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La construction des verbes en français

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La construction des verbes enfrançaisKnud TogebyPublished online: 21 Jul 2008.

To cite this article: Knud Togeby (1962) La construction des verbes en français, StudiaNeophilologica, 34:1, 34-56, DOI: 10.1080/00393276208587255

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I. Définition

Dans son nouvel ouvrage sur Le problème de la transitivité en françaismoderne. Essai syntacto-sémantique (Historisk-filosofiske Meddelelserudgivne af Det Kongelige Danske Videnskabernes Selskab 38, i, Copen-hague i960, 366 pp.), après avoir présenté les critères par lesquels ilveut définir la transitivité, M. Andreas Blinkenberg déclare p. 71: « Aceux que le flou d'une telle méthode déçoit, et tout particulièrement auxlinguistes structuralistes se servant de dichotomies, tranchantes pardéfinition, nous aimerions, pour terminer ces réflexions liminaires sur latransitivité en français, proposer modestement, comme il sied à quel-qu'un qui n'est pas avant tout un théoricien, cette brève esquisse d'uneprofession de fois « dynamiste » : Le théoricien du langage doit néces-sairement, comme tout théoricien, opérer à l'aide d'un jeu de conceptsreprésentant plusieurs étages d'abstraction et formant entre eux unsystème cohérent. Le structuralisme représente ainsi dans son idéefondamentale un des deux pôles dialectiques également nécessaires dela science du langage. »

Pour M. Blinkenberg, la méthode structuraliste est incomplète, elle estlogique, mais trop abstraite : « La question est de savoir si la méthode esten même temps féconde, en d'autres mots si les définitions pures dont ellese sert et les catégories tranchées auxquelles elle aboutit nous aident à biencomprendre dans sa complexité totale le domaine linguistique étudié » (p.71). « Notre science est empirique ou n'est pas » (p. 73). « Dans sa matièreet dans sa méthode, la linguistique, pour être complète, doit envisager etpouvoir rendre compte de tout ce qui compose une réalité linguistiquedonnée » (p. 74).

Et dans sa Conclusion, M. Blinkenberg dit : « Nous n'avons pas essayéd'arriver à des résultats numériques en ce qui concerne la répartition desfonctions, notre but principal étant de bien mettre en lumière le caractèreflottant, non définitif, d'une telle répartition » (p. 312).

Devant un tel défi jeté au structuralisme, on pourrait répondre quec'est plutôt le dynamisme qui est incomplet et unilatéral. Comme le dit

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M. Blinkenberg lui-même, le linguiste se trouve devant une double tâche.Il doit rendre compte à la fois de l'infiniment grand et de l'infinimentpetit, du système dans ses grandes lignes et du petit détail vivant. Ledynamiste ne veut reconnaître que la complexité de la réalité vivante,tandis que le structuraliste veut — ou le bon structuraliste devrait, aumoins, — décrire à la fois le système et la réalité concrète.

Ou plutôt : c'est seulement en appliquant une méthode stricte qu'onpourra pleinement rendre compte de la nature complexe des petitsdétails. Rien d'étonnant à ce que M. Blinkenberg, en ayant recours àune méthode qu'il appelle lui-même floue, soit amené à constater « lecaractère flottant, non définitif » du phénomène qu'il étudie. Mais c'estseulement en se servant de critères précis qu'on saura jusqu'où ilsdonnent des résultats précis et dans quelle mesure la réalité vivante estvraiment floue.

Ce n'est là qu'une profession de foi structuraliste qui ne vaut pasgrand-chose comme réponse. Mieux vaudrait, et c'est ce que nous allonstenter par la suite, appliquer la méthode structuraliste au même pro-blème que M. Blinkenberg pour voir s'il ne serait pas possible d'en donnerune description aussi complète et qui reflète tout autant la réalité vivantedans toute sa diversité.

Je tiens à souligner que la description que je présente ci-dessousrepose pour la plus grande part sur les riches matériaux qu'a réunis M.Blinkenberg dans son livre magistral qui est une mine d'or pour tous ceuxqui voudraient avoir des renseignements sur la construction transitive etintransitive des verbes en français.

La notion même de transitivité, M. Blinkenberg la définit de la façonsuivante : « le contenu d'un membre de phrase donné ne se suffit pas àlui-même, mais se reporte sur un autre membre » (p. 12). Il s'agit doncde n'importe quel rapport entre un verbe ou une locution verbale et unmembre de phrase nominal qui s'y ajoute directement (objet direct) oupar l'intermédiaire d'une préposition (objet indirect). Par opposition àces verbes transitifs, M. Blinkenberg est amené, très naturellement, àparler des verbes intransitifs, et il reste donc un seul, et très petit, groupede verbes dont M. Blinkenberg ne fait pas état, à savoir ceux qui seconstruisent avec un attribut. Etre et sembler sont mentionnés, mais nondevenir et paraître. En suivant une définition aussi large de la transitivitéque celle de M. Blinkenberg, il me semble parfaitement possible deconstater la présence d'une force transitive également dans la construe-

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tion de ces verbes (l'accusatif sert par exemple à la fois d'objet et d'attri-but : il l'est), et en n'excluant aucun verbe on pourra donc laisser coïn-cider le problème de la transitivité avec celui de la construction desverbes en général. Dans mon propre exposé je m'en tiendrai au senstraditionnel de transitif: verbe ayant un objet direct.

Pour distinguer les verbes transitifs des verbes intransitifs, et enparticulier la construction prépositive (il pense à Paris) de la constructionà complément adverbial (»7 est à Paris), M. Blinkenberg discute lescinq critères suivants :

i° La transposition au passif de la phrase donnée : critère précis, maisqui a pour M. Blinkenberg des désavantages, qui représentent, selon moi,autant d'avantages : a. Ce critère exclut les verbes qui se construisentavec un objet indirect (manquer à), construction transitive pour M. Blin-kenberg, mais qu'il faut quand même, à un niveau donné de l'analyse,distinguer de la construction immédiatement transitive, b. Il ne s'appli-que pas au verbe fuir :fuir le mal, mais non * le mal est fui par les hommesbien-pensants. Je me demande si cela est exact : ses semblables perdus et fuis(Beckett, Comment c'est, p. 153). Mais si cela est vrai, il y aurait là unmoyen très précieux pour caractériser le comportement syntaxique de ceverbe, c. Il ne s'applique pas non plus aux verbes modaux construitsavec l'infinitif. Mais ne pourrait-on pas en conclure que l'infinitif n'enest pas l'objet et qu'on a affaire à une sorte de périphrase verbale quisera peut-être la définition même des verbes modaux? d. En revanche, lecritère a pour M. Blinkenberg, et pour moi aussi, l'avantage de prouver,contrairement à la tradition, que le verbe courir peut se construire avec unobjet : les dix premiers kilomètres avaient été courus en moins de 50 minutes.

2° L'épreuve par l'infinitif « passif » introduit par à : gagner tout — ily a tout à gagner, qui s'applique à fuir : il y a toujours le mal à fuir, età courir : quelques kilomètres à courir, mais non aux verbes modaux ni auxcompléments de mesure : on ne peut pas dire deux kilos à peser.

