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LA CONFERENCE DES AVOCATS DU BARREAU DE
PARIS
N° du Parquet :
Audience du avril 2020
A Mesdames et Messieurs les
Président et Assesseurs composant
la 23e Chambre correctionnelle
du Tribunal judiciaire de Paris
QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE
Tendant à faire constater que les dispositions du quatrième alinéa de l’article L. 3136-1
du Code de la santé publique portent atteinte au droit au recours effectif, aux droits de la
défense, et qu’elles méconnaissent le principe de légalité des délits et des peines ainsi que
le principe de nécessité et de proportionnalité des peines.
POUR : Monsieur , né le .
Demeurant,
Ci-après, l’« Exposant »,
Ayant pour Avocats :
Maître Gaspard LINDON
Maître Magali WOCH
Maître Maïa KANTOR
Maître Camille FONDA
Maître Dylan SLAMA
Maître Bruno GENDRIN
Maître Antoine ORY
Maître Chloé REDON
Maître Mourad BATTIKH
Maître Romain RUIZ
Maître Charles CONSIGNY
Maître Dimitri GREMONT
Avocats au Barreau de Paris
2
I. Sur la question prioritaire de constitutionnalité
En droit, il résulte de l’article 61-1 de la Constitution de 1958 :
« Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une
disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le
Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de
la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé ».
La loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l’application de l’article 61-1
de la Constitution énonce également :
« Art. 23-2.−La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission
de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’Etat ou à la Cour de cassation.
Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies :
1. La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le
fondement des poursuites ;
2. Elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif
d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ;
3. La question n’est pas dépourvue de caractère sérieux ».
1. Sur l’applicabilité au litige
La présente question prioritaire de constitutionnalité tend à faire constater la non-conformité
aux droits et libertés que garantit la Constitution du quatrième alinéa de l’article 3136-1 du
Code de la santé publique, tel que modifié par l’article 2 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020
d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, en ce qu’il dispose que :
« Le fait de ne pas respecter les mesures prescrites par l'autorité requérante prévues
aux articles L. 3131-8 et L. 3131-9 est puni de six mois d'emprisonnement et de 10 000
Euros d'amende.
Le fait de ne pas respecter les réquisitions prévues aux articles L. 3131-15 à L. 3131-
17 est puni de six mois d'emprisonnement et de 10 000 € d'amende.
La violation des autres interdictions ou obligations édictées en application des articles
L. 3131-1 et L. 3131-15 à L. 3131-17 est punie de l'amende prévue pour les
contraventions de la quatrième classe. Cette contravention peut faire l'objet de la
procédure de l'amende forfaitaire prévue à l'article 529 du code de procédure pénale.
Si cette violation est constatée à nouveau dans un délai de quinze jours, l'amende est
celle prévue pour les contraventions de la cinquième classe.
Si les violations prévues au troisième alinéa du présent article sont verbalisées à plus
de trois reprises dans un délai de trente jours, les faits sont punis de six mois
d'emprisonnement et de 3 750 € d'amende ainsi que de la peine complémentaire de
travail d'intérêt général, selon les modalités prévues à l'article 131-8 du code pénal et
selon les conditions prévues aux articles 131-22 à 131-24 du même code, et de la peine
3
complémentaire de suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de
conduire lorsque l'infraction a été commise à l'aide d'un véhicule ».
En l’espèce, le litige à l’occasion duquel cette question prioritaire de constitutionnalité est
soulevée oppose M. au Ministère public.
En effet, M. est renvoyé devant la 23ème chambre du Tribunal correctionnel
de Paris pour avoir, le avril 2020 à , à , commis l’infraction de :
« Réitération à plus de trois reprises dans un délai de trente jours de violation des
interdictions ou obligations édictées dans une circonscription territoriale où l’état
d’urgence sanitaire est déclaré ».
Dans ces conditions, les dispositions du quatrième alinéa de l’article L. 3136-1 du Code de la
santé publique sont bien applicables au litige.
Cette première condition doit donc être regardée comme satisfaite.
2. Sur l’absence de déclaration de constitutionnalité antérieure
Les dispositions de l’article 3136-1 du Code de la santé publique telles que modifiées par la loi
n° 2020-290 n’ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs ou le
dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel.
Il apparaît en effet que cette loi n’a pas été soumise à l’examen du Conseil constitutionnel, que
ce soit par la voie d’un contrôle a priori ou a posteriori au titre de l’article 61-1 de la
Constitution.
La condition d’absence de déclaration préalable de conformité à la Constitution est également
satisfaite.
3. Sur le caractère sérieux
La condition tirée de ce que la présente question prioritaire de constitutionnalité n’est pas
dépourvue de caractère sérieux au sens des dispositions de l’article 3° de l’article 23-2 de la loi
organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 doit également être regardée comme satisfaite,
ainsi qu’il le sera démontré ci-dessous.
a. Sur le contexte dans lequel les dispositions litigieuses ont été adoptées
D’emblée, l’exposant tient à souligner le contexte dans lequel les dispositions attaquées ont été
adoptées.
La loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 a pour objet de créer le cadre juridique nécessaire à la lutte
contre la pandémie de covid-19 qui frappe le monde, et plus singulièrement la France, depuis
plusieurs semaines.
4
Le 18 mars 2020, le Premier ministre présentait le titre du projet de loi introduisant les
dispositions litigieuses en ces termes :
« Notre droit connaît actuellement deux fondements pour prendre des mesures
sanitaires : le pouvoir de police générale du Premier ministre et l’article L. 3131-1 du
code de la santé publique qui permet au ministre de la santé de prendre, en cas de «
menace » d’épidémie, « toute mesure pour protéger la santé de la population ». Pour
les catastrophes sanitaires très graves, comme celle du Covid-19, il est créé un régime
d’état d’urgence sanitaire qui permet de fonder toute mesure réglementaire ou
individuelle limitant certaines libertés afin de lutter contre l’épidémie ».
D’une part, il convient de rappeler que cette loi, qui donne au Premier ministre ainsi qu’au
Ministre de la Santé une série d’outils juridiques leur permettant d’adopter toute mesure utile à
la lutte contre la pandémie de covid-19, adoptée selon la procédure législative accélérée, est
issue d’un projet de loi déposé le 18 mars 2020 au Sénat, et définitivement voté seulement
quatre jours après, le 22 mars 2020.
Le caractère précipité du travail parlementaire apparaît encore plus prononcé s’agissant des
dispositions litigieuses, celle-ci ayant été introduite par un amendement présenté en séance
publique in extremis par la Garde des Sceaux, lequel amendement n’avait pas, à l’origine, fait
l’objet d’un débat au sein de la Commission des lois :
« Raphaël Schellenberger : Dans le cas présent, il me semble que nous devrions
prendre le temps de discuter l’amendement, qui n’a pas été examiné en
commission »1.
Dès lors, à la différence de la plupart des autres dispositions de la loi n° 2020-290, les
dispositions litigieuses n’ont donné lieu à aucune étude d’impact.
