21
Tous droits réservés © Lien social et Politiques, 2014 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 18 mars 2020 15:26 Lien social et Politiques L’« expérience participative » des pobladores au Chili : entre résistance aux modes de gestion de la pauvreté et nouvelles formes de politisation Nicolás Angelcos et Marie-Christine Doran La participation sociale et politique au quotidien Numéro 71, printemps 2014 URI : https://id.erudit.org/iderudit/1024744ar DOI : https://doi.org/10.7202/1024744ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Lien social et Politiques ISSN 1204-3206 (imprimé) 1703-9665 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Angelcos, N. & Doran, M.-C. (2014). L’« expérience participative » des pobladores au Chili : entre résistance aux modes de gestion de la pauvreté et nouvelles formes de politisation. Lien social et Politiques, (71), 159–178. https://doi.org/10.7202/1024744ar Résumé de l'article Cet article comporte une analyse de l’« expérience participative » développée par les pobladores chiliens (habitants de bidonvilles ou de faubourgs) face aux modes de gestion de la pauvreté mobilisés par l’État. L’hypothèse que nous voudrions démontrer est que l’implantation des stratégies de lutte contre la pauvreté, à partir des années quatre-vingt au Chili, a été suivie d’une participation contestataire de la part des secteurs populaires, notamment par rapport aux orientations individualistes qui soutiennent le modèle politique chilien. Ce type de participation peut conformer la base des nouvelles formes de politisation du mouvement des pobladores.

L « expérience participative » des pobladores au Chili ... · Certains auteurs tels Tomás Moulian n’hésitent pas à décrire le Chili actuel comme étant une démocratie de

  • Upload
    others

  • View
    2

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Tous droits réservés © Lien social et Politiques, 2014 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation desservices d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politiqued’utilisation que vous pouvez consulter en ligne.https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/

Cet article est diffusé et préservé par Érudit.Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé del’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec àMontréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche.https://www.erudit.org/fr/

Document généré le 18 mars 2020 15:26

Lien social et Politiques

L’« expérience participative » des pobladores au Chili : entrerésistance aux modes de gestion de la pauvreté et nouvellesformes de politisationNicolás Angelcos et Marie-Christine Doran

La participation sociale et politique au quotidienNuméro 71, printemps 2014

URI : https://id.erudit.org/iderudit/1024744arDOI : https://doi.org/10.7202/1024744ar

Aller au sommaire du numéro

Éditeur(s)Lien social et Politiques

ISSN1204-3206 (imprimé)1703-9665 (numérique)

Découvrir la revue

Citer cet articleAngelcos, N. & Doran, M.-C. (2014). L’« expérience participative » des pobladores au Chili : entre résistance aux modes de gestion de la pauvreté etnouvelles formes de politisation. Lien social et Politiques, (71), 159–178.https://doi.org/10.7202/1024744ar

Résumé de l'articleCet article comporte une analyse de l’« expérience participative » développéepar les pobladores chiliens (habitants de bidonvilles ou de faubourgs) face auxmodes de gestion de la pauvreté mobilisés par l’État. L’hypothèse que nousvoudrions démontrer est que l’implantation des stratégies de lutte contre lapauvreté, à partir des années quatre-vingt au Chili, a été suivie d’uneparticipation contestataire de la part des secteurs populaires, notamment parrapport aux orientations individualistes qui soutiennent le modèle politiquechilien. Ce type de participation peut conformer la base des nouvelles formesde politisation du mouvement des pobladores.

L’ « expér ience part ic ipat ive » des p o b l a d o re s au Chi l i :

entre rés istance aux modes de gest ion de la pauvreté

et nouvel les formes de pol i t i sat ion

n ICOL áS a ngELCOSMaître de conférence universi té Diego Portales (Chi l i ) Doctorant école des hautes études en sciences sociales , Paris

M a r I E-CH r ISt I n E DOr a nProfesseure agrégée école d’études pol i t iques universi té d’Ottawa Chercheure associée Centre d’analyse et d ’ intervention sociologiques école des hautes études en sciences sociales , Paris

M O D E S P O P u L a I r E S D ’a C t I O n P O L I t I q u E E t

Pa r t I C I Pa t I O n : L E S D é F I S D u C O n t E x t E C H I L I E n

Cetarticle,basésurl’analysede32récitsdevieetentrevuesréaliséesauprèsdepobladoreschiliens,habitantsdebidonvillessouventconsidéréscommeapathi-quesparlasociologietraditionnelle,metenlumièrelesdifficultésàcomprendrecertaines formesdeparticipation contestataires qui, depar leurs caractéristi-ques,échappentauregarddesanalysespréconisantuneparticipationsocialeetpolitiquedéfinieparsoninsertiondansdesstructuresinstitutionnellesfavori-santcertainstypesdepolitiquespubliquesdegestiondelapauvreté.L’analyseduprocessusdesubjectivationpolitiqueprésentdanslediscoursetlesactionscollectivesdespobladoresdepuislesdernièresannéesrévèleainsiuneprisededistanceexplicitepar rapport au typedeparticipation socialepréconiséeparlegouvernementchilien,maiségalementlaconstructiondenouvellesformesdeparticipationqui,siellesn’entrentpasdanslesparamètressouhaitésparle

© Lien social et Politiques, no 71, printemps 2014.La participation sociaLe et poLitique au quotidien, p. 159 à 178.

160 LieN sociaL et poLitiques, No 71La participatioN sociaLe et poLitique au quotidieN

gouvernement, sont néanmoins porteuses d’un désir évident de participationsociopolitiqueélargie.Afindecomprendrelespointsderuptureetlesinnova-tions portées par les actions collectives des pobladores chiliens, il apparaîtd’abord importantdesituer lecontextegénéraldedéfinitionde laparticipa-tionqui s’implanteenAmérique latineavec l’avènementdesprogrammesde«ciblage»etdefiletssociauxdestinésauxpopulationslespluspauvres.Ensuite,une analyse des conceptions de la participation propres auxpobladores seraréaliséeetpermettrademontrercommentcettedernièreestliéeàunepartici-pationpolitiqueélargieetopèreuneremiseenquestiondesmodèlesjusque-làpréconisés. En effet, le contexte chilien présente une forte normalisation dela participation, qui s’approche beaucoup de ce que Bacqué et Rey (2005)considèrentcommel’unedesvarianteslesplusrépanduesd’undiscourssurla«démocratieparticipative», qui aboutit à annuler touteposition contestatairevis-à-visdesmécanismesparticipatifsaxésexclusivementsurl’intégrationdescitoyens.

Profondémentinscritedansunedémarchecontestatairedemodesdeparti-cipationvisantl’assentimentoulalégitimationdespouvoirsenplace(Bherer:2006:27)l’expérienceparticipativedespobladoresdonnetoutesonimportanceàlanotiondesubjectivationpolitique,qui,commelemontreleprésentarticle,permetlaformationdesujetssociauxquicréenteux-mêmesdesespacespartici-patifsen-dehors,etparfoisàl’encontre,desmécanismesinstitutionnelsproposésparlegouvernementchilien.Les«espacesparticipatifs»définisparleprocessusdesubjectivationpolitiquedespobladoress’approchentalorsdeladéfinitionde«structuresparticipatives»contribuantvéritablementàladémocratie,proposéeparBlondiaux(2001:45).

Afin de comprendre les caractéristiques de ces formes de participationquis’apparententàcequeBayartet al.(1992)nommentlesmodes populaires d’action politique, il apparaît fondamental de situer l’«expérience participa-tive»despobladoreschiliensdanslecontextegénéraldespolitiquessocialesdesdernièresdécenniesauChilietenAmériquelatine.

L a Pa r t I C I Pa t I O n :

u n E n O t I O n C O n t E S t é E E n a M é r I q u E L a t I n E

Laparticipationestunenotionqui,enmilieud’extrêmepauvreté,prenduneconnotationparticulière.Depuisplusdedeuxdécennies,lesnouveauxmodesdegestiondusocialenAmériquelatineprésupposentdesmodesd’insertionindivi-dualistedespauvresaumarché (Peñafiel,2008)par l’entremised’undiscoursfaisantlapromotiondelaparticipationàdesprogrammessociauxbiendéfinis,oùl’Étatopèreunciblagedespluspauvresaptesà«devenirbénéficiaires»etexclut, ou du moins discrédite, la mobilisation collective (Marques-Pereira,2005:154).

