8

La conduction intracardiaque; Intracardiac conduction;

  • Upload
    p

  • View
    220

  • Download
    8

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: La conduction intracardiaque; Intracardiac conduction;

MISE AU POINT /UPDATE

La conduction intracardiaquePartie 1. Physiopathologie et blocs de conduction supranodaux

Intracardiac ConductionPart 1. Pathophysiology and Supranodal Conduction Blocks

P. Taboulet

Reçu le 26 novembre 2013 ; accepté le 11 février 2014© SFMU et Springer-Verlag France 2014

RésuméLe cœur possède un réseau de cellules spécialisées

dans l’automatisme et la conduction pour coordonner effica-cement les cellules contractiles. C’est un système complexe, à

l’origine de nombreux symptômes en cas de dysfonctionne-ment. Ces symptômes varient d’une simple fatigabilité à la

mort subite, en passant par l’insuffisance cardiaque, des malai-ses ou syncopes. Le traitement et le pronostic varient selon le

siège du bloc, son caractère incomplet ou complet, transitoireou permanent, son facteur déclenchant et, bien sûr, le terrain

sur lequel il survient. Dans cette première partie, nous décri-rons la physiologie de la conduction intracardiaque, puis la

dysfonction sinusale, les blocs sinoauriculaires et les blocsinteratriaux. Ces anomalies de conduction/automatisme sont

responsables d’insuffisance cardiaque chronotrope (« brady-cardie inappropriée »), du syndrome bradycardie-tachycardie

(« maladie rythmique de l’oreillette ») et de nombreuses syn-copes rythmiques (pauses, voire « paralysie sinusale »). Le

pronostic vital est rarement en jeu en urgence. Néanmoins,il faudra rechercher des causes aiguës et réversibles comme

l’hyperkaliémie, les effets secondaires de nombreux médica-ments cardiotropes et l’ischémie myocardique. Si le traitement

spécifique de la cause et l’administration d’atropine et/ou iso-prénaline ne sont pas efficaces, un entraînement électrosysto-

lique transcutané transitoire et/ou un stimulateur cardiaquedéfinitif est (sont) indiqué(s) dans les formes symptomatiques.

Mots clésMaladie du sinus · Bloc sinoauriculaire ·

Bradycardie · Syncope · Électrocardiogramme · ECG

AbstractThe heart has a network of specialized cells for

both automatic initiation of, and conduction to, the contrac-tile cells. This complex system can malfunction in a variety

of ways. These symptoms vary from simple fatigue to sud-

den death through cardiac failure, dizziness or syncope. Thetreatment and prognosis depend on the location of the block,

its incompleteness or completeness, transient or permanent,its trigger and, of course, the patient on whom it occurs. In

this first part we describe the physiology of intracardiacconduction, sinus dysfunction, sino-atrial block and inter-

atrial block. These abnormalities of automatic initiationand conduction are responsible for chronotropic heart failure(“inappropriate bradycardia”), the bradycardia-tachycardia

syndrome (“sick sinus syndrome”) and many bradycardicsyncopes (long pauses or“sinus arrest”). The short-term out-

come is usually good. However, one will seek for reversibleacute causes as hyperkalaemia, side effects of many cardio-

vascular drugs and myocardial ischaemia. If the specifictreatment of the cause and atropine or isoprenaline are not

effective, then transcutaneous transient pacing or a pacema-ker is/are indicated in symptomatic forms.

KeywordsSick sinus syndrome · Sino-atrial block ·

Bradycardia · Syncope · Electrocardiogram · ECG

De nombreux symptômes rencontrés en médecine d’urgencesont en rapport avec des troubles de la conduction intracar-

diaque. Ces symptômes varient d’une simple fatigabilité à lamort subite, en passant par l’insuffisance cardiaque, les

malaises et syncopes. Le traitement et le pronostic varientselon le siège du bloc, son caractère incomplet ou complet,

transitoire ou permanent, son mécanisme et bien sûr le ter-rainsur lequel il survient. En présence d’une anomalie élec-

trocardiographique compatible avec un trouble de la conduc-tion intracardiaque, l’urgentiste devra donc essayer d’en

préciser le caractère stable ou instable en fonction des symp-tômes, du facteur déclenchant, du (ou des) siège(s) de blo-

cage et du terrain, avec l’aide si besoin du cardiologue.