D’autre part, il est frappant que lors de ces débats, des parlementaires aient eux-mêmes souligné
la contradiction qu’induisait la création d’une peine d’emprisonnement pour non-respect des
mesures de confinement, alors même que les prisons françaises connaissent une exceptionnelle
surpopulation carcérale, et qu’une peine d’emprisonnement risque de mettre au contact de
détenus des personnes venant de l’extérieur, où elles étaient, par définition davantage exposées
à un risque d’infection :
« M. Charles de Courson. Il vaudrait mieux réduire l’amende à 1 000 euros et se
dispenser d’une peine d’emprisonnement d’autant moins réaliste que nos prisons sont
pleines.
M. Jean-Paul Lecoq. Il faut les vider !
M. Charles de Courson. Ce serait un quantum raisonnable. Mille euros, c’est déjà
considérable !
M. Raphaël Schellenberger. C’est un smic !
1 http://www.assemblee-nationale.fr/15/cri/2019-2020/20200186.asp.
5
M. Charles de Courson. Et il faut éviter les peines de prison. Où mettrions-nous ces
gens ?
[…]
Mme Danièle Obono. En outre, les prisons ne sont pas seulement pleines : elles sont
surpeuplées.
M. Jean-Paul Lecoq. Il faut les vider !
M. le président. La parole est à M. Fabien Roussel.
M. Fabien Roussel. Nous partageons les avis exprimés sur les autres bancs de
l’hémicycle au sujet de cet amendement que nous découvrons tout juste.
Le groupe communiste demande également que soit définie une peine proportionnée
et applicable en cas de récidive, en évitant des excès de volonté pédagogique qui
risquent de poser problème.
En outre, si une peine d’emprisonnement est encourue, elle devra être prononcée par
la justice. Comment faire alors que dans cette période de confinement, il est
demandé aux tribunaux de fonctionner au ralenti ? N’y a t-il pas un risque de
surchauffe ? »2.
Le choix de la création d’un délit pénal puni d’une peine de six mois d’emprisonnement
surprend d’autant plus que se multiplient, parallèlement, les appels à la réduction de la
population carcérale.
C’est ainsi que le 18 mars, l’Association des avocats pour la défense des droits des détenus
(A3D), l’Association nationale des juges de l’application des peines (ANJAP), la Section
française de l’Observatoire international des prisons (OIP-SF), le Syndicat des avocats de
France (SAF) et le Syndicat de la magistrature (SM) publiaient un communiqué exhortant les
pouvoirs publics à « réduire drastiquement le nombre de personnes détenues »3.
Le 19 mars, le quotidien Le Monde publiait une tribune signée par plus d’un millier de
personnes regroupant des magistrats, des avocats, des universitaires ou des soignants appelant
à leur tour à réduire la population carcérale4.
Le 20 mars 2020, le Comité de prévention contre la torture (CPT) publiait une déclaration de
principes relative au traitement des personnes privées de liberté dans le contexte de la pandémie
de covid-19, rappelant à tous les Etats membres du Conseil de l’Europe l’interdiction absolue
des traitements inhumains et dégradants, et les invitant à recourir davantage aux alternatives à
la détention provisoire, aux peines de substitution, à la libération anticipée et à la mise à
l’épreuve5.
2 http://www.assemblee-nationale.fr/15/cri/2019-2020/20200186.asp 3 https://oip.org/communique/prisons-reduire-la-surpopulation-pour-eviter-la-crise-sanitaire/ 4 https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/03/19/coronavirus-reduisons-le-nombre-de-personnes-incarcerees-
pour-de-courtes-peines-ou-en-fin-de-peine_6033711_3232.html 5 https://rm.coe.int/16809cfa4a
6
Le Défenseur des droits, la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté et le Président
de la Commission nationale consultative des droits de l’homme appelaient également de leurs
vœux la réduction du nombre de personnes détenues ainsi que la prise de mesures urgentes pour
répondre à la nature exceptionnelle de ce risque sanitaire le 20 mars 20206.
Consciente des grandes difficultés à faire observer les règles permettant d’endiguer la pandémie
telles que la distanciation sociale ou le confinement dans l’univers carcéral, la Garde des
Sceaux demandait elle-même, le 20 mars 2020, aux Procureurs de veiller à réguler la
population carcérale7, tout en soutenant, le lendemain, un amendement en séance
publique permettant la création d’une peine d’emprisonnement de six mois pour violation
répétée des règles de confinement8.
Enfin, il est intéressant de souligner le fait que le gouvernement tente, par des moyens juridiques
dont la présente question prioritaire de constitutionnalité ne peut être l’objet, de dissuader les
personnes ayant été verbalisées de l’exercice de leur droit au recours contre ces contraventions
– droit que les dispositions litigieuses méconnaissent, en tout état de cause, ainsi qu’il le sera
démontré ci-dessous.
En effet, le décret n° 2020-357 du 28 mars 2020 relatif à la forfaitisation de la 5ème classe
réprimant la violation des mesures édictées en cas de menace sanitaire grave et de déclaration
de l’état d’urgence sanitaire réduisent le montant de la contravention de 5ème classe de 1.500
euros à 200 euros.
Si une telle réduction peut, à première vue, sembler avantageuse, elle permet en réalité de payer
l’amende – devenue forfaitaire – immédiatement et de limiter, par voie de conséquence, les
hypothèses de contestation de ces amendes.
Le Ministère de l’Intérieur ne se cachait d’ailleurs pas d’une telle ambition, présentant la
forfaitisation des amendes de 5ème classe comme un moyen d’en accélérer le traitement9 :
6 https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/03/20/coronavirus-sauvegardons-les-droits-fondamentaux-pendant-
la-crise-sanitaire_6033892_3232.html 7 http://www.leparisien.fr/faits-divers/coronavirus-belloubet-ouvre-la-voie-a-la-liberation-de-detenus-en-fin-de-
peine-et-de-malades-20-03-2020-8284443.php 8 http://www.leparisien.fr/faits-divers/coronavirus-belloubet-ouvre-la-voie-a-la-liberation-de-detenus-en-fin-de-
peine-et-de-malades-20-03-2020-8284443.php 9https://twitter.com/Place_Beauvau/status/1244263453168205824?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweet
embed%7Ctwterm%5E1244263453168205824&ref_url=https%3A%2F%2Fwww.nouvelobs.com%2Fconfinem
ent%2F20200330.OBS26822%2Fconfinement-pourquoi-les-amendes-pour-recidive-sont-elles-passees-de-1-
500-a-200-euros.html
7
Cette analyse est au surplus confortée par le rapport de la mission de suivi du projet de loi
d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19, publié le 2 avril 2020 par la Commission
des lois :
« Il apparaît d’autant plus nécessaire de porter une vigilance accrue à l’égard des
conditions d’exercice des contrôles que le Gouvernement a fait preuve d’une innovation
juridique dans les modalités d’application des sanctions encourues. Par un décret du
28 mars, la procédure de l’amende forfaitaire a en effet été ouverte, pour les seules
infractions commises dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, aux contraventions de
la 5ème classe, qui ne pouvaient jusqu’à présent être prononcées que par le tribunal de
police. Les montants de l’amende forfaitaire simple et de l’amende forfaitaire majorée
ont été fixés respectivement à 200 et 450 euros. Cette dérogation importante au droit
commun de la procédure pénale est, sans aucun doute, de nature à fluidifier le
prononcé des sanctions à l’encontre des personnes violant le confinement et à éviter
un engorgement des tribunaux, par ailleurs soumis à un ralentissement contraint de
leur activité. Elle nécessite toutefois que des consignes précises soient transmises tant
par la garde des sceaux que par le ministre de l’intérieur sur les modalités de
constatation de cette nouvelle catégorie d’amende forfaitaire »10.