NicoLás aNGeLcos, Marie-christiNe doraN 161L’«expérienceparticipative»despobladoresauChili:entrerésistanceauxmodesdegestiondelapauvretéetnouvellesformesdepolitisation

EnAmériquelatine,engagésdansletournantpaupériste(Peñafiel,2008),gouvernements et organisations internationales font désormais la promotiond’un double impératif autour de la participation: la «bonne participation»,visantàassurerl’insertiondesbénéficiairesdanslesprogrammesciblésautourdeleursbesoinsspécifiques,estopposéeàcertainesformesde«mauvaiseparti-cipation»,fondéessurlesmobilisationscollectives,fustigéescommefomentantleconflitsocial.

Nombredetravauxontmontrécetteambivalenced’uneutilisationdel’idéede participation dans un sens restreint qui limite la participation à certainsacteurs en fonction de leur compatibilité avec certains objectifs, notammentceuxdespolitiquesdeciblagedespauvres.Cabanesanalyseainsilesimpactsdeladéfinitiondelaparticipationdanslecadredelagestionsocialeparciblage,onl’ontrouve«desformulesdeparticipationoudegouvernancemisesenplacepar lespouvoirspublicsqui scindent etdissèquent les formesde représenta-tionsocialeplusunifiéesoucollectivesenvigueurjusquedanslesannées80»(Cabanes,2009:247).Dabène,GeisseretMassardierconsidèrentquantàeuxquecesconceptionsanti-conflitsocial,rejetantlaparticipationnonencadrée,portent de nouvelles normes de démocratisation qui affectent en particulierles mouvements de contestation: «la démocratisation légitime la normalisa-tion autoritaire et sécuritaire des scènes protestataires» (Dabène, Geisser etMassardier:2008:15).Ilsouvrentlavoieauphénomènedelacriminalisationdesmouvementssociaux(LeBonniec,2003;Doran,2012).

L E C H I L I : u n C a S D ’a n a Ly S E I M P O r t a n t P O u r L a

C O M P r é H E n S I O n D E S D y n a M I q u E S D E Pa r t I C I Pa t I O n E n

C O n t E x t E D E Pa u v r E t é

Le cas du Chili, pays précurseur des politiques ciblées et d’un rejet actif duconflitsocial,apparaîtparticulièrementintéressantpouranalyserlesdynami-quesdetensionexistantautourdel’idéedeparticipation.

C’est le régime militaire, inspiré de l’École de Chicago, qui implanta lespremiersprogrammesde lutte contre lapauvretéàpartirdesannéesquatre-vingt,minimisantlerôledel’Étatdansdiverssecteurs,dontl’éducationet lelogement,demandehistoriquedumouvementdepobladores (Espinoza,1988;Dubet,Tironi,EspinozaetValenzuela,1989),pourpermettrel’introductiondumarchédansleurrégulation1.Ladictaturegèreainsilessecteurslesplusmargi-nauxà travers leconceptdepauvretépar laconstructiond’unoutilàpartir

1. Àpartirde1978,avecleProgrammedesubventionaulogement,laparticipation(del’État)estréduiteaudomainefinancier,c’est-à-direàl’assignationdesubventionset/oudeprêtspourque les secteurs populaires, sous leur responsabilité, achètent un logement dans lemarchéprivé»(Iglesias,2011a:137).

162 LieN sociaL et poLitiques, No 71La participatioN sociaLe et poLitique au quotidieN

duquel on peut objectiver le sujet-pauvre (la «Ficha de Protección Social»).Ainsi, après lachutede ladictatureen1989, la recompositiondémocratiqueduChilisefaitencontinuitéavecl’égidedunéolibéralismeimplantédurantlerégimemilitaireet lemodèledegestionsocialecontinuedevaloriser l’inser-tiondesindividusparleurscompétencesdanslemarché.Lesdifférentespoliti-quessocialesdestroispremiersgouvernementsdela Concertation2suivantleretourdeladémocratiedemeurentprofondémentorientéesverscesobjectifsetcombattentactivementlesconflitssociauxetlamobilisationcollective,toutenfaisantlapromotiond’une«bonneparticipation».

CertainsauteurstelsTomásMouliann’hésitentpasàdécrireleChiliactuelcommeétantunedémocratiede«basseintensité»,puisque«lesgouvernementsdelaConcertationpromeuventetfavorisentla«non-participationetlabanali-sationdupolitique,cequienfaitunedémocratiefaible3».D’autresanalystesontqualifiéladémocratiedetransition,issued’unpacteentreélites,derégime postdictatorial,centrésurla«banalisationetl’escamotageduconflitpolitique»(Vera Gajardo, 2008: 83) ou la «marginalisation des mouvements sociaux»(Marques-Pereira,2005a:155).

À la fin de la dictature et au début de la transition démocratique, ladynamiquedegestionsociale individualisantes’étaitheurtée fortementàdesdynamiques collectives et des manifestations massives très fortes. Pourtant,assez rapidement durant les années 90, tandis qu’une crise de légitimitépolitiquemajeure(Jouineau,1997;TironietAguero,1999)ternissaitlesuccèsdu modèle démocratique chilien, plusieurs des mouvements sociaux les plusimportantshistoriquementauChiliontsemblé«abandonner» laparticipationsocialeàdesorganisationsspécialiséesetauxONG.C’estnotammentlecasdumouvementdespobladores,undesmouvementshistoriqueslesplusmarquants(Dubet et al., 1989) luttantpour le logementdansunpaysoù les difficultésd’accèssont l’unedesmarques lespluscriantesdes inégalitéssociales.Aprèsunerépressionbrutale(occupationmilitairedespoblacionesdurantdelonguespériodes, torture, etc.), toutes les organisations traditionnelles despobladoresfurent éliminées et il fallut attendre le vaste mouvement des protestas pourladémocratie,lancéparlaCentraleunitairedestravailleurs(CUT)en1984etquiallaitmobilisertouslessecteursd’oppositionàladictaturedansd’intensesmanifestationsdemassejusqu’en1986-87(Campero,1987),pourretrouveruneprésenceimportantedepobladoresmobilisés.Déjàprofondémentdiscréditésparleurnon-conformitéàl’impératifde«paixsociale»,lafaibleparticipationdes

2. Concertationdepartispour ladémocratieest lacoalitiondepartisdecentregaucheayantdirigélepaysdepuislafindeladictatureen1989etjusqu’àl’électiondelacoalitiondedroite,AlliancepourleChili,en2010.

3. TomásMoulian,«ElChileactualsegúnTómasMoulián.»,entrevueàJaimePenelaLópez,mars2004,http://www.ubv.se/chile/Espanol/es_democracia_moulian.html

NicoLás aNGeLcos, Marie-christiNe doraN 163L’«expérienceparticipative»despobladoresauChili:entrerésistanceauxmodesdegestiondelapauvretéetnouvellesformesdepolitisation

pobladoresàdesorganisationsmisesenplaceparlegouvernementseratelle,àpartirde1992,quecertainsauteursn’hésitentpasàparlerdela«disparition»d’unacteursocial(Oxhorn,1995).

LeChiliseprésenteainsicommeuncasimportantàanalysersurleplandesdynamiquesdeparticipation,puisqu’ilprésenteleparadoxed’uneapparente«disparition»de laparticipationetd’acteurssociauximportantsausortirdesluttescontreladictature.

S O C I é t é a Pa t H I q u E O u I n v I S I B I L I S a t I O n / D é L é g I t I M a t I O n

D E S L u t t E S S O C I a L E S ?

Lasociologiechilienneasouventinterprétécequiapparaîtcommeunmanquedevolontédeparticipationsocialecommeétantliéàdesorientationsculturellesindividualistes,dontseraientvictimeslespobladorestoutautantquelesautresChiliens,habitantsd’unedémocratiedemarché(ArandaetCuevas,2008;Madrid,2005;Lechner,2002;UNDP,1998,2002).Encoreaujourd’hui,diversanalystesconsidèrentquel’actioncollectiven’apaslafaveurdesChiliens(CarruthersetRodríguez,2009:744).

