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LECHO DE F RANCHE C OMTÉ DÉLÉGATION RÉGIONALE SOCIÉTÉ LITTÉRAIRE DE LA POSTE HIVER 2020/2021 – n° 60 – ISBN 1154-2691

L ECHOPendant la Révolution Française, le parcours incroyable de ce petit berger est digne des meilleurs romans ; il a eu mille vies fertiles en rebondissements et endossé autant

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  • L’ ECHO

    DE FRANCHE COMTÉ

    DÉLÉGATION RÉGIONALE SOCIÉTÉ LITTÉRAIRE DE LA POSTE

    HIVER 2020/2021 – n° 60 – ISBN 1154-2691

  • Les auteurs sont responsables de leurs écrits et de leurs illustrations. Reproduction interdite sans notre autorisation préalable. Remerciements aux auteurs, avec une mention particulière à nos trois correctrices: Françoise Banderier, Marjorie Cagnasso et Theodora Jordan--Mazzoleni qui a aussi réalisé toutes les lettrines. Remerciements au maquettiste, Franck Choiselat pour sa patience et sa disponibilité, malgré mes très nombreuses modifications.

    Sommaire

    Editorial Ce numéro a été réalisé dans des circonstances compliquées suite à ce maudit virus qui a bouleversé l’existence de notre planète. Vous retrouverez l’historique de ce virus avec Jacques Roullot, et en alexandrins sous la plume de Julien Bouchard-Madrelle, un nouvel arrivant que l’Echo accueille avec grand plaisir ! Le monde entier espère chaque jour l’arrivée d’un vaccin, j’ai donc souhaité vous retracer les premiers pas de la vaccination avec Jean François Xavier Girod et Louis Pasteur, tous deux natifs du Jura.

    Pour débuter ce numéro l’historien Michel Vernus nous présente, avec son brio habituel, un personnage au destin exceptionnel : Pierre Alexandre Lemare. Pendant la Révolution Française, le parcours incroyable de ce petit berger est digne des meilleurs romans ; il a eu mille vies fertiles en rebondissements et endossé autant de costumes ! Mais ce n’est qu’à travers le livre de Michel Vernus et Max Roche* que vous pourrez approfondir les passionnantes facettes de cet autodidacte jurassien.

    En Aout 1951 une mystérieuse maladie a frappé les habitants de Pont Saint Esprit. Les suites laissèrent de graves séquelles à certains, furent mortelles pour d’autres : une énigme non résolue à ce jour ! Certaines coïncidences troublantes ayant ressurgi dernièrement dans les médias, d’autres accusations mettant en cause directement une implication de la CIA, j’ai souhaité revenir sur cette troublante affaire.

    Quelques jours avant le confinement, Guy Mollaret nous a permis de découvrir le fort militaire de Pugey qui surplombe Besançon ; il connait le moindre recoin de cette fortification souterraine construite au XIXème siècle. Depuis plusieurs années, Guy s’est beaucoup investi au sein de l’Association de défense de ce fort, permettant ainsi sa remise en état et son ouverture au public à certaines occasions.

    Dans cet Echo 60, nous avons souhaité associer deux grands Amis Poètes, qui longtemps ont été des

    piliers de notre Société Littéraire : Gilles Simonnet, et notre cher Claude Cagnasso qui nous a

    malheureusement quitté. Bonne lecture de ce soixantième numéro.

    Gérard LARGE

    * Lemare Michel Vernus Max Roche Editions Aéropage Avril 2005

    Pierre Alexandre Lemare

    Michel Vernus p 2

    Poésies :

    Claude Cagnasso p 11

    Poésies : L’Ombre de la Camarde

    Gilles Simonnet p 13

    L’énigme du pain maudit de Pont st Esprit

    Gérard Large p 15

    Notre Maison d’Edition :

    Souffles Littéraires p 23

    Une Bataille et un fort à Pugey

    Guy Mollaret p 24

    Poésies : Le coronavirus et le confinement

    Julien Bouchard-Madrelle p 29

    L’affaire du coronavirus

    Jacques Roullot p 33

    Premières vaccinations :

    Jean François Xavier Girod et Louis Pasteur

    Gérard Large p 35

    Poésie : Avoir et Etre

    Yves Duteil p 39

    Détente p 40

    Poésies :

    Sur le fil du temps et Des Mots pour Vieillir

    Claude Cagnasso p 41

    Poésies de : Ballades pour les Dames

    Gilles Simonnet p 44

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    Pierre-Alexandre Lemare (1766-1835) Un inventeur fécond et ingénieux :

    P ierre-Alexandre Lemare fils d’un modeste paysan jurassien accéda à l’instruction et à l’érudition par autodidaxie, mais aussi comme cela était assez classique sous l’Ancien régime par la voie ecclésiastique. Ce haut jurassien, originaire du Grandvaux, un rude pays, est un personnage dont la trajectoire biographique révèle une incroyable et époustouflante vitalité. En effet, comment peut-on être à la fois curé, prêtre marié, grammairien reconnu, enseignant, militant et leader politique, intrigant et comploteur contre Napoléon, médecin, chirurgien dans la Grande Armée et qui plus est inventeur fécond... ? Cela peut paraître humainement impossible, et pourtant ce sont les vêtements divers et successifs que notre homme a su endosser tour à tour ou simultanément. UN PERSONNAGE MULTIPLE En s'engageant très avant dans le combat révolutionnaire, un temps maître du département du Jura, montagnard robespierriste, il ne cède pas à la passion sanguinaire. Il fait preuve à la fois de beaucoup de conviction et de beaucoup d'habileté, sait échapper aux « purges » de la Contre-Révolution en s’évadant de manière rocambolesque de la prison des forts de Salins. En toutes circonstances, il se révèle un homme de ressources. Quand il est prisonnier, il ne reste pas longtemps entre quatre murs, il s’évade, vit en exil, puis soudain réapparaît.

    Ennemi de Napoléon, dans lequel il voit un « tyran », il complote à deux reprises contre lui, notamment en 1812 avec Malet, lui aussi jurassien. On le retrouve parcourant l’Europe dans le sillage de la Grande Armée, où il exerce sous un faux nom son art de la chirurgie ! Dans les périodes de pause et de retraite, il trouve le moyen de se consacrer à la pédagogie - il est le fondateur d’une école à Paris : l’Athénée de la jeunesse - et aux études grammaticales. Sa grammaire sera d’ailleurs rééditée jusqu’en 1884 par Hachette. En effet, la passion de la liberté, chez lui, est concurrencée par cette autre passion dominante: l’étude des mots et du langage. Il invente une méthode d’apprentissage rapide de la lecture, à partir de la reconnaissance d’images. Descendant des serfs mainmortables de l’abbaye de Saint-Claude, cet homme a été un amoureux de la liberté. C’est pour cette raison qu’il complote contre Napoléon.

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    Lemare offre donc un extraordinaire exemple de résistance aux échecs, toujours prêt à rebondir et à repartir de l’avant. LE SPÉCIALISTE DE LA VAPEUR. Après 1815, passé les Cent-jours, Lemare abandonne la politique active et se lance dans la création d'appareils, qui tous possèdent des caractéristiques communes. Ceux-ci sont tous fondés sur l'application de la chaleur et plus précisément de la vapeur sous pression. Lemare est donc un spécialiste de l’utilisation de la vapeur, il a été l’inventeur de l’autocuiseur, ancêtre de la cocotte minute, et de bien d’autres machines, qui visaient à appliquer la vapeur à des usages domestiques. Il a d’ailleurs été en correspondance - hélas ! non retrouvée - avec le comtois Jouffroy d’Abbans (1731-1832), qui a été l’inventeur de la navigation à vapeur avec le Pyroscaphe. Les deux hommes se connaissaient.

    Fils de la Révolution politique, Lemare est donc aussi fils de l’autre Révolution, la Révolution technique et industrielle, dont l’Encyclopédie de Diderot a été un premier témoignage annonçant le XIXe siècle industriel. L’AVENTURE DE L'AUTOCLAVE Le premier brevet que Lemare dépose concerne un appareillage permettant d'obtenir de la gélatine sèche d'os. Il en déposa la demande le 17 janvier 1818. Après complément du dossier, le Comité Consultatif des Arts et Manufactures en charge des brevets, donna son accord le 14 février.

    L'invention appelée à avoir un certain avenir est la « Marmite Autoclave », qui comporte un dispositif « propre à fermer hermétiquement des vases ou chaudières à vapeur ». On ne possède malheureusement pas le descriptif de cet appareil. Il semble que le brevet ait été accordé le 9 avril 1820. Cependant l’appareil avait été commercialisé avant cette date. Mais cela n’était qu’un début, car il devait par la suite procéder à des inventions autrement plus importantes. Il est encouragé dans ses travaux par l’air du temps. En effet, dès l'année 1820, se développe toute une floraison de travaux concernant des applications de la chaleur, du « calorique », comme on disait alors. Le terme même « d’autoclave » qui sera par la suite largement utilisé est une création de Lemare, qui fait donc entrer le mot dans notre vocabulaire.

    Description du caléfacteur par Lemare dans un opuscule publicitaire

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    L'inventeur a connu des difficultés certaines avec son invention. Il est certain que l’autoclave a subi des accidents, la marmite explosait. Il est impossible,faute de documents, de fixer dates et circonstances de ces accidents. Il existe toutefois des témoignages indirects qui les attestent. Un physicien, Eugène Péclet (1) dans un Traité de la chaleur écrit par exemple : « Un grand nombre d'appareils de ménage sous le nom d'autoclaves, destinés à cuire des viandes à une température élevée, et par conséquent sous une grande pression... Ces avantages les répandit promptement, mais plusieurs accidents fâcheux les firent abandonner ». Le bibliothécaire de Besançon Weiss (1799-1866), dans son journal, le 9 juin 1821, note de manière désapprobatrice « M. Rouget (de L'Isle) m'a appris que M. Lemare, le grammairien, est l'inventeur de la marmite autoclave, moins connue pour son utilité réelle que par les accidents qu'ont éprouvés les personnes qui s'en sont servies sans précaution »

    En dépit des accidents, en dépit également des contrefaçons (il y eut la création d’un anticlave !), l’inventeur n’était pas homme à se décourager. En août 1820, en capacité de rebondir immédiatement, il sollicitait un nouveau brevet pour « fourneaux, réchauds, chaudières hydropyriques autoclaves ». En technicien fécond, il devait par la suite apporter d’autres modifications et améliorations, il dépose en effet d’autres brevets en février 1821 et en janvier 1822. LA FUTURE COCOTTE-MINUTE. L'objectif essentiel de Lemare a donc été de construire un appareil sûr, ne présentant aucun risque d'explosion, offrant des applications domestiques variées. Ce projet se concrétisa dans un appareil fabriqué au plus tard en 1822, auquel il donna le nom de Caléfacteur. Le latiniste et l’helléniste qu’il était n’était pas en mal pour forger les mots nouveaux destinés à désigner les appareils qui sortaient de son esprit inventif. Doué d'un excellent esprit commercial, notre inventeur crée un mot pour chacun de ses appareils, espérant ainsi piquer la curiosité d’une clientèle éventuelle.

