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    Lvolution de la notion deconjoint en droit qubcois

    Brigitte Lefebvre*

    I- De lentre en vigueur duCode civil du Bas-Canadala Rvolution tranquille . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

    A- La famille canadienne-franaise: aperu historiqueet sociologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

    B- La rponse du droit. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10

    II- La Rvolution tranquille et les annes soixante-dix . . . . 12

    A- Les annes soixante: Les grands bouleversements . . . 12

    B- Les annes soixante-dix . . . . . . . . . . . . . . . . . 13

    a) Les personnes maries . . . . . . . . . . . . . . . . 13

    b) Les conjoints de fait . . . . . . . . . . . . . . . . . 14

    III- Les annes quatre-vingt: La rforme du droit de lafamille pour les poux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15

    IV- Le droit et les conjoints de fait du dbut des annesquatre-vingt au milieu des annes quatre-vingt-dix . . . . 17

    A- La rforme du droit de la famille . . . . . . . . . . . . 17

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    * Notaire et professeure au Dpartement des sciences juridiques de lUniversit duQubec Montral.

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    Traditionnellement, le terme conjoint ne visait que les person-nes maries et le droit nencadrait que ce type de conjugalit1. Au fildes temps, dautres modles de vie commune sont apparus de sorteque le couple revt dsormais plusieurs visages. Depuis juin 2002,une nouvelle institutionest ne: lunioncivile. En plus des personnesmaries et des conjoints de fait, il existe dsormais au Qubec desconjoints unis civilement.

    Afin de mieux saisir la porte et limpact de la nouvelle institu-tionde lunioncivile, il y a lieu de jeter un regardsurles mutations dudroit face ces divers modles de conjugalits. Nous examineronsdonc, dun point de vue historique, lvolution de la notion de con-

    joint et les droits confrs ces derniers de 1866 nos jours.

    Il est possible didentifier quatre grandes priodes dans lvolu-tion de la conjugalit au Qubec. Une premire priode stend de lacodification jusqu la Rvolution tranquille, soit le dbut des annessoixante. Durant cette priode, le seul modle de conjugalit acceptest le mariage et les rgles juridiques sont dictes en consquence.De plus, cette poque, le lien matrimonial est toute fin pratiqueindissoluble2. En effet, mmesi les poux peuvent tre librs de cer-tainesobligationsdu mariage parla sparation decorps tels: le devoirde fidlit et lobligation de faire vie commune, le lien matrimonialsubsiste et lpoux spar de corps ne peut convoler en justes noces denouveau. Seul le dcs met fin au mariage et permet de contracterune seconde union.

    La deuxime priode, que nous pourrions dnommer celle desgrands bouleversements, stend du milieu des annes soixante audbut des annes quatre-vingt, qui concide avec lentre en vigueur

    1. Depuis les annes 80, plusieurs statistiques sur les couples regroupent souvent lesunions lgales et les unions de fait. Ce regroupement nouspermet de constater quele pourcentage de personnes vivant en couples na pas fluctu normment, cest le

    mode de vie qui a chang. titre dexemple: en 1951, 60,5 % des hommes taientmaris. Ce pourcentage tait de 62,8 % en 1986 (mariage et union de fait confon-dus). En 2001, 61 % des hommes de 65 ans et plus vivaient avec leur conjoint.

    2. Jusquen 1968,le divorce ne sobtientquexceptionnellement par ladoptiondunbillpriv.

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    du livre de la Famille duCode civil du Qubec. Que de bouleverse-ments durant cette priode! Dsormais, les poux peuvent tre dlisdes liens du mariage par le divorce. Cette nouvelle avenue permetdenvisager une seconde union. Lchec dun premier mariage incitecertains couples favoriser lunion libre au dtrimentdu modleclas-sique quest le mariage. Limportance des unions de fait amne lelgislateur reconnatre formellement ces nouvelles familles en nefaisant plus de discrimination entre les enfants lgitimes et illgiti-mes.

    La troisimepriode estunepriode dvolution modre. Dunepart, elle est laboutissement de la transformation du droit pour les

    personnes maries. En effet, dans les annes subsquentes, le seulchangement dimportance pour les couples maris est linstaurationdes rglesdupatrimoine familialqui met enveilleuse leprincipede lalibert des conventions matrimoniales qui avait exist jusqualors.Dautre part, sans tre un modle de conjugalit formellementreconnu par le droit titre dinstitution, le phnomne des unions defait qui est sans cesse grandissant est de plus en plus pris en comptepar le droit. Depuis le milieu des annes quatre-vingt, les conjointsde fait acquirent lentement de plus en plus de droits et la reconnais-sance de leurs droits saccentue toujours. Cette priode fera lobjet dedeux sections. Lune portant sur la Rforme du droit de la famille eugard aux poux et lautre sur le traitement juridique des conjointsde fait du dbut des annes quatre-vingt au milieu des annesquatre-vingt-dix.

    La quatrime et dernire priode est lre du pouvoir gai et delacceptation des couples homosexuels. Aprs avoir clam, en vain, lareconnaissance de leurs droits la conjugalit pendant de nombreu-ses annes, le vent a commenc tourner au milieu des annesquatre-vingt-dix. Au Qubec, un grand pas fut franchi en 1999lorsque plusieurs lois qubcoises ont t modifies pour reconnatreformellement les unions de fait homosexuelles au mme titre que lesunions de fait htrosexuelles, ce qui a eu comme consquencedaccorder aux homosexuels, dans la plupart des cas3, les mmesdroitsqueceux dontbnficient lesconjointsde faithtrosexuels. Le

    point culminant de cette croisade a toutefois t linstauration delinstitution de lunion civile, qui permet dsormais aux coupleshomosexuels dofficialiser leur union tout comme peuvent le faire les

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    3. cette poque, le droit ladoption par un couple homosexuel nest pas encoreacquis.

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    couples htrosexuels en contractant mariage. La reconnaissancedu phnomne de lhomoparentalit transformera dfinitivement le

    visage de la famille qubcoise. Revoyons plus en dtail cette volu-tion. Cettedernirepriode sera traite en deux temps.Unepremiresection portant sur les droits des homosexuels de la fin des annesquatre-vingt-dix nos jours et lautre sur les droits des conjoints defait depuis le dbut des annes deux mille.

    I- De lentre en vigueur du Code civil du Bas-Canada la Rvolution tranquille

    Avant dexaminer les rgles juridiques qui sous-tendent le droitde la famille cette poque, il convient de brosser le tableau de lafamille canadienne-franaise.

