La bataille pour l'eau au Pérou

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La bataille pour leau au ProuLintolrable cas de la Mine Yanacocha CajamarcaAu moment o vous lisez cet article, le Comit pour les Droits de lHomme au Prou, regroupant 79 organismes et associations civils, dnonce la campagne dintimidation mene par ltat contre les acteurs de la protestation sociale engags dans la bataille pour leau Cajamarca, au nord du pays. La criminalisation de cette protestation est au service de la Mine Yanacocha, mine dor ciel ouvert sur 260 km, environ 4 000 mtres daltitude, l o naissent les rivires, 48 km de la ville de Cajamarca.Pour avoir une ide plus prcise de laction dvastatrice que cette entreprise a provoque dans la rgion, vous pouvez naviguer travers les images de Google Earth sur le site de Cajamarca. Vous y verrez cinq normes cratres, dont la surface totale est quatre fois plus grande que la ville, de 250 000 habitants.Avant lexploitation de la mine en 1993, le lac Yanacocha et cinq cerros[footnoteRef:1] constituaient un bassin aquifre naturel qui abritait un riche cosystme, lui-mme dpendant de lquilibre de la nappe phratique. Aujourdhui tout cela a disparu. Les montagnes ont t rases et leur place srigent des pyramides de terre rouge en terrasses superposes entourant des cratres jusqu 500 mtres de profondeur. Leau des lacs a t assche soit pour extraire lor du fond des bassins, soit pour utiliser leau dans le processus dobtention de ce minerai. [1: Cerro: petite montagne ou grande colline en espagnol pruvien.]

En outre, Cajamarca, on ne sait plus aujourdhui ce qui est le plus proccupant: les rationnements deau que la ville doit supporter au quotidien ou la consommation deau pollue qui arrive directement dans les foyers. Car la rivire Ro Grande, qui alimentait autrefois la ville de Cajamarca en eau potable, est non seulement arrive aujourdhui son niveau dtiage cause des changements environnementaux provoqus par la mine, mais en plus lentreprise minire y dverse ses eaux acides par quatre gros tuyaux. Cette eau, hautement dangereuse pour la consommation humaine, les cultures et le btail, rejoint en amont les eaux du Rio Porcn et Quengoro, affluents du Ro Grande, pour finir dans le rservoir El Milagro, qui fournit la ville en eau potable.Ces blessures irrversibles faites la Pachamama[footnoteRef:2] la Terre Mre, notre Mre nourricire, ces transformations criminelles des vastes territoires verts et vivants en une norme zone aride et funbre, ont t faites en toute lgalit par la mine aux capitaux nord-amricains et pruviens, avec la complicit de ltat. [2: Pachamama signifie en quechua (langue indigne) la Mre nourricire.]

Un gouvernement comme les autresEn dpit de ses promesses lectorales, lactuel prsident pruvien Ollanta Humala a dcid de se mettre au service de la mine meurtrire. En novembre 2011, il dclara ltat durgence et lenvoi des militaires dans la zone de Cajamarca et Celendn pour mater un soulvement populaire. En effet, les habitants bloqurent les routes en rigeant des barrages et dclarrent la grve gnrale dans toute la rgion. Sen suivirent des manifestations massives contre le Projet Conga (nouveau projet dextension de la Mine Yanacocha). Le recours aux forces armes dans un confit social dune telle envergure, a provoqu la dmission de certain(e)s alli(e)s de gauche au gouvernement, remplac(e)s par des militaires la retraite proches du prsident, lui-mme ancien militaire.Lexcution du Projet Conga vise quatre lacs: deux seront asschs et deux autres utiliss pour les dblais! Pour cela faire, lentreprise compte sur un rapport dimpact environnemental (Estudio de Impacto Ambiental, EIA) approuv pendant le gouvernement de Alan Garca prdcesseur de Humala, gouvernement du parti social-dmocrate pruvien. Dans les conflits sociaux le bilan du gouvernement Garca est de 191 morts pendant la priode 2006-2011. Pour la plus part, ces conflits concernaient lactivit minire et ptrolire au prjudice des populations et de lenvironnement.Or, lactuel gouvernement pruvien nest pas cens tre