La cavalerie française à Waterloo

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1815

La cavalerie franaise Waterloo

Michel Damiens

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Michel Damiens

La cavalerie franaise Waterloo

2012

Michel Damiens 2012 (2e dition septembre 2012)

Gnralits : origines et volutionsA RomeVouloir retracer lhistoire de la cavalerie reviendrait, vrai dire, tenter de retracer lhistoire de la civilisation elle-mme. Aussi loin quon remonte dans lhistoire des vieux continents, on retrouve des chevaux. La tradition hbraque veut que le cheval ft le dernier tre vivant avoir t cr avant lhomme et que les chevaux qui montrent dans larche de No descendissent directement de ceux qui gambadaient dans le jardin dEden. Et il est un fait quaucun animal na t aussi intimement ml lhistoire de lhomme. Il serait donc bien audacieux, dans le cadre qui est le ntre, de vouloir remonter aussi loin et ce sera dj fort bien si nous pouvons aller jusquau VIIIe sicle avant Jsus-Christ ! On sait qu la fondation de Rome, selon la tradition, cent familles nobles, latines ou trusques possdaient elles seules terres et chevaux. Chacun de leurs anctres, qui a donn le nom la famille, est divinis et fait lobjet dun culte familial : il est appel le pater. Les descendants des 100 patres sont les patriciens. Les patriciens ayant le mme anctre ponyme forment une gens avec un mme nom, le nomen gentilicium. Chaque branche de la gens forme une famille ayant sa maison Rome. Lensemble de la gens possde un domaine la campagne o sont levs les chevaux et o vivaient primitivement les plbiens. Seuls, au dbut, les patriciens ont des droits civiques : ce sont eux qui forment le Snat et qui 5

Cavalier romain lors de la guerre des Daces (101-102).Rome, Museo della Civilt Romana. Moulage de la Colonne Trajane.

fournissent les magistrats. Le patriciat constitue donc une lite conomique. Il est tout fait significatif que ce soit le fait de dlever et de possder des chevaux qui ait marqu la frontire entre les classes sociales de la Rome antique. Cest que seuls les plus riches avaient les moyens matriels dentretenir ce qui constituait alors la plus importante source dnergie mcanique. Or, chose apparemment trange, les chevaux ne constituaient pas un lment militaire trs important chez les Romains de la Rpublique. Il faudra quils aillent se frotter aux Parthes pour se convaincre de lutilit des chevaux en matire militaire. Jusque-l, on nutilisait les chevaux que pour des missions beaucoup plus tard dvolues la cavalerie lgre : transmissions des messages ou reconnaissances. Les chevaux, sources dnergie, taient ce point prcieux quil ntait pas question de les engager dans de sanglantes oprations sur le champ de bataille. Au reste, Rome, au sommet de sa puissance, recruta sa cavalerie dans les populations quelle avait soumises : Gaulois, Parthes, Daces Il faudra attendre le rgne dHadrien pour que larme romaine se dote dune vritable cavalerie lourde laquelle aura une glorieuse descendance Byzance.

La chevalerieIl serait trop long dexpliquer en dtail comment, de cette cavalerie lourde romaine, on est pass la chevalerie. Ce serait vouloir dtailler lhistoire du bas moyen ge et de la rvolution fodale. Contentons-nous de dire que chacun tait bien persuad de la supriorit du cavalier sur lhomme pied. Nous savons dautre part que la fodalit prsente un caractre essentiellement militaire : il sagit pour un faible de se placer sous la protection dun plus fort pour rsister aux agressions venues du dehors. Cest au sein de cette socit militaire que va se crer une lite : la chevalerie . A lorigine, on appelait chevalier1 tout homme combattant cheval2. Pour tre chevalier, il ne fallait donc pas tre noble ni mme homme libre3. Les

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A lorigine, les textes en latin utilisent le mot latin miles , soldat. Le mot cavalier ne remonte quau XVI sicle.

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seigneurs levaient parmi leurs vassaux des hommes darmes capables de combattre cheval. Les exigences de plus en plus grandes et de plus en plus chres de lquipement militaire devaient, ds lpoque de Charlemagne, liminer les hommes libres disposant de peu de ressources. La cavalerie, larme la plus coteuse, devint ainsi un corps dlite. Par la force des choses, un grand nombre de petits chevaliers, de professionnels du combat cheval, disparurent et la chevalerie, tat de fait, se transforma en tat de droit. Cette lite tant le plus souvent rtribue en fiefs, elle sintgre tout naturellement au systme fodal et ne tarda pas constituer une socit relativement ferme. Au XIIe sicle, la chevalerie qui jusque-l navait t quune profession, devint en mme temps quun corps dlite, un ordre soumis des rgles svres relatives lhonneur, la courtoisie, la parfaite loyaut4.

Une figuration typique : "Le chevalier blanc" de Fred et Liliane Funcken. Editions du Lombard, 1956

Laccs la chevalerie tait soumis des conditions rigoureuses. Ds sept ans, le candidat chevalier entrait au service dun chevalier confirm en tant que page, varlet ou damoiseau. Il recevait au cours de cette priode une ducation base sur le culte de la bravoure et de lhonneur ainsi,3

Il est, notre sens, tout fait fait abusif de confondre homme libre et noble . Nous savons que ce dernier terme napparat quau XI sicle. 4 E. Poncelet Les uvres de Jacques de Hemricourt Introduction cite par Ch. Terlinden Histoire militaire des Belges Bruxelles, 1966

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bien entendu, que linitiation au maniement des armes. Vers lge de quatorze ans, le jeune homme sortait de pages et devenait cuyer ; les armes quil avait dsormais le droit de porter, lexclusion de la grande pe, taient consacres par lEglise. Son instruction de combattant se poursuivait par de nombreux et pnibles exercices. Lcuyer entretenait les chevaux et les armes du chevalier quil accompagnait dans ses expditions. Il lassistait dans les tournois, sans y participer, et dans les batailles auxquelles il prenait activement part5. Lorsquon estimait que la formation du jeune homme tait suffisante, il tait admis dans les rangs des chevaliers et cette admission tait marque par une crmonie religieuse et militaire la fois, dite ordne ou ordination de chevalerie. Une remarque au passage : lorigine, le fait dtre chevalier nimplique pas automatiquement loctroi dun fief et la possession dun fief nimpliquera jamais la qualit de chevalier. Il faudra toujours un chevalier pour faire un autre chevalier. Cependant, au sein de la chevalerie aussi, on constate des ingalits selon la fortune. Tel ne possde que son cheval et son quipement, tel autre est en mesure de se rendre aux convocations de ban avec plusieurs compagnons (milites minores) quil entretient. Ce dernier devient alors chevalier pennon et sil peut entretenir plusieurs chevaliers pennon, chevalier bannire ou banneret . Ces dnominations proviennent des tendards quils arborent : pennon triangulaire ou flamme clous leur lance ou bannire carre. On sait que le lien fodal si simple lorigine, qui, on ne le rptera jamais assez, est un lien trs strictement personnel, a volu au cours des temps. La chevalerie fieffe va, partir des Croisades, se transformer en chevalerie solde. Ce sera chose faite lorsque lobligation fodale du service militaire sera rduite 40 jours. Au-del de ce dlai, le suzerain est tenu de ddommager le chevalier et sa suite. En effet, les chevaliers, quand ils rejoignent lost, se font accompagner par un ou, plus souvent, deux hommes darmes et par quelques servi5

Philippe, duc de Bourgogne, fils de Jean II le Bon, gagna ainsi une belle rputation et le surnom de Hardi en tant qucuyer de son pre lors de la bataille de Poitiers : Mon pre, Gardez-vous droite, mon pre, Gardez-vous gauche

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teurs cheval ou pied. La runion du chevalier et de cette suite constitue une lance fournie dont leffectif a pu varier de 3 14 hommes cheval. Le chevalier, lourdement arm, avec la lance et lpe, combattait en premire ligne, ses hommes darmes monts garantissant ses flancs. Les chevaliers ainsi escorts se ralliaient aux chevaliers pennon et ceuxci aux chevaliers bannerets, de telle sorte que ceux-ci marchaient la tte dun corps de 25 80 lances fournies, ce qui pouvait reprsenter de 150 600 hommes cheval. Enfin, en France, toutes les bannires se rassemblaient autour du chef suprme, reprsent par la cornette blanche du conntable, par la bannire fleurdelise du roi ou par loriflamme rouge de labbaye de Saint-Denis quand celle-ci avait t leve. Dans cette arme, pas de grade. La hirarchie est base sur le nombre dhommes que le chevalier emmne au combat et, donc, de son tat de fortune.

Etendard, pennon et bannire de Jeanne d'Arc (XVe s.)

La chevalerie au combat Lusage de la grosse cavalerie sur le champ de bataille na gure volu au cours du moyen ge. Constitue par llite et du fait que linfanterie, constitue en grande partie de serfs ou, au moins de petits , est mprise elle tient invariablement le premier rang. Au XIIe sicle, les deux rangs de chevaliers adverses se chargent lun lautre. La bataille se rsout alors en un ensemble de combats singuliers, les fantassins, coutiliers et autres valets, se chargeant de terminer le travail sur les cavaliers dsaronns ou renverss qui, sils prsentent le moindre caractre de richesse apparente, se voient pargns dans lespoir dune juteuse ranon. Au cours des ges lvolution dure cinq cents ans ! la guerre devient 9

moins sportive . La limitation du service militaire fodal quarante jours a pour rsultat quil faut conclure trs rapidement les oprations. Sans quoi, la chevalerie devenant solde, commence coter fort cher. Il faut lpargner Le chef de guerre donnera donc un rle plus important linfanterie, infiniment moins coteuse. Tout doucement, larmement des fantassins volue jusquau moment o les Anglais constatent lextraordinaire habilet des Gallois au tir larc et se dpchent den engager dans leurs armes. Certes, cest toujours leur chevalerie qui mne les chocs, mais son intervention est dsormais prpare par un tir de barrage des archers. La rponse de la chevalerie franaise, qui tient videmment cet usage de linfanterie pour une perfidie , consiste perfectionner leur protection. Le casque se ferme et devient heaume ; le haubert fait place larmure de plates Quant la tactique, elle nvolue gure. Le rang de haie reste la rgle ; tout au plus, place-t-on les archers sur les flancs qui prparent la charge des chevaliers par un tir intense de flches sur les rangs ennemis. Mais aussi bien Azincourt qu Courtrai assiste-t-on au mme spectacle : Dans de semblables agrgations, pennon et bannire, le premier rang se composait des hommes darmes. Derrire de rang de lances, il y avait dordinaire un deuxime et troisime rangs, lun compos darchers et lautre de coutiliers, se tenant des distances assez considrables lun de lautre. Cette formation, dite coup de lance, des chevaliers sur un seul rang tait la seule usite, la seule possible, car nul dentre eux net souffert dtre masqu, couvert par un autre chevalier. Lordre en haie, consquence de cet excessif amour-propre, laissait le rle important des rserves aux cavaliers de qualit infrieure. Ainsi la troupe la moins solide tait charge du rle dcisif, tactique dautant plus dangereuse que linfanterie, qui et pu servir dappui final, tait souvent absente et dans tous les cas mprise. Quand la haie des chevaliers faisait lances basses pour donner sur lennemi, les archers, aprs avoir escarmouch sur les ailes en lanant flches et viretons, venaient se grouper en arrire. Les chevaliers renverss au choc taient perdus sils ntaient promptement secourus. Pendant que les hommes darmes rests 10

cheval poussaient leur pointe, les coutiliers et valets se prcipitaient sur ladversaire dsaronn ; ils se mettaient quatre contre un, brisaient son armure coups de haches et de masses et lgorgeaient, moins que lappt dune ranon narrtt leurs bras, ce qui, vrai dire, arrivait le plus souvent.6 Dans tout cela, pas dide de manuvre Retraiter et t signe de lchet, sen prendre lennemi par derrire aurait t synonyme de flonie. Parfois, contraint par les circonstances, lennemi exploite le terrain, comme les communiers flamands Courtrai ou Henri V Azincourt. La rponse de la chevalerie est la mme : la charge aveugle, parfois au mpris des ordres Les compagnies dordonnance Certes, plusieurs chefs de guerre tentrent de remdier cet tat de choses : Jean le Bon, en 1351, tenta de rgulariser la hirarchie et dtablir la formation par compagnies mais il semble que cette rforme, heurtant de front les principes de la noblesse, net de suite que dans les quelques compagnies formant la Garde personnelle du roi et nempcha pas le dsastre de Poitiers. Nouvelle tentative de Charles V, cette fois, en 1373. Le roi rgle la revue des troupes, la composition des routes et compaignies, la nomination des capitaines, la responsabilit des officiers et la solde. Mais cela sadresse dabord linfanterie ; la chevalerie reste accroche ses vieux principes et la rforme naboutit qu crer un antagonisme mortel entre chevaliers et capitaines. Il faudra attendre Charles VII pour que les choses prennent enfin une autre tournure. La chevalerie dcime par cent de guerre quasiment ininterrompue, avait fini par admettre dans ses rangs une multitude de gentilshommes sans domaine, daventuriers de race noble, de gens darmes de profession. Ceux-l taient prts accepter de se mettre dans la main du roi, pour autant quil les payt convenablement, plutt que de vivre de rapines et de chevauches.

