de tels
agissements et l’imminence du dommage devant inévitablement en résulter…
Si la jurisprudence choisira le plus souvent - dans un souci d’efficacité - d’assortir cette
interdiction d’une astreinte et si les juges iront parfois même jusqu’à interdire l’exercice d’une
profession déterminée afin de faire cesser le trouble commercial causé par les faits de
parasitisme, l’interdiction sera le plus souvent limitée aux seuls moyens employés par le
parasite pour la réalisation de son forfait : c’est ainsi, et pour reprendre ici l’une des espèces
les plus médiatiques qu’il nous aura été donné d’étudier, que la Cour d’appel de Paris est
venue interdire au célèbre couturier et parfumeur Yves Saint-Laurent de continuer à utiliser
l’appellation d’origine contrôlée « Champagne » pour la désignation de l’un de ses parfums,
dès lors rebaptisé « Yvresse » 305.
L’action à la fois sanctionnatrice et préventive doit en effet avoir pour objectif premier
la cessation des agissements déloyaux mais ne peut ni ne doit pour autant systématiquement
aboutir, faute notamment pour celui-ci d’avoir fait preuve de mauvaise foi, à la « mort
économique » du parasite : ainsi, et pour reprendre là encore un exemple classique, le risque
de confusion engendré par celui qui fait le choix d’adopter pour l’exercice de son activité
professionnelle son nom patronymique dans l’ignorance de ce qu’une activité identique ou
similaire s’exerce déjà sous cette appellation pourra-t-il être dissipé par la condamnation du
« parasite malgré lui » à modifier son nom commercial ou sa raison sociale…
La personne ou l’entreprise parasitée, au delà même de la cessation des agissements
parasitaires dont elle aura été l’injuste victime, pourra encore trouver une juste compensation
du préjudice par elle subi dans l’octroi, par les tribunaux, d’une indemnité.
305 CA Paris (1ère ch.) 15 Déc. 1993, réf. précitées.
B) La réparation du préjudice subi :
La considération des efforts souvent considérables qui auront été déployés par
l’entreprise parasitée pour l’acquisition d’une certaine notoriété ou d’un certain savoir-faire -
soit autant d’éléments qui participent de son « image de marque » - conduira logiquement les
tribunaux à allouer à la victime, sous la forme de dommages et intérêts, une indemnité.
Ainsi le but recherché par les juges à travers l’octroi d’une certaine somme d’argent au
parasite réside-t-il dans un souci de compensation. Conformément au droit commun de la
responsabilité civile dont la théorie du parasitisme constitue alors une bien juste extension,
l’indemnité allouée à la victime des faits parasitaires aura pour objet de compenser à la fois le
manque à gagner engendré par ces agissements - en l’occurrence la diminution du chiffre
d’affaires résultant du détournement de clientèle ou de la dilution des signes distinctifs
notoires - et la perte subie qui, le plus souvent, s’appréciera à travers la perte d’une chance
d’expansion économique de l’entreprise victime.
La jurisprudence s’est alors trouvée confrontée à une difficulté de taille, celle du mode
de calcul du montant des dommages et intérêts. Le caractère somme toute assez flou des
préjudices habituellement relevés par les tribunaux nécessitait en effet de trouver pour base de
calcul un élément concret : cet élément sera donc le chiffre d’affaires, l’équité exigeant même
que soient à la fois pris en compte les chiffres d’affaires du parasite et du parasité…
Parce que les juges du fond, cependant, disposent en cette matière comme ailleurs d’un
pouvoir souverain d’appréciation qui peut par exemple les conduire à faire appel aux
compétences d’un expert, la grande latitude laissée aux juges a dès lors conduit certains
auteurs à suggérer divers modes de calcul du montant du préjudice, ces auteurs ayant même
pris soin de distinguer - pour établir leur méthode d’évaluation - selon que le parasitisme porte
sur la notoriété ( 1 ) ou sur les investissements ( 2 ) d’autrui.
1) La réparation du préjudice causé par le parasitisme de la notoriété d’autrui :
Deux grandes méthodes sont susceptibles d’être dégagées de l’observation de la
doctrine et de la jurisprudence quant à l’évaluation du montant du préjudice subi par le
parasité du fait de l’exploitation injustifiée de sa notoriété.
a - La considération du préjudice causé à l’ « image de marque » :
Deux auteurs sont chacun venus proposer leur mode d’évaluation du préjudice subi par
la victime du fait du parasitisme de sa notoriété, évaluation qu’ils fondent sur le degré
d’atteinte portée à l’ « image de marque » de l’entreprise parasitée.
1° - Le mode d’évaluation du préjudice selon M. Toporkoff :
Le mérite, en effet, est ici revenu à M. Toporkoff qui, sous l’angle générique de
l’atteinte à l’image de marque, fut le premier à tenter de décrire une méthode rigoureuse
d’évaluation du préjudice d’image dans le cadre du contentieux d’imitation illicite des
produits de grande consommation de manière à ne pas laisser cette appréciation à la seule
compétence des experts 306.
Ainsi M. Toporkoff suggère-t-il de prendre à la fois en considération, pour l’évaluation
de ce préjudice, « le montant des ‘‘investissements’’ des demandeurs qui ont subi une
‘’dépréciation’’ du fait de l’imitation » et « le taux de dépréciation, c’est à dire la perte
d’image du produit imité dans l’esprit de la clientèle ».
• L’évaluation des investissements déployés pour l’acquisition de cette notoriété :
Ainsi M. Toporkoff exige-t-il que soient fournis au tribunal, pour l’évaluation des
« investissements » dépréciés du fait de l’imitation ( mais aussi, l’extension semble logique,
du fait de toute autre atteinte ) :
1. Le montant des frais de mise au point en vue duconditionnement du produit victime de l’imitation ;
2. Le montant des frais de « référencement » engagés ;
3. Le montant des frais publicitaires effectués sur le produit au cours desannées précédentes.
La question de la période à prendre en considération au titre de ces investissements est
également résolue par M. Toporkoff qui propose de prendre en compte, concernant les frais
306 Toporkoff (M.), Le préjudice « d’image » dans le contentieux d’imitation illicite des produits de grandeconsommation , Petites Affiches 28 Août 1991, n° 103, p. 6 et s.
de mise au point du conditionnement, la totalité des investissements ; concernant les frais de
référencement, un « amortissement » d’une durée de dix ans et concernant enfin les frais de
publicité, les frais engagés durant les cinq dernières années.
• L’évaluation du taux d’affadissement de la notoriété :
En ce qui concerne ensuite le « taux de dépréciation » ou la « perte d’image » du produit
dans l’esprit de la clientèle, M. Toporkoff propose de recourir à une « enquête d’image »,
procédé original qu’il prend soin de définir. Ainsi s’agirait-il d’abord pour l’enquêteur - selon
une méthode classiquement utilisée par les sondeurs - de définir la « clientèle potentielle » du
produit en question afin de pouvoir déterminer une taille d’échantillon représentatif.
L’enquêteur, ensuite, déterminerait, au travers de l’utilisation d’informations précises sur le
produit et de sa perception par le consommateur, un « indicateur global » d’image du produit
imité sur une échelle de 1 à 10, autour par exemple des caractéristiques-type que sont la
spécificité du produit, sa réputation et la confiance qu’il inspire au consommateur.
Après avoir ensuite segmenté deux types de consommateurs potentiels - ceux qui ont eu
connaissance de l’imitation (ou même, plus largement, de l’atteinte) et ceux qui n’en ont eu
aucune connaissance - la déperdition des deux chiffres obtenus permettra de déterminer le
taux de déperdition d’image : l’idée de compensation du gain manqué ou « lucrum sessans »
causé par les agissements du parasite prend alors ici toute sa mesure car, comme le souligne
en effet l’auteur, il serait alors souhaitable, si ce taux de dépréciation est par exemple égal à
10 %, que le tribunal ordonne justement une indemnisation du préjudice subi à hauteur de 10
% des investissements objets de cette dépréciation.
Cette méthode d’évaluation du préjudice permet d’ailleurs de contrer le principal
obstacle qui s’élève lorsqu’il s’agit d’évaluer le manque à gagner du parasité, celui du hasard :
« Comment en effet, s’interroge avec justesse M. Meffre, prouver ce que l’on aurait gagné s’il
s’était passé autre chose que ce qui s’est passé ? » 307.
2° - Le mode d’évaluation du préjudice selon M. Nussenbaum :
307 Meffre (J.-M.), Rapport de synthèse du Colloque « Entreprise : parasitisme et droit » sous la présidence deMme Simon J., JCP éd. Ent. 1992, Cah. Dr. Ent. 1992, n ° 6, p. 26 et s.
M. Nussenbaum s’est également plus récemment penché sur cette délicate question de
l’évaluation du préjudice causé par le parasitisme de la notoriété d’autrui et qu’il nomme lui
aussi « préjudice d’image ». S’il considère en effet le préjudice résultant de l’atteinte à la
notoriété et donc à l’image de marque de l’entreprise parasitée comme étant « beaucoup plus
difficile à établir », l’auteur constate qu’il est pourtant, dans certains cas, « le seul
significatif ». Ainsi cite-t-il le cas de l’imitation des produits de luxe et prend-il l’exemple
particulièrement révélateur des tableaux de concordance dont sont victimes les parfumeurs et
par lesquels les fraudeurs font passer des imitations pour des produits de marque dégriffés.
M. Nussenbaum, en effet, constate alors que le préjudice tient moins dans les ventes
perdues que dans l’ « utilisation parasitaire de la marque » : le Tribunal de grande instance de
Paris l’a d’ailleurs clairement exprimé dans une espèce d’ores et déjà citée aux termes de
laquelle « L’usage d’une liste de concordances a entraîné une déprédation des marques citées
sur ladite liste et donc une perte de leur valeur patrimoniale, d’autant plus importante que ces
marques sont notamment connues dans le domaine de la parfumerie et que les produits
présentés comme équivalents étaient de qualité inférieure » 308. L’usage de références aux
grandes marques cause en effet aux titulaires de celles-ci une perte de clientèle en
décourageant les acheteurs d’acquérir leurs parfums sous des noms ainsi discrédités…
Aussi M. Nussenbaum a-t-il lui-même proposé une méthode originale d’évaluation du
préjudice d’atteinte à l’image de marque 309. En effet, considérant que « le préjudice causé par
l’atteinte à l’image doit être évalué par ses effets », cet auteur suggère donc d’évaluer
successivement :
1. Les ventes perdues - passées ou futures - ou la perte de part de marché ;
2. Les baisses de prix, l’auteur précisant que ce préjudice est distinct de la perte de
volume ;
3. Le coût de publicité supplémentaire engagé pour corriger les effets du fait
dommageable ;
4. La dépréciation des investissements passés ;
5. La dépréciation de la marque.
Ainsi les juges peuvent-ils par ces méthodes, même si elles sont loin d’être universelles
et même si la désignation d’un expert semble rester nécessaire, effectuer une évaluation
308 TGI Paris, réf. précitées.309 Nussenbaum (M.), Evaluation du préjudice de marque - Le cas particulier de l’atteinte à l’image de marque,JCP éd. Ent. 1993, I, Chron. n ° 303, p. 567 et s.
rigoureuse et objective du préjudice subi par la personne ou l’entreprise parasitée en
garantissant à la fois aux victimes des agissements déloyaux - sous réserve de leur adoption
par l’ensemble des juridictions compétentes - une juste compensation de leur préjudice ainsi
qu’une égalité de traitement au sein d’une même juridiction mais aussi, plus largement, au
niveau national…
b - La considération des avantages procurés au parasite :
Parce que la juste évaluation de ces différents éléments au moyen des méthodes
précitées reste tout de même assez aléatoire, une tendance s’est dégagée en doctrine et en
jurisprudence qui tend à prendre en considération, pour l’évaluation du montant du préjudice
subi par le parasité, les avantages procurés au parasite par ses agissements fautifs.
L’étude des multiples facettes de la notion de parasitisme, en effet, nous aura permis de
constater que les agissements parasitaires procurent toute sorte d’avantages au parasite.
Constituant ce que M. Le Tourneau appelle « l’envers du préjudice subi par la victime » 310, il
apparaît en effet parfaitement logique, pour l’appréciation du préjudice et l’évaluation de sa
compensation pécuniaire, de mettre en balance à titre comparatif les inconvénients subis par
le parasité d’une part et les avantages procurés au parasite d’autre part, avantages qui -
comme nous l’avons vu - résideront avant tout dans les économies de temps, d’argent et
d’aléa réalisées par le parasite grâce à ses agissements déloyaux.
Comme le souligne en effet Mme Frison-Roche 311, les théories sociologiques nouvelles
présentent l’intégralité des comportements juridiques comme des « transactions
économiques » où l’agent détermine son passage à l’acte illicite par une balance des
avantages qu’il peut en retirer et de la sanction qu’il peut encourir : aussi cette considération
a-t-elle conduit une partie de la doctrine à estimer que réparer le dommage subi par la victime
est certes nécessaire mais insuffisant. « Il faut de plus, en effet, faire perdre au fautif l’avance
acquise illégalement sur ses concurrents », ce que permettra la condamnation du parasite « à
restituer ses gains illégitimes ou à rendre compte des économies injustifiées qu’il a
réalisées » 312.
310 Le Tourneau (P.), J.-Cl. Concurrence - Consommation, Fasc. n° 227, spéc. n° 98.311 Frison-Roche (M.-A.), Les principes originels de la concurrence déloyale et du parasitisme, RJDA 1994, n° 6,Chron. p. 483 et s., spéc. n° 18.312 Carval (S.), La responsabilité civile dans sa fonction de peine privée, Bibl. Dr. privé, Tome n° 250, L.G.D.J.,p. 130, n° 123.
La plus belle illustration de cette méthode d’évaluation du préjudice s’apparentant au
prononcé d’une véritable peine privée 313 nous a été donnée en jurisprudence par la célèbre
affaire « Rotschild » dans laquelle la famille Rotschild avait en effet demandé que le montant
des dommages et intérêts tiennent compte « du développement du commerce parasitaire », ce
que fit la Cour d’appel de Paris : les juges ont en effet considéré qu’il convenait, « pour
l’évaluation des sommes qu’il y a lieu d’allouer pour compenser le préjudice », « de tenir
compte, essentiellement, de l’incidence qu’a pu avoir l’utilisation de la notoriété du nom de
Rotschild dans l’enrichissement qu’ont accusé Helmut Rotschild et ses sociétés et dans la
plus-value de la valeur des fonds de commerce par eux exploités » 314.