Pourtant,àlalumièredesmobilisationssansprécédentquiontrassemblédesmillionsdeChiliensàl’occasiondesgrèvespourl’éducationen2011-2012(GerteretRamos,2012;Mayol,AzócaretBrega,2011)etquiontrévéléaugrandjourunequantitéimportanted’organisationsetderéseauxd’actioncollective,plusieursanalystesremettrontcertainementenquestioncejugement.Toutefois,les étudiants et leursmouvances organisationnelles sont loin d’être les seulsàavoirdynamisélascènedesmouvementssociauxauChili (Iglesias,2011b).Lagrandeunanimitédelalittératureausujetdel’absencedeparticipationetde l’apathiede la sociétéchiliennecontribuesansdouteà «l’invisibilisation»de différentes recompositions et mouvances collectives. La non-correspon-danceentrelesformesd’actioncollectiveetlesattentesdelasociologieetdelasciencepolitiquedevantdesactionscollectivesexpressives,nonsectoriellesouautourdethèmesjugéspeuporteursselonlesparamètresdeladémocratiedeconsensusexpliqueenpartiecetteinvisibilisation.Danslecasdespobladores,cette dynamique d’incompréhension se charge d’une délégitimation, dans lamesureoùlaformehistoriquedelaprisedeterrain(toma)4,trèsimportantedanslerépertoiredespobladores,estconsidéréecommeviolenteetdépassée.Ainsi,plutôtqued’êtrevuscommedesacteursparticipatifs,l’intégrationproblématique

4. Laprisede terraincommencepar l’installationd’uncampamento (campement), installationprécairedefamillesdansdeshabitationsdefortune,parfoisdesannéesdurant.Laphaseducampamentos’établitavecdesniveauxd’organisationvariableallantdel’occupationcollec-tiveà lamiseenplaced’unprojetcommunautairecomportantdesorganisations tellesquedescuisinescollectives,desdispensairescollectifs,desgarderiescollectives,descomitésdepropreté,etc.

164 LieN sociaL et poLitiques, No 71La participatioN sociaLe et poLitique au quotidieN

despobladoresdans lesprogrammesciblésde logementet lapersistancedesprises de terrain malgré un contexte très répressif conduit à considérer cesdernierscommedessegmentsnonparticipatifsdelapopulation,etce,malgrélanon-résolutionduproblèmedulogement.En2005,d’intensesmanifestationsorganiséesparle Regroupementnationalpourlesdroitsdulogementsontrépri-mées sans relâchepar legouvernementdeRicardoLagos,quimenacemêmede recourir au Conseil de sécurité nationale5, permettant alors l’interventionde l’armée6. Ces intenses mobilisations (manifestations, événements publics,marchesdesenfants,nouvellestomastrèsmédiatisées),opposentpubliquementl’idéede«droits»àcelledesprogrammesdeluttecontrelapauvretéreposantsurdespolitiquesde«ciblage»despluspauvres,politiquesqui,commeonl’avu,constituentl’axecentraldelapolitiquesocialechilienne:«Ici,noussommestouspauvresetnousavons lesmêmesdroits», «Notre lutte est justeetnousn’avonsrienàcacher7.»

L’intenserépressionàl’égarddespobladoresestsansdouteliéeàlaprofon-deurdelaremiseenquestionqu’occasionnentleursmobilisations,contestantlalégitimitéquel’Étatchilienprétendaitconstruireautourdesesprogrammesreposant sur la détermination de besoins minimaux et sa volonté d’éliminerles prises de terrain.Depuis 1997, les prises de terrain ont connu un regainimportantetsesonttoujoursterminéesparl’usagedelaforcepublique.Cetteformedeparticipationconflictuelleestmarquéeparunrefusdel’organisationetsurtoutdelamédiationpolitiquetraditionnelle,cequiexpliqueenpartielesdifficultésdecompréhensionvis-à-visdecemouvement.L’analysed’enquêtesmenéesentre1993et2006auprèsdespobladoresde12bidonvillesdelarégiondeSantiagomontreundiscoursfortementstructuréautourdelaglorificationd’une souffrance partagée, issue de leur expérience commune de souffrancepolitique/économique/culturelle.Cetteformedesubjectivationpolitiqueautourdelasouffrancepartagéeétaitvueparnombred’analystescommenepermet-tantpasl’émergencededemandessocialesprécisesetbienarticulées(Doran:2000,2012).

Au-delà de ces représentations du politique et des prises de terrain quiconfirment la vivacité d’un type de mobilisation – considéré comme illégi-timeparlegouvernementetparlasociologiechilienneengénéral–,commentpeut-oncaractériserlaparticipationdessecteurspauvresauChili?

5. «Gobiernoreaccionaantenuevaprotestadedeudoreshabitacionales»,La Nación,Jueves28deJuliode2005.(éditionélectronique).

6. Le COSENA introduit directement la subordination des décisions civiles à l’approbationdes instances militaires, et, ce, même après la transition démocratique, puisqu’il inclut lestroiscommandantsenchefdesForcesarméesetledirecteurgénéraldescarabiniers(policemilitarisée).

7. Traductionlibredel’espagnol:ProposdespobladoresrapportésdansBetzieJaramillo,«Elbeneficiodeladeuda»,La Nación,Domingo21deagostode2005.www.lanacion.cl

NicoLás aNGeLcos, Marie-christiNe doraN 165L’«expérienceparticipative»despobladoresauChili:entrerésistanceauxmodesdegestiondelapauvretéetnouvellesformesdepolitisation

Àpartird’unmatérielcomposéde32entretiensetrécitsdevieréalisésàSantiagoduChilientrelesannées2010et2012,onvoitémergerunecompré-hension particulière de l’«expérience participative». L’analyse des entrevues,déployéedanslessectionssuivantes,montreainsiquelesupposémanquedeparticipationdespobladores sembledevoir êtrenuancé etqu’il faut chercherà analyser les recompositions populaires, propres aux habitants des secteursmarginaux,pouvantsurgirentrelesintersticesdesprogrammesdeparticipationetlesreprésentationssocialesissuesdespositionscritiquesdespobladores.

u n E r é P O n S E P O P u L a I r E F a C E à L ’ I n t E r P E L L a t I O n D E L a

Pa u v r E t é

Réfléchirautourdelaparticipationcontestataireouconflictuelled’unmouve-mentsocial,surlapossibilitéquecedernierpuissecréersesespacesparticipatifsalternatifs,quicontribuent réellementà «l’interpellationpubliquedupouvoirpolitiquepar lescitoyens» (Blondiaux,2001:45) impliquenécessairementdel’inscriredansunensembled’orientationsculturelles,derapportsdepouvoiretd’institutionssocialesquiencadrentsonexistencehistorique.Touraineproposel’analysedel’actionsocialecomme«uneétudedelacréationdevaleurs,consi-dérées commedesorientationsnormatives» (Touraine,1965:54)par rapportauxquelles le sujet affirme son autorité. Ainsi, l’action sociale ne peut êtreréduiteàl’intégrationverslesorientationsculturellesdominantes,parexemplel’intégration à diverses formes institutionnalisées de participation, elle inclutaussiunedimensioncritique,cellequipermetdecomprendreleschangementssociaux et que l’on peut appréhender à partir du concept de subjectivation.Onparlealorsdesubjectivationpolitique lorsqu’ilestquestiondechercheràmodifierlesrapportsdupouvoirquisoutiennentlemodèlepolitique.

On peut ainsi analyser l’expérience participative actuelle des pobladoresàpartird’unconflitparrapportauxorientationsculturellesquidéfinissentlasociété chilienne, puisque, comme nous l’avons déjà noté, depuis les annéesquatre-vingt l’Étatdéploietousseseffortspourinstitutionnalisercesorienta-tions autour de la formalisation de la politique néolibérale, orientée vers laproductiond’unsujetspécifique–lesujet-pauvre–autourduquelsestructu-rent lesprincipesd’intégrationregroupéssouslafiguredela«luttecontre lapauvreté».

u n E r E C H E r C H E t E r r a I n S E r va n t à L ’a n a Ly S E D E

« L ’ E x P é r I E n C E Pa r t I C I Pa t I v E » D E S P O B L a D O r E S

Laméthodologieutiliséeestdecaractèrequalitatif,cequinouspermetd’iden-tifier lesunitéssignificativescaractéristiquesdel’expérienceparticipativedespobladores.Notrecorpusestfondamentalementconstruitsurdesrécitsdevie(Bertaux,2005),àpartirdelaméthodedurepéragedesignifiants-cléspouvant

166 LieN sociaL et poLitiques, No 71La participatioN sociaLe et poLitique au quotidieN

montreruneluttepourlesens(Laclau,1990,2000),commeleprésentent lesexemplesdanslessectionsquisuivent.

Lesentretiensetrécitsdevieservantdebaseàcetarticleontétéréalisésentre2010et2012,provenantdepobladoresissusdedifférentesorganisations,àsavoirleMovimientodepobladoresenLucha(CommunedeSantiagoCentroetdePeñalolén),leComitéDonBosco(CommunedeLaFlorida)etleMovimientodelPuebloSinTecho(CommunedeLaPintana).Parmilesinterviewés,ontrouvedifférentes occupations (commerçants, travailleurs indépendants, chômeurs),desdegrésdiversdepolitisationetdeparticipationdansdesorganisations.L’âgevariede23à57ans.