Dans ce contexte, il sera démontré qu’en édictant les dispositions litigieuses, le législateur a
méconnu le droit au recours effectif (b), les droits de la défense (c), le principe de légalité
des délits et des peines (d), ainsi que le principe de nécessité et de proportionnalité des
peines (e).
b. S’agissant de l’atteinte au droit au recours effectif
En droit, l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen énonce :
« Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation
des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ».
Sur le fondement de ces dispositions, le Conseil constitutionnel juge de manière constante «
qu'en principe il ne doit pas être porté d'atteintes substantielles au droit des personnes
intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction » (Cons. constit., Déc.
nos 96-373 DC du 9 avril 1996, cons. 83 ; 2012-288 QPC du 17 janv. 2013, cons. 4).
10http://www.senat.fr/commission/loi/missions_de_controle/mission_de_controle_sur_les_mesures_liees_a_lepi
demie_de_covid_19.html
8
Il précise en outre qu’il appartient au législateur (Cons. constit., Déc. n° 93-325 DC
du 13 août 1993, cons. 3) :
« […] de respecter les libertés et droits fondamentaux de valeur constitutionnelle
reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République ; que s'ils doivent
être conciliés avec la sauvegarde de l'ordre public qui constitue un objectif de valeur
constitutionnelle, figurent parmi ces droits et libertés, la liberté individuelle et la sûreté,
notamment la liberté d'aller et venir, la liberté du mariage, le droit de mener une vie
familiale normale ; qu'en outre les étrangers jouissent des droits à la protection sociale,
dès lors qu'ils résident de manière stable et régulière sur le territoire français ; qu'ils
doivent bénéficier de l'exercice de recours assurant la garantie de ces droits et
libertés ».
Cette jurisprudence est régulièrement rappelée par le Conseil constitutionnel (Cons. Constit.,
déc. n° 2015-713, 23 juillet 2015) :
« […] Il incombe au législateur d’assurer la conciliation entre, d’une part, la
prévention des atteintes à l’ordre public et des infractions, nécessaire à la sauvegarde
des droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d’autre part, l’exercice des
droits et libertés constitutionnellement garantis ».
Il est utile de souligner que ces obligations s’appliquent même dans le cadre d’un « état
d’urgence », comme le rappelait le Conseil constitutionnel au sujet de l’état d’urgence prévu
par la loi du 3 avril 1955 (Cons. constit., décisions nos 2015-527 QPC du 22 décembre 2015,
cons. 8 ; 2016-535 QPC du 19 février 2016, cons. 3 ; 2016-536 QPC du 19 février 2016, cons.
5 ; 2016-567/568 QPC du 23 septembre 2016, cons. 7 ; 2016-600 QPC du 2 décembre 2016,
cons. 6 ; 2017-624 QPC du 16 mars 2017, cons. 13) :
« 8. Considérant que la Constitution n'exclut pas la possibilité pour le législateur de
prévoir un régime d'état d'urgence ; qu'il lui appartient, dans ce cadre, d'assurer la
conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et, d'autre
part, le respect des droits et libertés reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire
de la République ; que parmi ces droits et libertés figurent la liberté d'aller et de venir,
composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration
des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ».
Plus précisément, le Conseil constitutionnel a rappelé que le droit au recours effectif
s’appliquait également en matière de contravention (Cons. Constit., 29 septembre 2010, n°
2010-38 QPC ; Cons. Constit., 7 mai 2015, n° 2015-467) :
« Le droit à un recours juridictionnel effectif impose que la décision du ministère public
déclarant la réclamation prévue par le troisième alinéa de l’article 530 du code de
procédure pénale irrecevable au motif qu’elle n’est pas accompagnée de l’avis
d’amende forfaitaire majorée puisse être contestée devant le juge de proximité ».
En l’espèce, il apparaît que les dispositions litigieuses, en ce qu’elles exigent la violation à plus
de trois reprises, en trente jours, des obligations prévues aux articles L. 3131-1 et L. 3131-15 à
L. 3131-17 du Code de la santé publique, méconnaissent indiscutablement le droit au recours
9
effectif tel que consacré par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen
ainsi que par la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
La procédure de contestation d’une amende forfaitaire est encadrée par le Code de procédure
pénale.
Il est utile de rappeler qu’aux termes de l’article 521 du Code de procédure pénale :
« Le tribunal de police connaît des contraventions ».
L’article 529-1 du Code de procédure pénale énonce également :
« Le montant de l'amende forfaitaire peut être acquitté soit entre les mains de l'agent
verbalisateur au moment de la constatation de l'infraction, soit auprès du service
indiqué dans l'avis de contravention dans les quarante-cinq jours qui suivent la
constatation de l'infraction ou, si cet avis est ultérieurement envoyé à l'intéressé, dans
les quarante-cinq jours qui suivent cet envoi ».
L’article 529-2 du même Code ajoute :
« Dans le délai prévu par l'article précédent, le contrevenant doit s'acquitter du montant
de l'amende forfaitaire, à moins qu'il ne formule dans le même délai une requête
tendant à son exonération auprès du service indiqué dans l'avis de contravention.
Cette requête est transmise au ministère public.
A défaut de paiement ou d'une requête présentée dans le délai de quarante-cinq jours,
l'amende forfaitaire est majorée de plein droit et recouvrée au profit du Trésor public
en vertu d'un titre rendu exécutoire par le ministère public ».
Il est utile de préciser que l’ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation des
règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n° 2020-290 énonce, en son article 4 :
« Les délais fixés par les dispositions du code de procédure pénale pour l'exercice
d'une voie de recours sont doublés sans pouvoir être inférieurs à dix jours ».
Le délai ouvert au justiciable pendant l’état d’urgence sanitaire pour contester une
contravention s’élève donc à quatre-vingts dix jours.
Enfin, l’article 530-1 du Code de procédure pénale dispose :
« Au vu de la requête faite en application du premier alinéa de l'article 529-2, de la
protestation formulée en application du premier alinéa de l'article 529-5, de celle
prévue par le III de l'article 529-6 ou de la réclamation faite en application du deuxième
alinéa de l'article 530, le ministère public peut, soit renoncer à l'exercice des
poursuites, soit procéder conformément aux articles 524 à 528-2 ou aux articles 531
et suivants, soit aviser l'intéressé de l'irrecevabilité de la réclamation non motivée ou
non accompagnée de l'avis ».