Ainsi l’enrichissement du parasite est-il ici envisagé pour mieux mettre en évidence
l’appauvrissement corrélatif du parasité. Comme le souligne en effet M. Agostini, « S’il est a
priori curieux qu’un préjudice s’apprécie dans la personne de son auteur et non dans celle de
sa victime, il ne faut pas perdre de vue que le parasitisme mis en œuvre […] rend suspect tous
les gains qui en ont été le fruit et justifie le prononcé d’une peine privée réellement dissuasive,
prévenant la récidive comme l’imitation » 315…
La doctrine cite également régulièrement une autre espèce particulièrement patente de
l’idée de peine privée dans laquelle un restaurant parisien situé dans le quartier de la Bastille
portait le nom d’un autre célèbre restaurant de la capitale, « La Tour d’argent ». Si les
premiers juges avaient évalué le préjudice subi par l’exploitant du célèbre restaurant, titulaire
de la marque en question, à 500 000 Francs, la Cour d’appel - avant tout soucieuse de
sanctionner le gain illégitime procuré au contrefacteur par ses agissements déloyaux - décida
de porter cette somme à 1 300 000 Francs, ayant en effet exigé qu’il soit notamment tenu
compte « des profits parasitaires » procurés par cette contrefaçon 316.
La prise en compte, pour l’évaluation du montant des dommages et intérêts, des
bénéfices réalisés par le parasite trouve néanmoins dans la distinction fondamentale de la
concurrence parasitaire et des agissements parasitaires sa propre limite. Cette prise en compte
n’est en effet possible que si le parasite et le parasité sont « unis » par un rapport concurrentiel
313 Le fait que les tribunaux allouent parfois, comme dommages et intérêts, l’équivalent des bénéfices réalisés parle parasite, « loin d’être hérétique », est au contraire selon M. Le Tourneau « dans la pure logique d’un desobjectifs traditionnels de la responsabilité civile, à savoir son aspect punitif, de peine privée » (Le bon vent duparasitisme, réf. précitées).314 CA Paris 10 Juill. 1986, précité, JCP éd. G. 1986, II, n° 20712, note Agostini E.315 Agostini (E.), Les agissements parasitaires en droit comparé - Le cas Helmut Rotschild, précité, JCP éd. G.1987, I, n° 3284, spéc. n° 10.316 CA Paris 7 Juin 1990, P.I.B.D. 1991, n° 491, III, p. 12, cité par Mme Carval.
car il est évident que la victime parasitée ne pourrait en aucun cas arguer - si l’auteur parasite
se révèle être un tiers exerçant son activité dans un secteur différent du sien - de ce qu’elle
aurait réalisé les ventes « illicites » et ne pourrait donc nullement prétendre à la restitution du
volant d’affaires réalisé par le parasite : la jurisprudence qui, en matière d’agissements
parasitaires et donc en dehors de tout rapport concurrentiel, s’attache avant tout aux
économies indûment réalisées par le parasite trouve donc ici son fondement…
La question, néanmoins, peut légitimement se poser de savoir si ces différentes
méthodes sont susceptibles d’être adoptées et appliquées pour l’évaluation du préjudice subi
par la victime en cas de parasitisme de ses investissements économiques.
2) La réparation du préjudice causé par le parasitisme des investissements d’autrui :
Si l’accent est surtout mis, dans le cas du parasitisme de la notoriété d’autrui, sur
l’appauvrissement du parasité, le parasitisme des investissements économiques d’autrui se
caractérise quant à lui bien moins par cet appauvrissement de la victime que par
l’enrichissement corrélatif de l’auteur des actes déloyaux, lequel s’économise en effet par ces
derniers bon nombre d’investissements tant financiers qu’intellectuels.
Diverses théories se sont alors faites jour par lesquelles doctrine et jurisprudence ont
tenté de trouver, pour l’évaluation du montant du préjudice subi par le parasité, la bonne et
juste mesure.
a - Le recours à la théorie de l’enrichissement sans cause :
La doctrine a tout d’abord tenté d’expliquer la sanction des agissements parasitaires par
la théorie de l’enrichissement sans cause, théorie qui - selon M. Vatier - aurait en effet « pu
servir à la lutte contre le parasitisme » 317 et qui - selon M. Burst - présente l’avantage de
« concilier la nécessité de condamner le parasite qui s’est enrichi, alors que le parasité ne s’est
pas nécessairement appauvri » 318. Ainsi, M. Lucas avait-il en 1975 proposé dans sa thèse
cette explication, notamment à propos du savoir-faire et des créations abstraites qui, à
l’époque, ne bénéficiaient d’aucune protection, l’auteur se fondant pour ce faire sur un certain
317 Vatier (B.), La concurrence parasitaire, Gaz. Pal. 1997, II, Doct. p. 1237 et s.
nombre de décisions ayant expressément retenu le fondement de l’enrichissement sans cause
pour la réparation du préjudice subi 319.
Ainsi le Tribunal de commerce de la Seine a-t-il admis dès 1895 que l’Agence Havas
puisse exercer l’action de in rem verso contre ceux qui avaient pillé ses informations « réunies
à grands frais » 320.
De même, M. Lucas cite, dans le domaine des créations publicitaires, l’affaire du slogan
« Entrez dans l’Aronde », affaire dans laquelle la Chambre civile de la Cour de cassation avait
rejeté la demande d’un salarié qui - prétendant être l’auteur dudit slogan - réclamait une
indemnisation à la société Simca au motif que la preuve de l’appauvrissement de celui-ci
n’était pas rapportée 321 : M. Lucas considère dès lors que le salarié - s’il avait pu apporter la
preuve de son appauvrissement - aurait été admis à invoquer la théorie de l’enrichissement
sans cause.
Peut encore être cité le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Nîmes le
26 Janvier 1971, lequel en effet s’est expressément référé à la théorie de l’enrichissement sans
cause pour pallier l’impossibilité de recourir au droit de la propriété littéraire et artistique. Un
ingénieur-conseil s’étant vu confier la réalisation d’études techniques à partir des plans d’un
architecte, le Tribunal - après avoir refusé de considérer ses travaux comme étant originaux -
a posé le principe en vertu duquel « le fait d’emprunter certains éléments du travail antérieur
d’autrui engage la responsabilité de son auteur sur le terrain de l’article 1382 ou sur celui de
l’enrichissement sans cause » 322.
De même, Loïc Cadiet a-t-il pu estimer, à l’occasion de l’affaire « Ungaro », que « c’est
plutôt du côté des principes de l’enrichissement sans cause et de l’action de in rem verso que
l’on pourrait être tenté de fonder la sanction du parasitisme ». En effet, la Cour d’appel de
Paris - dans cette affaire - caractérisa le parasitisme économique comme s’analysant, « à
l’instar du parasitisme observé dans le règne végétal ou animal », « en une prise de la
substance de l’autre ainsi appauvrie et parfois même conduite au dépérissement ». Ainsi les
termes de l’arrêt étaient-ils assez suggestifs car si l’appauvrissement est clairement évoqué, la
« prise » de substance peut quant à elle être assimilée à un enrichissement. Aussi M. Cadiet
vint-il dans sa note faire un véritable plaidoyer en faveur du recours à cette théorie et ce, après
318 Burst (J.-J.), Concurrence déloyale et parasitisme, Dalloz, 1993, spéc. p. 156.319 Lucas (A.), La protection des créations industrielles abstraites, Litec 1975, cité par Mme Izorche.320 Trib. Com. Seine 4 Sept. 1895, D. Périod. 1902, I, p. 405.321 Cass. Civ. 21 Mai 1963, Ann. Prop. Ind. 1964, p. 278.322 TGI Nîmes 26 Janv. 1971, JCP éd. G. 1971, II, n° 19767, note M. A.
avoir distingué l’exploitation illégitime de la notoriété d‘autrui se caractérisant pour
l’entreprise parasitée par « la perte d’une chance de développement » et l’utilisation illégitime
des investissements d’autrui où la situation, selon lui, « se caractérise moins, au premier
degré, par l’appauvrissement du parasité que par l’enrichissement du parasite qui, très
immédiatement, fait l’économie d’un certain nombre d’investissements ».
Alors que, comme le constate Mme Izorche 323, une telle explication serait difficilement
envisageable dans le cadre étroit de l’action en concurrence déloyale tant l’accent y est mis
sur le préjudice subi par la victime et sur lui seul, en l’occurrence la « perte » de clientèle,
faire le choix d’envisager non plus le préjudice subi par la victime mais les avantages perçus
par l’auteur, lequel en effet s’enrichit injustement, permet dès lors d’appliquer la théorie de
l’enrichissement sans cause. Aussi M. Cadiet considère-t-il que l’action de in rem verso peut
être envisagé et expose-t-il ses arguments : « Le recours à l’enrichissement sans cause
permettrait même d’expliquer cette curiosité observée par certains auteurs qu’en matière
d’agissements parasitaires, les victimes sont ‘‘indemnisées au prorata de l’enrichissement
accusé par le fautif’’ de telle sorte que ‘‘le préjudice s’apprécie dans la personne de son auteur
et non dans celle de sa victime’’. Quant aux conditions de fond de l’action de in rem verso, on
pourrait les considérer comme étant remplies, l’enrichissement du parasite (économie
d’investissements) découlant de l’appauvrissement du parasité (dépense
d’investissements) » 324.
Toutefois, s’il faut bien admettre que les décisions visant l’enrichissement sans cause
sont - dans le flot des décisions rattachant le traitement du parasitisme à la responsabilité
civile - insignifiantes, M. Cadiet lui-même tempère ses ardeurs en reconnaissant que « ce
recours à l’enrichissement sans cause ne s’impose pas à l’évidence », ce que confirme
d’ailleurs M. Dupichot en estimant que l’action de in rem verso, par son caractère subsidiaire,
« ne saurait donc suppléer les carences de l’action en contrefaçon ou de l’action en
concurrence déloyale » 325.
Plus généralement, la doctrine hostile à l’enrichissement sans cause a fait valoir que le
préjudice se déterminait au sein de la responsabilité civile « en contemplation de la victime et
non de l’auteur du dommage » 326. Ainsi, pour la majorité de la doctrine et notamment M. Le
323 Izorche (M.-L.), Les fondements de la sanction de la concurrence déloyale et du parasitisme, réf. précitées.324 Cadiet (L.), note sous CA Paris 18 Mai 1989, Ungaro, réf. précitées.325 Dupichot (J.), Pour une réflexion doctrinale sur la (nécessaire) sanction du parasitisme économique : vers unparticularisme des sanctions ou vers un retour au droit commun ?, réf. précitées.326 Le Tourneau (P.), J.-Cl. Concurrence - Consommation, Fasc. n° 227, spéc. n° 106.
Tourneau, le succès de l’action de in rem verso suppose un certain nombre de conditions dont
il fait l’inventaire et qui, en fait, sont selon lui « autant d’obstacles à l’utilisation en pratique
de ce quasi-contrat dans des affaires de parasitisme » :
• Alors que le succès de l’action suppose une triple condition économique, à savoir un
enrichissement de l’un, un appauvrissement de l’autre et un lien de causalité entre les deux, il
sera souvent impossible d’établir une corrélation entre l’enrichissement et l’appauvrissement.
• Alors qu’il suppose également une condition juridique de fond, en l’occurrence
l’absence de cause, M. Le Tourneau relève que la création - lorsqu’elle n’est pas réservée à
son titulaire par un droit privatif - est alors, dans l’état actuel du droit positif, « de libre
parcours » de telle sorte que son usage par un tiers est causé.
• Alors qu’une condition procédurale - l’absence d’une autre voie de droit - est encore
nécessaire, l’action de in rem verso, subsidiaire par nature, ne saurait suppléer les carences de
l’action en responsabilité civile qui échouerait si elle était intentée ou qui aurait échoué.
• L’action en restitution ouverte à l’appauvri, enfin, n’a pas pour conséquence
automatique la récupération de la totalité du gain de l’enrichi de telle sorte que la répétition de
l’indu est doublement limitée, la restitution ne pouvant excéder ni le montant de
l’enrichissement, ni celui de l’appauvrissement. Ainsi, dans l’hypothèse où l’enrichissement
est inférieur au dommage subi, le parasité devra se contenter de la plus faible des deux
sommes : il est alors perdant par rapport à la réparation de la responsabilité civile.
Une autre théorie fut alors proposée : la théorie civile des fruits.
b - Le recours à la théorie des fruits :
Insatisfaite du recours à la théorie de l’enrichissement sans cause, une partie de la
doctrine est en effet venue proposer de recourir au droit de propriété et de permettre à la
victime de revendiquer les fruits produits par le bien parasité en vertu des articles 546 et 547
du Code civil : si le premier article en effet, donne au propriétaire d’une chose « droit sur tout
ce qu’elle produit », l’article 547 distingue parmi les diverses catégories de fruits les « fruits
civils ».
.
Ainsi M. Korman suggère-t-il, en se plaçant sous l’angle du droit de propriété et en ne
visant que les signes distinctifs, d’autoriser la victime des agissements parasitaires - en tant
que « propriétaire » du signe distinctif usurpé - à revendiquer la restitution des fruits produits
par son « bien », c’est à dire la restitution de la somme d’argent que le parasite aura fait
produire au signe distinctif notoire dont il s’est emparé 327, solution à laquelle semble être
favorable M. Le Tourneau qui propose même de l’étendre à l’usurpation de toute valeur
économique de l’entreprise en considérant que les investissements constituent l’accessoire du
fonds.
Un obstacle jurisprudentiel de taille semble néanmoins pouvoir être avancé en vertu
duquel la Cour de cassation s’oppose à ce que les tribunaux reconnaissent l’existence d’un
quelconque droit privatif en dehors des cas où le législateur l’a expressément prévu. Ainsi la
Cour rappelle-t-elle régulièrement que les juges ne peuvent faire abstraction, en matière de
signes distinctifs, du principe de spécialité, ce qui a pu conduire la Chambre commerciale à
reprocher à une cour d’appel d’avoir, en retenant la responsabilité du défendeur « en raison
non d’un abus de droit mais de l’atteinte portée à une dénomination notoire qui serait
indisponible dans tous les secteurs de l’activité économique », méconnu la règle de la
spécialité des marques et violé l’article 1382 du Code civil 328.