    A- La famille canadienne-franaise: aperu historiqueet sociologique

    Un bref regard sur lhistoire permet de saisir limportance delinstitution du mariage et le rle quelle a jou dans la Nouvelle-France. En effet, le mariage a t pendant fort longtemps la seulefaon dofficialiser une union. Au dbut de la colonie, il a mme tlargement favoris, afin de peupler le territoire de la Nouvelle-France qui, jusqualors, tait principalement compos dhommes.

    Qui na pas entendu parler des filles marier? Elkin explique...afin que les hommes puissent se marier et tablir des familles,des bateaux chargs de jeunes filles furent envoys de France. Lemariage devint presque obligatoire; on supprimait certains privil-ges ceux qui refusaient de se marier et des rcompenses taientoffertes ceux qui avaient dix enfants vivants4.

    Pendant fort longtemps, famille rime avec enfant. Le but dumariage est de fonder une famille. Fonder une famille est davoir desenfants.

    Mme si lamour ny est pas totalement absent5, le mariage estune affaire de famille. Pendant de nombreuses annes, la famille

    VOLUTION DE LA NOTION DE CONJOINT EN DROIT QUBCOIS 7

    4. Frederick ELKIN,La famille au Canada, Ottawa, Congrs canadien de la famille,1964, p. 12.

    5. Voir les propos sur Amour et mariage, des liens obscurs, dans Denise LEMIEUXet Lucie MERCIER, Les femmes au tournant du sicle 1880-1940, Qubec,I.Q.R.C., 1989, p. 142-150.

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    jouait un rle important dans le choix du futur conjoint. Les frquen-tations se faisaient principalement la maison de la jeune fille et lafamille devait accepter le prtendant pour que ces amours aient undnouement heureux6. De plus, les filles demeurant la maison deleurs parents jusqu leur mariage et se mariant souvent alorsquelles taient mineures devaient formellement obtenir le consente-ment du prepour que le mariage puisse tre clbr, do le ritede lademande en mariage. Cette ralit sociale se reflte dun point de vue

    juridique par la ncessit dobtenir le consentement du pre aumariage et par la possibilit pour les parents dintervenir au contratde mariage pour fairedesdonations. Pour les jeunes filles, le mariagetaitcettepoquelepassagedelamaisonduprecelledumari.

    Les premires familles tablies au pays sont pour la plupart desfamilles agricoles. Elkin explique:

    Elles se suffisaient presque elles-mmes, en cellules de production etde consommation. Le taux de natalit tait lev et les familles nom-breuses, mais le taux de mortalit tait aussi relativement lev. Lemari dominait la famille, lpouse tait officiellement subordonne: lesinstitutions religieuses et sociales appuyaient cette rpartition desrles.Les parents semontraient svres enversleursenfants.Les liensentre la famille et la parent taient troits.7

    Lurbanisation na pas compltement transform la famille

    canadienne-franaise, car les familles agricoles demeurent et conti-nuent dvoluer dans leur cadre particulier. Toutefois, on ne sauraitnier que lurbanisation a apport de grands changements dans lafamille canadienne-franaise, car la famille urbaine nest pas homo-gne. Elle travaille dansdiffrents secteurs. Malgr tout, Elkin cons-tate que la famille a toujours t une cellule forte et vnre auQubec. Lindividu en a retir un fort sentiment de scurit et debien-tre; au pointde vue conomique, cet esprit est en partie respon-sable du retard des Canadiens-franais dans le monde conomique etcommercial8. Le sociologue Daniel Dagenais voit les choses un peudiffremment. Pour ce dernier, la conqute et lchec des rbellionsde 1837-1838 expliquent ce retrait du Canadien-franais de la viepublique9. Le Canadien-franais se retournera vers lesaspects privs

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    6. D. LEMIEUX et L. MERCIER,op. cit., note 5, p. 119 et s.7. F. ELKIN,op. cit., note 4, p. 13.8. F. ELKIN,op. cit., note 4, p. 13.9. DanielDAGENAIS,La fin de la famillemoderne.Signification destransformations

    contemporaines de la famille, Qubec, P.U.L., 2000, p. 186 et s.

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    de sa vie et se proccupera plus de sa famille. La famille cana-dienne-franaiseestouvrire ou vitde lagriculture. Pour leurs parts,les anglais sont prs du pouvoir et dans les affaires.

    Une autre caractristique de la famille canadienne-franaisedcoule du rle jou par lglise au Qubec. Limportance de ce rlepeut sexpliquer en partie du fait de lhomognit de la famille cana-dienne-franaise quant son origine et sa religion. Elle ne subitplus ni linfluence de la France ni cellede limmigration franaise quiont cess depuis fort longtemps. La majorit des sujets portant all-geance au mme Dieu, lemprise de lglise sur le mariage et sur lafamille a t dautant facilite10.

    cette poque et jusquau dbut des annes soixante, lglisepossderaunvritablepouvoir sur la famille qubcoise. Anita Caronnote que cest principalement lglise qui, au Qubec, fait de lafamillele mcanismede rgulationet de reproductionde la socit11.La conjugalit sorchestre autour du mariage religieux, seule institu-tion ayant une reconnaissance sociale et juridique. Le droit est inti-mement liaux diktats du pouvoir religieux. Lglise est alors le seullieu o se clbrent les mariages. Il nest pas inopportun de rappelerque les prtres, en plus dtre les clbrants comptents pour lemariage, jouent le rle de conseillers matrimoniaux lors des cours deprparation au mariage ce qui consacre le pouvoir de lglise.

    Le mariage, selon les diktats religieux, ne peut se concevoirquentre un homme et une femme, car son but premier est la procra-tion. Ds le dpart, on fait donc abstraction en grande partie des sen-timents qui ont pu pousser les poux sunir. Daniel Dagenaissouligne que, jusqu la Rvolution tranquille, la femme qubcoisene se reconnat que dans son rle de mre; il parle de syndrome de laSainte Vierge12. Le clerg veillera au maintien du taux de fcondit.Les enfants taient alors considrs comme un don de dieu.

    Tout mariage suppose ncessairement un prambule, quoiquela priodeantrieure au mariage chappe, en principe, lemprise du

    droit. Pendant fort longtemps, cest la demande en mariage et son

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    10. F. ELKIN,op. cit., note 4, p. 73.11. Anita CARON, Linstitution familiale: un enjeu toujours majeur pour lglise

    qubcoise,dans Rene B.-DANDURAND (dir.), Couples et parents des annesquatre-vingt, Qubec, I.Q.R.C., 1987, p. 137, la page 138.