Le siège d’un bloc de conduction peut être défini dans unpremier temps par rapport au nœud auriculoventriculaire

P. Taboulet (*)Service des urgences, hôpital Saint-Louis,université Diderot, Paris-VII, 1, avenue Claude-Vellefaux,F-75010, Paris, Francee-mail : [email protected]

Ann. Fr. Med. Urgence

DOI 10.1007/s13341-014-0424-4

Page 2: La conduction intracardiaque; Intracardiac conduction;

(AV) : supranodal, intranodal ou infranodal. Dans une pre-

mière partie, nous décrirons la physiopathologie de l’auto-matisme sinusal, la conduction intracardiaque et la sémiolo-

gie ECG des blocs auriculaires supranodaux, les symptômes/syndromes qui s’y rattachent. Dans une seconde partie, nous

décrirons les troubles de la conduction intranodale et infran-odale et les bases de leur traitement en urgence.

Automatisme sinusal et conductionintracardiaque

Le cœur possède un réseau de cellules spécialisées dansl’automatisme et la conduction (tissu nodal) pour coordon-

ner efficacement les cellules contractiles (myocytes) en fonc-tion des besoins de l’organisme (Fig. 1).

Automatisme du nœud sinusal (nœud sinoatrial

ou nœud de Keith et Flack)

Les cellules douées du plus fort automatisme se situentdans l’oreillette droite, au niveau d’un nodule localisé le

long de la paroi latérale de l’oreillette droite, en haut prèsde l’embouchure de la veine cave supérieure. Ce petit nodule

en croissant est richement innervé par le système neurové-gétatif et vascularisé par l’artère coronaire droite (60 %) ou

circonflexe (40 %). Ses fibres automatiques ont un potentielmembranaire de repos électronégatif instable qui se positive

lentement (dépolarisation diastolique lente). Lorsque lepotentiel de repos n’est plus assez électronégatif, la fibre se

dépolarise rapidement et le potentiel membranaire devientélectropositif transitoirement (potentiel d’action), ce qui

engendre un courant de charges positives (influx) qui dépo-

larisent les cellules atriales de voisinage, autorisent l’entréedu calcium dans leur cytoplasme et provoquent leur contrac-

tion avant la repolarisation membranaire.

Chez l’adulte au repos, la fréquence de dépolarisation

du nœud sinusal varie entre 60 et 80/min, plus lente en casd’hypertonie vagale (bradycardie sinusale : 35–50/min) et

plus rapide en cas d’hypertonie adrénergique (tachycardiesinusale≥100/min). La dépolarisation sinusale n’a pas de

traduction sur l’ECG, car son signal électrique est tropfaible. Le nœud sinusal a physiologiquement l’automatisme

le plus grand, aussi est-il à l’origine de la majorité des batte-ments cardiaques. De nombreux facteurs freinent (stimula-

tion parasympathique, médicaments, hyperkaliémie, hypo-thyroïdie, hypothermie…) ou augmentent cet automatisme

(fièvre, catécholamines, hyperthyroïdie…), principalementen modifiant la pente de dépolarisation diastolique lente.

Si le nœud sinusal ne fonctionne pas (paralysie sinusale),s’il se dépolarise lentement (dysfonction sinusale ou brady-

cardie sinusale vagale) ou si l’influx reste bloqué dansl’oreillette (bloc sinoauriculaire), un autre foyer douéd’automatisme (pacemaker subsidiaire) peut prendre le relais

et la commande du cœur (nœud atrial bas, nœud jonctionnel,cellules d’His-Purkinje). On parle alors de rythme d’échap-

pement. Le nœud atrial bas, situé près du sinus coronaire(nœud du sinus coronaire), ou le nœud jonctionnel sont

parfois très actifs, de façon bénigne, et peuvent rentrer encompétition à tout âge avec le nœud sinusal (pacemaker

baladeur ouwandering pacemaker), mais principalementchez un sujet jeune. Si un autre foyer d’automatisme prend

la commande du cœur, car il est plus actif transitoirementque le nœud sinusal (déséquilibre neurovégétatif transitoire),