30 Parallélisme entre locutions verbales et verbes simples, procédé queM. Blinkenberg qualifie d'artificiel et de peu rigoureux : faire des com-pliments à q. = complimenter q.

40 Le meilleur critère est, selon M. Blinkenberg, celui de l'ordre desmots où la cohésion forte d'une construction transitive s'oppose à lacohésion lâche des compléments circonstanciels, qui s'ajoutent après unepause (qui d'ailleurs peut aller vers zéro) où peuvent être placés d'autresmembres de phrase. L'avantage de ce critère consiste justement en ce

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qu'il « souligne ainsi l'impossibilité de principe de trouver en fin decompte une délimitation d'une application nette et sûre et portant surtous les cas. »

50 L'épreuve par la transposition thématique réunit les critères i° et40 : « Sera reconnu objet du verbe le complément pouvant servir de thème,tout en restant représenté près du verbe par un pronom personnel àl'accusatif ou au datif, ou un adverbe pronominal sans valeur localeprécise. » / / a dormi toute sa vie peut donc représenter deux constructions,intransitive : toute sa vie, il a dormi, ou transitive : toute sa vie, il l'adormie. Selon M. Blinkenberg, ce critère a l'avantage de s'appliquer égale-ment à l'objet indirect dont il prouverait le caractère indécis : on neparlera plus de cela — de cela on ne parlera plus — cela, on n'en parlera

plus. Je dois avouer que, pour moi, cette épreuve donne des résultatsparfaitement précis : en mettant la préposition devant le thème, on n'aurapas de pronom, et en l'omettant, on aura le pronom. Et la distinctiond'avec le complément circonstanciel n'est pas marquée : le champ, il ytravaille.

Tandis que M. Blinkenberg préfère les critères flous, et en petit nombre,on doit, en suivant une méthode structurale, appliquer avant tout lescritères précis et en chercher autant que possible pour pouvoir mieuxdécrire le comportement des verbes dans toutes ses nuances :

i° Distinction des verbes simples d'avec tous les verbes complexes :verbes composés, verbes dérivés avec préfixes ou suffixes, verbs prono-minaux, et locutions verbales consistant en verbe + substantif, avec ousans article. M. Blinkenberg distingue verbes simples (y compris verbesdérivés) et groupes verbaux (couvrant à la fois verbes pronominaux etlocutions verbales), mais seulement à propos de chaque construction, nonen tant que tels. Or la construction intérieure du verbe ou du groupeverbal a souvent une influence décisive sur la construction dans la phrase.

2° Le critère fondamental me semble être celui de l'auxiliaire. Unverbe conjugué avec être est par définition ¡ntransitif, tandis qu'un verbeconjugué avec avoir peut l'être ou non. M. Blinkenberg ne fait pas cettedistinction, il met sur le même pied venir et exister.

3° A côté des verbes transitifs et des verbes intransitifs, il faut donnerune place à part aux verbes qui se construisent avec un attribut. Onpourra ainsi différencier exister et être.

40 La transposition au passif.50 La construction casuelle, qu'on constate en remplaçant l'objet direct

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ou indirect par un pronom : accusatif le, la, les, datif lui, leur, ablatif^,génitif en.

6° La différence entre les deux espèces d'objets indirects introduitspar à devant un substantif qu'on pourrait appeler datif (cp. lui) et ablatif(cp. y) se révèle aussi d'après une autre règle de transformation : parler à q.et penser à q., mais il lui parle et il pense à lui.

70 La construction avec les prépositions autres que à et de.8° La construction de certains verbes avec une proposition complétive.90 La construction avec un infinitif pur, à l'indice de ou à ou précédé

d'une préposition. Ces deux dernières constructions ont donné matière àdeux chapitres extrêmement instructifs dans l'ouvrage de M. Blinkenberg.

L'idéal, qui ne sera atteint, dans ce qui suit, que dans une très faiblemesure, serait de donner à chaque verbe sa définition particulière d'aprèsson comportement syntaxique. Pratiquement on finira par classer en-semble certains verbes, mais théoriquement on procède comme si chaqueverbe avait son signalement individuel.

D'après le plan que suit M. Blinkenberg, on revient constamment auxmêmes verbes dans les différents chapitres, en les regardant à partir denouveaux points de vue, de façon qu'il faut chercher en plusieurs endroitsles renseignements sur chaque verbe. Les principaux chapitres sont :Verbes monovalents et bivalents, Spectre sémantique des groupes transi-tifs et la répartition des objets directs et indirects, Éventail des catégoriesgrammaticales qui constituent l'objet (substantif, pronom, infinitif,nexus, proposition), Objet d'intérêt.

Par contre, la méthode structurale implique qu'un verbe n'est traitéqu'en un seul endroit et une fois pour toutes. On peut dire que la méthodede M. Blinkenberg met en relief la diversité d'emploi d'un verbe, laméthode structurale son unité. Mais en soulignant ainsi l'unité de chaqueverbe, il ne me semble pas trahir la réalité vivante de la langue. Aucontraire, puisque, souvent, l'unité d'un verbe consiste en la diversité deses emplois. Je ne crois pas que l'une des deux méthodes rende l'autresuperflue. Les deux sont nécessaires et utiles, elles sont complémentaires.

I I . Verbes conjugués avec être

Les verbes pronominaux mis de côté, on peut affirmer que tous lesverbes conjugués avec être sont intransitifs au sens de n'avoir pas d'objetdirect. On bien ils se construisent avec un attribut ou bien ils sontintransitifs absolus. Un seul verbe a obligatoirement un attribut : devenir,

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tandis que rester se construit tantôt avec un attribut : rester amis, tantôtintransitivement : rester à Paris.

La conjugaison de rester avec avoir, dont Littré donne quatre exemplesdu XVIIIe siècle, et qu'enregistre également le dictionnaire de Vising :il a resté deux jours à Lyon, est archaïque, d'après Grevisse, §§ 656 et657, qui n'en a trouvé que trois exemples, dont deux construits imper-sonnellement : Je n'y ai resté que peu de jours (Hermant) il ne m'a resté qu'àm'immoler (Chateaubriand) Dès lors, il ne m'eût plus resté qu'à abandonnerArles et la vie active (Barrés).

L'analyse que donne M. Blinkenberg du verbe rester est contradictoire,exprès probablement : il l'appelle tantôt transitif {il reste dix mois, cp.dix mois à rester, p. 66), tantôt intransitif monovalent (p. 100), cp. p.209 : « D'autres verbes pour lesquels une complémentation de durée estcourante, tels durer et rester, se maintiennent invariablement en dehorsde la transitivité. » Enfin, il enregistre, p. 248, rester parmi les verbes quise construisent avec un objet d'intérêt ou datif : peu de chose lui en reste.

En ce qui concerne cette dernière construction avec un objet d'intérêtou datif, il faut constater une fois pour toutes qu'elle ne peut pas servir àcaractériser les verbes, puisqu'elle est possible avec n'importe quelverbe, même avec devenir et être : cela lui devient difficile — cela lui estagréable. Le datif ne peut servir de critère que pour les verbes qui ne seconstruisent qu'avec ce cas : nuire, etc.

