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50 ° 1808 10 2019 PRATIQUE MIXTE FORMATION Ca (mg/l) Ca (mg/) P (mg/l) P (mg/l) Ca/P . . Ca/P . . TP (g/l) TP (g/l) Alb (g/l) Alb (g/l) Glob (g/l) Glob (g/l) Alb/Glob . . Alb/Glob . . Urée (mg/l) . . Urée (mg/l) . . Créat (mg/l) . . Créat (mg/l) . . PAL (UI/l) PAL (UI/l) ALAT (UI/l) ALAT (UI/l) Trig (mg/l) . . Trig (mg/l) . . Chol (g/l) . . Chol (g/l) . . L a biochimie sanguine est un exa- men complémentaire très fréquent en médecine individuelle. Bien qu’historiquement peu utilisée en productions hors sol, et notamment pour les lapins de chair, de nom- breux intérêts existent que ce soit pour les maladies infectieuses ou dans la gestion des troubles purement métaboliques, en témoigne le cas clinique ci-dessous, d’une situation de baisse de fertilité. Depuis plu- sieurs mois, l’éleveur constate une baisse régulière du taux de palpation de ses fe- melles, descendu à moins de 70 % au cours de la dernière bande. Dans le même temps, il a observé une augmentation modérée mais régulière du poids des lapines. De plus, l’éleveur décrit deux populations de femelles : soit des lapines (qualifiées de saines) qui n’ont jamais connu d’épisodes d’infertilité, soit des lapines (qualifiées de malades) qui ont connu un ou deux épi- sodes d’infertilité autour de la deuxième ou troisième gestation. Un bilan sanitaire et technique réalisé par le vétérinaire de l’élevage n’a pas révélé de causes infec- tieuses évidentes. Dans ce contexte, une exploration des causes métaboliques et nutritionnelles susceptibles d’expliquer les problèmes de fertilité a été suggérée. Un révélateur d’une souffrance organique Pour ce faire, un bilan sanguin biochimique est proposé et deux groupes de lapines sont constitués, à savoir un lot de femelles de rang 6 n’ayant jamais subi d’épisode d’infertilité (lot témoins) et un lot de fe- melles de rang 3 ayant subi au moins un épisode d’infertilité (lot malades). L’analyse des résultats (voir tableau) révèle une dif- férence statistiquement significative concernant le calcium, le phosphore, le rapport phospho-calcique et la créatinine. L’ensemble est cohérent avec une souf- france rénale, mais pas une insuffisance rénale à proprement parler, les valeurs en créatinine notamment restant basses. La différence avec le lot témoins montre néanmoins que la fonction rénale est plus sollicitée sur les lapines ayant connu l’épi- sode d’infertilité. Une augmentation significative des phos- phatases alcalines (PAL) est également ob- servée, en faveur d’un défaut de perméa- La biochimie sanguine, un examen utile en élevage cunicole de chair bilité des voies biliaires. Tous les sujets ma- lades ont des valeurs deux fois supérieures ou plus aux sujets sains. Enfin, une ten- dance à des valeurs plus élevées en trigly- cérides sur les sujets malades est notée, même si la différence n’est pas statistique- ment significative. Cette tendance est co- hérente avec le constat d’un embonpoint plus marqué des femelles. L’ensemble de ces éléments est en faveur de désordres métaboliques contemporains de dysfonc- tionnements du système reproducteur. Dans ce cadre, deux mesures ont été adop- tées : un apport d’un traitement protecteur hépatique et rénal, favorisant aussi l’ab- sorption des graisses dans les jours précé- dents l’insémination artificielle, ainsi qu’un passage à un aliment moins énergétique. Au bout de trois bandes, le taux de palpa- tion a retrouvé un niveau satisfaisant (85 %), validant les mesures mises en place. Un atout dans un contexte de démédication Les professionnels de la filière cunicole sont habitués aux troubles infectieux et la dé- marche initiale consiste généralement à rechercher des agents pathogènes. En ab- sence de lésions infectieuses ou de détec- tion de ces germes, ou encore en cas de mauvaise réponse aux traitements anti-in- fectieux, la biochimie sanguine permet de détecter des causes métaboliques et des dysfonctionnements organiques. Certaines situations pathologiques non élucidées par les examens et analyses habituelles peu- vent être ainsi expliquées. De plus, dans le cadre de la démédication engagée dans la filière cunicole, l’examen biochimique ap- porte des éléments objectifs permettant de justifier le recours dans certaines situations à des produits diététiques en complément ou en alternative aux traitements anti-in- fectieux habituels. Cet examen peut être également envisagé en dehors d’un cadre pathologique pour faire un bilan de santé de l’élevage au même titre que lorsqu’il est fait pour un seul individu. Le prélèvement de 5 à 10 sujets permet d’obtenir une pho- tographie représentative de la situation mé- tabolique de l’élevage. Un bilan de santé satisfaisant permet de garantir le bien-être physiologique du troupeau et de considérer que les conditions d’alimentation et de maintenance n’altèrent pas le fonctionne- ment biologique des animaux. Les sites de prélèvements possibles sont l’artère ou la veine auriculaire, la veine cave craniale, et en intracardiaque. Le lapin est placé dans une boîte de contention. Les prises de sang sont faites sur tube hépariné et l’analyse sur plasma après centrifugation. © / Les résultats indiqués en rouge correspondent à une différence statistiquement significative entre les deux groupes (p-value < 0,05, test de Wilcoxon bivarié).