Fig. 1Anatomie des voies de conduction intracardiaque et correspondances sur l’ECG (La Figure 1 est extraite du livre « L’ECG de A

à Z ». Pierre Taboulet. Édition Vigot-Maloine (2010). Reproduite avec autorisation)

2 Ann. Fr. Med. Urgence

Page 3: La conduction intracardiaque; Intracardiac conduction;

on parle de rythme du sinus coronaire ou de rythme atrial,

jonctionnel ou ventriculaire accéléré, selon l’origine et lafréquence des influx. Ces rythmes accélérés sont fréquem-

ment interrompus par des « captures sinusales » (reprisetransitoire du rythme sinusal), ce qui peut faire croire à tort

à des blocs (Fig. 2).

Dépolarisation des oreillettes

La dépolarisation successive de l’oreillette droite puis gau-che est assurée par des voies de conduction préférentielle

(dont le faisceau de Bachmann qui relie l’oreillette droite àla gauche). Cela se traduit sur l’ECG par un signal électriquecaractéristique, prolongé et peu ample (≤0,25 mV ou

2,5 mm), appelé « onde P » (Fig. 1). Par convention, onassimile la dépolarisation sinusale au début de l’onde P

qu’elle précède immédiatement, sauf en cas de bloc sinoau-riculaire. Lorsque le nœud sinusal est à l’origine d’une

onde P physiologique, celle-ci est positive, monophasiqueet peu prolongée en dérivation DII (≤120 ms). Un axe de

P plutôt vertical peut indiquer une stimulation sympathiquedominante au sein du nœud sinusal, tandis qu’un axe de P

plutôt horizontal peut indiquer une stimulation vagale, etcela peut changer progressivement sur un même tracé (le

repos/yeux fermés induisant une stimulation vagale) (Fig. 2).Une onde P peut être pathologique, car d’origine non sinu-

sale (extrasystole atriale, activation rétrograde…), ou affec-tée par une fibrose atriale avec trouble de conduction intra-

ou interatrial.

Conduction intranodale

Quand l’influx parvient au plancher de l’oreillette, près duseptum membraneux, il dépolarise un second amas de myo-

cytes spécialisés (< 45 ms après le début de l’onde P) : lenœud AV ou nœud d’Aschoff et Tawara. Ces myocytes spé-

cialisés sont dépendants de canaux calcicosodiques lents

(fibres à réponse lente). Leur potentiel d’action est long, ce

qui prolonge leur période réfractaire et leur confère des pro-priétés frénatrices des influx qui le traversent. Ainsi, l’influx,

lorsqu’il traverse le nœud AV, subit un type de ralentisse-ment spécifique fréquence-dépendant appelé « conduction

décrémentielle ». La traversée du nœud AV est lente (60–130 ms), et si la fréquence des influx est trop grande

(ex. tachycardie supraventriculaire), la conduction AV seprolonge (meilleur remplissage ventriculaire) et au-delà

d’une certaine fréquence atriale (ex.≥140/min), le nœudAV bloque certains d’entre eux (bloc fonctionnel), ce qui

protège le cœur de contractions ventriculaires trop fréquen-tes. Le nœud AV, doué d’automatisme comme le nœud sinu-sal, présente une fréquence de potentiels d’action spontanée

plus lente (environ 40–50/min), aussi le rythme jonctionnelne s’exprime-t-il d’ordinaire qu’en cas de défaillance tempo-

raire ou définitive du nœud sinusal. La dépolarisation dunœud AV est un signal électrique faible, sans traduction

sur l’ECG standard (Fig. 1).