Ensuivantladéfinitiondemouvementsocialproposéepar(Touraine,1965),nous trouvons actuellement des expressions fragmentaires d’un mouvementquisontcapablesdecoordonnercertainesinstancescollectives,maisquisontdifficiles à unifier derrière une frontière antagonique, c’est-à-dire une limitequi permet d’appréhender l’existence de projets politiques opposés (Laclau,2010). Cependant, ces fragments partagent une mémoire commune de luttequi s’exprime notamment par certains liens organisationnels existant entred’anciennes prises de terrain et les organisations actuelles, qui sont, pour laplupart, issuesaumoins enpartiedeprisesde terrainmises enéchecpar larépression.Bienquecesorganisationssoulignentlacentralitédelaluttepourlelogement,ellesl’inscriventdansunhorizonpluslarge,quipeutinclured’autresformesderevendicationsainsiquedesmanifestationsdetypeexpressif.

C a r a C t é r I S a t I O n D E L ’ I D E n t I t é P E r S O n n E L L E

Nous avons commenté la façon dont les orientations culturelles propres dumodèle néolibéral s’institutionnalisent dans les différentes politiques socialesorientéesversledépassementdelapauvreté.Cespolitiquescherchentàinterpellerunsujet-pauvre,définiparsaconformitéauxformesdeparticipationsocialeindividualisantes proposées par l’État. Cependant, nous voudrions démontreràpartirdel’analysedel’expériencedespobladorescommentcettedernièrenepeutpasêtreréduiteàuneparticipation«obéissante»outoutsimplementrejetéecomme non conforme, mais comporte plutôt un processus de subjectivationpolitiquecristallisédansuneparticipationcontestataire,marquéeparl’éloigne-mentcritiqueparrapportauxrôlesdéfinisinstitutionnellement.

L’analysedelaconstructiondel’identitépersonnelle(DeSingly,2008)despobladores8 exprimebience conflit entre ladéfinition socialede lapauvreté– mobilisée par les politiques publiques – où les sentiments de honte et deméprissontcentraux,etlasubjectivationautourdecettemêmedéfinition,où

8. Dubet lui-même postule le besoin d’analyser les logiques de l’expérience sociale dans lestermesd’Identité,deTotalitéetd’OppositionproposésparTouraine(Dubet,1995).

NicoLás aNGeLcos, Marie-christiNe doraN 167L’«expérienceparticipative»despobladoresauChili:entrerésistanceauxmodesdegestiondelapauvretéetnouvellesformesdepolitisation

commenceàapparaîtreunedimensioncollectivedelapauvretéetdelaparti-cipation–niéeparlespolitiquespubliques–objectivéedanslanotiondedroit.Allantdanscesens, lesentretiensanalysésmontrentuneexpériencedoulou-reusedelaprécariténonassistéeparl’État.Cetteexpériences’exprimesoitentermesnégatifs(honte,dépréciationdesoi,mépris),soitentermespositifs(affir-mationindividuelledesoi),maisinitialementàpartird’uneconceptionindivi-dualistede laconditionsociale.L’expériencede lapauvreté,mêmesielleestpartagéeavecd’autres,estsouventvécuecommeune«offenseprivée»,ainsi:

Celamefaisaithonte,trèshonte,etdefait,moi,encemoment,commejetel’aidit,jesuischômeuse,maisjetravailleaumarchéet,moi,celamefaittrèshonted’allervendreaumarché,maisjelefaisparcequej’aiunenfantetjedois l’élever,maiscelamefait trèshontedepenserquequelqu’unpeutmevoirvendreaumarché.Defait,moijenevoulaismêmepasdirequejefaisaispartied’uncomité(depostulationpourl’achatsubventionnéd’unlogement),parce que ça me faisait trop honte jusqu’à tout récemment9 (Sandra, MPLPeñalolén,24ans).

Commenousl’avonsdéjàsouligné,cette«honte»liéeàl’expériencedelapauvretépeutcomporteraussiunemiseenvaleurdescapacitésindividuelles,surtoutentermesd’effort:

Jepensequesij’aivuquelqueschangementsdansmavie,celan’aétégrâceàaucungouvernement,jecroisqueçaaétégrâceàmonpropreeffort.Lesgouvernementsnousdonnenttrèspeud’opportunités,alorsjenevoisaucunchangement,aucuneopportunitédugouvernementquisoitparvenuejusqu’àmoi(Hugo,MPLFranklin,57ans).

L’effortdontparleHugoestavanttoutindividueletsertàcaractériseretàmettreenvaleurl’identitépersonnelle.Lepauvreméritedel’aidesocialenonparcequ’ilestuncitoyen,maisparcequ’ilsurvitgrâceàsoneffort, souventreprésentédansletravail.

Parallèlement à cette individualisation subie, soit comme «honte», soitcomme«miseenvaleurdel’effortpersonnel»,noustrouvonsaussiunelogiquedesubjectivation(Touraine,1992;Dubet,1995)critique à cette individualisa-tion,promueparl’État,cequicomportelabased’uneparticipationcontestataireparrapportauxorientationsculturellesnéolibérales,notammentenrelationauconceptdepauvreté.Cettecritiquecomporte,d’unepart,uncertain«éveil»parrapportaucaractèrecollectifdel’expériencesocialequidéclenchelapauvretéet,d’autrepart,lamiseenquestiondel’effortpersonnel,antérieurementnoté,en

9. Lesnomsutiliséssontdespseudonymes.Deplus,touslesextraitsd’entrevueenespagnolontététraduitsenfrançaisparlesauteursenessayantderendrelestyledu«parlerordinaire»et lesexpressionspropresauxquartiersmarginauxchiliens. Il fautaussinoterqu’auChili,lesmarchéspopulaires,appelés«ferias»,sontdeslieuxquiressemblenttrèspeuauxbeauxmarchésquel’ontrouveenEuropeoudansd’autrespays.Onycroisedenombreuxchienserrantsetgaleuxetonpeuts’yrendrepourvendren’importequellebabiole,desvêtementsusagésdonnésoudesplatscuisinésàlamaison,certainsétalsétantvraimentmisérables.

168 LieN sociaL et poLitiques, No 71La participatioN sociaLe et poLitique au quotidieN

termesdedroits.Decettemanière,ellepeutêtremobiliséedansunecritiqueplus large,contre ladéfinitionindividuelledusujet-pauvre, interpellépar lespolitiquesnéolibérales.Onlevoitdanscetextrait:

Jecroisque,commeils10m’ontfaitvoiretréaliserquemoi,oui,jesuispauvreet j’ai besoind’unemaison, j’ai besoindem’éduquer, j’ai besoind’éduquermesenfants,depenseràl’avenir,pasdepensersimplementàunlogis,c’estcommesiàtoutcelailsm’ontouvertlesyeux…Commesi[auparavant]jemeconformaisàlaréalité,jevivaisjouràjour,moisàmois.[…]Tous les gens pauvres devraient lutter pour changer, parce que sinon, nous allons toujours vivre comme ça. C’est cela dont ont besoin les gens, qu’on les réveillent, qu’ils puissent comprendre et, je ne sais pas moi, qu’ils puissent peut-être s’éduquer un peu plus et qu’ils aspirent à un avenir meilleur plutôt que de rester là (Camila, MPL Franklin, 28 ans).

On peut souligner comment, dans cet extrait, la catégorie de «pauvre»,par laquelle la politique institutionnelle cherche à interpeller la subjecti-vité despobladores, devient l’objet d’une critique contre cemêmeprocessus.Être «pauvre» ne signifie plus une participation individuelle et «honteuse»aux programmes gouvernementaux, mais la reconnaissance d’une conditioncommune,based’unepossibleparticipationconflictuelle.

Au bout du compte, nous sommes tous pauvres, nous sommes tous destravailleurs, tu comprends? Et, bien sûr, imagines que je reçois un salaireplusbas,ouplusbasqueceluided’autrescompagnons,maisjevislesmêmesconditions,tucomprends(Diana,MPLPeñalolén,25ans)?

Dianautilise ici leconceptdepauvretépoursoulignerune identificationcollective qui dépasse amplement la «participation individuelle» poussée parl’État et qui remet en question la segmentation de la pauvreté en catégoriesdifférenciées, principe de base du «ciblage» des politiques de lutte contre lapauvreté.L’expériencecommunedelapauvretéreprésenteunlieuoùonpeutreconnaîtrelesautres.