Le groupe des intransitif absolus est constitué par trois paires de mots :aller-venir, arriver-partir, naître-mourir, qui ne sont compatibles ni avec unattribut direct, ni avec un objet direct, mais bien avec un attribut indirect:partir seul — mourir jeune, et avec un objet indirect : cela lui va — uneideé lui vient — cela arrive à tant de monde — il lui est né un fils — ilm'est mort entre les bras.

Pour M. Blinkenberg p. 199, aller est un verbe à objet tantôt direct,tantôt indirect : aller (à). Quant à la première construction il pense à« des compléments sans prépositions qui flottent de façon peu préciseentre la fonction d'un complément de mode et celle d'un objet : allerbon train — aller le grand trot — aller son chemin (p. 202), mais « qui pourle sens ne se séparent pas de leurs équivalents prépositionnels » (p. 213) :aller d'un bon pas — aller au trot. Comme autres raisons d'y voir descompléments adverbiaux on pourrait alléguer l'équivalence avec desadverbes proprement dits : aller vite, aller ailleurs, et l'emploi avec l'auxili-aire être.

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Le groupe des verbes intransitifs peut être subdivisé d'après lesprépositions dont ils sont suivis : partir pour ou en, venir de, aller etarriver à, tandis que naître (omis par M. Blinkenberg) et mourir s'em-ploient d'une façon absolue, sans préposition. Dans mourir de faim,mourir de rage, la construction est à cheval entre l'objet indirect et lecomplément circonstanciel (p. 211). Pour donner à chaque verbe sonsignalement particulier, on peut définir aller et venir(de) par les périphra-ses verbales qu'ils forment avec l'infinitif.

I I I . Verbes conjugués tantôt avec être tantôt avec avoir

Les verbes conjugués tantôt avec être, tantôt avec avoir ont presquetoujours une double fonction, dans le premier cas construits avec unattribut ou intransitivement, dans le second le plus souvent transitive-ment.

1. Verbes à attribut

i° Demeurer, conjugué avec être, se construit, comme rester, avec unattribut : il est demeuré muet, ou d'une façon absolue : mon cheval estdemeuré en chemin (Grevisse § 658). Conjugué avec avoir, il a le sens dehabiter, mais s'en distingue par le fait d'être toujours intransitif : il ademeuré à Paris (seule construction mentionnée p. 196).

2° Tomber est un proche parent de entrer, descendre etc., mais s'endistingue par sa faculté de prendre un attribut : il est tombé amoureux.Emploi intransitif avec être : ils sont tombés, tandis qu'avec avoir on peutavoir l'emploi intransitif : la neige a tombé toute la nuit, ou transitif, dansle langage sportif et populaire : tomber un adversaire.

30 Passer est un verbe particulièrement riche en possibilités de con-struction, ce que M. Blinkenberg a souligné en y consacrant un petitchapitre à part : « Exemple d'un verbe à spectre fonctionnel largementétalé » (p. 133-36), en négligeant toutefois les emplois avec l'auxiliaireêtre, bien que l'un des traits qui caractérisent le mieux ce verbe soit juste-ment son oscillement entre les deux auxiliaires dans l'emploi intransitif.Conjugué avec être, il peut avoir un attribut : passer capitaine, ou êtreintransitif sans plus : Où le père n'est pas passé, l'enfant imaginaire passera(Mauriac, Grevisse § 658). Après avoir il est diathétiquement neutre,pouvant être transitif : passer le sel, et intransitif : Où le père a passépassera bien l'enfant (Musset, ib.), les deux exemples parallèles étantsymptomatiques de la tendance du français moderne à préférer l'auxi-

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liaire être. Enfin, passer se construit avec une série de prépositions :passer à l'action, passer sur une faute, passer par la fenêtre. M. Blinken-berg ne parle pas de passer pour, qui introduit une sorte d'attribut : passerpour chef de la bande.

40 Contrairement aux verbes précédents, paraître (cp. apparaître,disparaître) est toujours conjugué avec avoir devant un attribut : il a parugai, tandis que, comme verbe de mouvement, il peut avoir être à côtéd'avoir : C'est encore le thème d'un romancier dont le premier livre estparu l'an dernier (M. Druon, Grevisse § 568) Un petit monsieur fringantest apparu (Simone de Beauvoir, La Force de l'âge 304). L'emploi avecêtre est pourtant si rare que nous ferons également figurer paraître auchapitre des verbes conjugués avec avoir.

2. Verbes de mouvement

i° Cinq verbes sont rendus intransitifs par être, transitifs par avoir, àsavoir : entrer (rentrer)-sortir, monter-descendre, retourner, mécanismefondamental méconnu totalement, mais consciemment par M. Blinken-berg, qui, p. 103, met ces verbes sur le même pied que approcher, avancer,reculer, glisser, réussir, et p. 40-41, déclare qu'il n'y a aucune raison deparler d'un emploi factitif particulier à ces verbes puisqu'on pourrait endire de même de tourner une clef, chauffer une chambre, plier une branche.

Le grand mérite de M. Blinkenberg, auquel nous reviendrons, estd'avoir montré la grande importance qu'a en français le groupe desverbes diathétiquement neutres, mais la construction avec les verbesauxiliaires les divise justement en deux sous-groupes. Un verbe commeplier a un emploi transitif : il plie la branche, transposable au passif :la branche est pliée, et un emploi intransitif : la branche plie, sans passif,mais dont le passé composé est la branche a pliée. Un verbe commemonter a également un emploi transitif : il monte le sac, dont le passifest le sac est monté, et un emploi intransitif : le sac monte, mais dans cedernier cas, le passé composé coïncide avec le passif : le sac est monté.

Avec un objet, ces cinq verbes se conjuguent toujours avec avoir. Sansobjet, entrer, sortir et retourner se conjuguent avec être, tandis quedescendre et monter, à côté de la construction courante avec être, serencontrent parfois aussi avec avoir : Nous avons assez monté, descendonsmaintenant (Montesquieu, Grevisse § 658).

Les verbes de ce groupe se font suivre d'une construction intermédiaire

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entre l'objet indirect et le complément circonstanciel, introduite pardes prépositions qui peuvent servir à caractériser les verbes : sortir de,retourner à, entrer à, en, dans, descendre de, à, dans, monter à, sur, dans.

2° Avec échapper, avoir est l'auxiliaire courant et toujours possible,tandis que être est rare. Il peut se construire avec un datif et un génitifen même temps : Cela m'avait, m'était échappé de la mémoire. L'auxiliaireêtre n'est possible que lorsque le datif est la personne agissante : cesparoles seraient échappées à Bonaparte (Chateaubriand, Grevisse § 658),tandis qu'un datif réceptif implique avoir : pas un mot ni un geste ne luiavait échappé (Martin du Gard, ib.).