    Le nouvel appareil dont il s’agit est en fait l'ancêtre de notre actuelle cocotte-minute. Comment l’appareil était-il constitué ?

    En 1823, à l'Exposition de Paris, l’inventeur présenta son nouvel appareil dans la section « économie domestique ». L'appareil semble avoir été apprécié. Celui-ci était décrit en ces termes : « M. Lemare a exposé une collection de Caléfacteurs de diverses grandeurs et de divers prix. L'Académie des Sciences lui a donné son approbation... Bonté et économie sont attestées par l'expérience. L'auteur en étend chaque jour l'usage : cuisson des viandes, préparation du bouillon, chauffage des bains » (2). L'heureux inventeur remporta même une médaille d'argent ; une autre et seconde médaille lui sera décernée lors de l'exposition de 1827. Alors que l'appareil était déjà commercialisé avec, semble-t-il, un certain succès, Lemare dépose encore deux brevets pour des perfectionnements, l’un en mars 1829, l’autre en janvier 1831.

    Le sens commercial de l'inventeur se manifeste tout particulièrement dans un catalogue qu’il publie. La notice publicitaire de l'appareil (3) fait d'abord mention des ouvrages concernant les grammaires française et latine – publicité adjacente !

    La clientèle se voit proposer huit tailles différentes d'appareil. Les prix varient selon la taille, de vingt francs à quatre-vingts francs. Mais – c’est sans aucun doute une astuce commerciale de sa part - il propose des « options » diverses : vase latéral, rôtissoire, four de campagne, alambic, etc. Le caléfacteur avec option coûte de trente-sept à cent-trente francs. On trouve même dans le catalogue un caléfacteur de bains ! L'inventeur, habile commerçant, profite de la notice pour présenter d'autres appareils domestiques très différents qui utilisent d'autres trouvailles de sa part ! On voit ainsi des théières, des

    (1) Péclet (Eugène), Besançon1793-Paris 1857, physicien, fondateur de L’École centrale des Arts et manufac-tures. Il a écrit un Traité de la chaleur considérée dans ses applications. (2) Exposition de 1823. Rapport au nom du jury central par le vicomte Héricart de Thury, Paris, 1824, p. 366. (3) Notice sur le caléfacteur Lemare, 7e édition, Paris, 1825, 33 pages.

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    chocolatières, des réchauds vases (pour le déjeuner), ainsi que des alambics à esprit de vin et filtres accélérés pour les liquides. En effet, il avait mis au point des filtres à pression et un siphon perpétuel sans aspiration. Comme on le voit, Lemare se fixe comme objectif d’apporter des améliorations à de nombreux usages domestiques.

    Lemare aimait beaucoup ajouter des « options » à son appareil, il créa par exemple un « caléfacteur militaire portatif pour officier et soldats » (brevet en date du 31 janvier 1831). Il multiplie les modèles différents, une notice en cite quelques-uns :

    - « Caléfacteur marin, monté comme les boussoles, faisant quatre plats, le rôti, cuisant les viandes, et convertissant l'eau de mer en eau douce. Prix pour douze personnes, Cent-soixante francs. - « Caléfacteur de bains, indessoudable ». - « Cafetières et réchauds suraccélérés ». - « Caléfacteur-couvoir », faisant éclore sans poule cinquante à cent œufs. Prix, soixante-dix à cent francs. »

    Le fameux « caléfacteur pot au feu », nom habituellement employé, était un objet domestique connu, il a été fort répandu. Peut-être à 25 000 exemplaires.

    LES DERNIÈRES INVENTIONS Jusqu’à la fin de sa vie (1836), Lemare multiplie les inventions et les demandes de brevet. Trois mois avant sa mort, il dépose encore un dernier brevet pour un « four aérotherme », le mot révèle une fois de plus la capacité d’invention verbale de l’homme. Lemare avait la manie du brevet.

    Le 12 juin 1833, il sollicitait un nouveau brevet pour un nouvel appareil qu’il désigne sous le nom de « Calorilame ou Panthotherme ». De quoi s’agit-il ? En principe, cela est proche d’une cheminée, mais cela ressemble plutôt à un fourneau avec des plateaux remplis d'eau que l'on chauffe. La chaleur était correctement diffusée, mais l'appareil était très laid... Le brevet d'invention est accordé le 6 septembre 1833. Toujours très avisé, l'inventeur inclut dans sa demande une cafetière à esprit de vin ! Le Comité des brevets refuse cet objet, comme étant déjà dans le commerce et d'ailleurs vendu par Lemare lui-même !

    Comme toujours, l’inventeur s’efforce d’apporter des améliorations à ses appareils. Aussi, le 31 janvier 1835, suite à une nouvelle demande, un important additif est accepté pour le brevet du Calorilame, qui devient dès lors une véritable cheminée utilisant trois réflecteurs et des bouches de chaleur. La fumée serpente astucieusement pour Page de titre du cours de lecture de Lemare (1817)

    Le plan du caléfacteur

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    échauffer le dispositif. Le système n'utilisait plus d'eau... Dès lors, il s’agit de la « Cheminée Lemare », qui semble avoir rencontré un médiocre succès, car la presse de l'époque n'en fait aucune mention.

    L'appareil suivant, tout au contraire, entraînera une application qui a connu un assez large écho. Il s'agit du dernier brevet sollicité par l'inventeur, pour un appareil dit « Four aérotherme » ; le terme désigne en fait un four à haut rendement, basé sur une circulation complexe d'air chaud. La demande est des 19 et 21 avril 1834 et le brevet sera délivré le 26 septembre de la même année. L’ultime invention, le four aérotherme, a connu un gros succès, après le décès de l’inventeur, notamment dans son application à la boulangerie.

    Le gendre de Lemare, à Montrouge, dans la banlieue sud de Paris, dirigea la construction d e cette boulangerie d’un nouveau genre. Le bâtiment accueillait la première boulangerie industrielle installée en France ! Pour l’époque, la quantité de pain fabriqué était considérable : 6 240 kg par jour, soit 48 fournées de 130 kg de pain cuit. Cette boulangerie fournissait des collèges de Paris et même l’École polytechnique.

    L’inventeur décédé ne put en voir le fonctionnement, mais c'était au moins un petit triomphe posthume. Cette boulangerie « perfectionnée », dans la banlieue sud de Paris, lui devait à coup sûr beaucoup.

    ***

    A suivre à la trace une vie aussi riche, on ne perd pas son temps. Car à travers cette vie plongée dans son siècle, ce sont les multiples facettes d’une époque de changements, qui développe sous nos yeux toute son agitation fiévreuse. Lemare fut véritablement un inventeur fort ingénieux et talentueux. En ce domaine, il manifesta son sens des réalisations pratiques, de même que ses cours de latin et de lecture qui avaient été conçus dans l'optique d'une pratique pédagogique qui se voulait très concrète.

    Lemare par Lemare lui-même Nous reproduisons ici une partie du manuscrit écrit par Lemare lui-même, où il raconte sa vie (1). La période que concerne cet extrait va du 18 brumaire, où notre homme ayant appelé à faire obstacle au « tyran » Bonaparte se trouve sous le coup d’une condamnation, jusqu’à la période qui suit le premier complot du dolois Malet (2) en 1808 contre Napoléon, complot qui échouera. La haine contre Napoléon, fera que ce républicain se présentera en défenseur de Louis XVIII. Ce revirement de l’ancien révolutionnaire (que d’aucuns pourraient nommer trahison) ne peut se comprendre que par la haine profonde qui l’anime contre l’empereur en raison de son attachement à la liberté. Résultat : Au retour de Napoléon de l'île d'Elbe, il devient un des agents de Louis XVIII dans les départements de l'Est, où il s'empressa d'appeler aux armes les anciens républicains du Jura, pour s'opposer à la marche de Napoléon… « Les anciens républicains se feront-ils exterminer pour défendre un tyran ? leur disait-il, un tyran dont les jours sont comptés, dont le sort est inévitable ?… Louis XVIII m'envoie au milieu de vous pour vous rallier à la cause du trône et de la liberté… Vive la liberté ! » En fait, son attitude face au 18 brumaire, sa participation au complot de Malet en 1808, et ses prises de position au cours des Cent Jours révèlent une véritable continuité d’hostilité au « tyran » liberticide. Néanmoins, Louis XVIII n’accordera aucune faveur à l’ancien révolutionnaire. Après les Cent Jours, Lemare abandonne la politique, une carrière nouvelle s'ouvre à l'activité d’un esprit insatiable. Il soutint sa thèse de médecine en 1815, à la faculté de Paris, où il montre les effets bénéfiques de la liberté sur la santé.

    (1) Ce manuscrit a été publié autrefois par N. Boussi, Journal de la Langue française, 3e série, t. 1, n° 3, septembre 1837, pp. 97- 117. (2) Malet (Claude-François), 1754-1812.

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    Chez lui, le médecin et l’homme politique sont en accord complet sur le besoin de liberté chez l’homme ; il réécrit ses cours de langue latine, de langue française, soit quelque 17 ouvrages, dont un Dictionnaire des dictionnaires. Dans le domaine littéraire, Lemare était un compilateur incomparable. Mais surtout, cet esprit agile et curieux de tout, trouve une voie nouvelle dans l’invention d’appareils mécaniques mus par la vapeur, Lemare devient alors un inventeur fécond.

    Bien entendu, on relèvera avec quel allant Lemare raconte lui-même ses aventures rocambolesques qui lui permettent d’échapper aux prisons où on l’enferme plus d’une fois. Il met un malin plaisir à montrer son habileté et ses ruses, en homme qui n’est jamais pris de court. On le voit s’affubler en fuite de faux noms, devenir spécialiste de création de faux papiers... Certes, il se donne, n’en soyons pas dupes, le beau rôle. Mais quel personnage attachant par son énergie à travers ses lignes, toujours prêt à rebondir ! Des lignes, qui malheureusement s’arrêtent trop tôt, car Lemare n’a pas achevé son récit. J’avais donné comme sous-titre à la biographie que, nous avions écrite et publiée en 2 000, « Lemare, une vie comme un roman ». En relisant ces lignes avec le recul de quelques années, je constate avec plaisir, que mon appréciation d’alors était vraiment la bonne. Mais laissons parler notre homme, et lisons-le.

