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1 La Chine : une puissance en expansion Introduction : La Chine est depuis deux ou trois ans la seconde puissance économique au Monde, la croissance économique tourne autour de 10%, même s’il y a actuellement une légère baisse. Ce rôle puissant au niveau de l’économie est accentué par la superficie du territoire, la très importante population ainsi que la puissance militaire. Mais la Chine connaît également des limites du point de vue social, écologique et ces interrogations se reflètent au niveau du pouvoir politique qui est toujours une dictature. - Quelles sont les éléments de la puissance ? - Quelles sont les limites ? - Quelques exemples du développement actuel de la Chine du point de vue géographique I. Présentation générale de la Chine Questions : - Où se situent majoritairement les grandes villes ? - Qu’est-ce que cela illustre sur le développement de la Chine ? - Quelles sont les principales métropoles chinoises ?

La Chine : une puissance en expansion - … · - Quelques exemples du développement actuel de la ... groupes chinois sur les marchés des pays en voie ... - Quelles sont les conséquences

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La Chine : une puissance en expansion

Introduction : La Chine est depuis deux ou trois ans la seconde puissance économique au Monde, la croissance économique tourne autour de 10%, même s’il y a actuellement une légère baisse. Ce rôle puissant au niveau de l’économie est accentué par la superficie du territoire, la très importante population ainsi que la puissance militaire. Mais la Chine connaît également des limites du point de vue social, écologique et ces interrogations se reflètent au niveau du pouvoir politique qui est toujours une dictature. - Quelles sont les éléments de la puissance ?

- Quelles sont les limites ?

- Quelques exemples du développement actuel de la Chine du point de vue géographique

I. Présentation générale de la Chine

Questions : - Où se situent majoritairement les grandes villes ? - Qu’est-ce que cela illustre sur le développement de la Chine ? - Quelles sont les principales métropoles chinoises ?

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II. ETUDE DE CAS : Shanghaï. : une ville mondiale ( Le dessous des cartes)

Questionnaire synthèse

a) Combien d’habitants compte Shanghai ?

b) Quelles sont les caractéristiques de la situation géographique de Shanghai ?

c) Quel fut son rôle dans l’histoire

d) Depuis quand Shanghai a-t-elle retrouvé un rôle économique important ?

e) Quelles sont les activités économiques porteuses aujourd’hui ?

f) Quels sont les nouveaux équipements et les aménagements urbains que la ville a mis en œuvre ?

g) Comment et par quoi la ville s’ouvre-t-elle au monde ?

h) Quels sont les problèmes engendrés par la métamorphose de la ville ?

III. LES ELEMENTS DE LA PUISSANCE CHINOISE

La croissance économique chinoise Le PIB chinois = 5 879 milliards de dollars, ce qui fait de la Chine la deuxième puissance économique du Monde. La Chine est le premier créancier des Etats-Unis. Elle détient les premières réserves de change : 3197 milliards de $. Sa monnaie est considérée comme sous-évaluée ce qui est un avantage pour les exportations.

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QUESTIONS : - Quelle est l’évolution générale de la croissance chinoise ? - Quelles peuvent être les conséquences ? - Caractérisez l’évolution par rapport aux autres pays

Croissance du PIB en volume

La puissance industrielle chinoise “ Manufacturing #10A and 10B, Cankun Factory, Xiamen City, 2005 ”. Source

La puissance commerciale Chinoise

« La Chine devient le premier exportateur mondial ». En publiant ses données économiques pour le mois de décembre, dimanche 10 janvier, la Chine est devenue le premier

exportateur mondial, ravissant cette place largement symbolique à l'Allemagne. […] Dans l'ensemble de l'année 2009, la

Chine a exporté pour plus de 1 200 milliards de dollars. Excédentaire, la Chine a également enregistré un solde positif de

195 milliards de dollars sur l'année. […] La prise de pouvoir de la Chine dans le classement des exportateurs était cependant

largement attendue par les observateurs. La semaine dernière, la chambre de commerce allemande s'était résignée à perdre

sa place, notant toutefois que la Chine, qui exporte principalement des chaussures, des jouets, des meubles et autres produits

à faible valeur technologique, utilisait des machines à forte valeur technologique, exportées, elles, par l'Allemagne.