Gnral Louis Susane Histoire de la Cavalerie franaise, 3 vol. Paris, Hetzel & Cie, 1874, I, p. 16. Nous avons fait de trs larges emprunts cet ouvrage qui est, notre connaissance, le plus complet sur le sujet et qui na encore jamais trouv de remplaant.6

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Enfin, les Etats dOrlans en 1439 virent la cration des Compagnies des Ordonnances du Roy.

Les compagnies d'ordonnance de Charles VII, reprsentes par Charles Aubry dans un dtail de la gravure consacre aux lanciers pour l'ouvrage de Joachim Ambert, Esquisses historiques et pittoresques des diffrents corps qui composent l'arme franaise (1835)

Le devoir fodal disparaissait dfinitivement au profit du service sold, rgulier et permanent. La Pragmatique Sanction du 2 octobre 1439 portait sur lestablissement dune force militaire permanente cheval et la rpressions des vexations des gens de guerre : Dsormais, les capitaines des gens darmes ou de traict seront esleus par le Roy, et chacun capitaine seront baillez certain nombre de gens qui par luy seront esleus de faict et doffice Dfense tout autre de lever, conduire, mener compaignie de gens darmes ou de traict, sinon que ce soit du cong et licence du Roy Dfense tout capitaine de recevoir aucun homme darmes ou de traict en outre le nombre qui leur sera ordonn Charles VII confia la ralisation de ce projet au conntable de Richemont qui la mena avec nergie mais y travailla durant dix ans, aid par Jean de Brz. Les compagnies des ordonnances taient conduites par un capitaine, auquel taient subordonns un lieutenant, un enseigne, un guidon et un marchal des logis. Une compagnie comprenait 100 lances, soit 100 hommes darmes ou matres, armes de pied en cap. Chaque lance comprenait en 12

outre 3 archers, 1 coutilier et 1 page, arms et monts la lgre. Une compagnie de 100 lances reprsentait donc 600 hommes cheval. En 1445, Charles VII disposait dj de 15 compagnies dordonnance. Louis XI, lors de la guerre du Bien public, pouvait en aligner 22. En 1479, le roi cra (enfin) une infanterie permanente et cassa 10 compagnies afin de pouvoir disposer de leur budget en faveur de linfanterie, mais cela lui laissait encore 15 compagnies dordonnance. Les capitaines des compagnies dordonnance taient gnralement des personnages considrables et leur position tait bien suprieure celle dun simple capitaine de cavalerie. Il leur arriva donc, ds lorigine, et de plus en plus souvent, de se faire remplacer par un lieutenant ou capitaine-lieutenant. Ainsi le conntable de Richemont, pour exercer ses fonctions de conntable, se faisait-il remplacer par Jacques de Saint-Paul ds 1450. Ces lieutenants taient gnralement choisis parmi les plus braves des gentilshommes, riches en exprience et, le plus souvent, ayant grimp dans lchelle hirarchique. Le plus connu de ces lieutenants restera sans doute le clbre Bayard. A la mort du capitaine titulaire, sa compagnie de 100 lances tait souvent partage : une fraction restait lhritier du nom (parfois donc un enfant), lautre fraction tait donne au lieutenant ou quelque gentilhomme qui recevait ainsi la rcompense de ses services. De ce fait, on vit parfois des compagnies de 80, de 60, de 50 ou mme de 20 lances. Le traitement des capitaines tait proportionnel au nombre de lances quil commandait. De telle sorte quon peut voir dans cette particularit le commencement dune chelle hirarchique. Autoriser un capitaine augmenter sa compagnie de 5 ou 10 lances revenait un avancement dans la hirarchie. Lorsque Franois Ier donna 100 lances Bayard, on considra cela comme la plus haute expression de son estime et de sa reconnaissance. Charles le Tmraire, inspir par lexemple franais et de plus en plus mfiant lgard des milices communales qui, jusqualors, avaient constitu le gros de ses troupes, organisa vers 1470 sa chevalerie en bandes dordonnances , en tout point semblables aux compagnies franaises. Chacune de ces bandes avait sa tte un conducteur et comptait 100 lances fournies, rparties en quatre escadres. Chaque lance fournie com13

portait 4 combattants cheval, savoir un homme darmes et 3 archers, et 3 hommes pied : un couleuvrinier, un arbaltrier, un piquenaire. En outre, chaque homme darme entretenait un coutilier et un page. En campagne, les cavaliers et les fantassins se sparaient pour former des corps de combat distincts avec leurs chefs particuliers. Le premier soin de Philippe le Beau lorsquil gagna lEspagne fut de constituer l-bas des bandes dordonnance semblables appeles capitanias. Cest linfanterie de ces capitanias qui va donner plus tard les trs clbres et trs redouts tercios, rputs invincibles jusqu Rocroi ! La cavalerie lgre Ds le dbut des guerres dItalie, on constate dans les armes franaises la tendance grandissante retrancher les archers cheval des lances de cavalerie lourde pour les faire combattre sparment. Ils formrent bientt leurs propres compagnies avec leurs guidons et leurs cornettes particuliers. Cette volution tait naturelle du fait de la diffrence essentielle dans la manire de combattre des uns et des autres. Cest sans doute Venise qui a inaugur cette clarification : on y distinguait en effet nettement les cavallarmati et les cavalleggieri. La Srnissime alignait aussi des estradiots, mercenaires albanais reconnus pour leur habilet cheval. En 1499, Louis XII engagea lui aussi des cavaliers albanais quil plaa sous le commandement du sieur de Fontrailles capitaine gnral de tous les Albanais et chevau-lgers sa solde. En 1509, on remarque dans larme franaise 400 lances moresques, appeles compagnies nouvelles de cavalerie lgre. Mais si la cavalerie lourde continuait exiger des gens darmes la qualit de chevalier et appliquer la tactique rudimentaire de ces derniers, il nen tait rien de la cavalerie lgre qui souvrait trs largement aux volontaires de toutes les classes. Cependant, la production de quartiers de noblesse tait toujours exige des officiers. Les jeunes nobles avaient donc le choix : ou bien, ils constituaient une lance dans la cavalerie lourde ou ils prtendaient une place dofficier dans la cavalerie lgre. Le meilleur moyen dobtenir une telle position tait encore de faire son apprentissage dans les rangs des gens darmes et dy briller pour obtenir un brevet dans la cavalerie lgre. 14

Ainsi stablit la distinction qui devait subsister jusqu la fin de la monarchie : dune part la Maison du Roi et la Gendarmerie de France, qui prtendaient remonter aux compagnies dordonnance de Charles VII, et, dautre part, la cavalerie lgre compose de rgiments de toute nature : cuirassiers ou hussards, les dragons tant mis part, nous verrons pourquoi. Mais la Renaissance a pour effet douvrir les esprits. On relit Polybe et Csar ; on constate que la force brute doit sincliner devant lhabilet tactique. On recommence considrer la manuvre comme une manire de combattre Ce qui nempche pas Franois Ier dappliquer les vieilles recettes Pavie et, aprs une folle charge de la fine fleur de la chevalerie franaise contre les tercios, de se retrouver prisonnier des Espagnols. Cest aussi lpoque ou les armes feu se miniaturisent . Apparaissent ainsi larquebuse puis le mousquet. Mais lencombrement de ces armes les rserve encore aux fantassins. Vers 1530, le pistolet commence se rpandre. Le premier rsultat de lapparition des armes feu est que les gens darmes cherchent dabord renforcer leurs protections. Les armures spaississent au point que le maniement du cheval et de la lance devient impossible. Ainsi, les gendarmes sont-ils le plus souvent gards en rserve. Cette simple indication suffit comprendre lvolution des mentalits. Jadis, aucun chevalier naurait accept de combattre ailleurs quau premier rang Quant la lance, devenue impossible manier et, de toute faon, inefficace devant les rangs de piquiers et darquebusiers, elle disparut dfinitivement des rangs de la cavalerie lourde la fin du XVIe sicle. Mais elle tombe aux mains des fantassins et notamment des redoutable tercios espagnoles, comme on peut lapercevoir sur la droite du clbre tableau de Velasquez reprsentant la reddition de Breda et montrant Justin de Nassau remettant les clefs de la ville Spinola le 5 juin 1625.

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La reddition de Breda par Diego Velasquez (Madrid, Muse du Prado)

Cest sous Henri II, en 1549, que la cavalerie lgre fut place sous lautorit dun colonel gnral. La cavalerie lourde resta, jusquen 16277, sous le commandement immdiat du roi ou du conntable, formant ainsi ce quon allait appeler la Maison du Roi et des Princes. Le ban et larrireban de la noblesse, assimils la cavalerie lgre, subordonnrent leurs bannires celle, entirement blanche, du colonel gnral. La charge de colonel gnral de la cavalerie lgre a subsist jusquen 1788 ; cest ce qui explique que les commandants de rgiments de cavalerie se sont appels jusque-l mestre de camp et non point colonel. A partir de 1552, et plusieurs reprises, le colonel gnral se vit adjoindre un mestre de camp gnral ; cette charge devint permanente en 1578. Un troisime dignitaire vint sadjoindre aux deux premiers : lintendant gnral ou commissaire gnral. Ces charges, devenues honorifiques, furent supprimes en 1788. En 1552, leffectif de la cavalerie lgre tait double de celui des compagnies dordonnance. Le trait de Cateau-Cambrsis qui amena la fin des guerres dItalie eut pour consquence la dmobilisation dune grande partie de larme franaise. Les troupes trangres furent congdies et la plupart des compagnies franaises de cavalerie lgre furent licencies.7

Date de la suppression de la charge de conntable.