    « … Huit jours après arrive le 18 brumaire ; j'étais en position d'une carrière brillante, je n'avais qu'à m'attacher au char du vainqueur ; mais, du premier jour, je vis tout un tyran dans le déserteur de l'armée, avec tous les titres qu'il devait usurper plus tard ; je le fis déclarer traître à la patrie par l'administration centrale. Une nouvelle levée de troupes pour marcher contre le nouveau tyran fut ordonnée ; les départements voisins furent invités à seconder ce mouvement. J'allai à Besançon pour décider en faveur de la liberté de la citadelle (3) ; la garde nationale fut assemblée ; on m'écouta avec bienveillance, mais l'aveuglement était à son comble ; on ne voyait dans Bonaparte qu'un premier consul… amovible… On m'ajourna bientôt, à la vérité sous un autre prétexte ; je fus proscrit et condamné absent. J'allai à Chalon-sur-Saône purger ma contumace ; je fus acquitté, et revins en un beau jour d'été, un dimanche et jour de foire, déchirer le jugement de condamnation et faire placarder le nouveau (4). Le préfet, effrayé de ma présence, rendit responsable le capitaine de la gendarmerie, M. Varelles, homme de courage qui conservait encore sa place.

    Quelques uns des nombreux ouvrages de linguistique publiés par Lemare

    (3) Lemare, au lendemain du coup d’état, a essayé de réunir des troupes pour marcher sur Paris contre Bonaparte. (4) Lemare est revenu à Lons-le-Saunier.

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    Le lendemain, passant avec deux de mes amis sur la place publique : « Retirons-nous, me dit l'un d’eux, les assommeurs sont à dîner chez Bonnet, le restaurateur. » A peine ces mots étaient-ils prononcés, que j'avais disparu, que j'étais dans la salle à manger, au milieu des assommeurs ; et, m'adressant à l'un des chefs, le sieur Michaud de Coutances : « Tu sais que je viens de triompher de mes ennemis, et toi, à qui j'ai sauvé deux fois la vie, tu es le seul qui ne sois pas venu me complimenter ! » Aussitôt Michaud me saute au cou et invite toute la troupe à boire à ma santé. Ma visite fut courte : la foire, qui avait amené à la ville un grand concours qui faisait ma sûreté, étant près de finir, je partis et ne tardai pas à me rendre à Paris.

    Je me présentai chez Fouché, qui m'accueillit bien, et je songeai à former un établissement d'instruction publique, sous le nom de l'Athénée de la Jeunesse (5). Bientôt il fut fréquenté par la jeunesse des écoles de droit et de médecine, et nombre d'étrangers de distinction. Dès les premiers jours, je commençai à imprimer mes leçons et à les distribuer par livraison d'une feuille. C'est ainsi qu'au bout de dix-huit mois, tout mon cours latin, tout mon cours français, furent complétés.

    J'avais secoué la poussière de l'école, et tout était soumis à l'idéologie et à l'épreuve de l'expérience ; mes élèves mêmes étaient mes collaborateurs et mes critiques.

    Mais, sans m'en douter, je n'avais fait qu'une trêve à la politique : un jour je fus visité par le général Malet, mon compatriote du Jura. Il m'initia dans ses projets contre l'empereur ; un comité central de cinq membres, Malet, Gindre, Corneille, (6) Bazin et moi, fut formé ; pendant un an, il se tint chez moi, au local que j'habite encore aujourd'hui, quai Conti, n° 3. Un ouvrage en deux volumes, dont les matériaux sont chez M. de Saint-A…, donne les détails de toute la conspiration, tant de celle de l'an 8, qui fut comprimée, que celle de 1812.

    Nous ne concevions la destruction de la tyrannie que par la chute du tyran ; une maison fut louée sur la route de Saint-Cloud ; quatre canons devaient envoyer au ciel le nouveau Romulus ; des chandelles romaines devaient annoncer l'événement aux conjurés de Paris ; mais Bonaparte partit pour l'armée d'Espagne.

    Le 29 juin 1808, tout était prêt pour le dénouement ; cinq cents paquets contenant l'acte du sénat qui déclarait aboli le gouvernement impérial, et quatre autres pièces toutes imprimées avaient été adressées aux nouveaux ministres, aux nouveaux préfets, etc. Le soir, à minuit, tout fut ajourné par l'absence des généraux Lemoine et Guillaume, qui n'étaient que des traîtres.

    Je fis louer un appartement à…., et songeai sérieusement à la retraite ; bientôt tout espoir fut évanoui : Malet et Corneille étaient arrêtés ; douze agents de police occupaient nuit et jour mon domicile ; je chargeai un de mes élèves d'aller prendre un passeport. J'avais lu dans un journal qu'avec de l'acide muriatique oxygéné étendu d'eau, on lavait les tableaux, et qu'on en faisait disparaître toutes les taches, hors celles de l'impression à l'huile. Ce passeport fut mis dans une terrine et opéré ; la signature du préfet avait été garantie de l'acide ; l'écriture manuelle ayant disparu, le papier mis sous presse et séché, on écrivit mon signalement et le nom qu'il me plut alors de me donner ; je m'appelai Jean Muller. Muni de cette pièce, j'allai à Dieppe, où j'attendais une occasion pour l'Angleterre ; je fis connaissance et marché avec un capitaine de corsaire, mais je craignis qu'on ne me prît à Londres pour un autre Méhée (7) ; je me décidai à aller à Verdun, où étaient prisonniers de guerre un vice-roi de l'Inde et lord Cristy, qui avaient été mes élèves ; je voulais obtenir d'eux des lettres de créance près le gouvernement anglais.

    (5) Il s’installe à Paris et fonde en 1801 cet établissement scolaire qui enseigne le latin et le grec. Lemare devient donc professeur et directeur d’école.On pouvait s’inscrire à partir de 15 ans.

    (6) Les trois premiers sont des jurassiens et des dolois. Il faut se rappeler que Lemare pendant la Révolution s’est constamment appuyé sur les sociétés populaires, dont celle de Dole. Corneille Philippe (1765-1815), arrêté en 1808, incarcéré jusqu’en 1810 ; Gindre Pierre Antoine (1758-1842), arrêté lui aussi et emprisonné. Il est le créateur de 1811 à1833 de l’hospice de St-Ylie.

    (7) Jean Claude Hippolyte Méhée de la Touche (1762 - 1826), est un diplomate et surtout un espion, un agent contre-révolutionnaire français.

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    Arrivé près de la ville, je me tins prêt à y entrer le lendemain comme un bourgeois, la canne à la main, les souliers bien cirés, etc. ; mais un poste de gendarmerie m'arrêta tout court. « Le nom de Jean Muller, dit le brigadier, n'est pas un nom français. » J'eus beau dire que j'allais à Lucerne recueillir l'héritage d'un oncle, je fus envoyé à la citadelle. Là, un général, bon réjoui, me demanda pourquoi on m'avait arrêté. « Ces messieurs les gendarmes m'ont pris pour un Anglais ; il me semble cependant que je n'en ai ni l'accent ni le langage ; et puis, ils ont trouvé que depuis Dieppe mon passeport n'a pas été visé. » - « Où allez-vous ? « - « Aux eaux de Plombières. » - « Voulez-vous qu'on vise votre passeport ? » - « Comme vous l'entendrez, mon général ; mais m'étant donné pour un an, je n'avais pas besoin d'ennuyer les autorités. » Je fus relâché. Après un léger déjeuner, je songeai à chercher mes deux Anglais ; ils étaient partis depuis deux jours : je m'empressai d'évacuer Verdun, et, au lieu de me diriger vers Dieppe, je formai le dessein d'aller à Trieste. L'argent ne me manquait point, et je le choyais avec un soin rare ; un jour je ne dépensai que onze sous, et j'avais fait vingt lieues de poste sur la route.

    Je me trouvai un jour à souper avec deux jeunes gens de Châlons-sur-Marne, dont l'un allait à Bâle ; il se plaignit que le préfet lui eût fait compter dix francs pour un passeport à l'étranger. C'est précisément une telle pièce dont j'avais besoin et qu'à tout prix je devais me procurer. Après le champagne, je dis au commis-voyageur : « Comment est donc fait votre passeport, pour coûter dix francs ? » Il le tire de son portefeuille ; en même temps je tenais le mien. Après avoir eu l'air de les confronter, je les repolirai ; je remis au jeune homme le passeport de Jean Muller, et mis le sien dans mon portefeuille. Arrivé à Colmar, j'entrai dans un café, examine les fumeurs, fis avec l'un d'eux quelques parties de billard, et lui demandai s'il avait une belle écriture : « Passable », me répondit-il. Je lui donnai rendez-vous pour le lendemain matin ; je portai avec moi une fiole de mon acide, bien bouchée et recouverte de papier noir ; je fis disparaître toute l'écriture manuelle, moins celle du préfet, et je dis au jeune flâneur qu'on avait eu assez de confiance en moi pour me donner un passeport en blanc ; je le fis remplir convenablement. Le passeport fut bon pour toute la Suisse et tout le Tyrol ; mais, arrivé dans la Carinthie, ce fut autre chose : il fallait le visa de l'ambassadeur d'Autriche. De Villach, je fus conduis à Visapour, d'étape en étape, sous la garde tantôt de deux, tantôt de quatre paysans, qui, dans ce pays, font en sabot les fonctions de gendarmes.

    A quelques lieues du chef-lieu, on fit halte dans une espèce d'auberge, qui sert aussi de prison. J'avais laissé mon chapeau sur la table ; la femme fouilla dans la coiffe, y trouva une carte de géographie, « Spione ! spione ! » s'écria-t-elle en agitant la carte. Remis sur la voiture, je fus chargé de cent livres de fer, aux mains, au corps et au cou. La police d'Autriche a des règles immuables. Votre passeport n'est pas visé par l'ambassadeur, aucune protection ne peut y faire déroger : vous allez être reconduit à la frontière... »

    Malheureusement le manuscrit s’arrête là… et nous laisse sur notre faim, comme si la fin du film avait été coupée ; en fait, notre homme avait tellement de choses à faire, qu’il n’a pas pu achever son récit. Dommage ! Reconduit à la frontière, il réussit à obtenir un passeport. Après cette aventure rocambolesque en Autriche, il regagne finalement le Jura ; « Je revis les montagnes du Jura et mon canton de Saint-Laurent » écrit-il. Il demeura trois semaines dans sa famille, ce séjour est sans doute à placer en octobre 1808. Puis, on le trouve à Montpellier, célèbre université de médecine, où il étudie la médecine, et prend le faux nom de Jacquet, nom sous lequel il fera la campagne de Russie comme chirurgien. Il assiste à l’incendie de Moscou. Cette activité de chirurgien dans la Grande Armée, dure cinq années jusqu’en 1813.

    Michel Vernus

  • 10

    Nous remercions chaleureusement Michel Vernus qui nous a permis de découvrir certaines facettes de l’existence hors du commun de Pierre Alexandre Lemare. Mais ce ne sont que quelques épisodes d’une vie fertile en rebondissements digne des meilleurs romans. Ce petit berger jurassien, issu d’une famille très modeste, deviendra prêtre constitutionnel, responsable politique sous la Convention, prisonnier, plusieurs fois évadé en cavale, grammairien et pédagogue, à la tête d’une conspiration contre Napoléon, puis chirurgien dans les Armées de Napoléon (sous une fausse identité) alors qu’il était recherché par toute la Police Française, médecin… Il terminera sa vie en tant que génial inventeur, déposant de nombreux brevets, en particulier celui du calorifacteur : l’ancêtre de la cocotte minute. Ce n’est qu’à la lecture du livre passionnant de Michel Vernus et Max Roche que vous pourrez découvrir son parcours exceptionnel. Lemare Michel Vernus Max Roche Editions

    Aéropage Avril 2005

    Deux pages de la méthode de Lemare pour l’apprentissage de la lecture

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    ÉPITAPHE POUR UN POÈTE

    Passant, prends garde que le bruit

    De tes pas, dérangeant sa nuit,

    De son long sommeil ne l’éveille.

