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206 L‘ ìdée des écomasées sYmpZunte en Saède Kjell Engström en 1929. Études de zoologie, de botanique et de géographie à l’université de Stockholm. Ph.D. de zoologie. Enseignement de la zoologieà l’université de 1957 à 1965. Directeur du Département public du Musée suédois de sciences naturelles (adminis- tration, expositions et Education) en 1965. Secré- taire de la Société suédoise pour la protection de la nature et rédacteur de sa revue pendant les années 1950. Président du Comité national suédois de I’ICOM de 1975 11981. Depuis 1980, président du Comité international pour les musées de sciences naturelles. Membre du Conseil exécutif de I‘ICOM depuis 1983. Responsable de la planification d’un Musée de la montagne et de la culture sameh à Jokkmokk. Le développement de la muséologie en Suède a été extrêmement dynamique au cours des dernières décennies. A la faveur d’un examen du fonctionnement d’insti- tutions muséographiques anciennes, le système de documentation de ces institu- tions a été analysé et rationalisé, leur matériel de présentation a fait l’objet de discussions approfondies et d’un effort de renouvellement, et leur rôle dans la société a été largement débattu. Ainsi, l’intérêt du public pour la muséographie s’est développé et ce phénomène, dont témoigne en partie l’augmentation du nombre des visites constatée dans tout le pays, a entraîné par ailleurs la création de beaucoup de nouveaux musées spécialisés dans des domaines précis, notamment la forêt, le jouet, l’automobile, l’aviation et l’archipel côtier. La notion d9écomasée est également devenue d’actualité dans le cadre de la planification des nouveaux musées sué- dois, malgré la grande incertitude qui règne dans nos esprits et qui entoure la définition même de cette notion. Ce thème a été discuté à l’occasion de nom- breux congrès et conférences au cours des dernières années et l’on a tout juste réussi 1. Des extraits des conclusions du congrès ont été publiés dans un numéro spécial de hlureum intitulé ((Musées et environnement D, vol. XXV, no 1/2, 1973. L’auteur du présent article avait rédigé I’éditorial de ce numéro. à s’entendre sur quelques définitions simples. Les caractéristiques de Z ’écomusée Ma propre conception de l’écomusée est issue des discussions qui ont eu lieu au congrès << Musées et environnement )> tenu à Bordeaux, Istres, Lourmarin et Paris en 1972*. C’est lors de ces rencon- tres qu’ont été examinés et formulés pour la première fois au niveau international les principes de base de l’écomusée. Je voudrais à présent résumer briève- ment ces échanges de vues et récapituler les données d’expériences recueillies à la faveur des premières réalisations faites dans ce domaine. La notion d’écologie revêt une impor- tance fondamentale. Le mot lui-même, dérivé du mot grec oihos (l’habitat ou le milieu), a été forgé initialement par le biologiste allemand Haeckel en 1878 pour désigner l’étude des rapports des organismes vivants avec leur environne- ment. Dès les premières discussions con- sacrées aux caractéristiques des écomu- sées, l’un des principes de base qui ont été définis a été l’impératif de concevoir les musées d’un point de vue écologique et de s’assurer qu’ils reflètent le dévelop- pement de la vie culturelle et économi- que d’une région, en liaison avec les 18 VÄSTERBOTTENS MUSEUM, Umeb. Lors d’une exposition permanente, en 1975, carte montrant comment l’implantation d’usines sidérurgiques influence l’économie de la région. Cette photo a été publiée pour !a première fois avec l’article de Per- Uno Agren intitulé a Le réaménagement du Musée régional de Västerbotten, Umeå )>, dans Museum, vol XXVII, no 3, 1976.

L‘ idée des écomusées s'implante en Suède

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L‘ ìdée des écomasées sYmpZunte en Saède

Kjell Engström

Né en 1929. Études de zoologie, de botanique et de géographie à l’université de Stockholm. Ph.D. de zoologie. Enseignement de la zoologieà l’université de 1957 à 1965. Directeur du Département public du Musée suédois de sciences naturelles (adminis- tration, expositions et Education) en 1965. Secré- taire de la Société suédoise pour la protection de la nature et rédacteur de sa revue pendant les années 1950. Président du Comité national suédois de I’ICOM de 1975 11981. Depuis 1980, président du Comité international pour les musées de sciences naturelles. Membre du Conseil exécutif de I‘ICOM depuis 1983. Responsable de la planification d’un Musée de la montagne et de la culture sameh à Jokkmokk.