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Celles qui subsistrent furent transformes en compagnies de gendarmes. De telle sorte quen 1560, au moment o allaient clater les guerres de religion, il existait 65 compagnies de gendarmes des ordonnances, comprenant pas moins de 2 590 lances. Trois ans plus tard, le 10 juin 1563, on comptait 103 compagnies et 4 210 lances. Ce chiffre tait beaucoup trop important et le roi Charles IX, trs mfiant quant la fidlit des commandants de compagnie, promulgua ldit de Meulan (20 septembre 1563) portant que les compaignies qui viendroient cy aprs vaquer par mort ou forfaiture, seront et demeureront taintes et supprimes, sans que, pour quelque cause que ce soit, il puisse y tre pourvu dune manire quelconque . De telle sorte qu la revue du 7 avril 1564, il ny avait plus que 91 compagnies et 3 170 lances ; celle du 15 mars 1567, 69 compagnies et 2 300 lances. En septembre quand le prince de Bourbon-Cond se souleva (la surprise de Meaux), un grand nombre de compagnies le suivirent, pendant que dautres capitaines se maintenaient dans une prudente rserve, se contentant dasseoir leur autorit sur les places qui leur avaient t confies. Le roi, ne pouvant plus compter sur eux, fit pour la cavalerie ce quil fit pour linfanterie : il fit appel la main duvre trangre Aux 6 000 fantassins suisses que commandait le clbre Louis Pfiffer, vinrent sadjoindre 6 500 retres allemands ainsi que des cavaliers Italiens ou espagnols. En mme temps, on cassa aux gages un certain nombre de compagnies franaises dont la fidlit tait douteuse. Pour montrer lvolution des choses, on peut citer les effectifs de la cavalerie de larme royale engags Moncontour sous le commandement du duc dAnjou, futur Henri III : 21 compagnies franaises totalisant 10 500 chevaux ; 7 000 Allemands ; 2 000 Italiens ; 1 200 Espagnols et 1 000 Badois. Henri IV ntait pas convaincu de lefficacit de la cavalerie lourde. Alors quil tait encore roi de Navarre, il avait remplac sa propre compagnie de gendarmes par une compagnie de chevau-lgers quil intgra la Maison militaire du roi lorsquil monta sur le trne. Lanne suivante, il dbarrassa lensemble des compagnies de gendarmes de leurs lourdes armures. Ne restait comme diffrence entre gendarmes et chevau-lgers que le nom, les soldes et les prsances. 17

Mais cette poque, la cavalerie lgre offrait une belle varit On y voyait des archers, des argoulets (arms darquebuses), des gentaires (monts sur de petits chevaux espagnols appels gents ), des pistoliers (arms de pistolets), des chevau-lgers, des arquebusiers, des dragons (cavaliers sans botte qui marchent cheval mais combattent pied) et des carabins (arm dune petite arme feu qui tire avec un rouet) quoi il faut ajouter les troupes trangres, retres (dont le nom vient de lallemand reiter et qui ne sapplique donc qu des cavaliers) et Albanais. Il faut ici prciser que les archers, dont nous parlons ici, sils taient bien arms darcs ou darbaltes sous Louis XII, avaient remplac ces armes par le ptrinal, sorte de long pistolet dont la crosse sappuyait sur la poitrine. On continua les appeler archers par tradition. Quant aux argoulets, sans doute sagissait-il lorigine darchers monts italiens (arcoleti) ; ils remplacrent larc par une arquebuse et subsistrent jusque sous Henri III puis samalgamrent avec les carabins. Les dragons mritent quon soit un peu plus bavard leur sujet. Leur cration est due sans doute au marchal de Brissac qui, de 1550 1560, avec une poigne de fantassins dlite, parvint maintenir la mainmise de la France sur une partie du Pimont. Ses hommes, trs expriments, possdaient pour la plupart des chevaux pris sur lennemi. Pour lexcution de leurs hardis coups de main, ils prirent lhabitude de monter cheval pour gagner rapidement le thtre de leurs exploits. Arrivs sur place, ils confiaient leurs chevaux quelques goujats pendant quils montaient au combat avec leurs piques ou leurs arquebuses. Susane pense que ces fantassins cheval se donnrent eux-mmes le surnom de dragons , cause de la terreur quils suscitaient. Mnage fait driver le terme du latin draconarii que lon trouve chez Vgce avec la signification de soldat. Mais sans doute est-ce Furetire qui a raison quand il dit que le mot drive de lallemand tragen (ou draghen) qui signifiait infanterie porte . En tout cas, les spcialistes ne confondent jamais les dragons ni avec linfanterie ni avec la cavalerie. Et ceux qui hsitent classer les rgiments de dragons dans la cavalerie lourde ou dans la cavalerie lgre perdent leur temps : ils ne font tout simplement pas partie 18

de la cavalerie mais tiennent leur rang eux et forment une arme part entire. Mme si ce particularisme avait un peu disparu en 1815, on fit remplir aux dragons des missions auxquelles rien ne les destinait : le gnral Exelmans qui commandait le 2e corps de cavalerie, entirement compos de dragons, se plaignit voix haute quon les utilise comme units de reconnaissance, ce pour quoi ils ntaient pas faits.

Chevau-lger (1560-1600) par Flix Philipotteaux.

Restons un instant la fin du XVIe sicle pour voir comment combattaient ces cavaliers. Quoiquon constate une trs grande variation dans le chiffre de cet effectif, la force des compagnies se montait en principe 80 chevaux qui se rangeaient en bataille sur trois rangs au moins, mais le plus souvent sur cinq ou six. On runissait la cavalerie sur les ailes, protgeant coups de pistolets ou darquebuses linfanterie, qui occupait le centre, contre toute 19

manuvre tendant la prendre de flanc. On pouvait placer des compagnies isoles dans les intervalles des bataillons, afin de les appuyer de plus prs. Dans tous les cas, la manuvre la plus courante tait la caracole. Il sagissait de rompre en colonne par un successivement dans chaque colonne, au trot ou au galop, pour venir raser le flanc de lennemi. Chaque cavalier faisait feu en passant et venait reprendre sa place par deux demi-voltes la queue de la colonne. Aprs quoi, il rechargeait son arme afin dtre prt une nouvelle intervention. Les charges massives contre linfanterie taient extrmement rares : les fantassins tenaient les cavaliers bonne distance grce la longueur de leurs piques les piques espagnoles mesuraient 5,2 mtres ou lefficacit de leurs arquebuses, portant plus loin et plus juste que les pistolets ou carabines de la cavalerie. Lorsque la cavalerie avait affronter la cavalerie ennemie, le combat consistait le plus souvent charger puis, aprs dcharg son arme, saffronter larme blanche. Cette mthode qui rappelait la vieille tactique des chevaliers resta en usage jusquau dbut du XVIIIe sicle. En 1598, aprs la paix de Vervins, Henri IV supprima pratiquement toute cette cavalerie lgre, qui, vrai dire, navait de lger que le nom : les cavaliers taient protgs par de lourds corselets et dencombrants morions. Ils taient peine plus lgers que les cavaliers des compagnies dordonnance, bards de fer ainsi que leurs chevaux et cela rduisait considrablement leurs capacits manuvrires, les montures tant vite essouffles cause de leur lourde charge. La rduction radicale de la cavalerie par Henri IV rpondait, il faut le dire, des impratifs plus politiques que militaires. Il faut comprendre que jusquen 1600 la profession des armes tait faussement cense anoblir celui qui lexerait. En tout cas, les militaires arguaient de ce prtendu privilge pour chapper la taille. En 1578, Henri III avait supprim le prtendu anoblissement par le fief8 ; en 1600, Henri IV profita dun dit sur la taille pour redire que le service militaire nanoblirait pas, et que la noblesse ainsi acquise depuis 1563 date du dbut des guerres8

On prtendait acqurir la noblesse en acqurant un fief noble.

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civiles ntait pas parfaite. Il ntait en effet pas question quun quidam qui avait enfourch un cheval durant les guerres de religion ce que tout le monde avait plus ou moins fait sen prvale pour chapper la taille Ldit de 1600 suscita plus que des murmures parmi les gendarmes et les chevau-lgers. Le roi rgla le problme en les renvoyant purement et simplement dans leurs foyers. A la fin du rgne dHenri IV, ne subsistaient donc que la cavalerie de la Garde personnelle du roi : sa fameuse compagnie de chevau-lgers, 4 compagnies de Gardes du corps, 100 arquebusiers et carabins. A quoi il faut ajouter 19 compagnies ordinaires rduites 25 ou 30 matres. Au total, gure plus de 1 500 chevaux. Tout au plus, le roi se contenta-t-il de crer une compagnie de gendarmes au service du Dauphin et encore en prleva-t-il leffectif dans les compagnies existantes.

Naissance de la cavalerie moderneNaturellement, on ne pouvait pas ignorer qu ltranger, la cavalerie avait volu. LEspagne, lEmpire, continuellement en guerre depuis Charles Quint, avaient modifi leur conception de la cavalerie. Tout comme en France, la chevalerie et ses techniques de combat taient rsolument obsoltes et disparurent des champs de bataille. Mais les raisons mmes qui avaient engag Henri IV se sparer des compagnies dordonnance provoqurent leur dernier sursaut dagonie. La renaissance de la guerre civile sous la rgence de Marie de Mdicis et celle dAnne dAutriche, vit renatre des compagnies franches dont les capitaines suivaient lun ou lautre parti daprs leurs intrts. Richelieu En 1615, dans larme royale, on adjoignit une bande de carabins, arms de mousquetons et commands par un lieutenant, chaque compagnie de chevau-lgers. La supriorit de larmement des carabins fit que les chevau-lgers ne tardrent pas, de leur propre initiative, adopter eux aussi le mousqueton. La raison qui avait motiv ladjonction de carabins cessait ds lors dexister. En 1621, devant La Rochelle, on regroupa donc les bandes de cavalerie pour en former un corps spar que lon plaa sous le commandement dIsaac de Corbeville, qui, lanne suivante, on 21

accorda le titre de mestre de camp gnral des carabins et que lon subordonna au colonel gnral de la cavalerie lgre. Le corps des carabins subsista jusquen 1661. Mais le titre de mestre gnral des carabins continua dexister jusquen 1684 lorsque son dernier titulaire, le comte de Quincy, aprs 23 ans de sincure, se dcida revendre la charge au comte de Tess, mestre gnral des dragons.

Richelieu en chef de guerre : "Le sige de La Rochelle (1628)" par Henry-Paul Motte (1881)

Le sige de La Rochelle eut une autre consquence. On avait constat, lors de la revue gnrale qui prcda le sige, que la cavalerie tait compose de nombreuses compagnies, certes, mais dimportance ingale. Les services de piquet et de grand-garde tant assurs par roulement des compagnies, le cardinal de Richelieu savisa des dangers courus lorsque la compagnie de service tait trop faible. Il russit donc, non sans peine, persuader les capitaines des compagnies les moins fortes se runir par 2, 3 ou 4 pour former des escadrons de 100 chevaux. Encore fallait-il tenir compte de la susceptibilit des capitaines : le commandement de lescadron revenait quotidiennement chaque capitaine tour de rle Plus tard, lescadron deviendra lunit tactique des troupes cheval, comme le bataillon pour les troupes pied, mais les 2, 3 ou 4 compagnies qui le composaient, conservrent leurs tendards particuliers tandis que les capitaines shabituaient progressivement marcher sous le comman22

dement unique du plus ancien dentre eux. Cette organisation sest perptue dans la Maison du Roi et dans la Gendarmerie de France jusquen 1788. En 1633, profitant de lexprience acquise La Rochelle, le cardinal dont le but tait de dtruire les privilges, de rduire les capitaines de cavalerie lobissance et de mettre les compagnies franches lordonnance, frappa un premier coup en supprimant la distinction entre vieilles compagnies celles qui avaient survcu Henri IV et nouvelles compagnies, ne faisant plus delles quun seul corps. Dans lordonnance quil fit signer au roi le 29 septembre 1633, il prcisait que le capitaine qui achterait une compagnie vieille ne bnficierait plus de la prsance attache cette compagnie mais prendrait place la suite des capitaines appartenant dj au cadre la date de lachat ou de la commission. Deuxime coup port par le cardinal au vieux systme : le rglement donn le 3 octobre 1634 qui, enfin, donnait une forme officielle aux essais de La Rochelle : la cavalerie franaise tait forme en 91 esquadres de cavalerie et 7 esquadres de carabins, chaque esquadre tant en principe forme de 100 chevaux. Enfin, en 1634, il fait signer Louis XIII une ordonnance qui prescrit la formation de 12 rgiments de cavalerie lgre, composs chacun de 7 compagnies, ce qui fait un total de 84 compagnies. Richelieu ne prit aucune disposition pour les 7 compagnies restantes, dtenues par de trop grands personnages de souche royale ou de la trs haute aristocratie pour quon sen prt directement eux. En mme temps, il faisait admettre la solde de France deux rgiments levs prcdemment ltranger, lun en Savoie, lautre en Allemagne. Quant aux 7 esquadres de carabins, elles taient runies en un rgiment. Neuf compagnies trangres de carabins taient runies dans un rgiment confi au favori de Louis XIII, le futur duc de Saint-Simon, pre de lillustre chroniqueur. Et pour couronner le tout, le 27 mai 1634, le cardinal prescrivait la formation de 6 rgiments de dragons, dont lun tait plac immdiatement sous son commandement.