La transformation, la subversion du sens de la pauvreté individuelle, vajusqu’àl’expressiondelapauvretéentermesdedroitsqu’ilfautrevendiquer,commeonpeutlevoirdanscetextrait:

Jecroisquenous,notrevisiondelapolitique,entoutcascelledupobladordisons,faitquel’onatoujourstendanceàvoirleschosesautrement.Onvoitcommentle«gâteau»estréparti,disonsquelesecteurlepluspuissant…[lerépondantn’expliquepasdirectement,maislasuitedel’extraitmontrecequ’ilveutdire]Etnous,onsentqu’onaaussidroitàcegâteau,puisquecegâteaudupays,nousaidonstousàlepréparer,nousapportonstousquelquechosepourfairecegâteauetpourqu’illève,maisleproblèmeestqueeux[lesecteurlepluspuissant], ilsveulent lemangeraucomplet, lesmeilleursmorceaux.Alors,c’estcequinousconduitauthèmedesdroits,desdroitshumains,droit

10. Le«ils»désigneicidirectementlaparticipationàl’organisation.

NicoLás aNGeLcos, Marie-christiNe doraN 169L’«expérienceparticipative»despobladoresauChili:entrerésistanceauxmodesdegestiondelapauvretéetnouvellesformesdepolitisation

àétudier,droitàlasanté…Nousavonsun«paquet»dedroits,nousn’avonspasmoinsdedroitsquelereste,quelesautres,alorsc’estcommeçaquenouscommençonsànousposerdesquestions(Marcelo,MPLPeñalolén,45ans).

Cesextraitsmontrentque,malgrélaprésencedesorientationsculturellesindividualisantes, l’individu cherche à trouver un chemin alternatif pour sesubjectiver,pourdevenirsujetetagir,cequiimpliquelepassaged’unecondi-tionsubieversuneaffirmationcollective,icientermesdedroit.Danslasectionsuivante,nousconfirmeronscettehypothèsesurlacompréhensiondelaresigni-ficationde l’identitépersonnelleàpartirde«signifiants»,de termescentrauxqui, en circulant dans le discours des dirigeants et des militants, permettentl’identificationàdenouvellesreprésentationsdumonde,deviennentlacondi-tiondepossibilitéd’unetransformationde lasimplecritiquedesorientationsculturelles,observéedanslapremièresection,verslavalorisationpositivedelaparticipationàlaconstructiond’uneconceptionalternative–etpopulaire–ducollectif,qui,elle,ouvrelavoieàdenouvellesformesdepolitisation.

D E n O u v E a u x S I g n I F I a n t S P E r M E t t a n t L a

t r a n S F O r M a t I O n D E L a C O n C E P t I O n I n D I v I D u a L I S a n t E

D E L a Pa r t I C I Pa t I O n D a n S L E S P r O g r a M M E S D E L u t t E

C O n t r E L a Pa u v r E t é

L’importancedessignifiantsetdeleurrôlepolitiques’inspireducadreconcep-tuelproposéparErnestoLaclau(1990,2000).Danscedernier, lerepéragedesignifiants particuliersetletravailéventuelderéactivationopéréparcessigni-fiants laisse émerger des conceptions qui peuvent susciter l’identification etporterdenouvellesidéesd’oùémergentdes«remisesenquestion»,des«luttespour le sens»quipermettent àdesprocessusde subjectivationde se former,donnant des assises à de nouvelles «positions de sujets». Dans cet horizonconceptuel,leprocessusd’identificationàdenouveauxsignifiants,qui«dispu-tent»lesensconstruitpardesconceptionsdominantesdelasociété–danslecaschilien,nousavonsparlédelaconceptionindividuelleetassistantialistedupauvre–constitueensoilemomentd’unepolitisationparlapossibilitéd’unerecompositiondusensparlesujet.LaplacedusujetchezLaclauestdonccellequedéterminelacapacité«àsortirdel’effetdesensd’objectivitédelasociété»etàproduiredenouvellesidentifications11.Danslecadredecetteétude,nous

11. Notonscependantque,chezLaclau(1990:61),lesujetestuneformesesituantau-delàdeseffetsdesensproduitsparlesdifférentesformationsdiscursives,puisquedumomentoùilagitpourredonnersensàl’espacedisloqué,ilcessed’êtresujetagissantpourdevenirpositiondesujet.Lesujetexistedoncàcausedeladislocationdelastructure,dislocationquidevientainsisourcedeliberté.Iln’enpossèdepaspourautantuneidentitépositive,iln’estdoncjamaissujetsocial;ilpossèdeplutôtlalibertéradicaleissued’unmanquefondamentaldelastructureetnepeutconstruiresonidentitéquesurlabased’actesd’identification.

170 LieN sociaL et poLitiques, No 71La participatioN sociaLe et poLitique au quotidieN

avons réalisé une analyse de signifiants à partir d’un matériel de recherchede type qualitatif – entrevues – et d’un matériel – déclarations, slogans demanifestations, émissions de radio ou de télévision – qui permet de repérerdessignifiantsautourdesquelssedéploientdenouvellesidentificationsàdesconceptionsalternativesdu«collectif»etdelaparticipation,permettantainsila resignificationdes identitéspersonnellesen termespolitiques.Celapermetdevoircomment lessignifiants,encirculationdans lemouvement tantchezlesdirigeants12quechezlesmilitantsdebase,permettentdecréerdenouvellesidentifications, des réinterprétations des trajectoires individuelles, porteusesdereprésentationspopulairesdelaparticipation.Danslesextraitsquisuivent,onpeutvoircombienunpremiersignifiant,celuide«viedigne»(vida digna),dépasselasimpledemandedelogementpourallerjusqu’àlaisserémergeruneconceptionde«communautédifférente»:

Maviedignenenaîtpasàpartird’unlogementdigne[…],lelogementn’estpastoutcequinousréunit,nousattache; l’organisation, ledésirdeformerunecommunautédifférenteestce[qui]nousréunit[nousattachelesunsauxautres](Hugo,MPLFranklin,57ans).

Ouencore:

Notre conquête, notre objectif, est de faire tout ce qui est nécessaire pourpouvoirvivred’unemanièredifférente,toutcequiestnécessairepourpouvoirêtreheureux,tucomprends?Etlebonheur,lafélicité,nouslatrouvonsdansla communauté, comme la trouvent les compagnons zapatistes, comme latrouventlesMapuches(Diana,MPLPeñalolén,25ans).

Noussommesicibienloindel’intégrationindividuelleaumarché,préco-niséepar lesprogrammesdegestionde lapauvretéévoquésaudébutdecetarticle.La«viedigne»nereprésentepasexclusivementunprojetdespobladores,maisunhorizoncontestataireoù lesdifférentsespoirsetaspirationspeuventêtreinclus.La«dignité»revendiquéeporteunesignificationparticulièredanslamesureoùelleinterpelleunedimensiond’égalité,niéeparlespolitiquesnéoli-bérales,ets’inscritainsidansuneluttetransversalecontrelesformesdepartici-pationdevenueshégémoniquesauChilidepuislesannéesquatre-vingt.

Bienquelesignifiant«vidadigna»émergedel’organisationpoblacionale,ilchercheàinterpellerla«Totalité»(Touraine,1965)delasociétéchilienne,enconstruisant lesignifiant«Poblaciónd’unnouveautype»EnrappelantqueletermepoblaciónestéquivalentàceluidefavelaauBrésil,doncunbidonville,unquartiermarginalconsidérédangereux,onpeutvoirquecesignifiantmobilise

12. Comme cette étude porte uniquement sur le discours et les représentations des pobladoresinterrogés,nousneréalisonspasiciuneanalysesystématiquecomparativeentrelesdocumentsécritsproduitsparlesdiversesorganisationsetlesconceptionsretrouvéesdanslesentrevues.Toutefois,lesconvergencesentredocumentsécritsetanalysedesentrevuessontimportantespourlacirculationdessignifiants,permettantuneréinterprétationdelaparticipation.