de droite. En brandissant un programme de gauche nationaliste contre la fille dAlberto Fujimori, le prsident Ollanta Humala a t lu de justesse en deuxime tour en juin 2011. Il faut se souvenir que Alberto Fujimori est aujourdhui en prison pour mga-corruption et disparitions forces dans la dcennie de 1990. Il est aussi responsable de lapplication du plan daustrit sociale et privatisations souhaits par le FMI el la Banque Mondiale.Durant la campagne lectorale, Ollanta Humala avait demand la population de Cajamarca, dj trs oppose la continuit des oprations de la Mine Yanacocha:Quest-ce qui est plus important: leau ou lor? De leau!! Vous ne buvez pas de lor, mais de leau! Je mengage faire respecter la volont des peuples face lactivit minire! Quatre mois aprs les lections, en novembre 2011, lors dun message la Nationaprs avoir dcrt ltat durgence, Humala dclarait: Nous refusons [de choisir entre]les extrmes: de leau ou de lor. Nous prconisons: de leau et de lor. Et face lintention dasschement des quatre lacs pour lextraction dor par lentreprise minire travers le Projet Conga: Le gouvernement garantira lapprovisionnement deau toutes les communauts. Nous exigerons de lentreprise non pas la construction des rservoirs en ciment, mais la construction des lacs modernes avec la plus haute technologie!.Cest peut-tre quOllanta Humala appartient cette gauche latino-amricaine qui croit encore au dveloppement? Le progrs Cajamarca depuis larriv de la Mine Yanacocha a produit la croissance dmographique autant chaotique quexplosive de la ville (90 mille habitants en 1993 et 250 mille en 2011), la disparition du 40% des terres cultivables environnantes, la monte en flche de la dlinquance, la sous-proltarisation des paysans qui migrent tous les jours vers la ville, le dbordement du parc automobile, larrive des grandes surfaces de marque internationale, la massification de la prostitution des filles des nouveaux bidonvilles et laugmentation spectaculaire des taux dalcoolisme. De manire plus gnrale, la population de Cajamarca est passe du rang quatorzime dans le classement de pauvret en 1993 au deuxime rang en 2011.Un peu dhistoire de la Mine YanacochaTout a commenc en 1983, quand le Bureau des Recherches Gologiques et Minires (BRGM), entreprise franaise dtat, dcouvrit et puis obtint le droit dexploitation avec deux autres associs, amricain et pruvien, sur les gisements dor trouvs dans le bassin hydrique de Cajamarca.Par la suite, en 1994, la franaise BRGM se retrouva hors jeu la suite dune truculente affaire commerciale et de corruption juridique, connue en France comme laffaire Yanacocha, sous le gouvernement Mitterrand. cette poque, la classe politique franaise dplora que lor franais senvole. Aprs quoi les anciens partenaires de la BRGM, la Newmont Mining Company (premire entreprise amricaine dexploitation dor) ainsi que la minire Buenaventura (appartenant la puissante famille pruvienne Benavides) en ont tir profit: 51,35% des actifs appartiennent depuis la compagnie amricaine; 43,65% au groupe pruvien et 5% la Banque Mondiale. A prsent, la Mine Yanacocha est la premire en production dor en Amrique du Sud et la deuxime au monde aprs la Grasberg Mine dIndonsie.Lextraction minire au Prou reprsente actuellement 60% des exportations et plus du 40% des recettes de ltat. Ce qui fait que tous les gouvernements sagenouillent devant les grands investisseurs miniers. En janvier 2011, la SNMPE (Socit Nationale de lindustrie minire, ptrolire et nergtique), sest rjoui des rsultats sur le PIB (produit intrieur brut) des vingt dernires annes: une croissance de 260% pour le secteur minier pruvien, presque le double du PIB national (135%) pour la mme priode.En effet, lconomie base sur lextraction de matires premires se poursuit au Prou tout comme il y a plus dun sicle. Elle sest seulement acclre, modernise et change de patrons. Daprs Carlos Monge, chercheur pruvien DESCO, dautres gouvernements latino-amricains de gauche voient en cette industrie le levier fondamental pour le dveloppement, en laissant les intrts