    12. D. DAGENAIS,op. cit., note 9, p. 189.

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    acceptation suivie des ententes entre les deux familles qui serventdancrage lalliance future. Peu peu, un nouveau rite sinstalle,celui des fianailles. La tradition des fianailles apparat chez lebourgeois ds le XIXesicle, mais nest manifeste dans les milieuxruraux qu partir desannestrente13. Cette coutume sinstalleet estde plus en plus considre comme un engagement formel. Dun pointde vue juridique, le droit indemnisera la victime dune rupturede fianailles. On compensera en outre, lhumiliation ressentie,linquitude, la souffrance, le ridicule auquel elle a t expose, ladiminution de ses chances subsquentes de mariage14.

    Le sentiment amoureux nest pas considr par le droit. Lemariage est un mode dorganisation de la socit; il rpond au proprede largle dedroit qui est dorganiser les rapportsentre les personneset subsidiairement entre leurs biens.

    Le notaire Cossette note que

    Cest peut tre exagr de dire quon mariait des titres ou des fortunes,mais cest srement vrai de dire que les biens avaient beaucoupdimportance dans la ralisation des mariages alors quil devait sagirdabord de la runion de deux tres. Dautres part, quand il ny avaitpas de ces biens, on mariait des misres et cest peut-tre dans ces casseulement quon pouvait raliser la runion de deux personnes pour lapoursuite dune fin rattache au mariage.15

    De prime abord, le mariage est une association de personnesdont le but est de fonder un foyer. Toutefois, on ne peut pas faire abs-traction quil en rsulte galementune association desbiens. Le droitreflte cette ralit. Examinons donc maintenant la rponse du droitau fait social quest le mariage.

    B- La rponse du droit

    Ds1866, le droit qubcoisoffrira deux rgimes matrimoniaux.Un de type sparatiste: la sparation de biens rpondant, entre

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    13. D. LEMIEUX et L. MERCIER,op. cit., note 5, p. 149 et 150.14. Jean-Louis BAUDOUIN et Patrice DESLAURIERS,La responsabilit civile,

    5e d., Cowansville, ditions Yvon Blais, 1998, nos 462-463, p. 292-293.15. Andr COSSETTE,Labsence de rgimematrimonial de biens dans un pays de

    droit civil ou la rencontre de deux cultures juridiques, (1984) 87R. du N.107,117.

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    autres, aux murs des anglais qui en common law connaissentlabsence de rgime. Lautre de type participatif: la communaut debiens, qui socialement parlant, est plus quitable pour la femme sou-

    vent confine au foyer pour veiller lducation des enfants. Cergime permet lpouse dobtenir, en bout de course, une portiondu patrimoine accumul durant le mariage par la famille. Ceci estdautant plus importantquelpouse nest paslhritire lgaledesonmari, car jusquen 1915 elle na pas de vocation successorale.

    Les couples canadiens-franais choisissent plutt le rgime dela communaut de biens qui correspond lesprit de continuit aveclAncien droit qui reprenait la Coutume de Paris. Il faut reconnatreque la femme commune en biens est fortement dsavantage en ter-mes de capacit et dindpendance. Tout le rgime sorchestre autourde la suprmatie du mari. Il est le chef de la communaut.

    Pour les poux qui choisissent le rgime de la sparation debiens, il est dusage dinclure au contrat de mariage une institutioncontractuelle dite la clause au dernier vivant les biens pour pallierle dfaut de vocation successorale des poux jusquen 1915. Ce mca-nisme garantit lpouse une participation dans les actifs de sonconjoint, car cette donation est en principe irrvocable.

    Jusqu la Rvolution tranquille, tout va ainsi. Il ny a pas de

    grands changements, si ce nest la reconnaissance, en 1931, desbiens rservs de la femme. La femme peut dsormais acqurir desbiens du produit deson travail et a le pouvoir de les administrer.Tou-tefois, elle ne peut en disposer, car, souvenez-vous, la femme marieest une incapable.

    Pour ce qui est de lunion de fait, que lon dnomme alors pluttconcubinage, si on en traite lpoque, sest pour le dcrier au nom dela moralit.

    Le concept de conjoint est donc jusquau dbut des annessoixante trs homogne: il sagit des personnes maries.

    II- La Rvolution tranquille et les annes soixante-dix

    La Rvolution tranquille met fin au modle traditionnel de lafamille canadienne-franaise et amorce une transformation de cette

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    dernire. La femme ne se reconnat plus uniquement dans son rle demre. La science lui permet denvisager autrement la sexualit.

    Lglise, qui agissait jusqualors comme principale rgulatricede la famille, se voit supplant par ltat. En effet, une bonne partiedestchesqui, jusqu cemoment, relevaient de lgliseserontdsor-mais assumes par ltat [...] Lglise est donc force une retraitesociale majeure dans des domaines o elle exerait jusque-l uneautorit quasi inconteste16.

    A- Les annes soixante: Les grands bouleversements

    Un vnement majeur survient et contribuera transformer lasocit qubcoise. En 1964, le bill 16 tablit la capacit juridique dela femme marie. La femme peut dornavant transiger sur ses bienset poser tous les gestes de citoyen.

    Dslors, il existemanifestementunedichotomie entre le rgimelgal, la communaut de biens qui est administre par le mari, etcette nouvelle capacit juridique. On doit repenser juridiquement lesrapports entre poux.

    De plus, lunion de fait, quoique trs marginale, est un modle

    de conjugalit qui commence prendre racine.

    En 1965, le lgislateur qubcois tient compte pour la premirefois de ce phnomne. LaLoi sur le rgime de rentes du Qubec17 atla premire loi reconnatre le statut de conjoint de fait en prvoyantloctroi discrtionnaire dune rente viagre pour la veuve18 nonmarie.

    Par cette intervention lgislative, le lgislateur a voulu dmon-trer que la famille, quelle que soit sa forme, tait une unit socio-conomique de base de la socit qubcoise et qu ce titre, ellemritait la protection de la loi, quoique celle-ci soit fort incomplte.Une fois le pourvoyeur dcd, il fallait accorder une prestation la

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    16. A. CARON,loc. cit., note 11, p. 138.17. L.R.Q., c. R-9.18. En principe, la rente ne pouvait alors tre accorde qu une femme. Le veuf

    ntait admissible une telle rente que sil tait invalide au sens de la loi. Cenest quen 1974 que le droit fut reconnu sans condition au veuf.