Le Monde, 10 janvier 2010.

Quelques géants chinois commencent à rivaliser avec les multinationales ».

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La création de la Comac [Commercial Aircraft Corporation of China] illustre l'émergence, en quelques années, de

groupes chinois sur les marchés des pays en voie de développement, comme China Railway Construction en Afrique,

ou des pays développés, comme Huawei, numéro deux mondial des équipements de télécommunication. Ces entreprises sont concurrentes des multinationales. Elles constituent aussi des clients importants, comme la Comac et

toutes les sociétés avides de monter en grade sur la chaîne technologique. Elles sont intéressées par les sociétés occidentales

: le constructeur Geely Automobile Holdings négocie le rachat à Ford du suédois Volvo. Le géant pétrolier China National

Petroleum Corporation (CNPC) a décroché, en Irak, l'exploitation de champs géants (Roumaila et Halfaya) dans le cadre de

deux consortiums avec les majors occidentales BP et Total. [...] L'internationalisation des groupes chinois ne va pas sans heurts. Les échecs sont nombreux, comme le rachat avorté de

l'anglo-australien Rio Tinto par Chinalco. "On imagine qu'ils rachètent le monde. Ils ne sont pas dans cette logique. Leur

priorité reste le marché chinois. Ensuite, il y a des opportunités d'acquisitions (matières premières, technologie) pour servir

leurs ambitions, analyse Charles-Edouard Bouée, président Asie du cabinet de conseil en stratégie Roland Berger. Mais ils

ont très peu de capacité de projection managériale. Cela crée des clash culturels. La gestion est très centralisée, le patron

Chine est extrêmement puissant face au directeur international, par exemple." […]

Brice Pedroletti, Le Monde, 22 décembre 2009.

« Magasin Carrefour à Pékin ». 116 magasins, 44000 salariés, un million de clients par jour, Jia Le Fu ou Famille, Joie, Bonheur en chinois, Carrefour

est présent en Chine depuis 1995 et ne cesse de progresser, 25 hypermarchés s’ouvrant chaque année. Large choix,

produits essentiellement chinois mais services proposés comme en France, Carrefour est bien implanté en Chine.

Source : Claude Daussin, http://cliophoto.clionautes.org, 2009.

La Chine investit tous les continents

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Questions : - Quels sont les secteurs concernés par les investissements chinois ? - En quoi cette politique d’investissement mondial est-elle une illustration de la puissance actuelle de la Chine ? - Quelles sont les conséquences de ces investissements sur la mondialisation actuelle ?

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IV LES PROBLEMES ET LES FRAGILITES DE LA CROISSANCE

Le jour où la Chine s’effondrera

Des inégalités

Document 6 : « Pékin des pauvres, Pékin des riches ». A moins d'un quart d'heure de voiture des grandioses réalisations olympiques, Dong Xiao Kou est un quartier de

prolétaires migrants. Ce n'est pas la misère mais la pauvreté. L'endroit illustre ce que les médias chinois ont annoncé il

y a une dizaine de jours : jamais depuis le début des réformes économiques de 1978 l'écart de revenus entre monde

rural et monde urbain n'avait été aussi large. Ici, on a beau être à Pékin, la quasi-totalité des habitants de cette banlieue est d'origine paysanne. Ils font partie des

230 millions d' "ouvriers-paysans" chinois - mingong, en mandarin - venus chercher fortune dans les villes. Sans avoir

pour autant réussi à avoir le statut d'"urbains". Conséquence : beaucoup ne bénéficient pas des avantages sociaux dont

jouissent les citadins. […] Nombre d'analystes étrangers estiment que, si la Chine veut poursuivre son rythme de croissance de 8 %, il va lui falloir

continuer son programme d'urbanisation, supprimer le très contesté "passeport intérieur" - hukou -, qui désavantage les

migrants établis en milieu urbain, et mettre fin à une situation d'"apartheid" entre Chinois des villes et Chinois des champs :

les mingong sont exploités par leurs patrons, leurs soins médicaux ne sont pas remboursés et ils doivent mettre leurs enfants