des populations et la protection de lenvironnement en deuxime plan. Cest le cas de la Bolivie et lEquateur, qui ont nationalis la rente provenant de lindustrie dextraction de matires premires, ou le Venezuela o lindustrie minire a t tatise. Le modle du dveloppement reste pourtant le mme.Prcisment, le prsident Ollanta Humala dclara en novembre 2011, en plein conflit de la population contre la Mine Yanacocha, que le Projet Conga est important pour le pays car il va permettre la ralisation de la Grande transformation le programme initial cens tre de gauche et linclusion sociale promise au peuple pruvien.Le pari est donc dassurer les grands investissements miniers pour le financement de linclusion sociale. Dit dune autre faon, le flot des dollars de lindustrie minire servira financer des politiques populaires.Les communauts paysannes sous la loi de servitude minireLa concession de 150 000 hectares que ltat pruvien du temps de Fujimori a cds la Mine Yanacocha, est le rsultat de lexpropriation des terres appartenant aux communauts paysannes des Andes. Dj en 2001, dans la revue pruvienne Quehacer (N 130, Lima), lun des fondateurs de la Confdration nationale des communauts affectes par les mines (CONACAMI), Miguel Palacn, dnonait: ltat a reconnu 5 660 communauts dans lensemble du Prou dont 3200 ont leur territoire sous demande de concession minire, 1 100 sont en phase de prospection, 250 en tat dexploitation effective, les autres nayant pas t sondes pour linstant. Des communauts ne sont mme pas informes que leur territoire est sous demande dexploitation minire. Il y a mme des communauts qui se sont retrouves en totalit sous concession.En 1993, pour faciliter le saccage par les multinationales minires, le gouvernement de Fujimori (nolibral populiste) a labor une nouvelle Constitution qui renforce la notion de soumission lintrt public, do a dcoul la loi N 26570, dite Loi de servitude minire. Cette loi na pas t remise en cause par les gouvernements successifs de Paniagua (dmocrate-chrtien), de Toledo (droite librale dmocratique), de Garca (social-dmocrate) ni par lactuel gouvernement de Humala (gauche nationaliste). A ce sujet, Palacn dnonait que dans le cadre de la Constitution antrieure, les terres des communauts taient insaisissables, imprescriptibles et inalinables, on ne pouvait ni les acheter, ni les vendre, ni les hypothquer. La Constitution de 1993 dit quelles sont seulement imprescriptibles, cest--dire que les titres de proprit conservent leur validit. Mais les titres de proprit des communauts sont ensuite soumis la loi de servitude minire.Cette loi prcise que les communauts paysannes ne peuvent pas sopposer lutilisation de leurs terres aux fins dexploitation de la concession accorde par ltat sur le sous-sol. Si elles sopposent, leurs terres sont expropries en raison de lintrt public et payes au prix tabli par une expertise. La loi de servitude minire a servi pour faire pression sur les communauts paysannes qui ont d vendre leurs terres aux prix drisoires de 50 100 nuevos soles (entre 14 28 euros) par hectare.Cest le cas de la communaut San Andrs de Negritos, qui a t dpossde entre 1993 et 1995 de leurs terres, avec la complicit de ltat, par lentreprise Yanacocha. Cette communaut a subi des fusillades en 1990 par des mercenaires au service de la mine, aussi que toute sorte de pressions de la part des fonctionnaires de ltat avant lapplication de la loi de servitude minire. Trois mois aprs lachat frauduleux par une filiale de la compagnie Yanacocha, ces terres furent hypothques dans une banque allemande pour 85 millions de dollars (plus de 64 millions deuros).En 2008, un autre cas flagrant: la communaut paysanne El Tingo, qui sopposait farouchement la vente de ses terres communautaires demande par la minire Coimolache, filiale elle aussi de la Mine Yanacocha, fut menace par lapplication de la loi de servitude minire. En janvier 2010, sous le gouvernement de Alan Garca, la Mine Coimolache obtint la rsolution dexpropriation en sa faveur par le Ministre dnergie et Mines. Les 50 