La biochimie sanguine, un examen utile en élevage cunicole

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Page 1: La biochimie sanguine, un examen utile en élevage cunicole

50 I LA SEMAINE VÉTÉRINAIRE I N° 1808 I 10 MAI 2019

PRATIQUE MIXTE FORMATION

TÉMOINS MOYENNE ÉCART-TYPE MALADES MOYENNE ÉCART-TYPECa (mg/l) 121 4 Ca (mg/) 137 9P (mg/l) 28 6 P (mg/l) 45 8

Ca/P 4.42 0.78 Ca/P 3.12 0.45TP (g/l) 59 4 TP (g/l) 64 4Alb (g/l) 35 1 Alb (g/l) 37 1

Glob (g/l) 24 4 Glob (g/l) 26 3Alb/Glob 1.49 0.22 Alb/Glob 1.43 0.19

Urée (mg/l) 0.41 0.04 Urée (mg/l) 0.46 0.03Créat (mg/l) 9.1 0.5 Créat (mg/l) 11.5 1.52

PAL (UI/l) 59 9 PAL (UI/l) 201 188ALAT (UI/l) 27 12 ALAT (UI/l) 32 14Trig (mg/l) 0.29 0.08 Trig (mg/l) 0.37 0.08Chol (g/l) 0.50 0.02 Chol (g/l) 0.52 0.09

La biochimie sanguine est un exa-men complémentaire très fréquenten médecine individuelle. Bienqu’historiquement peu utilisée enproductions hors sol, et notammentpour les lapins de chair, de nom-

breux intérêts existent que ce soit pour lesmaladies infectieuses ou dans la gestiondes troubles purement métaboliques, entémoigne le cas clinique ci-dessous, d’unesituation de baisse de fertilité. Depuis plu-sieurs mois, l’éleveur constate une baisserégulière du taux de palpation de ses fe-melles, descendu à moins de 70% au coursde la dernière bande. Dans le même temps,il a observé une augmentation modéréemais régulière du poids des lapines. Deplus, l’éleveur décrit deux populations defemelles : soit des lapines (qualifiées desaines) qui n’ont jamais connu d’épisodesd’infertilité, soit des lapines (qualifiées demalades) qui ont connu un ou deux épi-sodes d’infertilité autour de la deuxièmeou troisième gestation. Un bilan sanitaireet technique réalisé par le vétérinaire del’élevage n’a pas révélé de causes infec-tieuses évidentes. Dans ce contexte, uneexploration des causes métaboliques etnutritionnelles susceptibles d’expliquer lesproblèmes de fertilité a été suggérée.