La réparation du préjudice subi s’accompagnera parfois d’une mesure certes accessoire
mais bien souvent importante aux yeux de la victime : la publicité de la décision de
condamnation du parasite.
C) La publicité de la décision de condamnation du parasite :
Le tribunal, en effet, prescrit assez régulièrement qu’il soit procédé à la publication -
aux frais du parasite - de la décision de condamnation, laquelle peut être prescrite à titre
principal - auquel cas elle participe de la réparation du préjudice subi par la victime - ou à titre
accessoire et sera régulièrement assortie d’une astreinte.
327 Korman (C.), Les fruits restitués du parasitage économique, Gaz. Pal. 1988, II, Doct. p. 703 et s.328 - Cass. Com. 27 Mai 1986, D. 1986, Jur. p. 526, note Durrande S. - Dans le même sens : Cass. Com. 4 Juin 1991, Cie française de commerce et a. c/ The Coca-Cola company,Bull. civ. 1991, IV, n° 210, p. 148 et s.
Cette publication de la décision de condamnation prend d’ailleurs sous la plume d’un
auteur une tonalité pour le moins particulière. Mme Frison-Roche 329, en effet, se prononce
clairement en faveur du prononcé systématique de cette sanction, désireuse de ce que les juges
- selon sa propre expression - « fassent honte » aux entreprises parasites, en jetant le discrédit
sur elles : ainsi par exemple semble participer de cette volonté de faire honte à la personne ou
à l’entreprise parasite la condamnation d’une société ayant reproduit et diffusé sur son site
Internet l’ouvrage d’un tiers à l’insertion, dans la page d’accueil de son site, d’un encart
faisant état de sa condamnation pour faits de parasitisme 330. Quel autre « intérêt » que celui
de discréditer le parasite le juge pourrait-il en effet trouver dans le prononcé d’une telle
décision ?
Si la publication de la décision de condamnation est donc censée participer - oserions-
nous dire - du « travail de deuil » de la victime qui voit son préjudice « vengé » par le
discrédit du parasite, il faut bien voir que le « talent » de celui-ci peut parfois l’amener à
retourner la situation à son profit et le conduire à…tirer bénéfice de cette publication dans
laquelle il peut en effet voir un formidable instrument publicitaire ! Doit ici encore être citée
la fameuse affaire « Champagne » 331 dans laquelle la décision visant à interdire à Yves Saint-
Laurent d’utiliser l’appellation d’origine Champagne pour la dénomination de l’un de ses
parfums n’a - en dépit des apparences - nullement mis un terme à l’usurpation de celle-ci par
le célèbre couturier qui, le lendemain même du jugement, n’avait pas hésité à lancer une
intense campagne d’affichage où les affiches, signées YSL, portaient le slogan pour le moins
évocateur des bulles de champagne : « Mon parfum, un hommage aux femmes qui pétillent »,
provoquant un véritable « boum » des ventes…
Ainsi l’invocation du parasitisme vient-elle permettre de sanctionner, au moyen des
procédés précités, et pour reprendre la définition de M. Dupichot, « l’ensemble des
comportements par lesquels un agent économique s’insère dans le sillage d’un autre agent
économique, soit afin d’exploiter aux dépens directs du parasité le même type de clientèle,
auquel cas il y a concurrence parasitaire proprement dite, soit pour profiter du travail et de
329 Frison-Roche (M.-A.), Les principes originels de la concurrence déloyale et du parasitisme, réf. précitées.330 Trib. Com. Nanterre (9ème ch.) 27 Janv. 1998, SA Edirom c/ SARL Global market network, D. 1998, I.R. p.102 : précisons que cette société s’était en effet rendue coupable - aux yeux du tribunal - d’un agissementparasitaire car en proposant gratuitement au public sur son site l’ouvrage d’un tiers, ladite société avait privél’auteur « d’une source de revenus qu’il s’(était) constitué par son travail et ses investissements ».331 CA Paris (1ère ch.) 15 Déc. 1993, réf. précitées.
l’aura du parasité afin d’exploiter une clientèle distincte », étant ici visés les agissements
parasitaires. S’il apparaît clairement légitime de sanctionner, à ce titre, tout comportement
contraire aux usages honnêtes en matière industrielle et commerciale, l’unanimité est pourtant
loin de se faire au sein de la doctrine dont une large partie, en effet, ne cache pas sa crainte
face à la consécration et à l’expansion sans cesse croissante de la théorie du parasitisme.
Certains auteurs, ainsi, s’interrogent : la sanction du parasitisme ne risque-t-elle pas d’aboutir
à la reconstitution inavouée de droits privatifs ? Parce qu’une réponse positive à cette
interrogation reviendrait selon une partie de la doctrine à ruiner la cohérence même des droits
de propriété intellectuelle et à en prédire la disparition, le souci de complétude qui nous anime
et l’ampleur récemment prise par cette question il est vrai fondamentale pour l’avenir même
du parasitisme ne nous permet pas d’éluder le débat qui, quelque soit le compromis adopté,
laissera assurément l’un et l’autre mécanisme réciproquement « affaibli ».
II) LA SANCTION DU PARASITISME, EQUIVALENT D’UN DROIT
PRIVATIF ?
La controverse extrêmement vive assez récemment née en doctrine sur cette question a
pour enjeu essentiel de permettre la cohabitation du jurisprudentiel et du légal, du parasitisme
et des droits de propriété intellectuelle, droits dont il s’agit en effet de conserver l’utilité et
donc la cohérence ( A ), débat qui en sous-tend un autre, celui de la conciliation du principe
de la libre concurrence avec les intérêts légitimes des opérateurs économiques ( B ) ainsi qu’a
pu l’exprimer M. Burst pour qui il s’agit « de trouver un compromis entre la protection des
intérêts légitimes du créateur et de l’utilisateur d’un signe distinctif qui ne peuvent pas se
réclamer d’un droit privatif et les impératifs tout aussi dignes d’intérêt de la liberté du
commerce et de l’industrie » 332.
A) L’argument d’une nécessaire cohérence des droits de propriété intellectuelle :
332 Burst (J.-J.), La reconstitution des « monopoles » de propriété industrielle par l’action en concurrencedéloyale ou en responsabilité civile : mythe ou réalité ?, réf. précitées.
Les droits de propriété intellectuelle confèrent à leur titulaire un monopole
d’exploitation sur l’objet protégé, monopole qui est, à l’exception du droit des marques, limité
dans le temps 333 et dont toute atteinte est constitutive d’une contrefaçon. Si la contrefaçon
vient donc sanctionner le fait même de reproduire l’objet protégé indépendamment de toute
autre considération tenant notamment aux circonstances de la reproduction, aux mobiles
légitimes ou illégitimes du « copieur » ou au préjudice ainsi causé, le parasitisme ne vient pas
quant à lui sanctionner la reproduction prise en elle-même mais le comportement fautif adopté
- ce faisant - par son auteur et dont la reproduction n’est que l’un des éléments constitutifs.
Or, si la protection conférée à tout « créateur » par le parasitisme devrait il est vrai être
beaucoup plus difficile à mettre en œuvre que la protection conférée à celui-ci par les droits
de propriété intellectuelle dans la mesure où il suffira au créateur en question - dans ce dernier
cas - d’établir que son « œuvre » fait l’objet d’une protection légale et qu’elle a - en
contravention avec celle-ci - été indûment reproduite, certains auteurs constatent et dénoncent
que se fonder sur la seule reproduction de l’objet non protégé sans véritables égards aux
éléments qui l’entourent pour caractériser les faits de parasitisme comme ont tendance à le
faire les tribunaux aboutit à inverser la situation : le parasitisme, en effet, agit alors comme le
fait un droit privatif mais en conférant à son « bénéficiaire » une protection plus large
puisqu’il sanctionne la simple reproduction, même partielle en ce qu’elle peut être servile ou
quasi-servile, de tout type d’éléments - et bien souvent parmi les plus inattendus ! - en dehors
des conditions d’application de la propriété intellectuelle et sans même respecter ses propres
‘‘règles’’.
Or, cette application extensive et « multi-facettes » du parasitisme peut légitimement
susciter une réaction de méfiance risquant peu ou prou de conduire au rejet de la théorie.
Certains auteurs, en effet, l’ont parfaitement bien compris : la « dérive actuelle » du concept,
constatent ainsi Mme Hueber et M. Binn 334, est susceptible d’engendrer la crainte de voir
333 Alors que le caractère perpétuel du droit sur la marque résulte de l’article L. 712-1du CPI aux termes duquell’enregistrement de la marque « produit ses effets à compter de la date de dépôt pour une période de dix ansindéfiniment renouvelable », l’article L. 611-2 dudit code limite à « vingt ans à compter du jour du dépôt de lademande » le monopole accordé au titulaire du brevet. De même, l’article L. 513-1 (dans sa rédaction issue del’Ordonnance du 25 Juillet 2001 venue réformer le droit des dessins et modèles) dispose que la durée deprotection du dessin ou modèle déposé est de cinq ans à compter du dépôt de la demande, durée qui peut êtreprorogée par périodes successives de cinq années jusqu’à un maximum de vingt-cinq ans en tout. Il résulte enfinde l’article L. 123-1 du CPI (dans sa rédaction issue de la loi du 27 Mars 1997 venue réformer le droit d’auteur)que si l’auteur « jouit, sa vie durant, du droit exclusif d’exploiter son œuvre », ce droit - désormais - persiste auprofit de ses ayants droit pendant les soixante-dix années qui suivent le décès de l’auteur.334 Hueber (C.) et Binn (S.), Comment sauver la théorie du parasitisme ?, Contrats - Conc. - Conso., Août-Sept.2000, Chron. n° 13, p. 4. et s.
s’établir une « protection excessive de situations acquises » allant au delà de la protection
conférée par les droits de propriété intellectuelle et risquant, à terme, de porter une atteinte
plus forte encore à la liberté du commerce et de l’industrie et à son corollaire, la libre
concurrence.
Ainsi M. Passa s’est-il récemment élevé contre les dangers de la jurisprudence
sanctionnant « toute forme de parasitisme » 335, le point de départ de son raisonnement
consistant à considérer que l’absence de protection de tel ou tel élément par un droit privatif
ne constitue pas une lacune du droit, lacune qu’il conviendrait donc de combler à l’aide de la
responsabilité civile, mais un refus délibéré du législateur d’accorder - pour diverses raisons -
une quelconque protection au dit élément. Autrement dit, l’auteur considère que l’on ne
saurait « protéger par le droit commun une prestation dont le droit spécial dit qu’elle n’est pas
protégée ». Aussi l’élément exclu de la protection par un droit privatif doit-il pouvoir, au nom
du sacro-saint principe de la liberté du commerce et de l’industrie, être librement exploité par
toute personne, concurrente ou non, qui y trouve intérêt : la loi, dit-il, « doit être interprétée
comme autorisant la reproduction, même à l’identique, de la création non admise au bénéfice
de la protection privative » et qui donc appartient au domaine public. « Or, ajoute-t-il, on ne
peut qualifier de fautif sur le terrain de la responsabilité civile un acte autorisé par la loi
spéciale ».
Ainsi l’auteur ne fait-il pas autre chose que rappeler et consacrer le principe de la licéité
de l’emprunt et / ou de la copie d’une création du domaine public rappelé à de multiples
reprises par la jurisprudence pour laquelle « le fait de reproduire des objets qui ne sont
protégés ni par un brevet, ni par un dépôt de marque n’est que l’exercice d’un droit dans le
cadre de la liberté du commerce et de l’industrie » 336. En effet, au terme du monopole
d’exploitation accordé par le Code de la Propriété intellectuelle au titulaire d’un brevet, d’un
droit d’auteur ou d’un droit de dessin et modèle, le législateur a entendu que le brevet ou
l’œuvre tombe dans le domaine public et puisse dès lors être utilisé (e) par tous. Aussi ne
peut-on prolonger un brevet ou un droit d’auteur tombé dans le domaine public et donc a
fortiori invoquer la théorie du parasitisme pour aboutir au même résultat et conserver ainsi
artificiellement un monopole d’exploitation : comme le soulignait en effet M. Roubier, « …il
n’y a pas faute, même légère, dans la reproduction d’objets qui ne sont pas protégés, sinon on
335 Passa (J.), Propos dissidents sur la sanction du parasitisme économique, D. 2000, Doctr. p. 297 et s.336 Entre autres : CA Paris 10 Avril 1962, Ann. Propr. Ind. 1962, p. 210.
parviendrait à reconstituer le droit privatif sous une autre forme… » 337, ce qui - dès lors - en
signifierait purement et simplement l’inutilité ainsi qu’ont pu le souligner Mme et
M. Parléani 338.
Or, sanctionner sur le terrain du parasitisme la reproduction ou l’exploitation d’un signe
distinctif ou d’une création n’étant pas ou plus couvert (e) par un droit privatif aux motifs que
celui-ci ou celle-là bénéficie d’une certaine réputation ou est le fruit d’efforts et / ou
d’investissements ne revient-il pas à nier le domaine public et la liberté de la concurrence,
corollaire de la liberté du commerce et de l’industrie ?
Si M. Passa énonce clairement que « le dommage ressenti par le professionnel copié
n’est autre qu’une conséquence du libre jeu de la concurrence » 339, certains auteurs ont
exprimé une opinion pour le moins audacieuse en estimant que « la réponse à cette question
doit se faire par la négative dans la mesure où le parasite est ‘‘précisément quelqu’un qui a
une conception abusive de la liberté du commerce et de l’industrie’’» 340, la Cour d’appel de
Paris est récemment venue y répondre en posant et en clarifiant un par un les termes du débat
dans un arrêt fondamental du 18 Juillet 2000 où fut très nettement confirmé et énoncé le
principe notamment dégagé par MM. Roubier et Passa.
Dans une espèce où la célèbre société Légo reprochait à une société concurrente la
fabrication et la commercialisation par celle-ci de briques de jeux strictement identiques aux
produits de la gamme Légo, la Cour d’appel est en effet venue affirmer que « le simple fait de
copier la prestation d’autrui ne constitue pas comme tel un acte de concurrence fautif, le
principe étant qu’une prestation qui ne fait pas ou plus l’objet de droits de propriété
intellectuelle peut être librement reproduite » avant d’ajouter « qu’une telle reprise procure
nécessairement à celui qui la pratique des économies qui ne sauraient, à elles seules, être
tenues pour fautives, sauf à vider de toute substance le principe ci-dessus rappelé, lui-même
étroitement lié à la règle fondamentale de la liberté de la concurrence » 341.