membres de la communaut furent obligs de vendre leurs terres 3000 nuevos soles par hectare (quelques 850 euros), puis dplacs.Les mthodes de lindustrie moderne de lorAujourdhui, les mthodes dexploitation modernes ncessitent de violentes dflagrations, dnormes quantits deau et lutilisation de cyanure pour extraire les minerais. Car dans la rgion de Cajamarca, lor ne se prsente pas en forme de ppites, mais en particules dissmines dans les montagnes et dans le lit des bassins aquifres. La Mine Yanacocha a dj extrait 30 millions donces dor de 1993 au 2011.Chaque tonne et demie de roc et sable remue produit peine un gramme dor. Yanacocha, cela concerne 600 000 tonnes de pierre et terre par jour. Lextraction de ce mtal tant convoit depuis la Conqute ncessite lutilisation de 200 grammes de cyanure pour 3 mtres cubes deau. La Mine Yanacocha est autoris par le gouvernement consommer 900 litres par seconde deau pour la production dor, soit quatre fois la quantit que consomment les 250 000 habitants de Cajamarca.Lactivit de la grande exploitation minire au Prou est justifie par des douteuses tudes dimpact environnemental (EIA), raliss avant par la propre compagnie minire Yanacocha, depuis peu excuts par des experts internationaux pays par ltat. Aussi, dans le but de neutraliser la rvolte, le prsident Humala sest empress de promulguer la Ley de consulta previa, loi par laquelle les peuples concerns par les concessions minires doivent tre consults pralablement. Mais tant lEIA que la Loi de consultation ont t durement rejetes par les associations civiles, les communauts et la population en gnral, car ils nont aucune confiance dans un gouvernement qui a dj privilgi les intrts de la mine.Un des rsidus le plus dangereux de cette activit est le mercure. En juin de lanne 2000, une entreprise sous-traitante a provoqu lcoulement de plus de 150 kilos de mercure de lun des camions de la compagnie, laissant une trane de pollution longue de 27 kilomtres. Depuis cet accident, considr comme le plus grave de lhistoire de lactivit minire au monde, de nombreuses plaintes ont t dposes, sans avoir obtenue de suite, mme aprs la vrification de la prsence de mercure dans les rivires et dans les tuyauteries deau pour la consommation directe. Dautres sinistrs et quelques autorits locales, ont gard le silence aprs un ddommagement montaire extrajudiciaire par lentreprise. Certaines familles trs pauvres ont reu des sommes ridicules tandis que certaines autorits ont accept des arrangements au beau milieu dun pot de vin peine dissimul.En 2004 et seulement aprs une forte pression de la socit civile nationale et internationale, lentreprise a t condamne par la justice pruvienne au paiement de 500 000 nuevos soles (presque 142000 euros) pour cette affaire. Nul argent nest rest dans la rgion affecte, tout a t encaiss par le gouvernement central. De plus, les grants de la Mine Yanacocha furent acquitts par la justice. En contraste, le maire de Choropampa, le district le plus affect, fut condamn trois ans de prison avec sursis en tant que leader des protestations contre la mine dclares illgales.Une longue liste dinstitutions dtat et prives, aussi locales quinternationales, tait au courant de la pollution de sols et rivires, et avaient vrifi que les niveaux des minerais dans leau pour la consommation domestique (arsenic, cyanure, plomb, etc.) dpassaient depuis 1998 les limites permis par des normes sanitaires normes pourtant complaisantes pour les industries dexploitation minire. Le Ministre de la Sant, le Ministre de la Pche et des Mines, lentreprise rgionale deau potable SEDACAJ, la Banque Mondiale toutes ces institutions ont charg des commissions scientifiques mesurer les niveaux de pollution provoqus par la mine, mais ces commissions nont pas communiqu leurs rsultats au grand public et, dans certains cas, des institutions publiques, comme le Ministre de Sant, ont mme pass des accords avec la mine pour ne pas les publier!En fvrier 2001, dix mille truites dlevage du bassin du Ro Llaucano moururent soudainement. Lindignation