Conduction intraventriculaire

À partir du nœud AV, un réseau de myocytes spécialisésassure la conduction rapide de la dépolarisation supraventri-

culaire à l’ensemble du myocarde ventriculaire : le réseaud’His-Purkinje qui comprend un bref tronc du faisceau d’His

(10–15 mm) qui se prolonge vers la partie musculaire duseptum interventriculaire où il se divise en deux branches

(Fig. 1). Les branches courent le long des surfaces septalesde leur ventricule respectif et assurent la dépolarisation sep-

tale durant les 40 premières millisecondes du QRS. La bran-che droite reste compacte jusqu’àl’apex du ventricule

droit, puis se ramifie en réseau sous-endocardique arbores-cent à conduction rapide (via les fibres de Purkinje). La bran-

che gauche se divise essentiellement en deux faisceaux (pos-térieur et antérieur gauche) qui gagnent respectivement les

muscles papillaires postérieur et antérieur avant de se

Fig. 2Variantes physiologiques de rythme atrial. A. Rythme atrial accéléré transitoire, puis reprise du rythme sinusal en fin de tracé. B.

Rythme sinusal axe horizontal puis vertical en fin de tracé

Ann. Fr. Med. Urgence 3

Page 4: La conduction intracardiaque; Intracardiac conduction;

ramifier en éventail vers l’apex et les fibres de Purkinje.

La durée de la conduction dans le faisceau d’His est brève(15–20 ms). L’arrivée de l’influx au contact des myocytes

contractiles ventriculaires et la dépolarisation/contractionséquentielle qui s’en suit (septum puis ventricules) se tradui-

sent sur l’ECG par le complexe QRS. La durée de la conduc-tion non spécifique dans les ventricules (ou durée du QRS)

est comprise entre 70 et 110 ms. Une durée plus longuesigne un bloc intraventriculaire infrahissien. Un bloc intra-

ventriculaire peut être secondaire à un bloc de branche, àun bloc distal diffus ou à un bloc focal [1].

Intervalle P–R

L’intervalle P–R correspond au temps de conduction AVdepuis le début de la dépolarisation des myocytes auriculaires

jusqu’au début de la dépolarisation des myocytes ventriculai-res. Il s’agit d’une mesure simple sur un ECG, effectuée en

général en dérivation DII. On peut décomposer cet intervalleen plusieurs segments grâce à un enregistrement endocavi-

taire (Fig. 3) :

•conduction intra-auriculaire : depuis le début de l’onde Pjusqu’au nœud AV (déflexion spécifique appelée A) =intervalle PA 25–45 ms ;

•conduction intranodale : depuis le nœud AV jusqu’au His(déflexion H≤20 ms) = intervalle AH 60–130 ms ;

•la conduction intrahissienne : depuis le His jusqu’auxventricules = intervalle HV 40 ± 15 ms (V = début duQRS).

La durée normale de conduction AV est de 120–200 ms,parfois 100 ms si le nœud est hyperdromique (variante nor-

male de la normale). Un P–R long traduit en majorité untrouble de conduction intranodale (AH > 150 ms), parfois

un trouble de la conduction intra-auriculaire et exceptionnel-lement un trouble de conduction intrahissien (H > 30 ms) ou

infrahissien (HV > 70 ms) [2].

Troubles de l’automatisme/conduction atriale

Perte de l’automatisme sinusal

La fonction du nœud sinusal de « pacemaker principal »peut être défaillante par anomalie de l’automatisme (« mala-

die du sinus »). L’étiologie primitive est une dégénérescencecellulaire (fibrose) qui peut être isolée ou s’inscrire dans le

cadre d’une maladie rythmique de l’oreillette. Les étiolo-gies secondaires sont à rechercher en priorité (médicaments,

Fig. 3Conduction intracardiaque : anatomie, enregistrement endocavitaire et ECG. Correspondances entre anatomie (en haut), enregis-

trement endocavitaire (au milieu) et ECG (en bas). NS : nœud sinusal ; NAV : nœud auriculoventriculaire

4 Ann. Fr. Med. Urgence

Page 5: La conduction intracardiaque; Intracardiac conduction;

hyperkaliémie, hypertonie vagale, infarctus, hypothyroï-

die…). Ainsi, de nombreux médicaments qui dépriment lenœud sinusal peuvent déclencher ou aggraver une dysfonc-

tion sinusale. Il s’agit en particulier des quatre classes d’an-tiarythmiques (antiarythmique de classe Ic, bêtabloquant,

amiodarone, digitalique), mais aussi des inhibiteurs calci-ques non dihydropyridines (vérapamil et diltiazem), du tha-

lidomide, de la clonidine, de la morphine et des dérivésopioïdes et certains psychotropes.