    Il est parti pour un pays

    Où, comme un fulgurant rubis,

    Son rêve éternel l’émerveille…

    Passant, baisse la voix !

    Ami ! Recueille-toi !

    Inédit, 10 janvier 1963

    L’ACCIDENT

    Tout allait bien parmi le monde Et le mal chantait son triomphe Dans l’ordre inhumain établi : Les assassins tuaient et les voleurs volaient ; Les militaires faisaient la guerre Et pillaient les terres conquises ; Les travailleurs se levaient tôt, Se couchaient tard, ne mouraient pas ; Des hommes, des hommes, et d’autres, Mangeaient, buvaient, aimaient, riaient… Soudain, extérieurement fortuit, Surgit l’événement, L’accident inattendu et prévu, Qui sema la panique dans la fourmilière, Tua les assassins, vola les voleurs, Et supprima la faim, la soif, l’amour, le rire… Tous d’une même voix s’écrièrent alors : « Ah ! Si l’on m’avait écouté ! »

    inédit, 12 mars 1959

    BELLE SAISON

    Quand venait la belle saison J’allais marcher avec Violaine Chantant quelque vieille rengaine Sur les rives de l’Anguison.

    Les notes de notre chanson Se faisaient cascade ou fontaine Et nous n’étions jamais en peine De mots d’amour à l’unisson.

    Ce matin j’ouvre la fenêtre, Pousse le volet de guingois… Je pense à ces jours d’autrefois.

    Le passé ne pourra renaître, Quand nous allions main dans la main Semer l’amour sur les chemins.

    Un jour, mon village, 2011

    COMPOSITION

    Je ne puis refuser un seul jour de plus De t’obéir, ange sans vertus, Distributeur automatique de rimes, Compilateur de lieux communs, Ordonnateur patenté de tous les crimes Commis hier, aujourd’hui, demain… Je ne puis refuser un seul jour encore De t’obéir, ange idéovore ; Et voici que j’écris des vers et des vers Enfant ignorant, docile à tout ce Que tu me dictes à tort et à travers… La fin que tu m’offres n’est pas douce, Ange du saint langage, hypocrite et vil Assassin de mon cœur en exil !

    Inédit, 20 juillet 1966

    Claude Cagnasso 1963

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    MON CŒUR S’ÉPUISE Les mois passent… Mon cœur s’épuise, Mon aimée, à battre sans toi, À combattre le désarroi, Fange mouvante où il s’enlise.

    Ils sont toujours là sous mes doigts, Ton front glacé comme banquise, Tes yeux fermés, paupières grises, Tes lèvres closes, ton sein froid.

    Je les conserve en moi. Ton âme M’accompagne, divine flamme Où brûlent sans fin nos bonheurs…

    Et nos espoirs de jours meilleurs… L’encre est noire au goût d’amertume Qui dans le deuil sort de ma plume.

    Des Mots Pour Vieillir, posthume, 2019

    MON MAÎTRE C’est la mer, la montagne, la plaine, Un arbre, une maison, un bateau, L’indifférence, l’amour, la haine, C’est l’uni, le clair, le grand chaos. Je le vois au fond de tout, mon maître. Par les yeux, par la chair et les mains, Par la pluie, par le vent et la neige, Par l’hier, l’aujourd’hui, le demain, L’isolement, l’union, le cortège, Par la création c’est lui, mon maître. C’est lui, pluie qui pleure, vent qui chante, Lui, l’arbre en fleurs, l’enfant qui sourit, La voix qui dit, l’esprit qui invente, La mort qui tue, la vie qui s’écrit : C’est lui, mon dieu, mon destin, mon maître.

    In Voix Etouffées, mars 1956 Repris le 16 août 1966

    SEMPER EADEM… Mais qu’est-ce que c’est donc, la vie ? Grain de sable dans le désert, Soif éternelle inassouvie, La solitude dans l’hiver ! Les jours se suivent, lent cortège, Mais l’un à l’autre indifférent Comme en la tempête de neige Se perd le pèlerin errant… A l’heure où l’homme perd la tête (Est-ce l’ivresse ? Ou bien l’amour?) Il voudrait n’être qu’une bête, Et voici que le même jour Monte en lui le désir étrange De ne plus rien être qu’un ange !

    inédit, 26 août 1964

    LA PROMESSE Ah ! Le doux réveil que celui Des matins amoureux d’automne Quand dehors l’aurore festonne De perles d’eau la haie de buis ! Quand nous avons toute la nuit Dormi d’un sommeil monotone Mon regard revit et s’étonne Du bonheur cueilli aujourd’hui. Dans la pièce un bouquet de roses Les dernières de la saison Parfume toute la maison. Un rayon de soleil se pose Sur ton sein qu’effleure ma main… Une promesse pour demain.

    Des Mots Pour Vieillir, posthume, 2019

  • 13

    Et soudain, ce fut mon cœur qui se mit en vacance

    La mort Je me fous de la mort comme de l’an quarante et c’est là justement qu’elle s’approche enfin du moins c’est ce qu’on dit juste avant la tourmente juste avant qu’on n’ait pu déposer le mot fin. Les chirurgiens savaient que ma peau est à vendre. Blotti dans mon coma je rêvais de dompter les rêves endormis qui m’avaient fait attendre et que je ne savais comment les adapter. C’est le jour où la mort a frappé à ma porte qu’un chirurgien têtu m’a pris dans son escorte juste avant que je parte avec les âmes mortes. C’était le long combat où l’homme n’avait plus plus d’espoir de pouvoir sortir un jour du vivant où des êtres penchés sur cet individu cherchaient à l’enlever hors des sables mouvants. Ces êtres s’acharnaient sur un bloc d’hôpital à redonner vie à l’homme en perdition et cet homme plongé dans un sommeil létal c’était moi toujours là pour payer l’addition. C’est le jour où la mort a frappé à ma porte qu’un chirurgien têtu m’a pris dans son escorte juste avant que je parte avec les âmes mortes. La mort, toujours la mort, la mort recommencée et plus rien au-delà, pas le moindre renom, pas d’espoir de prévoir la chute romancée sans personne pour mettre un terme sur le nom. Ma vie part à vau-l’eau, et même au pas de charge, et mon corps est le seul à narguer mon destin, Mon cœur bat la chamade et va de long en large Sans savoir qu’il est prêt pour son dernier festin. C’est le jour où la mort a frappé à ma porte qu’un chirurgien têtu m’a pris dans son escorte juste avant que je parte avec les âmes mortes.

  • 14

    J’ai rencontré la mort

    J’ai rencontré la mort au milieu du chemin Mais la mort est toujours certaine pour demain

    Si Villon évita quatre fois Montfaucon mon cœur ne pourra pas me donner cette chance car il a pu ce jour revenir de vacance je sais que le gibet me tiens par le menton.

    Si seulement la mort pouvait se conjuguer soit au plus-que-parfait soit au futur, peut-être pourrait-on simplement croire en elle et admettre que l’espace et le temps peuvent la subjuguer.

    Mais la mort ne respecte rien ; ni les amours ni les petits bonheurs, encore moins la vie et frappe, indifférente à l’instinct de survie, sur tout ce qui traînasse autour et alentour.

    La mort est lâche et traître et vicieuse souvent s’invitant par surprise ou s’attardant, teigneuse, pour le plaisir sadique et la douleur hargneuse. Malhonnête est la mort partout et à tout vent.

    Mais lorsque mon cerveau touchera le néant cette mort n’aura pas le poids d’une seconde et ma Camarde alors pourra courir le monde je serai déjà loin chez les rois fainéants.

    *Editions Les Amis de la Lucarne Ovale Novembre 2017

    A mes Amis Quand les amis s’en vont un à un pour toujours Alors qu’on a soi-même échappé de justesse A la mort qui vient soudain vous pousser aux fesses Alors, oui, on n’a plus comme unique recours

    Que d’agripper la vie aux lambeaux de secours Sans s’occuper ni de chagrin ni de détresse Mais mettre un peu de sel et beaucoup de tendresse Avant de s’en aller sur la nef sans retour.

    Moi qui ne peux avoir deux fois la même chance Je sais bien que ma vie est à brève échéance Aussi je tiens à dire adieu à mes amis

    Qui furent ou bien qui sont des poètes que j’aime Depuis longtemps, depuis toujours, plus que moi-même Tranquillement, enfin, tant que j’ai un sursis.

  • 15

    N ous sommes en guerre, a déclaré notre Président de la République en désignant notre ennemi le Corona virus, et immédiatement a surgi la question sur son origine exacte, toujours inconnue à l’heure où j’écris ces lignes. Ces propos, dans une période où nous sommes confinés à domicile, m’ont rappelé l’Affaire du Pain maudit de Pont Saint Esprit, un mal mystérieux qui frappa en 1951 ce paisible village du sud de la vallée du Rhône.

    Cette histoire débute dans la soirée du jeudi 16 août, les trois médecins reçoivent plusieurs patients atteints de symptômes identiques: vertiges, fièvres, nausées, perte de sommeil, maux de ventre, fourmillement, des signes inquiétants d’intense agitation… Immédiatement ils présument une

    intoxication alimentaire collective, mais elle va prendre des proportions inquiétantes les jours suivants. Les patients sont de plus en plus nombreux, tous atteints du même mal, et là, les trois médecins supposent que le pain est à l’origine de ces symptômes. Ils rappellent ceux provoqués par le « mal des ardents » sévissant au Moyen Age dénommé à l’époque feu de Saint Antoine, dont l’agent responsable était connu : l’ergot de seigle, un champignon parasite du blé, un alcaloïde puissant provoquant des démangeaisons, des hallucinations. Pendant le week-end et les jours qui suivent, la situation devient rapidement incontrôlable, et on assiste à de véritables crises de démence : certains habitants sont comme possédés, ils s’arrachent la peau en se grattant, hurlant des propos inintelligibles. A l’hôpital le personnel débordé doit sangler les malades sur leurs lits car ils tentent de se précipiter par les fenêtres. Le dimanche on passe la camisole de force à un ouvrier agricole qui a tenté de se suicider pour échapper au mal ; on l’interne en hôpital psychiatrique à Avignon où il restera 3 mois. Les

    personnes qui ont partagé son repas se sentent attaquées par des insectes, des serpents, des bêtes inconnues…Un agriculteur crie que les murs et le plafond de sa chambre vont l’écraser, un enfant de dix ans se jette sur sa mère et tente de l’étrangler. Par mesure de précaution, comme tous les patients affectés ont acheté leur pain dans la boulangerie de Mr Roch Briand (ancien candidat RPF, protégé d’un conseiller du Général de Gaulle), les trois médecins demandent au Maire de fermer son magasin, ce sera effectif le 22 Aout. Le lundi 20 Aout, l’affaire prend une tournure dramatique, l’hôpital de Nîmes

    L’énigme du pain maudit de Pont Saint Esprit

    Tentation de St Antoine

  • 16

    informe le Docteur Gabaï, un des trois médecins du village, du premier décès ; il s’agit de Félix Mizon, un agriculteur qu’il avait pris en charge avant d’être transféré à Nîmes suite une crise démence.