de la population clata. Des milliers de paysans manifestrent contra la Mine Yanacocha et bloqurent pendant huit jours la principale route daccs la mine. La rpression ne se fit pas attendre: centaines de dtenus, dizaines de blesss, dirigeantes des communauts amens en justice.En 2004, la mairie de Hualgayoc, laquelle sont rattachs des communauts paysannes, commande pour la premire fois une tude environnementale du bassin de la rivire Llaucano. Les rsultats vrifient le rapport entre la haute incidence des maladies apparues dans la population rapports par la Direction Rgional du Ministre de la Sant et le degr de pollution de leau et du sol que la Mine Yanacocha produit ds la naissante de la rivire Llaucano, lieu privilgi par lentreprise pour la dcharge de dblais.Des milliers et milliers de truites ont prit, des centaines dhabitants ainsi que le btail subissent des maladies lis la pollution des sols et des rivires, des enfants naissent avec des dformations congnitales Le prix de leau potable en ville a normment augment, pendant que la Mine Yanacocha ne paye pas un centime pour leau de la source mme du bassin hydrique quelle utilise.La Marche de leau et les mdiasLe 10 fvrier 2012, plus de 2 000 leaders des communauts concernes par laction dvastatrice des puissants groupes miniers, ont converg sur Lima, la capitale pruvienne, venant de toutes les provinces du pays. Dautres 15000 personnes de la capital les ont rejoint lors de lappele Marche pour leau sous les consignes: de lor, NON, de leau, OUI!, ou Il y a de lor, il y a du cuivre, mais le peuple est toujours pauvre!, ou bien encore Conga ne passerapas!. Cette manifestation marque le dbut de la prise de conscience nationale pour la prparation dune lutte majeure: celle de lauto-dtermination et lautogestion des ressources naturelles que ni le capitalisme ultralibral ni les gouvernements, quils soient de gauche ou de droite, ne respectent.Mais les mass-mdias ont minimis cette manifestation et pour locculter davantage ont diffus presqu lunanimit la capture du camarade Artmio, dernier chef du Sentier Lumineux dans le Alto-Huallaga en Amazonie. Dailleurs, au moment de sa capture, il tait la solde des narcotrafiquants et ce groupuscule ne reprsentait plus aucun danger de subversion arme.Bien au contraire, le lobby mdiatique pruvien se charge de faire ressusciter de temps autre la peur du terrorisme, surtout lors de conflits entre ltat et la socit civile pour mieux desservir la politique de criminalisation des luttes populaires. Le principal agitateur public contre les mouvements sociaux est le trs influent journal El Comercio, membre dun groupe mdiatique qui dtient aussi deux grandes chaines de tlvision. De tendance conservatrice et proprit de laristocratique famille Mir-Quesada, le presque bicentenaire doyen dAmrique agit aussi en rapporteur privilgi des services de police, fonction seulement concurrenc par El Correo, un journal dextrme droite.Les actions de lutte des communauts paysannes et des organisations civiles CajamarcaLopposition au Projet Conga est lgitime et ncessaire, car la Mine Yanacocha prvoit dasscher dautres bassins hydriques et continuer commettre impunment la dflagration dautres cerros. Ce nest quen 2004 que le rapport des forces a bascul en faveur de la population. Ainsi, des milliers de paysans et villageois occuprent le Cerro Quilish pendant plus dune semaine pour le protger de la prise en charge par la compagnie minire, pour qui cette montagne ne reprsentait pas autre chose que 3,7 millions donces en or. Par cette action directe, la population obligea le gouvernement reconnatre le Cerro Quilish comme un site protg, ce qui ne valait pas dire inalinabilit dfinitive. Mais cest une petite victoire qui encouragea la lutte.Pendant la premire grve gnrale du peuple de Cajamarca en novembre 2011, la police a tir sur les manifestants provoquant des dizaines de blesss, dont les plus graves auront des handicaps vie. Larme prit toute la ville de Cajamarca et les environs avant mme que les dirigeants du mouvement sassoient la