Le développement de la muséologie en Suède a été extrêmement dynamique au cours des dernières décennies. A la faveur d’un examen du fonctionnement d’insti- tutions muséographiques anciennes, le système de documentation de ces institu- tions a été analysé et rationalisé, leur matériel de présentation a fait l’objet de discussions approfondies et d’un effort de renouvellement, et leur rôle dans la société a été largement débattu. Ainsi, l’intérêt du public pour la muséographie s’est développé et ce phénomène, dont témoigne en partie l’augmentation du nombre des visites constatée dans tout le pays, a entraîné par ailleurs la création de beaucoup de nouveaux musées spécialisés dans des domaines précis, notamment la forêt, le jouet, l’automobile, l’aviation et l’archipel côtier.

La notion d9écomasée est également devenue d’actualité dans le cadre de la planification des nouveaux musées sué- dois, malgré la grande incertitude qui règne dans nos esprits et qui entoure la définition même de cette notion. Ce thème a été discuté à l’occasion de nom- breux congrès et conférences au cours des dernières années et l’on a tout juste réussi

1. Des extraits des conclusions du congrès ont été publiés dans un numéro spécial de hlureum intitulé ((Musées et environnement D, vol. XXV, no 1/2, 1973. L’auteur du présent article avait rédigé I’éditorial de ce numéro.

à s’entendre sur quelques définitions simples.

Les caractéristiques de Z ’écomusée

Ma propre conception de l’écomusée est issue des discussions qui ont eu lieu au congrès << Musées et environnement )> tenu à Bordeaux, Istres, Lourmarin et Paris en 1972*. C’est lors de ces rencon- tres qu’ont été examinés et formulés pour la première fois au niveau international les principes de base de l’écomusée.

Je voudrais à présent résumer briève- ment ces échanges de vues et récapituler les données d’expériences recueillies à la faveur des premières réalisations faites dans ce domaine.

La notion d’écologie revêt une impor- tance fondamentale. Le mot lui-même, dérivé du mot grec oihos (l’habitat ou le milieu), a été forgé initialement par le biologiste allemand Haeckel en 1878 pour désigner l’étude des rapports des organismes vivants avec leur environne- ment. Dès les premières discussions con- sacrées aux caractéristiques des écomu- sées, l’un des principes de base qui ont été définis a été l’impératif de concevoir les musées d’un point de vue écologique et de s’assurer qu’ils reflètent le dévelop- pement de la vie culturelle et économi- que d’une région, en liaison avec les

18 VÄSTERBOTTENS MUSEUM, Umeb. Lors d’une exposition permanente, en 1975, carte montrant comment l’implantation d’usines sidérurgiques influence l’économie de la région. Cette photo a été publiée pour !a première fois avec l’article de Per- Uno Agren intitulé a Le réaménagement du Musée régional de Västerbotten, Umeå )>, dans Museum, vol XXVII, no 3 , 1976.

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conditions et les limites déterminées par le contexte naturel propre à cette région.

La nécessité d’une pluridisciplinarité résulte de cette approche écologique. La mise en evidence et la description de l’interaction des conditions naturelles et de l’évolution technique, économique et culturelle doivent faire appel à plusieurs disciplines scientifiques. Ainsi, l’écomu- sée échappe à la classification par matiè- res traditionnellement observée dans le domaine de la muséologie, puisque l’intégration de plusieurs de ces matières constitue précisement sa caractéristique.

Autre principe important : l’affirma- tion du caractère régional de I’institu- tion. En l’occurrence, la région n’est pas a prion’ une zone définie par des limites administratives ou juridiques, sauf si ces limites coïncident avec celles d’une aire qui forme un tout en raison de l’homogé- néité des traditions, du cadre naturel ou de la vie économique-une région minière, une vallée fluviale, une zone agricole, une zone industrielle, par exem- ple. De plus la notion d’écomusée ne sau- rait être limitée au bâtiment, implanté dans un lieu précis, qui abrite celui-ci, mais devrait plutôt être étendue à un ensemble d’unités qui concourent à la même fin et qui sont réparties en fonc- tion des centres d’intérêt dudit musée.

