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L ES ENJEUX MAJEURS DES PROGRAMMES Dque le Conseil adressait à la ministre de l'Éduca-tion en juillet dernier, intitulé : Pour un renou-vellement prometteur des programmes à l'école

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LES ENJEUX MAJEURS

DES PROGRAMMES D'ÉTUDES

ET DES RÉGIMES PÉDAGOGIQUES

A V I S A U M I N I S T R E D E L ' É D U C A T I O NJ a n v i e r 1 9 9 9

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Le Conseil a confié la préparation de cet avis à un comité composédes personnes suivantes : Madame Céline Saint-Pierre, présidentedu Conseil et présidente du comité; Monsieur Robert Céré, directeurde l’école secondaire Sophie-Barat et membre du Conseil; MonsieurRoger Delisle, coordonnateur de l'enseignement primaire à laCommission scolaire de la Capitale et membre de la Commission del'enseignement primaire du Conseil; Monsieur Norman Henchey,professeur émérite de l’Université McGill et consultant en recherchesur l’éducation; Madame Linda Juanéda, directrice adjointe à l'écoleprimaire Saint-Pierre et membre du Conseil; Monsieur ClaudeLessard, professeur à la Faculté des sciences de l’éducation del’Université de Montréal.

Coordination et rédaction : Arthur Marsolais.

Recherche : Marthe Henripin, agente de recherche; Jean Lamarre,agent de recherche.

Soutien : Marthe Rajotte et Jacqueline Giroux au secrétariat, NicoleLavertu à l’édition, Francine Vallée à la documentation et BernardAudet à la révision linguistique.

Avis adopté à la 473e réuniondu Conseil supérieur de l’éducation,le 3 décembre 1998.

ISBN : 2-550-33989-4Dépôt légal : Bibliothèque nationale du Québec, 1999

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Table des matières

Présentation ......................................................... 5

CHAPITRE 1 Cycles et compétences transversales : facteurs de renouveau des études primaires.. 7

1. Des cycles pour améliorer la réussite...... 72. Les cycles au primaire............................. 83. Le souci partagé des compétences

transversales ............................................ 9

CHAPITRE 2 Le soutien et l’enrichissement au secondaire : que penser de parcours précocement différenciés?.................................................... 13

1. Un héritage à reconsidérer .................... 132. Une latitude institutionnelle obscure..... 153. Le foisonnement des parcours............... 15

3.1 Différencier par les structures etdifférencier par l'action pédagogiquequotidienne ....................................... 16

3.2 Sensibilisation aux carrières et sens dutravail scolaire................................... 17

3.3 Pour une adaptation moins appau-vrissante ............................................ 17

3.4 La place des matières de base........... 174. Encadrement central, prise en charge

locale ..................................................... 185. Pilotage de système et rôle respectif de

ses paliers .............................................. 18

CHAPITRE 3 L'équilibre proposé du curriculum : enjeux de cohérence, de richesse culturelle et de mobilisation des élèves.......................... 21

1. Les logiques concurrentes en jeu .......... 212. Un curriculum effectif mal connu......... 223. Faiblesses des équilibres proposés........ 23

3.1 Carences du curriculum officiel duprimaire............................................. 24

3.2 Problèmes du curriculum officiel dusecondaire ......................................... 26

CHAPITRE 4 Pour un renouvellement majeur du deuxième cycle secondaire ....................... 29

1. Une fréquentation à augmenter ............. 292. Une base d'accès aux études de DEP .... 303. La possibilité d'une meilleure jonction du

deuxième cycle secondaire avec lesétudes collégiales .................................. 31

4. Quelques pratiques observables enmatière de jonction entre le secondaire etle postsecondaire ................................... 33

5. Un second cycle secondaire différenciéqui réponde à la diversité des besoins ... 34

6. L'arsenal des moyens et l'effet desrègles ..................................................... 35

6.1 Ampleur des options prévues............ 356.2 Valeur orientante de nombreux cours

optionnels et même de certains coursobligatoires ....................................... 35

6.3 Quelques cours optionnels trèspoussés.............................................. 36

7. L'usage possible de profils .................... 36

CHAPITRE 5 L'évaluation des apprentissages et la sanction des études................................. 39

1. L'évaluation courante ............................ 392. Plaidoyer pour un bilan certifié des

apprentissages en fin de premier cyclesecondaire.............................................. 40

3. Les conditions d'obtention du diplômed'études secondaires chez les jeunes ..... 41

4. Reconnaissance d'acquis et sanction desétudes secondaires au secteur del'éducation des adultes........................... 43

CHAPITRE 6 Une nouvelle articulation de la formation générale avec la formation professionnelle .. 45

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4 Les enjeux majeurs des programmes d'études et des régimes pédagogiques

CHAPITRE 7 Au-delà du régime pédagogique : les programmes, leur mise en œuvre, les moyens d'une réforme, la formation des enseignants ......................... 49

1. Quel type de programmes élaborer? ..... 491.1 Des énoncés clairs et des zones grises

dans les sources d'orientation ........... 492. Une démarche de mise en œuvre

à réajuster .............................................. 522.1 Le contexte du changement

institutionnel ..................................... 522.2 Mise en œuvre et caractéristiques des

programmes ...................................... 533. Les conditions de succès de la réforme. 544. La formation initiale des maîtres .......... 55

CHAPITRE 8 Observations diverses sur les régimes pédagogiques............................... 59

1. Parallélisme des régimes,esprit inclusif......................................... 59

2. Missions et fonctions ............................ 593. Services complémentaires et

particuliers............................................. 604. Évacuation du redoublement sous sa

forme traditionnelle............................... 615. Cycles d'études...................................... 616. Calendrier scolaire et temps prescrit ..... 617. Matériel didactique ............................... 628. Clarification de la définition des

personnes handicapées .......................... 629. Passage en formation professionnelle ... 62

Conclusion et recommandations...................... 63

Annexe : demande d'avis .................................. 67Index des articles commentés........................... 68

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Présentation

Un renouvellement majeur des études primaires etsecondaires prend forme, actuellement. Aprèsl’adoption d’orientations globales formulées dansPrendre le virage du succès (1997) puis L’École,tout un programme (1997), les moyens de la miseen œuvre se constituent, particulièrement parl’élaboration de nouveaux régimes pédagogiques,en même temps que l’on adopte des Orientationset encadrements pour l’établissement du pro-gramme de formation (1998), élaborés à l’initia-tive de la Commission des programmes d’études.

On exagérerait difficilement l’importance d’unnouveau régime d’études pour l’éducation présco-laire et les études primaires et secondaires. Il traceles limites du possible. Il sépare, en deçà de ceslimites, le probable de l’improbable, ce qui va desoi de ce qui restera très difficile à réaliser. Enmême temps, les décisions qu’il retient serventrétrospectivement à comprendre ce qui est pris ausérieux et ce qui n’avait qu’un poids rhétoriquedans les documents d’orientation ou les énoncésde politique qui l’ont précédé.

Le Conseil supérieur de l’éducation a choisi icid'aller au-delà d'une lecture étroitement adminis-trative des documents réglementaires que sont lesrégimes pédagogiques et orientée par une perspec-tive de logique interne et de fonctionnalité. Il s’yarrêtera plutôt en les replaçant sur l’horizon dusouhaitable dégagé par les orientations de départ.Il tentera de les examiner en toute conscience desvisées d’un régime et des conditions autres queréglementaires et nécessaires pour améliorerl’éducation1.

Pour remplir son obligation légale de conseillerl’État en matière de régimes pédagogiques, leConseil a construit son analyse autour de grands 1 On trouvera un éclairage fourni par la recherche

dans deux documents de la collection Études etrecherches du Conseil : R. Grégoire inc., ClaudeLessard, Jean Lamarre, Le Renouvellement ducurriculum : expériences américaine, suisse etquébécoise, 1999; Marthe Henripin, Différencierle curriculum au secondaire : vers des parcoursscolaires stimulants pour tous les jeunes, 1999.

enjeux sur lesquels un régime pédagogique anécessairement des incidences, de façon à expli-citer celles-ci. Il examinera ainsi :

1. la structuration des étapes de progressionscolaire et la concertation autour de compé-tences transversales2; leurs répercussionspositives particulièrement sur l'école primaire;

2. le soutien pédagogique, l’adaptation et ladiversification des parcours des élèves, parti-culièrement au premier cycle secondaire;

3. l’équilibre du curriculum, au regard desgrilles-matières proposées;

4. le renouvellement en profondeur requis dusecond cycle secondaire, du point de vue del'accessibilité de l'éducation, de cours suffi-samment exigeants, de l'orientation profes-sionnelle et, enfin, d'une jonction plus organi-que avec les études collégiales;

5. l'évaluation des apprentissages en général et lasanction des études secondaires;

6. les éléments neufs de l’articulation de la for-mation générale avec la formation profession-nelle3.

Le Conseil développera ensuite quatre thèmes liésde près au régime pédagogique du préscolaire, duprimaire et du secondaire : la conception des pro-grammes, le processus de leur mise en œuvre, lesconditions de réussite de la réforme amorcée et,

2 C'est-à-dire, par exemple, des habiletés comme

savoir se documenter, savoir comment aborder ettraiter un problème, savoir travailler avec d'autres,habiletés qui «traversent» en quelque sorte toutesles matières.

3 Le présent avis se situe en continuité avec celuique le Conseil adressait à la ministre de l'Éduca-tion en juillet dernier, intitulé : Pour un renou-vellement prometteur des programmes à l'école.Ce précédent avis centrait particulièrement sesanalyses sur les missions de l'école, sur les domai-nes d'apprentissage, sur la jonction avec ceux-ci dethématiques transversales et de compétences trans-versales, et sur la valorisation de l'autonomie pro-fessionnelle par rapport au curriculum officiel.

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6 Les enjeux majeurs des programmes d'études et des régimes pédagogiques

enfin, la formation des maîtres. En dernier lieu,avant de conclure son avis, le Conseil regrouperades remarques plus brèves sur divers articles desrégimes pédagogiques.

Parmi les trois régimes pédagogiques soumis à laconsultation au début d’octobre 19984, celui quiconcerne le préscolaire, le primaire et le secon-daire recevra certes l’attention prépondérante qu’ilrequiert. Cependant, le régime de la formationgénérale des adultes et celui de la formation pro-fessionnelle seront aussi analysés, avec un regardparticulier sur leurs éléments les plus neufs, quisont liés à des aspects du premier : sanction desétudes dans le premier cas, place faite à la forma-tion générale dans le second cas.

Le fil conducteur du présent avis se focalisera – àl’égard du nouveau régime pédagogique de l’édu-cation préscolaire, de l’enseignement primaire etde l’enseignement secondaire tout récemmentdiffusé – sur les aspects suivants : comment fairepour que les grandes perspectives d’améliorationde l’éducation ouvertes par la volonté actuelle deréforme et de renouvellement soient mieux ser-vies, mieux instrumentées, mieux appuyéesadministrativement par les règles de structura-tion de l’éducation retenues dans les régimespédagogiques?

4 Les textes de ces régimes, datés du 6 octobre 1998,

ont eu une diffusion si large que le Conseil n'a pascru nécessaire de les joindre en annexe. On retrou-vera toutefois l'un ou l'autre des articles discutésdans un encadré au fil du texte.

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CHAPITRE 1Cycles et compétences transversales :

facteurs de renouveau des études primaires

Deux éléments du régime pédagogique proposécorrespondent à l’émergence d’un nouvel idéalpédagogique, le légitiment et favorisent sa pro-gression concrète : il s'agit d’une part d’un décou-page pluriannuel de la progression, par les cycles,et, d’autre part, de la place faite à des compéten-ces transversales, dont l'application est condition-née par une perspective de coresponsabilité de lapart des éducateurs qui prennent charge de mêmesgroupes d'élèves.

Cet idéal pédagogique colle au phénomène de laprogression de l’élève. Quels problèmes, quellescarences ont fait émerger cet idéal? Voilà ce qu'ilfaut mettre en évidence. Autrement, on risque dene pas bien voir la portée potentielle des nouveauxéléments structurants du curriculum.

1. Des cycles pour améliorer laréussite

Les programmes actuels sont appliqués par réfé-rence à une progression découpée sur une baseannuelle, et redécoupable même en quatre éta-pes dans l'année. On postule alors un seuil précisd’acquis vérifiables. Plus ces acquis sont décou-pés en petites unités, plus il est facile de «fairepratiquer» ces petites unités grâce à des cahiersd’exercice. Les seuils sont bas et uniformes, caron postule que le groupe-classe avance vers euxde façon essentiellement synchronisée. Ces seuilssont bas pour être à la portée de la grande majo-rité, et ils sont inflexibles. Le programme est pres-que fétichisé : «passer le programme» gouvernel’emploi du temps. Celui ou celle qui achopperedouble. Les seuils sont si clairs qu’on sait déter-miner sans l’ombre d’un doute qui a un an ou biendeux ans de retard par rapport à la moyenne oupar rapport au seuil fixé dans le programme.

Il est difficile d'accepter des différences interindi-viduelles importantes dans le profit que les élèvestirent de la classe. Les programmes qui visent àune progression strictement uniforme ont en vuela «moyenne basse» d'un groupe, ils tiennent enmême temps pour acquis une frange d'échecs

quasi inévitables. Les programmes, au contraire,dont l'adaptation et l'enrichissement font partiedès leur conception, tolèrent mieux des écartsdans les acquis et en même temps servent beau-coup mieux à réduire les échecs, en remédiant auxdifficultés au fur et à mesure. Dans le premier cas,souvent, on «passe le programme» à un rythmeuniforme. Dans le second cas, l'emploi du tempsest plus flexible et tient compte des découvertesde la «pédagogie de la maîtrise5».

La raison principale de la réticence devant desdifférences interindividuelles importantes, qui nesont en aucun cas des échecs mais plutôt un profitvariable à retirer de la dimension enrichissementd'un programme, réside sans doute dans l'impor-tance justifiée qu'on accorde aux «mauvaisesdifférences», directement liées à des facteurssociaux. Ainsi, par exemple, dans un État commele Texas, les ressources disponibles dans lesécoles publiques varient, selon l'endroit où l'on setrouve, de 2 000 $US à 8 000 $ par élève, et lereste va de pair6. Ici, bien sûr, la péréquation quijoue dans le financement public nous protège detels écarts extrêmes. Cependant, tous les effets dumilieu économique et culturel ne sont pas annuléspour autant.

5 Le «mastery learning», particulièrement identifié

aux recherches de Bloom, postule qu'il reste trèspeu d'échecs si l'on s'assure de deux choses :d'abord, que l'élève possède effectivement lesacquis présupposés par une nouvelle tâche d'ap-prentissage; ensuite, qu'il dispose du temps dont ila besoin, temps variable d'une personne à l'autre.

6 Voir Glenn De Voogd, «Relationships and Ten-sions in the Primary Curriculum of the UnitedStates», dans J. Moyles et L. Hargreaves (éd.) ThePrimary Curriculum. Learning from InternationalPerspectives, Londres, Routledge, 1998, p. 139-157.Cette analyse montre que la culture institutionnelleprévalant dans des zones sous-financées et desécoles fréquentées par un grand nombre d'élèveshispanophones est fréquemment autoritaire,prompte aux sanctions. La direction de l'école oudu district prescrit le curriculum en imposant auxenseignants les manuels et les cahiers d'exercice,matériel commercial qui va parfois jusqu'à préciserles questions que l'«enseignant usager» doit poser!

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8 Les enjeux majeurs des programmes d'études et des régimes pédagogiques

L'idéal pédagogique qui inspire le régime péda-gogique proposé affronte la question sous l'angled'une progression optimale plutôt que strictementuniforme pour tous les élèves. Il le fait en ryth-mant la progression de l'élève par des cycles pluri-annuels. Les programmes proposés le font pourleur part, par leur double promesse d'adaptationaux difficultés possibles des élèves et d'enrichis-sement.

Il y a ici deux situations pédagogiques graves àsignaler : d'une part, il y a des élèves qui achop-pent et qui, à terme, seront relégués ailleurs parcequ'incapables de suivre; d'autre part, des élèvesqui se démobilisent, parfois du fait d’un rythmetrop lent, d'un contenu trop pauvre, parfois du faitde la passivité impliquée justement par «suivre»ou d'une pédagogie incapable de leur faire expéri-menter du succès.

L’idéal pédagogique apte à remédier à ces situa-tions comporte trois facettes. La première, la plusancienne et la mieux connue, s’appelle pédagogieactive : elle consiste à savoir mettre en jeu lescapacités, les efforts, les ressources des élèves pardes tâches d’apprentissage. Les «mobiliser», lesmettre en mouvement, constituer un environne-ment éducatif propice à leur faire vivre un proces-sus d'apprentissage. La seconde s'appuie sur ladimension enrichissement d’un bon programme,qui fait que l’élève ne plafonne pas trop tôt dansson effort, par le fait d’attentes institutionnellestrop réduites. La troisième facette, la plus difficileet la plus prometteuse, incite à recourir à la prati-que d’une pédagogie différenciée, qui diversifieles dispositifs d’apprentissage selon les difficultésrencontrées7. Tout échec et toute difficulté ne sontplus, alors, traités comme l'effet d’une lenteur

7 Voir Jacques de Lorimier, Des stratégies pour la

qualité de l'éducation en France : réformes desystème et pédagogie différenciée, Québec, Con-seil supérieur de l'éducation, 1987, coll. Études etdocuments, n° 3. Voir un plaidoyer pour la péda-gogie différenciée enraciné dans la recherche cou-rante sur l'activité cérébrale : Carol Ann Tomlin-son et M. Layne Kalbfleisch : «Teach Me, Teachmy Brain : A Call for Differentiated Classrooms»,dans Educational Leadership, nov. 1998, p. 52-55.

congénitale, d’un manque de talent ou d’uneabsence de motivation.

La pédagogie différenciée constitue un contrastemajeur, en termes d’accompagnement de la pro-gression de l’élève, par rapport aux pratiques plustraditionnelles de découpage du travail scolaire, etpar rapport à l’usage coutumier de l’évaluation.Elle contredit radicalement la tendance à placerailleurs que dans la classe ordinaire l’élève quipeine et à recourir sans grande hésitation auredoublement.

2. Les cycles au primaire

Article 15. L'enseignement primaires'organise sur 3 cycles de 2 ans.

L'instauration de trois cycles, au primaire, appelleà développer les moyens d'aider constamment lesélèves. Il ne faut pas se contenter trop aisément dediagnostics qui laissent prévoir un redoublement.L’idéal d’une pédagogie qui accompagne la pro-gression et reconnaît que les mêmes dispositifsdidactiques ne conviennent pas indifféremment àtous les élèves conduit aujourd’hui à privilégier,dans le curriculum officiel, des phases de pro-gression pluriannuelles. Telle est la raison d’êtredes cycles de deux ans au primaire. C'est le pre-mier élément de la lutte à l'échec8. Le cycle per-met, par un soutien pédagogique inventif etimmédiat, impliquant les divers professeurs quienseignent au même élève au cours d’un cycle,d’éviter les échecs évitables et la solution, actuel-lement fort courante, du redoublement. La clauseprévoyant la possibilité de «redoubler» chaqueannée du primaire est disparue du régime pédago-gique. Mais l’instauration des cycles appelle bienautre chose qu’un découpage administratif : elleest une prise en charge de la progression d’autantplus efficace et mobilisante qu’on aura recours àune pédagogie active qui sollicite les élèves à la

8 Le chapitre 7 touchera plus directement les pro-

grammes et leur potentiel à la fois d'adaptation etd'enrichissement.

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Cycles et compétences transversales : facteurs de renouveau des études primaires 9

limite supérieure de leurs capacités. Le meilleurcurriculum effectif dans l’école et la classe inviteà un optimum dosé et non pas à un minimumuniforme. Le programme officiel qui soutient etinspire le curriculum effectif n’est pas d’abord unoutil de discrimination entre «passer» ou «échouer».Il est bon ou médiocre selon l’appui qu’il fournit àstimuler la progression de l’élève.

Les deux cycles du primaire recouvraient jusqu’icides appellations administratives accordées avecune structuration annuelle de la progression. Lanouvelle structure des cycles bisannuels comporteun immense potentiel de renouvellement pédago-gique si elle dépasse la portée d’une étiquetteadministrative ou d’un simple découpage des pro-grammes officiels.

En quoi l'instauration de cycles appelle-t-elle plusde concertation et de collaboration entre ensei-gnantes et enseignants? Dans le contexte du pri-maire, cela peut jouer de diverses façons. Si lemême titulaire de classe ne suit pas ses élèves surl'ensemble du cycle, il faut absolument une con-certation entre l'ensemble des titulaires des classesde même cycle, d'abord. En second lieu, des pro-grammes par cycles invitent à engager des élèvesdans des apprentissages pour lesquels ils parais-sent prêts au moment opportun en cours de cycle,et pas nécessairement tous au même moment.Ainsi, sur six classes de deuxième cycle primaire,il est tout à fait pensable d'engager 30 ou 40 élè-ves dans un module de mathématiques qui n'estpas requis ou approprié pour tous et toutes, ce quidemande une concertation fine. En dernier lieu, letravail par cycles donne une souplesse dans l'usagedu temps qui est extrêmement intéressante pourles matières couramment confiées aux spécialistes.En effet, pour que l'initiation artistique ou l'ap-prentissage de la langue seconde puissent revêtirdes caractéristiques de pédagogie de projet, desdoses hebdomadaires infimes ne suffisent pas. Unmodule substantiel plus concentré dans le tempsse prête beaucoup mieux à une pédagogie active etdifférenciée. Cela, toutefois, est pratiquementimpensable sans une collaboration très étroiteentre titulaires et professeurs spécialistes.

3. Le souci partagé descompétences transversales

Article 30. Le bulletin scolaire del'élève doit contenir au moins lesinformations suivantes : […]

17° le degré de maîtrise descompétences transversales

Un second élément du nouveau régime pédagogi-que fait appel à une prise en charge collective parles éducateurs : les compétences transversales.Leur aspect le plus concret, et le plus lié à la péda-gogie active, réside dans les habiletés ditesméthodologiques, de l’ordre de l’aisance dans lesfaçons de s’y prendre pour apprendre (en atta-quant un problème, faisant avancer un projet,recueillant de l’information, etc.). Les habiletésintellectuelles dites génériques y figurent égale-ment avec toute la légitimité que confirme ungrand constat : un curriculum effectif pauvre sedistingue très fréquemment d’un curriculum richedu fait qu’il met trop peu en jeu les habiletés intel-lectuelles les plus complexes en se contentant desplus élémentaires. Les compétences transversalesproposées actuellement englobent aussi des com-pétences d’ordre social et mettent en valeurl’habileté expressive et communicative du lan-gage à travers l’ensemble des apprentissages9.

9 On trouve en Australie une structuration du curri-

culum qui a beaucoup d'affinités avec celle-ci enmatière de domaines transversaux («Cross-curricular areas»). En effet, à huit domaines disci-plinaires (anglais, sciences, mathématiques, autreslangues, technologie, études sociales et environne-mentales, arts, santé et éducation physique), oncombine les dimensions suivantes, particulière-ment interdisciplinaires : 1) environnement;2) technologie de l'information; 3) habiletés per-sonnelles et interpersonnelles; 4) éducation auchoix de carrière et au travail; 5) compétenceslangagières ou «littéracie»; 6) compétence dans ledomaine du quantitatif («numeracy»). Les Regan,«Primary Schooling : an Australian Perspective»,dans J. Moyles et L. Hargreaves (ed) The PrimaryCurriculum : Learning from InternationalPerspectives, p. 164-165.

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10 Les enjeux majeurs des programmes d'études et des régimes pédagogiques

C’est une approche excellente à condition deprendre les moyens de dépasser la rhétorique etl’exhortation à les développer. Nous sommes àpeine à pied d’œuvre. La recherche pertinente estmal connue, peu traitée dans les unités responsa-bles de programmes au Ministère et peu en évi-dence dans nos facultés d’éducation. Il faudra yremédier, et savoir piloter ce changement avecbeaucoup d’adresse. Il faudra éviter, surtout, delaisser s’accréditer une compréhension de ce défiqui laisse croire qu’on enlève quelque chose auxdomaines spécifiques d’apprentissage, art, his-toire, chimie, etc. lorsqu'on prend au sérieux lescompétences transversales. Les habiletés d'ordreméthodologique et d'ordre intellectuel ont leurplace dans tous les domaines et toutes les discipli-nes mais de façon adaptée. Il en va de même deshabiletés et des attitudes sociales, et des capacitésd'interprétation, d'expression écrite et orale. Cepen-dant, agir en ordre dispersé, en vertu d'une volontépurement individuelle, c'est risquer de s'en tenir àdes velléités. Il faut, entre professeurs d'histoire,de mathématiques, de sciences et technologie, delangue seconde, de langue d'enseignement, s'en-tendre sur l'exercice de l'habileté à se documen-ter, à accéder à des banques de données, à extraireune idée principale; il faut, entre éducateurs physi-ques, professeurs d'éducation morale, usagers dutravail en équipe, responsables des repas, des acti-vités parascolaires, donner une forme particu-lière et des lieux d'exercice aux compétencessociales, civiques, relationnelles à cultiver. C'estun champ neuf. Sa mise en œuvre repose sur uneculture institutionnelle d'initiative concertée etpartagée dans l'école.

Il faut accepter ici un leadership professionnelentre pairs, qu'une petite cellule interdisciplinairepilote la figure à donner en matière d'habiletésméthodologiques à des stratégies largement parta-gées, par exemple. Qu'une enseignante de françaisou d'anglais vienne d'abord à quelques cours d'art,de sciences, de mathématiques ou de géographiepour ensuite inspirer ses collègues en matière destratégies de lecture efficaces, d'aide à la rédac-tion… Il y a dans le champ des «compétencestransversales» matière à exploration, validation et

développement pour des années. Que les premiè-res démarches soient balbutiantes est tout à faitnormal. Cet élément des programmes à venir sera«à l'essai», et l'essai sera productif à condition d'ymettre du sien à plusieurs au-delà des multiplescercles disciplinaires.

La prise en charge des compétences transversalesest une occasion majeure de professionnalismecollectif10, mais en même temps d'une promotionque les enseignants peuvent conduire auprès desparents membres des conseils d'établissement, cardes préoccupations englobantes de l'ordre descompétences transversales ont une pertinencedirecte sur le projet éducatif de l'école, comme lesoulignait le rapport Réaffirmer l'école. Encoreune fois, cependant, l'importance des compétencestransversales n'enlève rien à la valeur des disci-plines, et ne tend absolument pas à faire se repré-senter celles-ci comme des réservoirs de connais-sances figées, car l'élément clé, ici, est la jonction,le «mariage» entre le spécifique et le plus com-mun, la construction de compétences moins spéci-fiques à l'intérieur même des diverses disciplines.

Par ailleurs, le Conseil supérieur de l'éducationfait volontiers remarquer qu'une réflexion analo-gue touchant la formation générale au secteur desadultes n'apparaît pas dans le régime pédagogiquerévisé. En même temps, la réduction des ressour-ces conduit à faire reposer l'alphabétisation deplus en plus sur le volontariat et le bénévolat desorganismes communautaires. Pourtant, l'éducationdes adultes essaie de joindre depuis longtemps lamaîtrise de grandes capacités instrumentales d'im-portance évidente, en langue d'enseignement, endécodage du quantitatif, à la perspective d'uneappropriation culturelle du technique, du civique,du champ scientifique, de perspectives histori-ques, en affinité étroite avec les domainesd'apprentissage reconnus dans les programmespour les jeunes. Le potentiel d'une compréhensionnouvelle de la progression dans l'apprentissage et 10 Voir le rapport annuel 1990-1991 du Conseil

intitulé La Profession enseignante : vers unrenouvellement du contrat social, Québec, 1991.