NicoLás aNGeLcos, Marie-christiNe doraN 171L’«expérienceparticipative»despobladoresauChili:entrerésistanceauxmodesdegestiondelapauvretéetnouvellesformesdepolitisation

laconditionpartagéeparlesmilitantsdumouvement,àsavoirqu’ilshabitentdansunepoblación,cequiimpliqueuneexpérienceparticulièredelapauvreté.Cependant, lesensnégatifde lapoblación (dangereuse,etc.)estassumé,puistransformé: la población de nouveau type représente, en quelque sorte, lecontrairedespolitiquesd’insertionindividuelleaumarchédulogementquinetiennentpasenconsidérationlademandedespobladoresdevivreensembleaumêmeendroitetde«construire» lacommunauté.Lemouvementneluttepasseulementpoursatisfairelademandedelogementdessecteurslesplusdéfavo-risés,mais bien pour construire un «habiter» différent.Ainsi, la «vie digne»trouveuneinscriptionspatiale:dansla«poblacióndenouveautype»,lespobla-dorespourrontseréaliserautrement.Laparticipationcontestataire,optionàlaparticipation individualistepromuepar l’État,devientcentraledans lapobla-ción.Ellen’estpluscontestataire,ellecomporteunereprésentationprivilégiéede laparticipation socialequi se réalisedansun espaceutopique s’opposantauxsolutionsindividuellesdel’État.Certainsextraitsopposentradicalementlesvaleursdecettenouvellepoblaciónetcellesdelasociétédemarché,commeonpeutlevoirici:

La población de nouveau type est cette población où se superposent desprincipes de solidarité, d’autogestion et d’amour, à l’encontre des principesd’envie [jalousie], d’accaparement et d’individualisme présents dans notresociété(Enrique,MPLFranklin,25ans).

Ouencore:

En1999,quandaétéfaite latoma [prisedeterrain]dePeñalolén,onparlepourlapremièrefoisdecequesontlespoblacionesdenouveautype,qui,entermed’organisation,sontcomposéespartoutunensembledecommissionsdetravailetd’organisationsterritorialesdelapartdespobladoreset,dupointdevuepolitique,c’étaitçaletypedesociétéquenousvoulionsconstruire[…]quelesdemandessocialesn’enrestentpasauthèmedulogement[…],maisplutôtqu’elless’élargissentauproblèmedesdroitshumains,delaculture,auproblèmedelasanté,auproblèmedel’éducation(Alejandro,MPST,42ans).

Ces différents signifiants sont porteurs d’orientations culturelles définiesparlemouvement.L’idéedelutteydevientégalementcentrale.La«lutte»,termeimportant pour désigner les «revendications» dans le discours de la gauchetraditionnelle, est icinonpas seulementuncheminpossiblepour l’obtentionde la demande, mais plutôt une manière de resignifier l’identité personnelleen termes conflictuels.Àpartir de la lutte, de lamanifestation, de l’occupa-tion illégaledes terrains, lepoblador remplace l’interprétation individuelledesatrajectoireparunecompréhensiondesélémentscollectifspartagésavecseségaux.La«lutte»permetdedonneruneautresignificationàl’effortindividuel,soulignéprécédemment,entermesdecapacitéd’actionindividuelleetcollec-

172 LieN sociaL et poLitiques, No 71La participatioN sociaLe et poLitique au quotidieN

tive13.La lutte,danscesens-ci, représente lecontrairede l’«individualisationsubie»,de l’offense «subie individuellement».Aucontrairede lapassivitédelaparticipationdansl’État,lalutterelèvedelarevendicationactivedesdroits.

Danscertainsextraits,leterme«lutte»apparaîtdirectement:

Nous, onaime lesmanifestations, tu comprends?Moi, je te dis que cetteaffaire-là[lesmanifs],çatedonnedeladignité,tucomprends?Tun’asplusbesoindetesoumettreaupouvoirdecespoliticiens,desentrepreneurs,non,laluttetelibèredetoutça,detoutcetruc,maisbon,aulieudelutter,j’aime-raisbienallervoirmamèreetprendreunthéavecelle,maisjedoisêtreàl’assemblée,jedoisêtreàlapoblación,parcequelapolicenousfrappe,ilsnousbattent,etcen’estpasçaquenousvoulons(Gonzalo,MPLPeñalolén,29ans).

Tandisqu’àd’autresmoments,laluttes’exprimeentermesd’apprentissagederevendicationdesdroits,«d’unevoixforte»:

J’ai beaucoup appris à faire entendre ma voix, à parler plus fort, et àrevendiquer mes droits ici et en chaque endroit où je vais, parce quenoussommestouségaux,cen’estpasparceque,jenesaispas,tuasplusd’argent que moi que tu seras mieux que moi, ou moi que toi (Sandra,MPLPeñalolén,24ans).

Finalement,l’idéedela«lutte»peutmobiliserunedimensionantagoniquede la politique, celle que Touraine (1965) caractérise comme nécessaire à laconstructiond’unadversairesocial14:

Nous,ontracasselegouvernement,onletracasse,onletracasse…C’estvraiquec’esteuxquiontlepouvoir,maisnous,onlestracasse.Ilssaventqu’ilsdoivent nous traiter avec un certain respect comme mouvement, commeorganisation.Etmaintenantquenousavonsprisde l’ampleur, encoreplus.Alorsmaintenant,legouvernementnedevraitpaspenserqu’ilvabriserfacile-mentnosrêvesdansnotrepoblación[…]danstoutleChili,parcequ’ilyadespoblacionespartout(Marcelo,MPLPeñalolén,45ans).

C O n C L u S I O n : v E r S u n E E x P é r I E n C E Pa r t I C I Pa t I v E

C O n t E S t a t a I r E C O M Pa t I B L E av E C L a P O L I t I q u E ?

L’analyse des implications politiques que peut avoir la resignification de laparticipation sociale des pobladores nous permet maintenant de situer leur

13. Lesconsignesmisesdel’avanttellesque:«Viveceuxetcellesquiluttent»,«Ceuxquiluttentgagnent»,«Notrelutteestplusgrandequ’unemaison»,etc.,sonttrèsillustrativesàcetégard.Lesnomsdesorganisationssoulignentaussicettedimension:«Mouvementdespobladoresenlutte»,comité«Lutteetlogement»,«Chilichemineenluttantdémocratiquement»,outoutsimplement«Lutter»,parmid’autres.

14. Étant donné la fragmentation du mouvement et l’absence d’un principe de conflictualitécentral,l’adversaireestsituéparlemouvementauxseinsdedifférentesinstancesetfigures,commecommenousl’avonsaussivudansdesextraitsprécédents:«lespuissants»,«eux»,«laclassepolitique»,«ceuxquigagnentplus»,etc.

NicoLás aNGeLcos, Marie-christiNe doraN 173L’«expérienceparticipative»despobladoresauChili:entrerésistanceauxmodesdegestiondelapauvretéetnouvellesformesdepolitisation

expérienceparticipativeparrapportauxprésupposésdelalittérature,examinésaudébutdecetarticle,autourdel’apathie,ladépolitisationouladésaffectionpolitiquedelasociétéchiliennepostdictature,notammentdanslessegmentslesplusjeunesetlespluspauvres(Angelcos,2010,2011).Revendiquer,aucontraire,laparticipationcontestatairedespobladoresparrapportauxpolitiquesd’inté-gration définies par l’État chiliennous a permis demontrer comment l’éloi-gnementdecesderniersparrapportaupolitiqueestrelatifdanslamesureoùil représente laconstructiond’uneactionpolitiqueopposéeà laparticipation«desbénéficiaires»,attendueparl’État.Grâceàlaprisedepositionquiémergedelaparticipationcontestantlespolitiquesd’intégrationdéveloppéesparl’Étatchilienetlamiseencirculationdenouvellesreprésentationsducollectif,laluttedespobladoresauChilidevientuneluttepourunespacesocialetpolitiquedanslasociétéchilienne,