De cet arrêt fondamental, se dégagent deux observations essentielles :
337 Roubier (P.), Droit de la propriété industrielle, Tome II, Sirey, 1952, p. 396.338 Parléani (I.) et (G.), 2001- La tentation du Moyen-Age : L’exemple du parasitisme, Mélanges ChristianGavalda - Propos impertinents de droit des affaires, Dalloz, 2001, p. 243 et s., spéc. n° 15.339 Passa (J.), Propos dissidents sur la sanction du parasitisme économique, réf. précitées, spéc. n° 21.340 Druez-Marie (C. ), Le parasitisme appliqué à la protection des signes et des formes, réf. précitées : cet auteurcite et adhère à l’opinion de M. Meffre (Rapport de synthèse du Colloque « Entreprise : parasitisme et droit »sous la direction de Mme Simon J., réf. précitées).
• L’arrêt, premièrement, souligne que la prestation pouvant être librement reproduite
est tant celle qui ne fait pas que celle qui ne fait plus l’objet d’un droit de propriété
intellectuelle. Ainsi la Cour vient-elle, par cette précision semble-t-il infime, remettre en
réalité en cause une distinction d’importance opérée par une certaine partie de la doctrine et
non la moindre.
Le dernier état de la définition du parasitisme donnée par M. Le Tourneau, en effet, est
sur ce point très clair : l’acte parasitaire « est, en soi, un préjudice certain dont la victime peut
demander en justice la cessation et / ou la réparation, lorsqu’elle ne dispose pas d’une autre
action spécifique et qu’elle n’a pas bénéficié d’un droit privatif ayant expiré » 342 : ainsi M.
Le Tourneau opère-t-il, par ce dernier membre de phrase, une distinction entre d’une part, la
copie de prestations qui ont déjà donné prise à un monopole d’exploitation désormais parvenu
à expiration et qui ont donc par hypothèse permis à leur créateur d’amortir ses investissements
et d’autre part, la copie de prestations qui n’ont quant à elles jamais été couvertes par un
quelconque droit privatif, distinction que semble également opérer M. Bonnefont lorsqu’il
déclare que l’ « on ne saurait approuver la mise en jeu du concept de parasitisme économique
au bénéfice d’un demandeur dont le droit privatif serait expiré et qui chercherait à le faire
revivre » 343.
Par cette distinction, M. Le Tourneau sous-entend donc que seules ces dernières
pourraient tomber sous le coup d’une condamnation pour parasitisme et ce, dans l’unique
souci de permettre au créateur - en lui garantissant pour ce faire la paisible jouissance de son
« œuvre » - d’amortir les frais souvent considérables qu’il aura déployés pour la conception
de celle-ci. Aussi la limitation du « champ protecteur » aux seules créations qui n’ont jamais
fait l’objet d’un droit privatif s’explique-t-elle par l’intention somme toute louable de garantir
au créateur un retour sur investissement satisfaisant…, argument que M. Passa balaie
cependant d’un revers de main en considérant que « cette distinction ne tient pas car une
création est ou n’est pas couverte par un droit privatif, est ou n’est pas dans le domaine
341 CA Paris (1ère ch.) 18 Oct. 2000, Soc. Kirkbi c/ Soc. Maniwaki Ventures Europe, D. 2001, Jur. p. 850 et s.,note Passa J.342 Le Tourneau (P.), Le parasitisme - Notion, Prévention, Protections, précité, Litec 1998, Coll. Responsabilités,spéc. n° 125 et 129.343 Bonnefont (A.), Parasitisme et concurrence déloyale : il faut garder le cap, Contrats - Conc. - Conso. , Mars2001, Chron. n° 4, p. 4 et s.,
public : il n’existe pas, dit-il en effet, de troisième état, de sous-domaine public ou de demi-
domaine public » 344.
Cette distinction, par ailleurs, l’inspire puisque M. Passa souligne de manière raisonnée
que protéger les créations qui n’ont jamais fait l’objet d’un quelconque droit de propriété
intellectuelle - et elles seules - reviendrait à admettre implicitement mais sûrement que
l’action en parasitisme n’est pas tant exercée, selon la formule consacrée, pour obtenir « la
sanction de la violation d’un devoir de conduite » que pour réserver - par extension - une
valeur économique en elle-même en dehors de tout considération tenant aux circonstances de
son « pillage ». Ainsi le parasitisme est-il alors consciemment utilisé pour conférer au créateur
parasité le monopole général et prétorien que la loi lui refuse car si les droits de propriété
intellectuelle ne sont pour leur part accordés que pour une durée limitée, le droit commun de
la responsabilité civile n’a pas pour vocation secrète d’instaurer des droits privatifs 345…
Dans le prolongement de cette idée, il paraît évident qu’opérer une distinction - dans
l’appréciation du caractère fautif des agissements du soi-disant parasite - selon que la création
copiée a ou n’a pas fait l’objet d’un droit exclusif reviendrait à introduire dans cette
appréciation un élément à la fois extérieur et superflu…
Aussi M. Passa se félicite-t-il de ce que la jurisprudence soit venue, par cet arrêt,
éclaircir la situation par un « syllogisme imparable » 346 :
- La copie de ce qui n’est pas couvert par un droit privatif et appartient donc au
domaine public est en soi licite
- La personne ou l’entreprise parasite, cependant, tire indûment profit - ce faisant - de
la notoriété acquise ou des investissements réalisés par la personne ou l’entreprise
parasitée
- Toutefois, si la copie de ce qui n’est pas approprié est licite, l’économie d’efforts
tant intellectuels que financiers réalisée - parce qu’elle en est la conséquence logique
- doit donc également être tenue pour licite.
Dans la mesure en effet où toute copie suppose nécessairement que soit repris plus ou
moins servilement le travail fourni par autrui et suppose donc par là même que soit réalisée
une économie de temps, d’argent et d’effort, juger parasitaire et donc fautive l’économie ainsi
344 Passa (J.), note sous CA Paris (1ère ch.) 18 Oct. 2000, réf. précitées.345 Selon M. Passa, il s’agit là d’ « édifier, contre la volonté du législateur, une protection de seconde zone auxlieu et place des droits privatifs », de « constituer ou reconstituer par une autre voie un monopole qui, sur leterrain de la propriété intellectuelle, n’a pu être institué ou a disparu » (ibidem, spéc. n° 12).346 Passa (J.), note sous CA Paris (1ère ch.) 18 Oct. 2000, réf. précitées.
permise revient en fait à sanctionner implicitement mais assurément la copie elle-même.
Aussi la sanction du parasitisme apparaît-elle en totale inadéquation avec le principe de la
liberté de la copie.
Or, comme le souligne Mme Izorche 347, s’il est possible d’admettre avec l’arrêt cité par
M. Passa et rendu par la Cour d’appel de Bruxelles 348 que « tout avantage que tire l’imitateur
de la copie ne peut être considéré comme parasite, faute de quoi il n’y aurait plus en réalité de
liberté de copier », l’ambiguïté de cette phrase nous suggère de distinguer - au sein des copies
licites car non interdites par l’existence d’un droit privatif - entre celles qui sont fautives et
celles qui ne le sont pas.
Le « point culminant », dès lors, est atteint car c’est sans doute là que se situe en effet le
cœur même de la théorie du parasitisme. Si le principe fondamental de la liberté de la copie de
toute réalisation par hypothèse exclue du champ de la propriété intellectuelle, consacré au
nom du principe de la liberté du commerce et de l’industrie, aboutit à « annihiler » la notion
de parasitisme, entendue comme un critère autonome de concurrence déloyale, le caractère
déloyal et donc fautif du parasitisme pourra en revanche résulter des circonstances spécifiques
dans lesquelles il est intervenu et, plus particulièrement, résulter du risque de confusion créé
dans l’esprit de la clientèle : ainsi la possibilité pour l’action en parasitisme de survivre à
l’échec - pour une raison de droit - de l’action en contrefaçon dès lors qu’il existe un risque de
confusion peut-elle trouver là, avec son caractère subsidiaire, une autre logique explication…
Ainsi M. Passa relève-t-il que si le fait de copier une création non appropriée n’est pas
en soi parasitaire et donc fautif, la déloyauté et, dès lors, le parasitisme peut en revanche
résulter des circonstances particulières dans lesquelles le « pillage » est intervenu et donc
résulter du risque de confusion : l’auteur propose donc de s’en tenir au seul critère du risque
de confusion et voit confirmation de son opinion dans divers arrêts venus relever un
comportement générateur de confusion avant d’ajouter, « comme pour mieux caractériser la
347 Izorche (M.-L.), Concurrence déloyale et parasitisme économique, Colloque « La concurrence déloyale :perspectives d’avenir » sous la direction de M. Serra Y. , précité, Dalloz, 2001, p. 27 et s., spéc. n° 21.348 CA Bruxelles 24 Août 1995, cité par M. Passa in Propos dissidents sur la sanction duparasitisme économique, réf. précitées: M. Passa effectue en effet, dans sa chronique précitée, un parallèleconstant et intéressant avec la jurisprudence belge, jurisprudence à laquelle il adhère pleinement en ce qu’elleadmet en effet depuis déjà un certain nombre d’années que la copie ne peut être interdite que si elle porte atteinteà un droit de propriété intellectuelle ( c’est à dire à un droit privatif) ou crée, en raison des circonstances, unrisque de confusion dans l’esprit du public.
faute mais sans grande utilité », que ce comportement permet au fautif de s’économiser bien
des efforts 349…
Lorsqu’elle vient s’adjoindre au fait même de la copie, du « pillage » de l’œuvre
d’autrui, la création - dans l’esprit de la clientèle - d’un risque de confusion constitue en effet
un acte de concurrence déloyale ou parasitaire. Ainsi la Cour d’appel de Paris, dans l’arrêt
précité, s’est-elle attelée à examiner très attentivement les différents éléments de
ressemblance entre les briques de jeux d’une part et entre leurs emballages respectifs d’autre
part, cette observation l’ayant finalement conduite à constater l’absence de tout risque de
confusion : le rôle de « pivot » joué par le risque de confusion est d’ailleurs parfaitement
exprimé par la Cour lorsqu’après avoir constaté que le brevet français déposé par la société
Légo était tombé dans le domaine public, celle-ci énonça que la dite société n’était pas fondée
à reprocher à ses adversaires d’avoir reproduit à l’identique ces formes et dimensions, « sauf à
démontrer que (la partie adverse) aurait cherché à créer auprès des acheteurs un risque de
confusion ».
La jurisprudence étudiée à ce titre en première partie prendrait alors tout son sens,
l’exigence - largement entendue 350 - d’un risque de confusion s’expliquant dans cette optique
par la volonté jurisprudentielle d’étendre au maximum son champ d’action et de lutte contre
les agissements contraires aux usages honnêtes en matière industrielle et commerciale : « la
réfutation de la notion de parasitisme, déclare en effet M. Passa, ne doit pas laisser place à la
déloyauté commerciale ».
Le mot, ainsi, est lâché : il faut, selon M. Passa, voir dans l’arrêt précité du 18 Octobre
2000 la « réfutation » du parasitisme économique, ce à quoi se refuse en revanche M. Le
Tourneau même s’il dit ne pouvoir « que reconnaître et […] déplorer la remise en cause
effective d’une partie de l’empire de la théorie des agissements parasitaires par ledit arrêt ».
Parce que M. Le Tourneau semble - face à ce qui semble bien sonner le glas du parasitisme -
camper sur ses positions, se référer aux arguments qu’il a d’ores et déjà développés en
réponse aux dires de M. Passa s’avère nécessaire pour comprendre le courant de pensée des
plus fervents partisans du parasitisme et étudier leur position face aux « arguments-choc » de
ce dernier.
349 Passa (J.), Propos dissidents sur la sanction du parasitisme économique, réf. précitées, spéc. n° 26.
B) L’argument d’une nécessaire prééminence des intérêts légitimes des
opérateurs économiques :
Le dernier état de la définition du parasitisme élaborée par M. Le Tourneau ne laisse
planer aucun doute sur la position de celui-ci face à celle adoptée par son plus ardent
contradicteur.
M. Le Tourneau, en effet, dénonce le détournement de la notoriété et / ou des
investissements d’autrui parce que « cet acte, contraire aux usages du commerce, notamment
en ce qu’il rompt l’égalité entre les différents intervenants, même non concurrents et sans
risque de confusion, fausse le jeu normal du marché et provoque ainsi un trouble
commercial » 351. Ainsi l’auteur laisse-t-il clairement entendre son refus d’exiger de la part
des plaignants la preuve d’un risque de confusion car « dans la mesure où leur travail inventif
est pillé », les personnes ou entreprises parasitées peuvent craindre en effet, « même sans
risque de confusion », « de connaître le déclin, voire de disparaître » 352.