3° D'autres verbes de mouvement, tels que courir, marcher, sauter,bondir, voler, peuvent sporadiquement se conjuguer avec être, ce dontDamourette & Pichón § 1613 donne une série d'exemples, de façonqu'on pourra ainsi avoir en français une distinction analogue à celle enlatin et en allemand entre in + ablatif (datif) : il a couru dans le jardin,et in+accusatif : il est couru dans le jardin.

Cette construction est pourtant si exceptionnelle, n'apparaisant le plussouvent que dans le langage peu soigné, que nous ferons égalementétat de ces verbes de mouvement au chapitre soivant.

IV. Verbes conjugués avec avoir

i. Verbes à attribut

Etre, sembler et paraître se construisent ou bien avec un attribut oubien de façon absolue : Notre science est empirique ou n'est pas, dit M.Blinkenberg dans son propre texte (p. 73). Sembler et paraître s'emploientsans attribut dans les constructions impersonnelles : il semble que, ilparaît que. On peut toujours y ajouter un datif : cela lui est difficile, celame semble curieux.

Etre se combine avec un certain nombre de prépositions, dont M.Blinkenberg mentionne en être pour son argent (p. 91) et être après's'occuper de' (p. 94), mais non être à 'appartenir à'. Mais on pourraitavant tout définir être par son rôle d'auxiliaire dans les temps composésavec le participe passé.

Sembler et paraître sont aussi une sorte d'auxiliaires, ayant en communde former avec l'infinitif une espèce de périphrase verbale : il sembledormir, il paraît dormir, mais se distinguant par le fait que il semble quedemande le subjonctif, il paraît que l'indicatif.

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2. Verbes intransitifs

Les verbes foncièrement intransitifs ne peuvent pas être transposés aupassif. Ils appartiennnt, d'après M. Blinkenberg, p. 100, aux deuxgroupes des verbes existentiels : exister, subsister, abonder, et de mouve-ment : errer, flâner, rôder, sombrer, crouler, auxquels il faut ajouter lesverbes impersonnels météorologiques : pleuvoir, neiger.

Durer se construit avec un complément de temps qui, d'après M.Blinkenberg, p. 209, ne relève pas de la transitivité : durer trois jours.

De même, coûter et valoir ne peuvent pas être transposés au passif. Ilssont construits avec un complément de prix correspondant à un adverbe :coûter, valoir mille francs, cp. beaucoup. Mais le cas de valoir est pluscompliqué que celui de coûter, puisqu'on peut avoir d'autres complémentsaussi : il ne vaut pas son frère, et un infinitif précédé de de : Je végéteraicent ans, à ce que dit le docteur. Cela vaut bien de vivre trente (Miomandre,Sandfeld, Infinitif § 63).

3. Verbes intransitifs-transitifs

Par verbes intransitifs-transitifs je propose de comprendre des verbesqui ont une variante transitive avec un objet, transposable au passif, etune variante intransitive, intransposable au passif, ce qui prouve qu'ilne s'agit pas d'une omission fortuite de l'objet, Ils se distribuent en troisgroupes : i° ceux qui peuvent se construire avec un attribut : faire,tourner, 2° verbes à predominance intransitive, leur objet étant inhérentet ne pouvant pas être leur sujet : verbes de mouvement et d'état, 30

Verbes à diathèse neutre, se construisant avec le même mot pour objetet pour sujet : plier une branche — la branche plie.

1° Faire et tourner forment un groupe à part, parce que ce sont lesdeux seuls verbes transitifs qui peuvent aussi avoir un attribut. Faireprésente toute une gamme de constructions et de sens différents. Le touravec un attribut est relativement moderne : quand elle rit, elle fait bienallemande (Céline, Nord, 288) en comparaison, le Panthéon, les Invalides,font amusants (ib., 66). Entre cette construction et celle avec un objetdirect, on trouve toute une série de cas intermédiaires, mentionnés parM. Blinkenberg p. 24 : Luc et Ferdine avaient cru que ces deux frèresPriola rien faisaient qu'un (Cassou), etc. Multiples rapports avec unobjet direct : Elle fait Varticle, etc. (p. 143), dont les plus curieux sont lesemplois comme verbum vicarium : tu ne tiens pas la plume comme je le

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fais, et comme substitut de dire : Non, fit-il. Objet + attribut : on l'avaitfait instituteur (p. 232). Objet+infinitif : faire monter les prix (p. 125, 234).Objet direct + objet indirect -.faire qc. de qc. Avec un infinitif comme objet :cela fait rêver (p. 218), faire voir 'montrer' (p. 236). Avec une pro-position comme objet : cela fit qu'il se retira.

Tourner n'est pas seulement diathétiquement neutre, ayant un emploitransitif : tourner la page, dont l'objet peut devenir le sujet de la construc-tion intransitive qu'on ne peut pas transposer au passif : la tête lui tourne,mais peut aussi se combiner avec un attribut : vous êtes perdu, vous tournezfou (Céline, Nord 180).

20 L'objet occasionnel de verbes à predominance intransitive estintimement lié à la nature même du verbe et ne peut par conséquent pasêtre le sujet de ce même verbe.

a. Il s'agit en premier lieu de la figure étymologique où l'objet est enprincipe étymologiquement apparenté au verbe : vivre sa vie, mais enélargissant le concept on l'applique aussi à des indications de mesurequ'implique directement le verbe en question.

Verbes de mouvement : marcher : les dix premiers kilomètres, il les amarchés allègrement (p. 69) et surtour courir dont l'objet peut s'approcherfortement d'un objet ordinaire : courir dix kilomètres — courir les rues —courir une carrière — courir un risque (p. 202) Comment courrais-je lescouturiers? (Genêt, Bonnes, 1954, p. 59).

Verbes d'état : dormir : dormir un bon somme, deux heures à dormir(p. 66), toute sa vie, il Va dormie (p. 69), une nuit mal dormie (p. 208), etsurtour vivre : vivre sa vie — les grands événements que nous vivons (LeMonde, Bl. p. 107) nous vivons des temps bien calamiteux (Cassou, ib.).

b. Les verbes qu'on emploie au lieu de dire et qu'on pourra analyser endire + en -ant : haleter, soupirer, sourire, exulter : Vous voyez, sourit l'em-ployé (Camus, Bl. p. 106) etc.

c. L'objet indique la cause de l'action (p. 212) suer l'ennui, la peur —puer la misère, l'usure — trembler la peur, la fièvre — grelotter la fièvre.

30 Les verbes diathétiquement neutres peuvent avoir le même sub-stantif pour objet et pour sujet. Le chapitre le plus intéressant de M.Blinkenberg est consacré à ce groupe de verbes qu'il a prouvé êtrebeaucoup plus important qu'on ne l'aurait soupçonné :

a. Deux verbes de mouvement n'ont que rarement un objet : galoper ettrotter : le cheval galope, galoper un cheval (p. 105).

b. Dans la plupart des cas il y a équilibre entre l'emploi intransitif et

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l'emploi transitif. On pourra consulter l'énorme liste que donne M. Blin-kenberg p. 118-129, dont voici quelques spécimens : les risques aug-mentent — cela augmente les risques, l'heure avance — on a avancé l'heure,le doigt bouge — bouger le doigt, etc., etc., par exemple brûler, cesser,changer, continuer, finir, geler, reculer, réussir, rompre, sentir, voler.