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    femme ou la mre qui, la plupart du temps, ntait pas sur le marchdu travail. cette poque, on exigeait sept ans de vie commune pourreconnatre juridiquement une telle union.

    La fin des annes soixante est galement un moment dtermi-nant en droit de la famille. Jusqu ce jour, les poux convolaient en

    justes noces, pour le meilleur et pour le pire et ce jusqu la mort.

    Lepire devenant pourplusieursdeplusen plus insupportableetlemprise du pouvoir religieux ayant quelques brches, la possibilitdobtenir un divorce plus aisment savra ncessaire et envisa-

    geable. Rappelons que, jusqualors, la seule faon pour un couple qu-bcois dobtenir un divorce tait la demande de ladoption dun billpriv.

    La sparation de corps, qui ne rompt pas le lien matrimonial, atoujours t permise, mais les causes qui pouvaient y donner ouver-ture taient au dpartassez restrictives. Est-ilncessaire de rappelerque, jusquen 1954, la femme ne pouvait demander la sparation decorps pour cause dadultre que si son mari offrait un toit sa concu-bine dans la maison commune?

    En 1968, le gouvernement fdral dicte donc la Loi sur ledivorce. Malgr la possibilit dy mettre un terme, le mariage, pilierde la famille et de lorganisation sociale, requiert la protection ta-tique. La philosophie de laLoi sur le divorcerepose essentiellementsur lexistence dune faute de lun des conjoints.

    En 1969, linstitution du mariage se lacise. Il nest plus obliga-toiredesemarier lglise. Lesmariagesdemeurenttoutefoisen trsforte majorit religieux19.

    B- Les annes soixante-dix

    a) Les personnes maries

    Au dbut des annes soixante-dix, les poux qubcois ne siden-tifient plus au rgime matrimonial lgal, quest la communaut de

    VOLUTION DE LA NOTION DE CONJOINT EN DROIT QUBCOIS 13

    19. En 1989, 72 % des mariages taient religieux par opposition 95 % en 1971.Source: Andr COSSETTE, Statistiques en matire de mariage, (1991) 93

    R. du N. 536, 542.

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    biens. Les statistiques dmontrent que plus de 70 % des poux choi-sissent la fin des annes soixante le rgime de la sparation debiens20.

    En 1970, on assiste donc une rforme en profondeur des rgi-mes matrimoniaux. Lide matresse est lquilibre entre les poux.Le nouveau rgime lgal est celui de la socit dacquts. Ce rgimelaisse aux poux lentire gestion de leur patrimoine durant lunion,tout en permettant un partage des biens acquis durant le mariagelors de la dissolution.

    Parailleurs, le lgislateur abolit la prohibition de donation et decontrat entre poux qui aurait pu tre une faon dtourne de modi-fier les conventions matrimoniales21et il adopte la mutabilit desrgimes matrimoniaux sous contrle judiciaire. Les poux peuventdonc, dun commun accord, modifier leur rgime matrimonial sil neleur convient plus. Le mariage devient de moins en moins lapanagede la famille. Les poux peuvent dsormais se soustraire aux enten-tes prtablies par les familles.

    b) Les conjoints de fait

    Dans les pays occidentaux, on constate une dsaffection

    lgard du mariage misen uvre au Qubec notamment par laccessi-bilit au divorce et la chute marque de linfluence de lglise22.LanthropologueRene Dandurand constate que lesbarrires lgaleset morales lindissolubilit du mariage sont dsormais abaisses23.Elle parle de dsarticulation du systme matrimonial. Lesprit de lafin des annes soixante entrane une mutation des murs et amorce

    vritablement la transformation des couples. Lune delles est que lescouples choisissent lunion libre parce quils valorisent lamour etlgalit des conjoints24. Le droit y rpond timidement.

    14 LUNION CIVILE

    20. Jean PINEAU et Danielle BURMAN,Effets du mariage et rgimes matrimo-niaux, Montral, Thmis, 1984, p. 123.

    21. ce sujet voir: Alain ROY,Le contrat de mariage rinvent. Perspectives

    socio-juridiques pour une rforme, Montral, ditions Thmis, 2002, p. 106-125.22. Rene B.-DANDURAND, Le couple: les transformations de la conjugalit,

    dans Denise LEMIEUX (dir.),Familles daujourdhui, Qubec, I.Q.R.C., 1990,p. 23, la page 30.

    23. R. B.-DANDURAND,loc. cit., note 22, p. 31.24. Ibid., p. 32.

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    partir des annes soixante-dix, le droit qubcois nocculteplus compltement les unions de fait. Le lgislateur qubcoismodifie certaines lois, afin, notamment daccorder au conjoint de faitles avantages issus du rgime de retraite25au dcs de son conjoint.En contrepartie, le lgislateur tient compte de linterdpendance co-nomique et du secours mutuel entre les conjoints de fait afin de dter-miner ladmissibilit aux prestations dassurance sociale26. Lunionde fait ne peut les avantager. Ils doivent tre traits sur un mmepied que les personnes maries.

    compter de la fin des annes soixante-dix, le lgislateur per-met aux conjoints de fait de bnficier de certains avantages sociaux

    en vertu laLoi sur les normes du travail27. De plus, il sest soucidamliorer le sort des personnes charge suite au dcs du pour-voyeur et a tendu la porte de laLoi sur les accidents du travail28etde laLoi de lassurance-automobile29, afin daccorder au conjoint defait les indemnits tatiques en cas de dcs du conjoint.

    partir de la fin des annes soixante-dix, les lois reconnaissentles unions de fait gnralement aprs troisans de vie commune ou unan si un enfant est issu de cette union.

    Pour sa part, en 1979, le Code civil est modifi pour accorderpour la premire fois un droit au conjoint de fait. Le conjoint nonsignataire du baila droit aumaintiendans les lieux lorsque lacohabi-

    tation cesse et devient alors locataire. Le code traite le conjoint de faitde la mme faon que les personnes qui cohabitent et qui ont un liende parent entre elles.

    III- Les annes quatre-vingt: La rforme du droit

    de la famille pour les poux

    Ledbut des annes quatre-vingt met unterme aux grands bou-leversements des deux dernires dcennies. Le droit familial semodernise avec lentre en vigueur dune partie du projet de Codecivil du Qubecprsent par lOffice de rvision du Code civil.

    VOLUTION DE LA NOTION DE CONJOINT EN DROIT QUBCOIS 15

    25. Loi sur le rgime de retraite des employs du gouvernement et des organismes

    publics,L.R.Q., c. R-10.26. Loisur laide sociale,L.Q.1969,c.63;aujourdhuiLoi sur le soutien du revenu etfavorisant lemploi et la solidarit sociale , L.R.Q., c. S-32.001.