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Cycles et compétences transversales : facteurs de renouveau des études primaires 11

du soutien qu'appelle cette jonction intéresse aussila formation générale du secteur des adultes et ilfaudra s'en préoccuper.

Le Conseil supérieur de l’éducation reconnaîtle bien-fondé et l'intérêt des grands cycles deprogression instaurés par le régimepédagogique de même que l'importance del’attention privilégiée apportée aux

compétences transversales; il recommande auministre de l'Éducation d'exprimer plusclairement le sens des cycles dans le régimepédagogique, et de soigner le suivi de la mise enœuvre des compétences transversales de façonà en maximiser le profit pour les élèves.

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CHAPITRE 2Le soutien et l’enrichissement au secondaire :

que penser de parcours précocement différenciés?

Dans son avis de 1994 intitulé Rénover le curri-culum du primaire et du secondaire, le Conseilsupérieur de l’éducation encourageait à différen-cier davantage le curriculum du deuxième cyclesecondaire, au sortir d’un curriculum essentielle-ment homogène du début du primaire jusqu’à latroisième secondaire. Ceci n’est évidemment paspossible sans une plage de cours optionnelssubstantielle. Le Conseil suggérait alors de penseraussi à des cours plus avancés dans certainesmatières obligatoires. Ce principe d’un curriculumdont l’uniformité décroît substantiellement aprèsle premier cycle secondaire, la Commission desÉtats généraux sur l’éducation l’a par la suiterepris et fait sien.

Cependant, l’approfondissement de la problémati-que d’un curriculum différencié et l’examen atten-tif de l’ensemble des études secondaires, condui-sent à poser la question de la différenciation surdes bases nouvelles. Le premier cycle secondaireest déjà le lieu d’un foisonnement de parcoursdiversifiés : programmes d'arts-études, de sports-études, programme international, présecondaire,cheminements particuliers… Est-ce actuellementune réalité située hors régime pédagogique que larévision de celui-ci laissera tout aussi marginale?Qu’adviendra-t-il des contingents considérablesd’élèves lancés dans un programme dit d’éduca-tion internationale au secondaire? Il n’est passouhaitable que l’on adopte un règlement derégime pédagogique pour une bonne décennie,sans doute, sans avoir très sérieusement réfléchi àla multiplication des filières et des parcours d’élè-ves qui caractérise notre premier cycle actuel.

1. Un héritage à reconsidérer

Nous avons, au Québec, des études primaires etsecondaires d'une durée de onze ans, au regard desdouze années allouées ailleurs au Canada et enAmérique du Nord. Malgré cela, à l’observationde la performance de nos élèves dans les étudescomparatives internationales de sciences et demathématiques, on peut considérer que, dans lesmatières «académiques» les plus prestigieuses,

nous accomplissons en onze années d'études à peuprès ce que d’autres systèmes scolaires atteignenten douze années11. Notre performance en matièred'apprentissage de la langue française ou anglaiseressort avec avantage en milieu économiquementfaible12. Mais il y a un envers, qui mérite reconsi-dération, à ce côté reluisant de la médaille : laformation pratique, technique et professionnellen’a pour ainsi dire pas droit de cité. Les champsmoins purement académiques et moins potentiel-lement sélectifs sont négligés. La différence n’estpas faite entre la mathématique la plus formaliséeet l’apprivoisement du domaine quantitatif et sondécodage (ce qu’on appelle «numeracy», dans lesétudes sur le curriculum). Y a-t-il un autre sys-tème scolaire, en Amérique du Nord, où la posi-tion dans les deux premiers cinquièmes d'un coursde mathématiques de 3e secondaire (mathématiques314) sert à discriminer d'autorité ceux et celles quiferont un 2e cycle secondaire à haute teneur d'op-tions scientifiques, de tous les autres qui devrontprendre des voies diversifiées, moins valorisées13?En survalorisant la réussite en mathématiques,

11 Voir les résultats de la recherche Troisième

enquête internationale sur la mathématique et lessciences (TEIMS), dans le Bulletin statistique del'éducation, Québec, ministère de l'Éducation,n° 6, août 1998.

12 Voir G. Douglas Willms, Literacy Skills ofCanadian Youth, Ottawa, Statistiques Canada etDéveloppement des ressources humaines Canada,sept. 1997. (Adresse Internet : orderatstatcan.ca).On établit ici qu'au Québec, au Manitoba et enAlberta, l'effet différentiel des facteurs de statutsocioéconomique est nettement moins marquéqu'ailleurs au Canada.

13 Cette sélection a parfois été démentie par lerecours à d'autres approches pédagogiques. Ainsi,à l'école secondaire polyvalente Le Boisé, deVictoriaville, au cours des années quatre-vingt, les«ateliers culturels» des élèves de la formation pro-fessionnelle longue conduisaient ceux-ci à réussirles mathématiques les plus avancées de 5e secon-daire, tandis que, dans la majorité des écoles, lesélèves du secteur «professionnel long» n'avaientpas accès à ce cours. Ces approches pédagogiquessont mises en œuvre, aujourd'hui, auprès d'autresgroupes d'élèves dans les CEFER (centres de for-mation en récupération).

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14 Les enjeux majeurs des programmes d'études et des régimes pédagogiques

même pour accéder à une formation en coiffure,cuisine ou horticulture, nos études secondairesaffichent une hiérarchisation des valeurs pour lemoins problématique.

Ces observations sont précieuses pour interpréterce qui se passe au premier cycle secondaire14.Notons l'émergence de filières enrichies, quiregroupent diverses pistes d'excellence : musicale,sportive; qui poussent plus loin les apprentissagesproprement scolaires, en direction des languesvivantes par exemple; qui relancent la motivationde groupes d'élèves autour de projets de technolo-gie auxquels se joignent d'autres enseignementsdisciplinaires (cas de la voie technologique à par-tir de la 3e secondaire). Émergence surtout dedivers cadres de rattrapage pour des élèves quisuivent difficilement : année présecondaire, che-minements particuliers de formation temporaires,cheminements particuliers de formation continus…

Au regard de tout cela, la reconnaissance d'acquissuffisants pour une réussite du premier cyclesecondaire reste nébuleuse. La tentative desannées quatre-vingt pour «faire compter» tous lescours depuis la première secondaire pour l'obten-tion du diplôme d'études secondaires («au moins130 unités accumulées depuis la 1re secondaire») aété abandonnée, même si elle fournissait auxécoles un certain repère pour considérer commeréussie une année de premier cycle, par exemple24 ou bien 28 unités réussies sur 36 unités annuel-les. Ceci ne joue plus. Il n'existe plus de repèrespour reconnaître un premier cycle secondaireréussi. Il faudrait là de toute évidence un certifi-cat, analogue par exemple, à celui de l'«initialmastery» mis en place par l'Oregon15, ou aubrevet des collèges que les jeunes écoliers deFrance obtiennent après leur 9e année d'études et

14 Le Conseil supérieur de l'éducation a effectué, en

1985, un tour d'horizon de multiples filières d'enri-chissement : voir Par-delà les écoles alternatives :la diversité et l'innovation dans le système scolairepublic.

15 Voir Le Renouvellement du curriculum : expérien-ces américaine, suisse et québécoise, 1re partie.

avant d'entrer au lycée, parallèle, en grande partie,à notre second cycle secondaire. Le chapitre 5reprendra cette question importante.

La diversification considérable des parcours pourfin de rattrapage au premier cycle du secondaire,et l'ampleur de leur fréquentation décidée institu-tionnellement posent deux questions sur lesquellesun régime pédagogique ne peut pas rester muet.Jusqu'à quel point de tels cadres de diversificationdoivent-ils rester définis centralement par leMinistère et conditionnés par ses allocations deressources? Jusqu'à quel point le curriculum«commun» offert doit-il rester hors de portée d'unnombre aussi substantiel d'élèves?

La diversification des parcours pour fin d'enri-chissement16, en parallèle avec le parcours plusstandardisé, pose aussi des questions pertinentes àun régime pédagogique. Au-delà de 20 000 élèvesdu secondaire sont actuellement engagés dans desprogrammes d'éducation internationale. D'autresoffres de parcours non traditionnels permettentdes accents marqués sur le sport, sur les arts, surles sciences de la nature, sur la langue seconde. Lenouveau régime pédagogique et les programmesd'études repensés de façon à comporter chacunun potentiel d'enrichissement permettrontd'approcher autrement une partie de la demandesociale d'éducation à laquelle répondent actuelle-ment les parcours enrichis. Cette diversificationdes parcours pour fin d'enrichissement devranécessairement s'appuyer sur la responsabilitélocale nouvelle assumée par les conseils d'établis-sement en vertu de la Loi sur l'instruction publi-que. Elle ne peut pas aussi ne pas s'ajuster à la margede manœuvre que délimite le régime pédagogique.

16 Pour un portrait de situation synthétique, voir M.

Henripin, Différencier le curriculum au secon-daire : vers des parcours scolaires stimulants pourtous les jeunes.

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Le soutien et l'enrichissement au secondaire : que penser de parcours précocement différenciés? 15

2. Une latitude institutionnelleobscure

Il y a bien une clause générale, en matière de pro-grammes officiels, qui s'ajuste indirectement à lacapacité locale d'adapter le curriculum offert : lefait que les objectifs des programmes officielspuissent théoriquement être atteints, pour la grandemajorité des élèves, avec 75 % du temps normalcorrespondant17. Cependant, cette clause, qui tra-duit plutôt des orientations en matière d'élabora-tion des programmes qu'un principe d'équilibreentre matières, ne fonde pas clairement la latitudede l'école en matière d'équilibre local du curricu-lum. On peut aussi bien la comprendre commel'espace de jeu de l'enseignant individuel, «adap-tant» et «enrichissant» la démarche d'apprentis-sage pour les uns et les autres en relation avec leurcheminement que comme la possibilité pour l'écoleet son conseil d'établissement de faire varier letemps alloué aux divers enseignements.

Dans l'esprit du régime pédagogique précédent, lemodèle commun d'organisation scolaire, d'alloca-tion du temps et, par conséquent, des ressources,se trouvait élaboré centralement et, en principe,appliqué tel quel partout. Il prévoyait toutefoisquelques unités réservées comme marge demanœuvre, unités qui servaient, dans des pro-grammes enrichis, à greffer un cours de plus,langue vivante par exemple, parfois langue ancienne.En pratique, beaucoup d'écoles secondaires utili-saient la grille-matières du régime comme grille-horaire, ne fût-ce que pour échapper aux tensionsentre les intérêts respectifs de professeurs dediverses disciplines si l'on avait voulu équilibrerautrement les matières18. De toute évidence, lerégime pédagogique proposé a évité soigneuse-

17 Réaffirmer l'école (1997), p. 78; L'École, tout un

programme, p. 27.18 Il n'échappe à personne que les conventions collec-

tives régissant l'enseignement sont étroitementajustées aux régimes pédagogiques en place depuisplus d'une décennie, et qu'un changement de régimepédagogique important n'ira pas sans de multiplesconcordances de ce côté.

ment tout ce qui pointerait vers une équation entreles unités reconnues pour chaque matière et unnombre d'heures correspondant. C'est pourquoi,d'ailleurs, l'idée de planifier avec réalisme l'ambi-tion d'un cours en fonction de 75 % du temps pourlaisser ainsi de la marge à l'adaptation et à l'enri-chissement ne trouve pas de point d'appui trèsclair. Si les unités reconnues sont fermes, mais letemps correspondant a un statut indicatif, un courscorrespondant à quatre unités en première secon-daire sera-t-il conçu par rapport à 100 heures d'ensei-gnement, comme référence pour doser le fractionne-ment entre le 75 %, et le 25 % du temps alloué?

Pensons à une école où l'on tient fermement àrendre l'exploration professionnelle présente toutau long du premier cycle secondaire. La marge demanœuvre générale dont on dispose l'autorise-t-elle par exemple à réserver une cinquantaine d'heu-res dans l'année à cette fin, en allouant proportion-nellement moins de temps à l'une ou l'autre desdisciplines comprises dans les 36 unités annuelles?La marge de latitude locale, par rapport à une trans-position pure et dure de la grille-matières en grille-horaire, reste incertaine et apparaît insuffisante.

3. Le foisonnement des parcours

Comme la recherche le montre abondamment19, lecurriculum officiel très uniforme du premier cyclesecondaire a coexisté, depuis quinze ans, avec lamise en place d'un nombre important de parcoursparticuliers. L'élaboration en cours de la nouvelleoffre de formation met surtout l'accent sur la con-ception de programmes d'études et d'une grille-matières pour une «voie commune» de formation.Il apparaît hautement souhaitable de réexaminerl'ensemble de l'offre de formation au secondairesous l'angle des parcours scolaires offerts auxjeunes. En effet, au fil des années, différentes

19 Voir Marthe Henripin, Différencier le curriculum

au secondaire : vers des parcours scolaires stimu-lants pour tous les jeunes.

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16 Les enjeux majeurs des programmes d'études et des régimes pédagogiques

«filières20» ou «voies particularisées», ont étéajoutées au curriculum et continuent à l'être, sou-vent d'une façon expérimentale. Il est indispen-sable de se donner une vue d'ensemble critiquedans une perspective de diversification des formesde succès et en tenant compte de la situation con-crète et des cheminements réels des élèves qui s'ytrouvent actuellement.

Comment améliorer l'articulation entre le curricu-lum offert et les parcours effectifs des élèves? Leplus grand défi d'un premier cycle secondaire àrenouveler consiste actuellement en cette réarticu-lation. L'immense palette des parcours non typi-ques semble s'être constituée «à la pièce» sansvrai pilotage.

Il s'impose d'abord de mieux définir la spécificitéde ces différents parcours à l'intérieur du cursus :conditions d'accès, profils de sortie et contenus deformation correspondants, reconnaissance sociale;possibilité d'insertion professionnelle à court ou àplus long terme. Il faut prévoir les effectifs de cesfilières de façon plus fine et plus adéquate, réexa-miner la nécessité de celles-ci, en vue de les refon-dre ou d'en faire disparaître certaines, le caséchéant. Il faut aussi en vérifier l'agencement ainsique les possibilités réelles d'ouverture, de retoursen arrière, l'agencement des passages verticaux ethorizontaux. On trouve, en particulier, des momentsd'aiguillage ou de «mise à part» inscrits danscertaines pratiques du système scolaire : il fautexaminer l'impact de ces pratiques qui sont sou-vent des points tournants irréversibles pour beau-coup d'élèves.

Est-il possible d'infléchir le régime pédagogiqueproposé, de façon à ce qu'il soit moins branché sur

20 On appelle ici «filière» une particularisation du

programme d'un élève qui touche l'ensemble de sescours et implique un regroupement d'élèves, parexemple, un programme d'éducation internatio-nale, un programme arts-études, une année pré-secondaire. Vu du côté de l'élève plutôt que del'organisation scolaire, ce qui correspond à unefilière est un «parcours» d'études particularisé,atypique.

la projection d'un parcours typique et standardisé,laissant moins en parallèle un foisonnement d'ini-tiatives qui sont liées, dans la pratique présente,aux instructions annuelles d'organisation scolaire,aux règles de financement, à des autorisations caspar cas, comme pour les écoles dites dédiées à unprojet particulier? Si l'on veut penser et articuler lerégime pédagogique en liaison serrée avec les par-cours effectifs des élèves, la réflexion à conduireparaît devoir se porter particulièrement dans qua-tre directions21 :

• l'action pédagogique différenciée;

• le rapport du travail scolaire à une démarched'orientation;

• la préservation d'un curriculum suffisammentriche;

• la place des «matières de base» dans lesparcours différenciés.

3.1 Différencier par les structures etdifférencier par l'actionpédagogique quotidienne

Il apparaît nécessaire de mettre l=accent, dès ledébut du primaire et pour tous les élèves, sur ladifférenciation par l=action pédagogique quotidienneà l=école. Actuellement, le système scolaire met enœuvre, au secondaire, des approches pédagogi-ques différenciées surtout dans les filières où setrouvent des élèves considérés * à risque + ouayant déjà rencontré des échecs et qui ont souventune vision négative d=eux-mêmes. Or, il est alorsdéjà très tard pour adapter les stratégies d=ensei-gnement et d=apprentissage. L=utilisation plusgénéralisée de pédagogies différenciées au pri-maire et dès le début du secondaire permettraitprobablement de diminuer l'usage de structuresparallèles au secondaire et de réduire leurs effec-tifs, par un meilleur ciblage des élèves devant être 21 La recherche de Marthe Henripin, Différencier le

curriculum au secondaire, fournit beaucoup d'in-formation et d'analyses susceptibles d'alimenterces thèmes de réflexion et ces champs d'action.

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Le soutien et l'enrichissement au secondaire : que penser de parcours précocement différenciés? 17

aiguillés vers des filières ou des options * enri-chies +, * de rattrapage + ou *d=insertion profes-sionnelle+. Une pédagogie plus différenciée encours d'études secondaires serait aussi d'unimmense secours pour des élèves en risque de«décrochage de l'intérieur» par une présence troppassive à l'école.

3.2 Sensibilisation aux carrières etsens du travail scolaire

La question du sens du travail scolaire pour lesélèves reste posée, même si l=on différencie lesparcours. Or, elle est peu souvent abordée en tantque telle et, pourtant, c=est lorsque les jeunes trou-vent un sens à l=étude qu=ils développent au maxi-mum leur potentiel et persévèrent à l=école. Il estdonc nécessaire de leur permettre de comprendrecomment les contenus des matières scolaires serattachent au monde du travail et à la vraie vie.Ici, il faut compter sur un engagement ministérielà préserver l'équivalent en ressources humainesdes enseignants actuels d'éducation au choix decarrière pour orchestrer les moyens divers denourrir l'ouverture à un horizon de carrières22.

Or, une exploration des domaines de carrière priseen charge par l=école et commencée dès la 6e annéedu primaire ou dès la 1re secondaire contribueraità cette découverte du sens. En plus de permettreaux élèves d=explorer peu à peu la réalité du marchédu travail et de valider progressivement leurs inté-rêts et parfois leurs aptitudes, ces contacts directsavec les conditions réelles du travail peuvent aussiles aider à donner du sens à leur présence à l'école.Cela se réalisera surtout dans la mesure où lesenseignants se montreront préoccupés d=amenerleurs élèves à faire émerger leur identité à traversl=acquisition de compétences transversales commel=autonomie, le leadership, les méthodes de travail,la créativité, la capacité de faire des choix. Et celasuppose que les enseignants soient préoccupés defaire des liens entre leurs matières et certains métiers

22 Voir Réaffirmer l'école, p. 114.

ou professions, et conduisent leurs élèves à déve-lopper les habiletés et les comportements requisdans le monde du travail. L'idée de consacrer aumoins l'équivalent des ressources requises pour lescours actuels d'éducation au choix de carrière quiont été abolis et de faire de l'école même une «écoleorientante» dans la perspective nord-américainedite de career education tel que proposé dansRéaffirmer l'école, mérite un engagement fermedu ministère de l'Éducation en matière de ressour-ces spécifiques à cet égard.

3.3 Pour une adaptation moinsappauvrissante

Au premier cycle secondaire actuel, le rattrapageprend parfois la forme d'un accaparement de pres-que tout le temps disponible par les matières debase dans lesquelles les élèves ont un retard incon-testable. Non seulement il n'y a pas d'options, maisles matières obligatoires nouvelles que l'on abordesans retard accumulé ne sont pas là. Plutôt que deréduire le curriculum aux matières qui rappellentinlassablement aux élèves leurs difficultés accu-mulées, ne faudrait-il pas adapter les nouvellesmatières en les alliant plus étroitement avec lesmatières de base? Faire, par exemple, une initia-tion scientifique et technique qui remotive par unetrès forte attention aux domaines relatifs de car-rière, qui témoigne du caractère pratique desmathématiques? Travailler la lecture et l'accès àl'information écrite avec beaucoup de finesse et enarts, et en géographie, et en histoire? Les curricu-lums très restreints, à l'opposé, risquent plutôt deconfirmer chez beaucoup d'élèves la perte de con-fiance en soi à laquelle conduisent les difficultésd'apprentissage.

3.4 La place des matières de base

Trois matières sont constamment privilégiées, à lafois pour l'accès à la formation professionnelle etdans les jugements sur les besoins de rattrapage :les mathématiques, la langue d'enseignement et lalangue seconde. Il apparaît souhaitable que, dans

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18 Les enjeux majeurs des programmes d'études et des régimes pédagogiques

les parcours différenciés, le nombre d=heures attribuéà chacune de ces matières de base soit laissé à laresponsabilité de l'école et que l=accent soit missur les objectifs à atteindre. Il faut aussi que desefforts d=adaptation du contenu des programmessoient faits pour établir des liens entre chacune deces matières et l=expérience de vie et de travail desjeunes, en particulier dans certaines filières où lesélèves se préparent à des métiers non spécialisésou semi-spécialisés.

Il est nécessaire de s=assurer de la qualité desapprentissages faits dans ces trois matières, pourtoutes les filières. Cependant, un même program-me que celui de la voie *commune+ veut-il direnécessairement une même évaluation des appren-tissages ? Tenir ferme à un seuil d'exigences com-mun n'est pas incompatible avec des démarchesd'apprentissage diverses appelant des modesd'évaluation originaux.

Il faut aussi s=assurer que les élèves commençant àpréparer un DEP en fin de 3e secondaire puissentacquérir réellement en concomitance la même for-mation dans ces trois matières, que ceux qui com-mencent un DEP après avoir obtenu leur DES.

Enfin, il apparaît essentiel que l'on cesse d'attri-buer une portée trop prononcée aux mathémati-ques lors des différentes sélections des élèves aucours du cursus, malgré la valeur prédictive indé-niable du succès en mathématiques en vue de cer-tains types d'apprentissage.

4. Encadrement central, prise encharge locale

L'augmentation ou la réduction des filières paral-lèles de rattrapage, au premier cycle du secon-daire, repose particulièrement sur deux facteursqui dépendent très inégalement du ministère del'Éducation. Le premier, qui en dépend très peu,consiste dans le bénéfice d'une pédagogie plusdifférenciée, particulièrement au cours des étudesprimaires. Le second en dépend beaucoup plus. Ilconsiste en la qualité de chaque programme, sous

l'angle de sa pertinence à l'égard des acquis et desbesoins des élèves23. Ici, les pires programmessont ceux qui présupposent que tous les élèvesavancent exactement au même rythme, sans quoiils échouent. L'optique d'un enrichissement dispo-nible au besoin dans chaque programme n'a pas deplace naturelle dans ces programmes. Aurons-nousdes programmes sensibles au fait que ce n'est pasune catastrophe que chacun et chacune des élèvesne soit pas exactement au même point d'avance-ment à chaque semaine et à chaque étape? Lalatitude de temps disponible pour l'adaptation etl'enrichissement engage moralement le ministèrede l'Éducation dans cette direction en matière deprogrammes d'études.

5. Pilotage de système et rôlerespectif de ses paliers

Dans l'esprit d'une assise renforcée de la respon-sabilité curriculaire des écoles, l'émergence deparcours différenciés doit être réexaminée en ter-mes de prise de décision au bon palier de respon-sabilité. Il apparaît nécessaire de mieux précisersur quoi devrait porter le pilotage du système enmatière de différenciation du curriculum et ce quidevrait être laissé à la responsabilité des écoles. Ilfaut décider clairement un certain nombre de cho-ses précises : en premier lieu, les objectifs réelsd'une filière donnée. S'agit-il de remotiver pourles études? S'agit-il plutôt de favoriser un accèsrelativement direct au marché du travail par unemeilleure intégration? En second lieu, les critèresd'admission doivent être clarifiés. Il faut réconci-lier les besoins et le potentiel des élèves avec lesimpératifs de commodité administrative – ceux-cine devant pas prédominer. Traiter avec le plus declairvoyance possible la sélection à l'entrée dediverses filières optionnelles à dominante particu-lière, sans quoi bien des dérives menacent. Piloterle système sans ingérence indue, de la part du

23 Voir Conseil supérieur de l'éducation, Rénover le

curriculum du primaire et du secondaire, Québec,1994, p. 40. Voir aussi Le Défi d'une réussite dequalité, Québec, 1993.

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Le soutien et l'enrichissement au secondaire : que penser de parcours précocement différenciés? 19

Ministère, c'est d'abord préciser les décisions quisont du ressort ministériel et celles du ressortlocal. Il ne faut pas multiplier à plaisir les con-traintes et les exigences posées par le Ministèreaux écoles concernant les filières d'enrichisse-ment, de rattrapage ou d'«insertion». Mais, juste-ment de ce fait, il faut très bien cerner les exigen-ces incontournables. Autrement, l'arbitraire et le«cas par cas» pointent à l'horizon. En particulier,il faut prendre soin de ne pas créer des inégalitésen acceptant une variation *à la baisse+ des moda-lités et des objets de reconnaissance des acquis àla fin d=un parcours tel que, par exemple, les che-minements particuliers de formation. Une coordi-nation par une concertation accrue entre le palierlocal et le palier central du système d'éducation estdonc nécessaire, en fonction d=objectifs communsclairement énoncés concernant la différenciationdu curriculum.

Le Conseil supérieur de l'éducation considèrela réforme actuelle du curriculum et l'adoptiond'un régime pédagogique repensé comme un

contexte très favorable à un examen appro-fondi de la grande diversification des parcoursqui prévaut actuellement au premier cycle dusecondaire. De ce fait, le Conseil recommandeau ministre de l'Éducation

• de garantir des ressources adéquates pourl'orientation personnelle des élèves et lasensibilisation aux carrières;

• de poser clairement dans le régime pédago-gique proposé la marge de manœuvre insti-tutionnelle permettant aux écoles de struc-turer leur prise en charge des besoins derattrapage;

• de veiller, dans la mesure où les politiquesministérielles permettent ou suscitent desparcours non typiques pour fins de rattra-page ou d'enrichissement, à faire explicite-ment référence à ces parcours dans le régimepédagogique, à la façon, par exemple, dontl'annexe III et l'article 34 situent la formationen insertion sociale et professionnelle.

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CHAPITRE 3L'équilibre proposé du curriculum : enjeux de cohérence,

de richesse culturelle et de mobilisation des élèves

Les modifications les plus importantes que pro-pose le nouveau régime pédagogique portent surles grilles-matières respectives du primaire et dusecondaire qui déterminent l'équilibre du curricu-lum officiel et structurent de façon marquée laformation que peut et ne peut pas recevoir l'élève,dans sa classe et son école.

Ces changements ne sont pas imprévus : ils tradui-sent pratiquement en entier ce qu'annonçaitL'École, tout un programme, dès l'automne 1997.

Plusieurs de ces changements n'agréent pas auConseil, cela aussi est connu déjà. Les recomman-dations de 1998 (Pour un renouvellement promet-teur des programmes à l'école) au sujet des grilles-matières n'ont pas été suivies, sauf celle touchantl'éducation technologique au premier cycle secon-daire. Malgré sa déception, le Conseil réexamineici l'ensemble du curriculum avec des argumentsqu'il espère plus persuasifs.

Avec le recul possible depuis la parution du rap-port Réaffirmer l'école, on a l'impression que lesrecommandations et les arbitrages issus de ce brefmandat d'un groupe de travail extraministérielavaient interrompu toute réflexion et rechercheultérieures. Ne peut-on rectifier certains élémentssans ébranler tout l'édifice? Le Conseil, pour sapart, a concentré son attention sur certains choixqui lui paraissent problématiques et discutables.Plutôt que de simplement réitérer ses conclusionsrécemment formulées, il veut expliciter ici lesmotivations sous-jacentes, les logiques curricu-laires dont il tient compte.