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Le 26 octobre 1635, 16 vieux rgiments allemands en fait des Ecossais, des Ligeois, des Lorrains, des Suisses, des Polonais, etc. et des Allemands qui appartenaient au duc de Saxe-Weimar furent mis la solde du roi et dfinitivement incorpors la cavalerie franaise la mort du duc en 1639. Ainsi donc, la fin de la campagne de 1635, les troupes cheval se montaient une cinquantaine de rgiments dont 28 trangers. On comptait 22 329 chevaux, y compris les 7 compagnies spares appartenant au roi, aux princes ou certains Grands dont le cardinal lui-mme. Ces rgiments taient composs de 2 escadrons, chacun comptant 2 compagnies : une ancienne (dite chef descadron) et une nouvelle. Les rgiments furent donns des mestres de camp choisis parmi les officiers dj pourvus dune compagnie ancienne ; cette compagnie personnelle, proprit du chef de rgiment, est appele compagnie mestre de camp et se trouve place la tte du 1er escadron. Autrement dit, le commandant du rgiment tait aussi celui du 1er escadron ; celui du 2e escadron tait le plus ancien capitaine du rgiment aprs le mestre de camp et on lui donna le titre de major. Au bout de sept mois seulement, le cardinal fut oblig de renoncer son systme. Des difficults de prsance sans nombre et le peu de rsultat obtenus sur le terrain le forcrent en revenir au vieux systme, peine modifi. Le 26 juillet 1636, le secrtaire dtat la guerre, Sublet des Noyers crivait au cardinal de la Valette, ami et confident de Richelieu : Le Roy met la cavalerie en escadrons au lieu de rgiments. Son Eminence na point de satisfaction de son rgiment, ni du vtre.9 On ne peut tre plus clair On distribua donc la cavalerie franaise par escadrons de 3 compagnies chacun, selon le rang de leur anciennet. Mais le cardinal ntait pas homme renoncer une bonne ide et le lendemain mme du licenciement des rgiments de cavalerie lgre, il fit supprimer le recrutement de la cavalerie par llment noble et dsobissant . Aprs 18 mois de rflexion et de consultation, le 24 janvier 1638, on dlivra des commissions pour 36 rgiments de cavalerie lgre franaise,9

Cit par Susane, p. 97.

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composs uniformment de 8 compagnies de cavalerie lgre et dune compagnie de mousquetaires. Avec les 25 rgiments trangers, qui avaient subsist, on avait donc maintenant 61 rgiments, chiffre bientt port 70. Le rglement du 15 mai 1638 disposait que chaque rgiment marchera selon lanciennet de son mestre de camp depuis quil est capitaine, except ceux du colonel gnral et du mestre de camp gnral . Et le roi prcisait : Sa Majest ayant voulu que la compagnie de la Reine, celle de Monsieur, de M. le Prince, et quelques autres, demeurassent franches, sans tre incorpores dans aucun rgiment, S M. entend quelles ne rouleront point et resteront auprs du gnral de larme, ou auprs de Sa personne, linstar de la compagnie de la Garde de S.M. Les carabins prendront lordre du colonel et du mestre de camp gnral de la cavalerie. Mais ces rglements furent appliqus avec la plus grande difficult : les capitaines se montraient toujours aussi arrogants et la tte aussi prs du bonnet. Il fallut plusieurs arrts du Conseil dtat cassant aux gages les officiers les plus turbulents pour arriver maintenir un certain ordre dans la cavalerie lgre. Cest ainsi que le roi crit personnellement au marquis de Praslin, mestre de camp gnral pour lui dfendre de venir la cour et lui ordonner de se retirer chez lui la campagne, cause du mcontentement qua S.M. du mauvais ordre quil a laiss introduire dans la cavalerie de larme en Champagne . Certains historiens, la fin du XIXe sicle, voyaient dans les difficults rencontres par le cardinal-duc pour rformer la cavalerie et en faire une arme efficace, la manifestation de lorgueil dune noblesse frondeuse et porte sauvegarder ses privilges fodaux : Il est bon que lon sache quelles difficults se sont heurts les anciens gouvernements, mme les plus vigoureux, et combien les prjugs, les intrts particuliers, les passions de quelques-uns, lignorance et la vaniteuse sottise de la foule, et par-dessus tout cette maladie franaise, ce besoin de braver lautorit, ont de tout

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temps fait perdre de vue les intrts gnraux du pays et caus de maux la France10 Et cest un officier gnral franais qui le dit !... Et le mme enfonce douloureusement le clou : On exalte beaucoup trop limportance du rle jou par la bravoure du soldat et par lesprit daventure de lofficier. On entretient ainsi chez les Franais la croyance une certaine supriorit naturelle qui doit lui tenir lieu de tout et les porte mpriser ladversaire, quel quil soit.11 Et il ne sagit pas de football En outre le cardinal-ministre se heurte au particularisme fodal des seigneurs franais. La rgle qui voulait que le vassal dt le service militaire son suzerain navait jamais t abroge. Dj, le 31 juillet 1636, le roi Louis XIII avait sign une ordonnance qui relevait le gentilhomme de larrire-ban de lobligation du devoir militaire personnel et lavait autoris se faire remplacer larme par un cavalier entretenu ses frais. Cela ne suffisait pas : la plupart des gentilshommes concerns sabstinrent de profiter de cette facilit et prfrrent continuer fournir le service personnel. Or, ainsi quil a t dit, le cardinal avait pour but de se dbarrasser de ces fodaux cabochards et de constituer une vritable arme de mtier. Mais comment faire pour dgager larrire-ban de ses obligations militaires sans toutefois rompre le lien fodal en lui-mme ? Richelieu usa dune astuce, bien dans sa manire : il fit abroger lordonnance de 1636 et, le 14 mai 1639, soumit la sanction royale une ordonnance qui prcisait que le gentilhomme, au lieu de fournir un homme cheval, devrait fournir 2 hommes pied. Aucun gentilhomme naurait pu consentir servir comme simple fantassin. Passez muscade !... Quoi quil soit, force de rigueur, le cardinal de Richelieu, contraint par les vnements (on est en plein dans la guerre de Trente ans et la France est menace de partout) autant que par le sens rationnel qui le caract10 11

Susane, p. 101. Id., p.103.

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rise, finit, la fin 1638, par obtenir 70 rgiments de cavalerie instruits et organiss qui montrrent leur pleine mesure Rocroi. Et le systme subsista 20 ans jusquau trait des Pyrnes qui mettait fin la guerre de Trente ans. Daprs les priodes, le nombre de rgiments de cavalerie a vari de 60 170. Nous possdons un tat complet de la cavalerie franaise la date du 24 fvrier 1647 et il nest pas inintressant de le reproduire :

Hors de lautorit du colonel gnral de la cavalerie lgreLa Garde du roi : 4 compagnies de Gardes du corps, 1 compagnie de gendarmes et 1 compagnie de chevau-lger. Les 22 compagnies de gendarmes, de chevau-lgers ou de mousquetaires appartenant la Reine-Mre, au duc dAnjou, au duc dOrlans, au prince de Cond, au cardinal Mazarin et aux 17 marchaux de France. La cavalerie lgre proprement dite (sous lautorit du colonel gnral) 68 rgiments (300 cornettes) dont 12 dorigine trangre. La cavalerie auxiliaire 62 rgiments trangers (italiens, catalans, anglais, allemands, lorrains et wallons) sous les ordres de colonels particuliers. Lordonnance du 30 mars 1654 avait fix la force des compagnies 46 matres ; les escadrons taient donc de 92 hommes pouvant former, avec le cadre, 3 rangs et 30 32 files. Turenne Le 24 avril 1657, Louis XIV nommait colonel gnral de la cavalerie lgre, le marchal Henri de la Tour dAuvergne, vicomte de Turenne. Mais Turenne exerait dj une considrable influence sur le cardinal de Mazarin avec lequel il stait rconcili lors du rappel dfinitif de celui-ci en dcembre 1651. Ds 1654, le marchal avait soutenu que dans une guerre o cinq ou six armes 27

Le Vicomte de Turenne par Charles Le Brun (1665) Muse de Versailles

taient engages, deux postes de gnral de cavalerie ntaient pas suffisants. Il obtint donc la cration dune charge de commissaire gnral de la cavalerie qui fut finalement confie, aprs bien des difficults, au marquis dEsclainvilliers12. Une fois nomm colonel gnral, Turenne, dans la mme optique, proposa la cration de charges de brigadiers de cavalerie. Depuis 1654, trois officiers gnraux taient aptes commander la cavalerie : le colonel gnral, le mestre de camp gnral et le commissaire gnral. Sil y avait plus de trois armes, une fois que les trois gnraux staient rpartis les commandements des cavaleries faisant partie de ces armes, il ny avait plus personne pour commander les autres, de telle sorte que les mestres de camp se livraient chacun de sournoises machinations pour prendre le pas sur les autres. Comme les gnraux commandant darme navaient pas sabaisser rgler les dtails de fonctionnement de leur cavalerie, Turenne tait davis de donner des officiers gnraux la possibilit de commander plusieurs rgiments. Le marchal rallia Mazarin ses vues et le 8 juin 1657, tait cre la charge de brigadier gnral de la cavalerie. Les brigadiers taient officiers gnraux mais nen gardaient pas moins leur rgiment dont ils restaient mestres de camp ; ce nest quen campagne quils prenaient le commandement dune brigade. La premire fourne de brigadiers commissionns en 1657 comptait 13 mestres de camp, jugs les plus aptes commander des masses de cavalerie. A la fin de la guerre franco-espagnole, larme franaise comptait 700 cornettes ou compagnies de cavalerie, nationale ou auxiliaire, et 112 rgiments constitus. Mais avant mme que ft sign le trait de Pyrnes, (7 novembre), le roi signa la dissolution de tous les rgiments de cavalerie, dont il ne conserva quune ou deux compagnies et toutes les compagnies dordonnance ou franches furent supprimes sauf celles du roi et des princes du sang. Mais cette mesure radicale ne fut applique que progressivement. Fin 1661, on navait conserv que 4 rgiments : le rgiment Royal, le rgiment du Roi, les carabins du Roi et Royal tranger.Cest ce personnage que le 3e rgiment de cuirassiers franais, dfinitivement dissous en 1998, faisait remonter sa cration.12