    27. Loi sur les normes du travail,L.R.Q., c. N-1.1.28. Loi sur les accidents du travail, L.R.Q., c. A-3; remplace depuis par laLoi sur

    les accidents du travail et les maladies professionnelles, L.R.Q., c. A-3.001.29. Loi sur lassurance-automobile, L.R.Q., c. A-25.

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    Les principales modifications dcoulent de ltablissement dunrgime primaire qui sapplique toutes les personnes maries etauquel elles ne peuvent droger. La protection de la rsidence fami-liale; lpoux propritaire ne peut plus aliner cette dernire sans leconsentementde sonconjoint; la contributionauxcharges du mnageest dsormais faite en fonction des facults respectives de chacun despoux. Le mari ne peut plus sengager assumer seul toutes les char-ges. Un poux peut sacquitter de sa contribution par son activit aufoyer. Linstauration dune prestation compensatoire pour pallierlingalitconomique despoux.Cettemesurevise surtout lespouxmaris sous le rgime de la sparation de biens dont lun, normale-ment la femme qui est reste au foyer, peut se retrouver totalement

    dmuni, suite un divorce. La mutabilit complte des rgimesmatrimoniaux; les craintes de fraude sont apparues non fondes. Lespoux peuvent dornavant modifier leur rgime matrimonial deconsentement mutuel sans obtenir lautorisation judiciaire.

    Le milieudes annesquatre-vingt savre propice unerformede laLoi sur le divorce. Une nouvelleLoi sur le divorce30est adopteen 1985. La philosophie qui sous-tend la rforme du divorce reposeplutt sur le constat dchec du mariage que sur celui de faute. Eneffet, lchec du mariage rsulte souvent desalas de la vie et non pasdu comportement fautif de lun des poux. Sans donner ouverture audivorce consensuel, le mariage ncessitant encoreune protection ta-

    tique, le droit canadien permet maintenant aux poux dobtenir ledivorce sils ont vcu sparment depuis plus dun an.

    Le point culminant de la rforme du droit de la famille et desrgimes matrimoniaux est lintroduction des rgles sur le patrimoinefamilial. Mme si elles figurent au chapitre des effets du mariage, cesnouvelles rgles sont plutt de lessence dun supra rgime matrimo-nial. Le patrimoine familial donne ouverture un partage en valeurde certains biens familiaux tels les rsidences de la famille, les meu-bles qui les garnissent, les vhicules utiliss par cette dernire, ainsique les rgimes de pensions, quils soient publics ou privs.

    Il sagit dune modification radicale des rapports pcuniairesfamiliaux, qui jusqualors reposaient sur le principe de la libert desconventions matrimoniales, les poux tant jugs les mieux placspour veiller leurs intrts.

    16 LUNION CIVILE

    30. L.R.C. (1985), c. 3 (2e suppl.).

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    Le lgislateur a choisi dimposer dsormais ces nouvelles rgles tous les poux et de ne pas permettre dy droger, sauf pour lespoux maris avant le 1erjuillet 1989 qui ont pu sy soustraire pen-dant un certain temps. Cette politiquenapas fait lunanimit31.Prsde 35 000 couples se sont prvalus de la possibilit de ne pas y treassujettis32.

    Lintroduction de ces nouvelles rgles a t rendue ncessaire,car le mcanisme de la prestation compensatoire navait pas russi pallier lingalit conomiquedespoux marisdurant lesannes40,50, et 60 sous le rgime de la sparation de biens. En effet, les tribu-naux ont eu une attitude assez conservatrice dans la mise en uvre

    de cette nouvelle mesure en tenant peu compte du travail au foyer dela femme.Si lintroduction des rglessur le patrimoine familial visaitprincipalement unesituationpasse,tait-il ncessaire de ltendretous33pour lavenir?

    En ce qui a trait aux personnes maries, le droit na pas volupar la suite.

    IV- Le droit et les conjoints de fait du dbut des annes

    quatre-vingt au milieu des annes quatre-vingt-dix

    partir du dbut des annes quatre-vingt, force est de constaterune ouverture du droit quant au phnomne des unions de fait qui

    reprsentent prs de 8 % des unions en 1981. Lunion de fait est alorstrs souvent le prlude au mariage qui officialise ultrieurementlunion.

    A- La rforme du droit de la famille

    Traditionnellement, le concubinage tait considr comme con-traire lordre public, mais lvolution de la socit et les quelquesinterventionsdu lgislateur remettaient en question le fondement decertaines rgles du Code civil. En consquence, la rforme du droit dela famille a donn loccasion au lgislateur dabolir la prohibition de

    VOLUTION DE LA NOTION DE CONJOINT EN DROIT QUBCOIS 17

    31. Pour une critique des ces nouvelles rgles, voir: Danielle BURMAN, Le dclinde la libert au nom de lgalit, (1990) 24R.J.T. 461.32. A. COSSETTE,loc. cit., note 19.33. Le professeur Roy suggre plutt que le patrimoine familial soit le rgime lgal

    qui sapplique titre suppltif. Alain ROY, Lencadrement lgislatif des rap-ports pcuniaires entre poux: un grand mnage simpose pour les nouveauxmnages, (2000) 41C. de D. 657.

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    donation entre concubins au Code civil, dernier reliquat dune pensedsormais dsute.

    Accepter le phnomne de lunion libre comme fait de socit estune chose, la promouvoir en est une autre. Malgr lexistence de cenouveau mode de conjugalit, le lgislateur a refus dintgrer aunouveau Code les propositions de lOffice de rvision du Code civil ence qui a trait aux conjoints de fait.

    LOffice avait propos dattribuer certains droits aux conjointsde fait pour tenir compte de la ralit sociale, sans pour autant lestraiter sur le planjuridique comme lespersonnesmaries. Lespropo-

    sitions de lOffice taient les suivantes: attribuer au conjoint de faitle statutde crancieralimentaire;crer lobligation de contribuer auxcharges du mnage; accorder la vocation successorale et tablir uneprsomption de paternit.

    Le choix du lgislateur de ne pas intervenir tait motiv par lerespect de lautonomie des conjoints de fait quant leur choix de sesoustraire lemprise du droit.