1. Les logiques concurrentes en jeu

La réorganisation du curriculum, à laquelle invitel'observation des faiblesses et des carences ducurriculum hérité des années quatre-vingt, obéit,d'une certaine façon, à trois logiques en partieconvergentes, en partie rivales. Appelons-les logi-que de cohérence interne, logique d'une réussiteplus largement partagée (au sens d'un «viragevers le succès», selon le titre du document minis-

tériel touchant les divers chantiers de réforme) et,enfin, logique de richesse du contenu même ducurriculum.

La première logique, celle d'une meilleure cohé-rence interne, permet de remédier à l'éparpille-ment de mini-cours inconsidérément instaurés audébut des années quatre-vingt. Il fallait renforcerla continuité, figure de la «cohérence verticale»pour ainsi dire. Cela se fait par les cycles et sur-tout par des programmes par cycle, par un ensei-gnement mis en continuité sur trois années dessciences et de la technologie au premier cyclesecondaire, par une continuité de deux ans engéographie et une autre, sur quatre ans, en histoireet éducation à la citoyenneté au secondaire.

De la seconde logique fondée sur un virage versune réussite plus largement partagée, on retientle principe de programmes gardant une souplessepour leur adaptation et l'exclusion des redouble-ments en cours de cycle. La concentration forte-ment accrue sur la langue d'enseignement au 1er

cycle du primaire, et sur le français langue d'en-seignement dans les deux premières années dusecondaire semble s'enraciner ici, dans la néces-sité d'un rattrapage majeur, compte tenu de lafaiblesse estimée des élèves dans l'une et l'autredes langues d'enseignement au primaire, et enfrançais au secondaire.

La troisième logique, celle que le Conseil appelaitvolontiers, en 1994, l'indispensable richesse cul-turelle du curriculum a fait l'objet de propositionspour remédier à deux des quatre grandes carences,soit : l'éducation sociopolitique, l'éducationhistorique. La troisième, soit l'initiation scientifiqueau sens d'une culture pour comprendre lesphénomènes courants, pour le décodage de l'envi-ronnement commun et non pas comme formationpréprofessionnelle et sélective, n'est guère présente,au primaire en particulier. Quant à la quatrièmecarence, soit l'apparente allergie traditionnelle denotre curriculum à la culture et à la connaissancetechniques, sa correction demeure aussi assez aléa-toire, malgré l'ajout récemment annoncé de deuxunités au programme de sciences et technologie de

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22 Les enjeux majeurs des programmes d'études et des régimes pédagogiques

3e secondaire. La valeur d'orientation d'un contactassez hâtif, au secondaire, avec des apprentissagespratiques et techniques, ne ressort pas nettement.

2. Un curriculum effectif mal connu

Il faut ici se livrer à un peu de rétrospective pourbien comprendre tous les enjeux de cette troisièmelogique, celle de la richesse souhaitable du contenumême du curriculum. L'évaluation du curriculuma occupé très peu de place au Québec, depuis deuxdécennies, alors que l'évaluation des résultats desélèves a donné lieu à des reprises, sur le plan poli-tique, de dénonciations journalistiques très analo-gues à celles ayant cours dans le reste de l'Améri-que du Nord. Se sont couramment opposés, sur unterrain politique, un discours fustigeant la médio-crité au nom de l'excellence des meilleurs et undiscours visant à surprivilégier le minimum vitalet instrumental afin d'élargir la réussite au plusgrand nombre24. De sorte qu'on en vient à dénon-cer les efforts de résistance à l'échec comme descompromissions sur la qualité, comme tendant à«donner des notes gratis»!

Les États généraux, puis les travaux plus récentssur le curriculum, ont représenté une occasion deséparer la question de la valeur du curriculum decelle du rendement des élèves. En effet, à trop seconcentrer sur ce dernier, on oublie d'évaluer lecurriculum effectif. Si les élèves n'ont massive-ment pas tel ou tel acquis désirable, est-ce leuréchec propre, ou bien est-ce du fait que le curricu-lum n'offre pas l'occasion, la chance d'apprendrece qui doit être appris? La seconde questionconduit à l'évaluation du curriculum, celui qui est 24 Dans Le Renouvellement du curriculum : expé-

riences américaine, suisse et québécoise, 3e partie,l'étude de Réginald Grégoire inc., «Améliorer lecurriculum et l'apprentissage : innovations améri-caines et choix québécois», a bien montré la forteimprégnation du discours de L'École, tout un pro-gramme par les expressions «de base», «essentiel»,et le flou qui les accompagne : cela paraît être unnet écho du discours de recentrage et d'élagagecurriculaire censés améliorer les chances deréussite.

effectif dans les écoles et dans les classes. Or lesprogrammes officiels des années quatre-vingtavaient été élaborés comme des programmes declasse et d'école, et non pas comme des program-mes relevant d'un État25. De ce fait, on perdaitde vue que leur mise en œuvre concrète instaurait,ici comme partout, une distance considérableentre un programme effectif interprété et le pro-gramme officiel qui lui sert de source. De ce fait,on se souciait encore très peu d'aller voir l'état ducurriculum effectif, c'est-à-dire les chances effec-tives d'apprendre proposées aux élèves. Ceci sou-ligne au plus haut degré la nécessité d'un observa-toire de suivi de la réforme du curriculum : suivides pratiques émergentes, interprétatives et adap-tatives. Le genre, actuellement proposé, de curri-culum central indissolublement lié aux dynami-ques locales ne peut pas se passer d'un soutien derecherche solide.

Pensons, par exemple, à l'apprentissage du fran-çais au secondaire, du point de vue d'une insuffi-sante connaissance du curriculum effectif. Uneenquête a montré, lors du premier examen minis-tériel de rédaction en 5e secondaire, que les élèvesavaient eu à rédiger en moyenne quatre textesdurant l'année dans leur cours de français. Une

25 En Amérique du Nord, des programmes exhaus-

tifs, à simplement appliquer, ont couramment étéadoptés par des États ou des provinces au coursdes années soixante. On les voulait «teacher proof»,«à l'épreuve des professeurs», c'est-à-dire à appli-quer sans se poser de questions. Au Québec, c'estau cours des années soixante-dix, à partir d'unprocès fait aux «programmes cadres», qu'on avoulu «décentraliser l'administration mais centrali-ser la pédagogie», décrite par le discours journalis-tique comme un laisser-faire anarchique. Or larecherche a montré que les programmes hyperspé-cifiés a priori et centralement ne donnent pas leseffets espérés, parce que le curriculum effectif dela classe et de l'école est toujours le fruit d'uneréinterprétation locale d'un programme dit officielou d'État. De ce fait, même les États qui investis-sent le plus dans l'adoption et la propagation d'uncurriculum national n'essaient plus d'en faire uneréférence si exhaustive et si impérative qu'il nereste plus d'espace pour la compétence profession-nelle de concrétisation et d'adaptation locales desconsignes centrales.

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L'équilibre proposé du curriculum : enjeux de cohérence, de richesse culturelle et… 23

autre enquête a dégagé que beaucoup d'élèvesconsacraient d'une à deux heures par semaine autravail personnel hors de l'école lors de leurs étu-des secondaires, toutes matières comprises. Onignorait jusque-là que les chances d'apprendre parla pratique étaient si peu fréquentes. Un autreaspect de l'apprentissage du français a fait l'objetde procès impressionnistes peu vérifiés par unevéritable évaluation du curriculum, soit la maîtrised'un registre de langue orale correcte. On ne saitpas si cette compétence est un véritable objectifpoursuivi de fait, ou bien si l'inusable dénoncia-tion journalistique d'un accent exagéré placé surl'oral au détriment de l'écrit ne signifie pas, de fait,une renonciation, une résignation à se contenter àl'écrit seulement d'un registre de langue autre quecelui de la langue familière «entre copains», enabandonnant l'expression orale à son sort. La seulefaçon de le savoir reposerait sur une évaluation,non pas de la performance des élèves, mais ducurriculum pratiqué dans les écoles, un genred'évaluation totalement négligé.

3. Faiblesses des équilibresproposés

Un curriculum bien équilibré et riche n'est pas unfacteur d'échec plus grand qu'un curriculum étroitressassant un petit nombre de matières «de base».Un curriculum hautement sensible à toutes lesdimensions constitutives de la culture actuelle, ycompris sa dimension pratique et technique, uncurriculum hautement pertinent dans la sélectionqu'il opère de chances d'apprendre à partir de laculture actuelle, est aussi mobilisant et plus uni-versellement enrichissant qu'un curriculum censéfavoriser l'excellence de quelques-uns par unehiérarchisation exagérée des disciplines.

Optimiser la richesse et la pertinence du curricu-lum comme ensemble et dans chacune de sesparties, tel est le cœur de la troisième logique, àrelier à la première, d'un impératif de cohérenceinterne, et à la seconde, d'élargissement des chan-ces de réussite. C'est parce qu'il unit l'une à l'autre,autrement que les auteurs de Réaffirmer l'école,

ces trois logiques et ce vers quoi elles tendent quele Conseil supérieur de l'éducation exprime defortes réticences à certains des choix retenusdans le régime pédagogique proposé.

Le régime pédagogique ne fait en rien écho àl'enracinement culturel du curriculum26. Ne pour-rait-on pas lire d'entrée de jeu, comme clauseinterprétative du cadre commun fixé par les arti-cles 22 et 23 du régime proposé, que ces enseigne-ments respectent la diversité culturelle présente auQuébec? Qu'il ne s'agit pas d'un plus petit dénomi-nateur commun, de ce fait inflexible, mais plutôtd'un axe partagé dans un processus d'apprentis-sage, compatible avec la diversité entre culturesautochtones, culture de langue anglaise, culture delangue française, ou autres apports culturels?Reviendrait-il au conseil d'établissement et aux 26 Le Conseil attirait récemment l'attention sur l'im-

mense malentendu qui menace lorsqu'on croitdevoir ajouter une perspective culturelle à diversenseignements disciplinaires comme s'ils étaienthors de la culture (Pour un renouvellement pro-metteur des programmes à l'école, 1998, p. 13).Mais il y a aussi un danger majeur à traiter trop laculture au singulier : en deçà d'un noyau de «cul-ture publique commune», la diversité règne, unediversité inhérente en partie à des identités collec-tives. Alain Kerlan montre bien comment le réfé-rentiel culturel du curriculum relie l'universalismeet le particularisme, renvoie de façon combinée àune définition anthropologique et à une compré-hension humaniste de la culture : «Une définitionsimple de la culture doit permettre de fixer sinonles grandes lignes du moins l'esprit de la repriseculturelle des savoirs dans l'école. Celle que pro-pose Sylvain Auroux (Barbarie et philosophie,Paris, PUF, 1990) me paraît pouvoir y aider enpartie. "Une culture", écrit-il, "c'est l'ensembledes médiations symboliques et techniques qu'uncertain groupe humain a constituées entre lui-même et son environnement." On peut certes luireprocher d'être trop exclusivement ethnologique,et lui opposer une conception humaniste et univer-saliste : sous le nom de culture, on désignera alors"quelque chose qui nous précède, nous surplombeet nous institue en tant que sujets humains" (Jean-Claude Forquin, École et culture, Bruxelles, DeBoeck, 1996). Ces deux définitions ne sont pasincompatibles; elles coexistent de fait dans nosconceptions contemporaines de la culture, dontc'est précisément l'enjeu que de tenir à la fois lerelativisme ethnologique et l'universalisme huma-niste.» (L'École à venir, Paris, ESF, 1998, p. 107.)

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24 Les enjeux majeurs des programmes d'études et des régimes pédagogiques

équipes enseignantes de mettre en valeur cesaffinités? Cela pourrait fort bien constituer unécho explicite et de portée réglementaire à Une

école d'avenir : politique d'intégration scolaire etd'éducation interculturelle (Québec, ministère del'Éducation, 1998).

3.1 Carences du curriculum officiel du primaire

Article 22. À l'enseignement primaire, les matières suivantes sont obligatoires et le nombred'heures par semaine est indicatif, sous réserve du pouvoir réglementaire du comité catholiqueet du comité protestant visé à l'article 22 de la Loi sur le Conseil supérieur de l'éducation(L.R.Q., c. C-60):

PREMIER CYCLE

1re et 2eannées

DEUXIÈME ET TROISIÈME CYCLES

3e, 4e 5e et 6e années

Matières obligatoires Temps Matières obligatoires Temps

Langue d’enseignement 9 h Langue d’enseignement 7 h

Mathématique 7 h Mathématique 5 h

16 h 12 h

Enseignement religieux ouenseignement moral

2 h Enseignement religieux ouenseignement moral

2 h

Français, langue seconde Langue seconde(français ou anglais)

Arts Arts

Éducation physique etéducation à la santé

Éducation physique etéducation à la santéHistoire, géographie,éducation à la citoyennetéSciences et technologie

Temps non réparti 5,5 h Temps non réparti 9,5 h

TOTAL 23,5 h TOTAL 23,5 h

Les matières obligatoires doivent être enseignées chaque année et les objectifs des programmesde ces matières doivent être atteints à la fin de chaque cycle.

Une commission scolaire peut, dans la mesure et aux conditions déterminées par le ministre,exempter de l'application de cet article l'élève handicapé par une déficience intellectuelleprofonde au sens de l'article 1 de l'annexe II, l'élève handicapé par des troubles sévères dedéveloppement au sens de l'article 2 de l'annexe II et l'élève à qui sont dispensés les servicesparticuliers.

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L'équilibre proposé du curriculum : enjeux de cohérence, de richesse culturelle et… 25

L'absence de toute allusion aux compétencestransversales, aux articles 22 et 23, est déplora-ble. Elle ouvre la porte à leur marginalité, à leurtraitement comme éléments mineurs. Elle ouvreaussi la porte à perpétuer la double lecture à laquelleL'École, tout un programme prête malheureusementle flanc : une lecture réductiviste et utilitariste,tout imbue d'élagage pour cultiver «l'essentiel» etce qui est de base; une autre lecture plus huma-niste favorisant un enrichissement du curriculum,où ce qui est pertinent et significatif a droit de citéau-delà du strict minimum vital.

Au premier cycle primaire, le retrait d'activitésspécifiques portant sur l'éveil scientifique et l'ini-tiation à l'histoire-géographie dans un éclairaged'éducation à la citoyenneté, au bénéfice d'unaccent plus marqué sur la langue et les mathémati-ques, suscite deux raisons claires de réticence. Enpremier lieu, les habiletés en matière de languetrouvent à s'exercer sur des thématiques dans tousles domaines, comme on le reconnaît pour lesétudes secondaires, et cela vaut à plus forte raisonpour l'enseignante du primaire qui aide ses élèvesà commencer à discerner, ne serait-ce qu'en lesnommant de façon juste, les réalités naturelles et

physiques, territoriales et sociales27… En secondlieu, cette décision de retirer du premier cycle duprimaire ces dimensions d'éveil, est en complètediscordance avec le principe, hautement promupar exemple par le rapport Réaffirmer l'école,d'étoffer la richesse culturelle du curriculum. Oncroit limiter les dégâts en intégrant aux autresmatières des objectifs qui tendent une perche à desthématiques d'éveil scientifique. Mais une vraieintégration se fait entre deux pôles mis en conver-gence, et ici l'un des deux est absent.

27 Alain Kerlan rappelle avec bonheur comment l'idéal

de l'éveil scientifique raccordait celui-ci à despréoccupations éducatives larges dans les écoles oùon l'a mis en pratique : «L'éveil scientifique appa-raît […] comme l'une des toutes dernières manifes-tations d'une pensée et d'une pratique en quête decette unité pédagogique, de cette convergencetotale inhérente à l'idée éducative. Il s'agissaitd'autre chose et de bien plus que de mettre en placeun enseignement des sciences plus efficace. Ils'agissait d'une reprise pédagogique de la pluralitédes sciences comme éducation logique, morale,esthétique, politique. Le développement de lapersonne, l'accès aux savoirs et à la pensée ration-nelle, la formation du citoyen même étaientl'affaire d'une éducation scientifique reprenant àson compte tout ce qu'engageait l'idée éducative.Apprentissage de l'autonomie et du sens desresponsabilités, développement de la curiosité etde l'aptitude à s'étonner, capacité de créer etd'inventer, développement de la sensibilité et dusentiment esthétique, ouverture aux autres et aumonde social, construction critique des valeurs,aucune de ces dimensions éducatives n'étaitétrangère aux finalités de l'éveil scientifique.Mieux encore : elles y trouvaient une unitéexemplaire.» (L'École à venir, p. 102.)

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26 Les enjeux majeurs des programmes d'études et des régimes pédagogiques

3.2 Problèmes du curriculum officiel du secondaire

Article 23. À l'enseignement secondaire, sous réserve du pouvoir réglementaire du comitécatholique et du comité protestant visé à l'article 22 de la Loi sur le Conseil supérieur del'éducation, les matières obligatoires, le nombre d'unités par matière obligatoire et le nombred'unités pour les matières à option sont les suivants:

PREMIER CYCLE DEUXIÈME CYCLE

1reet 2e ANNÉES 3e ANNÉE 4e ANNÉE 5e ANNÉE

Matièresobligatoires

Unités Matièresobligatoires

Unités Matièresobligatoires

Unités Matièresobligatoires

Unités

Français, langued’enseignement 8 Français, langue

d’enseignement 8

Anglais, langued'enseignement 6 Anglais, langue

d'enseignement 6

Langued’enseignement 6 Langue

d’enseignement 6

Anglais, langueseconde 4 Anglais, langue

seconde 4

Français, langueseconde 6 Français, langue

seconde 6Langue seconde 4 Langue seconde 4

Mathématique 6 Mathématique 6 Mathématique 4 Mathématique 4

Histoire etéducation à lacitoyenneté

3Histoire etéducation à lacitoyenneté

4Histoire etéducation à lacitoyenneté

4Connaissance dumondecontemporain

4

Géographie 3

Sciences ettechnologie 4 Sciences et

technologie 4 (6)* Sciences ettechnologie 4

Éducationphysique etéducation à lasanté

2Éducationphysique etéducation à lasanté

2Éducationphysique etéducation à lasanté

2Éducationphysique etéducation à lasanté

2

Enseignementmoral etreligieux ouEnseignementmoral

2

Enseignementmoral etreligieux ouEnseignementmoral

2Enseignementmoral et religieuxou Enseignementmoral

2Enseignementmoral et religieuxou Enseignementmoral

2

Arts 4

Arts ouTechnologie ouLangue moderneou programmelocal (options)

6 (4)* Options 10 Options 14

TOTAL 36 TOTAL 36 TOTAL 36 TOTAL 36

* L'ajout de 50 heures particulièrement destiné à étoffer l'éducation technologique a été annoncé ennovembre 1998. Cela retire 2 unités d'options.

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L'équilibre proposé du curriculum : enjeux de cohérence, de richesse culturelle et… 27

De façon analogue à son analyse du premier cycleprimaire, le Conseil supérieur manifeste la plusgrande réticence face à l'allocation d'office d'unplus grand nombre d'unités au français au premiercycle du secondaire. C'est presque une mesure derattrapage décrété. L'avancement des élèves dansl'acquisition d'habiletés linguistiques repose avanttout sur autre chose qu'un peu de temps ajouté. Ilrepose sur la contribution complémentaire del'ensemble des autres enseignements, d'une part,comme L'École, tout un programme le reconnaîtadéquatement dans les compétences transversales.Il repose, d'autre part, sur une pratique profession-nelle et une culture institutionnelle capables demobiliser les élèves sur ces défis, de les intéressergrâce à la finesse et à l'efficacité d'une pédagogiedifférenciée. Bien sûr, il est souhaitable et défen-dable que l'école ait la marge de jeu pour augmen-ter le temps alloué pour certains élèves. Maisuniversaliser d'office une telle mesure, c'est penserà tout régler par le curriculum officiel un trèsdifficile problème qui relève pour l'essentiel ducurriculum effectif.

Le Conseil supérieur de l'éducation considèreaussi que la grille-matières proposée du premiercycle secondaire fait très peu de place à des chan-ces substantielles d'accès à une éducation pratiqueet technique. Que l'éducation scientifique pro-gresse grâce à un décloisonnement disciplinaire età une continuité bien pensée de la 1re à la 3e secon-daire, cela a bien des chances de se réaliser, nonsans toutefois d'immenses efforts de mise enœuvre. À la suggestion, cependant, du rapportRéaffirmer l'école, on a choisi d'intégrer l'initia-tion technologique à l'éducation scientifique. Onvoit bien ici l'application de la première logiquecitée plus haut, qui tend à réduire par l'intégrationle nombre des disciplines étudiées. Mais l'intégra-tion de l'initiation technologique à l'éducationscientifique sur la base de quatorze unités sur lestrois ans du premier cycle secondaire, voilà unchoix qui présente un risque de marginalité et denégligence envers l'éducation technologique qu'ilfaudra prévenir par une rédaction du programmequi y soit extrêmement attentive et par une solidepréparation des professeurs.

En rapatriant deux unités optionnelles de 3e secon-daire dans un cours obligatoire de sciences ettechnologie, comme on l'a annoncé en novembredernier, il ne faut pas retirer pour autant la possi-bilité d'une option de technologie comme telle.Sur un autre plan, le Conseil suggère de modifierlégèrement l'usage indiqué des quatre unitésoptionnelles restantes, en inscrivant «ou langue»plutôt que : «ou langue moderne», car nombred'écoles font place à un enseignement du latin quis'inscrirait alors ici de façon naturelle28.

En toute cohérence avec la revalorisation de laresponsabilité propre de l'école inscrite dans lesamendements récents apportés à la Loi surl'instruction publique, on pourrait suggérer unchangement significatif de forme touchant larépartition des matières au premier cycle dusecondaire. Il y aurait, en effet, un net intérêt àglobaliser les unités à prendre en charge et àstructurer localement : tant d'unités de françaislangue d'enseignement, tant d'unités d'anglaislangue d'enseignement, douze unités d'anglaislangue seconde ou dix-huit de français langueseconde, dix-huit de mathématiques, dix d'histoireet éducation à la citoyenneté, et ainsi de suite.

Le Conseil supérieur de l'éducation désire enfin,en matière d'équilibre du curriculum déterminépar les grilles-matières du régime pédagogique,discuter de la place réservée aux cours option-nels au 2e cycle secondaire. Le régime pédagogi-que proposé fait place à deux cours optionnels en4e secondaire, et à trois en 5e secondaire, laissantflotter en quelque sorte chaque fois deux unités dereste, en posant dix unités d'options en 4e etquatorze en 5e. C'est peu, simplement un coursoptionnel de plus qu'actuellement.

Pourquoi la présence de plusieurs cours optionnelsest-elle si importante au secondaire? Pour de mul-

28 Bien sûr, l'école peut aussi offrir un cours conçu

localement à même ces unités optionnelles, mais leprogramme d'option langue et culture latine propo-sée par l'Association des professeurs de latin n'estpas à strictement parler de conception locale.

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28 Les enjeux majeurs des programmes d'études et des régimes pédagogiques

tiples raisons qui se renforcent mutuellement.D'abord, il y a quelques options qui ne le sont qu'àdemi : les options de sciences, que l'élève estfortement poussé à prendre s'il n'a pas fermementchoisi de ne pas viser des études professionnelles,techniques ou universitaires du domaine dessciences et sciences appliquées. Il faut donc qu'il yait suffisamment d'options pour que d'autressoient plus libres, moins partiellement contraintes.En second lieu, pour que le second cycle secon-daire soit véritablement orientant. En troisièmelieu, pour que des sous-ensembles d'options cons-tituent potentiellement une amorce de profil d'étu-des un peu ciblé et centré. En quatrième lieu, pourque puissent émerger des options pleinementaccordées aux besoins et aux attentes de ceux etcelles qui passeraient volontiers directement à laformation professionnelle dans l'un ou l'autremétier, après le DES complété, contribuant ainsi àfaire du second cycle secondaire un enseignementpour tous et toutes plutôt qu'une transition versdes études postsecondaires qui rejoignent en grosles deux tiers des jeunes qui commencent lesecondaire.

Serait-il possible de porter l'espace réservé auxcours optionnels à trois et à quatre respectivement,en 4e secondaire puis en 5e? Si oui, à quelles con-ditions? Pour quelles fins? Les avantages l'empor-teraient-ils sur les désavantages? Au regard d'unremaniement en profondeur du curriculum dudeuxième cycle secondaire que le Conseil abor-dera au chapitre 4, la garantie d'un espace d'op-tions plus large, allouant trois options de quatreunités au choix en 4e secondaire et quatre optionsen 5e paraît au Conseil un meilleur équilibre entrel'obligatoire et l'optionnel que celui qui est pro-posé à l'article 23.

Par rapport aux dispositions réglementaires durégime qui touchent l'équilibre, la richesse et lapertinence du curriculum comme tel, le Conseilsupérieur de l'éducation recommande auministre de l'Éducation :

• d'énoncer directement et clairement laplace et l'importance de compétencestransversales dans le curriculum, autre-ment que par le contexte de l'évaluation etdes bilans d'apprentissages de fin de cycle;

• d'énoncer dans le régime pédagogique leprincipe d'un enracinement culturel ducurriculum qui reflète, au-delà des languesd'enseignement, la diversité culturelle de lasociété québécoise;

• de restaurer l'ouverture du premier cycleprimaire à l'éveil aux sciences de la nature,au temps historique et à l'espace géogra-phique;

• de ne pas augmenter d'autorité de six lenombre d'unités du français langue d'ensei-gnement au premier cycle secondaire,quitte à clarifier suffisamment la latitudedisponible aux conseils d'établissementpour qu'ils puissent, en cas de besoinsmajeurs, consacrer plus de temps àl'apprentissage du français dans desgroupes donnés d'élèves;

• d'élargir légèrement l'espace des options ausecond cycle secondaire de façon à rendredisponibles trois cours optionnels en 4e

secondaire, puis quatre en 5e secondaire.

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CHAPITRE 4Pour un renouvellement majeurdu deuxième cycle secondaire

Pour le deuxième cycle secondaire, qu'est-ce que leprojet de régime pédagogique règle, laisse ouvertsans le régler, gêne, interdit comme évolution oucomme amélioration? Ici encore, on pourrait seconcentrer davantage sur le règlement que surl'enjeu de fond. Il vaut mieux se demander dansquel sens les nouveautés du règlement proposéchangent une situation qui demande à être amélio-rée. Se demander aussi, au regard de visées réalistesde changement, ce qu'il faut – au-delà de clausesréglementaires –, d'intelligence et d'imagination,de leadership ministériel, de ressources et derecherche pour arriver à un résultat désiré. Il y adonc lieu de dessiner un horizon d'évolution opti-male du second cycle secondaire, puis d'estimersur cet horizon la pertinence des articles régle-mentaires proposés.

Il y a plusieurs angles selon lesquels se profilentdes améliorations concevables du second cyclesecondaire : un angle d'accessibilité, un angle derichesse du curriculum, un angle d'orientation, unangle de relation adéquate et harmonieuse entre lesecondaire et le collégial, un angle, enfin, de posi-tionnement par rapport à la formation profession-nelle secondaire.