Enfin-et ce principe s’impose de façon particulièrement impérative - la conception d’un écomusée ne saurait simplement être le fait d’une institution centrale et se concrétiser sous la forme de bâtiments destinés à abriter des rencon- tres entre spécialistes, des expositions et des activités éducatives. L’écomusée doit être réalisé en collaboration avec la popu-

lation et résulter du désir de celle-ci d’explorer, de documenter et de faire comprendre sa propre évolution. I1 doit avoir un Q ancrage >> dans la population et être conçu de manière qu’elle puisse influer sur le développement de l’institu- tion. A cet égard, ce ne sont pas la forme et l’organisation du musée qui’comptent le plus, mais le choix des orientations : il s’agit d’amener la population à s’intéres- ser à sa région et à sa culture, et par là même de lui conférer une responsabilité accrue quant à son avenir. Une telle approche doit également permettre de développer le désir de faire connaltre la région au monde extérieur.

I1 n’existe pas en Suède de musée qui remplisse pleinement cette fonction, bien que toute une gamme de musées et institutions voisines répondent dans une certaine mesure aux principes énoncés.

Ainsi le musée de plein air créé par Arthur Hazellius dans le parc de Skansen à Stockholm a joué un grand rôle dans l’élaboration des idées qui sont à l’ori- gine des premières définitions de I’éco- musée formulées par Georges Henri Rivière2. Le but essentiel du musée de plein air est de rassembler, en un lieu facilement accessible, des constructions d’origines et d’époques différentes et de les doter d’un environnement qui évoque leur milieu initial. A cela s’ajoutent fré- quemment des activités liées àl’artisanat, à l’agriculture, à l’utilisation de diverses techniques anciennes ; ces activités visent à donner une image globale d’une épo- que déterminée et des conditions de vie

ans d’existence D, dans Aïuseum, vol. XXXIV, no 3, 1983, p. 173-178.

2. Voir u Skansen : le bilan de quatre-vingt-dix

- . . _ _

17 Organigramme du projet du Musée sameh.

r I

I l I

20 Exposition itinérante consacrée au Musée régional de Vhterbotten, musée provincial pour l’histoire et la culture locales.

21 JÄMTLAND LÄNS MUSEUM, Ostersund. Maison d’été et étable-laiterie dans un vieux village qui fait partie de ce musée de plein air consacré à la culture sameh. Quatorze musées régionaux ou locaux sont décrits dans Museum, vol. X, no 3, 1757, dans lequel cette photo a été publiée pour la première fois.

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208 KjeL Enaström

correspondantes, mais sont axées essen- tiellement sur des observations ethnolo- giques et sur les traditions populaires. Un grand nombre de musées de plein air de ce genre ont été créés au xxe siècle en Suède, la plupart du temps à l’initiative d’une association locale. L’exposition dont le thème est l’habitat est complétée en règle générale par une documentation sur le travail du bois, la fabrication de tex- tiles, les techniques agricoles, les tradi- tions artisanales, la musique, la danse, les contes populaires, etc.

Ces musées de plein air s’avèrent donc très proches, à de nombreux égards, de l’écomusée. Toutefois, en règle générale, on n’y constate pas l’existence d’un lien avec le thème de l’écologie et du souci d’intégration des disciplines, non plus qu’avec l’évolution sociale actuelle ; en outre, ils ont d’ordinaire un caractère extrêmement local. Plusieurs grands musées provinciaux présentent des carac- téristiques similaires, et l’effort de re- nouveau entrepris aujourd’hui dans quelques-unes de ces institutions est fré- quemment orienté vers des formes d’acti- vité qui sont proches de celle d’un écomusée.