    Parailleurs, il convient de souligner la reconnaissance implicitedes unions de fait par la transformation des droits de lenfant: lesenfants sont dsormais tous gaux. Il ny a plus de distinction entreles enfants naturels et lgitimes. Ils ont, en thorie, tous les mmesdroits. La socit accepte donc que des enfants soient issus duneunion non officialise.

    compter de cette poque, il existe bel et bien deux modles deconjugalit au Qubec, quoiquun modle soit encore marginalis parle droit, notamment par le Code civil.

    B- Le droit statutaire

    compter du milieu des annes quatre-vingt et ce jusquaumilieudesannesquatre-vingt-dix, plusieurs lois qubcoises onttmodifies pour accorder des droits aux conjoints de fait ou leur impo-

    ser des obligations. Les critres pour reconnatre le statut de conjointde fait diffrent dune loi lautre. Plusieurs lois requirent trois ansde vie maritale pour considrer une personne comme un conjoint defait. Ce dlai peut souvent tre rduit un an si un enfant est issu delunion; ladoption ne produit pas le mme effet dans tous les cas.

    18 LUNION CIVILE

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    Parmi les modifications apportes aux diverses lois, notons lessuivantes. La possibilit pour le conjoint de fait de bnficier desavantages du rgime de retraite au dcs du conjoint sest accrue,sans pour autant tre gnralise34. Certaines lois lui ont permis departager la rente de retraite du vivant du cotisant35. Dautres loisaccordent une indemnit tatique en cas de dcs du conjoint36.

    Par ailleurs, cette poque, le lgislateur a pris conscience queles conflits dintrts peuvent survenir tout autant entre des pouxquentre desconjoints de fait car ils vivent la mme ralit. Plusieurslois37 ont donc t modifies pour considrer le conjoint de fait commeune personne lie ou une personne intresse.

    Le lgislateur reconnat plusieurs gards que les conjoints defait forment une famille. Tout comme la famille traditionnelle, ilspeuvent tre, dans les faits, dpendants lun de lautre. Ainsi, unepartie du salaire dun dbiteur est insaisissable, sil pourvoit auxbesoins de son conjoint38. Tout comme les poux, les conjoints de faitqui acquirent ensemble un immeuble peuvent reprendre possessiondun logement pour lhabiter39. De plus, le lgislateur considredsormais que le traitement fiscal des conjoints de fait doit tre lemme que celui des personnes maries40. En contrepartie, malgrlabsence dobligation alimentaire entre les conjoints de fait, le lgis-lateur considre quils sont interdpendants dun point de vue co-nomique et quils contribuent directement ou indirectement auxcharges du mnage tout comme ce serait le cas sils taient maris.Dans certaines lois, le lgislateur prend systmatiquement en ligne

    VOLUTION DE LA NOTION DE CONJOINT EN DROIT QUBCOIS 19

    34. 1986 Loi sur le rgime de retraite de certains enseignants, L.R.Q., c. R-9.1;1988Loi sur le rgime de retraite des lus municipaux, L.R.Q., c. R-9.3;Loi surle rgime de retraite desenseignants,L.R.Q.,c.R-11;Loi sur le rgime de retraitedes fonctionnaires, L.R.Q., c. R-12; 1989 Loi sur les rgimes complmentairesde retraite, L.R.Q., c. R-15.1; 1990 Loi sur les tribunaux judiciaires, L.R.Q., c.T-16;1992Loi sur les conditions de travail et le rgime de retraite des membresde lAssemble Nationale, L.R.Q., c. C-52.1.

    35. 1990Loi sur les tribunaux judiciaires, L.R.Q., c. T-16; 1993Loi sur le rgimede rentes du Qubec, L.R.Q., c. R-9.

    36. Loi sur le rgime de rentes du Qubec, L.R.Q., c. R-9, art. 168;Loi sur les tribu-naux judiciaires, L.R.Q., c. T-16.

    37. Loi sur les socits de fiducie et les socits dpargne, L.R.Q., c. S-29.01;Loi sur

    lescaisses dpargne etde crdit,L.R.Q.,c.C-4.1;Loi sur les rgimes complmen-taires de retraite, L.R.Q., c. R-15.1;Loi sur les assurances, L.R.Q., c. A-32.

    38. 1986 Code de procdure civile,L.R.Q., c. C-25, art. 553.39. Art. 1958 C.c.Q.40. 1993Loi sur les impts, L.R.Q.,c. I-3. Voir galement: 1991 Loi sur la taxe de

    vente du Qubec, L.R.Q., c. T-0.1;Loi concernant les droits sur les mutationsimmobilires,L.R.Q., c. D-15.1.

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    de compte le revenu du conjoint de fait pour calculer ladmissibilit certains programmes ou prestations gouvernementaux41.

    En 1989, le lgislateur tient compte pour la premire fois de lapossibilitde larupture de lunion de fait et lui fait produire des effets

    juridiques. LaLoi sur les rgimes complmentaires de retraite42per-met que les ex-conjoints partagent les droit accumuls par lun deuxdans son rgime de retraite. Contrairement aux personnes maries,ce droit nest pas automatique et nexiste que sil y a commun accordentre les ex-conjoints.

    Lattitude du lgislateur, que lon pourrait qualifier de double

    discours, a un effetpervers. Lunion de fait tant de plus en plus priseen compte par diffrentes lois, plusieurs conjoints de fait se croientadquatement protgs par le droit et ce, particulirement depuisquils sont considrs de la mme faon que les personnes maries en

    vertu des rgles fiscales. En consquence, peu dentre eux vont cher-cher pallierconventionnellement les lacunes du droit et risquent dese retrouver malgreux dansune situation dlicate et nonsouhaite.

    titre dexemple, nayant pas de vocation successorale, le conjoint defait nest pas hritier de son conjoint au dcs de celui-ci, si ce dernierna pas fait de testament en sa faveur. Cette confusion, quant laporte de leurs droits, ne cessera pasde saccrotre, car lunion de faitest de plus en plus choisie comme modle de conjugalit au Qubec.Les statistiques dmontrent que les unions de fait reprsentaient auQubec 19 % des unions conjugales en 1991 et que ce pourcentagesest accru 24 % en 1996. Par opposition, au Canada, le pourcentagedunion de fait est pass de 11 % 13 % entre 1991 et 1996.

    V- La victoire du pouvoir gai: la fin des annes

    quatre-vingt-dix nos jours

    La question de la reconnaissance par le droit des couples homo-sexuels au mme titre que les conjoints de faits htrosexuels a tlun des enjeux majeurs de la dernire dcennie. cet effet, le lgisla-

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    41. 1990 Loi sur laide financire aux tudes , L.R.Q., c. A-13.3, art. 3; 1996 Loi

    sur laide juridique,L.R.Q., c. A-14, art. 1.2; 1998 Loi sur le soutien du revenuet favorisant lemploi et la solidarit sociale, L.R.Q., c. S-32.001. Certains pro-grammes de cette loi ne sont pas encore en vigueur.