Un justiciable ayant effectué une requête en exonération dans un délai de quarante-cinq jours –
ou quatre-vingts dix jours en période d’état d’urgence sanitaire – et dont la requête serait jugée
10
recevable, peut dès lors voir cette requête élevée par le ministère public devant le tribunal de
police, dont la saisine est encadrée par les articles 531 et suivants du Code de procédure pénale.
Le dispositif prévu par le quatrième alinéa de l’article L. 3136-1 du Code de la santé publique
méconnaît le droit au recours effectif en ce qu’il empêche le justiciable de bénéficier du délai
dont il dispose (i) et prive d’intérêt toute contestation des verbalisations (ii).
(i) S’agissant de l’impossibilité de disposer du délai de recours contre les
contraventions
En premier lieu, les dispositions litigieuses ne permettent pas aux justiciables d’exercer le droit
de recours contre les avis de contravention dont ils sont les destinataires dans la mesure où elles
exigent la verbalisation, à plus de trois reprises, des obligations prévues aux articles L. 3131-1
et L. 3131-15 à L. 3131-17 du Code de la santé publique dans un délai de trente-jours, alors
même que l’article 529-2 du Code de procédure pénale permet de contester un avis de
contravention dans un délai de quarante-cinq jours, délai exceptionnellement porté à quatre-
vingts dix jours par l’ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020.
En effet, il est exigé, pour que le délit soit constitué, qu’un individu ait été verbalisé plus de
trois fois en violation des obligations prévues aux articles L. 3131-1 et L. 3131-15 à L. 3131-
17 du Code de la santé publique en trente jours, et ce alors même qu’une voie de recours
contre une ou plusieurs de ces verbalisations lui est ouverte dans un délai largement
supérieur, et que le succès d’un tel recours permettrait de faire obstacle aux poursuites
pénales.
Les dispositions litigieuses permettent ainsi à un individu d’être condamné au titre du délit
qu’elles ont introduit dans le Code de la santé publique et ce avant même qu’il puisse faire
usage de son droit de recours contre un ou plusieurs des avis de contravention qui fondent
ce délit.
Par conséquent, le justiciable n’est pas en mesure de bénéficier intégralement et pleinement du
délai de contestation dont il dispose en vertu de l’article 529-2 du Code de procédure pénale.
Il sera observé au surplus que le doublement du délai de contestation de la contravention
par l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-303 rend d’ailleurs cette impossibilité d’autant
plus nette et flagrante.
Pour cette raison, le législateur a indiscutablement porté atteinte au droit à un recours effectif.
(ii) S’agissant de l’inutilité du droit de recours contre les contraventions
En second lieu, à supposer même que les individus ayant fait l’objet d’une ou plusieurs
verbalisations pour avoir violé les dispositions prévues aux articles L. 3131-1 et L. 3131-15 à
L. 3131-17 du Code de la santé publique les aient contestées, et que leur contestation soit élevée
devant un tribunal de police par le ministère public, celle-ci sera nécessairement considérée
comme irrecevable, car privée d’objet, les faits dont le tribunal de police serait saisi ayant déjà
été jugés par le Tribunal correctionnel.
11
L’éventuelle saisine du tribunal de police sera en effet systématiquement postérieure au
jugement du Tribunal correctionnel, puisque celui-ci aura la possibilité d’agir selon la
procédure des comparutions immédiates, comme le prévoit l’article 395 alinéa du Code de
procédure pénale :
« En cas de délit flagrant, si le maximum de l'emprisonnement prévu par la loi est au
moins égal à six mois, le procureur de la République, s'il estime que les éléments de
l'espèce justifient une comparution immédiate, peut traduire le prévenu sur-le-champ
devant le tribunal ».
Il est d’ailleurs utile de préciser que le seuil de six mois d’emprisonnement permettant au
Procureur de la République de renvoyer les contrevenants aux articles L. 3131-1 et L. 3131-15
à L. 3131-17 du Code de la santé publique en comparutions immédiates a spécifiquement été
introduit par la Garde des sceaux pour cette raison, ainsi qu’elle l’exposait en séance publique
le 21 mars 2020 :
« Madame Nicole Belloubet. […] Je poursuis : quatre violations de l’obligation de
confinement constatées dans un délai de trente jours constituent enfin un délit, puni de
3 750 euros d’amende et d’une peine d’emprisonnement de six mois au maximum – cette
durée ne pouvant être inférieure à six mois pour que le délit puisse être jugé en
comparution immédiate, c’est-à-dire pendant la durée du confinement »11.
Dès lors, en permettant que soit jugé selon la procédure des comparutions immédiates le délit
qu’elles introduisent, les dispositions attaquées neutralisent les chances de succès d’une voie
de recours contre une contravention prononcée pour violation des articles L. 3131-1 et L. 3131-
15 à L. 3131-17 du Code de la santé publique.
L’architecture du dispositif ne permet pas aux tribunaux de police de rendre leurs jugements
antérieurement à ceux des Tribunaux correctionnels, lesquels seront saisis en urgence sur le
fondement des dispositions contestées.
Il est, par voie de conséquence, impossible d’imaginer qu’il puisse être donné droit à l’exercice
d’une voie de recours tendant à contester, devant un tribunal de police, la contravention dont
une personne a fait l’objet, alors même que cette verbalisation a servi de fondement à un
délit pénal ainsi qu’à la condamnation de son auteur devant le Tribunal correctionnel,
sauf à méconnaître l’autorité de la chose jugée de son jugement.
Le Tribunal correctionnel saisi ne sera pas non plus en mesure de statuer sur la contestation de
la contravention, comme le lui permet l’article 382 du Code de procédure pénale, celle-ci
n’étant pas connexe au délit, au sens de l’article 203 du Code de procédure pénale et de la
jurisprudence de la Cour de cassation.
De ce chef également, les dispositions litigieuses portent atteinte au droit au recours
effectif.
Naturellement, l’exposant n’ignore pas que le maintien d’un délai de recours de quarante-cinq
jours contre les contraventions infligées pour violation des règles prévues aux articles L. 3131-
11 http://www.assemblee-nationale.fr/15/cri/2019-2020/20200186.asp.
12
1 et L. 3131-15 à L. 3131-17 du Code de la santé publique semble difficilement conciliable
avec un état d’urgence sanitaire ayant vocation à être levé au plus vite.
Toutefois, le législateur aurait tout à fait pu prévoir des dispositions dérogatoires permettant
aux justiciables de conserver l’exercice de ce droit dans un délai plus restreint, ou en imposant
de traiter les requêtes en exonération dirigées contre ces verbalisations dans de brefs délais.
Il aurait également été envisageable d’imposer que le tribunal correctionnel ne puisse pas
statuer tant que la contravention peut être contestée, dans un délai qu’il aurait réduit, ou accepter
qu’il puisse proroger sa compétence pour accueillir les contestations de contravention, en
dérogation à l’article 521 du Code de procédure pénale.
Bien au contraire, le législateur a aggravé cette violation au droit à un recours effectif en
portant à quatre-vingt-dix jours le délai dans lequel une amende peut être contestée.