    La nuit du vendredi 24 août sera qualifiée de nuit de l’apocalypse par ce même Docteur Gabaï. Ce soir là, les habitants courent dans les rues s’imaginant poursuivis par des monstres et des créatures chimériques, ils voient des flammes sortir de leurs doigts, un homme crie qu’il est une libellule et se jette de la fenêtre du premier étage ! L’Affaire tourne au cauchemar !

    Le samedi 25, c’est une noria d’ambulances, de voitures de gendarmerie qui troublent la quiétude de ce village, si paisible en temps normal. L’hôpital étant submergé, le Maire a pris la décision de faire

    interner d’office une trentaine de malades dans les hôpitaux voisins (Avignon, Nîmes, Montpellier …) ces patients que la presse nomme déjà les forcenés de Pont St Esprit. Dans la région on ne parle que du pain du diable, et les journalistes affluant de toute la France amplifient cette idée de malédiction, une punition divine, on se croirait revenu à l’obscurantisme du Moyen Age ! Les animaux n’échappent pas à ces crises de folie, dans une ferme, un chien refuse le pain qu’on lui tend, le chat le mange et se met à faire des bonds dans tous les sens se cognant contre les murs, se tord de douleur sur le sol et meurt dans d’atroces souffrances. Pendant ce temps là, son maître enfermé dans la cuisine tire au fusil de chasse sur des ennemis imaginaires !

    A la Mairie c’est réunion de crise sur réunion de crise ! Après le premier mort Félix Mizon, le juge d’instruction ordonne une autopsie, et les différents prélèvements effectués dans ses organes digestifs sont envoyés à un laboratoire de Marseille, va-t-on enfin savoir ?

    Fermeture de la boulangerie Briand

    La presse : Revue Point de Vue

  • 17

    Le 28 Août au vu des premiers résultats d’analyse, l’enquête semble privilégier l’ergot de seigle qui aurait contaminé le pain du boulanger Roch Briand, il est donc aussitôt auditionné par le Commissaire Sigaud de la PJ de Marseille. Le boulanger répond qu’il utilise la farine qu’on lui vend, et le commissaire lance une enquête sur l’origine de la farine. Après la guerre, comme le blé est rare en France, et manque dans certaines régions, on a créé l’Office Central des Céréales, chargé de le répartir aux 10 000 meuniers, qui expédient ensuite la farine aux 53 000 boulangers du pays. Le commissaire Sigaud interroge rapidement le meunier ayant livré cette farine : Maurice Maillet de Saint Martin la Rivière (Vienne), ce dernier admet avoir utilisé du seigle de médiocre qualité livré par Guy Bruère le boulanger de son village. Le meunier finit par avouer « Je n’ai pas osé livrer cette farine de mauvaise qualité dans ma commune, alors je l’ai expédiée à Pont Saint Esprit ! » Pour le policier cette affaire lui semble déjà pratiquement résolue ! Il arrête les deux hommes, collecte différentes farines et du pain, qu’il envoie à analyser par un laboratoire militaire de Marseille. Mais deux mois plus tard, de nouveaux résultats tombent, les expertises sont confuses, parfois même contradictoires, les farines saisies ne comportent pas de trace d’ergot de seigle, et les deux présumés coupables sont « blanchis » (sans faire de jeux de mots).

    Bien embarrassées et n’ayant aucune explication plausible, les autorités évoquent alors la fragilité des

    victimes, leur âge... Entre temps quatre autres personnes sont décédées dont un jeune homme de 24 ans

    en parfaite santé. Sa famille veut connaître les raisons exactes de son décès ; elle demande au juge

    d’ordonner une autopsie, mais il refuse sans fournir d’explication. La famille lui propose de la faire

    réaliser à ses frais, le juge leur répond qu’elle n’aura aucune valeur judiciaire et qu’elle ne sera pas versée

    au dossier.

    A ce stade pas de nouveaux cas, mais le bilan est lourd : près de trois cents personnes ont été

    touchées, une trentaine resteront de long mois dans des hôpitaux psychiatriques, et sept décès directs

    ou indirects sont à déplorer. Evidemment devant les mystères qui entourent ce drame, les langues se

    délient, et les hypothèses fleurissent ! Chacun a la sienne : le Gouvernement teste un nouveau gaz

    lacrymogène contre les manifestants, une guerre bactériologique dont les commanditaires seraient les

    Russes pour certains, les Américains pour d’autres, suivant les appartenances politiques ! Et chacun

    possède son information exclusive : « quelqu’un m’a dit avoir vu un sous-marin américain remonter le Rhône ! ».

    Pour alimenter cette surenchère le journal La Marseillaise, n’hésite pas à titrer : «On veut étouffer

    l’affaire de Pont St Esprit !». Alors tous les voyants munis de leur boule de cristal, les radiesthésistes

    et leurs pendules, les mages originaires des quatre coins du pays débarquent à Pont Saint Esprit certains

    d’éclaircir ce mystère. Le Maire lui, reçoit chaque jour des dizaines de lettres de dénonciation, anonymes

    bien sûr, comme pendant les heures noires de l’Occupation. C’est la braderie du grand n’importe

    quoi !

    Incarcération du meunier Maillet

  • 18

    Le 3 janvier 1952, la police et les agents des fraudes lancent simultanément une grande perquisition en France dans 158 moulins, et ils découvrent 74 machines allemandes permettant de blanchir le pain grâce a une substance pathogène incorporée à la farine : l’agène, une pratique totalement interdite en France. Le pain blanc obtenu grâce à ce produit chimique se vend beaucoup plus cher, car il est semblable à celui qui a pour origine exclusivement de la farine de froment, plus rare. Mais cette information sur une adjonction d’agène déclenche immédiatement un scandale national qui va bloquer rapidement ce volet de l’enquête ! La puissante Association Nationale de la Meunerie Française, organisme créé à la Libération pour réguler équitablement la répartition de la farine, brandit le risque de mettre toute une filière en péril. Six ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale période où les Français ont tellement manqué de pain, cet aliment est primordial, nombreux sont ceux qui en consomment près d’un kilo par jour ! Cette tricherie semble inconcevable car la France se relève à peine des restrictions qui ont suivies la Libération ! Des membres du Gouvernement essaient de rassurer la population, redoutant une tournure politique de l’affaire pouvant les éclabousser, une suspicion sur notre symbole national : le pain français ! Le modeste juge d’instruction du Gard va sans doute se sentir « un peu dépassé » par les événements! Aussi il rend rapidement une ordonnance de non lieu, les 74 meuniers coupables de fraudes sur la farine ne seront pas poursuivis, ce dossier de l’adjonction illégale d’un agent pathogène est clos ! On ne l’évoquera plus. (Le juge a sans doute subi quelques pressions de sa hiérarchie devant la tournure des événements).

    Mais ce n’est qu’une étape, en juillet 1954, pratiquement trois ans après La nuit de l’apocalypse, le juge referme le dossier, il a trouvé le coupable, à vrai dire son coupable : le panogen (un fongicide utilisé pour la conservation des grains) qui aurait accidentellement contaminé des sacs de farine !

    La justice prendra son temps pour statuer sur ce drame : en Avril 1958 le tribunal d’Uzès condamne le meunier Maillet (qui avait avoué au départ avoir mélangé des farines de blé et de seigle de piètre qualité mais s’était rétracté ensuite) et l’Union Meunière du Gard. En 1960, nouveau jugement de la Cour d’appel de Nice où les experts se contredisent, l’intoxication à l’ergot de seigle ne fait plus le consensus, et le meunier est relaxé ; l’ultime volet judiciaire sera rendu par la Cour de Cassation en 1975 (soit 24 ans après les faits !) l’Union Meunière du Gard et le boulanger Roch Briand sont jugés responsables, mais une condamnation pour la forme, car le pauvre boulanger, qui a sans doute été plus une victime qu’un coupable dans cette affaire, est décédé depuis 5 ans !

    Officiellement, rien ne permet à l’heure actuelle d’affirmer avec certitude l’origine de ce drame, par

    Différents articles de presse

  • 19

    contre les hypothèses fleurissent et s’affrontent. En éliminant les théories loufoques, quatre resteraient éventuellement plausibles, bien que certaines soient déjà, semble-t-il, balayées par les progrès de la science.

    Le panogen : Motif officiel retenu par le juge d’instruction pour clore le dossier, ce fongicide contenant du dicyandiamide de méthyl-mercure utilisé pour la conservation des grains de blé.Depuis, plusieurs études dont une thèse en pharmacie de Joseph Cadiou à l’Université de Bordeaux du 18 décembre 1965 démontre l’impossibilité de retenir cette possibilité, les autres recherches pharmacologiques ultérieures le confirmeront.

    Les mycotoxines : En 1982, le professeur Moreau (1), toxicologue, spécialiste des moisissures, déclare que des mycotoxines (aspergillus fumigatus) auraient pu se développer dans des silos à grains, mais à l’heure actuelle aucune étude n’est venue valider ou infirmer cette éventualité. Ces moisissures étaient totalement inconnues en 1951, pour accréditer cette thèse, il serait nécessaire d’effectuer de nouvelles analyses du blé ou la farine incriminés, mais ils ne sont plus disponibles.

    L’agène : pratique frauduleuse évoquée précédemment, permettant de blanchir le pain grâce à du trichlorure d’azote en utilisant des machines. L’enquête ayant levé le voile sur une tricherie nationale, le juge préféra fermer cette piste immédiatement suite à la pression des diverses instances politiques ou professionnelles. La toute puissante Association Nationale de la Meunerie, qui veillait au grain si l’on peut dire, s’impliqua très activement à verrouiller cette possibilité, et pas de commentaires ! C’est bien regrettable, car approfondir l’enquête en creusant cette piste aurait permis de lever le doute sur cette éventualité, mais l’Intérêt National a pris le pas sur l’Affaire !

    L’ergot de seigle ou mal des ardents fait partie des deux hypothèses privilégiées. C’était l’explication primitive des médecins de Pont St Esprit, mais la première objection est l’absence d’ergot de seigle dans les dernières analyses effectuées par le laboratoire de Marseille à l’époque, bien que par la suite, la compétence de ce scientifique marseillais ait été remise en cause par d’autres spécialistes. De plus, plusieurs chercheurs ou historiens, comme Steven Kaplan se sont penchés sur cette possibilité. Steven Kaplan est même allé jusqu’à tenter des expériences : cuire des pains à partir de farines impactées par l’ergot de seigle : selon lui, le résultat a été épouvantable, le pain immangeable avait une couleur violacée et une odeur de poisson pourri insoutenable, un pain invendable … cette tentative semblerait aussi éliminer cette hypothèse.