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Les compagnies des Princes ne comptaient plus que celles de la Reine, de la Reine-Mre, de Monsieur et du duc dYork. En 1662, la cavalerie tait donc compose comme suit : Maison du Roi o 4 compagnies de Gardes du corps o Gendarmes de la Garde o Chevau-lgers de la Garde o Une compagnie de mousquetaires o Gendarmes cossais Gendarmes et chevau-lgers de la Reine Gendarmes et chevau-lgers de la Reine-Mre Gendarmes de Monsieur Une soixantaine de compagnies franches (lgres) appartenant danciens mestres de camp 4 rgiments organiss. Ctait videmment fort peu en cas de conflit. En 1663, le grave incident qui avait impliqu lambassadeur de France Rome exigea lenvoi en Italie de 26 compagnies, qui, une fois lincident aplani, sjournrent quelque temps Parme et Modne avant dtre envoyes en Hongrie laide de lEmpereur aux prises avec les Ottomans. Aprs que 14 autres compagnies venues directement de France les y rejoignirent, il ny avait pratiquement plus de cavalerie en France, au point que le roi, ayant envoyer en novembre 1665, un corps expditionnaire contre lvque de Mnster, dut dtacher une partie de ses Gardes du corps, deux compagnies de mousquetaires (dont lune de cration rcente) et les chevaulgers du Dauphin, crs en janvier 1663. Lorsque la mort du roi Philippe IV dEspagne laissa entrevoir le risque dune guerre, Turenne obtint le recrutement de 37 rgiments, ce qui en porta le nombre 41, et les confia danciens mestres de camp licencis en 1659 et 1661. Quelques autres rgiments furent crs par la suite, de sorte quen avril 1667, la cavalerie franaise pouvait se dcomposer ainsi :

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Maison du Roi et des Princes (2 800 hommes) o Gardes du corps (4 compagnies, 800 h) o Gendarmes du Roi (1 compagnie, 200 h) o Chevau-lgers du Roi (1 compagnie, 200 h) o Mousquetaires du Roi (2 compagnies, 600 h) o Gendarmes cossais (1 compagnie, 200 h) o Gendarmes et chevau-lgers de la Reine (2 compagnies, 200 h) o Gendarmes et chevau-lgers du Dauphin (2 compagnies, 400 h) o Gendarmes et chevau-lgers de Monsieur (2 compagnies, 200 h) Cavalerie lgre (10 800 matres, 820 officiers) o 9 rgiments 6 compagnies o 32 rgiments 4 compagnies o 3 rgiments 3 compagnies o Le rgiment des carabins du roi (14 compagnies) Lanne suivante, on porta le nombre de ces rgiments 95. Les dragons taient dfinitivement constitus en 2 rgiments (Royal et Colonel Gnral) entre lesquels on rpartit les carabins qui comptaient alors un total de 22 compagnies. Aprs la signature de la paix dAix-la-Chapelle, le roi qui, dit-on, navait pas t entirement satisfait par ses rgiments de cavalerie, les rduisit en compagnies franches, maintenant ainsi 10 000 chevaux, y compris ceux de sa Maison. Toutes les compagnies furent compltes 100 matres et Turenne chargea le marquis de Fourilles de les organiser uniformment et de les instruire, lintention du Roi tant de les reconstituer en rgiments aussitt que cette instruction serait faite. Le 1er fvrier 1670, on ddoubla les compagnies, chacune comptant maintenant 50 matres ce qui donna 66 escadrons de 2 compagnies de 50 matres chacune. En examinant la liste de ces escadrons qui, comme le veut la tradition, portent le nom de leur commandant, le gnral Susane constatait quon ny voyait fort peu de patronymes appartenant la grande noblesse. Il en tirait la conclusion, certainement fonde, que Turenne avait prfr confier ses escadrons des officiers de mrite plutt qu des rejetons de familles au nom tincelant. Il suggre mme que la manire feutre dont avait opr Turenne pour dissoudre les anciens rgiments et mettre trois ans pour les remplacer par de nouveaux esca30

drons 2 compagnies (et non plus des rgiments) avait justement pour but dliminer les mestres de camp les plus turbulents, encore pntrs de lesprit fodal contre lequel la monarchie bataillait depuis prs dune cinquantaine dannes maintenant. Le 1er juillet 1671, les compagnies furent portes 100 matres et un peu plus tard, on prit 30 cavaliers dans chacune de ces compagnies, pour former la troisime compagnie de chaque escadron. Ds lors, lescadron comptait 3 compagnies de 60 70 matres chacune. En 1672, nouveaux bruits de bottes : Louis XIV prpare la guerre de Hollande. Les 66 escadrons sont ports 6 compagnies chacun et retrouvent le nom de rgiment. Ce nest qualors que, pour la cavalerie, sinaugure le rgime de la permanence, en vigueur dj depuis prs de cent ans dans linfanterie.

Mousquetaire noir de la Maison du Roi (1724) d'aprs Humbert et Linard - Les uniformes de l'arme franaise, planche 25.

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Les rgiments permanents En 1678, la guerre de Hollande se termina par la paix de Nimgue. A lissue du conflit, la cavalerie franaise se dcomposait de la manire suivante La grosse cavalerie La Maison du Roi o 1re Division de rserve (1 400 hommes) 4 compagnies des Gardes du corps commands de droit par le capitaine de la compagnie cossaise. e o 2 Division de rserve (1 200 hommes) dite Maison Rouge 1 compagnie des gendarmes de la Garde 1 compagnie de chevau-lgers 2 compagnies de mousquetaires 1 compagnie de grenadiers de la Garde (depuis 1676) La Gendarmerie : 1 division de rserve (1 200 1 600 hommes) o 1 compagnie de gendarmes cossais du Roi o 1 compagnie de gendarmes anglais du Roi o 1 compagnie de gendarmes de Bourgogne du Roi o 1 compagnie de gendarmes de Flandre du Roi o 1 compagnie de gendarmes de la Reine o 1 compagnie de chevau-lgers de la Reine o 1 compagnie de gendarmes du Dauphin o 1 compagnie de chevau-lgers du Dauphin o 1 compagnie de gendarmes dAnjou o 1 compagnie de chevau-lgers dAnjou o 1 compagnie de gendarmes dOrlans o 1 compagnie de chevau-lgers dOrlans o 1 compagnie de gendarmes de Bourgogne ( partir de 1690) o 1 compagnie de chevau-lgers de Bourgogne (idem) o 1 compagnie de gendarmes de Berry (idem) o 1 compagnie de chevau-lgers de Berry (idem) La cavalerie lgre 99 rgiments de 8, 6, 4 ou 3 compagnies suivant leur anciennet ou la qualit de leur commandant, soit un total de 47 100 cavaliers.

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Le corps des dragons 14 rgiments, organiss comme la cavalerie lgre, soit un total de 9 840 dragons Il nexistait cette poque aucune cole de cavalerie. Cest la Maison du Roi qui en tenait lieu, en particulier les deux compagnies de mousquetaires. Ces deux compagnies, organises pour combattre tant pied qu cheval, taient les seules troupes de cavalerie de la Maison du Roi casernes Paris dans des htels construits pour elles : lune au Faubourg Saint-Antoine, lautre au Faubourg Saint-Germain. Cest par elles que passrent la plupart des officiers, tant cavaliers que fantassins, de larme royale. Les jeunes nobles de province y taient accueillis ds lge de 15 ans et soumis une discipline svre et une instruction soigne. Cette instruction ntait pas seulement thorique puisque les compagnies de mousquetaire marchaient au combat comme les autres. Cest le plus souvent au cours de ces combats que les jeunes mousquetaires dcrochaient un brevet de cornette ou de sous-lieutenant. Cest dans les corps euxmmes que se formaient les sous-officiers, distingus dans la troupe, elle-mme compose de volontaires blanchis sous le harnais. Leffectif dune compagnie de cavalerie comme dune compagnie de dragons se Guidon du 5e dragons, mod. 1804) composait en temps ordinaire (et selon ltat du Trsor) de 20 60 hommes. Chacune avait un capitaine, un lieutenant, un cornette ou un guidon, parfois un sous-lieutenant, toujours un marchal-des logis et un brigadier pour 12 16 matres. A la diffrence de notre poque o le brigadier quivaut un caporal et fait partie de la troupe, le brigadier tait alors un vritable sous-officier. Tant quelle demeura la proprit de son capitaine, la compagnie sadministra sparment et possda sa propre enseigne, appele dans la cavalerie, tendard, chez les dragons, guidon. Cette enseigne tait rectangulaire dans la cavalerie mais chez les dragons, le bord oppos la hampe tait dcoup en deux demi-cercles. Il faut remarquer que cette 33

forme particulire dtendard est reste trs longtemps en usage, mme sous lEmpire, et quelle se perptue trangement de nos jours au Canada : la forme du guidon de la Gendarmerie royale du Canada est tout fait caractristique. On reconnat dans les tendards et guidons les successeurs des bannires du temps de la chevalerie et les capitaines et mestres de camp en taient bien conscients. Un rgiment qui avait t port 12 compagnies durant une guerre et puis rduit 4 la paix conservait ses 12 tendards ou guiGuidon de la Gendarmerie royale du Canada

dons

Il est important de retenir que, sur le terrain, en manuvre comme la guerre, les compagnies nagissent que comme fractions de lescadron, devenu, comme le bataillon dans linfanterie, lunit tactique dans la cavalerie. Lorsque le rgiment fut dfinitivement constitu, en 1671, lescadron comptait 3 compagnies. En 1733, on porta ce nombre 4 compagnies de 40 hommes, soit 160 matres pour un escadron. En 1762, le nombre de compagnies de lescadron fut rduit deux, mais leffectif des compagnies fut doubl. Aprs quelques hsitations, ce systme prvalut en 1788 et le grade de chef descadron fut cr. Jusqualors, les compagnies de lescadron se rangeaient de droite gauche, dans lordre danciennet des capitaines, et taient places sous le commandement du capitaine le plus ancien, dont la compagnie personnelle, confie un lieutenant, prenait le titre de compagnie chef descadron. Le rgiment navait quun officier suprieur, le mestre de camp tant luimme capitaine titulaire dune compagnie quil confiait un lieutenant de la mestre de camp. En 1685 et 1686, furent rgls la situation des lieutenants-colonels et majors. Il sagit l de titres de fonction et non de grades : ils restent capitaines, mais exercent dimportantes fonctions au sein du rgiment : le lieutenant-colonel le commande en labsence du mestre de camp ; en sa prsence, il commande le 2e escadron. Le major, quant lui, est un adjoint du chef de corps, particulirement affect ladministration et la police ; il ne prend jamais le commandement dune unit. 34

Nous avons montr combien le nombre de compagnies ou descadrons pouvait avoir vari au cours des temps ou selon la qualit de leur chef. En 1779, cependant, les rgiments de gentilshommes ayant pratiquement disparus, on put, sans trop de douleur, les mettre sur le mme pied. Tous les rgiments furent uniformment ports 5 escadrons de 2 compagnies : 4 escadrons de guerre et 1 escadron auxiliaire ou de dpt. En temps de guerre, on runissait 2, 3 ou 4 rgiments sous les ordres dun brigadier gnral et, dans les grandes armes, lensemble de la cavalerie tait command par le colonel gnral, le mestre de camp gnral ou le commissaire gnral.Louis XV en cuirasse (1727). Ainsi quon la constat, les rgiments de cavaAtelier de Van Loo, Muse des Beauxlerie appartiennent tous la cavalerie lgre, Arts, Nancy (RMN) alors que la Maison du Roi et la Gendarmerie, constitues en compagnies franches, constituent la grosse cavalerie. Mais il faut aussi remarquer quil nexiste gure de diffrence entre ces deux catgories. Mme armement : pistolet, mousqueton et pe longue, remplace le 22 fvrier 1679, par le sabre ; mme harnachement : selle la franaise avec housse ou tapis, fontes et couvre-fontes Ne font la diffrence que la taille des chevaux (do le terme de grosse cavalerie ), la couleur et la richesse de luniforme.