Un révélateur d’une souffranceorganiquePour ce faire, un bilan sanguin biochimiqueest proposé et deux groupes de lapinessont constitués, à savoir un lot de femellesde rang 6 n’ayant jamais subi d’épisoded’infertilité (lot témoins) et un lot de fe-

melles de rang 3 ayant subi au moins unépisode d’infertilité (lot malades). L’analysedes résultats (voir tableau) révèle une dif-férence statistiquement significativeconcernant le calcium, le phosphore, lerapport phospho-calcique et la créatinine.L’ensemble est cohérent avec une souf-france rénale, mais pas une insuffisancerénale à proprement parler, les valeurs encréatinine notamment restant basses. Ladifférence avec le lot témoins montrenéanmoins que la fonction rénale est plussollicitée sur les lapines ayant connu l’épi-sode d’infertilité.Une augmentation significative des phos-phatases alcalines (PAL) est également ob-servée, en faveur d’un défaut de perméa-

A N A L Y S E

La biochimie sanguine, un examen utile en élevage cunicole de chair

bilité des voies biliaires. Tous les sujets ma-lades ont des valeurs deux fois supérieuresou plus aux sujets sains. Enfin, une ten-dance à des valeurs plus élevées en trigly-cérides sur les sujets malades est notée,même si la différence n’est pas statistique-ment significative. Cette tendance est co-hérente avec le constat d’un embonpointplus marqué des femelles. L’ensemble deces éléments est en faveur de désordresmétaboliques contemporains de dysfonc-tionnements du système reproducteur.Dans ce cadre, deux mesures ont été adop-tées : un apport d’un traitement protecteurhépatique et rénal, favorisant aussi l’ab-sorption des graisses dans les jours précé-dents l’insémination artificielle, ainsi qu’unpassage à un aliment moins énergétique.Au bout de trois bandes, le taux de palpa-tion a retrouvé un niveau satisfaisant(85%), validant les mesures mises en place.

Un atout dans un contextede démédicationLes professionnels de la filière cunicole sonthabitués aux troubles infectieux et la dé-marche initiale consiste généralement àrechercher des agents pathogènes. En ab-sence de lésions infectieuses ou de détec-tion de ces germes, ou encore en cas demauvaise réponse aux traitements anti-in-fectieux, la biochimie sanguine permet dedétecter des causes métaboliques et desdysfonctionnements organiques. Certainessituations pathologiques non élucidées parles examens et analyses habituelles peu-vent être ainsi expliquées. De plus, dans lecadre de la démédication engagée dans lafilière cunicole, l’examen biochimique ap-porte des éléments objectifs permettant dejustifier le recours dans certaines situationsà des produits diététiques en complémentou en alternative aux traitements anti-in-fectieux habituels. Cet examen peut êtreégalement envisagé en dehors d’un cadrepathologique pour faire un bilan de santéde l’élevage au même titre que lorsqu’il estfait pour un seul individu. Le prélèvementde 5 à 10 sujets permet d’obtenir une pho-tographie représentative de la situation mé-tabolique de l’élevage. Un bilan de santésatisfaisant permet de garantir le bien-êtrephysiologique du troupeau et de considérerque les conditions d’alimentation et demaintenance n’altèrent pas le fonctionne-ment biologique des animaux. •

Les sites de prélèvements possibles sont l’artère ou laveine auriculaire, la veine cave craniale, et enintracardiaque. Le lapin est placé dans une boîte decontention. Les prises de sang sont faites sur tubehépariné et l’analyse sur plasma après centrifugation.

© SAM

UEL B

OUCH

ER / LABO

VET CO

NSEIL

R É S U L T A T S D U B I L A N B I O C H I M I Q U E

Les résultats indiqués en rouge correspondent à une différence statistiquement significative entre les deux groupes(p-value < 0,05, test de Wilcoxon bivarié).

SAMUEL SAUVAGET