1. Une fréquentation à augmenter

Pensons à un optimum de fréquentation. Le décro-chage a reculé depuis le plan du ministre Pagé, àla suite d'un ensemble de mesures mises en œuvreà l'initiative des écoles et grâce à des budgetsappropriés, octroyés depuis 1992. Il reste toutefoisélevé29. Beaucoup d'élèves jeunes, dès 16 ans pas-sés, émigrent des écoles ordinaires vers les cadres

29 Une étude récente montre que l'augmentation de la

persévérance scolaire n'est pas stable, mais connaîtplutôt des oscillations certaines. Ainsi la probabi-lité d'obtenir un diplôme du secondaire entre 15 et19 ans, de 65,8 % qu'elle était en 1990-1991, aaugmenté à 73,1 % en 1995-1996, pour ensuiteredescendre à 69,6 % en 1996-1997 : AndréLespérance, «Le cheminement et la persévérancescolaires au Québec», dans Cahiers québécois dedémographie, Vol. 27, n° 1, printemps 1998, p. 49.

de la formation générale des adultes pourcompléter leurs études secondaires. Beaucoup deceux qui ne les complètent pas ont d'énormesretards scolaires vers l'âge de 16-17 ans. Enfin, uncertain nombre de jeunes ne complètent pas leursétudes secondaires générales parce qu'ils sont pas-sés en cours de route aux études secondaires pro-fessionnelles.

Si l'on veut discerner avec quelle qualificationscolaire la population affronte le marché du tra-vail, le tableau de la répartition en pourcentagesdes sortants et des sortantes de l'enseignementselon le plus haut diplôme obtenu présenté dansLes Indicateurs de l'éducation, édition 1998, estune excellente source. Par référence à l'année1995-1996, les proportions sont les suivantes :

Baccalauréat 28,5 %

Diplôme en formation technique30 aucollégial (DEC , attestation d'étudescollégiales, certificat d'études collégia-les, diplôme de perfectionnement desétudes collégiales)

11,1 %

Diplôme en formation professionnelleau secondaire (DEP, diplômes de «pro-fessionnel court» et de «professionnellong», certificat d'études professionnel-les, attestation de spécialisation profes-sionnelle, attestation de formation pro-fessionnelle, autres DES avec mentionprofessionnelle)

19,0 %

DES (formation générale) 28,8 %

Aucun diplôme (19 % d'hommes, 6 %de femmes)

12,6 %

30 Les DEC techniques suivis d'un baccalauréat

universitaire ne sont pas inclus ici, mais ils seretrouvent sous la catégorie baccalauréat. Lesmaîtrises ou doctorats sont aussi inclus dans lacatégorie baccalauréat. De même, ceux et cellesqui ajoutent à un baccalauréat un DEC technique,cas assez fréquent et bel exemple de souplesse dusystème, sont tout de même comptés ici sous«baccalauréat».

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30 Les enjeux majeurs des programmes d'études et des régimes pédagogiques

Au-delà de 40 % de la population, soit 28,8 % detitulaires du DES plus 12,6 % sans diplôme, setrouve sans qualification particulière (49 %d'hommes, 34 % de femmes). Même si l'on neconsidère pas couramment le DES comme undiplôme terminal, il est terminal de fait pour plusdu quart de la population. Il y a là un dysfonction-nement majeur dans la cohérence de notre sys-tème. Cette grande proportion de personnes sansqualification particulière, pourvues du seul DESou sans aucun diplôme, souligne une faiblesseparticulière de notre système éducatif à l'égard desqualifications de niveau secondaire, par comparai-son avec celles des études supérieures31. Il vautcertes mieux laisser les études secondaires avecun DEP et sans DES, que dépourvu et de l'un et del'autre.

31 Le rapport Pagé (La Formation professionnelle

chez les jeunes : un défi à relever, 1995, p. 28)compare les taux d'obtention de l'équivalent duDEP chez les jeunes : «Selon les indicateurs de1992, dans les pays membres de l'OCDE, 38 % desjeunes obtiennent, en moyenne, un premier diplômeprofessionnel et en apprentissage, correspondantau second cycle du secondaire. Cette proportionest supérieure à 60 % en Allemagne (68 %), enSuisse (67 %) et en Suède (61 %). Elle se situe de40 à 60 % pour les pays suivants : la Belgique, laFrance, la Finlande, la Norvège et la Hongrie.Cette proportion est de 2,1 % pour les jeunesQuébécois de moins de 20 ans.» Une partie del'explication de cet immense écart tient sans douteà ce qu'affirme un document récent du ministère del'Éducation : «[…] hétérogénéité de l'effectif sco-laire dans ce secteur d'études, notamment pour cequi est de l'âge des élèves. Dans une même classesont en effet réunis des jeunes de 15 ans avec desadultes de 20, 30 ou 40 ans et plus. En fait, pourl'ensemble du Québec, les deux tiers de l'effectifscolaire en formation professionnelle ont plus de20 ans, et cela, malgré une hausse importante del'effectif jeune dans les régions.» Comité d'orienta-tion de la formation du personnel enseignant, Uneformation de qualité pour un enseignement profes-sionnel, Québec, ministère de l'Éducation, 1998,p. 8.

2. Une base d'accès aux études deDEP

Ces données correspondent aussi, d'une certainefaçon, à un phénomène important : ceux et cellesqui accèdent à une première formation qualifiantesoit de niveau secondaire, soit de niveau collégial,y accèdent très souvent avec beaucoup plus d'acquisde formation générale que le minimum requis enprincipe. Les cas les plus typiques sont : l'accèsaux programmes techniques après un DEC pré-universitaire réussi puis un refus à l'université;l'accès à un DEC technique après quelques ses-sions d'études préuniversitaires, soit par choixdélibéré, soit sous la pression d'échecs multiples;l'accès à un programme de DEP après un trajetcollégial semblable; l'accès à un programme deDEP après l'obtention du DES.

Observons immédiatement qu'un surplus d'étudesde type formation générale, qu'il s'agisse du DESou d'études préuniversitaires au cégep avant unDEC technique, n'est pas forcément perdu pour lemarché du travail. Les exigences du marché dutravail montrent en effet que les habiletés géné-rales ou «génériques» sont aussi «utiles» et cru-ciales que les connaissances très particulièrespropres à un domaine32.

Cependant, le fait que beaucoup de trajectoiresn'aboutissent jamais à une formation qualifiantespécifique ou n'y aboutissent que très indirecte-ment, pose deux grandes questions à notredeuxième cycle secondaire. Conduit-il suffisam-ment de jeunes aux études techniques qui leurconviennent, sans trop de détours, comme on 32 Aux États-Unis, l'immense projet SCANS (Secre-

tary's Commission on Achieving Necessary Skills)s'est justement appuyé sur cela pour faire mieuxconverger toutes sortes d'enseignement, dans lesétudes secondaires courantes, avec divers com-plexes de capacités et habiletés précieuses dans lavie active. Voir une adaptation faite au Québec :Projet-Atout. Les habiletés et les comportementsrequis dans le monde du travail. Éléments essen-tiels de la Commission SCANS et guide générald'application, Longueuil, Commission scolaireJacques-Cartier, 1996.

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Pour un renouvellement majeur du deuxième cycle secondaire 31

pourrait l'espérer? Apparemment non. Conduit-ilaussi suffisamment de jeunes à des études profes-sionnelles de DEP, dans la ligne où l'espérait lerapport Pagé, c'est-à-dire vers l'attribution annuellede 20 000 diplômes d'études professionnelles(DEP) chez les moins de 20 ans, plutôt que de5 000? Encore moins, apparemment. Cette der-nière question, évidemment, ne vaut que si l'on neconsidère pas l'accès au DEP sur la base d'un DEScomme un détour relativement inutile, puisquec'est plus que le minimum demandé.

Pour diverses raisons, le Conseil supérieur del'éducation croit souhaitable que le curriculum dusecondaire soit assez stimulant pour que les jeunesaient le goût de réussir jusqu'au DES, avant defaire un choix vocationnel vers le DEC ou vers leDEP. Plusieurs raisons sont particulièrementévidentes. D'abord, il y a de fait un grand décalageentre le minimum réglementaire et la pratique desadmissions. En effet, plus un programme de DEPest attrayant, plus son contingentement fréquentfait qu'on n'y retient que les candidatures détentri-ces d'un DES. En second lieu, il y a l'espoir de ladiminution des retards scolaires. En supposant queles redoublements soient réduits grâce à la mise enplace d'un suivi par cycle de la progression desélèves, donc que les retards scolaires soient demoins en moins accentués à l'âge de 15-16 ans,l'orientation vers un secondaire général complétéavant l'entrée dans un métier devient d'autantplus vraisemblable dans le choix d'un élève. Deplus, la valorisation considérable d'habiletés typi-ques de la formation générale donne à cette trajec-toire un intérêt certain, sans discréditer un passageplus précoce en formation professionnelle, dèsaprès la 3e secondaire. Enfin et surtout, l'accès auDEP dès l'obtention d'un diplôme d'études secon-daires répond à une diversification de chemine-ments qui laisse le temps d'un choix de carrièreplus mûri à 17-18 ans qu'à 15-16 ans.

Cependant, s'il est souhaitable que le DES con-duise directement et en continuité, plus couram-ment qu'aujourd'hui et plus naturellement, à desformations de DEP, cela n'est pas dépourvu decorollaires en matière d'options à rendre disponi-

bles en 4e et 5e secondaire33. Il en sera plus préci-sément question dans une prochaine section. Rete-nons pour le moment deux choses : que, dans ladiversité à maintenir, la voie d'accès aux étudesprofessionnelles sur la base du diplôme d'étudessecondaires et en continuité puisse attirer de plusen plus les jeunes et qu'il faut garder cela à l'espriten repensant la forme curriculaire à donner ausecond cycle secondaire, parmi d'autres critères etd'autres préoccupations.

3. La possibilité d'une meilleurejonction du deuxième cyclesecondaire avec les étudescollégiales

Cette jonction sera d'autant meilleure que les élèvesadmis au collégial feront un bon choix de pro-gramme, auront des chances accrues de réussirle programme choisi, et auront le moins possi-ble besoin de récupération.

Chacun de ces trois aspects pointe vers une diffi-culté nette vécue dans le réseau collégial. Dupoint de vue de l'orientation, d'abord. L'actuelsecond cycle secondaire est extrêmement uniforme.À part la possibilité, par quelques cours optionnelsde sciences et de mathématiques, d'éprouver sonchoix d'études supérieures dans ce domaine, lesecond cycle secondaire n'offre que très peu d'occa-sions de préparer un choix fait davantage «à coupsûr» de l'une ou l'autre des grandes familles dequalifications disponibles au cégep.

Du point de vue des chances de réussite ensuite.Comme l'entrée au cégep exige un diplôme d'étu-des secondaires comprenant la réussite de troiscours spécifiques, dont il sera plus amplement

33 Il va de soi que les acquis remarquables de la voie

technologique dans la jonction de quelques disci-plines obligatoires avec les options technologiquesont ici aussi toute leur place. Voir M. Henripin,Différencier le curriculum au secondaire : versdes parcours scolaires stimulants pour tous lesjeunes.

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32 Les enjeux majeurs des programmes d'études et des régimes pédagogiques

discuté au chapitre 6, on considère, traditionnelle-ment, comme une sorte de contrat social implicitele droit des candidats et candidates d'être admis aucégep, quoique pas forcément dans le programmede leur premier choix ni dans leur collège de préfé-rence34. Les chances de réussite varient essentiel-lement d'après les unités et la moyenne généraleobtenues au secondaire. Ainsi, pour une cohortedes élèves admis en sciences humaines dans lescollèges desservis par le Service régional desadmissions du Montréal métropolitain (SRAM),on a comparé l'accès au DEC en sciences humai-nes des élèves dont la moyenne du second cyclesecondaire était sous 68 %, avec l'accès de ceuxdisposant d'une moyenne supérieure. Le cas despremiers démontrait des chances très mincesd'obtenir ce DEC en sciences humaines. Cepen-dant, ceci mérite nuance car il arrive fréquemmentque des réorientations scolaires en cours d'étudescollégiales répondent à un véritable choix d'orienta-tion professionnelle. Ainsi, la faible probabilitéd'obtention du DEC en sciences humaines dans lecas étudié n'exclut pas l'obtention d'autres diplô-mes d'études collégiales.

Le troisième aspect porte sur la meilleure prépa-ration possible pour entrer au collégial. Ellecomprend deux volets : l'un, de préparation diffé-renciée selon les programmes, l'autre, d'acquisglobaux et de capacité générale. La préparationdifférenciée s'appuie sur des cours désignés, parfoisexigés comme préalables, parfois déjà présentsdans le programme obligatoire du secondaire. Enlettres, par exemple, on s'appuie aisément sur lesrésultats en langue. En sciences humaines, on peuts'appuyer sur ceux obtenus dans les cours obligatoi-res de sciences humaines. En sciences et dans lestechniques de sciences appliquées, on s'appuie surdes cours de sciences et de mathématiques quisont optionnels au deuxième cycle secondaire :

34 Ces déceptions sont toutefois limitées. Les don-

nées du SRAM montrent en effet que, pour le trèsgrand nombre de collèges reliés à ce service régio-nal d'admission, 90 % des candidats et des candi-dates sont admis à la fois au programme et aucollège de leur premier choix.

parfois, on les exige, sous l'appellation de courspréalables mentionnés dans les conditions particu-lières d'admission; parfois on les conseille et onles souhaite sans les exiger.

Le problème le plus grave n'est cependant pascelui de la préparation différenciée par programme,mais celui du niveau général des acquis et descapacités déjà rodées au secondaire. Commeailleurs en Amérique du Nord, lorsque l'enseigne-ment collégial – technique, préuniversitaire ouuniversitaire – devient un enseignement de masse,la proportion de ceux et celles qu'on appelle «under-prepared», inadéquatement prêts, devient plusimportante35.

Cette problématique d'une meilleure préparationau secondaire pour hausser le taux de réussite aucollégial, a souvent été traduite en éloge de plusd'exigences externes. Par rapport à un secondcycle secondaire presque entièrement homogène,limité à quatre cours optionnels en grande partieconditionnés par un appel de cours préalables ensciences, la figure prise par cet appel d'exigencesplus élevées a consisté à augmenter le nombre decours obligatoires nommément exigés pour accé-der au cégep36. Il faut à tout prix, cependant, réflé-chir sérieusement à une autre voie pour que lesecondaire s'harmonise mieux avec le collégial : lavoie d'une différenciation qui se prête bien àpousser davantage les élèves à apprendre surdes bases d'attentes élevées plutôt que sur celles

35 Depuis la réforme du régime des études collégiales

de 1994, en dehors des allègements, adaptations,répétitions de cours qui ont toujours été utilisés,quelques mesures nouvelles de rattrapage se sontmises en place, telles la possibilité pour le collèged'exiger un cours de rattrapage en langue d'ensei-gnement, ou la mise sur pied d'un programmeaccueil-intégration d'une ou deux sessions, commetransition vers un autre programme.

36 La révision de divers programmes collégiaux,après 1990, avait pris pour référence, en termesd'acquis, ces cours nommément exigés en principepar le régime du secondaire amendé en 1990, sansprévoir que le régime effectif de sanction des étu-des resterait presque indéfiniment provisoire. Lechapitre 5 reviendra en détail sur ces questions.

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Pour un renouvellement majeur du deuxième cycle secondaire 33

d'exigences réglementaires externes. Le Conseilexplore ici le potentiel et le sens d'une telle diffé-renciation; il reviendra au chapitre 6 sur les déci-sions correspondantes touchant la sanction desétudes.

4. Quelques pratiques observablesen matière de jonction entre lesecondaire et le postsecondaire

Si nous cherchons des manières stimulantes pourles élèves de structurer le passage du secondaireau collégial, diverses pratiques étrangères peuventsuggérer des pistes intéressantes, tout en gardant àl'esprit que la composante de formation généraledes programmes de diplôme d'études collégialesreprésente au Québec un équivalent de la 12e

année secondaire ailleurs en Amérique du Nord.

Ainsi, en Colombie-Britannique, après une 10e

année réussie, on peut entrer au collège commu-nautaire dans une formation de niveau métier.Pour entrer à l'université ou au même collègecommunautaire dans une formation technique, ilfaut avoir complété la 12e année avec succès.

En Ontario, il existait autrefois une treizièmeannée servant de propédeutique à l'université,sanctionnée par un diplôme différent de celui de la12e année, commun à tous les élèves. Dans lesystème actuel, la 13e année propédeutique estdisparue mais celui ou celle qui veut accéder àl'université doit inclure dans son programme de11e et 12e année six cours plus avancés, que l'onappelle «Ontario Academic Courses» ou OAC.Ces six cours sont généralement pour moitié dufutur domaine de spécialisation : arts, sciencesappliquées, domaine social, etc., et pour moitiédans les disciplines principales de formationgénérale, en langue et littérature particulièrement.

En France, le programme d'études des lycées sedifférencie en plusieurs profils, désignés par deslettres; les premiers, dits par exemple A, B, C, D,conduisent aux études universitaires, et les sui-vants préparent à des études techniques (baccalau-

réats technologiques). D'autres enfin constituentdes formations professionnelles (baccalauréatsprofessionnels). Le lycée dure trois ans (corres-pondant à nos 4e et 5e secondaire, et 1re année decégep). La première de ces trois années, appelée«seconde», est une année de «détermination», oùl'appartenance à une filière particulière n'est pasencore fixée. Les deux années suivantes – la pre-mière, puis la terminale – sont plus directementpréparatoires à un domaine large d'études univer-sitaires, ou bien à une famille de diplômes décer-nés par les IUT (instituts universitaires de techno-logie, programmes de deux ans surtout, parfois unpeu plus) ou à des brevets d'études de techniciensupérieur (deux années également, offertes aulycée plutôt qu'en IUT).

Aux États-Unis, on ne peut évidemment accéder àl'université sans diplôme d'études secondaires.Dans les universités sélectives et les programmesrelativement contingentés, on s'appuie, pour l'admis-sion des candidats, sur leur performance dans lesdeux domaines, intelligence verbale et mathéma-tique, du «Scholastic Aptitude Test» (SAT). Enmême temps, les «Four Year Colleges», c'est-à-dire les premiers cycles universitaires, ont unefaçon très intéressante de stimuler l'excellence desécoles secondaires qui les alimentent et la motiva-tion des élèves. En effet, les collèges poussent lesélèves à aborder dès le secondaire l'un ou l'autrecours qu'ils reconnaîtront et créditeront dans lecadre d'un baccalauréat de premier cycle. C'est lesens précis des «advanced courses», auxquels lesélèves du secondaire n'accèdent parfois que surinvitation des enseignants37.

37 B.R. Clark, un analyste reconnu des rapports entre

le secondaire et le postsecondaire dans divers paysoccidentaux, s'appuie particulièrement sur ce caspour plaider en faveur d'un rapport des établisse-ments d'enseignement supérieur avec ceux d'étudessecondaires qui présente moins de contraintes (telsles cours préalables) et davantage d'influence sti-mulante envers les écoles. Voir Burton R. Clark,The School and the University : an InternationalPerspective, Univ. of California Press, 1985.

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34 Les enjeux majeurs des programmes d'études et des régimes pédagogiques

Mentionnons enfin la situation de l'Angleterre, quia profondément modifié ses pratiques depuis unedizaine d'années. Les onze années d'études primaireset secondaires y sont couronnées par un certificatuniversel, appelé «General Certificate of SecondaryEducation» (GCSE). Quiconque, cependant, veutse diriger vers les études préparatoires à l'université(deux ans de «sixth form», dispensés dans lesécoles secondaires) doit toutefois avoir obtenu,dans les examens externes du GCSE, une cotedonnée dans au moins cinq matières, soit la cote Cou plus, dans une gamme allant de A à F.

De façon générale donc, si l'on retrouve parfoisdes exigences supplémentaires à celles du diplômed'études secondaires, elles concernent l'accès àl'université et non pas aux études techniques.D'autre part, les options du secondaire serventcouramment de formation préprofessionnelleconduisant à une formation technique ultérieurequalifiante. Troisièmement, divers pays, de multi-ples États américains aussi, utilisent au deuxièmecycle, couramment plus long que le nôtre, des pro-fils de cours en partie différenciés par une pondé-ration variable de matières qui restent en bonnepartie communes, à la façon des diverses filièresvers le baccalauréat utilisées en France38. Cespratiques concrétisent des continuités secondaire-postsecondaire qui tiennent bien compte d'unsecondaire moins homogène que celui de notredernière décennie au Québec. Enfin, dans un con-texte où il faut travailler à renforcer l'ambitiond'apprendre en cours d'études secondaires, l'encou-ragement à anticiper dès le secondaire, sur l'un oul'autre terrain, des apprentissages relevant habi-tuellement du postsecondaire, paraît potentielle-ment faire partie d'une continuité plus organique.

38 Les pratiques de l'Oregon analysées dans Le Renou-

vellement du curriculum : expériences américaine,suisse et québécoise constituent un très bel exem-ple. Plus largement, divers ponts établis du secon-daire général vers des domaines de formationtechnique postsecondaire, aux États-Unis, regrou-pés sous l'étiquette générique «2 + 2» (deux annéessecondaires pairées avec deux années collégiales),représentent aussi une belle illustration de «profils»,au deuxième cycle secondaire.

Il faudrait en tenir compte en repensant radicale-ment le fondement et la finalité de notre deuxièmecycle secondaire.

5. Un second cycle secondairedifférencié qui réponde à ladiversité des besoins

Un second cycle secondaire renouvelé en profon-deur répondra à de multiples préoccupations quine sont pas aisées à associer. Préoccupationd'accessibilité accrue, d'abord, faisant en sorte,en particulier, que ceux et celles qui aspirent à desformations professionnelles ou techniques y per-sévèrent en plus grande proportion. Et, pour qu'ilsvivent avec aisance et grand profit cette phase deformation, il faudra un curriculum forcément plusdifférencié. Souci d'une meilleure préparation àla filière préuniversitaire et à la filière techni-que du collégial, capable de réduire la proportiondes réorientations dues aux échecs en cours d'étu-des collégiales : diminution drastique du rattra-page ultérieur, donc, sans espérer pouvoir l'élimi-ner complètement, cela va de soi. Souci aigu dupotentiel d'orientation professionnelle du curri-culum, particulièrement du côté des options ou deprofils d'options. Présence, également, de démar-ches d'apprentissage technique préparatoires àdes formations qualifiantes, soit collégiales, soitdans les cadres conduisant aux divers DEP. Et, endernier lieu, un second cycle secondaire haute-ment stimulant qui exploite le mieux possible lesressources des élèves, plutôt par l'expressiond'attentes élevées que par des exigences réglemen-taires qui font jouer la peur de l'échec.

Le Conseil supérieur de l'éducation avait esquissé,en 199439, quelques principes d'opérationnalisa-tion d'un tel second cycle secondaire profondé-ment renouvelé. Aujourd'hui, il faut se demander,à la lumière de L'École, tout un programme et durégime pédagogique proposé, si l'on semble vou-loir se donner les moyens d'un tel idéal.

39 Voir Rénover le curriculum du primaire et du

secondaire, chap. 7.

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Pour un renouvellement majeur du deuxième cycle secondaire 35

6. L'arsenal des moyens et l'effet desrègles

Parmi les moyens énoncés dans un régime péda-gogique pour progresser vers cet idéal, certainssont indispensables, d'autres sont simplementfavorables. En même temps, il faut recenser desmoyens qui sont pour ainsi dire au-delà des règlescomme telles, dans le curriculum, dans l'alloca-tion des ressources, dans des équilibres de sys-tème à la jonction de deux ordres d'enseigne-ment et de deux genres d'études comme la forma-tion générale et la formation professionnelle outechnique.

Les moyens principaux peuvent se regrouperparticulièrement sous les aspects suivants :

1° ampleur de l'espace préservé pour des coursoptionnels;

2° valeur orientante de nombreux cours obliga-toires ou optionnels;

3° meilleur ajustement des enseignements aupotentiel des élèves;

4° émergence possible de sous-ensembles d'op-tions constituant des profils.

6.1 Ampleur des options prévues

Le Conseil l'a déjà souligné précédemment en dis-cutant des grilles-matières (au chap. 3), le régimeproposé fait trop peu de place aux options. Uneseule option de plus en 4e secondaire malgré l'ajoutde deux unités supplémentaires en 4e et en 5e

secondaire. Quelques cours de base en sciences,physique, chimie et biologie, ne sont que desoptions partielles, puisqu'ils sont presque incon-tournables pour l'élève qui n'a pas mis de côté lespossibilités d'orientation dans le vaste domainedes sciences et des techniques de sciences appli-quées. Le reste des options disponibles et de choixcomplètement libre est très limité.

L'une des façons de dégager une quatrième optionen 5e secondaire consisterait à rassembler au cours

des quatre premières années les enseignementsobligatoires de sciences humaines, y compris lecours portant sur le monde contemporain. Celaaurait, en plus, l'avantage de rendre plus acces-sible l'une ou l'autre option de sciences humainesà haute valeur d'orientation, en 5e secondaire.

6.2 Valeur orientante de nombreuxcours optionnels et même decertains cours obligatoires

Il faut offrir, dans plusieurs grands domaines telsque les arts graphiques, l'informatique, le domaineéconomique et administratif, le domaine socialdes professions d'aide, les technologies physiques,la santé et la biologie appliquée (au domaine agro-alimentaire, par exemple), l'un ou l'autre coursoptionnel qui permette de vraiment mettre àl'épreuve des hypothèses naissantes d'orientationet de choix de carrière. Il peut s'agir de program-mes qui invitent à faire des apprentissages avecune certaine collaboration des milieux de travail :stage d'observation dans les milieux de la santé etdes services sociaux, en entreprise industrielle oucommerciale. Rappelons ici l'intérêt d'un coursengageant à des collaborations à divers organis-mes communautaires, tel que le Conseil le suggé-rait en 199440. Dans une palette d'options adéqua-tes, il faudra apporter le plus grand soin aux coursdu domaine technologique, faisant potentiellementun pont très «orientant» et mobilisateur entre desacquis du premier cycle du secondaire et des for-mations ultérieures dans l'un ou l'autre DEP ouaux études techniques collégiales.

Comment, par contre, consolider l'intuition d'ungoût et d'aptitudes pour l'étude des lettres etl'enseignement de la langue, ou pour des étudesspécialisées en mathématiques? Ce ne peut pasêtre par des options puisqu'il s'agit, dans ce cas, de

40 Il est connu que beaucoup de jeunes sont particu-

lièrement attirés par le programme d'éducationinternationale au secondaire du fait qu'il exige,donc qu'il orchestre et facilite, un engagementcommunautaire.

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36 Les enjeux majeurs des programmes d'études et des régimes pédagogiques

cours obligatoires. Cependant, en mathématiquespar exemple, il y a le choix offert, dès la 4e secon-daire, d'un cours plus approfondi, plus «avancé».Dans l'une ou l'autre matière obligatoire, il seraitpossible de faire émerger des cours plus significa-tifs, du point de vue d'un choix d'orientation, quele cours commun de base, sans forcément y acco-ler un surplus d'unités allouées, comme le laisseentrevoir L'École, tout un programme (p. 25)41.

6.3 Quelques cours optionnels trèspoussés

L'ajustement des enseignements au potentiel desélèves doit souvent se faire «à la hausse», par desattentes plus élevées, pour contrer une forme dedémobilisation issue d'un cheminement scolairequi s'attarde trop. La Commission des États géné-raux a reconnu la nécessité d'inverser une menta-lité conduisant à remettre à plus tard, à reportertrop volontiers toutes sortes de contenus du début 41 Le ministère de l'Éducation a choisi d'appeler

«programme différencié» le programme d'unematière «de plus d'un niveau de difficulté» (Calen-drier d'implantation, ministère de l'Éducation, 15juin 1998), tel qu'il s'en trouve déjà en mathéma-tiques du deuxième cycle secondaire et en sciencesphysiques de 4e secondaire. L'échéancier prévoitque l'on disposera de programmes différenciéspour quatre matières de 4e secondaire en septem-bre 2003 : français et anglais langue d'enseigne-ment; français et anglais langue seconde. L'annéesuivante, on en disposera pour deux autres matiè-res de 4e secondaire : sciences et technologie etmathématiques, de même que pour français etanglais, soit langue seconde soit langue d'ensei-gnement, en 5e secondaire. Enfin, en septembre2005, on annonce un programme différencié enmathématiques de 5e secondaire.