Si exceptionnelle soit cette crise sanitaire, celle-ci ne doit pas conduire le législateur à
méconnaître le respect des droits et libertés reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de
la République, ainsi que l’a rappelé à de multiples reprises le Conseil constitutionnel
lorsqu’étaient soumises à son examen des dispositions de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état
d’urgence (Cons. constit., décisions nos 2015-527 QPC du 22 décembre 2015, cons. 8 ; 2016-
535 QPC du 19 février 2016, cons. 3 ; 2016-536 QPC du 19 février 2016, cons. 5 ; 2016-
567/568 QPC du 23 septembre 2016, cons. 7 ; 2016-600 QPC du 2 décembre 2016, cons. 6 ;
2017-624 QPC du 16 mars 2017, cons. 13).
Un tel raisonnement est tout à fait transposable, mutatis mutandis¸ à la situation actuelle,
dont la gravité ne justifie pas qu’il puisse être dérogé au droit au recours effectif.
Dès lors, les dispositions litigieuses portent atteinte au droit au recours contre les amendes
prononcées pour violation des obligations des articles L. 3131-1 et L. 3131-15 à L. 3131-17 du
Code de la santé publique
De ce seul fait, la censure du quatrième alinéa de l’article L. 3136-1 du Code de la santé
publique s’impose.
Mais il y a plus.
c. S’agissant de l’atteinte aux droits de la défense
En droit, l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen énonce :
« Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation
des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ».
Le Conseil constitutionnel garantit, sur le fondement de ces dispositions, le respect des droits
de la défense, dont la violation interdit qu’une peine puisse être infligée (Cons. Const., 13 août
1993, n° 93-325, § 47).
Le Conseil constitutionnel précise également que le caractère contradictoire de la procédure est
le corollaire des droits de la défense (Cons. const. 29 déc. 1989, no 89-268 DC § 58).
13
Le Conseil constitutionnel tire également de l’article 16 de la Déclaration l’obligation d’assurer
« aux justiciables des garanties des garanties égales, notamment quant au respect du principe
des droits de la défense, qui implique en particulier l’existence d’une procédure juste et
équitable garantissant l’équilibre des droits des parties » (Cons. Const., 23 juillet 2010, n°
2010-15/23 QPC, § 4).
Enfin, par une décision du 25 mars 2014, il a été précisé que (Cons. Const., n° 2014-693 DC, §
25) :
« 25. Considérant que le principe du contradictoire et le respect des droits de la défense
impliquent en particulier qu'une personne mise en cause devant une juridiction répressive
ait été mise en mesure, par elle-même ou par son avocat, de contester les conditions dans
lesquelles ont été recueillis les éléments de preuve qui fondent sa mise en cause ».
En l’espèce, le délit organisé par les dispositions attaquées prive le justiciable de l’exercice des
droits de la défense.
En premier lieu, les dispositions litigieuses méconnaissent les droits de la défense en ce
qu’elles excluent, par définition, l’exercice d’une voie de recours contre les verbalisations qui
en constituent l’élément matériel.
En effet, le terme « verbaliser » ne nécessite pas que la peine d’amende infligée soit définitive,
mais simplement qu’elle ait été adressée au contrevenant.
Dès lors, les dispositions attaquées méconnaissent les droits de la défense dans la mesure où
elles subordonnent la constitution du délit à l’établissement d’une simple verbalisation, dont le
caractère définitif n’est pas exigé.
En tout état de cause, à supposer même qu’une requête en exonération soit introduite par un
individu ayant fait l’objet de plusieurs verbalisations contre l’une d’elles, et que cette voie de
recours prospère, cette circonstance serait sans incidence aucune sur la constitution du délit, qui
nécessite la réunion de simples verbalisations.
En deuxième lieu, l’architecture du dispositif organisé par les dispositions attaquées ne permet
pas de contester devant le Tribunal correctionnel l’élément matériel non plus que l’élément
moral du délit.
Le délit pénal créé par les dispositions litigieuses s’en trouve donc constitué avant même
que le juge pénal soit amené à apprécier la matérialité des faits.
Il en résulte de facto une forme d’automaticité dans la condamnation puisque seule est
nécessaire, pour caractériser le délit, la réunion de plus de trois verbalisations.
L’appréciation du juge pénal sera ainsi nécessairement corsetée par les verbalisations déjà
dressées, puisque le constat de leur existence suffit à déclencher son intervention.
14
Cette circonstance prive donc le justiciable de la possibilité de contester la matérialité des faits
pour lesquels il est poursuivi, celle-ci étant établie par la verbalisation à plus de trois reprises
des obligations évoquées ci-dessus, alors même qu’un recours a pu être exercé contre l’une
d’elles, ainsi qu’il l’a été exposé ci-dessus (v. point 3. b. (ii)).
L’élément matériel n’étant pas contestable, et étant constitué par la réunion de plusieurs
contraventions, l’élément moral de l’infraction ne peut pas davantage être apprécié par le juge
pénal.
En effet, il est utile de rappeler qu’aux termes de l’article 121-3 du Code pénal, « il n’y a point
de contravention en cas de force majeure », ce dont il est déduit que les contraventions ne
nécessitent pas la démonstration d’un élément moral, à la différence du délit, lequel, aux termes
du même article, n’est pas constitué sans intention de le commettre.
S’agissant des dispositions litigieuses, dans la mesure où l’élément matériel est caractérisé par
la réunion de plus de trois verbalisations, lesquelles s’affranchissent de la démonstration d’un
élément moral, le juge pénal n’est pas davantage en mesure d’apprécier l’élément moral
du délit, quand bien même le justiciable tenterait d’établir qu’il n’avait pas l’intention de
violer les articles L. 3131-1 et L. 3131-15 à L. 3131-17 du Code de la santé publique.
Ces dispositions érigent donc en délit des faits purement matériels, qui ne nécessitent pas
la démonstration d’un élément intentionnel, alors que l’article 121-3 du Code pénal
l’exige.
Il résulte de ce qui précède que, d’une part, le délit étant caractérisé dès lors que plus de trois
contraventions ont été dressées, le justiciable n’est pas en mesure de contester la matérialité des
faits qui lui sont reprochés.
D’autre part, l’élément matériel du délit étant constitué par des simples contraventions,
lesquelles ne nécessitent pas la démonstration d’un élément intentionnel, le juge pénal n’est pas
en mesure d’apprécier l’élément intentionnel du délit, quand bien même le justiciable tenterait
d’en contester la réalité.
Dès lors, les dispositions litigieuses méconnaissent les droits de la défense en ce que le
justiciable se trouve dans l’impossibilité de contester aussi bien l’élément matériel que
l’élément moral du délit, le juge n’étant pas en mesure d’apprécier l’intentionnalité, celle-
ci dépendant de simples contraventions pour lesquelles la démonstration de l’élément
moral n’est pas nécessaire.
d. S’agissant de l’atteinte au principe de légalité des délits et des peines
En droit, il résulte de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen que :
« La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être
puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement
appliquée ».