Certains projets de musées présentés récemment au public vont aussi dans ce sens. On peut voir là une adaptation au tourisme automobile de notre époque et aux longs déplacements qu’il autorise. Le principe consiste essentiellement à utili- ser une seule et même installation pour présenter l’histoire économique de toute une région, notamment sous la forme d’évocations industrielles, de présenta- tions architecturales et de reconstitutions d’ambiances culturelles. Bien que le

terme Q écomusée )> ait été employé pour désigner ce type d’aménagement, on y remarque en fait l’absence de lien avec I’écologie, d’intégration des disciplines et d’une participation décisive de la population à I’élaboration du projet ; aussi doit-on classer les institutions de ce genre parmi les musées historico-indus- triels ou ((musées fragmentés )>, dont celui d’Ironbridge, au Royaume-Uni, constitue un exemple remarquables.

Une autre activité traditionnelle mérite mention dans ce cadre, bien qu’elle ne relève pas de la muséologie proprement dite. I1 existe en Suède un vaste réseau de groupes d’étude auxquels les associations locales sont très fréquem- ment rattachées. Ainsi, par le biais des cercles d’étude de l’histoire locale, nom- bre d’excellents travaux ont permis au public d’acquérir des connaissances approfondies sur sa propre histoire et sur celle de son pays natal. Les études de ce genre renforcent l’intérêt manifesté pour l’évolution de la société, mais c’est seule- ment dans une mesure limitée qu’elles suscitent des travaux proprement muséo- graphiques, avec collecte de matériaux relatifs à la tradition, de connaissances, d’objets et de documents rassemblés et préservés par la collectivité.

Enfin, il existe aussi en Suède nombre de musées et d’activités connexes dont le principe rejoint à de nombreux égards la notion d’écomusée, et c’est probable- ment la raison pour laquelle cette notion n’est pas encore vraiment implantée dans le pays. Peut-être les écomusées se sont-ils surtout développés en France àcause de la plus grande rigueur de classification par disciplines qui caractérise les musées dans

ce pays, sans négliger l’apparition d’un type nouveau d’évolution, découlant des recherches poursuivies dans les années 1970, dans le domaine du déploiement de l’activité muséographique.

Un nouvemx musée sur de modèZe de Z’écomusée

Depuis 1980 se développe la conception d’un musée s’inspirant de la notion d’écomusée. La tentative remonte au début des années 1970, époque où a été lancé un projet de création d’un Musée des parcs nationaux appelé à servir d’introduction àla visite des grands parcs nationaux situés dans la région monta- gneuse de la Laponie. Ce musée devait être créé à Jokkmokk, commune regrou- pant certains des plus grands parcs natio- naux. Bien que le projet n’ait pas été réa- lisé à l’époque, il a connu un regain d’actualité vers la fin des années 1970. Les pouvoirs publics ayant alors entrepris de mettre un terme au développement des ressources hydrauliques, la menace d’un chômage généralisé est apparue dans cette région ; aussi ai-je été chargé, dans ces circonstances nouvelles, d’étu- dier à nouveau la possibilité de créer le musée en question.

Je devais tenir compte de plusieurs considérations fondamentales. Le musée devait faire office de musée ,des parcs nationaux et donc permettre aux visiteurs de s’informer du milieu naturel, de I’évo- lution historique et de la vie économique

3 . Voir l’article de Neil Cossons, fondateur et directeur du musée, u Ironbridge Gorge : le musée dans la vallées, dans Museum, vol. XXXII, no 3 , 1980, p. 138-153.

22 Sctni dans

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de rassc :s 1940.

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L’ idée des komusées s’imblante en Suède 209

23 L’écologie en mutation, défi réel pour le nouveau musée : l’hélicoptère remplace aujourd’hui les chiens pour rassembler les rennes dans la montagne.

des régions considérées. A cet effet une étroite collaboration devait s’instaurer avec les différentes autorités et organisa- tions qui, d’une façon ou d’une autre, s’occupent de tourisme et sont amenées à transmettre au public les informations correspondantes. Le musée devait égale- ment faire office de musée suédois des régions montagneuses, et ceci par le biais d’activités de documentation et d’infor- mation concernant le milieu naturel, l’écologie, la population, la vie écono- mique et la vie culturelle. Au cours des années 1970 est apparue au sein du Con- seil nordique la volonté de créer un musée central sameh pour ces régions situées en Norvège, en Suède et en Fin- lande. Le musée envisagé plus haut pourrait-il remplir sa fonction dans le cadre suédois ? Un élément important à prendre en considération : le musée communal de Jokkmokk abritait déjà une collection composée essentiellement d’objets sameh.