Dans le cas des mathématiques, il semble qu'ils'agisse d'une différenciation à trois niveaux dedifficulté, si l'on en croit la Commission desprogrammes d'études (voir Calendrier d'élabora-tion et de révision des programmes d'études,Québec, 1998, p. 9). De même, la différenciationde sciences et technologie de 4e secondaire, à par-tir de l'acquis actuel de deux niveaux de difficultéen sciences physiques de 4e secondaire, seraitportée, selon la même source, à trois niveaux dedifficulté.

du secondaire vers la fin, du secondaire au collé-gial. La compétence en anglais langue secondefournit ici un très bon exemple. L'état de faiblessegénérale en la matière a conduit, en 1994, à rajou-ter 90 heures d'anglais langue seconde dans tousles programmes de DEC, au collégial. Sur l'hori-zon de 2004, est-ce une décision irréversible? Nepeut-il pas se trouver des enseignements de hauteteneur dès la 4e et 5e secondaire qui assureraientdéjà de la compétence moyenne qui est attendueau terme des cours collégiaux actuels42? Ce seraitdommage qu'on n'y songe pas très activement.

L'émergence de cours optionnels particulièrementpoussés devrait être examinée avec la participa-tion étroite de responsables du réseau collégial, etpourrait faire inclure avec très grand profit quel-ques cours optionnels reconnus dans un pro-gramme collégial donné, à la façon des «advancedcourses» des collèges américains donnés en 12e

année secondaire dont il a été question précédem-ment. On pense ici tout naturellement à un secondcours optionnel de biologie qui serait reconnu ensciences ou en soins infirmiers, ou bien à l'un desquatre cours du tronc commun du programme desciences humaines.

7. L'usage possible de profils

Comme on l'a souligné plus haut, l'exemple del'Oregon43 montre à l'œuvre une pratique de plusen plus présente dans divers systèmes scolairesoccidentaux44. Il s'agit de la constitution de 42 On trouve couramment, dans les écoles de langue

anglaise, des élèves satisfaisant, pour le françaislangue seconde, aux exigences de la 5e secondairedès la 3e secondaire, et qui passent, au secondcycle secondaire, dans un programme de françaislangue d'enseignement, englobant langue et litté-rature.

43 Voir Le Renouvellement du curriculum : expérien-ces américaine, suisse et québécoise, 1re partie.

44 Voir par exemple P.B. Figved, L'Enseignementsecondaire en Norvège, Strasbourg, éd. du Conseilde l'Europe, 1996; J. Singh, L'Enseignement secon-daire en Angleterre, Strasbourg, éd. du Conseil del'Europe, 1995; Réginald Grégoire inc., Les dernières

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Pour un renouvellement majeur du deuxième cycle secondaire 37

quelques sous-ensembles de cours obligatoires etoptionnels combinés autour d'une certaine domi-nante du point de vue de l'orientation. La palettedes baccalauréats coexistant dans les programmesdu lycée, en France, palette dont quelques caracté-ristiques ont été notées plus haut, constitue uneautre illustration intéressante d'un regroupementpar profils qui pourrait inspirer la structuration denotre deuxième cycle secondaire. Avec un nombresuffisant d'options, on peut constituer, à partird'une partie d'entre elles, une dominante (parexemple : arts, lettres, langues, sciences, techniquesde production, domaine administratif, sciencessociales et professions connexes, y compris enéducation…) qui n'aurait rien d'irréversible entermes d'orientation, au contraire, mais qui à lafois inviterait à se dépasser, à parier sur ses talentsparticuliers et à se donner un projet de formationplus personnel.

* **

Pour résumer, la rénovation curriculaire du secondcycle secondaire représente peut-être le défi dedéveloppement le plus considérable, défi auquel leConseil attache beaucoup d'importance. C'est uneentreprise à placer sous le triple éclairage d'uneplus grande accessibilité, d'un plus grand potentield'orientation, y compris sous le jour d'un passageplus organique vers des études ultérieures et,enfin, d'un meilleur ajustement à une variabilitéconsidérable des acquis et des attentes. C'est doncsous le signe d'attentes plus élevées dans un cadremoins homogène que se profile cet avenir souhai-table. Le régime pédagogique repensé doit déjàassurer quelques premières conditions de cespossibilités45.

années de l'enseignement secondaire dans quel-ques provinces et pays. Une exploration, Québec,ministère de l'Éducation, 1994.

45 L'École, tout un programme déclare : «À chaqueannée, l'élève ne devra pas choisir ses matières àoptions dans plus de deux domaines disciplinaires»(p. 25). S'il y a quatre options en 5e secondaire, ilfaudrait sans doute réévaluer ce principe limitatif,

Les analyses du Conseil rappellent le «pourquoi»de la différenciation du curriculum du deuxièmecycle secondaire avant de revenir au «comment».Il faut un second cycle secondaire qui sollicitedavantage l'effort, le dépassement, la diversitédes talents et des visées personnelles, et cela estpossible sous le signe d'une différenciation plusmarquée. Il faut un secondaire qui guide mieuxvers les choix de formation ultérieurs. Il faut aussiqu'il prépare mieux à des qualifications ultérieu-res, qu'elles soient universitaires, collégiales ourelevant du secteur professionnel du secondaire.

Il faut un second cycle plus largement accessibleque l'actuel, rendu plus attrayant et plein de senspour nombre de jeunes qui le quittent sans le com-pléter, actuellement. Voilà essentiellement lepourquoi d'un second cycle secondaire différencié.Le comment reste largement à bâtir, à imaginer, àplanifier. Cependant, déjà sur le plan réglemen-taire, il faut prendre les dispositions adéquates.C'est sous le signe d'attentes plus élevées dans uncadre moins homogène que se profile l'avenirsouhaitable. Le régime pédagogique repensé doitdéjà assurer quelques premières conditions depossibilité.

C'est pourquoi, sur le terrain spécifiquementréglementaire, le Conseil supérieur de l'éducationrecommandait, au chapitre précédent, de ménagerla possibilité de trois cours optionnels en 4e secon-daire et de quatre en 5e secondaire.

Le Conseil recommande particulièrement, enmatière de cours offerts, d'accorder unegrande importance à des cours optionnels quiintroduisent aux domaines principaux de laformation professionnelle secondaire et desétudes collégiales techniques.

qui empêcherait, par exemple, d'associer uneoption sport, une option de langue et littérature etdeux options en sciences.

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38 Les enjeux majeurs des programmes d'études et des régimes pédagogiques

Le Conseil recommande aussi de renforcerl'harmonisation des études secondaires et desétudes collégiales, en pariant sur un curricu-lum secondaire plus différencié, en faisant par-ticiper des responsables d'études collégiales à la

révision du curriculum du second cycle secon-daire et en amenant le réseau collégial à recon-naître certains acquis de niveau secondairesans toutefois les convertir en cours préalablesà l'admission au collégial.

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CHAPITRE 5L'évaluation des apprentissages

et la sanction des études

On s'arrêtera ici successivement à l'évaluationcourante des apprentissages, ensuite à la sanctiondes études en fin de premier cycle secondaire puisà la sanction finale des études secondaires chez lesjeunes et, enfin, à la même question au secteur del'éducation des adultes.

1. L'évaluation courante

Il y a, dans notre culture scolaire coutumière, unetendance tenace qui aboutit à une dégradation del'évaluation diagnostique ou formative (faite encours d'apprentissage) par l'évaluation sommative(pour fin de sanction). Nous pourrions mêmeparler d'une contamination de la première par laseconde, qui s'exerce de deux façons. D'abord parl'adoption d'une pratique d'évaluation sommativecontinue. Ne plus tout faire dépendre d'un examenfinal, voilà qui est certes défendable. Cependant, ily a eu couramment un envers de la médaille quiest celui-ci : «faire compter» trop substantielle-ment les résultats des premiers mois ou semainesd'une année, amène des élèves, avant qu'ils aientprogressé, à renoncer et à désespérer dès le milieude l'année. Un certain fétichisme arithmétiquedans la compilation des résultats d'étapes (étapeset bulletins d'étape où tant de parents exigent desrésultats en chiffres sur 100 %) fait que l'élèvefaible qui progresse énormément ne pourra pas,quand même, réussir, si ses résultats trop bas dudébut gardent un poids relatif inamovible dans lescompilations. La solution à cela se trouve enpartie dans l'usage des cycles, qui consiste à sedonner deux ans, parfois trois dans le cas dupremier cycle secondaire, plutôt que deux moispour décider si l'élève a progressé jusqu'à un seuilacceptable.

Le second grand facteur de contamination largedu processus d'apprentissage par l'évaluation som-mative, c'est son usage comme outil de motivationou comme instrument de pression. «Est-ce que çacompte?» Tel devient le refrain. Si ça ne comptepas, lorsqu'on travaille seulement «pour les notes»

la passivité s'installe46. La réduction utilitariste estpassée par là : les «notes» font quasi office demonnaie et de paye pour le travail scolaire. Ici, lesalternatives évaluatives, d'évaluation formative, deconstitution de portfolio, d'évaluation par présen-tations47, ou encore le recours à une évaluationsommative en partie externe48, ressortent beau-coup trop peu. Mais le réveil d'une motivationmoins restreinte aux notes repose pour beaucoupsur la pratique pédagogique : pédagogie de pro-jets, pédagogie dite de la réussite, pédagogieactive, autant de voies qui s'attaquent de front àcette difficulté.

Article 35. Pour tous les program-mes d'études offerts à l'enseignementsecondaire, la note de passage est fixéeà 60 %.

La Loi sur l'instruction publique récemment amen-dée laisse à l'école plus de latitude dans le choixde la forme des bulletins et dans les modalitésd'évaluation. Cependant, l'article précisant le seuilde réussite de 60 % reste en place. Il est souventappliqué étape par étape, en «faisant tout compter»,d'une façon qui défait par en-dessous les effortsindéniables des dernières années pour un meilleurusage de l'évaluation formative. Il mériterait unemise en contexte très claire, telle que : «Sans riensoustraire à la place légitime de l'évaluation 46 Voir la grande difficulté qu'il y a à se défaire de

cette mentalité, dans Le renouvellement du curri-culum : expériences américaine, suisse et québé-coise, 4e partie.

47 Celle-ci est fortement privilégiée dans le réseaud'écoles secondaires dit Coalition of EssentialSchools, aux États-Unis. Voir Theodore R. Sizer,«Faire moins mais mieux», dans Prospectives,février 1987, p. 19-24.

48 Le mérite pédagogique de l'évaluation externe, parexamens ministériels ou à la façon du baccalauréatinternational, est d'abord et avant tout de rendre leprofesseur davantage complice et allié de l'élève,plutôt que de lui faire porter constamment et simul-tanément le rôle du juge chargé, le cas échéant,d'exclure par l'échec, et celui d'allié accompagna-teur. Voir P. Thibaud et P. Reynaud, La Fin del'école républicaine, Paris, Calmann-Lévy, 1992.

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40 Les enjeux majeurs des programmes d'études et des régimes pédagogiques

formative dans l'accompagnement de l'apprentis-sage des élèves et de leur progression dans uncours et dans un cycle…»

Au-delà des questions de fond sur la répartitiondes matières traitées au chapitre 3 surtout, et au-delà des questions de sanction des études (abor-dées plus loin), quelques petites remarques s'im-posent.

Au titre des quatre bulletins scolaires (article 29),il n'est peut-être pas requis que chacun d'euxcontienne les dix-sept informations prévues parl'article 30. Cependant, il faut rappeler ici la raisonpour laquelle on prévoit dans le régime pédagogi-que actuel, plutôt cinq communications que quatrebulletins. On voulait éviter que, si le premierbulletin devait parvenir aux parents relativementtard dans l'année scolaire, en début décembre parexemple, une première communication soit troptardive. Cette préoccupation reste d'actualité.

À propos du 17e point, «le degré de maîtrise descompétences transversales» (article 30), on gagneà le rapprocher de l'article 31, qui parle de «com-pétences jugées essentielles», avec une ambitionplus délimitée. De même, un autre terme que celuide «maîtrise» serait peut-être plus approprié,comme celui de «progression dans l'acquisition…»,par exemple.

Remarquons aussi que le choix d'un autre lieud'apprentissage, comme, par exemple, l'enseigne-ment reçu à la maison, paraît traité plutôt commeun problème que comme une possibilité positive.L'enseignement à distance49 qui émerge en coursd'études secondaires ici et là au Canada et particu-lièrement dans des régions éloignées, mériteraitaussi une mention comme lieu et mode d'appren-tissage.

49 Voir, sur des pratiques qui émergent avec beau-

coup de profit pour les élèves, M. Henripin,Différencier le curriculum au secondaire : versdes parcours scolaires stimulants pour tous lesjeunes.

2. Plaidoyer pour un bilan certifiédes apprentissages en fin depremier cycle secondaire

Faut-il ou ne faut-il pas marquer l'étape, en fin depremier cycle secondaire? Le régime pédagogiquey prévoit un bilan des apprentissages. Le Conseilcroit qu'il faut lui donner valeur de certificat depremier cycle, avec un message clair sur son sensafin qu'il ne détourne pas les élèves de la poursuitedes études, mais que, au contraire, il serve à encou-rager la persévérance en cours de premier cycle.

Plusieurs raisons militent en faveur d'un tel certifi-cat. D'une certaine façon, depuis que les règlestouchant l'obtention du diplôme final des étudessecondaires ne prennent plus en considération lesacquis du premier cycle, pour des raisons tout àfait défendables, il y a là un vide malsain, du pointde vue de la reconnaissance des acquis. En secondlieu, si, à la suite de la forte conviction de la Com-mission des États généraux, l'écart doit être marquéentre une scolarisation de base essentiellementcommune de 1re à 9e année, puis un second cyclesecondaire beaucoup moins commun et uniforme,un certificat de premier cycle ponctuerait trèslogiquement la progression. Enfin, cela est tout àfait accordé aux nouvelles conditions d'accès à laformation professionnelle par les programmes deDEP, sur la base d'acquis de 3e secondaire. C'estpourquoi le Conseil supérieur de l'éducationrecommande au ministre de l'Éducation d'instau-rer un certificat de fin de premier cycle secon-daire dont la valeur soit socialement reconnue.

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L'évaluation des apprentissages et la sanction des études 41

3. Les conditions d'obtention dudiplôme d'études secondaireschez les jeunes

Article 33. Le ministre décerne lediplôme d'études secondaires à l'élèvequi a accumulé 60 unités de 4e et de 5e

secondaire, dont les unités obligatoiressuivantes:

1° 6 de langue d'enseignement de 5e

secondaire;

2° 4 de langue seconde de 5e secon-daire;

3° 4 de mathématique de 5e secon-daire ou d'un programme demathématique de 4e secondaireétabli par le ministre et dont lesobjectifs présentent un niveau dedifficultés comparable;

4° 4 de sciences et technologie de 4e

secondaire;

5° 4 d'histoire et éducation à lacitoyenneté de 4e secondaire.

Pour l'obtention d'un tel diplôme,sont notamment prises en considérationles unités obtenues dans le cadre d'unprogramme d'études menant à undiplôme d'études professionnelles oud'un programme d'études menant à uneattestation de spécialisation profession-nelle.

Le régime pédagogique proposé met de l'avant desconditions d'obtention du diplôme d'études secon-daires qui sont à la fois nouvelles et pas nouvelles.Elles seront nouvelles lorsqu'elles s'appliqueront.Mais elles ne sont pas nouvelles pour une bonnepart, car les nouveaux cours dont elles proposentd'exiger nommément la réussite font déjà partied'une réglementation adoptée en 1990, mais demeu-rée «provisoirement» suspendue depuis lors.

Il s'agirait donc, d'après l'article 33, de modifier lapratique actuelle de deux façons : en exigeant 60unités réussies sur 72 «normales» de 4e et 5e secon-daire, plutôt que 54; en ajoutant aux cours réussisnommément exigés50 les trois suivants : le coursde sciences et technologie obligatoire en 4e secon-daire; le cours de mathématique de base de 5e

secondaire ou un équivalent de 4e secondaire; lecours d'anglais langue seconde de 5e secondairedans les écoles de langue française. Le Conseil n'apas d'objection à la première de ces deux mesures.Il en a plusieurs, cependant, à la seconde.

Pourquoi faut-il hésiter à ajouter des cours quisoient nommément requis comme conditions duDES? Voici en particulier quelques raisons decette réticence.

D'abord, la première décision, celle d'exiger 60unités réussies plutôt que 54, augmente nettementla valeur égale de tous les cours pour l'obtentiondu diplôme, rendant de ce fait beaucoup moinsutile la seconde, de pointer nommément plus decours. Ne pas ajouter un caractère incontournableà ces trois cours n'enlève rien à leur fréquentationobligatoire, donc à leur valeur d'apport culturel àceux et celles dont le domaine d'approfondissementultérieur sera autre.

En second lieu, il y a un inconvénient à établir unedifférence de statut entre les cours absolumentnécessaires et les cours moins nécessaires. Quandles cours d'éducation morale ou d'éducation reli-gieuse et morale avaient encore le premier statut,cela conduisait à placer la barre très bas, à hésiterénormément à faire rater son secondaire à quelqu'unpour deux unités d'enseignement moral et religieux.Risque donc, de banalisation. Risque égalementd'étiqueter les autres cours obligatoires comme«de second rang». 50 Ceux-ci sont, dans la pratique actuelle de sanction

des études secondaires, les unités de langue d'ensei-gnement de 5e secondaire, les unités de langueseconde anglaise de 4e secondaire et les unités d'his-toire de 4e secondaire. Dans les écoles de langueanglaise, toutefois, les unités de français de 5e

secondaire sont également requises, actuellement.

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42 Les enjeux majeurs des programmes d'études et des régimes pédagogiques

En troisième lieu, l'accent placé sur les mathéma-tiques et les sciences passe là un message trèsbiaisé. L'élève qui s'avance d'un pas décidé versun conservatoire de musique, vers les grandesprofessions d'aide, par exemple en éducationspécialisée, en enseignement, en travail social, etqui investit beaucoup dans les sciences humaineset le domaine social, dans ses options de 2e cycle,l'élève qui sera demain un grand cuisinier, uneéducatrice merveilleuse en garderie, un horticul-teur hautement qualifié, gagnent-ils à ce qu'onajoute ce privilège aux sciences et mathémati-ques? Ne les met-on pas plutôt en danger dedémotivation?

En quatrième lieu, si l'on va vers un deuxièmecycle secondaire à la fois plus et mieux différen-cié, on donne une signification plus grande aubilan des apprentissages qu'au fait pur et simpled'avoir ou non le diplôme. Dans le bilan desapprentissages, tout compte. De même pourl'admission au cégep : par exemple, le coursnégligé de 4e secondaire, sanctionné «échec» avec20 %, hypothèque beaucoup plus les chancesd'admission dans le programme choisi si celui-ciest contingenté, chances très liées aux moyennesgénérales, qu'un cours échoué malgré un effortpersévérant avec un résultat de 55 %. Tous lescours méritent d'y mettre l'effort nécessaire. Ceserait atténuer la portée de ce message que d'enisoler trois parmi les cours obligatoires et de lesrendre incontournables.

Qu'en est-il si l'on regarde de façon particulièreles cours dont on se propose d'ajouter l'exigencenominative? En mathématiques, suivant lesrecommandations de la Commission des program-mes d'études51, le Ministère semble décidé àinstaurer en 4e et 5e secondaire, un cours intermé-diaire entre les deux cours actuels. Exiger à toutprix le cours le plus élémentaire de 5e, même avecune clause d'équivalence (ou cours «plus avancé»de 4e…) constitue une décision malheureuse carelle tend à détourner bien des élèves d'essayer de 51 Voir Calendrier d'élaboration et de révision des

programmes d'études, 1998, p. 9.

réussir un cours plus avancé, avec le risque calculé,mais raisonnable, d'échec, échec qui devient catas-trophique si le cours de mathématique de 5e secon-daire le plus élémentaire est dorénavant incontour-nable et indispensable pour l'obtention du diplôme.

Pour le cours de sciences et technologie de 4e

secondaire, n'est-il pas essentiellement un cours àvaleur d'orientation, capable d'intéresser les élèvesà prolonger leur formation vers la biologie, laphysique, la chimie, l'un ou l'autre des grandsdomaines technologiques, y compris l'informatique,en 5e secondaire? Un statut de cours incontournablepour fin de sanction des études ne risque-t-il pasde lui enlever sa valeur inspirante, et de l'orientervers l'élémentaire qu'on ne peut pas rater? Demême, la possibilité de le remplacer par un ou descours plus avancés, par exemple deux optionsdisciplinaires de sciences, devrait être préservée.La même réticence jouera alors que celle énoncéepour les mathématiques les plus simples de 5e

secondaire. Le moins exigeant risque ici de détour-ner du plus exigeant.

Pour le cours d'anglais langue seconde de 5e secon-daire, le Conseil considère qu'il faudrait procéder àune évaluation de l'ensemble du curriculum d'an-glais langue seconde avant de procéder à un telajout aux conditions d'obtention du DES. Il enressortirait très probablement des moyens beau-coup plus directs et efficaces d'augmenter leniveau des acquis.

Cette réticence n'enlève rien à la conviction duConseil visant une meilleure préparation au secon-daire pour la réussite d'études collégiales. Dansson esprit, ce qui peut et doit de plus en plus gui-der le jugement sur les chances raisonnables deréussir tel et tel programme d'études préuniversi-taire ou technique, c'est bien moins le fait de déte-nir le DES comme tel que le bilan des apprentis-sages qui l'accompagne, ne serait-ce que sous laforme d'un bulletin cumulatif. De façon plus large,comme le chapitre précédent a tenté de le montrer,la reconfiguration potentielle du deuxième cycledu secondaire invite à examiner avec une autreapproche toute la problématique d'une continuité

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L'évaluation des apprentissages et la sanction des études 43

suffisamment organique entre le secondaire et lecollégial.

4. Reconnaissance d'acquis etsanction des études secondairesau secteur de l'éducation desadultes

Le régime proposé de la formation générale ausecteur de l'éducation des adultes s'aligne entière-ment, en matière de conditions d'obtention dudiplôme d'études secondaires, sur celles qui sontproposées pour les jeunes. Le Conseil est défavo-rable à l'ajout de trois cours particuliers dans cesconditions, y compris au secteur de l'éducation desadultes, cela va de soi.

De façon plus générale, le Conseil se demande si,dans un contexte où «apprendre tout au long de lavie» devient une priorité, le régime de la forma-tion générale du secteur de l'éducation des adultesse situe assez nettement dans cette perspective.Qu'est-ce qui, dans le champ de la formation géné-rale, s'offre à l'adulte qui a déjà complété sesétudes il y a de cela plusieurs années?

On remarque également que l'attention portée auxhabiletés génériques et transdisciplinaires, que lerégime du préscolaire, du primaire et du secon-daire pousse à prendre très au sérieux sous l'appel-lation de compétences transversales, n'émerge pasdans le propos du régime de la formation généraleau secteur des adultes, pas plus, naturellement,dans un bilan d'apprentissages que dans les gran-des intentions structurantes. On a de plus l'impres-sion que la frontière se brouille entre le présecon-daire du régime actuel, omis dans le régime proposé,et l'alphabétisation. Or, les acquis de formationgénérale dont on postule le bien-fondé pour entreren formation professionnelle en deçà de l'âge de18 ans sont aussi des atouts pour des adultes, etpréférables au strict minimum vital de préalablesfonctionnels à une formation professionnelle. Ilapparaît au Conseil que, de toute évidence, larévision du régime pédagogique de la formationgénérale du secteur des adultes s'est particulière-

ment concentrée sur la concordance à établir aveccelui des jeunes en matière de sanction des études,et que d'autres aspects mériteront une réflexionultérieure approfondie. Comment, au secteur del'éducation des adultes, profiter le plus pleinementpossible du passage de 54 unités exigées à 60?Comment tirer parti d'un élargissement de la plagedes options de 2e cycle secondaire en parallèle avecune augmentation espérée de quatre à sept coursoptionnels dans le régime pédagogique concernantles élèves jeunes52? Voilà des interrogations quimériteront attention, et les réponses apportéespourraient se refléter dans l'élaboration du textedu régime pédagogique concerné.

Une dernière remarque générale sur ce régimepédagogique concerne les dispositions touchant lareconnaissance des acquis. Celle-ci apparaît auConseil très étroitement liée à des critères qui ren-voient à la formation scolaire uniquement. Il seraitjudicieux d'ouvrir davantage vers une perspectivede reconnaissance d'acquis expérientiels qui pré-parent à poursuivre une formation tout au long dela vie. Il faut mieux répondre à la question suivante :qu'est-ce qui fait partie d'une éducation de baseriche et actualisée en l'an 2000 par comparaisonavec les apprentissages scolaires initiaux d'unepersonne de quarante ans ayant acquis des connais-sances soit en milieu de travail ou dans des expé-riences de vie, tout simplement?

Concernant les conditions d'obtention dudiplôme d'études secondaires, le Conseil supé-rieur approuve la proposition de hausser lesattentes exprimées à l'égard des élèves en aug-mentant de 54 à 60 le nombre requis d'unitésréussies.

52 Le régime actuel d'obtention du diplôme d'études

secondaires au secteur de l'éducation des adultess'appuie sur des unités optionnelles pouvant allerjusqu'à 36, c'est-à-dire 9 cours de 4 unités. Voir leGuide de gestion de la formation générale desadultes et de la formation professionnelle, Québec,ministère de l'Éducation, 1997, chap. 3.

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44 Les enjeux majeurs des programmes d'études et des régimes pédagogiques

Il recommande, par contre, au ministre del'Éducation de ne pas procéder à l'ajout, autitre de ces conditions d'obtention, de l'exi-gence de trois cours obligatoires supplémen-taires nommément identifiés, en mathémati-ques de 5e secondaire, sciences et technologie de4e secondaire, et en langue seconde de 5e secon-daire. Il recommande plutôt de proposer des

options variées, stimulant les élèves à se dépas-ser afin de concrétiser au second cycle secon-daire le principe d'un curriculum plus richeentre autres parce que mieux différencié, plusen mesure aussi, de ce fait, de soutenir unejonction plus organique et plus fine entre lesecondaire et le collégial.

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CHAPITRE 6Une nouvelle articulation de la formation générale

avec la formation professionnelle

Régime pédagogique de la formationprofessionnelle, Article 15. Unepersonne est admise à un programmed'études menant à un diplôme d'étudesprofessionnelles si elle satisfait à l'unedes conditions suivantes :

1° elle est titulaire du diplôme d'étudessecondaires;

2° elle a atteint l'âge de 16 ans au 30septembre de l'année scolaire oùelle commence sa formation profes-sionnelle et elle respecte les condi-tions d'admission du programmeauquel elle s'inscrit;

3° elle a obtenu les unités de 3e secon-daire en langue d'enseignement, enlangue seconde et en mathématiqueet en concomitance avec sa forma-tion professionnelle, elle poursuivrasa formation générale dans des pro-grammes d'études du 2e cycle del'enseignement secondaire;

4° elle a atteint l'âge de 18 ans et ellepossède les préalables fonctionnelsprescrits pour l'admission à ceprogramme.