L’article 34 de la Constitution de 1958 prévoit également que :
15
« La loi fixe les règles concernant :
[…]
- la détermination des crimes et des délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ;
la procédure pénale ».
Le Conseil constitutionnel juge, sur le fondement de ces dispositions, dont découle le principe
de légalité des délits et des peines, qu’il appartient au « législateur de définir les infractions
en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l'arbitraire » (Cons. Constit., 20 janvier
1981, 80-127 DC).
Le Conseil constitutionnel veille également à ce que les infractions prévues par le législateur
ne soient pas susceptible d’altérer l’unité de leur définition légale (Cons. Const., n° 82-145 DC).
Il résulte également d’une décision du Conseil Constitutionnel du 5 mai 1998 que le législateur
doit également fixer le champ d’application des « immunités » qu’il instaure (Cons. Constit.,
n° 98-399 DC, § 7).
Le Conseil constitutionnel a par ailleurs rappelé, dans une décision du 27 juillet 2000 que le
principe de légalité des délits et des peines imposait au législateur de déterminer « les
caractéristiques essentielles du comportement fautif des intéressés » (Cons. Const., n° 2000-
433 DC, § 61) et de « fixer lui-même le champ d’application de la loi pénale » (Cons. Const.,
12 janvier 2002, n° 2001-455 DC, § 82) en la définissant en des termes « suffisamment clairs
et précis » (Ibid.).
Il faut également comprendre d’une décision du 19 septembre 2014 que le législateur ne peut
respecter le principe de légalité des délits et des peines « qu'en prévoyant des exceptions dans
les « cas prévus par la loi » à l'incrimination qu'elles définissent » (Cons. Const., n° 2014-
412 QPC, § 12).
De manière plus récente, le Conseil constitutionnel a jugé que le fait d’édicter des délits
réprimant la méconnaissance d’obligations donc le contenu n’est pas défini par la loi mais par
le bureau d’une assemblée parlementaire méconnaît le principe de légalité des délits et des
peines (Cons. Const., 8 décembre 2016, n° 2016-741 DC, § 36).
Enfin, par une décision question prioritaire de constitutionnalité du 24 janvier 2017, le Conseil
constitutionnel a jugé (Cons. Const., Audrey J., n° 2016-608 QPC) :
« 6. S'il est possible au législateur de fixer les règles relatives à la communication avec
les détenus compte tenu des contraintes inhérentes à la détention, il s'en est remis en
l'espèce au pouvoir réglementaire pour déterminer la portée du délit de
communication irrégulière avec une personne détenue. Il en résulte que le législateur,
qui n'a pas fixé lui-même le champ d'application de la loi pénale, a méconnu les
exigences découlant du principe de légalité des délits et des peines ».
Martine Herzog-Evans, Professeur à l’Université de Reims, commentait en ces termes cette
décision (L’article 434-35 du code pénal paralysé par le Conseil constitutionnel, AJ Pénal 2017,
p.130) :
« Le Conseil constitutionnel a en effet déclaré inconstitutionnelle cette disposition qui
renvoyait la détermination des contours exacts d'une qualification pénale de nature
16
délictuelle au pouvoir réglementaire, alors que l'article 34 de la Constitution en
réserve la détermination au législateur. Autrement formulé sous l'angle du droit pénal,
ceci signifiait qu'il y avait là une violation du principe cardinal de légalité, selon
l'heureuse formule de Jean Pradel ».
Agathe Lepage, Professeur à l’Université Paris II Panthéon-Assas, relevait au sujet de cette
décision (Communication avec un détenu, l’interdiction de communiquer avec un détenu à
l’épreuve du principe de légalité des délits et des peines, Communication commerce
électronique n°3, Mars 2017, Comm. 24) :
« Cette décision ne saurait surprendre. Il découle du principe de légalité des délits et
des peines que le législateur ne saurait incriminer en renvoyant le soin à des
dispositions réglementaires de déterminer le contenu de l'infraction ».
En l’espèce, le quatrième alinéa de l’article 3136-1 du Code de la Santé publique crée un délit
pénal dès lors qu’une violation des règles prévues aux articles L. 3131-1 et L. 3131-15 à L.
3131-17 du Code de la santé publique est verbalisée à plus de trois reprises dans un délai de
trente jours, délit réprimé par six mois d’emprisonnement et 3.750 euros d’amende.
En premier lieu, il apparaît qu’en édictant ces dispositions, le législateur a méconnu le principe
de légalité des délits et des peines en ce qu’il n’a pas défini les infractions en des termes
suffisamment clairs et précis.
En effet, l’ensemble des obligations contenues dans les articles L. 3131-1 et L. 3131-15 à L.
3131-17 du Code de la santé publique, dont la méconnaissance est susceptible d’entraîner la
verbalisation d’un individu, puis la caractérisation du délit prévu au quatrième alinéa de l’article
L. 3136-1, ne sont pas définies avec suffisamment de clarté et de précision par le législateur.
Pour s’en convaincre, le Tribunal pourra par exemple constater que le premier alinéa de l’article
L. 3131-15 du Code de la santé publique autorise le Premier ministre, par décret règlementaire,
à « restreindre ou interdire la circulation des personnes et des véhicules dans les lieux et aux
heures fixés par décret », tandis que le deuxième alinéa du même article lui permet « d’interdire
aux personnes de sortir de leur domicile, sous réserve des déplacements strictement
indispensables aux besoins familiaux ou de santé », formulations extrêmement vagues et
imprécises susceptibles de permettre l’arbitraire, ce que prohibe la jurisprudence du Conseil
constitutionnel.
Ces formulations ne peuvent en aucun cas être regardées comme déterminant « les
caractéristiques essentielles du comportement fautif des intéressés » (Cons. Const., n° 2000-
433 DC, § 61).
Le champ d’application du délit pénal créé par les dispositions attaquées s’en trouve dès lors
mécaniquement affecté, celui-ci visant à réprimer la violation d’obligations définies de manière
insuffisamment précises par le législateur, laissant, de facto, un pouvoir considérable au pouvoir
réglementaire dans leur définition.
17
En effet, en deuxième lieu, en édictant les dispositions litigieuses, le législateur n’a pas fixé
lui-même le champ d’application de la loi pénale, et s’en est remis au pouvoir réglementaire
pour déterminer la portée et le contenu du délit qu’il a créé, en méconnaissance principe de
légalité des délits et des peines.
C’est en effet le pouvoir réglementaire qui définit les contours d’une l’infraction pouvant
donner lieu à plusieurs verbalisations, puis à une peine d’emprisonnement selon les dispositions
attaquées.
Depuis la proclamation de l’état d’urgence sanitaire, un premier décret n° 2020-293 a été publié
le 23 mars 2020, complété par un second décret n° 2020-344 le 27 mars 2020.
A ce jour, près de 480.000 verbalisations ont été dressées en violation des règles prévues par
ces décrets12.