dans des écoles illégales souvent promises à la démolition. La "stabilité sociale" qui obsède tant un pouvoir hanté par le cauchemar du désordre ne pourra être assurée si le fossé riches-

pauvres continue de s'élargir. […] Selon Rupert Hoogewerf, fondateur du centre indépendant Hurun, basé à Shanghaï, qui

fait la liste des super-riches en République populaire, "le nombre de ceux qui possèdent une fortune d'au moins 150 millions

de dollars (110 millions d'euros) a décuplé depuis 2004". "Il y en avait 100 il y a six ans, il y en a 1 000 maintenant", précise-t-il. Sur la dernière liste Forbes des plus fortunés de la planète, il y a 64 milliardaires chinois, contre 28 l'année

dernière. D'après Meng Pengjun, directeur de Luxury Asia Limited Markets, les ultraprivilégiés de Chine ont dépensé

beaucoup en 2009 dans le marché des produits de luxe, se hissant en cela à la deuxième place mondiale, derrière les

Japonais.

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Bruno Philip (journaliste correspondant à Pékin), Le Monde, 15 mars 2010.

Un schéma : L’organisation géographique de la Chine

La population chinoise vieillit trop vite, menaçant la croissance future

La Chine est le pays le plus peuplé du monde, talonnée par l’Inde, avec 1.37 milliards d’individus et une croissance de + 0.57% par an, ce qui est peu

Des Chinois âgés au parc Jinshan, à Pékin, le 30 janvier 2012

Véritable bombe à retardement, la démographie vieillissante de la Chine menace d'en faire un "pays de vieux" avant

d'en faire un pays riche, sa population en âge de travailler ayant entamé son déclin en 2012.

Durant les 35 dernières années, la nation la plus peuplée de la planète s'est hissée au rang de deuxième économie mondiale grâce à un réservoir de main d'oeuvre bon marché qui paraissait inépuisable.

Mais aujourd'hui, les inexorables conséquences de la politique de limitation des naissances, appliquée depuis la fin des années 1970, se font sentir et menacent la croissance à venir.

Définie comme celle des Chinois âgés de 15 à 59 ans, la population en âge de travailler a diminué de 3,45 millions de personnes l'an dernier pour la première fois depuis 1963, année qui avait suivi la famine meurtrière du Grand bond en avant.

La baisse devrait s'accentuer dans les années à venir. Et la population dans son ensemble pourrait cesser de croître après avoir atteint 1,4 milliard de personnes vers 2020 (contre 1,354 milliard fin 2012).

Entre 2014 et 2030, le nombre de Chinois âgés de 15 à 64 ans devrait chuter d'environ 40 millions, selon Wang Guangzhou, un chercheur de l'Académie chinoise des sciences sociales.

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"La population vieillit si vite que nous manquons de temps pour apporter une réponse à la question", selon Li Jun, un autre scientifique de la même institution, pour qui la politique de l'enfant unique a exacerbé le problème. Trois actifs pour deux retraités en 2060

Vers 2060, trois actifs chinois devront subvenir aux besoins de deux personnes âgées de plus de 60 ans, d'après les projections de M. Li. Actuellement, le ratio est de cinq actifs pour une personne âgée.

Cette évolution représente un défi crucial pour le Parti communiste au pouvoir, souligne Ren Xianfang, une économiste basée à Pékin du cabinet IHS Global Insight.

"Procurer de la croissance et une sécurité sociale à la population sont des facteurs clés pour la légitimité de l'Etat", selon elle.

La proportion des plus de 65 ans est appelée à doubler de 7% à 14% de la population totale en seulement 26 ans. Les Etats-Unis avaient mis 69 ans à accomplir cette transition.

Une population vieillissante signifie moins de personnes disponibles pour l'emploi et des coûts salariaux en hausse. En outre, le niveau très élevé de l'investissement, l'un des principaux moteurs de la croissance chinoise, sera difficile à maintenir si les familles dépensent leurs économies pour soigner leurs aînés.

"Sans aucun doute, cela va diminuer substantiellement le potentiel de la croissance de la Chine", estime Yao Wei, économiste de la Société Générale basée à Hong Kong. Pas assez riches...