L'élément le plus neuf du régime pédagogique dela formation professionnelle consiste en un rema-niement important des conditions d'accès auxétudes du diplôme d'études professionnelles. Il y aplusieurs modalités d'accès qui dépendent en parti-culier de l'âge du candidat ou de la candidate.Avoir le DES, abstraction faite de l'âge, constitueune condition suffisante d'accès, cela va de soi.Au-delà de 18 ans, on s'appuiera au besoin simple-ment sur des préalables fonctionnels, plutôt quesur des acquis scolaires. Mais, dans le troisièmecas, c'est-à-dire en deçà de 18 ans et sans le DES,qu'exigera-t-on? Ici, des changements substantielssont proposés, qui obéissent à un principe nou-veau de concomitance entre formation générale etformation professionnelle, principe mis en valeurpar la Commission des États généraux de même

que dans l'un ou l'autre avis du Conseil, commeDes conditions pour faire avancer l'école (1994),en particulier.

Concrètement, cela signifie que, pour les 16 à 18ans, on exigera moins d'acquis du secondairequ'actuellement, mais, par contre, on exigera qu'ilspoursuivent leur démarche de formation généraleen concomitance, c'est-à-dire en parallèle et enmême temps, avec leur formation professionnellelorsqu'ils auront été admis sur la nouvelle baseminimale. Celle-ci consiste dans les acquis delangue d'enseignement, de langue seconde et demathématiques de 3e secondaire. Cette base sedistingue de celle qui prévaut actuellement pour lamajorité des programmes conduisant au DEP, soitles acquis de la 4e secondaire dans les mêmesdisciplines.

Le régime de la formation professionnelle est extrê-mement bref sur la poursuite des études de forma-tion générale en concomitance. Les éducateurs descentres de formation professionnelle ne voient pasnécessairement cela d'un bon œil. Du point de vuede l'organisation, en effet, cela peut représenter uncasse-tête. Pensons à un groupe de vingt personnesdont douze de plus de 25 ans, cinq plus jeunestitulaires d'un DES et trois de moins de 18 ans,dans un programme de 1 350 heures (durée trèsfréquente pour un DEP) donné en continu sur 52semaines. La difficulté de respecter la nouvelleexigence de formation générale en concomitancerisque dans certaines circonstances de pousser àréduire l'accès aux moins de 18 ans sans DES. Enposant cette exigence, le gouvernement devrafournir les ressources accrues que cette concomi-tance requiert.

Il y aurait lieu de définir beaucoup plus clairementl'ampleur et le genre de formation générale à asso-cier à la formation professionnelle. S'agirait-il quel'élève acquière, pendant les études de DEP abor-dées dès après la 3e secondaire, la formation géné-rale dans les trois matières dites de base ou deréférence (langue d'enseignement, mathématiqueset langue seconde) qu'on exigeait jusqu'ici avantd'entrer aux programmes de DEP pour les moins

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46 Les enjeux majeurs des programmes d'études et des régimes pédagogiques

de 18 ans? De plus que cela? D'autre chose?L'harmonisation entre les diverses formationsprofessionnelles et la formation générale nedevrait-elle pas, ici, tirer parti de l'expérienceacquise dans la voie technologique en matière deconvergences et d'interdisciplinarité entre forma-tion générale et spécialisation professionnelle?

Il devrait s'agir forcément d'une formation géné-rale qui rapproche les élèves de l'obtention éven-tuelle du DES, sans nécessairement y suffire.Cette formation générale concomitante est parti-culièrement intéressante du point de vue d'unefilière continue de formation professionnelle (ausecondaire) puis technique (au collégial)53. Demême qu'environ 20 % des diplômés du secteurtechnique collégial poursuivent des études univer-sitaires la plupart du temps dans le même domaine,il est tout à fait pensable qu'une fraction croissanted'élèves obtenant le DEP décident de poursuivreleur spécialisation dans les études techniques. UnDEP de pure spécialisation prépare moins bien àdes études de DEC comprenant une bonne compo-sante de formation générale54 qu'un DEP accom-pagné d'une formation générale en concomitance,surtout si cette formation générale donne confianceà l'élève en sa capacité de pousser plus loin.

Le Conseil croit que cette facette neuve, difficile àmettre en place mais prometteuse, de l'articulationmultiforme entre la formation générale et la forma-tion professionnelle, mériterait d'être explicitéesoit dans le régime de la formation professionnelle,soit dans le régime de l'éducation préscolaire, del'enseignement primaire et de l'enseignementsecondaire. Une précision parallèle d'un seuilminimal d'entrée dans une démarche d'apprentis-sage de métiers semi-spécialisés conduisant à uneattestation de formation professionnelle (AFP) seretrouve dans le régime proposé : l'exigence des

53 Il s'agit ici précisément de programmes intégrés

secondaire-collégial, relevant du volet 4 des mesu-res adoptées en 1995 sous le ministre Garon.

54 Voir l'avis récent du Conseil intitulé : Pour uneformation générale bien enracinée dans les étudestechniques collégiales, 1997.

acquis de 2e secondaire dans les trois mêmes matières(article 14). Elle appelle une explicitation analogue.

Le Conseil considère comme positif l'assouplis-sement de l'accès aux programmes de DEP demême que l'intention de l'associer d'office avecune certaine continuité dans la poursuite de laformation générale. Cela corrigera-t-il l'accès trèslimité des jeunes à un grand nombre de program-mes de DEP? Certainement pas dans le cas desplus contingentés. Mais ce n'est pas une raisonpour écarter un nouveau mode d'accès.

Ceci étant dit, le Conseil constate que de multiplesaspects de la question de l'articulation entre forma-tion générale et formation professionnelle restenten suspens malgré ces régimes pédagogiques révi-sés. Ainsi, l'extrême difficulté qu'a rencontrée etque rencontre encore la mise en place de quelquesfilières continues de formation professionnellepuis technique, en partenariat entre commissionsscolaires et collèges, n'est pas prise en considéra-tion. Le passage plus ou moins aisé d'un DEP à unDEC technique ou à une attestation d'études collé-giales, qui relève de la même logique, reste àclarifier. Le plaidoyer majeur du rapport Pagé55

pour des formations professionnelles de niveausecondaire moins imperméables à toute formationgénérale semble totalement oublié. Enfin, toute laplace que pourrait et devrait prendre, au deuxièmecycle du secondaire, une éducation technologiquediversifiée, plus orientante que strictement quali-fiante, n'a pas été considérée. Pourtant, c'est lapièce majeure d'un dispositif capable de réduireun peu le cloisonnement radical qui prévaut entreformation générale et formation professionnelleau secondaire, contrairement au cas du collégial.Les auteurs de Réaffirmer l'école n'avaient pas, auprintemps 1997, le mandat de réexaminer la jonc-tion entre la formation générale et la formationprofessionnelle, ni en termes de séquence et depassage, ni en termes d'harmonie et de complé-mentarité bilatérales, pour ainsi dire. Ceci a eu en 55 La Formation professionnelle chez les jeunes : un

défi à relever, Québec, ministère de l'Éducation,1995, p. 37, p. 65-67.

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Une nouvelle articulation de la formation générale avec la formation professionnelle 47

particulier l'effet de laisser planer une forte ambi-guïté sur l'avenir de la modalité d'accès au DEPsur la base d'un DES, pour les jeunes. S'agit-ild'une simple modalité parmi d'autres? Ou mêmed'une modalité destinée à se marginaliser, la 3e

secondaire suivie d'une formation générale enconcomitance étant destinée à prédominer, sauf,bien entendu, dans les situations de contingente-ment parfois beaucoup trop strict, ou de testssévères de sélection à l'entrée? Les textes régle-mentaires proposés laissent cette question dans leflou. La formulation suggérée du rôle du secon-daire confirme ici le doute jeté sur le passage encontinuité du DES à un programme de DEP, par laconjonction ou qu'elle utilise : «en vue d'obtenirun DES ou une qualification ou de donner accès àdes études supérieures» (art. 2). Il faudrait plutôtécrire : «ou en vue de donner accès à des étudesprofessionnelles, techniques ou préuniversitaires».

Le Conseil supérieur de l'éducation accueillefavorablement la jonction de nouveaux seuilsd'admission aux programmes de DEP et d'at-testation de formation professionnelle (AFP)avec une poursuite de la démarche de formationgénérale par leurs candidats, et recommandevolontiers l'adoption des clauses pertinentes durégime pédagogique proposé. Il recommande,d'autre part, au ministre de l'Éducation d'exa-miner systématiquement toutes les facettes de lajonction et de l'articulation effectives entre laformation générale et la formation profession-nelle, et d'expliciter davantage dans le régimepédagogique lui-même le type de formationgénérale dorénavant placée en concomitanceavec des programmes de DEP ou d'attestationde formation professionnelle ainsi que sonampleur.

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CHAPITRE 7Au-delà du régime pédagogique : les programmes, leur mise enœuvre, les moyens d'une réforme, la formation des enseignants

Le Conseil supérieur de l'éducation est fort conscientde la grande synergie des acteurs requise par l'effortactuel de renouvellement des études primaires etsecondaires. Un régime pédagogique, même impec-cable, appelle son propre au-delà sur de multiplesplans. C'est pourquoi le Conseil attire ici l'atten-tion des éducateurs et des éducatrices et celle duministre de l'Éducation sur quatre aspects liés deprès à l'effort de renouveau : l'élaboration desprogrammes, la démarche de mise en œuvre deces programmes, les conditions de succès de laréforme et la contribution au renouveau à espérerdu côté de la formation initiale des enseignants etenseignantes à l'université.

1. Quel type de programmesélaborer?

L'une des suites de l'énoncé de politique L'École,tout un programme qui soulève le plus de perplexitéet même d'inquiétude dans les milieux scolairesconcerne une question à laquelle le régime péda-gogique, comme règlement, ne peut pratiquementpas répondre. Quel type de programmes faut-ilsouhaiter recevoir de la part du ministère del'Éducation? Des programmes brefs et synthéti-ques? Des programmes très élaborés? Des pro-grammes inséparables d'une conception particulièrede l'apprentissage? Des programmes minimalistestrès concentrés sur quelques exigences, chacuneessentielle et à maîtriser, ou bien des programmesqui laissent, en deçà d'une pleine maîtrise, uneplace appréciable à la sensibilisation, à l'initiation,à la familiarisation, dans de multiples domaines?

On s'inquiète aussi des stratégies et des moyenspour introduire et s'approprier les vastes change-ments annoncés. Pourtant, il est difficile de prévoirun peu plus précisément un processus adéquatavant d'avoir clarifié le genre de programmes quel'on mettra de l'avant.

Trois raisons incitent particulièrement le Conseil às'arrêter sur cette question des caractéristiquessouhaitables de programmes officiels de l'Étatpour les diverses disciplines. D'abord, les trois

principales sources d'inspiration que sont les rap-ports Préparer les jeunes au 21e siècle (1994),Réaffirmer l'école (1997), et enfin, l'énoncé depolitique L'École, tout un programme (1997),fournissent des indications, ouvrent des perspecti-ves mais, en même temps, laissent planer beau-coup de flou. En second lieu, la distance normaleou souhaitable entre les programmes d'État et lesprogrammes mis en œuvre localement est très peuprésente dans la perspective de l'énoncé de politi-que. Enfin, le modèle des programmes actuelsoriente beaucoup les attentes. Les programmesactuels sont particulièrement imprégnés d'unréférentiel d'origine behavioriste qui a fait sontemps. Les nouveaux programmes seront-ils fondéssur une sorte de contre-référentiel, ou demeureront-ils à distance des polémiques entre écoles de pen-sée rivales? Si l'on n'a pas très bien tiré au clairces enjeux dès l'annonce de la démarche de con-ception ou de révision de programmes officiels,les risques sont grands d'engager les équipes scolai-res dans une démarche de changement inutilementcompliquée et pénible et, de ce fait, partiellementstérile pour les élèves.

1.1 Des énoncés clairs et des zonesgrises dans les sourcesd'orientation

Un certain nombre de choses sont très claires dansl'énoncé de politique L'École, tout un programme.On a décidé, particulièrement dans l'enseignementsecondaire, de revaloriser des domaines conçuscomme des familles de disciplines et de revaloriserles enseignements disciplinaires, par lesquelsdoivent passer les préoccupations éducatives quiavaient, dans le régime pédagogique du début desannées quatre-vingt, fait juxtaposer des coursd'éducation au choix de carrière, de formation per-sonnelle et sociale, d'économie familiale, d'initia-tion économique. L'importance accordée auxdisciplines dans L'École, tout un programmerépond directement à la mission d'instruction àrevaloriser. Cependant, il ne s'agit pas seulementde développement intellectuel : il s'agit de s'appro-prier une base d'expérience et de connaissances

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qui donne accès au monde contemporain, de lanature, de l'art, de la durée dans la mémoire col-lective, de la vie et de la santé, de la réalité écono-mique, sociale et politique si variée du monde, etainsi de suite.

En second lieu, cet ensemble de domaines d'appren-tissage doit être moins cloisonné qu'autrefois. Il ya des alliances et des convergences thématiques àfavoriser entre disciplines, et les programmes offi-ciels devraient attirer l'attention sur les plus éviden-tes et les plus intéressantes, sans toutefois forcer àune totale «intégration des matières».

En troisième lieu, certains thèmes appellent unchoix entre un traitement disciplinaire ou bien untraitement interdisciplinaire. Dans le cas de sixd'entre eux, on a choisi un traitement interdis-ciplinaire. Le cas le plus évident est celui del'éducation à l'environnement. Au lieu de le con-fier à un cours spécifique, on décide de l'ancrer,de lui faire un nid, dans plusieurs matières : scien-ces, géographie, histoire sans doute, éducationmorale et non pas particulièrement langue secondeou musique. Ici apparaît un certain flou dans lesmatières potentiellement mises à contribution.

Parmi les six thèmes transdisciplinaires privilé-giés56, certains appellent des contributions disci-plinaires de façon plus évidente que d'autres.Comme on a choisi de les nommer «thématiquestransversales», il faudra éviter de trop tirer cesthématiques du côté des compétences transversa-les et de les placer à trop grande distance desdisciplines elles-mêmes, car, au fond, elles sontplus «interdisciplinaires» que strictement transver-sales. 56 Ces thèmes sont officialisés par la Commission

des programmes d'études : 1) éducation à l'envi-ronnement; 2) éducation interculturelle, à lacitoyenneté – compréhension internationale;3) éducation à la consommation; 4) orientationpersonnelle et professionnelle, entrepreneurship;5) éducation aux médias et aux technologies del'information et de la communication; 6) éducationà la santé, à la sécurité et à la sexualité. Orienta-tions et encadrements pour l'établissement duprogramme de formation, Québec, 1998, p. 40.

Là où le flou devient envahissant57, c'est dans ladéfinition des compétences et de leur place dansl'apprentissage des élèves. Car l'usage du conceptde compétence oscille entre un sens relativementbien enraciné dans des pratiques éducatives et larecherche qui l'accompagne, d'une part, et un sensparfois trop ambitieux, celui qu'on a qualifiéd'«attracteur étrange58» d'autre part. L'expériencedifficile du niveau collégial, où l'on s'est imposé,depuis 1994, de soumettre tous les programmes,non seulement techniques, mais aussi les pro-grammes préuniversitaires comme Arts et lettreset la composante de formation générale à uneconception/élaboration par compétences, invite icià une prudence aiguë.

Si l'on enracine les «compétences» dont il estquestion dans les acquis de la recherche pédagogi-que, on gagne à distinguer très clairement troisappuis. Le premier concerne les habiletés intel-lectuelles complexes, par contraste avec des habi-letés élémentaires. La recherche sur la qualité ducurriculum a bien montré qu'un enseignement quelqu'il soit peut pousser plus ou moins au dévelop-pement d'habiletés intellectuelles élaborées. Celafait partie de sa qualité d'y pousser adéquatement.Ces habiletés ne sont pas exclusives à l'une oul'autre discipline, même si certaines d'entre ellestrouvent dans l'une ou l'autre discipline un terrainparticulièrement propice59. Ceci a été bien repérédéjà dans le rapport Préparer les jeunes au 21e

siècle (1994), et repris dans Orientation et enca-drements pour l'établissement du programme de

57 Voir Conseil supérieur de l'éducation, Pour un

renouvellement prometteur des programmes àl'école (1998), p. 25 et s.

58 Voir P. Perrenoud, Construire des compétencesdès l'école, Paris, ESF, 1997.

59 Voir par exemple dans le champ des mathémati-ques, M.-F. Daniel, L. Lafortune et R. Pallascio,«La philosophie pour donner du sens aux mathé-matiques», dans Interface, nov. 1998, p. 32 et s.Lauren B. Resnick faisait déjà en 1987 une bellesynthèse des habiletés intellectuelles qui gagnent àêtre raccordées explicitement et délibérément auxdivers enseignements : voir Education and Learning toThink, Washington, D.C., National Academy Press.

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formation (1998) de la Commission des program-mes d'études.

Un second élément important réside dans l'atten-tion croissante portée aux habiletés méthodologi-ques, elles aussi relativement détachées de disci-plines particulières, quoiqu'une équipe éducativepuisse fort bien se concerter pour greffer auxmathématiques l'exercice d'habiletés relatives àl'usage des ordinateurs, et à l'histoire celui d'habi-letés touchant à la recherche documentaire surdifférents supports. Le sentiment de l'importancedes habiletés méthodologiques est par ailleursappuyé par la distinction qui est faite, en psycho-logie de la connaissance, entre les connaissancesdéclaratives, par exemple connaître le sens de laloi de la chute des corps (rapport de l'accélérationau temps…) de Galilée, et les connaissances pro-cédurales, par exemple, savoir comment s'y pren-dre pour résoudre une équation à deux inconnues.

Tout le progrès pédagogique basé sur le domainemétacognitif (prise de conscience de sa propredémarche intellectuelle) constitue un troisièmeélément solide de référence dans la recherchepédagogique : on peut travailler à faire mieuxmaîtriser par l'élève des stratégies efficaces deconnaissance. C'est en quelque sorte une compé-tence pour le métier d'élève avant d'être un atouttout au long de la vie : savoir s'y prendre efficace-ment pour s'approprier de nouvelles connaissances.

Comment passe-t-on de l'idée d'habiletés à cellede compétence? L'idée de compétence est plussynthétique et rassemble potentiellement unegamme d'habiletés particulières. Un «lecteur ditcompétent», par exemple, associe plusieurs habi-letés. Par ailleurs, aussi, l'idée de compétenceévoque la mobilisation et l'application de sonpropre savoir. Enfin, on a constaté que le transfertdes habiletés d'un domaine à un autre ne va pas desoi et qu'il demande à être guidé et exercé. À cedernier titre, la «compétence» évoque des capaci-tés relativement détachées des disciplines sources(par exemple, appliquer à des textes d'histoire unecapacité d'analyse et d'interprétation développéeen cours de langue). C'est pourquoi l'expression

«compétences transversales» séduit, même s'iln'est pas si évident que l'on désigne par cettenotion plus et autre chose que des habiletés trans-disciplinaires.

Au-delà de ces glissements sémantiques, toutessortes de dérapages sont toutefois possibles. Leplus risqué est une sorte d'engouement pour lescompétences qui forcerait les programmes detoutes les disciplines à se plier à un référentielinédit et d'avant-garde de compétences. Lorsqu'onentend dire pour caractériser le mouvement actuel :«jusqu'ici, nous visions des élèves connaissants,dorénavant, nous viserons des élèves compétents»,bien des inquiétudes sont permises et la prudenceest ici de mise. La fidélité aux positions du rapportRéaffirmer l'école confirmées par L'École, tout unprogramme n'exige pas de tout traduire ou de touttransposer en termes de compétences60. Aller danscette direction, ce serait placer sur la route desenseignants un obstacle important et surtout inu-tile à l'appropriation de programmes renouvelés.

60 La démarche de renouvellement du curriculum des

écoles primaires du canton suisse de Genève, étudiéepar Claude Lessard (voir Le Renouvellement ducurriculum : expériences américaine, suisse etquébécoise, chap. 2) constitue un bel exemple deprudence. En effet, le document de référence prin-cipal en matière de curriculum formule sobrementcomme suit le souci des compétences transversa-les : «Pour contribuer à ce chantier ouvert, troiscompétences transversales ont été retenues provi-soirement comme pierres de touche de la réflexion,sur la base des travaux effectués ces dernières annéesà Genève. Elles ne prétendent pas couvrir l'ensem-ble des compétences transversales développées àl'école. Ce choix devrait toutefois participer à con-cilier d'une part les visées de formation globale desindividus et de construction d'instruments d'accès àla connaissance et, d'autre part, les réflexions disci-plinaires très présentes dans le contexte genevois.Ces compétences générales, mobilisables dans lesdiverses disciplines, devraient assurer le lien entrela loi fixant les finalités de l'école et les objectifs-noyaux disciplinaires actuels :

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52 Les enjeux majeurs des programmes d'études et des régimes pédagogiques

Au-delà des positions connues de L'École, tout unprogramme et d'un commencement d'opérationna-lisation, également connu et tout à fait défendable,de la Commission des programmes d'études dansOrientations et encadrements pour l'établissementdu programme de formation (1998), il reste demultiples choix à faire à propos du genre des pro-grammes à venir : le rattachement aux missions, laréférence aux domaines, l'enracinement des théma-tiques dans les disciplines, l'ouverture plus oumoins grande à ménager sur des processus d'appren-tissage arrimés aux objectifs des programmes,l'intégration ou la marginalité de l'évaluation desapprentissages, la survie ou la disparition de deviséventuels pour le matériel didactique. Il fauts'inquiéter du fait que divers participants ettémoins proches de la démarche en cours, dont lesprincipes directeurs restent à ce jour trop peuconnus, expriment des réticences profondes àl'une ou l'autre des consignes de rédaction deprogrammes qu'ils doivent mettre en œuvre.

2. Une démarche de mise en œuvreà réajuster

La façon dont procède et progresse le renouvelle-ment du curriculum : échéancier, principes

Interagir avecson environne-ment social :

communiquer

Résoudre desproblèmes

Gérer sonfonctionnement

et sesapprentissages

- s'adapter à sonenvironnement

- être ouvert auxautres et aumonde

- accepter ladifférence

- respecter lesrègles

- coopérer- partager- (…)

- s'approprier lecontexte

- organiser sonactivité

- utiliser sesconnaissances

- conduire desdémarches

- vérifier- exploiter les

résultats- (…)

- désirerapprendre

- faire des choix- chercher de

l'aide- persévérer

dans l'effort- s'autoévaluer,

ajuster sescomportements

- créer- (…) »

Extrait de : Direction de l'enseignement primaire,Les Objectifs-noyaux : des repères pour mieuxmaîtriser la progression des élèves; des objectifsde fin 6e primaire, Genève, 1998, p. 10-11. La pro-grammation des études secondaires dites d'éduca-tion internationale est également sensible à l'impor-tance de compétences transversales.

directeurs et processus d'élaboration de program-mes, invite à revenir de façon pressante sur lastratégie de changement très risquée qui sembleprendre forme61.

2.1 Le contexte du changementinstitutionnel

L'un des aspects les plus problématiques du pilo-tage du changement en matière de curriculumtient à son rapport avec les changements décou-lant des amendements à la Loi sur l'instructionpublique. L'année scolaire 1998-1999 représente,pour les directions d'école, une conjoncture extrê-mement chargée : nouvelles tâches administra-tives, nouveau rôle politique entre partenairesneufs d'un organisme décisionnel pas encore rodé,le conseil d'établissement. Il y a là un tel change-ment à digérer que bien des directeurs et directri-ces d'école se sentent peu à même de s'investirimmédiatement dans le leadership pédagogiqueque demanderait un virage radical en matière decurriculum62.

61 Voir à ce sujet : Conseil supérieur de l'éducation,

Vers la maîtrise du changement en éducation, 1995.62 Il faut déjà porter attention à l'expérience d'institu-

tionnalisation des écoles par des conseils de direc-tion vécue dans d'autres pays, qui a parfois faitrégresser la collégialité qui prévalait entre directionet enseignants, et poussé les fonctions de directionvers le «managérialisme». Notant la stabilité desrapports parents-enseignants, Maurice Galton écrit,à partir d'observations anglaises : «Associé à cettestabilité, le résultat du transfert de pouvoirs admi-nistratifs à l'école a été un degré plus poussé de"managérialisme". Il en a résulté la perte de la col-légialité qui caractérisait antérieurement la majo-rité des écoles primaires et qui leur permettait depréserver une certaine mesure d'originalité indivi-duelle. Les tentatives actuelles de remédier à ceproblème paraissent simplistes. Les pays qui utili-saient auparavant des approches "top-down"décentralisent rapidement, alors que ceux dotés desystèmes décentralisés cherchent à réinstaurer desstructures bureaucratiques centralisées.» «Princi-ples of Curriculum Building», dans J. Moyles et L.Hargreaves, The Primary Curriculum : Learningfrom International Perspectives, Londres, Rout-ledge, 1998, p. 79.

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En matière de curriculum, on paraît vouloir, àl'opposé de l'esprit de la Loi sur l'instructionpublique, procéder tambour battant, à force d'auto-rité et de conviction. Ainsi, la mise à l'essai estuniverselle et obligatoire. L'intervalle des dix-huitmois prévus par Réaffirmer l'école entre l'adoptiond'un régime pédagogique révisé et l'utilisationdans les écoles des premiers programmes retra-vaillés est actuellement réduit à six mois. Dans lamême école primaire, il faudra tisser du neuf avecdu vieux d'une façon au premier cycle, d'une autrefaçon au deuxième cycle, vu l'urgence de l'anglaislangue seconde, et d'une autre façon encore autroisième cycle…

Si l'on pense réussir une réforme du curriculumunilatérale et rapide, fondée sur l'autorité et l'obli-gation mais sans l'ingrédient de l'expérimentationvolontaire et d'une rétroaction suffisante émergeantdes milieux scolaires, on court droit à l'attentisme.Avec un régime pédagogique qui, en plus, restetrès énigmatique sur le sens de la décentralisationen matière de curriculum, l'énorme tâche desdirections d'école liée à l'application de la Loi 180dans sa première année fait espérer au Conseil quele ministre de l'Éducation puisse réexaminersoigneusement la stratégie prévue en matière deconception, de mise à l'essai et d'application deprogrammes d'études révisés.

Il faut une stratégie qui commande le calendrier,et non pas l'inverse. Avant d'appliquer unilatérale-ment aux programmes des écoles primaires etsecondaires un référentiel inédit de compétences,contextes et standards de performance, il faut endébattre en s'appuyant sur la recherche et surl'expérience des éducateurs, pour mobiliser plustard tous les partenaires. L'aval de la Commissiondes programmes d'études ne suffit pas, pas plusque l'expérience du collégial que l'on semblevouloir imiter et dont l'évaluation reste à faire.

2.2 Mise en œuvre et caractéristiquesdes programmes

La démarche dite d'implantation de nouveauxprogrammes qui a prévalu de 1980 à 1986 ne peutguère servir de modèle dans les circonstancesprésentes, et cela pour une raison fondamentale :on concevait alors le programme d'État commeoccupant toute la place de la créativité curricu-laire. Il s'agissait donc de le faire connaître auxenseignants : à ceux-ci de le «suivre» fidèlement.Or, L'École, tout un programme met de l'avant unprogramme d'État qui oriente un curriculum effec-tif d'école et de classe sans le définir dans sa tota-lité; il ne faut pas oublier que le curriculum mis enœuvre dans la classe est toujours, jusqu'à un cer-tain point, interprété, adapté, concrétisé par lesenseignants. C'est de la mise en œuvre que lesenseignants ont la responsabilité et elle débordelargement une simple «implantation».