A cet égard, doit être évoquée - dans la lignée du débat récemment né en doctrine sur la
perpétuation ou au contraire la « mort » du parasitisme - la position originale adoptée par
Mme Malaurie-Vignal à propos du risque de confusion 353. Selon cet auteur, si la copie des
« éléments qui contribuent au succès d’un produit ou d’une entreprise » 354 et qui - « en eux-
mêmes » - ne devraient pas être protégées peut toutefois devenir déloyale si une faute, et
particulièrement un risque de confusion, peut être prouvée, le produit en lui-même ne saurait
en revanche être copié sans engager la responsabilité de son auteur : il faut admettre, dit-elle
en effet, que « la copie est fautive en elle-même, alors même qu’aucun risque de confusion
n’est caractérisé » : ainsi - et l’opinion est suffisamment novatrice pour être soulignée - s’il
pourrait355 être invoqué s’agissant de la copie de ce que nous appellerons les
« caractéristiques » d’un produit ou d’une entreprise et dès lors entraîner par son caractère
fautif la condamnation du « pilleur » pour parasitisme, le risque de confusion qui peut être
350 Le risque de confusion, ainsi que nous l’avons vu, peut en effet porter soit sur le produit lui-même, produitqui sera donc alors pris pour un autre, soit sur l’origine des produits en cause, lesquels seront considérés commeissus d’une même entreprise ou d’entreprises liées.351 Le Tourneau (P.), Le parasitisme - Notion, Prévention, Protections, réf. précitées, spéc. n° 125 et 129.352 Le Tourneau (P.), Peut-on entonner le requiem du parasitisme ?, D. 2001, Point de vue, p. 1226 et s.353 Malaurie-Vignal (M.), Réflexions sur la théorie du parasitisme économique, Contrats - Conc. - Conso., Oct.2001, Chron. n° 15, p. 4 et s.354 …tels, comme nous avons pu le voir en première partie, qu’un savoir-faire, la forme ou les couleurs d’unconditionnement et bien d’autres choses encore…
engendré par la copie serait en revanche sans incidence aucune s’agissant du parasitisme du
produit en lui-même…
Le dernier volet de la définition du parasitisme donnée par M. Le Tourneau et d’ores et
déjà cité laisse par ailleurs clairement paraître que diverses conditions restrictives viennent
borner l’action en cessation et / ou en réparation, laquelle n’est en effet que subsidiaire en ce
sens qu’elle ne peut être exercée par la personne ou l’entreprise parasitée que lorsque la
victime « ne dispose pas d’une autre action spécifique », c’est à dire lorsqu’aucune autre voie
juridique n’existe. Cette subsidiarité de l’action en parasitisme 356 trouve d’ailleurs dans la
jurisprudence sa plus belle expression : la Chambre commerciale de la Cour de cassation, en
effet, n’a pas manqué les occasions d’affirmer que « l’action en concurrence déloyale a pour
objet d’assurer la protection de celui qui ne peut se prévaloir d’un droit privatif » 357,
exprimant ainsi clairement le rôle de substitution joué par la théorie jurisprudentielle du
parasitisme.
Outre le fait que l’action en parasitisme ne soit recevable que si la victime ne dispose
pas d’une autre voie juridique spécifique, important peu le fait que celle-ci ait été déclarée
infondée car - comme le souligne M. Le Tourneau - « le parasitisme n’est pas un moyen
d’obtenir de la seconde main ce que la première a perdu », deux implications essentielles
résultent de cette subsidiarité :
- L’action, tout d’abord, n’est recevable que si l’acte soi-disant parasitaire n’est pas
autorisé par la loi : le grief de parasitisme, dès lors, ne saurait par exemple être retenu
s’agissant de la technique assez récente de la « décompilation » ou de l’ingénierie inverse que
le Code de la Propriété intellectuelle, ainsi que nous l’avons vu, autorise en effet pour les
logiciels comme pour les produits semi-conducteurs 358…
- L’action, ensuite, n’est encore possible que si la victime « n’a pas bénéficié d’un
droit privatif ayant expiré », hormis en matière de signes et notamment de marque où la
protection par le biais du parasitisme peut prendre le relais de celle qui résultait du dépôt
355 …et non « devrait » car la faute, si elle est nécessaire à la condamnation du parasite, ne résidera pasnécessairement en revanche dans un risque de confusion comme prend soin de le préciser l’auteur.356 Cette subsidiarité n’est que la juste conséquence de ce que l’action en parasitisme « prolonge », en matièrecommerciale, l’action en responsabilité civile elle-même subsidiaire…357 Entre autres : Cass. Com. 15 Juin 1983, Bull. civ. 1983, IV, n° 174 ; 6 Déc. 1984, Bull. civ. 1984, IV, n° 335 ;18 Janv. 1992, Bull. civ. 1992, IV, n° 14 et récemment CA Rennes 28 Janv. 1998, JCP éd. Ent. 1998, II, Pan.Actu. p. 1952.
arrivé à expiration ou non renouvelé. Ainsi retrouvons-nous là la distinction précitée,
distinction fondée sur le légitime souci d’assurer le retour sur investissement du créateur et
qui - parce qu’elle met en jeu les droits de propriété intellectuelle - constitue le point d’orgue
de la bataille que se livrent opposants et partisans du parasitisme.
Or, M. Le Tourneau dit n’avoir jamais souhaité instaurer à travers l’action en
parasitisme un « nouveau droit privatif » et ce, relève-t-il, alors même que rien - au nom de la
liberté contractuelle - ne s’y opposerait : ainsi souscrit-il pleinement à l’opinion de MM.
Zenati et Revet pour qui « dès lors qu’un objet apparaît utile et appropriable, qu’il entre peu
ou prou dans le commerce, il devient objectivement un bien et devrait être considéré comme
tel quoi qu’en dise - surtout que n’en dise pas - la loi » 359.
Aussi M. Le Tourneau estime-t-il, en réponse à M. Passa, que ne constituerait pas un
obstacle à son application le fait que la reconnaissance de la théorie du parasitisme se traduise
indirectement par la création d’un droit privatif, c’est à dire d’un nouveau droit de propriété
car « rien, dit-il, ne saurait justifier qu’au nom de la liberté du commerce, les interprètes du
droit limitent arbitrairement (et selon quels critères ?) le nombre des droits de propriété » 360.
L’auteur affirme donc se contenter d’une sorte d’opposabilité, mais d’une opposabilité
provisoire en ce qu’elle ne joue - selon la distinction précitée - que tant que la création n’est
pas tombée dans le domaine public, après quoi - « le droit privatif ayant (par hypothèse)
expiré » et le retour sur investissement étant (probablement !) réalisé - la création ne mérite
plus, selon M. Le Tourneau, protection au titre du parasitisme.
L’affaire ayant opposé la célèbre maison Cartier au distributeur Métro était l’occasion
de mesurer l’influence exercée en la matière par la doctrine sur la jurisprudence. En l’espèce
en effet, la société Métro avait fait fabriquer et offert à sa clientèle la copie d’une montre
créée par Louis Cartier en 1919 et dont la protection en tant que modèle avait pris fin. S’il fut
sans surprise jugé par la Cour d’appel de Paris qu’ « en offrant ainsi, à sa clientèle, la copie
servile d’une montre de haute renommée, la société Métro a nécessairement recherché la
notoriété qui s’y attache […] » et s’est donc rendue coupable d’une « attitude parasitaire », le
véritable enjeu de cet arrêt résidait dans la question de savoir si la copie servile d’un modèle
tombé dans le domaine public mais pourvu d’une certaine notoriété est ou non fautive.
358 Cette pratique est autorisée, pour les logiciels, par l’article L. 122-6-1-III et IV du CPI et, pour les produitssemi-conducteurs, par l’article L. 622-5 dudit code.359 Zenati (F.) et Revet (T.), Les biens, PUF 1997, n° 7, cité par M. Le Tourneau in Le bon vent du parasitisme,Contrats - Conc.- Conso. Janv. 2001, Chron. n° 1, p. 4 et s.360 Le Tourneau (P.), Le bon vent du parasitisme, réf. précitées.
La Cour, cependant, va s’abstenir de tout revirement et consacrer la jurisprudence
antérieure en la matière en donnant raison aux premiers juges d’avoir sur ce point débouté la
maison Cartier de sa demande en agissements parasitaires aux motifs que « ne pouvant plus se
prévaloir d’un droit privatif sur le modèle en cause », cette dernière société « ne pouvait
interdire à la société Métro de reproduire un modèle identique […] » 361. Le raisonnement
adopté par les juges, en effet, est simple : s’il est vrai que le principe de la liberté du
commerce et de l’industrie est écarté à titre exceptionnel par les droits de propriété
industrielle, le fait que la montre ne soit en l’espèce plus couverte par un brevet et soit donc
tombée dans le domaine public rendait dès lors sa reproduction parfaitement licite.
Ainsi la conception de M. Le Tourneau, en ce qu’il considère le parasitisme
inapplicable aux éléments ayant fait l’objet d’un droit privatif parvenu à expiration, est-elle
sauve. Si M. Bonnefont vit pour sa part dans cette décision tendant à « la continuation du droit
privatif par d’autres moyens » un « excès » jurisprudentiel 362, cet arrêt est pourtant dans la
lignée de celui rendu par la même cour le 7 Novembre 1975 aux termes duquel « Le seul fait
de reproduire, même servilement, un modèle du domaine public ne constitue pas une faute sur
la base de l’article 1382 du Code civil » 363 ou dans celle de l’arrêt rendu par la Cour d’appel
de Versailles le 3 Avril 1997 selon lequel « N’est pas fautif ni constitutif d’agissements
parasitaires le fait pour un ancien dirigeant de mettre au point un modèle de prothèse médicale
reprenant les caractéristiques de celui mis au point par son ancienne entreprise » pas plus
d’ailleurs que « le seul fait qu’il ait utilisé des mécanismes s’approchant du ‘‘genou’’
concurrent alors que celui-ci n’est pas breveté et qu’il ait repris des éléments quant à eux
tombés dans le domaine public » 364.
Par ailleurs, à l’argument de M. Passa selon lequel la théorie du parasitisme,
essentiellement parce qu’elle ne nécessite pour son application aucun dépôt, porterait atteinte
aux droits privatifs existants, deux arguments pour le moins efficaces sont là encore avancés
en réponse par M. Le Tourneau 365, lequel en effet relève d’une part que certains droits
privatifs - et notamment les créations littéraires et artistiques - ne nécessitent pas de dépôt, ce
361 CA Paris (4ème ch.) 5 Janv. 2000, SA Cartier c/ SARL Métro Libre service de gros de Vitry, Petites Affiches18 Juill. 2000, p. 25 et s., obs. Malaurie-Vignal M.362 Bonnefont (A.), Parasitisme et concurrence déloyale : il faut garder le cap, réf. précitées.363 CA Paris 7 Nov. 1975, Ann. Propr. Ind. 1976, p. 106.364 CA Versailles 3 Avril 1997, cité par Mme Malaurie-Vignal sous CA Paris (4ème ch.) 5 Janv. 2000, réf.précitées.365 Le Tourneau (P.), Retour sur le parasitisme, D. 2000, Doctr. p. 403 et s.
qui n’en a toutefois pas freiné l’expansion, et relève d’autre part l’infériorité protectrice du
parasitisme par rapport à un droit privatif, lequel en effet (surtout s’il est conforté par un
dépôt) fait l’objet d’une protection a priori quasi-automatique et est même pénalement
sanctionné alors que la protection par le biais du parasitisme - parce qu’elle suppose la
démonstration d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité - n’intervient pas
systématiquement et n’agit de toute façon qu’a posteriori.
De même encore, M. Passa estime-t-il que la théorie du parasitisme fait perdre au
système contenu dans le Code de la Propriété intellectuelle une grande partie de sa cohérence
et de son utilité. « Pourquoi, s’interroge-t-il en effet, chercher à satisfaire aux exigences
rigoureuses des lois spéciales si, en toute hypothèse, il est possible d’obtenir une protection
équivalente, voire supérieure puisque sans limitation de durée, sur le fondement de la
responsabilité civile ? » 366. Aussi M. Passa suggère-t-il même de manière tout à fait ironique,
quand bien même l’élément à protéger relèverait d’un droit spécifique, « de tout résoudre par
application de l’article 1382 du Code civil »…et l’auteur de citer deux célèbres affaires - celle
du parfum Diva d’Ungaro et de l’émission Les marches de la gloire - dans lesquelles fut
invoqué et accueilli le grief de parasitisme alors pourtant que les créations en cause donnaient
« sans aucun doute prise au droit d’auteur ».
Aussi l’auteur dénonce-t-il le risque de dilution du Code de la Propriété intellectuelle
dans le droit de la responsabilité civile : la sanction du parasitisme, en effet, plus que
permettre de tourner les règles du droit de la propriété intellectuelle, pourrait aller jusqu’à s’y
substituer.
La réponse de M. Le Tourneau, là encore, ne se fera pas attendre, à la fois efficace et
percutante : « Ce n’est pas la théorie des agissements parasitaires qui risque de tarir la
créativité et l’ingéniosité des hommes, mais bien l’inverse : son absence » 367. Ainsi l’auteur
justifie-t-il par le rôle conféré à la jurisprudence de combler les lacunes du droit l’émergence
de la théorie du parasitisme venue étendre et affiner le droit commun de la responsabilité
civile pour l’indispensable protection des efforts tant financiers qu’intellectuels déployés par
la personne ou l’entreprise parasitée et constitutifs d’une « valeur économique » qu’aucun des
droits privatifs limitativement prévus par la loi ne vient protéger…
366 Passa (J.), Propos dissidents sur la sanction du parasitisme économique, réf. précitées, spéc. n° 15.367 Le Tourneau (P.), Retour sur le parasitisme, réf. précitées.
Par cette formule, M. Le Tourneau exprime et résume la motivation première des
défenseurs du parasitisme : parce qu’il a pour rôle essentiel d’assurer le bon ordre de la
société au sens large du terme, le droit s’est donc - au sein de la société des marchands -
logiquement fendu dans cette optique d’une « mission », celle d’assurer le bon
fonctionnement du marché. S’il y a là l’expression d’une quête de morale et de loyauté, il
s’agit donc avant tout de défendre les intérêts légitimes des opérateurs économiques, intérêts
qui imposent donc de tenir pour déloyal le fait de contrarier les initiatives d’un tiers
concurrent ou non en prenant appui sur celles-ci et qui supposent dès lors de ‘‘sacrifier’’, sur
l’autel du marché, la liberté du commerce et de l’industrie et son corollaire, la liberté de la
concurrence.
Certains auteurs, cependant, se refusent à adopter sur cette question une opinion
tranchée. Ainsi Mme Malaurie-Vignal a-t-elle pu considérer, après avoir fait la somme des
« arguments pertinents » développés par chaque thèse, que la question du parasitisme doit être
appréhendée par rapport à son « environnement juridique », lequel impose de ne pas protéger
à l’excès le commerçant contre les risques de la concurrence au regard du principe de libre
concurrence : ainsi propose-t-elle de manière originale de placer la ligne de partage autour de
la notion de « bien dans le commerce », catégorie dont elle exclut par exemple les idées, les
modes de fabrication ou de présentation des produits…, c’est à dire les valeurs économiques
non commercialisées en tant que telles. L’auteur se fonde ici sur le critère de l’accessoire : si
ces éléments sont en effet des « valeurs économiques » en ce qu’ils auront de toute évidence
nécessité un investissement financier et / ou intellectuel plus ou moins important, ces valeurs -
souligne-t-elle - ne sont toutefois que des « accessoires » du produit en tant que tel 368.