On pourrait distinguer à l'intérieur de ce grand groupe ceux qui seconstruisent avec de+infinitif : cesser, finir, arrêter, à ou de+infinitif :commencer, continuer, à + infinitif : réussir.

Il faut mettre à part les verbes dont l'emploi intransitif comporte unepréposition : appuyer un mur — le mur appuie sur un arc-boutant, ilbaignait son sabre dans le sang — le sabre baignait dans le sang, porterl'effort sur qc. — l'effort porte sur qc, poser la poutre sur le roc — la poutrepose sur le roc.

4. Verbes directement transitifs

Par opposition aux verbes diathétiquement neutres ayant une varianteintransitive dont le sujet est l'objet de la construction transitive et quin'est par conséquent pas suceptible d'être transposée au passif, les verbesdirectement transitifs peuvent se définir en général par leur combinaisonavec un objet direct, parfois sous-entendu, qui ne peut pas en devenir lesujet, si ce n'est dans une construction passive, qui est presque toujourspossible.

Parmi les verbes directement transitifs, le verbe transitif par excellence,avoir, verbe auxiliaire de toutes les constructions actives, tient une placetout à fait spéciale par le fait curieux de ne pas permettre la transposi-tion au passif, tout en exigeant obligatoirement un objet direct : Qu'as-tu?— // n'y a rien, à la seule exception des cas où avoir est l'auxiliaire d'unverbe intransitif : il a marché.

D'après M. Blinkenberg, p. 101 ss, on peut d'abord distinguer ungroupe de verbes foncièrement transitifs, ayant toujours un objet :fabriquer, lancer, agiter, secouer, etc., auxquels if faut ajouter asseoir : onl'assiéra sur une banquette de train (Schwarz, Le Dernier des Justes, p.85). Il y en a qui se construisent avec une proposition complétive :apercevoir, exprimer, remarquer, estimer, mander, etc., parmi lesquels ilfaut placer mettre : mettons qu'il ait raison, d'autres aussi avec de + in-finitif : éviter, empêcher.

Le groupe le plus important est celui des verbes présentant un équilibreplus ou moins parfait entre la fonction transitive et la fonction intransitive

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(p. 115), entre la construction avec objet et sans objet. M. Blinkenbergconsacre à l'analyse sémantique de ces verbes 80 pages de son exposé (p.137-215). Fonctionnellement on pourrait les subdiviser d'après la naturede leur objet :

Objet nominal exclusivement : acquérir, boire, céder, connaître, couper,créer, construire, fuir, gêner, habiter, percer, perdre, posséder, prendre,produire, placer, quitter, réfléchir, respirer, sauter, tuer.

Objet nominal ou proposition complétive : à l'indicatif : conclure, conter,crier, découvrir, observer.

Objet nominal ou infinitif : essayer de, tenter de, chercher à, de, compter +infinitif pur.

Objet nominal, de+infinitif ou proposition complétive : au futur :promettre, commander, décider, à l'indicatif ou au subjonctif : comprendre,expliquer, au subjonctif : craindre, désirer, permettre.

Objet nominal, à ou de+infinitif, ou proposition complétive : àl'indicatif : apprendre, au subjonctif : demander.

Objet nominal, de + infinitif ou infinitif pur, ou proposition complétive :à l'indicatif : oublier, au futur : espérer, au subjonctif : aimer, préférer,souhaiter.

Objet nominal, infinitif pur, ou proposition complétive : à l'indicatif :affirmer, avouer, jurer, raconter, au subjonctif : nier.

La construction accusatif+infinitif est le trait caractéristique d'ungroupe de verbes qui, abstraction faite de faire, déjà classé, comprend :laisser, écouter, contempler, regarder, et, susceptibles d'avoir égalementpour objet une proposition complétive : entendre, sentir, voir, et parfoismême admirer : j'admirais lentement ressortir de mille trous ... tout ce quemon approche avait fait fuir (Gide, Bl. p. 236).

La construction objet + attribut peut constituer la définition d'unautre groupe de verbes. Abstraction faite de verbes déjà classés -.faire,avoir, laisser, voir, sentir, il s'agit de : i° appeler (oublié p. 232), nommer,élire, 20 des verbes dont l'objet est, dans cette construction, le pronomréfléchi : se porter garant, se montrer capable, se révéler efficace, 30 rendre(oublié p. 232). M. Blinkenberg cite aussi garder : la peste garda la villerepliée sous elle (p. 233), mais on se demande si on n'a pas plutôt affaire icià un attribut indirect. De toute façon, si l'on accepte garder, il fautciter également tenir : tenir les bras écartés, qui appartient peut-être aussiau groupe suivant : Et si vous tenez que je suis fou ou idiot de croire cela(Mauriac, Nouveau Bloc-Notes 403). 40 Une serie de verbes qui se

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construisent aussi avec une proposition complétive qui pourra toujoursprendre la place du nexus objet + attribut : il la crut malade=il crut qu'elleétait malade. Il s'agit tout d'abord d'un groupe important de verbes qui seconstruisent aussi avec un infinitif pur : croire, déclarer, deviner, dire,prétendre, reconnaître, savoir, supposer, mais aussi de imaginer ( + ife+in-

finitif) et déjuger, trouver, estimer, garantir.

Certains verbes font suivre leur objet d'une sorte d'attribut introduitpar une préposition (p. 233) : qualifier q. de fourbe, traiter q. de menteur,

mettre q. de mauvaise humeur, prendre q. à témoin, prendre une telle pour

femme, se donner pour q. d'autre.

Une longue série de verbes se construisent avec un objet suivi d'uninfinitif prépositionnel (p. 236 ss) : Io de + infinitif : dissuader q. defaire qc, empêcher, excuser, blâmer, féliciter, punir, prier, 2° à+infinitif :

aider q. à faire qc., animer, autoriser, condamner, destiner, disposer, exciter,

exhorter, habituer (mais déshabituer q. de faire qc), pousser, préparer,

réduire, 3 0 de ou à + infinitif : forcer q. à ou défaire qc, obliger, contraindre,

solliciter, décider, défier.

Enfin, on peut mentionner la règle, fondamentale en français, d'aprèslaquelle on ne peut pas avoir, l'un à côté de l'autre, deux objets dépourvusde prépositions. C'est ainsi qu'on distingue l'objet direct de l'objet in-direct en mettant, contrairement à l'usage danois par exemple, à devant ledernier : il donne le livre à Paul. Il en est de même des deux objets aprèsfaire faire : il fait faire le travail à son frère. Cette règle vaut aussi pourles verbes pouvant avoir pour objet tantôt une chose tantôt une personne.Si on les met ensemble, l'un d'eux doit être marqué d'une préposition :

Un premier groupe de verbes peut avoir soit la chose : fournir qc. à q.,soit la personne comme objet direct : fournir q. de qc. (p. 262 ss) : rem-bourser, ceindre, persuader, inspirer, servir, escroquer, voler, solliciter,

assurer. Un autre groupe peut seulement avoir la personne pour objetdirect, la chose étant introduite par de : charger q. de qc, avertir, consoler,

dépouiller, dégoûter, excuser, féliciter, frustrer, garder, informer, louer,

qualifier, plaindre, préserver, priver, punir, remercier, saisir, secourir,

supplier, donc, très naturellement, en partie les mêmes verbes que ceuxconstruits avec objet + de+infinitif, que nous venons de citer.