Or l'élaboration des programmes d'études officielsne peut malheureusement pas s'appuyer sur desannées d'expérimentation et d'interaction entreconcepteurs et praticiens. Même les profils desortie esquissés dans le rapport Corbo, Préparerles jeunes au 21e siècle, n'ont pas déclenché ladémarche structurée de validation et de raffine-ment qu'ils auraient méritée. Il y aura donc inévi-tablement, dans les programmes en voie d'élabora-tion, des zones d'incertitude qui seront hautementmatière à expérimentation. Prenons un exemple :un programme retravaillé de mathématiques depremier cycle secondaire devra esquisser com-ment cet apprentissage pourra et devra contribueraussi à la progression de la maîtrise de la langue.Le mieux qui puisse être fait, dans un premiertemps, sera d'énoncer des hypothèses pratiquesbien pensées. La mise en œuvre, au moins sousl'aspect d'une telle contribution, sera forcémentdéfinie initialement comme une mise à l'essai.Dans cette démarche, la stratégie adéquate dechangement, la seule potentiellement mobilisatrice,reposera sur deux activités : une proposition de

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54 Les enjeux majeurs des programmes d'études et des régimes pédagogiques

mise à l'essai des aspects les plus neufs63, puis uneanalyse évaluative de la rétroaction. Il s'agira detester les hypothèses de départ pour les valider, lesécarter parfois, les enrichir, les consolider. Dansl'exemple élémentaire cité plus haut, il s'agissaitde voir ce qui «tient la route» et ce qui déçoit, enmatière de jonction entre la discipline des mathé-matiques et la compétence transversale linguisti-que. Ce qui donnera le plus nettement l'impulsionde départ au processus de mise en œuvre, ce serala garantie que, s'il s'en dégage diverses invitationsà réajuster le tir, les auteurs de programmes offi-ciels auront les moyens d'analyser méthodiquementces données et auront la volonté d'en inscrire leprofit dans des programmes retravaillés64.

63 Toute la jonction entre disciplines, d'une part, et

compétences ou habiletés non spécifiques à unediscipline particulière, d'autre part, constitueracertes un élément substantiel, mais non exclusif,des aspects neufs.

64 L'analyse de beaucoup d'initiatives européennes deréforme du curriculum a conduit à chercher un moyenterme, plus interactif, entre les modèles opposés dechangement «top down» ou «bottom up». «Desauteurs comme R. Vandenberghe («SchoolImprovement : A European Perspective», dans F.Parkaw (ed.) Improving Schools for the 21st Cen-tury : Implications for Research and Development,Gainsville, Un. of Florida Press, 1988) recomman-dent une approche mixte où "ceux d'en haut" expri-ment les "thèmes" d'une politique curriculaire etcréent des conditions favorables aux initiatives de"ceux d'en bas". D'après Vandenberghe, un thèmed'un énoncé de politique devrait fixer le domainedans lequel des initiatives sont requises, mais laspécification plus précise de la performance àattendre devrait donner lieu à un débat plus large.En même temps, les enseignants doivent porterattention aux besoins plus larges visés par la politi-que, et y répondre délibérément d'une façon qui lesamène à revenir sur les conditions et le contenu deleur pratique. Vandenberghe appelle cette pratiquede "cartographie rétrospective" (backward map-ping), ce qui souligne l'importance d'inclure lacontribution des décideurs locaux. Les personnesclés dans ce processus de "cartographie rétrospec-tive" sont alors ceux qui occupent des positionsintermédiaires de gestion, conseillers pédagogi-ques au palier local, coordonnateurs scolaires quiont à présenter les politiques et les initiatives auxenseignants tout en ramenant les préoccupationsdes enseignants aux responsables des politiques.»

Cette démarche apparaît essentielle au Conseilpour qu'une stratégie de mise en œuvre des nou-veaux programmes ait des chances de succès. Celafait appel à une mentalité moins normative et davan-tage à une approche expérimentale de la part desconcepteurs et promoteurs des nouveaux program-mes. Mais cela exige aussi et surtout la disponibilitédes ressources de recherche indispensables à touteanalyse évaluative et à tout processus de rétroaction.

Conséquemment, le Conseil supérieur de l'édu-cation recommande au ministre de l'Éducationd'éviter soigneusement de surimposer à l'ensem-ble des programmes d'études disciplinaires uneperspective de formulation par compétences dontla pertinence pédagogique n'est pas démontrée.

Le Conseil recommande également, pour laréussite du processus d'appropriation et demise en œuvre de nouveaux programmes offi-ciels, que soient indiqués d'entrée de jeu leséléments qui ont le plus besoin d'être consoli-dés, nuancés et validés lors d'une phase initialede mise en œuvre des nouveaux programmes.

3. Les conditions de succès de laréforme

L'énoncé de politique L'École, tout un programmemet de l'avant des programmes repensés qui repo-sent sur un partage des responsabilités et non surdes prescriptions autocratiques. Mais commentréussir le processus de changement que suppose laprésente réforme? Comment faire atterrir dans lesclasses et la pratique courante un curriculum pro-fondément renouvelé? Il y a des conditions néces-saires au succès de la réforme. Dans la ligne de sespositions récentes sur la nécessité de nouveauxmodèles de gestion et sur la maîtrise du changement,le Conseil ose rappeler ici avec insistance cesconditions essentielles.

M. Galton, «Making a Curriculum : Some Princi-ples of Curriculum Building», dans J. Moyles et L.Hargreaves (ed.) The Primary Curriculum : LearningFrom International Perspectives, p. 76.

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Au-delà du régime pédagogique : les programmes, leur mise en œuvre, … 55

Première condition : l'exercice d'un leadershipactif. S'agira-t-il de celui du ministère de l'Éduca-tion? Ou bien de celui du Ministère joint à celuides commissions scolaires? Ou plutôt d'un leader-ship assumé par les milieux professionnels :réseaux de conseillers pédagogiques, directionsd'école, associations d'enseignants et d'enseignan-tes par discipline? On ne peut aucunement sepasser d'un leadership ministériel comme «pilote»et comme responsable de la mise en place desmoyens et ressources.

Deuxième condition : une information claire etabondante qui soit aussi accessible aux parentsimpliqués dans les conseils d'établissement qu'auxenseignants et enseignantes, quoique de typedifférent de part et d'autre.

Troisième condition : l'émergence de projets pilo-tes, à partir d'appels de propositions, engageantdes fonds de développement lorsque agréés. Cesprojets pilotes doivent être suivis de façonrigoureuse. Ce devrait être le premier grand soucid'un noyau de chercheurs, de se constituer enobservatoire des projets pilotes. Il est évidentqu'une telle stratégie de mise à l'épreuve deprogrammes révisés et à l'essai se combine trèsmal avec l'obligation universelle de mise en œuvredès la fin de la rédaction des programmesrepensés et selon un calendrier déjà établi. LeConseil reste convaincu qu'un temps de mise àl'essai sur une base volontaire et par des écoles quise sentent prêtes, serait beaucoup plus mobilisantet efficace, à terme.

Quatrième condition : un suivi du processus dechangement qui évalue de façon continue etsuggère au fil de la progression les ajouts, lesretraits et les correctifs requis.

Cinquième condition : un temps suffisant pourréfléchir aux changements importants qui sontproposés et voir comment y ajuster les pratiquesexistantes.

Sixième condition : une garantie de disposer desressources requises pour soutenir les projets pilo-tes et pour l'analyse de la rétroaction des milieux.

Septième condition : une vaste implication desgroupes et milieux concernés – parents, enseignants,professionnels non enseignants, directions d'école,facultés universitaires d'éducation. Étant donné legenre de programmes qu'on a résolu d'élaborer, ilserait incohérent de ne pas requérir et susciter unetelle implication.

Huitième condition : un plan conséquent de déve-loppement professionnel du personnel de l'éduca-tion. Trop de réformes ont avorté, faute de relaiset de continuité au-delà de la phase initiale de con-ception, comme S. Sarason65, parmi tant d'autres,l'a démontré dans l'analyse des réformes manquées.

Le Conseil ne saurait trop insister auprès duministre de l'Éducation pour que le pilotage duchangement engagé s'appuie sur ces conditionsindispensables de réussite.

4. La formation initiale des maîtres

L'un des facteurs majeurs de réussite du renouvel-lement du curriculum primaire et secondaire résidedans l'engagement rapide, judicieux et ferme deséquipes universitaires de formation des maîtresdans les voies majeures du renouveau. Il y a là undéfi considérable. Les compétences de référencequi ont fondé des changements importants dans laformation universitaire des maîtres, ces dernièresannées, peuvent et doivent fournir des assises dansle présent contexte66.

65 The Predictable Failure of Educational Reform,

San Francisco, Jossey-Bass, 1990.66 Voir Claude Lessard, «Continuités et ruptures en

formation des maîtres : à la recherche d'un pointd'équilibre», dans M. Tardif et H. Ziarko (dir.),Continuités et ruptures dans la formation desmaîtres au Québec, Québec, Presses de l'Univer-sité Laval, 1997, p. 253-279.

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56 Les enjeux majeurs des programmes d'études et des régimes pédagogiques

Comment faire en sorte que les nouveaux maîtresarrivent en poste, ces prochaines années, sans setrouver d'entrée de jeu en situation de rattrapage?Car c'est inévitablement ce qui se passera si lesunités responsables de la formation des maîtres nese mettent qu'avec lenteur au diapason de ce quiservira de foyer et de thèmes majeurs de dévelop-pement pédagogique dans le réseau des écoles :accompagnement des élèves par cycle sur despistes curriculaires ressourcées à une plus granderichesse culturelle, avec une pédagogie différen-ciée, souple, appuyée sur la concertation; margede manœuvre extrêmement élargie pour soumettrede nouveau l'évaluation, et particulièrement l'éva-luation sommative, aux impératifs pédagogiquesen la libérant d'impératifs administratifs uniformi-sants; priorisation d'une culture institutionnellecapable de déplacer les enjeux majeurs des rela-tions école-commission scolaire vers les relationsécole-parents au sein de la communauté locale eten liaison avec ses organisations, ses services, sesressources; revalorisation des grands champsdisciplinaires non pas comme un pôle «académi-que» détaché des soucis de formation personnelle,de formation sociale, d'orientation, mais tout àl'opposé, comme lieu, temps et substrat essentield'une éducation attentive à toute la personne.

Il y a là des défis majeurs. L'université est ici unacteur incontournable. Elle est évidemment unacteur potentiel majeur sur le terrain de la forma-tion professionnelle continue des enseignants etenseignantes, au moment où tout ce champ est enpleine reconfiguration. Mais on perçoit aisémentque les chances qu'a l'université de contribuer deplus en plus substantiellement à la formation pro-fessionnelle continue, dans ce contexte de réformecurriculaire, ira de pair avec l'écho qu'aura cetteréforme dans les programmes de formation initialedes maîtres.

Que signifie pour l'université, responsable de laformation des futurs enseignants et enseignantes,l'effort présent de renouvellement du curriculumdu primaire et du secondaire? Sans doute unerevalorisation de la culture générale, une familia-risation avec le soutien nécessaire au développe-

ment des compétences transversales et au décloi-sonnement des matières d'enseignement qu'ilimplique, une habilitation plus générale au déve-loppement de programmes d'enseignement et,enfin, le soin de compétences sociales à dévelop-per dès la formation initiale.

En premier lieu, le nouveau curriculum veut reva-loriser la richesse culturelle de tous les enseigne-ments. Les enseignements de musique, de mathé-matiques, de littérature, d'histoire ne sont pasdestinés à des musiciens, des mathématiciens, descritiques littéraires ou des historiens : ce sont desapports à la culture d'un être humain en dévelop-pement, des moyens et des canaux pour qu'il entredans un rapport plus riche avec le monde quil'entoure. Bien sûr, le professeur de mathémati-ques sait que les mathématiques du primaire et dusecondaire sont bien autre chose que le reflet allégéet tamisé du «savoir savant» des mathématiquescomme discipline en progrès constant. Mais là, enmusique, en chimie ou en lettres, partout, il nesuffit pas de prendre conscience de ce qu'un pro-gramme n'est pas, il faut aussi en souligner le côtépositif. L'école est un haut lieu d'initiation cultu-relle, autant à la culture pratique et technique qu'auxarts et aux sciences d'ailleurs. C'est la culture géné-rale des professeurs qui constitue l'atout majeurd'une authentique médiation culturelle, le lieu oùse trame la transposition la plus vivante à partirdes savoirs disciplinaires les plus divers. Le soinet le souci de la culture générale des futurs maîtresdoivent donc habiter les équipes universitairesresponsables de la formation initiale67.

67 Michael Fullan a une façon imagée de rappeler

combien la culture générale des enseignants etenseignantes, vivante et dynamique, est importantepour les élèves : «Macrocosm is the learning societyand the learning world. Microcosm is Mondaymorning. Teachers above all in society must havea foot in both "cosmos" because they cannot beeffective in one without being plugged into theother. […] Teachers are priviledged and burdenedwith the responsibility of helping all students tobecome inner and outer learners who will connectto wider and wider circles of society. Teacherscannot do it alone. At this stage, they have to do itdespite the system. But this is how breakthroughs

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Au-delà du régime pédagogique : les programmes, leur mise en œuvre, … 57

Le contexte actuel appelle particulièrement, ensecond lieu, une familiarisation générale avec lescompétences transversales. Il faudra inévitable-ment une jonction plus organique et beaucoupplus serrée de la formation en psychopédagogieavec celle des disciplines. Le modèle des cours enparallèle et cumulatifs, cloisonnement typique desétudes disciplinaires, n'est pas adéquat ici. Il fautque, à certains titres du moins, les programmes desciences de l'éducation se rapprochent de ceuxd'écoles professionnelles, que la concertation desformateurs y soit très dense, que le cheminementde formation y soit plus intégré. On ne peut paspréparer à prendre très au sérieux la partielle trans-versalité des habiletés à exercer et développerchez les élèves du primaire et du secondaire sicette dimension de transdisciplinarité n'imprègnepas déjà les programmes de formation des maîtres.D'ailleurs, dans la mesure où les universités sau-ront se placer en posture de partenariat à l'égarddes réseaux scolaires – pensons ici à la formulepratiquée ailleurs en Amérique du Nord des «SchoolImprovement Centers» –, leur engagement danscette piste du potentiel de chaque discipline à met-tre en valeur en direction des compétences trans-disciplinaires, les amènera sur un chantier majeurde développement où presque tout reste à faire.

En troisième lieu, le contexte actuel appelle forte-ment une habilitation accrue au développementdes programmes d'enseignement. Ici, la divisiondu travail subit une mutation. Auparavant, leMinistère élaborait le curriculum, que l'école etl'enseignant appliquaient. Maintenant, on renonceau projet de programmes centraux exhaustifs.Seront liés mutuellement le curriculum officiel etle curriculum de l'école qui concrétise, ajuste,interprète, complèteY Les nouveaux programmesofficiels ont toutes les chances de susciter, aupalier local, des initiatives de développement ducurriculum concertées dans l'école et entre

occur. And they will find allies.» Change Forces :Probing the Depths of Educational Reform,Londres, Falmer Press, 1993, p. 145, 147.

écoles68. Or jusqu'ici, sauf dans les universités delangue anglaise, le soin du curriculum ne faisaitpas vraiment partie des programmes de formationdes maîtres. Maintenant, cette habilitation devientcruciale.

En dernier lieu, le Conseil supérieur de l'éducationdésire attirer l'attention sur la capacité de collabo-rer qu'un tel curriculum repensé a toutes les chancesde requérir des enseignants. L'isolement, la péda-gogie «privée», derrière la porte fermée de laclasse, deviennent de plus en plus dysfonction-nels. Au contraire, l'un des éléments forts de laprofessionnalisation favorisée dans l'éclairage deL'École, tout un programme exigera une capacitéprononcée d'interaction. Dialoguer au sein duconseil d'établissement et avec lui, dans une écolequi prend ses parents d'élèves et ses partenaireslocaux très au sérieux, voilà un mode de fonction-nement de plus en plus requis dans la cultureorganisationnelle. Prendre collectivement encharge des besoins, des difficultés, des viséescurriculaires dans des équipes regroupées autourdes cycles de progression des élèves, voilà aussiquelque chose d'incompatible avec l'isolementprofessionnel. À l'égard des facultés de sciencesde l'éducation, il y a ici un appel urgent à la con-vergence : si la concertation, la prise en chargecollective, l'affichage substantiel des nouvellesattitudes et valeurs qui imprègnent les compéten-ces sociales de base de l'éducation comme profes-sion n'émergent pas de leur propre pratique quoti-dienne, le discours seul ne compensera pas.

Les équipes universitaires de formation des maîtresne peuvent pas se permettre ici et l'ambivalence etl'inefficacité d'un double discours : «n'imitez pas 68 En fait foi, en particulier, le renoncement aux pro-

grammes officiels ultra-analytiques : «Dans le pro-gramme d'études, les objectifs essentiels sont peunombreux; ils sont communs et ils ont un caractèreobligatoire pour tous les élèves. Ils ne sont pasdécoupés en objectifs intermédiaires, ni en straté-gies d'enseignement, ni organisés selon une démar-che pédagogique ou un mode d'apprentissage parti-culier.» Commission des programmes d'études,Orientations et encadrements pour l'établissementdu programme de formation, p. 22.

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ce que vous nous voyez faire, mais faites aucontraire ce que nous vous exhortons à faire!» Siles savoir-faire sociaux, précieux de tout tempsdans la profession enseignante, deviennent pourainsi dire indispensables et vitaux, il faut, dès laformation initiale, à la fois les exercer et concré-tiser leur pratique.

Le Conseil supérieur de l'éducation n'expliciterapas ici tout l'apport potentiel et attendu des univer-sités dans le champ du soutien au développementprofessionnel des enseignants en cours de carrière.Là aussi, les besoins sont immenses, et ils consti-tuent, pour les universités, une chance remarqua-ble d'étoffer des relations plus organiques et plusbilatérales, de l'ordre du partenariat, avec lesréseaux scolaires, ce que l'immense expansion

récente des stages de formation pratique a déjànettement commencé à favoriser.

Le Conseil supérieur de l'éducation ne peut ici querecommander au ministre de l'Éducationd'engager les responsables universitaires de laformation des maîtres à répercuter dans leursprogrammes, rapidement et très substantielle-ment, quatre grands éléments de la nouvelleorientation curriculaire : le souci de sa richesseculturelle, la jonction entre disciplines et com-pétences transversales, l'habilitation au déve-loppement local du curriculum et, enfin, ledéveloppement de la capacité de travaillerprofessionnellement en concertation et enpartenariat.

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CHAPITRE 8Observations diverses surles régimes pédagogiques

Le Conseil supérieur de l'éducation désire attirerl'attention sur quelques points particuliers desrégimes pédagogiques qui méritent d'être réexami-nés et révisés avec soin. Après deux remarquesgénérales, le Conseil fera un bref commentaire surles sujets suivants : les missions de l'école, lesservices complémentaires et particuliers, le redou-blement, les cycles d'études, le temps prescrit, lematériel didactique, la reconnaissance des besoinsdes personnes handicapées et le passage en forma-tion professionnelle.

1. Parallélisme des régimes, espritinclusif

On peut légitimement se demander s'il est néces-saire d'avoir trois régimes pédagogiques sousforme séparée : un pour l'éducation préscolaire,l'enseignement primaire et l'enseignement secon-daire, pour le secteur des jeunes, un autre pour laformation générale au secteur de l'éducation desadultes, un dernier, enfin, pour la formation pro-fessionnelle. On pourrait aussi bien avoir un seulrégime qui engloberait ces trois secteurs. En effet,il n'est pas rare que, dans un même établissement,les responsables scolaires organisent des servicesrelevant de deux et parfois de ces trois régimesdifférents, alors que, généralement, on reconnaîtqu'il y a complémentarité entre une perspectived'éducation continue et la formation initiale del'école primaire et secondaire. Il en est de même,en ce qui concerne l'éducation primaire et secon-daire et la formation professionnelle, soit du pointde vue des modalités de passage de l'une à l'autre,ou de la concomitance entre spécialisation quali-fiante et progression en formation générale.

Un régime pédagogique uniformisé, à la grandeurdu Québec, pourrait aussi très bien convenir à tousles lieux d'enseignement, sauf à faire place à certai-nes particularités, telles que, par exemple, l'ensei-gnement dans une langue autochtone. Il va de soi,en outre, que la sensibilité à la diversité culturelledoit pouvoir se refléter au-delà de la langue d'ensei-gnement et du patrimoine culturel qu'elle véhicule,particulièrement du côté de l'histoire, de la géogra-

phie, de l'éducation morale, de l'éducation reli-gieuse. On comprend facilement que les équipesprofessorales des écoles de langue anglaise devien-nent excédées de programmes traduits qui ont étéconçus sans penser à elles. Il faut que ces program-mes soient assez souples, ouverts sur une mise enœuvre locale imaginative, pour que, dans cesécoles, les équipes scolaires concernées se sententhabilitées à recourir sans hésitation au matérieldidactique si riche et si varié disponible ailleurs enAmérique du Nord.

2. Missions et fonctions

Article 2. Les services d'éducationpréscolaire ont pour but de favoriser ledéveloppement global et harmonieux del'élève afin qu'il intègre les connaissan-ces, habiletés et attitudes qui faciliterontl'acquisition des apprentissages propo-sés à l'enseignement primaire.

Les services d'enseignement primaireont pour but de permettre à l'élève defaire les apprentissages fondamentauxqui contribueront au développementprogressif de son autonomie et qui luipermettront d'accéder aux savoirsproposés à l'enseignement secondaire.

Les services d'enseignement secondaireont pour but de poursuivre le développe-ment intégral de l'élève et de faciliterson orientation personnelle et profes-sionnelle. Ils complètent et consolidentla formation de base de l'élève en vued'obtenir un diplôme d'études secondai-res ou une qualification ou de donneraccès à des études supérieures.

L'article 2 du régime proposé ne renvoie pascomme tel aux missions de l'école. Il faut ledéplorer. Par contre, les objectifs éducatifs dupréscolaire, du primaire et du secondaire y sontmentionnés : «développement global», «dévelop-pement progressif de son autonomie», «dévelop-

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pement intégral». Il est suggéré de souligner quel'ensemble des missions, instruire, socialiser etqualifier, contribue au développement de la per-sonne. Le Conseil a fait état de cette carence dansun avis récent69.

La définition des services d'enseignement secon-daire situe bien le DES comme ayant sa proprefinalité. Cependant, en vue de ce à quoi condui-sent ultérieurement les études secondaires, uneambiguïté demeure dans l'usage de la conjonction«ou» : «en vue d'obtenir un diplôme d'étudessecondaires ou une qualification». Cette formula-tion semble vouloir dire : obtenir soit un DES, soitun DEP, soit une attestation de formation profes-sionnelle. Ensuite, «en vue d'obtenir […] unequalification ou de donner accès à des étudessupérieures» semble ne pas couvrir le cas où unDES conduit à des études professionnelles ulté-rieures au secondaire. Le chapitre 4 de cet avisprésente quelques tenants et aboutissants de cetteéventualité.

69 Pour un renouvellement prometteur des program-

mes à l'école. La conception même du développe-ment personnel à stimuler par l'éducation a beau-coup évolué depuis les grandes polémiques entretenants d'une éducation centrée sur l'individu etceux d'une éducation plus liée aux besoins de lasociété. Ainsi, d'après G. Blenkin et V. Kelly, «parle moyen de formes appropriées d'interaction sociale,l'enfant se développera non seulement au planintellectuel et de la connaissance, mais aussi auplan moral et social. Tel est le chemin vers uneentrée réussie, comme membre pleinement partici-pant, dans la culture de la société. De fait, cecinous oriente vers une nouvelle conception dedéveloppement culturel, défini en termes d'initiationnon pas à la "haute culture" d'une société mais àtout son milieu social, culturel et communautaire.Les enfants ont besoin de l'expérience d'être accep-tés dans la collectivité sociale de l'école s'ils doi-vent se développer en adultes capables de recon-naître l'importance pour leur propre vie indivi-duelle de ce collectif social que nous appelons lasociété. En bref, le développement social et moralexige un curriculum pour lequel les élèves consti-tuent un souci central plutôt que périphérique.»«The Concept of a Developmental Curriculum»,dans J. Moyles et L. Hargreaves (ed) The PrimaryCurriculum. Learning from InternationalPerspectives, p. 36.

3. Services complémentaires etparticuliers

Les articles 3 à 8 sont bien accordés à l'esprit de laloi amendée, qui confie d'un côté à la commissionscolaire le soin de définir un répertoire de servicesofferts, et de l'autre côté à l'école, la responsabilitédu choix des activités complémentaires que peu-vent comprendre ces services. Le retrait des défi-nitions provenant des anciens régimes est judi-cieux. On s'interroge toutefois sur les raisons del'omission des services d'«encadrement et surveil-lance». De même, on a retiré de l'énumération desactivités qui peuvent se réaliser, sur une basevolontaire évidemment, celles de la pastorale et del'animation religieuse (article 5), tout en les conser-vant dans l'énumération des services (article 4).Quelle en est la logique?

Au-delà, toutefois, d'une formulation accordée aunouveau rapport instauré entre les commissionsscolaires et les écoles par la Loi 180, la questiondes services complémentaires et des activités quien relèvent mérite une attention soutenue. Dansune conjoncture de réduction des ressources, lagarantie de services suffisants est devenue trèsincertaine car le personnel spécialisé requis pourplusieurs de ces services est très exposé auxréductions de ressources humaines. Il faut, dansles circonstances actuelles, accorder beaucoupd'attention aux conclusions que tirait récemmentle Conseil d'un large tour d'horizon de la situationau primaire dans son avis intitulé : Les Servicescomplémentaires à l'enseignement : des responsa-bilités à consolider (1998).

Le Conseil remarque avec plaisir que l'article 2déjà, puis les articles 4 et 5 font droit à la perspec-tive d'une école extrêmement soucieuse d'orienta-tion et scolaire et professionnelle, sans toutefoispousser trop précocément sur un choix de spécia-lisation particulière. Ceci, combiné à la dimensionorientation clairement inscrite dans les thèmes

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transversaux à prendre en charge70, signifie que ladisparition des cours d'éducation au choix decarrière ne conduit pas à une absence totale decette préoccupation et que l'équipe enseignantedevra demeurer vigilante à cet égard.

4. Évacuation du redoublement soussa forme traditionnelle

Article 13. L'admission au secon-daire s'effectue normalement après 6années d'études primaires et obligatoi-rement après 7 années d'études; ellepeut toutefois s'effectuer après 5 annéesd'études primaires si l'élève a atteint lesobjectifs des programmes d'études duprimaire et a acquis suffisamment dematurité affective et sociale.

Il faut attirer ici l'attention sur l'article 13. Enparallèle avec l'article 42 de l'ancien régime péda-gogique du préscolaire et du primaire, on ne peutque saluer avec bonheur la disparition de l'ancienneclause de redoublement possible applicable annéeaprès année. Les anciens cycles de trois ans n'étaientdonc pas des cycles au sens fort, car ils n'excluaientpas le redoublement intra-cycle. Le règlementproposé gagnerait à être plus explicite, soit danscet article ou à l'article 15 portant sur la progres-sion par cycle. Dans l'esprit du Conseil, la meil-leure compréhension des cycles dans la progres-sion des élèves au primaire fait supposer que tousles élèves passent d'un premier cycle de deux ansau deuxième, puis encore du deuxième au troisièmeaprès deux ans, et que, enfin, la durée du troisièmeet dernier cycle peut varier entre élèves en fonc-tion de cet article 13, d'un an de moins à un an deplus. Si telle est l'intention sous-jacente à la struc-turation par cycles au primaire, il serait opportunde le dire, pour ne pas ouvrir la porte à desprolongations du premier cycle primaire.