    42. Loi sur les rgimes complmentaires de retraite, L.R.Q., c. R-15.1, art. 110.Depuis1997,les ex-conjointsde fait peuvent sentendre pour partager les gainsadmissibles auprsde laRgiedes rentes.Loi sur le rgime de rentes du Qubec,L.R.Q., c. R-9.

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    teur qubcois a dabord t sensibilis la question de la discrimina-tion envers les gais et les lesbiennes par la Commission des droits dela personne en 199443et puis influence par les arrts de la Coursuprme traitant des droits des homosexuels44. Force est de recon-natre quau Qubec45, partir de la fin des annes quatre-vingt-dix,lavancement des droits des conjoints de fait rsulte essentiellementdu lobbying homosexuel. Ce sont les revendications de ces derniersqui ont pouss le lgislateur modifier ses lois. Voulant rpondre leurs demandes, il ne pouvait pas adopter des mesures qui nesappliqueraient quaux couples de mme sexe, car cela aurait eu uneffet discriminatoire lgard des couples htrosexuels. Ainsi, lesconjoints htrosexuels ont profit des modifications apportes

    diverses lois.

    La chronologie des vnements est la suivante. En 1999,le lgislateur qubcois adopte une loi46qui modifie la dfinitionde conjoints de fait dans prs dune trentaine de lois qubcoises,afin dtendre cette dfinition aux couples homosexuels. Le Qubecdevient ainsi la premire province au Canada reconnatre express-ment des droits aux couples homosexuels.

    partir de la fin des annes quatre-vingt-dix, il existe donc deuxtypes de conjugalits au Qubec: les poux et les conjoints de fait. Cesderniers peuvent tre de mme sexe.

    VOLUTION DE LA NOTION DE CONJOINT EN DROIT QUBCOIS 21

    43. COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE,De lillgalit lgalit,rapport sur la consultation publique sur la violence et la discrimination enversles gais et les lesbiennes, mai 1994.

    44. Dans larrtEganc.Canada, [1995] 2 R.C.S. 513, la cour avait dterminer silallocation de conjoint en vertu de laLoi sur la scurit de la vieillessepouvaittre rclame par un conjoint homosexuel. La cour a conclu que la dfinition deconjoint la loi ne visait que les conjoints de fait htrosexuels et quil ny avaitpas de discrimination au sens de larticle 15 de laCharte canadienne des droits

    et liberts. Cette dcision a fait lobjet dune forte dissidence. Quelques annesplus tard, en 1999, la mme Cour dans larrtM. c.H., [1999] 2 R.C.S. 3, recon-naissait cette fois que la dfinition de conjoint dune loi ontarienne permettantune demande daliments pour desconjoints de fait htrosexuels craitune dis-crimination lgard de couples homosexuels et tait en consquence contraire la Charte.

    45. LaffaireMironc.Trudel, [1995] 2 R.C.S. 418, dans laquelle la Cour suprme a

    jug quune loi Ontarienne sappliquant quaux personnes maries et non auxconjoints de fait htrosexuels tait discriminatoire au sens de larticle 15 de laChartecanadienne desdroits, napas eu de granderpercussion en droit qub-cois. Il faut noter quil existe en Ontario une obligation alimentaire entre lesconjoints de fait.

    46. Loi modifiant diverses dispositions lgislatives concernant les conjoints de fait,L.Q. 1999, c. 14.

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    En juin 2000, le lgislateur fdral adopte son tour une dfini-tion de la notion de conjoints de fait qui comprend les conjoints homo-sexuels. Cette loi47modifie une soixantaine de lois fdrales. Dans leprambule de la loi, on raffirme cependant que linstitution dumariage nest ouverte qu des couples de sexes diffrents.

    Le lobbying homosexuel sactive nouveau. Les gains des der-nires annes sont importants, mais il reste encore beaucoup faire.Il faut pouvoir officialiser lunion.

    Le lgislateur qubcois ne peut modifier les conditions de fond

    du mariage, car ces dispositions sont, en vertu de la constitution, dejuridiction fdrale. Il lui est donc impossible de permettre aux cou-ples homosexuels de se marier. Pour contourner cette contrainte, lelgislateur qubcois a choisi de faonner un nouvel tat civil.

    En juin 2002, cest la cration dune institution qui confre unnouvel tat civil: lunion civile48. Cette institution offre notammentaux couples homosexuels49 un mcanisme pour officialiser leurunion. On pourrait parler de pseudo mariage, car juridiquementlunion civileaccorde lesmmes droitset lesmmes obligations quelemariage. LaLoi dinterprtation50est formelle. La notion de conjointdans les lois qubcoises vise tant les poux que les conjoints uniscivilement. Au surplus, cette institution permet aux conjoints de

    dissoudre leurunion de consentement mutueldanscertains cas, lors-quil ny a pas denfant commun charge. Cest un grand pas vers ladjudiciarisation des rapports familiaux.

    Depuis juin 2002, il existe donc au Qubec trois modles deconjugalits: le mariage, lunion civile et lunion de fait. Ces deuxderniers modles sont offerts tant aux couples htrosexuelsquhomosexuels.

    La reconnaissance de ce nouvel tat na pas mis un terme auxrevendications du mouvement homosexuel. La lutte pour le droit aumariage se poursuit.

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    47. Loi visant moderniser le rgime davantages et dobligations dans les lois duCanada,L.C. 2000, c. 12.

    48. Art. 521.1 521.19 C.c.Q.49. Lunion civile peut galement tre contracte par un couple htrosexuel.50. L.R.Q., c. I-16, art. 61.1.

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    Linstitution du mariage est encore dfinie51 comme tantlunion dun homme et dune femme. Cette dfinition est prsente-ment remise en cause tant en droit civil quen common law. Cettedfinition du mariage a t juge constitutionnelle et conforme la Charte canadienne en Colombie-Britannique en octobre 200152.Depuis, deux reprises, des tribunaux canadiens, en Ontario53et auQubec54, ont jug cette dfinition inconstitutionnelle et contraire la Charte. Tous ces jugements sont en appel.

    Pouressayer dy voir clair, leministrede laJustice dugouverne-ment fdral vient de dposer un document de travail portant surlopportunit de permettre le mariage homosexuel55. Dentre de jeu,le ministre demande si le mariage continue de reprsenter une

    valeur pour la socit56. Le cas chant, il sinterroge sur la faondont ltat devrait reconnatre en droit les couples maris.