Le gouvernement considère que la limitation de la croissance démographique a été l'une des clés de la prospérité grandissante du pays. Toutefois, le produit intérieur brut par tête en Chine, de 4560 euros en 2012, ne s'élève encore qu'à une fraction de ce qu'il est dans les pays développés.

Les économistes estiment que la Chine doit accélérer la transformation de son modèle de croissance et fabriquer des produits à plus haute valeur ajoutée.

"L'âge d'or de l'industrie manufacturière, notamment celle dépendant des exportations, est révolu", selon Mme Yao. En attendant, le pays reste très mal préparé pour prendre en charge un plus grand nombre de personnes âgées. "La situation n'est pas mûre au plan budgétaire et le filet de sécurité sociale est incomplet", explique l'économiste.

Dans les campagnes, un programme de retraites subventionné par le gouvernement a démarré en 2009, mais dans certaines régions, les bénéficiaires ne perçoivent que 55 yuans (6,5 euros) par mois.

Voir aussi : http://geopolitique2010.over-blog.com/article-la-demographie-chinoise-47581097.html

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La nature et les ressources chinoises s’épuisent

http://chine.aujourdhuilemonde.com/les-revoltes-vertes-secouent-la-chine

Lorsque Jonathan Watts était enfant, on lui disait que «si tous les Chinois sautaient à pieds joints au même moment, laterre sortirait de son axe et personne n’y survivrait». Trente ans plus tard: pris d’une quinte de toux et d’une crise d’éternuement après avoir couru quelques minutes dans le smog grisâtre de Pékin, Jonathan Watts se dit que ce grand saut a déjà commencé. Il venait d’arpenter la Chine sur plus de 160.000 kilomètres, du Tibet aux déserts de la Mongolie-Intérieure – et à chaque nouveau lieu visité, il faisait la même découverte: l’Etat chinois avait mis sur pied un vaste programme de destruction écologique. Un programme qui a empoisonné les eaux de nombreuses rivières, au point de les rendre toxiques au simple contact de la peau; un programme qui a démultiplié les taux de cancer dans plusieurs régions; un programme qui a transformé en désert des terres autrefois fertiles, d’une superficie presque deux fois plus vaste que la Grande-Bretagne – et qui a peut-être provoqué le pire tremblement de terre de l’histoire.Dans un ouvrage extraordinaire (When a Billion Chinese Jump: How China Will Save Mankind – or Destroy It), Watts nous met en garde: «les problèmes de notre planète ne sont pas nés en Chine, mais c’est en Chine qu’ils approchent du point de non retour.» Les communistes ultra-capitalistes sont aujourd’hui les plus gros émetteurs de gaz à effet de serre au monde (et ce même si le Chinois moyen ne génère qu’1/7ème des émissions de l’Américain moyen). Tous les pays du monde sont prisonniers de la même serre; la destruction environnementale de la Chine nous touche tous, où que nous soyons. Et leur histoire deviendra la nôtre. Nombre d’ouvrages prometteurs onsacrés à la Chine tombent dans le piège de la généralisation – une erreur à ne pas commettre lorsqu’on traite d’un pays gigantesque et contradictoire. Watts opte pour une solution plus simple. Il nous emmène en voyage. En sa qualité de correspondant spécialiste de l’environnement pour The Guardian, il a passé cinq ans à essayer de décrypter le désastre écologique chinois – et il nous en fait le récit en gros plan, à hauteur d’homme. Cimetière de cartes mères. Le voici donc dans la province de Guangdong, où échouent les cartes mères usagées du monde entier. Des