Il nexistait quun rgiment cuirass : les Cuirassiers du Roi, appartenant pourtant la cavalerie lgre. Mais le port de la cuirasse tait obligatoire pour les officiers et une ordonnance de Louis XIV, date du 5 mars 1676, vint le rappeler vigoureusement : les officiers qui ne se soumettraient pas cette obligation verraient leur charge interdite. Il ne sagissait sans doute pas de donner une protection supplmentaire aux officiers, mais plutt de permettre de les distinguer plus facilement sur le champ de bataille. Le hausse-col que les officiers ont trs longtemps port comme marque de service nest rien dautre que la subsistance de cette cuirasse. Remarquons aussi que les souverains ne sexcluaient pas eux-mmes de 35

cette obligation ainsi que le montrent de nombreux portraits de Louis XIV et de Louis XV. Nous passerons trs vite sur diverses ordonnances modifiant lorganisation de la cavalerie lgre dans la mesure o la plupart des mesures prises neurent pas de lendemain. Mais il nous faut faire mention de celle du 26 dcembre 1679 adjoignant 2 carabiniers chaque compagnie. Il faut en effet y voir lorigine du corps des carabiniers qui suivirent une volution comparable celle des grenadiers dans linfanterie : dabord disperss dans les compagnies, ils finirent par tre runis en compagnies spciales puis runis en rgiments. Lencre du trait de Nimgue ntait pas sche que Louis XIV envisageait un nouveau conflit, lequel passera lhistoire sous le nom de guerre des Runions (1683-1684). Et le roi entreprit nouveau daugmenter ses capacits offensives. En 1681, le roi disposait de 18 000 chevaux, 380 compagnies de cavalerie 30 matres et 126 compagnies de dragons 36 hommes. Le 8 mars 1682, la cavalerie est augmente de 160 compagnies formes en rgiments nouveaux. Le 7 mai, nouvelle augmentation de 250 compagnies ; celles de dragons sont portes 40 hommes. Le 27 septembre 1683, les compagnies de cavalerie sont mises 40 hommes ; on lve 205 compagnies nouvelles dont 25 compagnies franches de dragons pour le service des ctes. Arrive alors la trve de Ratisbonne qui soulage un peu lEurope : les compagnies de cavalerie et de dragons sont rduites 35 hommes. Mais Louis XIV ntait pas homme laisser scher lencre des traits. Voil donc le pays dans le conflit quon appellera la guerre de la Ligue dAugsbourg., et cest nouveau loccasion de lever de nombreux rgiments. Le 30 aot 1690, les compagnies de gendarmes et de chevau-lgers de Bourgogne, dAnjou et de Berry sont cres et confies aux trois petits-fils de Louis XIV. Le 29 octobre 1690, les carabiniers sont retirs des compagnies et affects une compagnie spciale attache chaque rgiment. Durant cette anne, le nombre de rgiments de dragons atteignit le chiffre-record de 43. Il convient de prciser ici que Louis XIV, en dcembre 1689, avait ordonn que les dragons, lesquels faisaient toujours roulement avec 36

linfanterie, roulassent dsormais avec la cavalerie, avec la restriction importante quils continueraient rouler avec linfanterie lors des siges. Le 1er novembre 1693, Louis XIV, fort content du comportement des compagnies de carabiniers lors de la bataille de Neerwinden ordonna que ces compagnies fussent runies en un seul corps sous le nom de Royal-Carabiniers et placs sous le commandement de son fils, le duc du Maine, alors g de 24 ans. Il plaa ce rgiment dans la hirarchie immdiatement au-dessous du rgiment de Berry, appartenant son plus jeune petit-fils lgitime. Encore Royal-Carabiniers fait-il figure de monstre : 5 brigades, 50 escadrons, 100 compagnies. Certains historiens, sinterrogeant sur cette anomalie, ny ont pas trouv dautre explication que la volont du roi dimposer larme son fils btard quil sapprtait lgitimer et dont la commission au grade de gnral des galres puis de lieutenant gnral avait bien fait rire en dehors de Versailles. Nous savons que ds 1635, des rgiments de cavalerie dorigine hongroise existaient. Mais cest le 19 novembre 1693 que fut cr le premier rgiment entretenu sous le nom de hussards, dont les traditions de corps se sont perdues, lactuel 1er hussards parachutistes ne prtendant faire remonter les siennes quaux hussards de Bercheny, crs en 1720. Il faut aussi citer, fin 1694, la cration de charges de directeurs gnraux et dinspecteurs gnraux de la cavalerie. Ces crations eurent pour effet de rduire considrablement le rle du colonel gnral. Certains ne purent sempcher de voir dans ces crations une manuvre destine humilier le comte de Turenne, fils et successeur du marchal, qui avait eu le toupet de refuser de revendre sa charge de colonel gnral au duc du Maine. La conclusion du trait de Rijswijk en 1699 amena encore une modification de leffectif de la cavalerie : ne subsistrent que 60 rgiments de cavalerie et 15 de dragons. Court rpit : deux ans plus tard, la guerre de Succession dEspagne fit renatre toutes les units dissoutes et en crer de nouvelles : durant cette guerre, on connut jusqu 135 rgiments de cavalerie et de dragons. Aprs la paix dUtrecht et le trait de Rastatt, en 1715, il fut nouveau procd une vaste dmobilisation : ne subsist37

rent que 58 rgiments de cavalerie et 15 de dragons. Le 28 avril 1716, le rgent ramena lensemble de ces rgiments de 12 8 compagnies de 25 hommes. Ce systme dura jusquen 1740, si ce nest la leve du rgiment de hussards de Bercheny en 1720 et celle du rgiment de hussards dEsterhazy en 1734. Le 1er fvrier 1727, tous les rgiments furent mis sur le pied uniforme de 3 escadrons de 3 compagnies. Durant la guerre contre lAutriche de 1733, lescadron fut port 4 compagnies de 40 matres chacune. En dehors de cette parenthse, cette poque, les rgiments taient tous forms de 4 escadrons de 2 compagnies chacun, chaque compagnie portant son tendard et comptant un effectif de 25 hommes en temps de paix et de 40 hommes en temps de guerre. La formation en bataille tait sur trois rangs, et lon rompait en colonne par 3, par demi-compagnie, par compagnie et par escadron. Chaque compagnie avait 2 trompettes ; la compagnie de dragons, 1 tambour et 1 hautbois. En outre, la plupart des rgiments avaient un timbalier. Larmement se composait dun sabre, dun mousqueton et dune paire de pistolets dans la cavalerie lgre, exception faite des carabiniers qui remplaaient le mousqueton par une carabine, un peu plus longue. Les dragons taient arms dun fusil, plus court que celui de linfanterie. Un seul rgiment, les Cuirassiers du Roi, portait la cuirasse ; tous les autres, excepts les hussards, portaient une veste de buffle bientt remplace par une veste de chamois. Quant aux officiers, ils avaient abandonn la cuirasse qui ne fut plus porte que par les officiers gnraux. Deux ordonnances royales de 1737 mirent un terme dfinitif aux dbats sur les tendards. Dsormais, chaque rgiment porterait autant dtendards (ou de guidons, pour les dragons), que de compagnies, tous semblables dans le mme corps, except dans les rgiments des colonels gnraux dont la compagnie colonelle porterait un tendard ou un guidon blanc. Ceci tabli, on constate quelques particularits, dues quelque tradition ou privilge particulier. Quelques rgiments avaient des tendards dont les deux faces ntaient pas de la mme couleur : ltendard du rgiment de Cond, par exemple, tait bleu (couleur 38

royale) dun ct et ventre-de-biche (couleur du prince propritaire) de lautre. Par ailleurs, les tendards et guidons ne portaient pas la croix blanche comme les units dinfanterie, mais taient pleins dune seule couleur, le plus souvent bleu ou rouge mais parfois jonquille, vert, cramoisi ou noir, frangs dor ou dargent et rehausss du chiffre royal. Nous avons dcrit la forme particulire des guidons de dragons mais il nous faut noter celle des tendards de hussards qui avaient une forme allonge et taient fendus en pointes et non en demi-cercles. Cette particularit prit fin avec lancien rgime.

Etendard des hussards de Chamborant. (Vignette publicitaire des Grands Economats franais, socit d'Alimentation et d'Approvisionnement (vers 1910 ?).

La cavalerie ne reut pas duniforme avant 1690. Jusque-l, la tenue tait reste la fantaisie des mestres de camp. Mais partir de cette date, le roi fixa les uniformes, commencer par ceux ports par sa Maison. Un document trouv dans les papiers du roi nous donne une ide des uniformes ports dans la cavalerie franaise.

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Les Gardes du corps portrent lhabit bleu turquin , un bleu tirant vers le gris13, revers rouges, les compagnies se distinguant par la couleur de la bandoulire supportant lpe. Les mousquetaires, gendarmes et chevau-lgers furent habills de rouge. Les grenadiers cheval de la Garde en bleu de roi14, doubl de rouge et agrment de blanc. 87 rgiments de cavalerie lgre en habit gris, revers rouges 14 rgiments (au Roi ou aux Princes : Royal, du Roi, Royal tranger, Cuirassiers du Roi, Cravates, Royal-Pimont, Dauphin, Dauphin Etranger, Bourgogne, Royal Allemand, Berry, GrandsRoyaux, Anjou) : habit bleu, revers rouges ; une exception : RoyalRoussillon : habit bleu, revers bleu. 1 rgiment (Noailles) : habit rouge, revers rouges 1 rgiment (Aubusson La Feuillade) : habit gris blanc, revers rouges 4 rgiments (Souastre, Chtelet, Bissy, Chtelet 2e) : habit gris revers bleu Le document nindique aucun uniforme pour 2 rgiments franais (Rassent et Fiennes) ainsi que pour 7 rgiments trangers, sans doute auxiliaires (Royal Allemand 2e, Quadt 2e, Rottembourg, Legall, Manderscheid, Frstenberg et Geoffreville). Le document du roi recense 31 rgiments de dragons mais ne fixe pas la tenue de 15 dentre eux. Les autres : Dragons du Roi : habit bleu, revers rouges Dragons du dauphin : habit bleu, revers bleus

Un officier de Royal Allemand (1784)

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Code Hexa : 425B8A. Code Hexa : 318CE7.