    Lespistes de rflexionssont lessuivantes57: 1) Lemariage pour-rait demeurer une institution visant deux personnes de sexe oppos.Lunion civile conservera alors toute sa pertinence en offrantauxcou-ples homosexuels la possibilit dofficialiser leur union.2) Le mariagepourrait galement englober les conjoints de mme sexe. Si le droittait modifi en consquence, lunion civile naura t quun phno-mne transitoire. 3) Une autre avenue explore est de laisser lemariage aux institutions religieuses. Le mariage pourrait cesser de

    produire des effets juridiques. Toutes les unions devraient tre enre-gistres auprs dun registre pour produire de effets juridiques. Unetelle approche ncessite la collaboration des provinces et des territoi-resvu lepartage descomptence dans la constitution. Cest suivre.

    VI- Les conjoints de fait htrosexuels et homosexuels

    au dbut des annes deux mille

    Encore aujourdhui, les conjoints de fait ont un traitement juri-dique qui diffre plusieurs gards de celui des poux ou des

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    51. Art.5,Loi dharmonisation no1 dudroit fdralavec ledroit civil,L.C.2001,c.4.

    52. EGALE Canada inc.v.Attorney General of Canada, [2001] B.C.S.C. 1365.53. Halpernv.Attorney General of Canada, [2002] O.J. no 2714.54. Hendricksc.Procureur gnral du Qubec, J.E. 2002-1742 (C.S.).55. MINISTRE DE LA JUSTICE DU CANADA,Mariage et la reconnaissance des

    unions de conjoints de mme sexe, Ottawa, novembre 2002, 31 p.56. Ibid., p.1.57. Ibid., p.24-31.

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    conjointsunis civilement.Les rcentesstatistiques58 tablies partirdes donnes recueillies lors du recensement de 2001 dmontrentquils reprsentent dsormais 30 % des couples qubcois, 0,6 % desrpondants ayant dclar tre des couples homosexuels. Le phno-mne nest donc plus marginal au contraire.

    Le Code civil rfre spcifiquement aux conjoints de fait que defaon exceptionnelle en matire dadoption59, de protection du droitau logement60, de reprise dun logement par un indivisaire61, deconsentement au soin62.

    La loi crant lunion civile63a galement eu une porte sur les

    droits des conjoints de fait. Lintroduction dune nouvelle dfinitionde la notion de conjoint larticle 61.1 de laLoi dinterprtationestsusceptible dtendrecesdroitset cesobligations64 et, osonslesprer,dharmoniser cette notion dans un avenir rapproch. Cette dfinitionsapplique toutes les lois qui ne dfinissent pas la notion de conjointdefait,telleCodecivil,moinsquelecontextenesyoppose.Envertude cette dfinition, aucune dure minimale nest requise pour recon-natre le statut de conjoint de fait. Celui ci est prsum aprs un ande cohabitation. En plus de cette dfinition, il existe dans dautreslois qubcoises plus dune douzaine de dfinitions de la notion deconjoints de fait auxquelles sajoutent celles du fdral.

    Il sera intressant de voir les suites donnes aux engagementsprispar legouvernement cet gard, lorsde ladoption duprojetde loi84. En effet, le lgislateur qubcois sest engag65, dici le 30 juin2005, valuer limpact de la dfinition de la notion de conjoint danslaLoi dinterprtationet dy apporter, le cas chant, des modifica-

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    58. STATISTIQUES CANADA, Profil des familles et des mnages canadiens:la diversification se poursuit, Gouvernement du Canada, Ottawa, 2002, p. 3(catalogue no 96F0030XIF2001003), (www12.stat.can.ca/francais/census/release/ index_f.cfm dernire consultation, 3 dcembre 2002).

    59. Art. 555, 579 C.c.Q.60. Art. 1938 C.c.Q.61. Art. 1958 C.c.Q.62. Art. 15 C.c.Q.63. Loi instituant lunion civile et tablissant de nouvelles rgles de filiation, L.Q.

    2002, c. 6.64. Pour une tude de laporte possible de cette loi dans le Code civil,voir: BrigitteLEFEBVRE, Projet de loi 84: quelques considrations sur les nouvelles dispo-sitions en matire de filiationet sur la notionde conjoint, (2002)2 C.P.du N. 3,19 et s.

    65. Art. 244,Loi instituant lunion civile et tablissant de nouvelles rgles de filia-tion, L.Q. 2002, c. 6.

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    tions en tenant comptenotamment de la disparit entre les multiplesdfinitions contenues dans les diffrentes lois qubcoises. On a sou-lev plusieurs reprises le manque duniformisation de la notion deconjoint, ce qui ne peut que contribuer une confusion pour lesconjoints de fait quant la reconnaissance de leur statut et occasion-ner, en consquence, une mconnaissance du droit par le citoyen.

    Malgr une reconnaissance accrue de lunion de fait, lcartdemeure marqu entre les personnes maries ou unies civilement etles conjoints de fait. Il nest pas dans notre intention de prendre posi-tion et de rsoudre toutes les problmatiques que les divers modlesde conjugalit soulvent. Il nous apparat toutefois important de sou-

    ligner nouveau le paradoxe.

    La vision du lgislateur est incohrente ou tout le moins sur-prenante. Comment justifier que 70 % des couples soient soumis lapplication de rgles impratives et que 30 % ne puissent soit senprvaloir, soit sy soustraire? A-t-on rellement besoin pour avoir unesocit organise de lapplication rigoureuse de ces rgles en matirematrimoniale? Ces rgles ne sont-elles ncessaires quen prsencedenfants charge? Si la rponse est affirmative, pourquoi un pour-centage de 28,5 %66des enfants en sont-ils privs, car leurs parents

    vivent en union de fait? Limportant est de recommencer se poser laquestion du traitement juridique des unions de fait. Lampleur duphnomne de lunion de fait ouvre le dbat, et lintroduction delunion civile67ne rgle pas ces questions.

    VOLUTION DE LA NOTION DE CONJOINT EN DROIT QUBCOIS 25

    66. STATISTIQUES CANADA,loc. cit., note 58, p. 7.67. Le professeur Roy dplore que le lgislateur nait pas saisi loccasion de

    linstauration de lunion civile pour proposer aux couples qubcois des rglesdiffrentes de celles du mariage. Alain ROY, Le rgime juridique de lunioncivile: entre symbolisme et anachronisme, publi dans le prsent recueil.

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