enfants décortiquent les vieux ordinateurs, détachant le moindre composant réutilisable, comme s’ils étaient devenus une sorte d’intestin de la planète. Mais ils souffrent d’empoisonnement au plomb, qui provoque des lésions cérébrales, des cancers, et des insuffisances rénales. Même lorsque ces enfants ont la chance de pouvoir aller à l’école, il leur faut porter des masques pour se prémunir des effets nocifs de cette montagne de détritus informatiques. Watts va à la rencontre des militants environnementaux qui tentent de prévenir ces poisonnements, et les voit se faire traîner en prison, terrifiés. (Pour vous faire une idée, imaginez qu’Al Gore ait été envoyé en prison pour avoir demandé une enquête sur Love Canal, et qu’il soit encore à l’isolement aujourd’hui.) Watts embarque ensuite sur un bateau avec une équipe internationale de scientifiques pour sauver le dernier dauphin du Yangtze – un animal qui nageait dans les rivières de Chine il y a dix millions d’années, avant l’apparition des premiers hommes, et qu’on pouvait encore apercevoir il y a quelque temps. Mais peu à peu, Watts se rend compte qu’il est décidemment trop tard. Ils sont tous morts. Voici ce qu’il écrit: «L’homme a anéanti son premier dauphin. (…) onstater la fin d’une espèce, après vingt millions d’années, fut un choc terrifiant. Ce n’était pas une simple information. C’était même plus qu’un fait historique. C’était un évènement digne de figurer sur une échelle des temps géologiques.» Ne reste plus qu’à observer. Observer la planète se réchauffer, et les déserts de Chine s’étendre en superficie et en profondeur, année après année. Observer les glaciers de l’Himalaya (source des plus grandes rivières d’Asie) fondre et mourir; ils pourraient diminuer de deux tiers d’ici 2050. Pas de jugement moral Watt sait bien que ce récit n’est pas sans ambiguïté. Cette destruction n’est pas le fait de la perversité. Elle n’est que l’effet secondaire d’une impulsion vertueuse. Le peuple chinois est bien décidé à passer de la pauvreté à l’opulence. Il y quarante ans, la Chine mourait de faim. Aujourd’hui, sa croissance est l’une des plus élevées au monde – et elle est devenue le banquier de l’Amérique. Voilà ce que certains Chinois se disent: si les dégâts environnementaux sont le prix à payer pour ce développement éclair, est-ce vraiment si terrible? Après tout, les Européens et les Américains ont bien détruit leurs propres environnements, rasé leurs forêts, saccagé leur habitat pendant leur révolution industrielle – et lorsque ils ont estimé être suffisamment riches, ils ont tout reconstruit. Certes, tout ceci a un coût, mais mieux vaut cela qu’une pauvreté éternelle. Comment osent-ils nous faire la morale? La majeure partie de nos émissions de gaz à effet de serre vient des usines de manufacture et d’élimination des déchets qu’ils ont délocalisées chez nous; et ils refusent de faire la moindre concession sur leurs propres émissions! Ces arguments ne manquent pas de pertinence. Vos émissions (et les miennes) dépassent de beaucoup celles du Chinois moyen. A chaque fois qu’un traité environnemental international a été couronné de succès, le plus gros pollueur avait ouvert les négociations en consentant à des réductions d’émissions. Et pourtant, nous nous refusons à le faire; loin d’inciter la Chine à devenir plus écologique, nos gouvernements vont obtenir l’effet inverse. L’administration Obama a porté plaine contre la Chine devant l’Organisation mondiale du commerce, estimant que les subventions allouées aux