table de ngociations avec les reprsentants du gouvernement. Ensuite, ce fut ltat durgence dans plusieurs provinces de la rgion. Plus tard, la police anti-terroriste procda des interpellations illgales. Finalement, tou(te)s les leaders du mouvement furent traduit(e)s devant la justice.Or, ce coup de gueule et soulvement gnral dans la ville de Cajamarca narrive que presque 20 ans aprs la production du premier lingot dor exhib firement lpoque par un Alberto Fujimori devant une presse acquise. Les communauts paysannes mnent pourtant la lutte contre la mine, ses mercenaires, ltat, la police et la justice depuis 1993, quand les premires pressions pour lapplication de la loi de servitude minire sont arrives. Les actions de rsistance des communauts paysannes ont t consignes dans les rapports de police, dans les communiqus des ONG humanitaires, dans les Actes des paroisses et des mairies, dans les feuilles annexes des rapports officiels des ministres et des compagnies minires Mais cest surtout dans la mmoire collective des habitants des Andes que ces luttes garderont une trace indlbile, en faveur de laccumulation dexpriences dans les stratgies de lutte et dalliances. Il y a peu, dans le mois qui court, sept fonctionnaires dune ONG rattache la compagnie minire Yanacocha, furent retenus pendant plusieurs heures par les paysans de la communaut de Chugur. Telle rtention, dcide par trois mille personnes, membres des plusieurs communauts alentour, runies en assemble gnrale durgence, visait dnoncer que les fonctionnaires de Yanacocha menaient dans les territoires communaux une campagne favorable au Projet Conga avec la distribution gratuite des fournitures scolaires. Pour les paysans, cette multinationale promue la division et laffrontement dans les communauts et entre les villages travers de prbendes et de promesses damlioration dinfrastructures dites dintrt social.Comme depuis le dbut, les paysans nont pas flchi dans la lutte. A travers les Assembles Gnrales des communauts paysannes et les Fdrations de Rondas Campesinas[footnoteRef:3], ils ont donn la bataille ds le moment mme de linstallation des centres miniers Cajamarca. Ils nont pas cess de prsenter des ptitions, de porter plaintes pour usurpation des terres, doccuper leurs terres sur lesquelles la mine entame ses oprations, de faire des barrages de routes, de raliser des grves et des manifestations, dorganiser des ollas comunes [footnoteRef:4] pour soutenir les grvistes Des dizaines de paysans ont t amens en justice pour protester, accuss des dlits dobstruction aux voies publiques, attentats contre la proprit prive, dsordre public Condamns des peines de prison et aux amendes quils ne peuvent pas payer, rprims durement par la police et les forces armes Ils ont leurs morts et leurs disparus, mais ils ne flchissent pas! [3: Les Rondas Campesinas sont lorgane excuteur des dcisions des communauts paysannes au Prou. Elles apparurent pour la premire fois Cajamarca dans les annes 70, et se rpandirent dans tout le pays partir de 1980. Tout dabord cres par les propres communauts pour lautodfense contre le vol du btail, contre la corruption des autorits locales, puis pour la rsolution des conflits intrieurs, elles sengagrent aussi dans le refoulement du groupe maoste Sentier Lumineux, avec succs, vers la fin des annes 80. Leur fonctionnement est indpendant de ltat. Cette autonomie est de base dmocratique: les comuneros (paysans de la communaut) se runissent en Assemble Gnrale et les dcisions sont confies aux Rondas Campesinas. Les ronderos (paysans des Rondas dsigns par la communaut) agissent lintrieur aussi dmocratiquement. Reconnues en 1986 par ltat selon le droit coutumier, elles sont aujourdhui rgies par la Loi N 27908 du 2003.] [4: Les ollas comunes (des marmites communes) est une institution communautaire au Prou, autant dans la zone rural que dans les bidonvilles. Cela a commenc comme une stratgie de survie mais aujourdhui cest en plus une faon de resserrer les liens collectifs. Ce sont les femmes qui prennent en charge cette activit.]