L’article 3 du décret n° 2020-293 énonce ainsi :
« I. - Jusqu'au 31 mars 2020, tout déplacement de personne hors de son domicile est
interdit à l'exception des déplacements pour les motifs suivants en évitant tout
regroupement de personnes :
1° Trajets entre le domicile et le ou les lieux d'exercice de l'activité professionnelle et
déplacements professionnels insusceptibles d'être différés ;
2° Déplacements pour effectuer des achats de fournitures nécessaires à l'activité
professionnelle et des achats de première nécessité dans des établissements dont les
activités demeurent autorisées par l'article 8 du présent décret ;
3° Déplacements pour motifs de santé à l'exception des consultations et soins pouvant
être assurés à distance et, sauf pour les patients atteints d'une affection de longue durée,
de ceux qui peuvent être différés ;
4° Déplacements pour motif familial impérieux, pour l'assistance des personnes
vulnérables et pour la garde d'enfants ;
5° Déplacements brefs, dans la limite d'une heure quotidienne et dans un rayon maximal
d'un kilomètre autour du domicile, liés soit à l'activité physique individuelle des
personnes, à l'exclusion de toute pratique sportive collective et de toute proximité avec
d'autres personnes, soit à la promenade avec les seules personnes regroupées dans un
même domicile, soit aux besoins des animaux de compagnie ; »
La mise en œuvre du décret illustre parfaitement l’insuffisante définition du champ
d’application du délit pénal créé par les dispositions attaquées.
De nombreux articles de presse se sont ainsi fait l’écho des différences d’application du décret
n° 2020-293, directement imputables à l’insuffisance du champ d’application de la loi, alors
même que l’inobservation, à plus de trois reprises, des obligations qu’il contient suffit à
caractériser l’existence d’un délit pénal en vertu des dispositions attaquées.
12 https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/coronavirus-pres-de-480000-contraventions-dressees-
sur-8-2millions-de-controles-depuis-le-debut-du-confinement-annonce-christophe-castaner_3902063.html
18
Alors même que le décret ne prévoit pas de telles interdictions, certains individus ont ainsi été
verbalisés pour avoir écrit une date sur l’attestation dérogatoire prévue par le décret au crayon
de papier13, pour être sorti dans un rayon de 500 mètres autour de chez soi14, ou de 200 mètres15.
La définition « d’achats de première nécessité » prévue à l’article 3 du décret n° 2020-293 a
également fait l’objet d’une application divergente, offrant souvent aux agents verbalisateurs
une grande marge d’appréciation.
C’est ainsi qu’une femme a été verbalisée pour avoir acheté des serviettes hygiéniques, tandis
qu’un homme était sanctionné d’une amende de 135 euros pour s’être rendu dans une
boulangerie, deux achats n’ayant été observés comme « de première nécessité », selon les
agents verbalisateurs16.
Le fait de confier aux agents verbalisateurs une telle marge d’appréciation apparaît tout à fait
contraire au principe de légalité des délits et des peines en ce que cela ouvre la voie à l’arbitraire,
en leur permettant de se fonder sur d’autres critères que la norme de droit, supposée
justifier leur pouvoir.
Habituellement, l’application de la norme de droit en matière contraventionnelle doit répondre
à l’application de critères objectifs.
C’est d’ailleurs ce qui justifie le régime probatoire particulier dont bénéficient les
contraventions, celles-ci faisant foi jusqu’à preuve du contraire, aux termes de l’article 537 du
Code de procédure pénale.
Or en l’espèce, compte tenu de la rédaction lacunaire de la règle de droit, et dont les dispositions
attaquées répriment l’inobservation, les agents verbalisateurs peuvent, dans le cadre de leur
office, se livrer à une appréciation tout à fait subjective de la situation.
Tous ces éléments permettent donc au pouvoir règlementaire et, par extension, aux agents
chargés de son application, de modifier librement l’application de la règle de droit, par des voies
autres que celles légalement prévues et encadrées.
13 https://www.lesinrocks.com/2020/04/02/actualite/societe/quand-les-verbalisations-pour-non-respect-du-
confinement-deviennent-abusives/ 14 https://amp.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/le-pouliguen-44510/le-pouliguen-135-parce-qu-elle-allait-nourrir-
ses-chevaux-au-pre-9c5f6c4c-6d15-11ea-8c90-8c4540159bf3?__twitter_impression=true 15 www.leparisien.fr/hauts-de-seine-92/controle-a-velo-a-200-m-de-chez-lui-il-ecope-de-135-eur-d-amende-23-
03-2020-8286018.php 16 https://www.ouest-france.fr/sante/virus/coronavirus/coronavirus-un-site-collecte-les-temoignages-de-
personnes-verbalisees-pour-des-motifs-discutables-6791554.
19
A cet égard, il est frappant de constater que si le Ministère des sports considère que l’usage du
vélo est prohibé, le Ministère de l’Intérieur l’autorise17, mais uniquement comme moyen de
locomotion, et non comme loisir18.
De la même manière, le 26 mars 2020, le Ministère de l’Intérieur a imposé que lors d’une sortie
avec ses enfants, seul un parent soit présent, par publication sur les réseaux sociaux19.
17https://www.nouvelobs.com/societe/20200319.OBS26301/confinement-peut-on-faire-du-velo-le-
gouvernement-dit-non-la-police-dit-oui.html 18 https://twitter.com/Place_Beauvau/status/1243217161503617025. 19 https://twitter.com/Place_Beauvau/status/1243217165576294402
20
Il est utile de préciser que toutes ces règles, dont l’application variable porte
indiscutablement atteinte à l’unité de la définition légale, ne sont en aucun cas prévues
par le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020.
Pourtant, leur inobservation peut servir de fondement à une verbalisation puis, in fine¸ au-delà
de trois verbalisations, à la constitution du délit pénal créé par les dispositions litigieuses et
réprimé par six mois d’emprisonnement.
Le champ d’application des dispositions litigieuses dépend donc essentiellement des
critères posés par le pouvoir règlementaire, auquel le législateur a confié le soin de fixer
le contenu et la portée du délit pénal.
Il résulte de ce qui précède que les dispositions attaquées portent atteinte au principe de
légalité des délits et des peines.
e. S’agissant de l’atteinte au principe de nécessite et de proportionnalité des
peines
En droit, il résulte de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen :
« La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne
peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et
légalement appliquée ».
Le Conseil constitutionnel déduit de ces dispositions l’existence d’un principe de nécessité et
de proportionnalité des peines.
Le Conseil constitutionnel prohibe ainsi, sur le fondement de ce principe, le caractère
automatique des peines (v. Cons. Const., Décision n° 93-325 du 13 août 1993, § 49 ; Cons.
21
Const., Décision n° 2000-433 DC du 27 juillet 2000, § 52 ; Cons. const., 8 sept. 2017, no 2017-
752 DC, § 11).
Il incombe également au Conseil Constitutionnel, sur le fondement de ce principe, de s’assurer
de l’absence de disproportion manifeste entre l’infraction et la peine encourue (v. Cons. Const.,
22 juillet 2016, n° 2014-554 QPC, § 7 ; Cons. Const., 6 septembre 2019, QPC n° 2019-799, §
8).