Cequenouspouvonsobserverdansl’analysedessignifiantspermettantuneidentificationcollectivedanslesentrevuesconstitueenfaitlapossibilitépourl’expérienceparticipativedespobladoresd’instaurerunvéritableconflit social,impliquantlapossibilitéd’une«placedesujet»,d’uneinteractionaveclesautresacteurssociauxetpolitiquesautourd’uneviséedetransformationsociale.Commedenombreuxcasopposantdesformesdeparticipationcontes-tatairesauxpolitiquesdel’ÉtatenAmériquelatine,lecasdespobladoresnousplacefaceàdesdynamiquessocialesoùdesconflitstententdeseconstituer,maisfontfaceàl’obstructionsystématiquedegouvernementsquirépondentpar la répression ou, récemment, par la légalisation de nouvelles disposi-tionsvisantàcriminaliserl’actioncollective(Doran,2012).Ainsi,malgrélestransformations de l’expérience participative des pobladores, cette dernièredemeuremarquéeparunegrandeillégitimité.Pourtant,enplusdel’existenced’unetransformationdesorientationsculturellesetdelavisiond’une«autrepoblación», qui transforme l’horizon individuel de la pauvreté et la visionnégative des secteurs pauvres considérés comme «violents ou apathiques»,lespobladores chiliens disputent le sens de la démocratie et d’un véritableaccèsàlacitoyenneté(Marques-Pereira:2005a).Encesens,despashistori-quesontétéfranchisaveclacréationd’instancesdecoordinationnationale(Fédérationnationaledespobladores,crééesuiteautremblementdeterredu27 février 2010, regroupant des instances locales, régionales et nationales)etlatenuedecongrèsetforumsdediscussionayantfavorisélacréationdeprojetspopulairesnationaux,quivontbienau-delàdelasimpledemandedelogement.Ainsi,onavunaîtreen2010lepremierpartipolitiquepopulaireissu de diverses organisations depobladores, le Parti IgualdadHerramienta

174 LieN sociaL et poLitiques, No 71La participatioN sociaLe et poLitique au quotidieN

de lospueblos15. Issudumouvementdepobladores, lePartiÉgalitéchercheà convoquer une grande partie de la société chilienne, et à devenir l’outilréférentiel pour les organisations anticapitalistes qui peuplent le panoramade la gauche chilienne non traditionnelle. Ce faisant, les organisations depobladores proposent d’étendre leur expérience participative particulière etl’horizonnormatifqu’elleconstruitàunprojetpolitiquepermettantuneparti-cipationencoreplusvaste,commeonlevoitdanscetextraitd’entrevue,quirésume l’oppositionprofondedespobladoresorganisésauxpolitiquesassis-tantialistesaunomdel’égalitédetousetdel’égalitédesdroits:

Ici,nousluttonspourquelquechosequipeutsemblerunpeucontradictoire:le Parti de l’Égalité, mais je crois que les choses doivent être gagnées demanièreégale,mêmesil’Étataledevoirderépartirlegâteauenpartségales,nous devons lutter pour cela, et nous, je crois que nous sommes en lutte,nousn’attendonspasquelegouvernementnousfassedescadeaux,maisaucontraire,noussommesconscientsqu’ilyadesdroitslégitimesauxquelsnousavonsdroitetnouscroyonsquel’État,ouentoutcasuncertainsecteur,estégoïsteàceniveau(Marcelo,MPLPeñalolén,45ans).

Cettedémarchesevoitencoreapprofondieparuneultimeétapedansl’expé-rienceparticipativedespobladoreschiliens,celledelapropositiond’une«voiepopulaire à l’assemblée constituante» (Movimiento de Pobladores en Lucha,2011a, 2011b,2012 ) qui s’inscrit commeunprojet venu «d’enbas», dans lecontexte de l’intense débat actuel ayant lieu au Chili autour de l’idée d’uneassembléeconstituantevisantàremplacer,unefoispourtoutes,laConstitutionde1980,promulguéeendictatureettransféréelorsdelatransitiondémocra-tique.Projetcollectifoùlesdifférentesforcessociales,nonseulementlespluspauvres, sont appelées à délibérer autour d’une nouvelle constitution, cette«voiepopulaireàl’Assembléeconstituante»montrelaprésenced’unimaginairepolitique«oùsejouentdesformesderepolitisationpopulaires»(Cabanes,2009:265)capablesdecontribueràl’approfondissementdeladémocratie.

r é S u M é | a B s t r a c t

Cetarticlecomporteuneanalysedel’«expérienceparticipative»développéeparlespobladoreschiliens(habitantsdebidonvillesoudefaubourgs)faceauxmodesdegestiondelapauvretémobilisésparl’État.L’hypothèsequenousvoudrionsdémon-trerestque l’implantationdes stratégiesde luttecontre lapauvreté,àpartirdesannéesquatre-vingtauChili,aétésuivied’uneparticipationcontestatairedelapart

15. LeParti Igualdad (Égalité)estnéde l’articulationpolitiquedetroisorganisationsdepobla-dores:MovimientodePobladoresenLucha,MovimientodelPuebloSinTechoetAndhaChileALucharDemocrático.Depuis2012,lePartiIgualdadauneexistencelégaledanshuitrégionsdupays(deuxrégionsontétélégaliséesen2013),cequiluipermetdedisputerélectoralementlaprésidencedupays.

NicoLás aNGeLcos, Marie-christiNe doraN 175L’«expérienceparticipative»despobladoresauChili:entrerésistanceauxmodesdegestiondelapauvretéetnouvellesformesdepolitisation

dessecteurspopulaires,notammentparrapportauxorientationsindividualistesquisoutiennentlemodèlepolitiquechilien.Cetypedeparticipationpeutconformerlabasedesnouvellesformesdepolitisationdumouvementdespobladores.

This paper offers an analysis of the “participatory experience” of Chilean pobla-dores (slum dwellers) faced with the methods of managing poverty applied by the State. It is our hypothesis that the implementation of strategies to fight against poverty, beginning in the 1980s in Chile, led to antigovernment protests by people from working class areas, in particular against the individualist orientations that underlay the Chilean political model. This type of engagement can consolidate the base of the new forms of politicization of the pobladores movement.

r é F é r E n C E S B I B L I O g r a P H I q u E S

ANGELCOS, Nicolás. 2010. «La estructuración de la subjetividad popular y elproblemadelapolítica»,Revista de psicología, 19,2:55-78.

ANGELCOS, Nicolás. 2011. «Elementos para una crítica de la despolitización enChile»,Observatorio de juventud, 29:69-84.

ARANDA,CarolaetJuanCarlosCUEVAS.2008.«Tercerapersonaplural:lajuventudinvisible»,Observatorio de Juventud, 5,18:53-63.

BACQUE,Marie-Hélène,etREY,Henry.2005.«Introduction.Ladémocratiepartici-pative,unnouveauparadigmedel’actionpublique?»,La Découverte «Recher-ches»:9-46.

BAYART,J.F,MBEMBE,A.etTOULABOR,C.1992.Le politique par le bas en Afrique noire : Contribution à une problématique de la démocratie, Paris, Karthala,Collection«LesAfriques».

BERTAUX,Daniel.2005.Los relatos de vida. Perspectiva etnosociológica,Barcelona,Bellaterra.

BHERER,Laurence.2006.«Ladémocratieparticipativeetlaqualificationcitoyenne:àlafrontièredelasociétécivileetdel’État»,Nouvelles pratiques sociales,18,2:24-38.

BLONDIAUX,Loïc.2001.«Démocratielocaleetparticipationcitoyenne:lapromesseetlepiège»,Mouvements,5,18:44-51.DOI:10.3917/mouv.018.0044

BOENINGER, Edgardo, «Governance and Development: Issues and Constraints»,Proceedings of the World Bank Annual Conference on Development Economics,Washington,1992.

CABANES,Roberto.2009.«Espaceprivé,actionassociative, trafic.DesmodesderepolitisationdelasociétéurbainedeSaoPaulo»,DansNatachaBORGEAUD-GARCIANDÍA, Bruno LAUTIER, Ricardo PEÑAFIEL et Ania TIZZIANI (dir.).Penser le politique en Amérique latine. La recréation des espaces et des formes du politique.Paris,Karthala:19-37.

CAMPERO,Guillermo.1987.Entre la sobrevivencia y la acción política : las organi-zaciones de pobladores en Santiago,SantiagoduChili,ILET.

CARRUTHERS,David etPatriciaRODRIGUEZ. 2009. «MapucheProtest, Environ-mentalConflictandSocialMovementLinkageinChile»,Third World Quaterly,30,5.

CASTEL,Robert.2009.La montée des incertitudes. Paris,ÉditionsduSeuil.CASTILLO,MaríaJoséetRodrigoHIDALGO(eds.).2007.1906/2006. Cien años de

política de vivienda en Chile.SantiagoduChili,UNAB.

176 LieN sociaL et poLitiques, No 71La participatioN sociaLe et poLitique au quotidieN

CASTILLO,MaríaJosé.2011.«Producciónygestiónhabitacionaldelospobladores.LaautogestióndeviviendaenPeñalolényLaPintana,SantiagodeChile»,XII NAERUS CONFERENCE.Madrid,NetworkAssociationEuropeennedeRecher-chesUrbainespourleSud.

DABÈNE,Olivier,GEISSER,Vincent,MASSARDIER,Gilles. 2008. «La démocrati-sationcontre ladémocratie?»,Autoritarismes démocratiques et démocraties autoritaires du XXIème siècle. Convergences Nord-Sud, Paris, Éditions LaDécouverte,7-26.