Depuis les annes 1990, les communauts paysannes ont reu le soutien de certaines paroisses et vicariats qui les ont dfendues face aux expropriations illicites, tout en dnonant la pollution que lactivit minire produit dans la rgion. Le pre Marco Arana, membre du Vicariat Cajamarca aujourdhui suspendu par lglise de sa mission pastorale, fondateur de lONG cologiste GRUFIDES et fondateur du mouvement politique Terre et Libert Cajamarca, est prsent appel en justice pour avoir soutenu la grve gnrale de Cajamarca en novembre 2011.Les maires et le prsident du gouvernement rgional sont prsent dans le combat contre la mine, mais cela na pas toujours t le cas. Les syndicats de travailleurs de la propre mine sont partags: il y en a ceux qui sopposent aux excs de lactivit minire sans la refouler compltement, dautres dfendent leurs emplois. Par contre, Cajamarca existe un Front de dfense des intrts du peuple, qui est une sorte de fdration ou convergent plusieurs syndicats et collectifs qui sopposent fermement la Mine Yanacocha sous la consigne darrt immdiat des activits de la mine, drogation de la concession minire pour le Projet Conga, dclaration par ltat de la zone de naissance du bassin hydrique comme site protg, entre autres. Les principaux leaders de ce front populaire ont t aussi mis en justice. Cest le cas de Wilfredo Saavedra, dirigeant, et Reinhard Seifert, consultant.Pourtant, la bataille pour leau clate tous les jours et partout, Cajamarca et ailleurs,au Prou et dans le monde, contre les transnationales minires, ptrolires et hydrolectriques. Pour le 11avril 2012, une nouvelle grve gnrale contre le Projet Conga, la Mine Yanacocha et le gouvernement pruvien se prpare. Une nouvelle tape dans la vie politique du pays souvre.Danitza Cornejo

Sources:1. Revue Quehacer DESCO, Prou, page web (N 130, 2006; N 184, 2011)2. Revue Lucha Indgena Hugo Blanco, Prou, page web (N 40, 66 et 67)3. SERVINDI page web dinformation4. GRUFIDES Ong Cajamarca, page web5. Celendn Libre page web dinformation6. Observatorio de Conflictos Mineros en el Per Page web7. Reporte de Conflictos Sociales Minera Per Defensora del Pueblo del Per, 20118. Informe Trimestral Ministerio de Energa y Minas, Oficina General de Gestin Social, 20109. OCMAL Observatorio de conflictos mineros en Amrica Latina, page web10. Prensa Alternativa No Alineada Inviabilidad del Proyecto Conga, Reinhard Seifert, consultant du Front de dfense de lenvironnement Cajamarca, novembre 2011.11. Plan Pastoral de la Comisin Diocesana para la Defensa de la Vida y el Medio Ambiente, Vicariato de Cajamarca, 2007.12. Red Voltaire Contaminacin de las aguas y otros casos, desde 1994 hasta la fecha, provocada por la empresa transnacional Newton Mining Corporation (Yanacocha), Cajamarca/Per, novembre 2006.13. La Repblica quotidien pruvien de centre14. El Comercio quotidien pruvien de droite15. Revue CARETAS encore un mdia pruvien au service de la grande industrie minire16. Mine Yanacocha Page web