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Colonel Gnral et Mestre Gnral : habit rouge, revers bleus. Dragons de la Reine, Sailly, Languedoc 1er et Languedoc 2e : habit rouge, revers rouges. Marquis de Gramont et Asfeld Etranger : habit rouge, revers verts. Fontbeausard et Wartigny : habit rouge, revers jaunes. Royal Gramont : habit rouge, revers isabelle. Asfeld : habit vert, revers rouges Fimarcon et Boufflers : habit vert et revers verts. Petite remarque : alors que tous les rgiments sont vtus de couleurs drivant des couleurs de la Maison du Roi (bleu, rouge et gris pour le blanc, trop salissant), la couleur verte fait son apparition chez les dragons. Elle sera appele un bel avenir Si aucune prescription ne rgle la couleur des harnachements, celle des chevaux comporte quelques particularits : les compagnies des mousquetaires montaient, lune des chevaux gris : les mousquetaires gris, lautre des chevaux noirs : les mousquetaires noir ; les compagnies personnelles du colonel gnral de la cavalerie et du colonel gnral des dragons taient seules montes sur des chevaux gris. A la fin de la Rgence, les cavaliers portaient le grand habit la franaise, gris, bleu ou rouge, avec revers parements, doublures de couleurs varies suivant la distinctive, manteau, culotte de peau, bottes molles, bandoulire et ceinturon de cuir blanchi et piqu, parfois des aiguillettes, chapeau noir bord dor ou dargent avec la cocarde noire. Quelques corps portaient une coiffure particulire : le Royal-Allemand avait le bonnet la polonaise ; les hussards, le shako sans visire et entour dune banderole flottante. Lquipement du cheval se composait dune housse ou tapis et de couvre-fontes rouges ou bleus et bords dun galon de laine la livre du mestre de camp ce mme galon qui apparaissait sur lhabit des trompettes, tambours et hautbois. Les dragons, gnralement en bleu ou en rouge se distinguaient par un bonnet de forme particulire qui est lorigine du bonnet de police. Le turban de ce bonnet tait gnralement de la couleur distinctive. 41

Aprs la guerre de Sept Ans Alors quil nexiste aucune rupture entre la cavalerie telle quelle existait la mort de Louis XIV et celle de la guerre de Succession dAutriche, la guerre de Sept Ans va voir larme voluer trs vite. En 1756, la Maison du Roi et des Princes tait sur le mme pied quen 1690, mais la cavalerie comptait 64 rgiments et le corps des dragons, 17. Le rgiment de Carabiniers comptait 25 compagnies en 5 brigades, ce qui le rendait quivalent 5 rgiments ordinaires. En totalisant lensemble de ces corps, on arrive un total de 60 000 hommes lentre de la guerre de Sept Ans. Mais les oprations dmontrrent que la cavalerie ne rpondait pas ce quon attendait delle. Ds la dernire bataille perdue par la France contre le Hanovre sur le thtre europen le 16 juillet 1761, le gouvernement sattaqua vigoureusement la question. Le 1er dcembre, 31 rgiments de cavalerie disparurent et leur effectif redistribu dans les rgiments restants dont leffectif des compagnies fut doubl. La cavalerie lgre ne compta plus que 31 rgiments, y compris les carabiniers mais non compris les hussards. Tous les rgiments de gentilshommes disparurent, except celui de Noailles, ils prirent soit le nom de princes soit devinrent royaux avec le nom dune province. Voici la liste des 31 rgiments tels quordonns le 1er dcembre 1761 : 1. Colonel Gnral 2. Mestre de camp gnral 3. Commissaire gnral 4. Royal 5. Le Roi 6. Royal tranger 7. Cuirassiers du Roi 8. Royal-Cravate 9. Royal-Roussillon 10. Royal-Pimont 11. Royal-Allemand

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12. Royal-Pologne 13. Royal-Lorraine 14. Royal-Picardie 15. Royal-Champagne 16. Royal-Navarre 17. Royal-Normandie 18. La Reine 19. Le Dauphin 20. Bourgogne 21. Berry 22. Carabiniers-Provence 23. Artois 24. Orlans 25. Chartres 26. Cond 27. Bourbon 28. Clermont 29. Conti 30. Penthivre 31.Noailles.

Dragon du Rgiment du Roi (1736)

Trois rgiments de hussards subsistrent : Bercheny, Chamborant et Nassau. Les dragons restrent forms en 17 rgiments, au nom de gentilshommes et la constitution des troupes lgres mixtes. Cest l que se situe la nouveaut. Il sagit de faire voluer ensemble des troupes lgres, tant pied qu cheval. Le but recherch est lallgement des troupes, de rendre leurs mouvements plus souples, autrement dit de sortir du carcan des rglements sur la tactique. A dire vrai, il faut faire remonter la naissance de ces troupes mixtes 1743, quand un mercenaire allemand du nom de Johann Christian Fischer, inspir par les pandours autrichiens, runit cavaliers et fantassin dans la mme unit : la Compagnie franche de Chasseurs. La lgende veut que Fischer ait t frapp par le fait que les hussards autrichiens aient pris lhabitude de voler les chevaux franais pour assurer leur remonte. Il se serait agi daller rcuprer ces chevaux, daller les chasser . Do le nom de Chasseurs En ralit, il semble bien que Fischer, pour recruter ses hommes, ait prfr sassurer le con43

cours des meilleurs tireurs, savoir les garde-chasses et les braconniers, pour une fois unis sous la mme bannire. Quoi quil en soit, la premire compagnie de chasseurs comptait 45 hommes pied et 15 cavaliers. En 1747, Fischer commandait une compagnie mixte dont leffectif avait t fix 600 hommes, deux tiers fantassins, un tiers cavaliers. Lexemple de Fischer fut suivi : les units mixtes fleurirent. En 1744, les Arquebusiers de Grassin ; en 1745, les Fusiliers de la Morlire ; en 1746, les Volontaires de Gants, les Volontaires bretons, les Volontaires du Dauphin ; en 1747, les Volontaires du Hainaut La paix revenue, toutes ces formations peu orthodoxes furent supprimes. Mais leur absence se fit cruellement sentir durant la guerre de Sept Ans. On reforma donc, ds 1761, un certain nombre dunits mixtes de volontaires dont aucune dailleurs ne porte le nom de chasseurs. Mais cest bien l quil faut voir lorigine tant des chasseurs pied que des chasseurs cheval. Le 1er mars 1763, le nombre et la composition des corps mixtes sont fixs 6 lgions organises en 17 compagnies dont 8 de dragons. Il y avait les Lgions de Conflans, Royale, de Flandre, de Hainaut, de ClermontPrince et de Soubise. Le mme jour, le 1er mars 1763, la gendarmerie est diminue de 6 compagnies par lamalgame des compagnies de gendarmes et de chevau-lgers de mme nom. Subsiste donc 4 compagnies appartenant au roi et constituant la Grande gendarmerie : gendarmes cossais, anglais, bourguignons et de Flandre, ayant ses quartiers prs de Versailles, et 6 compagnies appartenant aux princes formant la Petite gendarmerie : gendarmes de la reine, du Dauphin, de Berry, de Provence, dArtois et dOrlans. On surnomma parfois cette Petite gendarmerie la gendarmerie de Lunville parce que le roi leur avait assign cette garnison o elle rendait les honneurs au roi Stanislas. On ne peut sempcher, voir la concomitance de ces deux dcisions, de penser que le but de ces mesures est bien lallgement de la cavalerie et laugmentation de ses qualits manuvrires. 44

Le rglement de 1762, qui reut excution au cours de lanne suivante, fixa la tenue de ces cavaliers. Tous les rgiments de la cavalerie, lexception de ceux de la Maison du Roi et de la Gendarmerie, porteront lhabit bleu, aux parements, revers, collet et une simple paulette de laine la couleur distinctive du rgiment ; manteau gris blanc doubl comme lhabit avec trois brandebourgs sur chaque ct des faces. Les trompettes des rgiments de la Reine, des Princes du sang et de Noailles portent seuls la livre des propritaires. Dans tous les autres rgiments les trompettes portent lhabit de la troupe avec un petit bord de galon de soie. La coiffure reste le chapeau noir bord dun galon blanc ou aurore un jaune dor15 avec la cocarde noire. Le buffle, devenu gilet, et la culotte en peau de chamois, bottes molles lcuyre. Lquipage du cheval est en drap bleu bord dun galon de livre. Les hussards conservrent le dolman la hongroise, avec trois rangs de boutons, ceux du milieu plus gros, boutonnires en cordonnet en forme de trfle, petits parements en querre, les poches et les coutures de la culotte garnies de cordonnet. Laile du shako est de 18 pouces dont la moiti replie ; fleur de lys sur le devant du shako ; charpe-ceinture en laine rouge ; manteau vert avec trois agrments de couleurs. Les officiers ont les galons et le cordonnet dargent. Les dragons reoivent un habit vert et un casque de cuivre, laiguillette de la couleur distinctive sur lpaule droite et une patte sur lpaule gauche. Le manteau est gris blanc avec trois brandebourgs. Les tambours des rgiments du roi portent la livre du roi ; ceux des autres rgiments, la livre du mestre de camp. Les officiers portent laiguillette droite et, gauche, une paulette entirement en or ou argent pour les capitaines et officiers suprieurs. Lpaulette de lieutenant contient un tiers de soie aurore ou blanche ; celle de sous-lieutenant, deux tiers ; les marchaux-des-logis portent lpaulette entirement en soie. En 1769, aprs lannexion de la Corse, une septime lgion mixte fut cre sous le nom de Lgion corse.15

Code Hexa : FFCB60

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On avait constat sur le terrain le peu dhabilet des cavaliers manier les armes feu. On rintroduisit donc 4 carabiniers bons tireurs dans chaque compagnie dont leffectif se dcompose ds lors comme suit : 1 capitaine, 1 lieutenant, 1 sous-lieutenant ; 1 fourrier, 2 marchaux-deslogis, 4 brigadiers, 4 carabiniers, 24 cavaliers et 1 trompette. Le rgiment compte 3 escadrons de 4 compagnies ; son effectif se monte donc 432 cavaliers. En 1771 et 1773 sont crs 2 compagnies de Gardes du corps Provence et Artois pour les deux frres du futur Louis XVI. Sous Louis XVI Le rgne de Louis XVI allait consister en une constante chasse aux dficits. Et cette recherche dconomies tout prix allait amener de vrais bouleversements dans larme royale. Pour commencer, ds le 15 dcembre 1775, le roi supprima la compagnie des grenadiers de la Garde, les 2 compagnies de mousquetaires, les gendarmes de Berry et ceux dOrlans. Le 25 mars 1776, la composition du rgiment des carabiniers fut modifie et fixe 8 escadrons partags en 2 brigades. Tous les autres rgiments de cavalerie durent mis 6 escadrons, dont 4 de cavalerie, 1 de chevau-lgers et 1 de dpt. Le mme jour, le roi porta le nombre de rgiments de dragons 24 et les organisa de la mme manire que les rgiments de cavalerie lgre, si ce nest qu la place des chevau-lgers, on y inclut un escadron de chasseurs cheval. Cette apparente augmentation ne doit pas tromper : il sagit la vrit dun tour de passe-passe. Sept rgiments lgers furent transforms en dragons : Cond, Bourbon, Clermont (qui devint Conti), Conti (qui devint Boufflers), Penthivre, Chartres et Noailles. Les hussards de Nassau taient licencis. Les sept lgions lgres taient elles aussi licencies : une tait transDragon du rgiment d'Orlans (17611778)

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forme en hussards, les hussards de Conflans. Les 48 compagnies des autres formrent les 24 escadrons de chasseurs cheval des 24 rgiments de dragons. Et pour fournir les chevau-lgers aux rgiments de cavalerie, on neut qu runir les carabiniers placs en 1772 dans les compagnies. En mme temps, on soccupa de simplifier les uniformes. Dsormais, tous les rgiments porteraient lhabit bleu de roi, revers garnis de portes 16 et agrafs, au lieu dtre boutonns. Lquipage du cheval est galement bleu. Le manteau est gris blanc piqu de bleu ; le gilet et la culotte blancs, les boutons blancs sauf quelques exceptions ; chapeau noir, comme dans linfanterie, bord de noir et cocarde blanche17. RoyalAllemand fait exception et porte le bonnet poils. La tenue des dragons nest pas diffrente, si ce nest que le drap en est maintenant vert pour tous les rgiments et quau lieu du chapeau, ils portent un casque de cuivre crinire. Pour distinguer les rgiments de cavalerie et les rgiments de dragons entre eux, on institua un systme complexe : les rgiments sont partags en sries de trois. Chaque rgiment les revers et les parements dune couleur dite distinctive ; les rgiments dune srie se distinguent par la couleur du collet et le mtal des boutons.