Les ondes P sont souvent peu voltées, pointues ou dys-morphiques, bifides ou diphasiques avec ou sans bloc intera-

trial (cf. infra). Elles sont plutôt irrégulières, lentes (35–50/min) et ne s’accélèrent pas ou peu en cas d’effort. Des pauses

sont fréquentes, faisant suite à des intervalles P–P variables.Au maximum, le sinus peut rester muet (« arrêt sinusal »)

(Fig. 4). Des rythmes parasinusaux ou jonctionnels intermit-tents sont possibles avec parfois dissociation isorythmique

entre plusieurs pacemakers ou activation rétrograde desoreillettes (délétère pour l’hémodynamique). Quand la bra-

dyarythmie ou les pauses sont clairement responsables dessymptômes suivants, fatigabilité, réduction des capacités

cognitives, vertiges, présyncope, syncope ou décompensa-tion cardiaque chronique, on parle de « bradycardie inappro-

priée », et en l’absence de médicaments iatrogènes ou hyper-kaliémie, il y a indication formelle à la pose d’un stimulateur

cardiaque (pacemaker) [3].

Des anomalies de la conduction sinoauriculaire sont fré-

quemment associées et parfois à l’origine d’une syncope àl’occasion d’une pause ventriculaire prolongée. La mise en

évidence de ces pauses est parfois difficile sur un ECG dedix secondes… Qu’il s’agisse d’une dysfonction sinusale

prolongée ou d’un bloc sinoauriculaire du troisième degré,une pause supérieure ou égale à six secondes (en moyenne

9–12 secondes) semble nécessaire pour créer une syn-cope [3]. Elles peuvent être recherchées par des enregistre-

ments de longue durée (Holter, télémétrie, moniteur ECGimplantable) ou par provocation (massage carotidien, tilt-

test, test d’effort, voire exploration électrophysiologique) [4].La Société européenne de cardiologie (ESC) recommandedepuis 2009 un massage carotidien à tous les patients d’âge

supérieur à 40 ans après une syncope dont l’étiologie resteinconnue après une première évaluation (classe IB). Le mas-

sage carotidien est diagnostique si la syncope est reproduiteen présence d’une asystole supérieure à trois secondes et/ou

d’une chute de tension artérielle supérieure à 50 mmHg(classe IB) [4].

Des tachycardies supraventriculaires (fibrillation auricu-

laire, flutter et tachycardie atriale ectopique) sont fréquem-ment associées en raison d’anomalies diffuses de conduction

etd’automatisme au sein des oreillettes (maladie rythmiquede l’oreillette ou « syndrome bradycardie-tachycardie »). Des

embolies systémiques (cérébrales) peuvent être révélatrices.

Fig. 4Dysfonction sinusale sévère. A. Bradycardie sinusale (31 à 41/min) avec intervalles P–P très longs et variables. Certains QRS

sont conduits (1, 2 et 7, et probablement 6 sur le DII long). B. Paralysie sinusale avec quelques battements sinusaux persistants. Rythme

d’échappement jonctionnel à 38/min

Ann. Fr. Med. Urgence 5

Page 6: La conduction intracardiaque; Intracardiac conduction;

Enfin, des pauses soutenues peuvent survenir après la fin des

accès de tachycardie, aggravées parfois par le traitementantiarythmique. Le traitement des formes symptomatiques

repose sur la pose d’un stimulateur cardiaque souvent en asso-ciation avec un antiarythmique et un anticoagulant [4,5].