5. Verbes régissant le datif

Tandis que le datif, surtout le datif d'intérêt, est possible avec la plu-part des verbes, il n'y a en français, contrairement au latin et à l'allemand,

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que très peu de verbes définissables par leur construction obligatoire avecun datif :

i° Toujours le datif : appartenir, incomber, nuire, obéir, plaire, résister,ressembler, succéder.

z° Accusatif ou datif : peser qc. — Sa solitude lui pèse (Jaloux, Bl. p.249), commander une armée — Commandez à vos valets; pardonner à q. —il la pardonne (Dorgelès; Grevisse, § 599, 14), parler anglais, politique —parler à q.; aider q. — Le marquis lui avait aidé à remonter (La Varende;Grevisse, § 599,4). D'après Littré, prendre peut également se construireainsi : Vidée leur apris d'aller à la campagne.

Avec d'autres verbes il me paraît plutôt s'agir d'un datif d'intérêtoccasionnellement ajouté : si cela vous chante — si cela vous dit — ré-pondez-lui — En somme la peste lui réussit (Camus, Bl. p. 249) — il luisourit.

6. Accusatif ou complément prépositionnel

1° Accusatif ou à ou de : goûter, jouer, manquer, répondre, rêver, servir,tâter, tenir, par exemple :jouer une carte —jouer au football —jouer de laflûte.

20 Accusatif ou à (p. 176) : applaudir, atteindre, assister, aspirer,chasser, consentir, croire, gratter, heurter, insulter, parer, penser, pousser,prêter, présider, prétendre, réfléchir, regarder, renoncer, satisfaire, souscrire,toucher, travailler, viser. M. Gougenheim fait remarquer (Le FrançaisModerne, 27, 1959, p. 1-25) que dans la plupart des cas, l'objet directmarque une attitude passive de la part du sujet, tandis que le complémentindirect indique une attitude active : applaudir un acteur — applaudir àune décision, atteindre le plafond — atteindre à un résultat, satisfaire sesmaîtres — satisfaire à ses désirs, regarder une maison — regarder à ladépense, la seule exception étant le verbe assister : assister un ami —assister à un spectacle.

Ces verbes peuvent être subdivisés selon les mêmes critères que lesverbes directement transitifs au chapitre desquels ont déjà été nommésdes verbes tels que croire, prétendre, regarder.

Accusatif ou à ou sur : buter, cogner, frapper, taper, qui forment ungroupe de synonymes, réfléchir, tirer et veiller, par exemple : tirer lacorde — Si une sentinelle le tire? (Montherlant, Le Songe, p. 239) —tirer au pigeon, tirer au sort — tirer sur q.

30 Accusatif ou de (p. 186 ss) : cotiser, claquer, cligner, doubler, décider,

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discuter, connaître, hocher, ignorer, juger, témoigner, traiter, user, parexemple : user ses souliers — user de son droit. Au chapitre des verbesdirectement transitifs, on a déjà proposé une classification ultérieure àpropos de verbes tels que décider, connaître, juger.

Accusatif ou de ou sur : battre.40 Accusatif ou sur : compter, donner, influer, influencer, méditer,

mordre, presser, raffiner, souffler, trancher, par exemple : donner qc. — unefenêtre qui donne sur la rue.

50 Accusatif ou contre : invectiver, vitupérer, cp. Grevisse, § 599,12 et 18.

7. Complément prépositionnel

i° De : accoucher, bavarder, bénéficier, disposer, douter, discourir,hériter, jaser, jouir, profiter, relever, triompher. Le verbe hériter a tantôt pourcomplément une chose, tantôt une personne, mais s'il a les deux à lafois, la chose en est obligatoirement l'objet direct : il serait étonnant queB et C n'eussent hérité que cette unique faute de leur ancêtre commun (Lan-glois, Romania 45, 1918-19, p. 29).

2° A : accéder à, acquiescer à, adhérer à, correspondre à, équivaloir à,obtempérer à, participer à, préluder à, remédier à, répugner à.

3° Sur : agir, hésiter, insister, renchérir, spéculer.4° D'autres prépositions : contraster avec, déblatérer contre.

8. Proposition complétive

II ne semble guère y avoir de verbes qui aient pour seule constructionde régir une proposition complétive. Le seul qu'on puisse citer sembleêtre il appert que. A part cela, beaucoup de verbes peuvent être carac-térisés, à l'intérieur des catégories où ils sont déjà placés, par leurconstruction avec une proposition complétive, ainsi que j'ai essayé de lefaire ci-dessus.

9. Infinitif

Par opposition à la proposition complétive qui n'a pour ainsi dire pasde verbes qui lui soient réservés, il y a un certain nombre de verbes quise construisent exclusivement avec un infinitif et qui ont en outre encommun de ne pas permettre la transposition au passif. Ils peuventavoir pour objet le pronom le, mais celui-ci représente alors un infinitifsous-entendu. Dans la plupart des cas il s'agit de constructions qui ont4 — 62173296 Sludta Nevphilologica

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été l'objet de bien des controverses entre les grammairiens qui n'ontpas pu tomber d'accord sur la nature du membre de phrase en question.L'explication en est, à mon avis, que la construction infinitive étant laseule possible, il n'y a pas d'arguments à tirer de tours parallèles, etmieux vaudrait peut-être se contenter de dire qu'il s'agit de verbes con-struits avec l'infinitif, sorte de périphrases verbales.

i° Verbes se construisant d'ordinaire avec un attribut : sembler etparaître : l'enfant semble dormir, il paraît dormir. On s'est demandé si onavait affaire à un objet, ce qui est impossible parce que ces verbes n'enont jamais, ou à un attribut, ce que rejette catégoriquement Sandfeld,L'Infinitif § 133, qui regarde l'enfant + dormir comme le sujet de la phrase.A cette interprétation un peu artificielle on pourrait préférer de con-sidérer sembler et paraître comme une sorte d'auxiliaires formant despériphrases verbales avec l'infinitif.

20 Les verbes modaux, qui se distinguent mal des autres verbes enfrançais où l'indice de l'infinitif ne joue pas le même rôle que dans leslangues germaniques, recevront peut-être ainsi leur définition formelle :construction exclusive avec un infinitif. Cela vaut sans exception pourdaigner et oser. Cela peut se défendre à propos de pouvoir où on peuttoujours sous-entendre un infinitif : Qu'est-ce que vous ne pouvez pas?(p. 109), cp. faire. Il en est de même de vouloir :je voudrais des gants, cp.avoir. En ce qui concerne falloir, on a discuté s'il fallait voir dans l'infini-tive le sujet ou l'objet. Pour Sandfeld, L'Infinitif § 54, la transitivité defalloir « ressort clairement de cas comme il le faut, Urne les faut », mais ensous-entendant l'infinitif avoir, on aurait un objet tout en interprétantl'infinitif comme faisant partie d'une périphrase verbale. Par contre, il nesemble pas possible de faire entrer savoir dans ce groupe par une analyseanalogue.