70 Voir : Commission des programmes d'études,

Orientations et encadrements pour l'établissementdu programme de formation, p.41.

5. Cycles d'études

Pour les études primaires, il faudrait, dans le textedu régime pédagogique lui-même, une clarificationet une explicitation du sens des cycles, dans la lignedes propos du chapitre 1. Il y aurait sans douteintérêt à définir ce que recouvre le principe d'unbilan des apprentissages au terme de chaque cycle.

Par ailleurs, le principe du cycle s'applique plusdifficilement au premier cycle du secondaire. Eneffet, la promotion annuelle par matière existedepuis trente ans, et on voit mal comment s'enpasser totalement. De plus, les conditions établiespour l'accès aux programmes conduisant à desattestations de formation professionnelle ou bienaux programmes de DEP, supposent implicitementun découpage annuel des progressions pour fin desanction. C'est particulièrement au chapitre 2 quele Conseil a exploré le respect de l'esprit d'un cycle,au début du secondaire, en même temps que sonadaptation à des traits caractéristiques du secondaire.

6. Calendrier scolaire et tempsprescrit

Article 17. Pour l'élève de l'éduca-tion préscolaire et de l'enseignementprimaire, la semaine comprend unminimum de 23 heures 30 minutesconsacrées aux services éducatifs.

L'article 17 ne répond pas à la préoccupation duConseil sur le temps de présence en classe desélèves qui gagneraient beaucoup à profiter de 25heures hebdomadaires consacrées aux serviceséducatifs71. Il y a lieu d'attirer l'attention, aussi,sur un problème de formulation. Le temps hebdo-madaire «de classe» des élèves est qualifié de 71 On trouvera dans Pour un renouvellement prometteur

des programmes à l'école l'argumentation du Conseilbasée essentiellement sur le risque d'un accès res-treint à quelques disciplines couramment confiéesà des spécialistes, avec le maintien de 23 heures 30minutes hebdomadaires.

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temps consacré aux «services éducatifs». L'expres-sion «services éducatifs» était définie dans lesrégimes précédents tandis que, dans celui-ci, onutilise surtout l'expression «services d'enseigne-ment». Au titre de l'article 1, les services éducatifsenglobent ces derniers ainsi que les services com-plémentaires et les services particuliers. Risquesde confusion dans la terminologie, peut-être.

7. Matériel didactique

Article 21. L'élève de l'enseigne-ment primaire ou secondaire doit avoiraccès au matériel didactique, choisi enapplication de la loi, pour les program-mes d'études suivis par cet élève. […]

Ici, la formulation de l'article 21 semble malaccordée à l'article 19 du régime pédagogique dela formation professionnelle qui stipule : «L'élèvevisé à l'article 1 de la Loi sur l'instruction publi-que dispose personnellement du manuel scolairechoisi, en application de la loi, pour chaquematière obligatoire et à option pour laquelle ilreçoit une formation générale suivie en concomi-tance avec sa formation professionnelle.» Si l'onavait laissé au régime pédagogique de traiter demanuels scolaires plutôt que d'y employer la Loisur l'instruction publique, il y aurait certes lieu icide rappeler au public que les pratiques pédagogi-

ques les plus couramment reconnues comme haute-ment valables ne sont pas toujours celles qui utili-sent très fidèlement un manuel pour chaque matière.

8. Clarification de la définition despersonnes handicapées

Le Conseil croit qu'il faudrait profiter de la révi-sion du régime pédagogique pour y intégrer, à laplace de la présente annexe 2, la même définitiondes personnes handicapées que celle qui sert deréférence dans la Loi sur l'instruction publique.

9. Passage en formationprofessionnelle

Si l'on maintient distincts le régime pédagogiquede l'éducation préscolaire, de l'enseignementprimaire et de l'enseignement secondaire, d'unepart, et celui de la formation professionnelle,d'autre part, il ne faut pas omettre, dans le libellédu premier, l'accès potentiel, en cours d'étudessecondaires, à des formations conduisant soit àune attestation de formation professionnelle(AFP), soit à un diplôme d'études professionnelles(DEP).

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Conclusion et recommandations

Le Conseil supérieur de l'éducation a tenté ici debien accorder son souci des enjeux majeurs durenouvellement du curriculum et son devoir d'avi-ser le ministre de l'Éducation sur la réglementa-tion centrale des études que constitue le régimepédagogique. Avant de rassembler les diversesrecommandations bien précises qui émanent decette dernière démarche, il faut faire ressortir defaçon rétrospective quelques analyses importantesdu présent avis.

Les décisions gouvernementales en matière derégime pédagogique et les actions ministériellesd'élaboration de programmes d'études sont bienplus qu'une opération administrative. Elles ren-voient à un arrière-plan social et culturel. Laqualité des programmes est au cœur de la vitalitéculturelle d'une société par le renouvellementincessant que lui apporte la jeune génération. Lastructuration institutionnelle du champ scolairepar un régime pédagogique marque profondémentl'ampleur, les limites et les modalités des parcoursd'élèves vers l'échec ou la réussite, leur orienta-tion, leur inscription sociale, leur avenir profes-sionnel. Il faut regarder les effets probables detelles décisions non seulement avec un œil admi-nistratif avisé et habile, mais aussi dans uneperspective pédagogique, une perspectiveculturelle et une perspective sociale.

Le régime pédagogique proposé en octobre 1998reprend presque en tous points les conclusionsd'un rapport déposé en juin 1997 intitulé Réaffir-mer l'école, comme si la réflexion s'était interrom-pue depuis. En même temps, on met déjà enœuvre des préparations de programmes renvoyantaux décisions d'un régime pédagogique qui n'estpas formellement adopté. Est-il inévitable que ladémarche raisonnée et mobilisatrice de change-ment soit rythmée de temps forts très densesinterrompus de longues périodes de latence?Malgré la succession de temps forts puis delongues attentes qui ont rythmé ce champ deréflexion depuis les États généraux, le Conseilsupérieur de l'éducation considère qu'il esttoujours temps de chercher à améliorer le régimepédagogique proposé.

La généralisation de la réussite d'études secon-daires complétées est éminemment souhaitable.Pour qu'elle soit plus largement possible, la figuregénérale du second cycle secondaire doit évolueren profondeur, quant au genre de cours offerts.Les précautions à prendre du côté de la sanctiondes études doivent aussi être réanalysées.

La différenciation déjà fort prononcée du premiercycle secondaire mérite une attention prioritaire.Le flou qui demeure en matière de zone de respon-sabilité institutionnelle de l'école à l'égard de sonpropre curriculum ne permet pas, dans l'état pré-sent du régime pédagogique proposé, d'espérer lecoup de barre essentiel qui remettrait en questiondes mises à l'écart précoces de trop d'élèves danstoutes sortes de filières adaptées et ce, dès lespremières années du secondaire.

Dans les études primaires, les cycles proposéspermettent d'évoluer vers une pratique pédagogi-que plus concertée entre enseignants. L'insistancesur la nécessité de cette concertation n'est cepen-dant pas assez explicite. Ici, les chances de chan-ger plus que le vocabulaire reposent énormémentsur la qualité de programmes conçus par cycle etattentifs aux compétences dites transversales.

Il y a, dans chaque étape du parcours des élèves,du préscolaire à la fin du secondaire, des visées dechangement institutionnel, curriculaire et pédago-gique d'un très grand intérêt. Le Conseil a plaidéici pour renforcer les chances du processus consé-quent de changement en réexaminant certainsaspects du régime pédagogique proposé pourl'école primaire et secondaire, et au besoin, desrégimes de la formation professionnelle d'unepart, et de la formation générale au secteur desadultes d'autre part. Les recommandations rassem-blées ici font écho aux grands enjeux qui, selon leConseil, pourraient être mieux assumés dans lesdispositions réglementaires qui doivent être adoptées.

En ce qui touche particulièrement l'école primaireet le découpage de la progression (article 15), leConseil supérieur de l’éducation reconnaît lebien-fondé et l'intérêt des grands cycles de

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progression instaurés par le régime pédagogi-que proposé, de même que l'importance del’attention privilégiée apportée aux compéten-ces transversales; il recommande d'exprimerplus clairement le sens des cycles dans le régimepédagogique, et de soigner le suivi de la mise enœuvre des compétences transversales de façonà en maximiser le profit pour les élèves.

En second lieu, par rapport en particulier aux arti-cles 15, 23 et 31 du régime pédagogique proposé,le Conseil supérieur de l'éducation considère laréforme actuelle du curriculum et l'adoptiond'un régime pédagogique repensé comme uncontexte très favorable à un examen approfondide la grande diversification des parcours quiprévaut actuellement au premier cycle dusecondaire. De ce fait, le Conseil recommandeau ministre de l'Éducation :

• de garantir des ressources adéquates pourl'orientation personnelle des élèves et lasensibilisation aux carrières;

• de poser clairement dans le régime pédago-gique proposé la marge de manœuvre insti-tutionnelle permettant aux écoles de struc-turer leur prise en charge des besoins derattrapage;

• de veiller, dans la mesure où les politiquesministérielles permettent ou suscitent desparcours non typiques pour fins de rattra-page ou d'enrichissement, à faire explicite-ment référence à ces parcours dans lerégime pédagogique, à la façon, par exem-ple, dont l'annexe III et l'article 34 situentla formation en insertion sociale et profes-sionnelle.

Touchant l'équilibre du curriculum primaire etsecondaire (articles 22 et 23), par rapport auxdispositions réglementaires du régime qui tou-chent l'équilibre, la richesse et la pertinence ducurriculum comme tel, le Conseil supérieur del'éducation recommande au ministre del'Éducation :

• d'énoncer directement et clairement la placeet l'importance de compétences transversa-les dans le curriculum, autrement que parle contexte de l'évaluation et des bilansd'apprentissages de fin de cycle;

• d'énoncer dans le régime pédagogique leprincipe d'un enracinement culturel ducurriculum qui reflète, au-delà des languesd'enseignement, la diversité culturelle de lasociété québécoise;

• de restaurer l'ouverture du premier cycleprimaire à l'éveil aux sciences de la nature,au temps historique et à l'espace géogra-phique;

• de ne pas augmenter d'autorité de six lenombre d'unités du français langue d'ensei-gnement au premier cycle secondaire, quitteà clarifier suffisamment la latitude disponi-ble aux conseils d'établissement pour qu'ilspuissent, en cas de besoins majeurs, consa-crer plus de temps à l'apprentissage dufrançais dans des groupes donnés d'élèves;

• d'élargir légèrement l'espace des options ausecond cycle secondaire de façon à rendredisponibles trois cours optionnels en 4e

secondaire, puis quatre en 5e secondaire.

Le Conseil a longuement exposé, au chapitre 4,des avenues convergentes de renouvellement dusecond cycle secondaire qui n'ont pas toutes desimplications directes sur le régime pédagogiqueproposé. C'est pourquoi, en plus de proposer unespace élargi pour les cours optionnels en 4e et en5e secondaire, le Conseil recommande particu-lièrement, en matière de cours offerts, d'accor-der une grande importance à des cours option-nels qui introduisent aux domaines principauxde la formation professionnelle secondaire etdes études collégiales techniques.

Le Conseil recommande aussi de renforcerl'harmonisation des études secondaires et desétudes collégiales, en pariant sur un curricu-lum secondaire plus différencié, en faisantparticiper des responsables d'études collégiales

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Conclusion et recommandations 65

à la révision du curriculum du second cyclesecondaire et en amenant le réseau collégial àreconnaître certains acquis de niveau secon-daire sans toutefois les convertir en courspréalables à l'admission au collégial.

Touchant l'évaluation des apprentissages et lasanction des études, soit à la fin du premier cyclesecondaire, soit à la fin de l'ensemble des étudessecondaires (articles 28 à 33), le Conseil supé-rieur recommande au ministre de l'Éducationd'instaurer un certificat de fin de premier cyclesecondaire dont la valeur sociale soit reconnue.

Concernant les conditions d'obtention du diplômed'études secondaires, le Conseil supérieur approuvela proposition de hausser les attentes expriméesà l'égard des élèves en augmentant de 54 à 60 lenombre requis d'unités réussies. Il recommande,par contre, au ministre de l'Éducation de nepas procéder à l'ajout, au titre de ces condi-tions d'obtention, de l'exigence de trois coursobligatoires nommément identifiés, en mathé-matiques de 5e secondaire, sciences et techno-logie de 4e secondaire, et en langue seconde de5e secondaire. Il recommande plutôt de pro-poser des options variées, stimulant les élèves àse dépasser afin de concrétiser au second cyclesecondaire le principe d'un curriculum plusriche entre autres parce que mieux différencié,plus en mesure aussi, de ce fait, de soutenir unejonction plus organique et plus fine entre lesecondaire et le collégial.

Touchant l'articulation entre formation générale etformation professionnelle, le Conseil supérieurde l'éducation accueille favorablement la jonc-tion de nouveaux seuils d'admission aux pro-grammes de DEP et d'attestation de formationprofessionnelle (AFP) avec une poursuite de ladémarche de formation générale par leurs can-didats, et recommande volontiers l'adoptiondes clauses pertinentes du régime pédagogiqueproposé. Il recommande, d'autre part, auministre de l'Éducation d'examiner systémati-quement toutes les facettes de la jonction et del'articulation effectives entre la formation

générale et la formation professionnelle, etd'expliciter davantage dans le régime pédago-gique lui-même le type de formation généraledorénavant placée en concomitance avec desprogrammes de DEP et d'attestation de forma-tion professionnelle ainsi que son ampleur.

Ensuite, le Conseil exprime brièvement un pointde vue sur un aspect problématique de l'élabora-tion des programmes, sur le processus de change-ment à piloter et sur la contribution de la forma-tion des maîtres. À cet effet, le Conseil supérieurde l'éducation recommande au ministre del'Éducation d'éviter soigneusement de surim-poser à l'ensemble des programmes d'étudesdisciplinaires une perspective de formulationpar compétences dont la pertinence pédagogi-que n'est pas démontrée. Le Conseil recom-mande également, pour la réussite du proces-sus d'appropriation et de mise en œuvre denouveaux programmes officiels, que soientindiqués d'entrée de jeu les éléments qui ont leplus besoin d'être consolidés, nuancés et validéslors d'une phase initiale de mise en œuvre desnouveaux programmes.

Le Conseil supérieur de l'éducation recommandeégalement au ministre de l'Éducation d'engagerles responsables universitaires de la formationdes maîtres à répercuter dans leurs program-mes, rapidement et très substantiellement,quatre grands éléments de la nouvelle orienta-tion curriculaire : le souci de sa richesse cultu-relle, la jonction entre disciplines et compéten-ces transversales, l'habilitation au développe-ment local du curriculum et, enfin, le dévelop-pement de la capacité de travailler profession-nellement en concertation et en partenariat.

Le Conseil a rassemblé enfin, dans le chapitre 8,diverses analyses, remarques et suggestions surdes articles relativement indépendants des grandsenjeux traités antérieurement : référence oppor-tune à la diversité culturelle, missions de l'école,services complémentaires, questions de redouble-ment et de cycles d'études, temps de présence àl'école, matériel didactique, définition des personneshandicapées, passage en formation professionnelle.

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66 Les enjeux majeurs des programmes d'études et des régimes pédagogiques

L'essentiel du message du Conseil a consisté ici àmieux accorder les moyens réglementaires auxorientations retenues : que l'accent sur l'instruc-tion et le souci de la richesse culturelle ducurriculum nous épargnent la perte des scienceset sciences humaines au premier cycle du pri-maire, de même que la mise de côté d'unités demarge de manœuvre au premier cycle secondaire,évacuées au bénéfice d'une augmentation desunités de français langue d'enseignement; que lesouci d'un succès plus durable et plus large-ment partagé fasse expliciter le rythme descycles, fasse remettre en question des filières derattrapage correspondant actuellement à l'unifor-mité intransigeante des progressions, et fasseenfin émerger des options et des profils d'optionsau second cycle secondaire qui correspondentmieux à la diversité des besoins et des choixd'orientation; que le rehaussement des défis àprésenter aux élèves passe principalement parune disponibilité plus large d'options qui poussentl'apprentissage plus loin, dans des domaines diver-sifiés, comme le font les options de sciences.Enfin, pour que les partenaires du ministère del'Éducation s'impliquent avec dynamisme dans lemouvement de réforme, que l'on remédie à des

silences ou à quelques propos trop allusifs :notamment, sur les compétences transversales, surle rapport du curriculum à la diversité culturellede notre société, sur le sens des cycles, sur lamarge de manœuvre des établissements parrapport aux grilles-matières. Le régime pédagogi-que des écoles primaires et secondaires n'endeviendra alors que plus nettement la charte de laréforme qu'il mérite d'être. Il tracera sans douteainsi la voie à une révision approfondie du régimepédagogique de la formation générale au secteurdes adultes et à celle du régime pédagogique de laformation professionnelle.

Les enjeux traités ici ne concernent pas seulementle gouvernement et le ministère de l'Éducation. Eneffet, un régime pédagogique très bien pensé etdes programmes d'études ministériels de très hautequalité, tout en constituant des atouts et de bonsappuis, certes, aux impératifs d'une excellenteéducation offerte à tous les élèves, ne peuvent ysatisfaire complètement. Car, au-delà des régimespédagogiques en discussion, les directions d'école,les conseils d'établissement et les équipes éduca-tives doivent relever le défi d'un curriculum effec-tif profondément renouvelé.

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Annexe

Gouvernementdu QuébecLa ministre de Éducation

Québec, le 15 octobre 1998

Madame Céline Saint-PierrePrésidenteConseil supérieur de l'éducation1200, route de l'Église, porte 3.20Sainte-Foy (Québec) GlV 4Z4

Madame la Présidente,

Conformément aux articles 9 a) et 30 de la Loi sur le Conseil supérieur de l'éducation et à l'article 458 de laLoi sur l'instruction publique, je sollicite l'avis du Conseil sur les projets de règlement ci-joints touchant :

- le Régime pédagogique de l'éducation préscolaire et de l'enseignement primaire et secondaire;

- le Régime pédagogique de la formation générale des adultes;

- le Régime pédagogique de la formation professionnelle.

Ces projets ont été élaborés en vue d'harmoniser les régimes pédagogiques actuels en formation générale desjeunes et en formation générale des adultes et d'établir un régime pédagogique spécifique pour la formationprofessionnelle.

Je vous informe que le Ministère mènera, à l'automne 1998, une consultation auprès des principauxintervenants du réseau scolaire en vue de recueillir leurs commentaires sur les projets.

J'apprécierais recevoir votre avis avant la fin du mois de décembre 1998. Comme vous le savez, cetteopération d'harmonisation des régimes pédagogiques est rendue nécessaire dans la foulée de l'adoption de laLoi modifiant la Loi sur l'instruction publique et diverses dispositions législatives et de la mise en œuvre dela réforme de l'éducation.

Je vous prie d'agréer, Madame la Présidente, l'expression de mes sentiments les meilleurs.

1035, rue De La ChevrotièreQuébec (Québec) GlR 5A5

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Index des articles commentés du régime de l'éducation préscolaire,de l'enseignement primaire et de l'enseignement secondaire

Articles Pages2 47, 59 – 60

3 – 5 60, 61

6 – 8 60

9 – 14 61

15 7 – 9, 61

17 21, 61

21 62

22 23 – 25

23 23, 26 – 28, 35 – 37

29 – 32 9 – 11, 40

33 – 35 13 – 19, 39 – 43

Annexe 2 62

Annexe 3 13 – 19

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Conseil supérieur de l’éducation

MEMBRES

SAINT-PIERRE, CélinePrésidenteMontréal

NEWMAN, JudithVice-présidenteMontréal

AUROUSSEAU, ChantalÉtudiante au doctorat et chargée de coursUniversité du Québec à MontréalMontréal

BORODIAN, AlineÉtudiante au 2e cycleFaculté de pharmacieUniversité de MontréalSaint-Laurent

BOUTIN, NicoleDirectrice des étudesCollège MontmorencyOutremont

CÉRÉ, RobertDirecteurÉcole Sophie-BaratCommission scolaire de MontréalMontréal

CÔTÉ, ÉdithProfesseure agrégéeFaculté des sciences infirmièresUniversité LavalQuébec

DENIS, GastonProfesseur retraité de l'Université de SherbrookeSherbrooke

GATINEAU, Marie-ClaudeDirectriceServices aux élèvesCommission scolaire English-MontréalWestmount

GIRARD, SuzanneDirectrice principaleDotation/équité/recrutementBanque Nationale du CanadaLongueuil

JACKSON, ChristopherDoyenFaculté des beaux-artsUniversité ConcordiaMontréal

JUANÉDA, LindaDirectrice adjointeÉcole Saint-PierreCommission scolaire de laSeigneurie-des-Mille-ÎlesSainte-Thérèse

LAJEUNESSE, BernardDirecteur généralCommission scolaire Pierre-NeveuMont-Laurier

LAJOIE, JeanCommissaireCommission municipale du QuébecPointe-au-Pic

MARRINER AZIZ, ColleenEnseignanteSpécialiste de français, langue secondeÉcole secondaire RiverdaleCommission scolaire Lester-B.-PearsonPierrefonds

MONTICONE, PietroDirecteur, secteur de l’ÉducationRISO Canada inc.Lorraine

RATHÉ, Jean-PierreDirecteur de l'éducation des adultesCommission scolaire Marguerite-BourgeoysPierrefonds

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ROY-GUÉRIN, Marie-LissaDirectrice adjointeCentre de formation professionnelle Vision-AvenirCommission scolaire des Portages-de-l'OutaouaisGatineau

SERGERIE, PâqueretteCommissaire-parentCommission scolaire des Chic-ChocsSainte-Anne-des-Monts

TOUSSAINT, MichelDirecteur généralCégep de La PocatièreLa Pocatière

MEMBRES D’OFFICE

CÔTÉ, GuyPrésident du Comité catholiqueLaval

JACKSON, GrahamPrésident du Comité protestantLoretteville

MEMBRES ADJOINTS D’OFFICE

CHAMPOUX-LESAGE, PaulineSous-ministreMinistère de l’Éducation

CADRIN-PELLETIER, ChristineSous-ministre associée pour la foi catholiqueMinistère de l’Éducation

HAWLEY, Grant C.Sous-ministre associé pour la foi protestanteMinistère de l’Éducation

SECRÉTAIRES CONJOINTS

DURAND, AlainLAMONDE, Claude

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Liste des publications récentes et encore disponiblesdu Conseil supérieur de l’éducation

AVIS

Pour un renouvellement prometteur desprogrammes à l'école (1998).................50-0423

Modifications au Règlement sur le régime desétudes collégiales (1998).........................50-0422

La Formation continue du personnel desentreprises. Un défi pour le réseau publicd’éducation (1998)..................................50-0421

Les Services complémentaires à l’enseigne-ment : des responsabilités à consolider (1998)....................................................................50-0420

L’École, une communauté éducative. Voies derenouvellement pour le secondaire (1998)....................................................................50-0419

Recherche, création et formation à l’univer-sité : une articulation à promouvoir à tous lescycles (1998) ............................................50-0418

Enseigner au collégial : une pratique profes-sionnelle en renouvellement (1997).......50-0417

Pour une formation générale bien enracinéedans les études techniques collégiales (1997)....................................................................50-0416

L’Autorisation d’enseigner : le projet d’unrèglement refondu (1997) ......................50-0415

Projet de règlement modifiant le règlement surle régime pédagogique de l’éducation pré-scolaire et de l’enseignement primaire (1997)....................................................................50-0414

L’Intégration scolaire des élèves handicapés eten difficulté (1996)..................................50-0413

Contre l'abandon au secondaire : rétablirl'appartenance scolaire (1996) ..............50-0412

Le Financement des universités (1996)....................................................................50-0411

Pour un accès réel des adultes à la formationcontinue (1996) .......................................50-0410

La Création d'un établissement public d'ensei-gnement collégial dans le sud de Lanaudière(1996) .........................................................50-0409

Pour un développement intégré des serviceséducatifs à la petite enfance : de la vision àl'action (1996) .........................................50-0408

La Réussite à l'école montréalaise : uneurgence pour la société québécoise (1996)....................................................................50-0407

Pour la réforme du système éducatif : dixannées de consultation et de réflexion (1995)....................................................................50-0406

Des conditions de réussite au collégial :réflexion à partir de points de vue étudiants(1995) .........................................................50-0405

Une école primaire pour les enfantsd'aujourd'hui (1995) ..............................50-0403

Pour une gestion de classe plus dynamique ausecondaire (1995) ....................................50-0402

La Création d'un établissement d'enseignementcollégial francophone dans l'Ouest de l'île deMontréal (1995) ......................................50-0399

Réactualiser la mission universitaire (1995)....................................................................50-0398

L'Enseignement supérieur et le développementéconomique (1994)..................................50-0396

Vers un modèle de financement en éducationdes adultes (1993) ...................................50-0394

Un régime pédagogique pour l'éducation desadultes dans les commissions scolaires (1994)....................................................................50-0393

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Des conditions pour faire avancer l'école(1993) .........................................................50-0391

L'Enseignement supérieur: pour une entréeréussie dans le XXIe siècle (1992) ..........50-0388

Évaluer les apprentissages au primaire : unéquilibre à trouver (1992)......................50-0387

Accroître l'accessibilité et garantir l'adaptation L'éducation des adultes dix ans après lacommission Jean (1992) .........................50-0386

En formation professionnelle : l'heure d'undéveloppement intégré (1991) ...............50-0384

La Formation professionnelle au secondaire :faciliter les parcours sans sacrifier la qualité(1991) .........................................................50-0383

RAPPORTS ANNUELS SUR L'ÉTAT ETLES BESOINS DE L'ÉDUCATION

1997/1998 Éduquer à la citoyenneté......50-0168

1996/1997 L’Insertion sociale et profession-nelle, une responsabilité à partager................................................50-0166

1995/1996 Pour un nouveau partage despouvoirs et responsabilités enéducation ...............................50-0164

1994/1995 Vers la maîtrise du changementen éducation ..........................50-0162

1993/1994 Les Nouvelles Technologies del'information et de la commu-nication : des engagementspressants ................................50-0160

ÉTUDES ET RECHERCHES

La Formation continue du personnel desentreprises. Vers la gestion des compétencespar l’entreprise et par chaque employé (1998)

À propos des interventions d’insertion et deleur impact (1997)

Examen de certaines dimensions de l’insertionprofessionnelle liées au marché du travail(1997)

Les Conséquences psychologiques duchômage : une synthèse de la recherche (1997)

L’Insertion professionnelle des diplômées etdiplômés : le langage des chiffres (1997)

À propos de la régionalisation en éducation etdu développement social : étude exploratoire(1997)

La Concomitance de la formation générale etde la formation professionnelle au secondaire(1996) .........................................................50-2084

L’Alternance en formation professionnelle ausecondaire : défis, limites et conditions deréalisation (1995) ....................................50-2082

Vers un nouveau parcours de formationprofessionnelle au secondaire : contexte etenjeux (1995)...........................................50-2081

L'Éthique dans la recherche universitaire : uneréalité à gérer (1993) ..............................50-2080

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