Blocs sinoauriculaires

Bloc sinoauriculaire du premier degré : allongement

de la conduction intra-auriculaire, sans traduction

sur l’ECG

Seule une exploration électrophysiologique permet d’en

faire le diagnostic. On peut néanmoins le suspecter si, audécours d’une extrasystole auriculaire, l’intervalle P–P pos-

textrasystolique s’allonge brièvement (Fig. 5).

Bloc sinoauriculaire du deuxième degré : interruption

complète de la conduction intra-auriculaire après

certaines impulsions sinusales

Le tracé électrique montre des « ondes P manquantes » avec

autant d’ondes P que de complexes QRS (ou davantage deQRS si surviennent des complexes d’échappement). Il faut

toujours y penser devant une pause sinusale après avoir éli-miné l’existence d’une extrasystole auriculaire non conduite

et cachée dans l’onde T du complexe précédent (« pseudo-

bloc »). On distingue deux types (classification de Blumber-

ger) de gravité croissante (Fig. 5) :

•le type I se caractérise par un incrément progressif, posi-tif ou négatif, du temps de conduction de l’influx dans

la jonction sinoatriale jusqu’à une pause auriculaire(« période de Wenckebach »). Sur l’ECG, on observe

des intervalles P–P croissants ou décroissants (« Paradoxede Wenckebach »), mais l’intervalle P–P de la pause est

toujours inférieur à deux intervalles P–P normaux ;

•le type II ou bloc sinoauriculaire commun se caractérise pardes pauses intermittentes (sans onde P ni QRS) interrom-pant des cycles d’ondes P régulières ; ces pauses sont de

longueur fixe, au moins égale à deux (bloc 2 :1) ou troisintervalles P–P (bloc 3 :1) rarement plus (bloc de haut

degré). De plus, l’intervalle P–Pdelapauseestunmultiplede l’intervalle P–Pdebase,carils’agit d’un bloc de sortie

et non d’uneanomaliedel’automatisme (au cours delaquelle les ondes P disparaissent au hasard) (Fig. 6).

Bloc sinoauriculaire du troisième degré : interruptioncomplète et prolongée de la conduction intra-auriculaire.

Le sinus est paralysé (« paralysie sinusale »), et il est impos-sible de distinguer ce bloc d’un arrêt sinusal par dysfonction

sinusale. Un rythme d’échappement (en général jonctionnel)assure la contraction ventriculaire, activant parfois de façon

rétrograde les oreillettes (Fig. 5).

Fig. 5Classification des blocs sinoauriculaires

6 Ann. Fr. Med. Urgence

Page 7: La conduction intracardiaque; Intracardiac conduction;

Les diagnostics différentiels sont la dysfonction sinusale,

l’arythmie sinusale respiratoire, lewandering pacemakeretl’extrasystole jonctionnelle bloquée (Fig. 7).

Bloc interatrial

Il s’agit d’un trouble de la conduction entre les deux oreil-lettes, probablement en rapport avec une altération du fais-

ceau de Bachmann qui relie l’oreillette droite à la gauche [6].

Sur l’ECG, l’onde P est d’amplitude normale ou faible etmesure au moins 0,12 seconde. Elle présente dans le plan

frontal une encoche avec deux pics séparés de plus de0,04 seconde et en dérivation V1 une forte négativité termi-

nale (Fig. 7). Ce bloc précède ou accompagne généralementdes troubles de conduction sinoauriculaire ou intranodale.

De plus, il constitue un substrat arythmogène (pour un

Fig. 6Bloc sinoauriculaire du deuxième degré intermittent. Rythme sinusal irrégulier avec écho auriculaire (*) suivi par un BSA II

(intervalle P–P double du rythme sinusal)

Fig. 7Diagnostics différentiels des blocs sinoauriculaires. A. Dysfonction sinusale. B. Bradycardie sinusale inspiratoire avec rythme

d’échappement jonctionnel intermittent. C. Rythme du sinus coronaire intermittent (wandering pacemaker). D. Extrasystole auriculaire

bloquée (pseudobloc). E. Nombreuses extrasystoles auriculaires bloquées

Ann. Fr. Med. Urgence 7

Page 8: La conduction intracardiaque; Intracardiac conduction;

mécanisme de réentrée intra-auriculaire) à l’origine de tachy-cardies atriales paroxystiques (fibrillation auriculaire et plus

rarement tachycardie atriale ectopique) (Fig. 8).Ce bloc est mal connu et attribué souvent à tort à une

hypertrophie/dilatation auriculaire gauche. Il s’en distinguepar son caractère parfois transitoire d’un complexe à l’autre

(aberration auriculaire) et par son caractère diphasique [+/–]en dérivations inférieures dans les cas les plus sévères [7].