Devoir tient une place à part, parce qu'il a un emploi transitif : devoirune somme, qui peut se mettre au passif : la somme lui est due, et qui peutavoir pour objet un infinitif précédé de de :je lui dois de le faire, et d'autrepart un emploi comme verbe modal, directement lié à un infinitif, sanspossibilité de passif :je dois le faire.

Il y a un seul verbe qui se construit toujours avec un infinitif, sans quece soit l'infinitif pur : tâcher à ou défaire qc.

Abstraction faite de ces verbes qui n'apparaissent qu'avec l'infinitif, laconstruction infinitive peut servir à classer les verbes à l'intérieur descatégories déjà établies, ainsi que nous l'avons fait. Mais étant donné

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l'importance du problème de la construction de l'infinitif objet avec ousans de, nous voudrions voir si notre méthode pourrait servir à expliquerce phénomène.

M. Blinkenberg a consacré l'un des chapitres les plus importants deson ouvrage à ce problème, en le renouvelant par le seul fait de l'étudierdu point de vue de l'objet et non du point de vue de l'infinitif, ainsi qu'onle fait d'ordinaire. Il constate que dans une série de cas les verbes seconstruisent avec l'infinitif comme avec les compléments nominaux :sans préposition : voir, faire, dire, etc., avec de : parler de, avec à :aboutir à, hésiter à, tandis que dans d'autres cas, l'infinitif est précédéd'une préposition, bien que le complément nominal ne le soit pas : de :regretter, tenter, ou à : apprendre, avoir, chercher, ou l'un des deux :continuer, commencer.

En acceptant entièrement les résultats de M. Blinkenberg en ce quiconcerne les verbes qui construisent le complément nominal et l'infinitifavec la même préposition, je voudrais avant tout porter mon attention surles verbes qui ne se construisent pas en général avec une préposition. Laquestion est donc de savoir pourquoi certains de ces verbes se construi-sent avec l'infinitif pur, tandis que d'autres nécessitent une préposition.

Je proposerai l'explication suivante, qui n'est pas entièrement satis-faisante, je le reconnais dès l'abord, mais peut servir peut-être à serrer leproblème de plus près : les verbes qui se construisent de préférence avecun objet nominal mettent de devant l'infinitif, de étant une sorte d'articlequi fait de l'infinitif un substantif, tandis que les verbes qui se construi-sent de préférence avec des propositions complétives, avec accusatif+infinitif ou directement avec un infinitif, ne mettent pas de de.

Nous avons déjà vu ci-dessus deux groupes de verbes qui se construi-sent exclusivement avec l'infinitif, par conséquent sans de : 1° sembler etparaître, z° les verbes modaux.

30 Verbes intransitifs, qui n'ont donc jamais d'objet nominal. Faillir estfoncièrement intransitif : dans le coeur lui a failli, nous avons affaire à undatif d'intérêt, toujours possible. Donc il faillit le faire. La constructionfaillir de, que cite M. Blinkenberg p. 229, ne s'emploie guère plus et estle résultat d'un croisement avec manquer de.

40 Les verbes qui se construisent avec accusatif+infinitif : faire,laisser, voir, regarder, entendre, écouter, sentir.

50 Avec les verbes déclaratifs on se trouve en présence d'une doubleconstruction. Quand il y a un datif, l'infinitif objet est précédé de de, parce

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que analogue à un substantif objet : il lui dit de le faire. Mais quand iln'y a pas de datif, l'infinitif est analogue à une proposition complétiveet n'a pas de de : dire, déclarer, affirmer, assurer, raconter, prétendre,jurer, reconnaître, avouer, nier.

6° Les verbes, en partie les mêmes, qui se construisent tantôt avecobjet + attribut, tantôt avec une proposition complétive : savoir, croire,deviner, reconnaître, dire, déclarer, prétendre, supposer, la seule exceptionétant imaginer : le malheureux avait même imaginé ... d'aller réciter desvers dans les cours des maisons (Aicard, Sandfeld, L'Infinitif § 62).

70 Tous les autres verbes construits avec un infinitif pur ont d'ordi-naire pour objet une proposition complétive et n'ont jamais de complé-ment au datif : découvrir, oublier, penser, estimer, présumer, compter, aimermieux.

Par contre, on a de + infinitif comme objet dans les cas suivants :i° Après tous les verbes qui ne peuvent pas avoir pour objet une

proposition complétive : achever, cesser, finir, choisir, essayer, entreprendre,hasarder, omettre, refuser, tenter.

2° Mais un groupe de verbes échappent à notre tentative d'explication,des verbes qui se construisent avec des propositions complétives, maisqui ont néanmoins pour objet de+infinitif : admettre, attendre, craindre,décider, éviter, haïr, promettre, regretter.

Entre les deux groupes se trouvent les verbes qui sont suivis tantôt del'infinitif pur, tantôt de l'infinitif précédé de de. Il s'agit dans tous lescas de verbes qui se construisent tantôt avec une proposition complétive,tantôt avec un objet nominal : aimer, adorer, désirer, détester, espérer,feindre, manquer, nier, oublier, penser, préférer, prétendre, souhaiter.

Quant aux verbes qui peuvent avoir pour objet à + infinitif, il n'y en aque trois, désignant l'enseignement, qui ont régulièrement pour objetune proposition complétive : apprendre, enseigner, montrer, tandis que lesautres, qui se construisent tantôt avec à+infinitif, tantôt avec de + in-finitif, ont par ailleurs un objet nominal : équilibre entre à et de : con-tinuer, demander, surtout de : essayer, omettre, refuser, surtout à : chercher,commencer, consentir, réussir.

V. Verbes dérivés

Quand les verbes, par composition ou par dérivation, deviennent plusconcrets, leur emploi se réduit souvent.

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i° Les verbes simples qui peuvent être tantôt transitifs, tantôt in-transitifs, deviennent ainsi, composés avec des prépositions, obligatoire-ment transitifs : outrepasser, parcourir, pourchasser, surmonter, surpasser,survoler. Le verbe venir ne se laisse pas influencer par les prépositionsparvenir, survenir, contrevenir. Le verbe survivre reste sans complément,comme vivre, ou se construit avec à.

2° Les préfixes ont la même influence : détourner, accroître, endormir.— M. Blinkenberg, p. 312, donne comme exceptions dépasser et enfoncer,qui sont à la fois intransitifs et transitifs, comme passer et foncer.

Au transitif espérer s'oppose désespérer, qui se construit avec de. Siles verbes simples se construisent avec une préposition, le verbe àpréfixe en fait de même : préjuger, débattre et abuser ont ou bien un objetdirect ou bien un complément introduit par de, comme les verbes simplesdont ils sont dérivés.