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parcs éoliens représentent une «concurrence déloyale». Lorsque l’on fume trois paquets de cigarettes par jour et que l’on est atteint d’un cancer du poumon, on peut s’abstenir de faire la morale à un jeune fumeur – surtout lorsqu’on essaie de lui voler ses patchs anti-tabac. Mais si chacun des interlocuteurs finit par montrer l’autre du doigt («Le plus gros pollueur, c’est toi! Non, c’est toi!»), nous allons sombrer dans une spirale mutuelle de destruction environnementale. L’argument selon lequel la Chine pourra tout réparer lorsqu’elle sera devenue un pays riche n’est malheureusement pas recevable, et ce pour deux raisons. Tout d’abord parce que, selon la Banque Mondiale, 700.000 personnes meurent chaque année en Chine du fait d’une pollution extrême. Ces pertes ne peuvent être compensées par la construction de parcs éoliens. Ensuite, et plus important encore, c’est en exportant sa pollution vers les pays pauvres – comme la Chine – que l’Occident a «nettoyé» son environnement. Watts: «Ce modèle présuppose que le pays pollué puisse balayer les saletés du développement sous un tapis neuf et plus vaste. Lorsque ce processus a atteint la Chine, il se répandait sur la planète depuis déjà deux siècles.» Aujourd’hui, «les déchets sont de plus en plus envahissants, et le tapis de plus en plus petit». Où la Chine va-t-elle exporter les siens? Une réalité pleine de contradictions L’alternative serait d’alimenter le développement de la Chine (et d’assurer notre pérennité) à l’aide des sources d’énergies propres – la grande puissance du vent, du soleil et des vagues. A en croire les moulins à paroles du type Thomas Friedman, c’est comme si c’était fait. Il n’en finit pas d’expliquer aux lecteurs du New York Times que la Chine est en train de devenir une «superpuissance écologique». La réalité est beaucoup plus complexe: ces dix dernières années, 69,5% des besoins énergétiques chinois ont été alimentés par l’énergie la plus sale et la plus riche en gaz à effet de serre: le charbon. Dans le même temps, le gouvernement chinois a alloué de larges subventions aux producteurs d’énergie renouvelable – mais cette dernière s’ajoute aux autres; elle ne les remplace pas. Une distinction cruciale. Si vous mangez un pot de poulet frit KFC et un repas Weight Watchers pour le déjeuner, personne ne dira que vous êtes au régime. Les repas Weight Watchers doivent remplacer le poulet. De la même manière, les énergies renouvelables doivent remplacer le charbon, et non pas servir de simple accessoire. Ce n’est pas pour tout de suite – loin de là: en Chine, la consommation de charbon progresse. Comment expliquer une telle situation? Premier élément de réponse: le gouvernent chinois a moins de pouvoir que ne le pensent les observateurs étrangers. «Le système politique chinois n’est ni une dictature, ni une démocratie, explique Watts. Le sommet de l’Etat ne dispose pas de l’autorité nécessaire pour imposer des régulations anti-pollution et des mesures de protections de la vie sauvage, tandis que le peuple ne dispose pas des outils démocratiques– presse libre, tribunaux indépendants, élections – nécessaires à la protection de la terre, de l’air et de l’eau». Entre ces deux extrêmes se trouvent les corporations et les gouvernements locaux corrompus, obsédés par les profits et la croissance, quel qu’en soit le prix. «Lorsqu’il s’agit de protéger l’environnement, l’autorité de l’Etat autoritariste semble dangereusement précaire.» Dans le même temps, les dirigeants chinois refusent – tout comme les nôtres – de poursuivre les grands chantiers qui pourraient nous sortir de cette impasse. Watts interviewe plusieurs scientifiques chinois visionnaires, qui évoquent une alternative réelle. L’un des plus captivants de ces interlocuteurs – leprofesseur Li Can, qui travaille pour le Dalian National Laboratory for CleanEnergy – lui explique comment les besoins énergétiques de la Chine pourraient être satisfaits sans émission aucune, et ce à l’aide de technologies déjà existantes. Il faudrait recouvrir de cellules solaires photovoltaïques un tiers des déserts du Gansu et du Xinjiang. Les terres les plus arides du pays pourraientainsi devenir ses plus formidables atouts. D’autres avaient proposé d’utiliser le Sahara pour alimenter l’Europe, et les déserts américains pour alimenter les Etats-Unis; mais aucun de nos dirigeants n’a été assez visionnaire pour tenter l’aventure. L’humanité demeure donc prisonnière du charbon millénaire, qui continue de nous cuire à petit feu. Les Chinois inquiets pour la planète En lisant les interviews des environnementalistes chinois (comme Li) et des victimes ordinaires de l’éco-destruction, on comprend vite une chose: la question la plus communément posée au sujet des ouvrages consacrés à l’empire du Milieu (est-il pro-Chine, ou anti-Chine?) est des plus futiles. Est-ce être anti-Chine que d’affirmer que ce pays roule à tombeau ouvert, et qu’il risque fort de se heurter bientôt de plein fouet à un mur écologique? Est-on pro-chinois en applaudissant une telle politique? La culture chinoise est divisée – tout comme la nôtre – entre les partisans d’une terre accueillante, adaptée aux humains,et les forces de l’écocide. Ce débat anime la Chine depuis bien longtemps. A l’époque des Zhou orientaux (700-536 avant J.C.), on disait déjà que «ceux qui sont aptes à commander mais qui sont incapables de préserver les forêts, les rivières et les marais avec respect ne sont pas dignes de prendre le pouvoir.» En Chine, l’inquiétude entourant le désastre écologique est par ailleurs le thème des œuvres d’art les plus populaires et les plus troublantes du moment. Le Totem du loup, le best seller de Jiang Rong, est l’histoire d’un jeune Chinois han qu’on envoie vivre chez les nomades de la Mongolie intérieure; horrifié, il voit son peuple ravager les prairies luxuriantes, peu à peu réduites à l’état de déserts. Le film Still Life suit le parcours d’un émigré du Sichuan qui décide de revenir chez lui après dix ans d’absence, pour ne trouver qu’un village en ruine, désert, et sur le point d’être