Enfin, le Conseil constitutionnel impose, en vertu du principe de légalité des délits et des peines,
que « lorsque plusieurs sanctions prononcées pour un même fait sont susceptibles de se
cumuler, le principe de proportionnalité implique, qu’en tout état de cause, le montant global
des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l’une des
sanctions encourues » (Cons. Const., 1er juillet 2016, Décision n° 2016-550 QPC, § 8).
En l’espèce, les dispositions attaquées méconnaissent le principe de nécessité et de
proportionnalité des peines en ce qu’elles introduisent une incrimination disproportionnée (i),
une peine disproportionnée (ii), et en ce qu’elles permettent un cumul de sanctions pour des
faits identiques sans imposer au législateur la prise en compte des peines déjà prononcées (iii).
(i) Sur l’absence de proportionnalité de l’incrimination
En premier lieu, l’incrimination créée méconnaît le principe de légalité des délits et des peines
en ce qu’elle érige en délit des faits purement matériels et en ce qu’elle conduit à caractériser
automatiquement le délit pénal.
En effet, d’une part, les dispositions litigieuses érigent en délit des faits purement matériels
pour lesquels la démonstration d’un élément moral n’est pas nécessaire, alors qu’aux termes de
l’article 121-3 du Code pénal, il n’est point de délit « sans intention de le commettre », sauf
dans certains cas énumérés par le même article.
Cette règle souffre certes d’exceptions, rigoureusement énumérées par le même article, mais
dont le délit introduit par les dispositions attaquées ne fait pas partie.
Dès lors, l’incrimination créée par le quatrième alinéa de l’article L. 3136-1 du Code de
la santé publique permettent d’ériger en délit des faits purement matériels.
D’autre part, et par voie de conséquence, cette incrimination, dont il a été exposé qu’elle était
de nature à priver le justiciable de contester aussi bien l’élément matériel que l’élément
intentionnel du délit, conduit à caractériser automatiquement le délit pénal créé par les
dispositions attaquées, et, partant, à exposer le justiciable de manière toute aussi
automatique à une peine.
A ce premier égard, l’incrimination créée par les dispositions attaquées méconnaît ce principe.
(ii) Sur l’absence de proportionnalité de la peine
22
En deuxième lieu, les dispositions attaquées méconnaissent le principe de nécessité et de
proportionnalité des peines en ce qu’elles créent une peine manifestement disproportionnée eu
égard à l’infraction.
En effet, la possibilité d’infliger une peine d’emprisonnement à un individu poursuivi pour avoir
été verbalisé à plusieurs reprises pour violation des obligations de confinement apparaît
disproportionnée, ce d’autant plus qu’ainsi qu’il l’a été exposé ci-dessus, l’impossibilité de
contester la matérialité de faits établis par des contraventions et, partant, leur intentionnalité
expose le justiciable à être condamné automatiquement par le juge pénal.
Une telle peine apparaît d’autant plus disproportionnée qu’elle crée également une importante
contradiction avec les déclarations de la Garde des Sceaux selon lesquelles la population
carcérale devrait être régulée20,21.
Les dispositions litigieuses font ainsi naître le risque que des personnes potentiellement
infectées au virus dont elles cherchent à éviter la propagation le transmettent dans un espace
clos, la prison, où le respect des règles sanitaires les plus élémentaires, telles que le confinement,
est impossible.
Cette contradiction était d’ailleurs expressément soulignée par des parlementaires eux-
mêmes (v. point 3. a.).
En tout état de cause, il importe de rappeler que le délit créé aurait tout à fait pu être sanctionnée
d’une amende forfaitaire délictuelle, telle que celle prévue à l’article 495-17 du Code de
procédure pénale.
Dans ces conditions, la peine d’emprisonnement encourue, pour une simple répétition de
comportements contraventionnels, apparaît tout à fait disproportionnée.
(iii) Sur le cumul des sanctions pour des faits identiques sans imposer au
législateur la prise en compte de peines déjà prononcées
En dernier lieu, les dispositions litigieuses méconnaissent le principe de nécessité et de
proportionnalité des peines en ce qu’elles permettent à un justiciable d’être puni, pour les
mêmes faits, à la fois par des amendes contraventionnelles et délictuelles,
En effet, les dispositions attaquées sanctionnent un individu à la fois de plusieurs peines
d’amendes contraventionnelles, puis d’une peine d’amende délictuelle réprimant des
infractions déjà sanctionnées.
Dès lors, les dispositions litigieuses permettent, pour les mêmes faits, considérés comme un
ensemble, de cumuler aux amendes contraventionnelles déjà cumulées entre elles une autre
amende délictuelle, sans imposer la prise en compte des peines déjà prononcées, au mépris
de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
20 https://www.lefigaro.fr/actualite-france/coronavirus-belloubet-vise-la-liberation-de-5-000-detenus-20200323 21 https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/03/20/face-au-coronavirus-la-france-reduit-le-nombre-de-
personnes-en-prison_6033755_3224.html
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Dès lors, les dispositions litigieuses méconnaissent le principe de nécessité et de
proportionnalité des peines.
De ce chef également, cette question prioritaire de constitutionnalité est vouée à être transmise
à la Cour de cassation.
24
PAR CES MOTIFS
Vu, les articles 8 et 16 de la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen,
Vu, les articles 34, 61-1 de la Constitution,
Vu, l’article 23-2 de la loi organique n° 2009-1523,
Vu, le Code de procédure pénale
L’exposant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal correctionnel de Paris :
- STATUER sans délai sur la présente question prioritaire de Constitutionnalité,
conformément à l’article 23-2 de la loi organique n° 2009-1523 et l’article R. 49-26 du
Code de procédure pénale ;
- CONSTATER l’existence du moyen contestant la conformité d’une disposition
législative aux droits et libertés garantis par la Constitution ;
- CONSTATER que la question soulevée est applicable au litige, et qu’elle constitue le
fondement des poursuites dont est saisi le Tribunal correctionnel de Paris ;
- CONSTATER que la question soulevée porte sur une disposition qui n’a pas déjà été
déclarée conforme à la Constitution ;
- CONSTATER que la question soulevée n’est pas dépourvue de caractère sérieux ;
EN CONSEQUENCE,
- TRANSMETTRE sans délai à la Cour de Cassation la question suivante :
« En édictant les dispositions du quatrième alinéa de l’article L. 3136-1 du Code de la
santé publique tel que modifié par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour
faire face à l’épidémie de covid-19, le législateur a-t-il, en premier lieu, porté atteinte
au droit à un recours effectif, en deuxième lieu, porté atteinte aux droits de la défense,
en troisième lieu, méconnu le principe de légalité des délits et des peines, et en
quatrième lieu, méconnu le principe de nécessité et de proportionnalité des peines ? ».
Avec toutes conséquences de droit.
Gaspard LINDON
Magali WOCH
Maïa KANTOR
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Camille FONDA
Dylan SLAMA
Bruno GENDRIN
Antoine ORY
Chloé REDON
Mourad BATTIKH
Romain RUIZ
Charles CONSIGNY
Dimitri GREMONT