Le préfixe re- ne change rien à la construction du verbe : venir-revenir,entrer-rentrer, exception faite de retourner, qui est intransitif et transitifcomme le simple tourner, mais qui, en plus, peut être conjugué avec l'auxi-liaire être, et de repartir, qui, conjugué avec être, correspond à partir,mais, conjugué avec avoir, signifie 'répliquer'.

La plupart des verbes dérivés de venir restent intransitifs et conjuguésavec être : advenir, intervenir, provenir, mais il y en a d'autres qui de-viennent transitifs et sont conjugués avec avoir : prévenir, circonvenir.Le verbe convenir se conjugue avec avoir au sens de 'plaire' devant undatif : cela lui a convenu, et avec avoir ou être au sens de 'tomber d'accord'devant un génitif : vous avez convenu de dîner ensemble tous les mardis(Butor, Degrés 179) c'était moi qui me cachais de lui, parce que j'étaisconvenu avec toi que j'irais te faire un compte rendu (ib. 180) et nous sommesconvenu (sic) de travailler ensemble le lendemain soir (ib. 268).

3° Les verbes parasynthétiques sont parfois transitifs : déchaîner,encourager, parfois diathétiquement neutres : approcher, engraisser,enlaidir, épaissir, et ont souvent un complément indirect : aboutir à,raffoler de,< empiéter sur. Un verbe comme débarquer se construit sur lemodèle de descendre : Apprenez donc que je suis débarqué à la gare duNord à 3 heures moins 20 (Sartre, ap. Simone de Beauvoir, La Force del'âge 304).

40 Les suffixes diminutifs créent des verbes intransitifs : sautiller,tournoyer, trottiner.

5° Les verbes dénominaux dont le radical est une sorte d'objet inhérent

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sont par conséquent intransitifs (p. ioi): cabrioler, circuler, défiler,gambader, pirouetter.

6° Les suffixes -iser et -fier forment en général des verbes transitifs :maîtriser, mobiliser, personnifier, simplifier etc., par exemple : la fermièrestatufiée par il ne savait quelle douleur (Schwarz-Bart, Le Dernier desJustes, p. 277), pourtant avec quelques exceptions en -iser : subtiliser,mêlancholiser.

70 Les verbes en -ir formés sur des adjectifs sont diathétiquementneutres : blanchir, bleuir, maigrir, grandir (p. 118 ss.).

VI. Verbes pronominaux

Les verbes pronominaux se conjuguent tous avec être et ne peuventdonc pas être classés d'après leur auxiliaire. Ils se subdivisent en premierlieu d'après le rôle casuel que joue le pronom :

1. Les verbes pronominaux réfléchis ne se distinguent en rien desverbes simples, le pronom en étant l'objet direct ou indirect (datif) demême qu'un complément nominal. Il n'y a donc pas lieu de nous enoccuper spécialement ici.

i° Les verbes qui, sous leur forme simple, se construisent avec objet +attribut, se rangent, sous leur forme pronominale, à côté des verbes àattribut : se faire, se rendre, se montrer, s'avérer, se porter.

2° Quand le pronom est au datif, le verbe pronominal peut prendre unobjet et est donc transitif : se casser un bras, se rappeler qc, exception faitedes verbes régissant exclusivement le datif : se nuire.

30 Quand le pronom est objet, le verbe pronominal est, par rapportaux autres éléments de la phrase, intransitif : se tuer, se retourner.

2. Parmi les verbes pronominaux non-réfléchis il y a des verbes qu'onpourra simplement définir par la construction pronominale parce qu'elleleur est obligatoire, tandis que d'autres verbes ne le sont que facultative-ment :

i° Verbes obligatoirement pronominaux : intransitifs : s'évanouir, oule plus souvent construits avec de : s'abstenir de, se désister de, s'emparer de,se repentir de, se souvenir de.

20 Verbes pronominaux synonymes des verbes simples : se pâmer =pâmer, se pourrir — pourrir, se guérir = guérir, se moisir = moisir.

30 Verbes pronominaux facultatifs :a. Les verbes simples intransitifs restent des intransitifs : se mourir,

s'en aller, s'en venir, s'en être.

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b. Les verbes simples intransitifs-transitifs ou diathétiquement neutresdeviennent exclusivement intransitifs, le pronom réfléchi ayant doncl'effet contraire d'un préfixe : le volet se tourne lentement, la glace se fondetc. etc. (p. 126-17).

Il faut remarquer que ces verbes ont souvent la possibilité de formeraussi bien des verbes pronominaux réfléchis : l'homme se tourne, que desverbes pronominaux non-réfléchis : le volet se tourne.

c. Certains verbes deviennent ou bien intransitifs ou bien se construi-sent avec une préposition : se passer — se passer de. Il en est autrementde se rappeler, où le pronom est un datif, et se rappeler de, qui est un verbepronominal non-réfléchi, formé sur le modèle de se souvenir se.

d. Il est extrêmement courant que la construction pronominaleentraîne l'insertion d'une préposition devant le complément : attendre lesévénements — s'attendre à des événements, attaquer l'ennemi — s'attaquer àplus fort que soi, surtout devant un infinitif : décider de partir — se déciderà partir, offrir d'aider — s'offrir à aider, refuser de sortir — se refuser àsortir (cp. Gougenheim, Le Français Moderne 27, 1959, p. 12).

VIL Groupe verbal: verbe + substantif

1. Substantif sans article : ces locutions sont souvent intransitives,étant donné que le substantif en est en réalité l'objet : avoir lieu, soif, faimetc.

Elles ne sont transitives que si le substantif qui en fait partie estprécédé d'une préposition : mettre qc sur pied, avoir q. en garde.

Par ailleurs elles se construisent avec une préposition, surtout de :avoir faim de, besoin de, ou à -.faire attention à, ajouter foi à.

2. Substantif avec article :Avec attribut : elle a l'air heureuse.Transitifs : mettre au monde, avoir à sa disposition.Avec préposition : avoir le désir de, avoir l'oeil sur etc.

En appliquant une telle méthode structurale, on constate qu'il y acertaines catégories très nettes qui s'imposent, tandis que dans d'autrescas il y a des arguments pour et contre l'établissement d'une catégorie oul'attribution d'un verbe à tel groupe ou à tel autre. Mais il me semble par-faitement possible, même dans les cadres d'une description aussi rigou-reuse, de tenir compte des flottements de la réalité vivante, comme nousl'avons fait par exemple à propos de courir, tenir, faillir, paraître.

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II se peut que les structuralistes aient eu, jusqu'ici, la mauvaise habitudede s'occuper presque exclusivement des questions de principe et desproblèmes généraux. Pour prouver sa raison d'être, il faut que le struc-turalisme donne aussi des résultats pratiques, en n'étudiant pas seule-ment des exemples choisis, mais en incorporant dans ses systèmes toutela richesse d'une grande collection d'exemples.

Tel doit être le programme du structuralisme d'aujourd'hui, et il fautremercier M. Blinkenberg de nous l'avoir proposé.

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