    L’implication de la CIA : la piste du LSD 25 ??

    Le midi libre du 10 mars 2010

  • 20

    La parution du livre en 2009 A terrible mistake (2009) du journaliste indépendant américain Hank P Albarelli a relancé indirectement cette affaire. (Cette publication a été suivie le 08/07/2015 d’un téléfilm d’Olivier Pighetti diffusé sur France 3, et de nombreuses émissions de radio sur Europe 1, France Inter ou RTL (voir bibliographie).

    En fait, c’est en enquêtant sur le suicide suspect en novembre 1953 d’un agent de la CIA Franck Olson (un scientifique, chimiste spécialiste des armes biologiques) un suicide qui sera d’ailleurs toujours contesté par sa famille*, que Hanck P Albarelli découvre des documents secrets entre la CIA et la Maison Blanche où apparait plusieurs fois le nom de Pont Saint Esprit au milieu de documents mal caviardés **. Au cours de ces recherches, il découvre aussi des échanges entre la CIA et le laboratoire Sandoz de Bale (NB : Albert Hofmann chimiste de Sandoz avait découvert le LSD en 1943) et notamment dans l’un d’entre eux, on évoquerait cette affaire avec ce commentaire précis des biologistes suisses : « A Pont Saint Esprit ce n’était pas de l’ergot de seigle, mais bien du LSD.» (Voir encadré)

    Coïncidence ou pas, Franck Olson séjournait en France, un mois avant le drame, après son retour aux Etat Unis, effondré, il aurait déclaré à son épouse : « J’ai commis une faute terrible», ensuite il est tombé dans une profonde dépression pendant plusieurs mois. (Nb : D’où le titre du livre d’Hanck P Albarelli : A terrible mistake).

    Les indices et les coïncidences sont plus que troublants, mais en l’absence d’une analyse précise de la farine apportant une preuve irréfutable, il est impossible de valider définitivement cette hypothèse. D’autant plus que les opposants à cette supposition évoquent un « épandage » de LSD par avion, éventualité complètement invraisemblable, car dans ce cas il est bien évident qu’une majorité des habitants en auraient été victimes, et non pas les habitants des hameaux voisins ayant acheté leur pain chez Roch Briand. Or les personnes touchées avaient toutes consommé du pain de chez Roch Briand, par contre tous les clients de cette boulangerie ces jours là n’on pas été systématiquement affectés …ce qui épaissit encore un peu le mystère !

    Pourrait-on imaginer que dans les jours qui ont précédé la catastrophe, seulement certains sacs de farine (on a parlé de deux sacs) aient pu être sciemment contaminés au LSD 25 dans le cadre d’une expérience de la CIA, donc seulement certaines fournées du boulanger, jusqu’à la fermeture de son magasin, auraient eu pour origine cette farine polluée, expliquant ainsi que tous les clients n’aient pas été victimes de cette intoxication. Une façon adroite de brouiller les pistes, et tout cela à l’insu du boulanger bien sûr !

    Il me semble important de revenir sur la similitude existant entre les symptômes de l’ergotisme provoquant des hallucinations et des convulsions et ceux du LSD, et surtout ne pas oublier que l’acide lysergique, base du LSD 25 est synthétisé à partir d’ergotine produite avec de l’ergot de seigle !

    Document caviardé

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    En l’absence de preuves formelles nous ne saurons sans doute jamais ce qui s’est réellement déroulé à Pont Saint Esprit en Aout 1951, à moins que le déclassement d’archives secrètes françaises lève un jour le voile sur cette mystérieuse affaire.

    Gérard LARGE Mars 2020 (1) Bulletin trimestriel de la Société Mycologique de France Décembre 1982 p 261 à 273 *Le Président Gérald Ford a reçu la famille Olson en 1975 et lui a présenté des excuses officielles ainsi qu’une compensation financière. **Caviarder : lorsque les documents confidentiels sont déclassifiés, devenant alors accessibles à tous, il doivent être « caviardés » : on masque certaines précisions ou noms propres. Et là si on avait bien pris la précaution de caviarder ce qui concernait directement Franck Olson, on avait complètement oublié…Pont Saint Esprit !

    A la fin de la seconde guerre mondiale, dans l’Allemagne vaincue, les Américains ont extradé à la fois des chercheurs, des ingénieurs comme Von Braun et ses collègues spécialistes du programme V2 (opération Paperclip), mais aussi des scientifiques et des médecins nazis ayant tenté certaines expérimentations sur des êtres humains. A ces médecins qui auraient dû normalement être traduits devant un tribunal international, les américains ont offert de collaborer dans leurs laboratoires en échange d’une nouvelle identité, effaçant ainsi leur passé nazi.

    En Aout 1951 lors du drame de Pont Saint Esprit, la planète entière a les yeux tournés sur les tout premiers mois de la Guerre de Corée, un affrontement opposant le monde occidental aux régimes communistes. C’est dans le contexte de ce conflit se situant en pleine Guerre Froide entre l’Est et l’Ouest que le Directeur de la CIA, Allen Dulles, souhaite élaborer des techniques de manipulations mentales du cerveau des individus, à partir de substances qui altèrent l’esprit ; en profitant évidemment des expériences tentées par les médecins nazis. Pour ce faire, il crée sans en aviser ses supérieurs, le projet MK-ultra, un programme secret de la CIA, totalement illégal puisque il n’en réfère ni au Président, ni au Chef d’Etat Major Américain, un plan dont l’unique objectif est d’influencer et diriger l’esprit des « cobayes », augmenter leur soumission en diminuant leur capacité de perception. Ce programme, dénommé au départ Bluebird, puis Artichoke, deviendra ensuite MK Ultra ; il existera secrètement de 1950 à 1970 et ne sera dévoilé qu’en 1975. Robotiser des hommes pour en faire de véritables « machines de guerre » était le but à atteindre par Allen Dulles. La CIA s’était aperçue que les pilotes américains faits prisonniers et détenus par les Chinois ou les Nord Coréens, revenaient après avoir subi un véritable lavage de cerveau. Dans ce contexte de Guerre Froide, où tout semble permis, les scientifiques n’auront aucune limite dans leurs expérimentations, y compris au détriment de la population américaine. Allen Dulles s’était octroyé tous les pouvoirs pour réaliser ces expériences sans aucun contrôle de son Gouvernement, ni technique, ni financier. Pour ce faire, un arrangement secret, interne à la CIA, réservait au projet un pourcentage de ses finances, (6 % du budget global en 1953).

    Olivier Pighetti affirme, comme Hank P Albarelli d’ailleurs, que les Américains ont « bombardé » des villes de la côte pacifique, comme San Francisco, depuis des navires de guerre avec des virus de maladies nosocomiales, pour mesurer ensuite le champ de propagation dans la population. D’autres expériences secrètes furent aussi menées comme des moustiques infectés par la dingue ou le virus de la coqueluche sur Tempa au Texas, et des drogues de synthèse comme le LSD, marihuana individuellement ou sur une fraction de la population.

    La véracité des affirmations du journaliste Hank P Albarelli dans son livre, confortées par Olivier Pighetti déclarant les avoir vérifiées lui aussi, semblent difficilement contestables quand on lit les déclarations d’un sous directeur de la CIA : « … plus de trente universités ou institutions avaient participé à un large projet d’expérimentations sur des sujets non volontaires de toutes catégories sociales en utilisant des médicaments à leur insu… Plusieurs essais consistaient à leur administrer du LSD à leur insu.. »

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    Bibliographie : Documentaire : « Le pain du diable » d’Olivier Pighetti diffusé sur France 3 le 08/07/2015 Livres : A terrible mistake du journaliste indépendant américain Hank P Albarelli Octobre 2009. La France des Années Oubliées de Steven Kaplan, historien, professeur dans une université américaine. Les raisons cachées Tony Jagu Editions de la Morelle 12/2018 Documents INA : interview des habitants de Pont Saint Esprit 25/04/1960 et 1985 Emissions de radio : l’Heure du Crime de Jacques Pradel sur RTL diffusée le 30 juin 2015 (invité Olivier Pighetti) et et l’émission du 26/06/2019 invité Tony Jagu Hondelatte raconte de Christophe Hondelatte diffusée le 14/02/2019 sur Europe 1 Affaires sensibles de Fabrice Drouelle diffusée le 7/02/2017 sur France Inter (Invité Steven Kaplan).

    Dans les prisons américaines on proposait à des prisonnier indigents un dollar par jour pour des essais de nouveaux types de savons, shampoings … en réalité des produits contenant des substances dangereuses avec des conséquences dramatiques pour leurs « cobayes ». On a demandé à des militaires de tester de nouveaux masques à gaz dans lesquels avait été introduit du LSD afin d’analyser leur réaction. D’autres expériences identiques ont été menées à l’insu des populations au Nicaragua ou au Venezuela, en Europe aussi, et c’est là que l’affaire de Pont Saint Esprit prend tout son relief avec une éventuelle introduction de LSD dans la farine du boulanger, malheureusement aucune preuve scientifique ne permet de l’étayer. Cette expérience en France aurait paraît-il porté le nom de code : MK Naomie.

    A partir du milieu des années soixante dix, plusieurs plaintes ont été déposées devant la Justice Américaine afin d’obtenir réparation concernant des expériences menées à l’insu de patients hospitalisés, détenus, militaires ou autres, enfin réparation pour ceux qui en avaient encore la possibilité car toujours vivants …pour les autres… !

    Le Sénateur Edward Kennedy (Ted Kennedy) en fait état dans son discours du 3 Aout 1977 devant le Sénat Américain. Certains prétendent même que l’assassinat de son frère, Robert F Kennedy aurait un lien avec ce projet MK-ultra.

    On lit dans un rapport du Sénat Américain de 1977 sur ces expériences,: « …il s’agissait de déterminer s’il était possible de contrôler une personne au point où celle-ci ferait ce que nous lui demanderions, même contre sa propre volonté, y compris contre les lois fondamentales de la nature »

    Le 3 juillet 1995, devant l’accumulation de révélations le Président Bill Clinton est obligé de présenter des excuses publiques concernant les expérimentations menées aux Etats Unis en particulier dans le cadre de ce programme MK-ultra pendant vingt ans. De nombreuses archives secrètes ont été dévoilées, mais dûment caviardées en ce qui concerne les victimes.

    « On devrait souhaiter à tout homme sensé, une certaine dose de poésie. » Goethe

    « La poésie, c’est un des plus vrais, un des plus utiles surnoms de la vie. » Jacques Prévert

    « Un poème est un mystère dont le lecteur doit chercher la clef. » Stéphane Mallarmé

    « Nommer un objet, c’est supprimer les trois quarts de la jouissance du poème qui est faite du bonheur de deviner peu à peu :

    le suggérer, voilà le rêve. » Stéphane Mallarmé.