Ainsi Mme Malaurie-Vignal semble-t-elle indirectement ici condamner une trop large
extension du cadre protecteur du parasitisme et dénoncer la « dérive » du concept qui conduit
en effet, comme le constatent amèrement Mme Hueber et M. Binn, à utiliser le parasitisme
pour « sanctionner la seule reproduction de simples concepts ou idées dont la protection est
normalement exclue du champ de la propriété intellectuelle ».
Cette soi-disant dérive, cependant, s’explique - selon M. Le Tourneau - par la nécessité
de sauvegarder la valeur économique acquise par les biens des créateurs et, à travers celle-ci,
par la nécessité d’assurer la survie de l’entreprise « innovante » et donc de l’emploi : l’auteur,
aussi étonnamment que cela puisse paraître et sans jamais le dire, ne vise pas ici autre chose
368 Malaurie-Vignal (M.), Réflexions sur la théorie du parasitisme économique, réf. précitées.
que l’ « intérêt social », lequel en effet - appliqué à l’entreprise « dynamique » objet d’actes
de parasitisme - impose, pour paraphraser l’article premier de la loi du 25 Janvier 1985
relative aux procédures collectives et aujourd’hui codifiée, d’assurer la « sauvegarde » de
cette entreprise mais aussi de garantir en son sein le « maintien de l’activité et de l’emploi ».
M. Le Tourneau, dès lors, pose la question : faudrait-il, au nom de la cohérence des
droits de propriété intellectuelle, sacrifier les intérêts légitimes des acteurs de la vie
économique et intellectuelle ? La satisfaction de ces intérêts ne mérite-t-elle pas de
contrevenir à certains principes et ne nécessite-t-elle pas dès lors d’asseoir, à travers la
protection de la valeur économique qu’elle représente, la protection de la simple idée ? Cette
question - parce que l’« idée » en tant que telle apparaît comme étant le « berceau » de tous
ces éléments que tend à protéger la théorie du parasitisme - pourrait bien, selon que la réponse
apportée soit positive ou négative, constituer un véritable tournant dans l’application de la
théorie, perspective d’ouverture sur laquelle il nous apparaît donc opportun - entre autres
interrogations - de conclure, s’y jouant en effet l’avenir même du parasitisme.
CONCLUSION
Le parasitisme économique consiste donc à se placer dans le sillage d’autrui, à
s’appuyer sur les efforts et les initiatives d’un opérateur économique, concurrent ou non, pour
conquérir une clientèle. Le parasite, en effet, adopte un comportement suiveur qui se traduit
d’une manière générale par la reprise, de manière identique ou quasi-identique, des éléments
ayant contribué au succès, à la renommée de l’entreprise parasitée, et ce afin d’en profiter
indûment, c’est à dire sans consentir les efforts financiers et / ou intellectuels nécessaires. Ces
agissements parasitaires, contraires aux loyaux usages du commerce, engagent donc la
responsabilité de leur auteur sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile et
donc de l’article 1382 du Code civil devenu en effet le « socle » de l’ensemble du droit de la
responsabilité et le texte de référence pour ce qui concerne la concurrence déloyale dont la
théorie jurisprudentielle du parasitisme n’est que l’extension.
Nombreuses sont toutefois les questions laissées sans réponse. Ainsi certains auteurs
ont-ils pu s’interroger sur les fondements mêmes du traditionnel dyptique rassemblant mais
distinguant le parasitisme de la notoriété d’une part, des investissements d’autre part. M.
Meffre, en effet, s’interroge : pourquoi sanctionner d’un côté la notoriété de l’entreprise ou
plus précisément celui qui est venu dans le sillage de ladite entreprise et d’un autre côté, tout
ce qui concerne en réalité le détournement d’investissements, c’est à dire des efforts qui ont
été réalisés par cette dernière ? 369 Alors même que les tribunaux condamnent le plus souvent
le parasitisme de la notoriété d’autrui per se, c’est à dire en elle-même et sans aucune
considération pour les investissements qu’elle aura pourtant nécessairement exigés, l’auteur
considère en effet que la notoriété n’a de raison d’être protégée que s’il est démontré qu’elle
est véritablement le résultat d’investissements pécuniaires et / ou intellectuels importants :
ainsi M. Meffre vient-il par là même et indirectement suggérer de « fondre » pour n’en faire
plus qu’un le parasitisme de la notoriété dans le parasitisme des investissements d’autrui, ne
proposant ainsi pas moins que la remise en cause de l’un des principaux fondements de la
théorie du parasitisme…
Le parasitisme et surtout, à travers lui, l’économie de frais et de recherche réalisée est
par ailleurs sanctionnée alors même que la personne ou l’entreprise parasite - profitant
simplement, selon l’expression consacrée, du « courant d’achats » créé par la personne ou
l’entreprise parasitée - aura pris les précautions nécessaires pour éviter toute confusion. Or, et
comme le soulignent de nombreux auteurs, le comportement suiveur adopté par tel ou tel
opérateur économique ne peut - au nom de la libre concurrence - être jugé répréhensible si cet
opérateur s’est de toute évidence attaché à écarter tout risque de confusion entre son
entreprise et celle du soi-disant « parasité » et a donc fait preuve de sa bonne foi, de sa
loyauté. La déloyauté, en effet, résulte - selon une présentation classique - de la confusion
entretenue par le parasite dans l’esprit de la clientèle pour attraire à lui celle développée par
son « adversaire » et ne résulte nullement d’une soi-disant atteinte à la liberté du commerce et
de l’industrie et à son corollaire la liberté de la concurrence, principe qu’a merveilleusement
mis en lumière la Cour d’appel de Paris dans un arrêt récent aux termes duquel « Il est de
l’essence même du libre jeu de la concurrence que puissent être mis sur le marché des
produits de nature équivalente à des produits antérieurs non couverts par des droits de
propriété intellectuelle, même lorsqu’ils présentent une forme proche de celle de ces produits
et sont proposés à des prix moindres, à condition qu’il ne soit pas suscité de confusion sur
l’origine des produits ni commis d’autres agissements déloyaux » 370.
Aussi la sagesse semblerait-elle devoir commander à la jurisprudence de ne sanctionner
au titre du parasitisme que les agents qui ont de toute évidence cherché - en copiant ou en
s’inspirant sensiblement d’une valeur économique d’autrui - à créer dans l’esprit de la
clientèle une confusion entre divers produits ou sur leur origine, ce qui paraît dès lors mettre à
bas la théorie des agissements parasitaires à proprement parler faute en effet d’un rapport de
concurrence entre les acteurs en cause et donc d’une possible confusion dans l’esprit de la
clientèle non commune…
Comme le souligne en effet Mme Malaurie-Vignal, « l’imitation n’est pas
nécessairement répréhensible. Elle est une donnée de l’histoire. Elle est un facteur de
concurrence puisqu’elle permet de briser des monopoles. Précisément, constate-t-elle, pour les
autorités de contrôle de la concurrence, un marché est concurrentiel si des produits
substituables, c’est à dire pour simplifier des produits semblables, s’y trouvent. Par ailleurs,
les phénomènes de mode suscitent une uniformisation des goûts et en conséquence des
produits offerts à la vente ». L’auteur constate enfin que « la création procède souvent de
l’imitation d’une œuvre, de techniques ou de méthodes antérieures » 371. Ainsi par exemple,
s’il ne peut être reproché à quiconque de vouloir protéger les fruits de son travail, de ses
recherches ou de ses investissements contre toute usurpation, la recherche d’une compatibilité
369 Meffre (J.-M.), Rapport de synthèse du Colloque « Entreprise : parasitisme et droit » sous la présidence deMme Simon J., réf. précitées, spéc. p. 26 et s.370 CA Paris 17 Sept. 1999, PIBD 2000, n° 690, III, p. 52.
ou d’une adaptabilité entre différents produits - ainsi que le permet, à propos des logiciels, la
technique de la décompilation aujourd’hui légalisée - n’est pas jugée illégitime ou immorale
mais au contraire bénéfique pour le consommateur ainsi d’ailleurs que pour la concurrence en
ce qu’elle aboutira, dans le secteur d’activité en cause, à stimuler la compétition, la création,
l’innovation…de toute évidence favorable aux consommateurs avides de bien-être que nous
sommes : la boucle, dès lors, est bouclée…
Nombre d’auteurs, en effet, s’accordent pour dire que si elle est - au regard de la morale
des affaires - parfaitement légitime, la sanction de l’économie de temps, d’argent et d’efforts
ainsi réalisée par le parasite ne l’est pas en revanche au regard de la ‘‘compétition
économique’’ qui impose de ne mettre aucun frein à l’activité créatrice : les hommes et les
femmes associés - au sein du service recherche-développement d’une entreprise - au
processus de conception, de création des produits ou services commercialisés par celle-ci
seront en effet nécessairement « piqués au vif » lors du lancement sur le marché d’une
« version optimisée » pourrions-nous dire de l’une de leur création et de toute évidence
animés par la ferme intention d’innover un peu plus encore pour mettre à mal les efforts
déployés par le parasite, stimulation de laquelle participe également - il va sans dire -
l’objectif de survie économique de l’entreprise parasitée.
Ce frein mis à l’activité créatrice fut d’ailleurs clairement dénoncé par M. Passa pour
qui, en effet, « voir une faute dommageable dans l’utilisation non autorisée du travail
d’autrui » revient à « compromettre gravement la liberté de création », l’auteur ayant à l’appui
de cette affirmation fait état - dans le cadre de son étude de la jurisprudence belge - d’un arrêt
particulièrement éclairant et révélateur du phénomène dans lequel les juges relevaient
qu’ « une justification du principe [de la liberté de copier] réside dans le fait généralement
reconnu qu’il n’y a pas d’activité humaine, si créative qu’elle paraisse, qui ne résulte dans une
mesure plus ou moins grande de ce que d’autres ont déjà réalisé » : la technique de la
décompilation précitée est à cet égard pour le moins révélatrice…
Ainsi M. Barbiéri, dans sa note sous l’arrêt fondamental du 19 Octobre 1988, incite-t-il
les victimes d’actes de parasitisme à innover : « Le créateur d’une activité industrielle ou
commerciale, dit-il, doit se poser diverses questions. Parmi ces dernières, il y a […] surtout
l’intérêt pratique qu’il peut y avoir à solliciter le rempart d’une protection légale qui neutralise
la stimulation attachée à la recherche de nouveautés. La meilleure stratégie ne consiste-t-elle
371 Malaurie-Vignal (M.), Le parasitisme des investissements et du travail d’autrui, réf. précitées, spéc. n° 1.
pas au contraire à jouer sur le caractère évolutif du savoir-faire, ce qui permet de prendre
systématiquement une génération d’avance sur les produits concurrents ? » 372.
Cette faveur donnée au parasitisme trouve d’ailleurs dans l’observation des droits
voisins une parfaite illustration : si les juridictions belges, en effet, sont aujourd’hui d’accord
pour considérer le parasitisme du travail et des investissements d’autrui ainsi que les
économies en résultant comme étant parfaitement licites, ayant ainsi jugé que « l’imitation du
leader sur le marché peut être un facteur de progrès et un avantage pour le consommateur », la
jurisprudence allemande - ainsi que le constate M. Passa - affirme très nettement le principe
de la liberté de la copie et juge que « le fait que le concurrent s’épargne toute prestation
propre ne fonde pas à lui seul la déloyauté du procédé », certaines juridictions subordonnant
toutefois la condamnation du parasitisme à certaines conditions et notamment à la
constatation que les frais de conception du produit copié n’ont pas encore été amortis, critère
si cher à M. Le Tourneau…et si controversé.
La volonté de ne pas faire obstacle à l’activité créatrice a donc conduit une certaine
jurisprudence à envisager - pour circonscrire le champ d’application du parasitisme - la dose
d’effort personnel fourni par le parasite, cette considération pouvant constituer la clef de
départ entre l’acte illicite et l’acte inhérent à la concurrence. Ainsi ne s’agirait-il plus
seulement de constater si le parasite - par son acte - s’est ou ne s’est pas économisé des efforts
intellectuels et / ou financiers mais aussi d’observer s’il a ou n’a pas pris soin, ce faisant, d’y
apporter sa « touche personnelle » : ainsi le copieur, par application de ce critère, ne serait-il
condamné comme parasite que s’il s’est attaché à imiter de manière systématique la création
d’autrui sans autre apport personnel, conception qui a déjà eu les faveurs de certaines
juridictions étrangères ainsi que de certains auteurs étrangers.
Ainsi Mme Buydens, auteur d’origine allemande cité par M. Passa, estime-t-elle qu’ « il
faudrait entendre par parasitisme l’imitation systématique des créations d’autrui ». En effet,
relève-t-elle, « dans les faits, le parasitisme suppose qu’il y ait un rapprochement
systématique et continu des efforts créatifs d’autrui et non uniquement imitation car cette
dernière n’est que la mise en pratique du principe de la liberté de copier, les créations
372 Barbiéri (J.-J.), note sous CA Toulouse 19 Oct. 1988, réf. précitées.
appartenant au domaine public. Cette définition, ajoute-t-elle, permettrait de concilier la
liberté de copier […] avec la nécessité de garantir des conditions loyales de concurrence » 373.
Ce frein mis à l’activité créatrice a par ailleurs été dénoncé à l’occasion de la
proposition de loi relative à « la protection des biens réservés » déposée par M. le député
Godfrain le 30 Juin 1992 par laquelle celui-ci proposait de reconnaître au promoteur d’idées
disparates ou de réalisations diverses, c’est à dire de « créations non réservées », un véritable
droit privatif comparable au monopole de droit conféré par les droits de propriété
intellectuelle. Si l’article premier de cette proposition précisait en effet que « Toute création
exploitable à des fins lucratives, qui résulte d’un travail intellectuel accompli avec ou sans
l’aide d’un matériel ou d’un logiciel, est constitutive d’un intérêt patrimonial susceptible de
protection juridique », l’exposé des motifs indiquait que la protection ainsi créée était destinée
à s’insérer entre le droit de la concurrence déloyale et du parasitisme et le droit de la propriété
intellectuelle. Comme l’a souligné M. Le Tourneau, le domaine d’application de la loi, par la
généralité des termes, serait des plus vastes puisqu’il s’étendrait à toutes les créations non
protégées actuellement par un droit privatif, c’est à dire - dans la majorité des cas - à des
créations « non originales et non inventives ». Si M. Le Stanc a pu considérer que cette
proposition de loi, au champ d’application très large, « constituerait la ruine des propriétés
intellectuelles existantes » en aboutissant en effet, comme celles-ci, à l’octroi d’un véritable
droit privatif 374, M. Le Tourneau estima quant à lui qu’en étant si large, la protection ainsi
conférée « risque de tarir la créativité et d’affaiblir les droits actuels de la propriété
intellectuelle » qui seraient en effet ‘‘ concurrencés’’ par ce nouveau régime, d’où la faveur
donnée par ce dernier au projet de loi de M. Desjeux qui, se proposant de synthétiser
l’évolution jurisprudentielle en matière de parasitisme, ne suggère pas de créer un nouveau
droit privatif mais simplement de limiter « la reprise de la prestation d’autrui » en la
considérant constitutive d’un abus de droit 375.