Le musée devait également constituer un centre local d’activités culturelles, ouvert à la population de la région mon- tagneuse environnante. Étant donné qu’une orientation fondée sur ces hypo- thèses conduisait tout naturellement à la notion d’écomusée et à la méthodologie correspondante, je me suis évidemment référé à ce modèle lors de la mise au point définitive du projet.

Le milieu naturel est très particulier, et à de nombreux égards il limite considéra- blement les activités humaines, mais d’autre part la région possède plusieurs de nos principales ressources naturelles, qu’il s’agisse de gisements miniers, d’énergie hydraulique ou de forêts. La délimitation régionale du champ

d’action du musée ne saurait être établie en fonction de limites administratives, mais plutôt de limites qui coïncident avec celles de la zone montagneuse. La popu- lation ayant vécu depuis longtemps dans une dépendance quasi totale à la nature, il est impossible de comprendre la culture apparue dans cette région sans tenir compte du milieu naturel où elle s’est développée.

Dans de nombreuses régions, la popu- lation sameh continue àvivre de la même activité économique principale - l’éle- vage du renne-depuis de nombreux siècles, même si cette activité connaît aujourd’hui une rapide modernisation. L’élevage du renne repose entièrement sur une exploitation équilibrée du milieu naturel, mais il subit actuellement de for- tes pressions; qui résultent des modalités de mise en valeur propres à la société moderne : aménagements hydro-électri- ques, exploitation des mines, installa- tions touristiques, implantation de rési- dences secondaires, extension du réseau routier et autres effets secondaires du développement technologique. L’écono- mie et la culture sameh traditionnelles traversent donc une phase de profonde transformation et l’on ne dispose que d’un temps limité pour rassembler la documentation relative à ce processus. La population sameh explicite la volonté de créer elle-même un musée central voué à sa propre culture et pouvant en outre jouer un rôle important en tant que cen- tre culturel de documentation et d’ac- tivités.

Après plusieurs siècles d’économie fondée sur l’agriculture, la sylviculture, la chasse et la pêche, les moyens de subsis- tance dont dispose la population ont éga-

lement connu une profonde transforma- tion depuis le début du siècle. En effet, une longue période d’aménagement des ressources hydrauliques s’achève à pré- sent, et les habitants de cette région sont confrontés à un chômage important. Les organismes d’éducation populaire et les mouvements locaux se voient donc inves- tis d’une tâche capitale, celle qui consiste à documenter ce processus et à inciter la population à rechercher des solutions aux problèmes actuels.

Un musée qui entend s’engager dans cette voie élargit ainsi son rôle tradition- nel de constitution de collections, de con- servation, de documentation et d’édu- cation. I1 sera également en mesure d’assurer la tâche décisive qui consiste à amener la population d’une région non seulement à percevoir des rapports de causalité dans l’évolution en cours, puis à analyser les conséquences de cette évolu- tion, mais aussi à s’attaquer elle-même à la solution des problèmes qui se posent. Ce champ élargi d’orientations, ainsi que la méthodologie en cours de mise au point, lui confèrent donc un caractère différent qui permet de le qualifier d’écomusée.

L’étude effectuée en 1980-1981 a abouti à un projet d’organisation de musée qui devrait permettre d’atteindre tous les objectifs mentionnés ci-dessus. Après avoir délibéré sur ce sujet, et au terme des discussions entreprises avec les divers partenaires concernés, le gouverne- ment a décidé de créer une institution chargée de construire, puis de gérer le musée projeté. L’État, la commune de Jokkmokk, le Conseil général de la pro- vince de Norrbotten, ainsi que deux orga- nisations sameh, l’Association nationale

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24 De nos jours, les rabatteurs des troupeaux de rennes utilisent la motocyclette.