Conclusion

Les anomalies de l’automatisme sinusal et les blocs de

conduction supranodaux expliquent de nombreux symp-tômes cardiovasculaires. Les mécanismes en rapport sont

une bradycardie sinusale inappropriée à l’origine d’uneinsuffisance cardiaque chronotrope, le syndrome bradycar-

die-tachycardie (ou maladie rythmique de l’oreillette) et cer-taines pauses prolongées à l’origine de syncopes rythmiques.

La dysfonction sinusale partage le pronostic et le traitementdes blocs sinoauriculaires. Le pronostic vital est rarement en

jeu en urgence. Néanmoins, il faudra rechercher des causesaiguës et réversibles comme l’hyperkaliémie, de nombreux

médicaments cardiotropes et l’ischémie myocardique. Unentraînement électrosystolique transcutané et/ou un stimula-

teur cardiaque définitif est (sont) indiqué(s) dans les formessymptomatiques.

Conflit d’intérêt :l’auteur déclare ne pas avoir de conflit

d’intérêt.

Références

1. Surawicz B, Childers R, Deal BJ, et al (2009) AHA/ACCF/HRSRecommendations for the standardization and interpretation of theelectrocardiogram: part III: intraventricular conduction disturban-ces. Circulation 119:e235–40

2. Surawicz B, Knilans TK (2008) Atrioventricular block. In: Sura-wicz B, Knilans TK (eds) Chou’s electrocardiography in clinicalpractice, 6th ed, Saunders Elsevier, Philadelphia, PA, USA,pp 456–580

3. Brignole M, Auricchio A, Baron-Esquivias G, et al (2013) 2013ESC Guidelines on cardiac pacing and cardiac resynchronizationtherapy: the Task Force on cardiac pacing and resynchronizationtherapy of the European Society of Cardiology (ESC). Developedin collaboration with the European Heart Rhythm Association(EHRA). Eur Heart J 34:2281–329

4. Task Force for the diagnosis and management of Syncope; Euro-pean Society of Cardiology (ESC); European Heart Rhythm Asso-ciation (EHRA), et al (2009) Guidelines for the diagnosis andmanagement of syncope (version 2009). Eur Heart J 30:2631–71

5. Epstein AE, DiMarco JP, Ellenbogen KA, et al (2008) ACC/AHA/HRS 2008 Guidelines for device-based therapy of cardiac rhythmabnormalities: a report of the American College of Cardiology/American Heart Association Task Force on Practice Guidelines(Writing Committee to Revise the ACC/AHA/NASPE 2002 Gui-deline Update for Implantation of Cardiac Pacemakers and Antiar-rhythmia Devices): developed in collaboration with the AmericanAssociation for Thoracic Surgery and Society of Thoracic Sur-geons. Circulation 117:e350–e408

6. Surawicz B, Knilans TK (2008) Atrial abnormalities. In: SurawiczB, Knilans TK (eds) Chou’s electrocardiography in clinical prac-tice, 6th ed, Saunders Elsevier, Philadelphia, PA, USA, pp 29–44

7. Bayés de Luna A, Platonov P, Cosio FG, et al (2012) Interatrialblocks. A separate entity from left atrial enlargement: a consensusreport. J Electrocardiol 45:445–51

Fig. 8Bloc interatrial du deuxième degré. Onde P sinusale 120 ms, bifide avec deux sommets séparés par≥40 ms. Nombreuses extra-

systoles auriculaires (*) avec salve de tachycardie atriale

8 Ann. Fr. Med. Urgence