    « Il suffit de penser pour être homme d’esprit ; mais il faut imaginer pour être poète. » Cardinal de Bernis.

    « L’art ne fait que des vers, le cœur seul est poète. » André Chénier.

    « Les poètes trouvent d’abord et ne cherchent qu’après. » Jean Cocteau

    Les écrivains et la poésie

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    Mazens, vice-

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    U n panonceau placé à l'entrée du village de Pugey (département du Doubs) informait, avant sa dégradation, sur deux événements locaux des premier et dix neuvième siècles. Le point commun entre ces deux présentations était le questionnement qu'elles suscitaient : Existence, à proximité, du lieu d'une bataille antique et construction d'un fort par

    Vauban...

    Bataille de Vesontio Alors que la Gaule jouissait de la Pax Romana, une bataille a effectivement opposé, en 68 après J. C., des troupes gauloises dirigées par Galus Julius Vindex, le gouverneur de la Gaule lyonnaise, en révolte contre Néron, à celles de Lucius Verginus Rufus venant de Germanie supérieure qui elles étaient restées fidèles au détestable empereur romain. Les deux armées s'étaient retrouvées près de Vesontio dont le gouverneur contestait également l'autorité romaine.

    Vindex fut vaincu et Vesontio punie par un saccage en règle. Certains historiens situent le lieu de l'affrontement dans la vallée du Doubs, sur le site de l'actuel quartier de Saint-Ferjeux, mais un architecte bisontin, historien à ses heures, fit valoir son point de vue. Il s'agit d'Alphonse Delacroix celui là même qui soutint que l'oppidum d'Alésia était situé à Alaise dans le Doubs. Cette hypothèse est aujourd'hui largement battue en brèche, mais concernant le lieu de la bataille, personne n'a contesté les conclusions de Delacroix.

    Sur quoi pouvait se baser notre historien pour désigner Pugey plutôt que Saint-Ferjeux?

    Sur la commune existait une vaste étendue, couverte jusqu'au début du XXe siècle, de centaines de "tumulus" et appelée pour cela le "cimetière de Pugey". Delacroix pensa que ce pouvait être les sépultures des soldats tués qui avaient été érigées sur place (les textes rapportent le chiffre énorme de 20 000 morts). Bien que son complice, le bibliothécaire Auguste Castan, venu faire des fouilles sur place, n'ait rien trouvé de probant, il échafauda, en l'absence de textes parvenus jusqu'à nous, un scénario de la bataille. Tout ceci fit l'objet de rapports lors des séances de la Société d’Émulation du Doubs, de sorte que les membres "savants" de l'époque, alors peu regardants sur l'existence de sources fiables, ont entériné ce lieu de bataille.

    Fort de Pugey Le panonceau disait textuellement, concernant ce fort, que Vauban l'avait fait construire à la fin du XIXe siècle.On sait que plusieurs fortifications ont été érigées après la mort du génial ingénieur en 1707, d'après les plans qu'il avait validés. Par ailleurs, l'architecte militaire du roi Louis XIV a si bien développé la fortification bastionnée venue d'Italie, que la France a été la dernière nation à renoncer à ce système dépassé par la puissance des obus qui avaient remplacé les boulets au milieu du XIXe siècle.

    Donc, depuis 1870, on ne "bastionnait" plus les forts, ce qui veut dire que celui de Pugey ne pouvait en aucun cas avoir la caution post mortem de Vauban à défaut de sa conception.

    Pugey est construit entre 1890 et 1892 dans le cadre d'un grand programme de fortification lancé, sur le nord et l'est de la France particulièrement, dès le retrait des troupes d'occupation faisant suite à la défaite de 1871.

    Une bataille et un fort à Pugey

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    Localement le programme consistait à entourer Besançon d'une place fortifiée composée de forts et batteries régulièrement espacés sur une circonférence de 50 kilomètres environ.

    Sur la base du camp retranché aménagé à la hâte durant la guerre franco-prussienne de 1870, le service du Génie a entrepris la construction de forts qui occupent les collines autour de la ville : Montfaucon, Benoit, Chailluz, Châtillon, Montboucons, Fontain... Les voisins de Pugey sont Planoise et Arguel.

    Une visite du site, situé sur un éperon dominant le village à l'ouest, en apporte la preuve s'il en était besoin que l'on a affaire à du post-Vauban. Au bout des 600 mètres de ce qui était le chemin stratégique, on aboutit sur ...rien ou presque : pas de courtines ni de bastion, encore moins d'échauguette, la marque de fabrique de Vauban, mais des levées de terre, de vagues emplacements pour des canons, deux fossés dont un envahi par la végétation et en partie éboulé et l'autre comblé. Si fort il y a, il est sous terre comme plus tard ceux de la ligne Maginot…

    Effectivement, l'ouvrage a été creusé dans le sol calcaire. Les experts en fortification expliquent que, vers 1885, l'artillerie avait fait un "progrès" considérable en adoptant pour la charge des obus, la mélinite, un explosif brisant bien plus destructeur que la bonne vieille poudre noire. Les quelques mètres de terre que l'on accumulait jusque là sur le haut les casemates n'était plus suffisant pour encaisser un coup direct alors que trois mètres de rocher suffisaient (en attendant la mise au point du béton armé de forteresse).

    Face ouest Pugey

    La place d’armes

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    Ce sont des perceurs de tunnels qui sont intervenus pour creuser les couloirs, chambrées, magasins et autres casemates de tir. La traditionnelle maçonnerie a été employée pour réaliser les murs et voûtes, doublés par endroit d'une paroi en brique creuse pour rendre le séjour moins inconfortable.

    Le fort n'a que le minimum d'ouvertures sur l'extérieur : la porte d'entrée qui se situe à fond de fossé, enterrement oblige, et deux escaliers en colimaçon d'une cinquantaine de marches qui permettent le passage rapide des "bas" vers les "hauts". Deux dômes en béton en protègent l'accès depuis l'intérieur de la place d'armes entourée de levées de terre. Si l'extérieur du fort se visite librement, on ne peut pénétrer à l'intérieur qu'avec l'accompagnement de bénévoles du village, la commune, propriétaire des lieux, ayant fermé les issues et équipé le fort d'un indispensable système d'éclairage.

    C'est par l'un des escaliers en colimaçon que l'on rejoint l'un des deux couloirs souterrains. On découvre une maçonnerie en parfait état 130 ans après sa construction ; une partie de la double cloison s'est effondrée mais ceci est attribué au vandalisme. Des ferrailleurs sont passés dès que l'armée a eu le dos tourné, ce qui a provoqué d'autres destructions et disparitions en particulier celle du wagonnet du rare pont à effacement latéral qui protégeait l'entrée.

    Les aménagements répondent aux besoins vitaux et missions du fort : héberger, plusieurs semaines éventuellement, 176 hommes et officiers, assurer la défense rapprochée et tirer au canon sur les attaquants de la place arrivant par le sud.

    C'est ainsi que l'on découvre au fil de la visite : -L'escalier reliant l'entrée au dessous avec, à son sommet, le protection de celle-ci par un fossé que venait recouvrir en temps de paix, le wagonnet du pont à effacement latéral ; -Quatre chambrées pour 40 soldats chacune, les châlits qui étaient scellés au sol ayant été emportés par

    Intérieur du fort de Pugey

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    les ferrailleurs. Pour le "confort" de ces pièces, éclairées comme les couloirs, par des lampes à pétrole,

    deux ouvertures dans le mur du fond permettaient l'aération de la chambre et le raccordement d'une

    cheminée de poêle ;

    -Une casemate de même format que les chambrées, partagée en trois : infirmerie, magasins à provisions

    et cuisine ;

    -La chambre du commandant du fort et son poste de commandement ;

    -Un emplacement pour les tinettes ;

    -Deux coffres de flanquement des fossés assurant leur défense avec en particulier des canons-révolvers

    à 5 tubes tirant des billes de plomb. On remarque que ces coffres sont en béton car exposés aux tirs

    ennemis.

    -Deux groupes de deux caves à canons dont les embrasures sont dirigées vers l'est et l'ouest afin de croiser leurs feux avec ceux de Planoise et Arguel situés de part et d'autre. Deux magasins à munitions préparées leur sont associés. Une équipe de bénévoles a réalisé une maquette grandeur nature de l'un des modèles de canons utilisés à la fin du XIXe siècle : un 80 mm de Bange.

    Ce modèle n'acceptant pas encore les obus encartouchés ; il fallait charger, par la culasse, l'obus puis une gargousse de poudre.

    Le fort devant être autonome, il pouvait se réapprovisionner en munitions grâce à un magasin à poudre situé au début du chemin stratégique.

    Pour l'eau, en l'absence d'une source, c'est un impluvium situé à proximité qui pouvait fournir jusqu'à 225 mètres cubes d'eau de pluie stockés dans une citerne souterraine à laquelle on accédait depuis le fond du fossé, près de l'entrée.

    Le fort se visite notamment pour les Journées du patrimoine et, depuis 2016, le grand parcours du trail des forts de Besançon emprunte ses 150m de couloirs et son escalier en colimaçon. Avec la pandémie de COVID 19, l'épreuve a été malheureusement annulée en 2020.

    Pour conclure, on peut dire que l'ombre de Vauban plane malgré tout sur les forts de Besançon, car

    le général Séré de Rivières, qui a piloté le gigantesque programme de fortification dont Pugey fait partie,

    a été surnommé "le Vauban du XIXe siècle". Les militaires allemands, impressionnés par la redoutable

    efficacité, sur la papier, de l'ensemble des lignes défensives et places fortifiées mises en place, les

    qualifiaient de "Barrière de fer".

    Les forts situés dans la zone de combat lors de la Grande Guerre n'ont, en définitive, eu qu'un rôle

    annexe si l'on excepte Vaux et Douomont.

    Une opération paramilitaire a toutefois eu lieu dans le fort : en 1941, les résistants du groupe de

    Larnod, baptisé "Guy Mocquet", sont venus tester avec succès des explosifs artisanaux dans l'une des

    caves à canons.

    Guy MOLLARET

    Embrasure à canon

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    Dernières nouvelles de notre Association J’espère que vous avez pu traverser, ainsi que vos proches, cette longue période de confinement sans être touchés par ce Corona virus, je vous souhaite d’être tous en parfaite santé. Cette maudite Covid 19 est venue balayer toutes les activités prévues jusqu’à l’été 2020 au sein de notre association. Notre Assemblée Générale a été repoussée au 25 septembre, toutes les prévisions de voyages culturels, la soirée consacrée aux premiers auteurs de notre Maison d’Edition Souffles Littéraires*… toutes les activités ont été annulées ; notre Studio Raspail a lui aussi été fermé comme les salles de spectacles mais les règles sanitaires l’imposaient. Vous recevez cette revue avec un trimestre de retard, mais nous ne sommes pas les seuls à être impactés, cette Covid 19 a provoqué beaucoup de dégâts et peut être plus encore dans notre monde associatif. Il m’est bien difficile de parler de projet, d’évoquer notre avenir, à cet instant où l’actualité ne parle que de seconde vague, de reconfinement … simplement, j’espère que cette revue paraîtra fin septembre comme prévu ? En attendant soyez prudents, respectez les gestes barrières afin d’échapper à cette maudite maladie. * En page 23 la presse salue la naissance de notre Maison d’édition Souffles Littéraires.