des Sameh4 de Suède et l’Association <c Same Atnam >>5 participent au finance- ment de cette institution. AJTTE, nom donné à l’institution muséographique, est un mot de la langue sameh qui dési- gne une remise en bois, bâtie sur pilotis, où les ustensiles de ménage, les vête- ments et divers objets utilitaires sont ran- gés pendant la période qui sépare les déplacements d’automne et de prin- temps entre les alpages et la forêt. Les activités du musée doivent faire appel à toutes les formes de documentation : photographies et films, enregistrements sonores de traditions orales et de musi- ques folkloriques, publications et autres documents écrits. Le musée doit égale- ment abriter une activité soutenue de recherche. Une importance particulière est accordée à la section sameh, de façon qu’elle joue le rôle de musée central de cette culture en Suède dans les conditions exposées plus haut‘.

L’organisation administrative du musée doit se conformer au schéma de la figure 2 1. Les expositions permanentes du musée devront intégrer les aspects naturels et historico-culturels dans le cadre d’une présentation thématique consacrée au milieu montagneux et à son climat, aux modalités d’exploitation de la nature par l’homme et à la façon dont les différentes formes de culture se sont développées à chaque époque. Les expo- sitions doivent, de façon claire et simple, amener les visiteurs àvivre le changement survenu au cours des derniers siècles : jadis, la vie de l’homme dans ces régions

dépendait entièrement des conditions naturelles, alors qu’aujourd’hui la nature se trouve assujettie aux conditions impo- sées par l’homme. Ainsi, l’aménagement des ressources hydrauliques, l’exploita- tion forestière, l’exploitation du sous-sol, l’extension du réseau routier, l’introduc- tion d’essences forestières et de variétés de poissons nouvelles ont contribué aux transformations radicales observées au cours des dernières décennies dans ce fra- gile écosystème.

Si le visiteur veut s’écarter du thème majeur, il lui sera possible de s’arrêter dans certaines sections du musée où des collections générales donnent une pré- sentation plus complète que l’exposition thématique. Une salle de lecture, une salle d’étude, et des locaux consacrés à des expositions occasionnelles et à diver- ses activités d’étude complètent l’aména- gement prévu. Les expositions du musée doivent se dérouler non seulement à l’intérieur de l’institution mais aussi à l’extérieur. En collaboration, notam- ment, avec différents groupes et associa- tions d’intérêt local, des expositions plus petites, des restaurations de milieux naturels ou différentes activités locales peuvent être entreprises dans des annexes situées dans un lieu différent de celui du musée proprement dit, mais faisant par- tie intégrante de la mission d’un écomu- Sée. Grâce à toute une gamme d’actions et d’animationprogrammées, de publica- tions et d’expositions, le musée assurera l’information tant de la population de la région que des visiteurs de l’extérieur.

Un petit groupe de personnes travaille à la conception du musée depuis l’été 1983. Tous les plans étant maintenant prêts, la construction a commencé au cours de l’été 1985. L’emménagement est prévu en principe pour le printemps 1987 et l’on espère pouvoir alors présen- ter une partie des expositions et entre- prendre des activités de formation. Mais plusieurs années s’écouleront avant la pleine réalisation de l’ensemble du pro- gramme.

Si nous réussissons à mener à bien le projet conformément ànos intentions, le musée sera vraiment un écomusée ; il sera ainsi appelé àjouer un rôle majeur dans le développement culturel comme dans le développement social en général, et cela non seulement à l’endroit même de son implantation, mais aussi dans la vaste région qui s’étend alentour.

[ Traduit du suédois]

4. Les membres du conseil d’administration sont désignés par les différentes organisations.

3 . Les membres du Conseil sameh sont élus par les organisations sameh. a Sameh D est le nom que se donnent les Lapons dans leur vieille langue finno-ougrienne.

implantation plus large auprès de la population de référence, p a rapport à celle que reflète la composition du conseil d’administration. L’objectif est d’obtenir la participation d’organisations et d’institutions très diverses, notamment de cercles régionaux, d‘associations sameh locales, d’organismes de protection de la nature, d’institutions universitaires, de musées des régions voisines, de représentants des écoles et de responsables de l’instruction populaire.

G . Le musée cherchera 1 réaliser une