373 Buydens (M.), Piraterie de produit et concurrence déloyale. Etude comparée de la situation en Belgique, enFrance et en Allemagne - Compte rendu en français, PIBD 1995, n° 588, II, p. 81 cité par M. Passa in Proposdissidents sur la sanction du parasitisme économique, réf. précitées, spéc. n° 25.374 Le Stanc (C.), La propriété intellectuelle dans le lit de Procuste : observations sur la proposition de loi du 30Juin 1992 relative à la protection des « créations réservées », D. 1993, Chron. p. 4 et s. : l’auteur, en effet,s’interroge : « Pourquoi faire une véritable invention, déposer un brevet et payer des taxes ? Pourquoi fairepreuve d’originalité dans une ouvre si une protection de plusieurs années est acquise de plano au fruitindifférencié d’une activité intellectuelle quelconque ? ».375 - Desjeux (X.), La reprise de la prestation d’autrui : l’idée commerciale et l’investissement économique(Esquisse d’un projet de loi), Gaz. Pal. 1992, II, Doctr. p. 973 et s. - Du même auteur : La protection des idées en droit positif - De la contrefaçon artistique à l’activitéparasitaire, Gaz. Pal 1992, II, Doctr. p. 971 et s.
Or, la « prestation d’autrui » que se propose de protéger M. Desjeux, en tant que
« valeur économique », concerne certes « l’investissement économique » mais aussi « l’effort
imaginatif », c’est à dire en d’autres termes la simple idée. Ainsi en arrivons-nous à ce qui
constitue le « soubassement » même de toute création par définition née de l’intelligence et de
l’imagination : l’idée, et plus spécifiquement l’idée commerciale. De l’idée issue du cerveau
fécond de quelque inventeur, résultat des efforts intellectuels fournis par celui-ci, vont en effet
naître la technique, le savoir-faire mais aussi la marque, le nom commercial, l’enseigne, le
slogan, l’ambiance 376…pour les premiers si spécifiques et pour les seconds si originaux et
distinctifs qu’il vont conférer à l’entreprise de leur créateur une certaine renommée, fruit des
investissements matériels et / ou intellectuels fournis.
Parce qu’il s’agirait, par le biais de la protection des idées, de protéger la valeur
économique qu’elles représentent, serait dès lors « poliment mais proprement écartée »377
l’image dégagée par M. Henri Desbois selon laquelle « Les idées sont de libre parcours » 378.
Une distinction, en effet, est opérée par les partisans de cette protection des idées entre les
idées qu’ils nomment « pures », c’est à dire les pures spéculations intellectuelles sans aucune
valeur marchande et qui donc restent en effet exploitables par quiconque et les idées dites
« appliquées » qui, eu égard aux investissements qu’elles auront nécessité pour leur mise en
œuvre concrète, sont dès lors dotées d’une valeur économique qu’il convient de protéger
contre toute usurpation : tout idée originale extériorisée donnerait donc naissance à un droit
exclusif d’exploitation de telle sorte que son utilisation sans autorisation par un tiers à des fins
lucratives pourrait être interdite.
M. Le Tourneau, toutefois, ne place pas le débat sur le terrain des droits privatifs dont il
s’agirait de créer un nouveau cas mais sur celui de « l’interdiction générale de causer un
dommage à autrui par une faute » 379. Aussi serait-il fautif d’utiliser une idée originale
extériorisée, laquelle, en effet, deviendrait - selon l’expression de cet auteur - « opposable
erga omnes » : ainsi la faute ne proviendrait-elle que du non respect d’une prétendue
376 Rappelons-nous notamment du jugement rendu le 23 Mars 1992 par le Tribunal de commerce de Paris dansl’affaire « Chevignon », espèce dans laquelle les juges ont reconnu la valeur économique et la nécessaireprotection de ce qu’ils ont appelé « l’idée commerciale ».377 Parléani (I.) et (G.), 2001-La tentation du Moyen-Age : l’exemple du parasitisme, réf. précitées, spéc. n° 16.378 L’auteur relève que « quelle qu’en soit l’ingéniosité et même si elles sont marquées au coin du génie, lapropagation et l’exploitation des idées exprimées par autrui ne peut être contrariée par les servitudes inhérentesaux droits d’auteur : elles sont par essence et par destination de libre parcours. Les idées, comme telles,échappent à l’appropriation ; c’est au développement que l’idée a reçue, à la composition et à l’expression que lemonopole temporaire est attaché » ( Desbois (H.), Le droit d’auteur cité par M. Lindon in L’idée artistiquefournie à un tiers en vue de sa réalisation, JCP éd. G. 1970, Etude n° 2295, spéc. n° 7 ).
opposabilité erga omnes, ce qui revient cependant - selon Mme et M. Parléani - à « écrire
d’une autre façon monopole ou exclusivité » alors, soulignent-ils, que nul ne peut se dire
propriétaire d’une idée et que l’exclusivité paraît bien aléatoire dans un ‘‘monde’’, celui des
marchands, où « tout est fluctuant, temporaire, et où ce sont le marché ou les consommateurs
qui font et défont les positions concurrentielles » 380.
Si M. Le Tourneau voit dans la jurisprudence 381 et la pratique commerciale 382
confirmation de son opinion favorable à la protection des idées appliquées, protection par
laquelle il s’agirait de préserver l’égalité entre les opérateurs sur le marché, les derniers
auteurs cités - au contraire - voient quant à eux dans cette proposition qui conduit à « punir
tous ceux qui utilisent les idées qu’ils n’ont pas eues » la volonté de ses partisans de freiner la
libre marche du progrès et des innovations, de contrer par là même le libre exercice de la
concurrence, c’est à dire en d’autres termes d’éviter le jeu normal du marché qu’il s’agirait de
« figer » alors que celui-ci requiert au contraire une grande fluidité.
Aussi le « camp » des opposants suggère-t-il que demeurent de libre parcours les idées
extériorisées et que soit pleinement assuré le libre jeu de la concurrence dont il faut - dans une
optique de progrès - assumer les risques : dès lors, « parce qu’elles dispensent les seconds de
parcourir à leur tour tout le chemin des premiers », les idées sont le moteur même du progrès
et doivent donc - dans l’intérêt de tous - rester à la libre disposition de quiconque entend les
utiliser et / ou les perfectionner.
Ainsi y aurait-il une ligne ( cependant bien difficile ) à tracer entre les exigences de la
morale des affaires, les besoins du progrès et les exigences de la concurrence. Comme le
souligne en effet très clairement M. Vatier, si la protection du marché a ses exigences qui
imposent de sanctionner les agissements parasitaires qui viendraient en perturber le jeu
normal, il faut prendre garde à une extension de ce droit de la responsabilité civile car « la
concurrence, c’est précisément le renouvellement des idées et l’utilisation du savoir acquis par
les générations antérieures ». Aussi ne faudrait-il pas que la concurrence, au nom du respect
379 Le Tourneau (P.), Le parasitisme dans tous ses états, réf. précitées, spéc. n° 18.380 Parléani (I.) et (G.), 2001-La tentation du Moyen-Age : l’exemple du parasitisme, réf. précitées, spéc. n° 16.381 L’auteur estime en effet qu’en affirmant notamment que « l’algorithme est une idée » dont l’usurpation peutêtre condamnée au titre du parasitisme ainsi que l’a fait le Tribunal de grande instance d’Evry en 1985 ( TGIEvry 11 Juill. 1985, Gaz. Pal.1985, II, p. 700 et s., note Bonneau J.-R. ), la jurisprudence a ouvert la voie à laprotection des idées extériorisées ou appliquées.382 De même l’auteur trouve-t-il notamment une illustration de la nécessité de protéger les idées commercialescontre toute usurpation dans la constitution de réseaux de franchise assurément fondés sur le savoir-fairetransmis au franchisé, savoir-faire qui - issu de l’imagination fertile du franchiseur - représente à lui seul toute lavaleur économique du « concept »
de la moralité et alors que « la vie économique est faite d’échanges », ne vienne à se retrouver
faussée par une protection excessive des idées 383.
Ainsi la théorie du parasitisme n’aurait-elle pas d’autre but que de satisfaire ceux qui
n’acceptent pas le libre jeu de la compétition économique et se positionnent donc en fervents
opposants du principe pourtant fondateur de la liberté du commerce et de l’industrie : le
parasitisme, en effet, viserait, selon ses détracteurs, à contrer ou - à tout le moins - réduire la
difficulté des affaires, difficulté pourtant naturelle sur tout marché où règne la concurrence, où
tous s’observent, spectateurs avides du moindre élément « pioché » chez un tiers concurrent
ou non et susceptible - sur un marché mondial où les modes et la créativité sont sans cesse en
ébullition - d’accroître leur compétitivité, d’assurer leur « leadership » sur le marché
considéré…
Le débat, dès lors, paraît insoluble, chaque argument frappant par sa légitimité mais
aussi par la force de l’argument tout aussi légitime qui lui est opposé. Soumis à la
bienveillance des tribunaux - dont nous n’aurons pas manqué les occasions de voir que la
« souveraine appréciation » prend en matière parasitaire tout son sens -, l’avenir du
parasitisme se dessinera-t-il en rose ou en gris ? L’incontestable richesse du corpus
jurisprudentiel qui s’est d’ores et déjà - décision après décision - lentement mais sûrement
érigé laisse sans doute présager d’un futur sinon radieux, du moins paisible, l’optimisme
pouvant d’ailleurs venir d’un début ( certes timide ) de consécration légale de la théorie du
parasitisme mais aussi du souci de moralité qui, incontestablement, fonde cette théorie et qui -
quoi que puissent en dire et en penser les détracteurs, lesquels cependant se gardent bien de le
contester - doit rester la source, le « pilier » des rapports humains et, plus spécifiquement ici,
marchands. A l’inverse toutefois, il faut bien admettre que ce genre de théorie, faite de ces
« standards », de ces « concepts mous » dénués de définition claire et précise et dès lors livrés
à la libre appréciation des juges auxquels une large marge de manœuvre est ainsi laissée, est
susceptible d’entraîner très loin et de rendre difficile le tracé des limites à ne pas franchir, tant
les conceptions et les exigences de cette fameuse morale différent selon les milieux mais aussi
selon les individus et donc, par là même, selon les magistrats.