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submergé par le barrage des Trois-Gorges. De fait, c’est en observant les barrages chinois que l’on se rend le plus compte du retour de flammes provoqué par le rejet des procédés naturels. La Chine dispose de 87.000 puissants barrages de béton et d’acier, qui acheminent l’approvisionnement en eau du pays le long de canaux souvent artificiels. La Chine est prête à déloger des millions d’êtres humains si c’est le prix à payer pour continuer à dompter la nature de la sorte. Cette mission est au centre de l’idée qu’à la Chine d’elle-même: son président, Hu Jintao, est ingénieur en hydraulique. Difficile de ne pas éprouver un soupçon d’admiration à leur endroit: ils ont défié les plus vieilles rivières et des torrents à l’ampleur inimaginable, et pendant un moment, on les a donné vainqueurs. Premières catastrophes humaines Cela n’a pas duré. En 1980, un total de 2.796 barrages avaient déjà cédé, faisant 240.000 morts. Après la construction du barrage des Trois-Gorges, on recensa plusieurs glissements de terrains et des vagues mortellement dangereuses. Les rivières qui l’alimentaient ne pouvaient pas évacuer leurs déchets; les eaux sont donc devenues cancérigènes, mettant en danger les populations de 186 villes. Mais c’est le barrage de Zipingpu qui semble avoir eu l’effet le plus dévastateur: il pourrait en effet avoir déclenché le tremblement de terre du Sichuan. Lorsqu’il a été décidé de construire le barrage de Zipingu sur une ancienne ligne de faille, nombre de scientifiques ont déclaré que c’était une mauvaise idée. La ligne de faille était certes en sommeil depuis des millions d’années – mais comme ’explique Watts, «A chaque fois que le barrage s’emplissait et se désemplissait, plus de 300 millions de tonnes d’eau s’élevaient et retombaient. C’était comme si un géant sautait sur une surface fissurée. Plusieurs scientifiques réputés en ont conclu que cet effetde réservoir pouvait provoquer un séisme.» Moins de deux ans après que leréservoir ait été rempli pour la première fois, un tremblement de terre frappait la province du Sichuan; il a fait 68.000 morts. En Chine, ce débat est passé sous silence. Mais plusieurs scientifiques de premier plan ont déclaré que la pire des catastrophes «naturelles» de ces dernières années n’avait absolument rien de naturel; qu’elle était le résultat direct de la politique du gouvernement. Cet évènement condense à lui seul toutes les peurs éveillées par la série de saccages écologiques perpétrés par la Chine; il en est devenu la sombre métaphore. Que se passe-t-il lorsqu’on défie la nature, et qu’on perd? Et si les progrès d’aujourd’hui déclenchaient les catastrophes de demain, plongeant la population dans une situation bien pire que la précédente? Oui, un milliard de Chinois viennent bel et bien de sauter à pieds joints. S’ils bondissent vers les sources d’énergie renouvelables – comme le demandent les plus courageux et les plus brillants de leurs citoyens – ils apprendront à l’humanité à se sauver elle-même, et les générations futures les traiteront en héros. Mais pour l’heure, ils sautent dans le vide. Johann Hari Traduit par Jean-Clément Nau

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