Furetire nous indique quune porte est un petit anneau en boucle o on passe une agrafe, & qui sert la retenir. Il sagit donc en quelque sorte dun faux bouton. 17 Cest la premire fois que la cavalerie arbore cette cocarde blanche. Jusque-l, elle tait noire.16

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Les rgiments de cavalerie lgre (1776-1779) Rgiment Colonel Gnral Le Roi La Reine Mestre de camp gnral Bourgogne Artois Commissaire gnral RoyalNormandie Orlans Royal Royal-Allemand Dauphin Royal tranger Royal-Navarre Berry Cuirassiers Royal-Roussillon Royal-Pimont Royal-Cravate Royal-Pologne Royal-Picardie Royal-Lorraine RoyalChampagne Carabiniers Distinctive Ecarlate Collet Ecarlate Blanc Jaune Cramoisi Blanc Cramoisi Rose Blanc Jonquille Rouge Rouge (piqu de Blanc blanc) Jonquille Blanc Blanc Ecarlate Jonquille Jonquille Jonquille Rose Blanc Gris argentin18 Gris argentin Blanc Ecarlate Aurore Aurore Jonquille Ecarlate Boutons Jaune Blanc Blanc Jaune Blanc Blanc Jaune Blanc Jaune Blanc Blanc Blanc Blanc Blanc Blanc Blanc Blanc Blanc Blanc Blanc Blanc Blanc Blanc Blanc

Cramoisi

Rose

Ce gris argentin suscite des discussions passionnes entre figurinistes. A dfaut dautre moyen de retrouver la nuance exacte de gris dont il sagit (il existe 256 nuances de gris), il nous semble opportun de nous rfrer au gris argent , code Hexa CECECE, RVB 206,206,206.18

Les rgiments de dragons (1776-1779) Rgiment Distinctive Colonel gnral Ecarlate Mestre de camp gnral Royal Monsieur Le Roi Rose Orlans La Rochefoucauld La Reine Le Dauphin Artois Chartres Lorraine Cond Bourbon Conti Boufflers Penthivre Custine Jarnac Belzunce Noailles Lanan Languedoc Schomberg Cramoisi Rouge (piqu blanc) Chamois Cond Chamois Conti Jonquille Blanc Collet Ecarlate Vert Blanc Jonquille Rose Blanc Vert (et retroussis) Cramoisi Jonquille Rouge piqu de de blanc Blanc Jonquille Chamois Cond Rouge Rose Chamois Conti Jonquille Ecarlate Blanc Ecarlate Rose Aurore Vert Jonquille Boutons Jaune Jaune Blanc Blanc Blanc Blanc Blanc Blanc Blanc Blanc Blanc Blanc Blanc Blanc Blanc Blanc Blanc Blanc Blanc Blanc Blanc Blanc Blanc Blanc

Aurore

Les hussards (1776-1779) Rgiment Pelisse, dolman, culotte Bercheny Bleu de ciel fonc Chamborant Marron Esterhazy Conflans Parements Boutons et Shako et retroussis passementeries Garance Garance Blancs Blancs Blancs Jaunes Doubl rouge Doubl rouge Doubl rouge Doubl vert

Gris argen- Garance tin Vert Garance

Mais cette organisation de la cavalerie neut quune existence phmre. Le 1er janvier 1779, une nouvelle ordonnance venait encore tout chambouler.

Lordonnance du 1er janvier 1779 Tout dabord, les escadrons de chevau-lgers furent retirs des rgiments de cavalerie et regroups en 6 nouveaux rgiments, dnomms rgiments de chevau-lgers et, pour la premire fois, numrots de 1 6, de la droite la gauche, sans aucun titre particulier. Mme chose pour les escadrons de carabiniers qui sont enlevs aux rgiments de dragons pour former 6 rgiments de chasseurs cheval, numrots de 1 6, de la droite la gauche, et sans titre particulier non plus. Protocolairement, les rgiments de chevau-lgers viennent immdiatement aprs les rgiments de cavalerie, prenant leur gauche, et avant les rgiments de hussards qui, regroups et ports 5 rgiments, forment maintenant une arme particulire dont le duc dOrlans devient colonel gnral. De la mme manire, les rgiments de chasseurs cheval viennent aprs les dragons. En 1779, lensemble de la cavalerie se prsentait donc de la manire suivante : Maison du Roi o 4 compagnies de Gardes du corps o 1 compagnie des gendarmes de la Garde o 1 compagnie des chevau-lgers de la Garde Maison des Princes o 2 compagnies des Gardes du corps de Monsieur o 2 compagnies des Gardes du corps du comte dArtois Grande gendarmerie o 1 compagnie des gendarmes cossais o 1 compagnie des gendarmes anglais o 1 compagnie des gendarmes bourguignons o 1 compagnie des gendarmes de Flandre Petite gendarmerie o 1 compagnie des gendarmes de la Reine o 1 compagnie des gendarmes du Dauphin o 1 compagnie des gendarmes de Monsieur o 1 compagnie des gendarmes dArtois

Rgiments de cavalerie o Colonel Gnral o Mestre de camp gnral o Commissaire gnral o Royal o Le Roi o Royal tranger o Cuirassiers du Roi o Royal-Cravate o Royal-Roussillon o Royal-Pimont o Royal-Allemand o Royal-Pologne o Royal-Lorraine o Royal-Picardie o Royal-Champagne o Royal-Navarre o Royal-Normandie o La Reine o Le Dauphin o Bourgogne o Berry o Carabiniers de Monsieur o Artois o Orlans o 6 rgiments de chevau-lgers, numrots de 1 6 Hussards o Colonel Gnral19 o Bercheny o Chamborant o Esterhazy o Conflans Dragons o Colonel gnral o Mestre de camp gnral o Royal19

Le rgiment Colonel Gnral des hussards ne fut finalement form quen 1783.

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o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o

Le Roi La Reine Le Dauphin Monsieur Artois Orlans Chartres (ex-cavalerie) Cond (ex-cavalerie) Bourbon (ex-cavalerie) Conti (ex-cavalerie) Penthivre (ex-cavalerie) Boufflers (ex-cavalerie) Lorraine Custine La Rochefoucauld Chabot Lanan Belzunce Languedoc Noailles Schomberg 6 rgiments de chasseurs cheval numrots de 1 6.

En mme temps, on modifiait les tenues. La cavalerie et les dragons prennent lhabit la franaise, bleu pour les uns, vert pour les autres ; veste de drap, culotte de peau de nuance naturelle, manteau gris blanc piqu de bleu. Pas de changement dans les coiffures. Les chevau-lgers gardent lhabit bleu et le chapeau ; les chasseurs sont en vert et reoivent un casque un peu plus petit que celui des dragons, sans crinire flottante, mais avec une aigrette noire suivant le contour du cimier, prfiguration de la future chenille . Pour les couleurs de distinctives, etc., on adopta un autre systme, thoriquement plus simple Les rgiments de cavalerie ont tous les poches en travers, la veste chamois et sont diviss en huit classes, ayant chacune sa couleur distinctive. Seule la premire classe a les boutons jaunes, toutes les autres, des boutons blancs. Le premier rgiment de chaque classe a les revers et les pa53

rements de la couleur distinctive, le deuxime les revers seulement, le troisime les parements seulement. Ce qui donne : Cavalerie Rgiments Colonel Gnral Mestre de camp gnral Commissaire gnral Royal Le Roi Royal tranger Cuirassiers du Roi Royal-Cravates Royal-Roussillon Royal-Pimont Royal-Allemand Royal-Pologne Royal-Lorraine Royal-Picardie Royal-Champagne Royal-Navarre Royal-Normandie La Reine Le Dauphin Bourgogne Berry Carabiniers Monsieur Artois Orlans Distinctive Revers Ecarlate Ecarlate Ecarlate Parements Ecarlate Boutons Jaune Jaune Jaune

Ecarlate Ecarlate Ecarlate Ecarlate Ecarlate

Blanc Blanc Ecarlate Blanc Jonquille Jonquille Jonquille Blanc Jonquille Blanc Jonquille Blanc Cramoisi Cramoisi Cramoisi Blanc Cramoisi Blanc Cramoisi Blanc Aurore Aurore Aurore Blanc Aurore Blanc Aurore Blanc Rose Rose Rose Blanc Rose Blanc Rose Blanc Gris argen- Gris argen- Gris argentin Blanc tin tin Gris argenBlanc tin Gris argentin Blanc de Bleu de Bleu de ciel Bleu de ciel Blanc ciel Bleu de ciel Blanc Bleu de ciel Blanc

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Les chevau-lgers avaient la patte de poche en long (et non en travers), les boutons blancs, les revers et parements des couleurs suivantes : 1er rgiment : carlate 2e rgiment : cramoisi 3e rgiment : bleu de ciel 4e rgiment : chamois 5e rgiment : aurore 6e rgiment : blanc Pas de changement essentiel dans la tenue des dragons. Enfin, les chasseurs cheval, en vert, nont pas de poches marques, leurs boutons sont blancs, les revers et parements sont : 1er rgiment : carlate 2e rgiment : cramoisi 3e rgiment : jaune citron 4e rgiment : chamois 5e rgiment : aurore 6e rgiment : blanc. En 1784, on en revient aux formations mixtes et les 6 rgiments de chasseurs cheval sont remaris aux chasseurs pied pour former 6 lgions auxquelles furent donn les noms de Chasseurs des Alpes, des Pyrnes, des Vosges, des Cvennes, du Gvaudan et des Ardennes.

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La refonte de 1788 Lordonnance du 30 septembre 1787 tait radicale : suppression pure et simple de la Maison du Roi la date du 1er avril 1788. Les gendarmes de la Garde, les chevau-lgers de la Garde, lancienne gendarmerie, grande et petite, disparaissaient. Ne subsistaient cette date que les 4 compagnies des Gardes du corps, lesquelles nallaient dailleurs pas tarder disparatre leur tour (1791). Ainsi, pour des raisons uniquement budgtaires, se perdaient les traditions de corps dunits qui remontaient parfois au moyen ge En mme temps, disparaissaient les colonels gnraux, les mestres de camp gnraux et le commissaire gnral de la cavalerie. Les chefs de rgiment prirent alors le nom de colonels. Mais leurs anciens noms restrent aux trois premiers rgiments. Le 17 mars 1788, on supprima les lgions mixtes pour revenir au systme de 1779, mais on donna des noms aux six rgiments de chasseurs cheval : Picardie, Guyenne, Lorraine, Bretagne, Normandie et Champagne. Par ailleurs, six rgiments de dragons (Boufflers, Montmorency, DeuxPonts, Durfort, Sgur et Languedoc) furent transforms en chasseurs : Chasseurs dAlsace, des Evchs, de Flandre, de Franche-Comt, du Hainaut et du Languedoc. Ces six rgiments, du fait de lanciennet prirent dans cet ordre la tte de larme. Les six rgiments de chevau-lgers qui, en 1784, avaient t intgrs dans la cavalerie lgre sous les noms de Orlanais, des Evchs, de FrancheComt, de Septimanie, de Quercy et de La Marche, taient supprims sauf Orlanais qui devint Royal-Guyenne-cavalerie. Les carabiniers sont partags en 2 rgiments et forment dsormais une brigade. En 1791, ces deux rgiments perdraient leur nom de Carabiniers de Monsieur, le comte de Provence ayant choisi lexil, et prirent le nom de Grenadiers cheval, en mme temps quils prenaient la tte de larme. Ainsi donc, outre les Gardes du corps, la cavalerie en 1788 se dcomposait en 26 rgiments de cavalerie, dont 2 de carabiniers, 18 rgiments de dragons, 6 rgiments de hussards et 12 rgiments de chasseurs cheval, soit au total 62 rgiments de 4 escadrons chacun : 56

4 compagnies de Gardes du corps Cavalerie : 1. Colonel Gnral 2. Mestre de camp gnral 3. Commissaire Gnral 4. Royal 5. Le Roi 6. Royal tranger 7. Cuirassiers du Roi 8. Royal-Cravate 9. Royal-Roussillon 10. Royal-Pimont 11. Royal-Allemand 12. Royal-Pologne 13. Royal-Lorraine 14. Royal-Picardie 15. Royal-Champagne 16. Royal-Navarre 17. Royal-Normandi