383 Vatier (B.), La concurrence parasitaire, Gaz. Pal. 1997, II, Doctr. p. 1237 et s.
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION……………………………………………………………… pages 05
Première partie : LE PARASITISME ECONOMIQUE : UNE FAUTE AUX MULTIPLES FACETTES……….………………… 21
Chapitre premier : LE PARASITISME DE LA NOTORIETE D’AUTRUI.. 21
I) LE PARASITISME DE LA NOTORIETE D’UNE ENTREPRISE CONCURRENTE, SOURCE D’UN DETOURNEMENT DE CLIENTELE………………………………………………………………. 23
A) Le parasitisme des signes de ralliement de la clientèle attachée à l’entreprise notoire concurrente………………………………………… 25
1) L’imitation illicite des signes distinctifs de l’entreprise concurrente……… 25
a - L’exploitation injustifiée de la marque de l’entreprise concurrente…… 26
b - L’exploitation injustifiée du nom commercial ou de la dénomination sociale de l’entreprise concurrente……………………………………. 28
1° - Le cas de la dénomination sociale………………………………… 28
2° - Le cas du nom commercial………………………………………… 28
c - L’exploitation injustifiée de l’enseigne de l’entreprise concurrente… ... 32
2) L’imitation illicite de la publicité de l’entreprise concurrente…………… 32
a - L’exploitation injustifiée de la publicité d’une entreprise concurrente.. 32
b- L’exploitation injustifiée du slogan d’une entreprise concurrente……. 34
B) Le parasitisme par rattachement indiscret à l’entreprise notoire concurrente……………………………………………………………… 34
1) Le parasitisme de la notoriété d’une entreprise concurrente sans recherche de confusion……………………………………..……….. 35
2) La pratique parasitaire des références……………………………………. 37
a - L’utilisation des termes « formule, façon, système, imitation, genre ou méthode »…………………………………………………… 37
b - La référence par d’anciens collaborateurs à la ‘‘maison’’ à laquelle ils étaient précédemment liés…………………………………………. 38
c - L’usage de termes notoirement connus……………………………... 39
d - L’implantation de son commerce à proximité d’un concurrent……… 40
e - La technique des tableaux de concordance…………………………… 42
3) L’usage des pratiques d’appel…………………………………………... 42
a - La technique de la marque d’appel…………………………………… 43
b - La technique du prix d’appel…………………………………………. 43
4) Le parasitisme des réseaux de distribution……………………………….. 44
a - Dans le cadre de l’approvisionnement en produits…………………… 45
b - Dans le cadre de la revente des produits……………………………... 46
C) Les limites et exceptions au parasitisme de la notoriété d’une entreprise concurrente…………………………………………… 47
1) La question des produits dits « compatibles » ou « adaptables »………… 47
2) La question du « couponnage électronique »…………………………….. 50
II) LE PARASITISME DE LA NOTORIETE D’UNE ENTREPRISE NON CONCURRENTE…………………………………………………………………… 51
A) Les fondements de la sanction du parasitisme de la notoriété d’une entreprise non concurrente……………………………………… 52
B) Le parasitisme de la notoriété d’une entreprise non concurrente, source d’une confusion sur l’origine des produits…………………….. 53
1) L’exemple des noms commerciaux et dénominations sociales………….. 53
2) L’exemple des marques…………………………………………………... 54
3) L’exemple de la reprise de termes notoirement connus…………………. 58
C) Le parasitisme de la notoriété d’une entreprise non concurrente indépendamment de toute recherche de confusion…………………… 60
1) L’affaiblissement du caractère distinctif du signe usurpé………………… 60
a - La jurisprudence……………………………………………………….. 60
b - La loi…………………………………………………………………… 62
2) L’absence d’un quelconque préjudice…………………………………….. 63
Chapitre second : LE PARASITISME DES INVESTISSEMENTS ECONOMIQUES D’AUTRUI…………………………….. 66
I) LE PARASITISME DES INVESTISSEMENTS ECONOMIQUES D’UNE ENTREPRISE CONCURRENTE…………………………………..……. 68
A) L’usurpation des produits d’une entreprise concurrente…………….. 69
1) L’imitation illicite de la présentation habituellement donnée aux produits.. 69
a - L’imitation des emballages et étiquettes d’un produit concurrent……… 70
1° - L’imitation du conditionnement d’un produit concurrent………….. 70
2° - L’imitation des étiquettes d’un produit concurrent………………… 72
b - Une condamnation soumise à conditions………………………………. 73
c - L’existence de faits justificatifs………………………………………… 75
1° - L’existence de contraintes ou de données fonctionnelles…………. 75
2° - L’existence de normes professionnelles ou de standards………….. 76
2) L’imitation illicite des produits eux-mêmes : le cas de la copie servile…… 77
a - Le cas classique de la copie servile…………………………………….. 77
1° - La copie servile, source d’économies diverses……………………. 78
2° - La copie servile, source d’un prix moindre………………………... 79
3° - La copie servile, une pratique aux formes multiples………..……… 79
b - Le cas particulier de la copie servile d’une création relevant du domaine public……………………………………………………... 80
B) L’usurpation d’une technique…………………………………………… 83
1) L’imitation de concepts……………………………………………………. 84
a - L’imitation du « look » d’un concurrent……………………………….. 84
b - L’imitation de l’architecture intérieure d’un concurrent………………. 86
c - La reprise d’un concept d’émission……………………………………. 89
d - La reprise d’un concept d’œuvre musicale……………………………. 90
e - La reprise d’un concept publicitaire…………………………………… 91
2) La reprise de méthodes ou d’innovations commerciales…………………. 93
3) La reprise de plans, études ou documents…………………………………. 95
a - La reprise d’informations confidentielles……………………………… 95
b - La reprise de plans ou d’études confidentiels…………………………. 96
c - La reprise de documents commerciaux………………………………… 97
II) LE PARASITISME DES INVESTISSEMENTS ECONOMIQUES D’UNE ENTREPRISE NON CONCURRENTE…………………………………………. 99
A) La notion de « valeur économique », source d’une protection accrue…………………………………………………………………... 100
1) La valeur économique des « moyens techniques d’exploitation d’une activité commerciale »……………………………………………………. 100
2) La valeur économique d’un « univers »…………………………………… 100
3) La valeur économique d’une campagne publicitaire………………………. 101
4) La valeur économique d’une « manifestation »…………………………… 103
B) Le cas spécifique de la reprise d’études et de données………………. 103
1) Le cas de la reprise d’informations ou d’études…………………………… 103
2) Le cas particulier des bases de données……………………………………. 106
a - Le cas particulier de la reprise de compilations de données……………. 106
b - Le cas particulier de la reprise de banques de données………………… 107
C) Les limites à la sanction du parasitisme des investissements économiques……………………………………………………………. 109
1) La nécessité d’un investissement matériel et / ou intellectuel important….. 109
2) La réalisation de modifications substantielles sur l’élément copié ou repris. 110
Seconde partie : LE TRAITEMENT JURIDIQUE DU PARASITISME……. 115
Chapitre premier : LES CONDITIONS DE RECEVABILITE DE L’ACTION EN RESPONSABILITE CIVILE POUR FAITS DE PARASITISME………………………. 117
I) LA TRADITIONNELLE CARACTERISATION DE LA FAUTE PARASITAIRE……………………………………………… 118
A) La nature de la faute parasitaire……………………………………… 119
B) La preuve de la faute parasitaire……………………………………… 121
II) LA CARACTERISATION SPECIFIQUE DU DOMMAGE ET DU LIEN DE CAUSALITE AU SEIN DE L’ACTION EN PARASITISME……………………………………………….. 122
A) Les multiples facettes du préjudice d’ordre matériel………………… 123
1) L’affaiblissement du caractère distinctif du signe usurpé………………….. 124
2) La perte d’une chance de développement………………………………….. 126
3) La diminution ou la perte d’un « avantage concurrentiel »………………… 127
B) Les diverses facettes du préjudice d’ordre moral…………………….. 128
C) La remise en cause du traditionnel lien de causalité………………….. 129
Chapitre second : LA SANCTION DU PARASITISME ET SES IMPLICATIONS……………………………………. 133
I) LES DIFFERENTES SANCTIONS DU PARASITISME……………………… 134
A) La cessation des actes déloyaux……………………………………………. 134
B) La réparation du préjudice subi…………………………………………… 136
1) La réparation du préjudice causé par le parasitisme de la notoriété d’autrui… 137
a - La considération du préjudice causé à l’ « image de marque »…………… 137
1° - Le mode d’évaluation du préjudice selon M. Toporkoff …………….. 137
2° - Le mode d’évaluation du préjudice selon M. Nussenbaum………….. 139
b - La considération des avantages procurés au parasite…………………….. 140
2) La réparation du préjudice causé par le parasitisme des investissements d’autrui…………………………………………………. 142
a - Le recours à la théorie de l’enrichissement sans cause…………………… 142
b - Le recours à la théorie des fruits……………………………………….…. 145
C) La publicité de la décision de condamnation du parasite………………... 146
II) LA SANCTION DU PARASITISME, EQUIVALENT D’UN DROIT PRIVATIF ?……………………………………………………… 148
A) L’argument d’une nécessaire cohérence des droits de propriété intellectuelle………………………………………………………………. 148
B) L’argument d’une nécessaire prééminence des intérêts légitimes des opérateurs économiques…………………………………………….. 155
CONCLUSION……………………………………………………………………. 163
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE(Par ordre alphabétique)
THESES
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OUVRAGES
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INDEX JURISPRUDENTIEL(Par ordre chronologique croissant)
1895-1900
• Trib. Com. Seine 4 Sept. 1895, D. Périod. 1902, I, p. 405.• CA Paris 30 Déc. 1897, Ann. Propr. Ind. 1898, p. 58.• Cass. Req. 23 Mai 1900, Havas, D. Périod. 1902, I, p. 40.
1958-1960
• CA Aix-en-Provence 13 Janv. 1958, RTD Com. 1958, p. 555.• Cass. Com. 18 Avril 1958, D. 1959, Jur. p. 87, note Derrida F.• CA Paris (4ème ch.) 3 Nov. 1958, Lu, Ann. Propr. Ind. 1959, p. 28 et s.• CA Paris 24 Nov. 1959, R.I.P.I.A. 1960, p. 33 et s.• CA Paris 26 Avril 1960, Gaz. Pal. 1960, II, p. 299.
1962-1963
• CA Douai 1er Mars 1962, Ann. Propr. Ind. 1964, p. 72.• CA Paris (4ème ch.) 10 Avril 1962, Soc. Siedma c/ Lamarque, Ann. Propr. Ind. 1962,
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1964-1977
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Leloup J.-M.• CA Amiens 7 Mai 1974, D. 1974, p. 264, note Fourgoux J.-C.• Cass. Com. 20 Mai 1974, D. 1974, Somm. p. 97.• CA Paris 7 Nov. 1975, Ann. Propr, Ind. 1976, p. 106.• Cass. Com. 19 Juill. 1976, JCP éd. G. 1976, II, n° 18507, note R.D.M.• Trib. Com. Lyon 5 Juill. 1977, D. 1978, I. R. p. 78 et s.
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• CA Rouen 13 Janv. 1981, D. 1983, Jur. p. 53, note Lucas A.
1982
• CA Paris 4 Mars 1982, JCP éd. C.I. 1983, n° 12033, obs Burst J.-J. et MousseronJ.-M.
• CA Paris 12 Mars 1982, P.I.B.D. 1982, III, n° 166.• CA Paris 25 Mars 1982, D. 1983, I. R. p. 97, obs. Colombet C.• Cass. Com. 17 Mai 1982, Baccarat, Bull. civ. 1982, IV, n° 180, p. 157 ; RTD Com
1982, p. 553, obs. Chavanne A. et Azéma J.• TGI Lyon 1er Juill. 1982, JCP éd. C.I. 1983, n° 12033, p. 32, obs. Burst J.-J.• CA Paris (4ème ch.) 26 Nov. 1982, Soc. Sodima c/ Chambourcy, P.I.B.D.1983, III,
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• Cass. Com. 24 Janv. 1983, D. 1983, I. R. p.255.• CA Lyon 10 Mars 1983, P.I.B.D.1983, III, p. 112, obs. Burst J.-J.et Mousseron J.-M.• Cass. Com. 25 Avril 1983, Bull. civ. 1983, IV, n° 104.• Cass. Com. 25 Avril 1983, Bull. civ. 1983, IV, n° 123 (sur renvoi, CA Paris 27 Nov.
1985, Rev. Jurispr. Com. 1986, p. 323, note Lecourt).• TGI Paris 2 Juin 1983, JCP éd. Ent. 1985, n° 14156, obs. Burst J.-J. et
Mousseron J.-M.• Cass. Com. 15 Juin 1983, Bull. civ. 1983, IV, n° 174.• Cass. Com. 22 Sept. 1983, P.I.B.D. 1984, III, n° 38.• Cass. Com. 30 Nov. 1983, Bull. civ. 1983, IV, n° 331, p. 287
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• CA Paris 16 Janv. 1992, RJDA 1992, n° 12, DC n° 1188 (sur pourvoi : Cass. Com.29 Mars 1994, Bull. civ. 1994, IV, n° 125, p. 97 ; D. 1995, Somm. p. 209, obs.Serra Y.).
• Cass. Com. 18 Janv. 1992, Bull. civ. 1992, IV, n° 14.• Cass. Com. 25 Fév. 1992, Bull. civ. 1992, IV, n° 88.• CA Paris 12 Mars 1992, SA Van Cleef & Arpels c/ Mme Arpels, JCP éd. Ent. 1992, I,
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• CA Rouen 12 Nov. 1992, P.I.B.D. 1993, n° 539, III, p. 177.• CA Paris (4ème ch.) 17 Nov. 1992, Ehrenreich et SARL Argos c/ Soc. Madura SA,
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• CA Paris 4 Mars 1993, P.I.B.D. 1993, n° 546, III, p. 403.• CA Versailles (13ème ch.) 11 Mars 1993, TF1 c/ Antenne 2, D. 1993, Somm. p. 244,
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• Cass. Com. 29 Mars 1994, Soc. Tomy c/ Soc. Lego, D. 1995, Somm. p. 209, obs.Serra Y.
• Cass. Com. 26 Avril 1994, Bull. civ. 1994, IV, n° 151, p. 119 ; JCP éd. G. 1994, IV,n° 1586.
• CA Colmar 13 Mai 1994, Soc. Schiffer Food BV c/ Cie française des produitsOrangina et a., D. 1995, Jur. p. 96 et s.
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• TGI Paris 14 Sept. 1994, Soc. Les Echos, RIDA 1995, n° 163, p. 353.• Cass. Com 4 Oct. 1994, CMS c/ France Télécom, Petites Affiches 17 Mars 1995, p.
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• CA Versailles 8 Déc. 1994, D. 1995, Somm. p. 261, obs. SerraY.• TGI Paris (3ème ch.) 14 Déc. 1994, P.I.B.D. 1995, III, p. 196.
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• CA Versailles 6 Janv. 1995, P.I.B.D. 1995, n° 609, III, p. 223.• Cass. Com. 24 Janv. 1995, SARL Jean Pironin c/ SARL Thiers viroles, JCP éd. G.
1995, IV, n° 734.• Cass. Com. 7 Fév. 1995, SA TF1 c/ SA Antenne 2 et a., JCP éd. G. 1995, II, n°
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• CA Versailles (14ème ch.) 10 Mars 1995, Régie nationale des usines Renault c/ Soc.Richard Nissan et a., D. 1996, Jur. p. 489, note Picod Y.
• CA Paris 3 Avril 1995, D. 1995, I. R. p. 128.• TGI Paris 4 Mai 1995, P.I.B.D. 1996, n° 607, III, p. 168.• CA Paris 24 Mai 1995, Soc. Infodidact, D. 1996, Somm. p. 252, obs. Izorche M.-L.• CA Paris (4ème ch.) 7 Juin 1995, Gaz. Pal. 1996, I, Somm. p. 145.• Cass. Com. 27 Juin 1995, Soc. Lindt et Sprungli c/ Soc. Chocolaterie Cantalou-
Cémoi, D. 1996, Somm. p. 251 et s., obs. Izorche M.-L.• CA Aix-en-Provence (2ème ch.) 30 Juin 1995, Soc. Catalina Marketing France c/ SA
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• Cass. Com. 4 Juill. 1995, Soc. Venice Simplon - Orient Express Limited et a. c/SNCF, JCP éd. G. 1995, Pan. Actu. n° 1139.
• CA Versailles (14ème ch.) 27 Sept 1995, TF1 c/ SA Plaisance Films, D. 1997, Somm.p. 83 et s., obs. Hassler T.
• CA Paris (4ème ch.) 29 Sept. 1995, D. 1996, Somm. p. 251, note Izorche M.-L.• CA Paris 20 Oct. 1995, P.I.B.D. 1995, n° 601, III, p. 16.• CA Paris 14 Nov. 1995, P.I.B.D. 1995, n° 604, III, p. 68.• CA Paris (4ème ch.) 20 Nov. 1995, Soc. Actiomédia c/ FFT, D. 1995, Flash n° 44.
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• Cass. Com 30 Janv. 1996, SA Fleurs éclairs c/ Office néerlandais des produitslaitiers, D. 1997, Jur. p. 232 et s., note Serra Y. ; RJDA 1996, n° 4, DC n° 579,p. 404.
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