    Gérard LARGE Juillet 2020

    Notre groupe lors de la visite du fort

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    Il nous faut du courage en ces jours incertains Et du discernement et de la clairvoyance : Nous voici embourbés au milieu du chemin ; La peur nous prend tandis que fane l’Espérance ! Ô qu’ils sont courageux et vaillants, nos docteurs Ainsi que nos soignants ! Ô qu’ils sont héroïques ! Contre le mal qui va, menaçant, destructeur, Ne baissant pas la garde, ils bravent le tragique ! Gardons en nous l’espoir ! Il est notre flambeau ! Les hommes ont connu des journées plus terribles, Oui, des temps si hideux que c’en est indicible ! La large fosse, hélas, remplaçait le tombeau ! Ne minimisons pas la sinistre évidence Pour autant, surtout pas ! Des êtres à l’instant Au moment où j’écris achèvent l’existence Eux qui croyaient bientôt voir chanter le printemps ! Je pense à ceux qui sont plongés dans la détresse, A ceux, luttant encor et qui vont, triste sort, Voir se baisser pour eux le rideau de la pièce ; Je pense à ceux aussi qui seront les plus forts ! Le couvre-feu partout peu à peu mis en place Fait de la Liberté une peau de chagrin ! L’insidieux virus qui rit et nous menace Aimerait qu’on s’embrasse en nous tenant la main ! Mais il faut un moment prendre de la distance Pour que le mal s’épuise et se parler de loin ; Les masses sont pour lui sa joyeuse pitance ! Ne le régalons pas, ne le contentons point ! Séparons-nous un temps mais gardons la Concorde, Restons unis pourtant par l’âme et par l’esprit ! L’Humain, plus d’une fois a su vaincre les hordes ! L’Unité est la clé, elle n’a pas de prix ! En Italie on chante en chœur à sa fenêtre, Cela est beau à voir, si beau que dans mon cœur L’émoi m’étreint soudain ; je sens dans mes yeux naître Une vive fierté qui se mêle à des pleurs !

    Prudence et énergie ! Optimisme et confiance ! Courage mes amis ! Nous nous relèverons ! Ne nous emmurons pas dans un glacial silence : Le printemps va bientôt ouvrir chaque bourgeon ! Courage mes amis ! Courage est le mot d’ordre ! Envoyons-nous des vers, sourions, respirons, Car à son arc l’Amour a bien plus d’une corde ! Faisons feu de tout bois, mes amis, respirons ! L’Amour ne connaît pas le temps et la distance ! Il nous dit « Patience ! Ardeur ! Courage à tous ! » Il nous veut forts et fiers, pleins de persévérance ! Ce n’est pas le moment de nous mettre à genoux ! Du moins pas à genoux devant le mal qui ronge ! Peut-être face au Ciel et à l’Eternité ! Hélas, dans quel état ce laid virus nous plonge ! Certains fous nous diraient que c’est bien mérité ! Toi Vierge au doux sourire et toi Dieu de lumière Quel que soit votre nom, secrètes déités, Ecoutez je vous prie, écoutez ma prière Le monde souffre assez pour se voir éprouvé ! Déjà mille autres maux, sans compter la misère, Sans compter la famine et la corruption, Frappent jour après jour les peuples de la Terre Et nous oeuvrons si mal, nous qui sommes des pions ! L’Humanité déjà a eu son lot d’épreuves ! Donnez-lui la raison ! Offrez-lui le bonheur ! Que débute pour nous une ère toute neuve, Sans guerre et sans cruel, sans fléau destructeur ! Oui ils vont revenir les jours de grande liesse ! Ce sera beau à voir ! Les grands jours de soleil ! Séparons-nous un temps, mes amis, le temps presse ! Le jour du renouveau sera jour sans pareil ! Oui ils vont revenir les jours d’insouciance Les jours où l’on pourra, en foule, aller danser ! La sagesse dira « Fière Humanité, danse ! Mais après songe un peu qu’il te faut progresser ! »

    Après la peste grise, reviendra le soleil

    16 mars 2020

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    Allegro vivace Le monde va changer ! Comment ? Je ne sais pas, C’est là qu’est le mystère, or c’est une évidence ! Après tous ces chaos, après tous ces trépas Le monde va changer ou c’est la décadence ! Je ne suis vraiment pas un intellectuel ; J’appréhende fort mal notre monde actuel Alors me contentant de tisser mes églogues Je dis « Œuvrez pour nous, sages politologues ! » « Soyez concrets ! Œuvrez ! Bâtissez l’avenir, Repensez notre monde afin qu’il soit plus juste, Faites de la douleur un mauvais souvenir, Rendez l’Humanité plus sage et plus robuste ! » « Rendez réel enfin ce que nous fantasmons, Vous les entrepreneurs qui brassez des millions, Vous qui avez les pieds bien ancrés dans la terre Quand nous autres volons là-haut dans d’autres sphères ! » « Il faut l’Egalité, la Liberté, le Droit, La fin d’une industrie étouffant la nature, La fin de la famine et des semeurs d’effroi, De quoi guérir enfin l’Humanité future ! » « Un monde plus joyeux, un monde plus durable, Voilà ce qu’il faudrait ! Des lendemains charmants ! Un commerce plus sain et bien plus équitable Et de la Poésie et du discernement ! » « Le monde a réagi comme une fourmilière Réagit quand soudain on la voit en danger ! Ô fière Humanité, le monde va changer ! Nous sommes des milliards à faire la prière ! » Quand cette peste grise, hydre aux crocs malfaisants Comme l’affreux Goliath gésira sur la terre, Alors l’ère nouvelle, enfin, nous éclairant, Donnera ses couleurs au jeune millénaire !

    19 mars 2020

    Courage L’été brûlant souvent fait jaunir la garrigue Et le feu ravageur détruit tout le restant - Les éléments parfois tels des démons se liguent – Mais tout germe à nouveau quand revient le printemps ! Par l’ouragan cruel la cité est détruite Celle-là où la veille on faisait carnaval Les rires, les chansons soudain ont pris la fuite Mais moins d’un an plus tard renaît un festival ! Le pétrole partout jailli d’un grand navire : Les poissons, les oiseaux, englués, sont tués La mer est toute noire ainsi qu’un sombre empire Mais il suffit d’un lustre et tout est oublié ! Les flots sont poissonneux et les cormorans nichent Et l’onde est cristalline et les embruns sont blancs ! La cité relevant ses tours et ses corniches Est pleine d’espérance et de jeunes amants ! Et la garrigue où vont les vertes sauterelles Est pleine de parfums et de vives couleurs ! C’est là que la bergère au doux chant d’hirondelle Promène son troupeau dans l’air plein de tiédeur ! Courage mes amis ! Courage et espérance ! Les chants d’amours naîtront quand fuira la souffrance ! Regardez sur les flots bondir les grands dauphins ! Regardez la garrigue à la folle abondance ! Voyez : Rome est tombée, or Rome est toujours là ! Voyez ! Un météore a percuté la Terre Mais la vie orgueilleuse a su vaincre ici-bas, Les berceaux ont fleuri après les morts des guerres ! La Nature a parfois la force des titans ! L’Homme a en lui souvent de puissantes ressources ! Le feu ne peut en rien bâillonner le printemps, Le désert ne peut pas toujours vaincre la source !

    20 mars 2020

    « La poésie est cette musique que tout homme porte en soi. » William Shakespeare « Car la poésie est l’étoile - Qui mène à Dieu rois et pasteurs. » Victor Hugo - Les Rayons et les Ombres « Chose admirable, la poésie d’un peuple est l’élément de son progrès. […] » Victor Hugo - Les Misérables « Les dieux eux-mêmes meurent - Mais les vers souverains - Demeurent - Plus forts que les airains. » Théophile Gautier - Emaux et camées

    Les écrivains et la poésie

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    « Vous qui vous en allez à l’instant où j’écris Vous qui vous envolez vers quelque Eden, peut-être, Invisible Au-Delà qu’on n’a jamais décrit, Dans la voûte étoilée où veillent nos ancêtres, Ou qui peut-être, hélas, sombrez dans le néant, Dans un terrible rien qu’on ne peut pas dépeindre, Ce rien où même vont les dieux et les titans Où tout glisse, où tout fuit, tout fini par s’éteindre, Vous qui ne pensiez pas partir si promptement Et faisiez, tous joyeux, des projets de vacances, Je veux vous saluer très douloureusement, Vous qui n’entendez plus, pas même le silence ! » Pas même le silence ? Idiot ! Qu’en sais-je donc ? Je devine pourtant, oui j’ai le cœur sensible ! Si quelque chose existe, ailleurs et pour de bon Pourquoi être à ce point absent et invisible ? Et s’il était un mur, à y bien réfléchir, Un mur séparateur, un mur inaltérable ? Nul mort et nul vivant ne pourrait le franchir ! A quoi bon délirer et inventer des fables !

    Est-il quelque pays où vont tous les défunts Où même Orphée, hélas, ne pourrait pas descendre ? Un monde d’où pas même un bruit, même un parfum Ne s’échappe et pourtant où tout mort doit se rendre ? Je voudrais qu’un dieu vienne et me crie « Ignorant ! » Je voudrais tant qu’après il existe autre chose, Que vous tous qui partez si précipitamment Puissiez vivre bien plus que ne vivent les roses ! Je voudrais qu’il vous soit permis de rire encor De renaître ici-bas ou dans un autre monde Pourvu que le Bonheur, cet ange aux ailes d’or A vos vœux les plus chers à chaque fois réponde ! Je voudrais qu’un beau jour, venant jusques à moi Sur une plage ou bien au bord d’une rivière Vous me disiez avec un cœur gonflé d’émoi « Un dieu a répondu, poète, à ta prière ! » 20 mars 2020

    Jours de peste grise

    En sauvant une vie on en sauve plusieurs, On en sauve bien plus qu’on ne pourrait le croire Car un cœur est lié à tant et tant de cœurs, Car sans ses affluents il n’est ni Rhin, ni Loire !

    Ainsi quand vous sauvez un seul être ici-bas, Vous les ardents soldats d’un bien rude combat, Vous qui faites obstacle à l’affreuse hécatombe Vous en sauvez bien plus de la gloutonne tombe !

    Les amis, les amants, les parents, les enfants Et les petits enfants, les tendres amoureuses, Vous les sauvez aussi ! Le tombeau dévorant Ne peut pas chaque fois avoir la main heureuse !