DESINGLY,François.2008.«Leprocessusd’individualisation:uneétape,l’entréedans l’adolescence», dans Claude CALAME (dir.). Identités de l’individu contemporain.Paris,EditionsTextuel.

DORAN, Marie-Christine, 2000. «La palabra soberana: los pobladores chilenosfrentealapolítica»,Versiones. Estudios de Comunicación y Política, IV,10,oct.:p.287-332.

DORAN,Marie-Christine,2010.«Leseffetspolitiquesdesluttescontrel’impunitéauChili:delarevitalisationdel’actioncollectiveàladémocratisation»,Revue internationale de Politique comparée,17,2:103-126.

DORAN, Marie-Christine, 2012.«Violence, victimisation et État sécuritaire: unenouvelle légitimationpour laviolenced’État?»,Cahiers des imaginaires, 7,10:34-53.

DUBET,François.1995.Sociologie de l’expérience. Paris,ÉditionsduSeuil.DUBET,François,EugenioTIRONI,VicenteESPINOZA,etEduardoVALENZUELA.

1989.Pobladores. Luttes sociales et démocratie au Chili.Paris,L’Harmattan.ESPINOZA,Vicente.1988.Para una historia de los pobres de la ciudad.Santiago

duChili,SUR.FREI,Eduardo.1995.Mensaje presidencial.SantiagoduChili.GERTER, Diego et Catalina RAMOS. s.d. Movimiento estudiantil en Chile : una

respuesta a la carencia de Estado.www.alaic.net.Pageconsultéele10octobre2012.

IGLESIAS,Mónica.2011a.Rompiendo el cerco. El movimiento de pobladores contra la dictadura.SantiagoduChili,RadioUniversidaddeChile.

IGLESIAS,Mónica.2011b.«Chile2010.Increscendo.Informedecoyunturasobreconflictosocial»,Observatorio Social de América Latina, XII,29:43-80.

JOUINEAU,Sophie.1998.«Chili:lesélectionsparlementairesde1997»,Problèmes d’Amérique latine,31,oct.-déc.:87-107.

JOIGNANT, Alfredo. 2005. «La politique des ‘’transitologues’’: Luttes politiques,enjeux théoriques et disputes intellectuelles au cours de la transitionchilienneà ladémocratie»,Politique et Sociétés,24,2-3:33-59.

LACLAU,Ernesto.1990.New Reflections in the Revolution of our Time.LondonetNewYork,Verso.

LACLAU, Ernesto. 2000. La guerre des identités. Grammaire de l’émancipation.Paris,M.A.U.S.S./LaDécouverte.

LACLAU,Ernesto.2010.La razón populista.BuenosAires,FCE.LAUTIER, Bruno. 2009. «Gouvernement moral des pauvres et dépolitisation des

politiques publiques en Amérique Latine». Dans Natacha BORGEAUD-GARCIANDÍA, Bruno LAUTIER, Ricardo PEÑAFIEL et Ania TIZZIANI (dir.).Penser le politique en Amérique latine. La recréation des espaces et des formes du politique.Paris,Karthala:19-37.

NicoLás aNGeLcos, Marie-christiNe doraN 177L’«expérienceparticipative»despobladoresauChili:entrerésistanceauxmodesdegestiondelapauvretéetnouvellesformesdepolitisation

LEBONNIEC,Fabien.2003.«Étatdedroitetdroitsindigènesdanslecontexted’unepost-dictature:portraitdelacriminalisationdumouvementmapuchedansunChilidémocratique»,Amnis[Enligne],3|2003,http://amnis.revues.org/500.Pageconsultéele29avril2014.

LECHNER,Norbert.2002.Las sombras del mañana : la dimensión subjetiva de la política.SantiagoduChili,LOM.

MADRID, Sebastián. 2005. «¿Políticos de ayer, apáticos de hoy? Generaciones,juventud y política en Chile», dans Claudio FUENTES et Andrés VILLAR(dir.).Voto ciudadano. Debate sobre la inscripción electoral.SantiagoduChili,FLACSO:45-84.

MARQUES-PEREIRA,Bérengère.2005a.«LeChili:unedémocratiedequalitépourles femmes?»Politique et Sociétés,24,2-3:147–169.

MARQUES-PEREIRA, Bérengère. 2005. «Représentation et participation politiquedesfemmesauChili:unedémocratisationdequalité?»,Cahiers du GELA-IS,5:5-19.

MATHIVET,CharlotteetClaudioPULGAR.2010.«Elmovimientodepobladoresenlucha,Santiago,Chile».DansAnaSUGRANYESetCharlotteMATHIVET(dir.)Ciudades para todos. Por el derechos a la ciudad, propuestas y experiencias.SantiagoduChili,HabitatInternationalCoalition.

MAYOL,Alberto,CarlaAZÓCARetCarlaBREGA.2011.El clivaje público/privado : horizonte último del impacto del movimiento estudiantil en Chile 2011.www.albertomayol.cl.Pageconsultéele05septembre2012.

MINISTERIODEDESARROLLOSOCIAL. (s.d.).Antecedentes históricos de la FPS.www.fichadeproteccionsocial.gob.cl.Pageconsultéele19avril2012.

MINISTERIODEDESARROLLOSOCIAL.s.d.Encuesta CASEN. Definiciones.http://www.ministeriodesarrollosocial.gob.cl/casen/definiciones/vivienda.html, Pageconsultéele04avril2012.

MOULIAN,Tomás.2004.«ElChileactualsegúnTómasMoulián.»,entrevueàJaimePenela López, mars 2004, http://www.ubv.se/chile/Espanol/es_democracia_moulian.html

MOVIMIENTODEPOBLADORESENLUCHA.2010.Lucha, autogestión y educación popular.SantiagoduChili,UnidaddePensamientoPoblacional.

MOVIMIENTODEPOBLADORESENLUCHA.2011a.Revista Otra,SantiagoduChili,Quimantú.

MOVIMIENTODEPOBLADORESENLUCHA. 2011b. Siete y cuatro. El retorno de los pobladores. Lucha, vivienda, autogestión habitacional y poder popular en Santiago de Chile. SantiagoduChili,Quimantú.

MOVIMIENTODEPOBLADORESENLUCHA.2012.Revista Otra,SantiagoduChili,Quimantú.

NUEVA CONSTITUCIÓN DE LA REPÚBLICA DE CHILE. 1980. Santiago du Chili,EditorajurídicaPubliley.

OXHORN, Philip. 1995. Organizing Civil Society : The Popular Sectors and the Struggle for Democracy in Chile, University Park, The Pennsylvania StateUniversityPress.

PEÑAFIEL, Ricardo, 2008, «L’événement discursif paupériste, lutte contre lapauvreté et redéfinition du politique en Amérique latine: Chili, Mexique,Venezuela (1910-2006)», thèse de doctorat, Faculté de Science politique et

178 LieN sociaL et poLitiques, No 71La participatioN sociaLe et poLitique au quotidieN

dedroit,UniversitéduQuébecàMontréal,2008:Réseaueuropéend’analysedes sociétés politiques REASOPO, http://www.fasopo.org/reasopo/jr/these_penafiel_vol1.pdf

POBLAR,MOVIMIENTODEPOBLADORESENLUCHA.2011.La vía popular y de los pueblos a la constituyente.SantiagoduChili,Quimantú.

PROGRAMME DES NATIONS UNIES POUR LE DEVELOPPEMENT. 1998. Informe de desarrollo humano : las paradojas de la modernización.SantiagoduChili,UNDP.

PROGRAMMEDESNATIONSUNIESPOURLEDEVELOPPEMENT.2002. Desarrollo humano en Chile. Nosotros los chilenos : un desafío cultural.SantiagoduChili,UNDP.

TIRONI, Eugenio etAGüERo, Felipe. 1999. «Chili: quel avenir pour le nouveaupaysagepolitique»,Problèmes d’Amérique latine,35,oct.-déc.:66-77.

TOURAINE,Alain.1965.Sociologie de l’action.Paris,EditionsduSeuil.TOURAINE,Alain.1973.Production de la société.Paris,EditionsduSeuil.TOURAINE,Alain.1992.Critique de la modernité.Paris,Fayard.VERAGAJARDOA.2008.«Lesdiscoursdegenredanslacampagneprésidentielle

deMichelleBachelet:unecritiqueféministe»,Raisons politiques,31,3:2008.