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LA CONSTRUCTION DU TÉLESCOPE D'AMATEUR II e ÉDITION PAR Jean TEXEREAU Ingénieur du Laboratoire d’Optique de l’Observatoire de Paris Président de la Commission des Instruments de la Société Astronomique de France PRÉFACE DE André COUDER Membre de l’académie des Sciences et du Bureau des Longitudes Astronome Titulaire de l’Observatoire de Paris

LA CONSTRUCTION DU TÉLESCOPE D'AMATEUR

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LA CONSTRUCTION

DU

TÉLESCOPE D'AMATEUR

IIe ÉDITION

PAR

Jean TEXEREAU

Ingénieur du Laboratoire d’Optique de l’Observatoire de ParisPrésident de la Commission des Instruments de la Société Astronomique de France

PRÉFACE

DE

André COUDERMembre de l’académie des Sciences et du Bureau des Longitudes

Astronome Titulaire de l’Observatoire de Paris

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VPRÉFACE

Les amateurs des sciences sont probablement aussi nombreux que ceux quicultivent les arts sans en faire métier. Peut-être la musique a-t-elle plus defervents que la botanique ; mais il y a sûrement autant d'astronomes amateurs quede peintres du dimanche. Que cherchent-ils tous ? Une joie et un profit spirituels :une extension de leurs connaissances, de leurs capacités et le plaisir lié à l’effort.On peut certes être sensible aux arts sans avoir jamais touché un archet ou unpinceau, et d'autre part «se tenir au courant » du progrès des sciences par la seulelecture ; mais cette attitude purement réceptive n'est pas celle qui donne lesmeilleurs fruits. Pour que l'acquis pénètre profondément en nous-mêmes, il nousfaut aussi être quelque peu exécutants, observer de nos yeux, expérimenter,construire de nos mains. Il faut que l'information étendue que donnent les livresrencontre en nous une expérience personnelle. Ainsi naît la vraie culture del'esprit.

Etait-il nécessaire de rappeler cette vérité dans le cercle des amateurs querassemble la Société Astronomique de France ? Parmi nous, les observateursassidus ont toujours été légion. On peut même remarquer que le goût des travauxmanuels difficiles et l'aptitude à y réussir se rencontrent plus souvent aujourd'huiqu'autrefois : construire entièrement un instrument d'observation n'apparaît pluscomme l'ambition démesurée de quelques audacieux. Ce n'est pas diminuer lemérite de cet esprit d'entreprise que de noter qu'il est devenu assez fréquent :réaliser un bon télescope reste une preuve de volonté, de jugement et d'adresse.

Il faut donner un guide à ceux qui abordent ce travail. Les traités écrits pourl'enseignement général sont le point de départ obligé, mais leur programme nepeut comprendre toutes les données pratiques qui sont nécessaires. A l'opposé, unstage dans un atelier d'optique industrielle apprendrait trop lentement les détailspurement manuels du travail du verre. Le guide souhaité doit trouver place entreces deux extrêmes, se rapporter expressément à l'observation astronomique etfaire ce crédit au lecteur de penser qu'il est digne d'une «formationprofessionnelle accélérée ». Tel est le but de l'ouvrage de M. Jean Texereau.

Comme beaucoup d’entre nous, les astronomes et opticiens, M. Texereau futd’abord un amateur et a commencé à travailler seul. Il est ensuite entré au

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Laboratoire d’Optique de Paris où une collaboration quotidienne de plusieursannées a confirmé l'estime que j'avais de son activité et de son talent. Il a acquisses lettres de maîtrise en exécutant les beaux miroirs du télescope Cassegrain de6o centimètres qui a été mis en service l'an dernier à l’observatoire de Meudon.D'autre part, il a assumé comme secrétaire de la Commission des Instruments dela Société Astronomique de France, une tâche qui demandait beaucoup dedévouement, et qui s'est révélée très fructueuse. Sous sa direction, de nombreuxamateurs se sont initiés aux travaux délicats de l'optique astronomique, dans unlocal - assez modeste - où l'Observatoire de Paris leur a donné accueil. J'ai eugrand plaisir à examiner quelques très bonnes pièces qui y ont été réalisées. Celivre court est donc le fruit d'une expérience étendue. Des méthodes décrites ici,beaucoup sont classiques et se rapprochent de celles de l'industrie ; d'autres ontété créées dans mon laboratoire ; d'autres enfin sont particulières aux amateurs,je veux dire adaptées à leurs besoins et aux moyens dont ils disposent. Toutes sontsimples et éprouvées. Le mode d'exposition de M. Texereau, précis, détaillé,concret, convient parfaitement à son but et paraîtra très vivant à ceux qui lesuivront attentivement.

Pour clore ce propos, j'exprimerai des vœux. Le premier est que, séduits tropexclusivement par leurs manipulations d'opticiens, les nouveaux adeptesn’oublient pas leur but, qui est l'étude du Ciel. Je souhaite enfin que cet ouvragesoit lu non seulement par ceux dont il doit guider les travaux pratiques, maisencore par les personnes plus nombreuses qui, sans prétendre mettre la main àl’œuvre, désirent connaître en détail les méthodes - subtiles et intéressantes enelles-mêmes - grâce auxquelles ont été réalisées les instruments qu'elles utilisent.

ANDRE COUDER

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TABLE DES MATIÈRES

Les numéros placés au début des lignes sont ceux des paragraphes ;les autres renvoient aux pages

PREFACE ………………………………………………………….. VAVANT-PROPOS …………………………………………………. XIIIAVANT-PROPOS DE LA SECONDE ÉDITION ………………… XV

CHAPITRE PREMIERCONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES ET PROJET

1.- Insuffisance de l’optique géométrique pour la conception correcte de l’instrument astronomique …………….……………... 1

2.- Un peu d’optique physique …………………..………..……… 23.- Définition de l’objectif parfait …………………..….………… 34.- Règle de Lord Rayleigh ………………………..…………..…. 65.- Description sommaire des principaux types d’instruments astronomiques…………………………………………………. 76.- Lunette ou télescope ……………………..………………..….. 97.- Conclusion pratique : le télescope standard ……………....….. 11

CHAPITRE IIRÉALISATION DU GRAND MIROIR

8.- La forme du grand miroir du télescope de Newton …………… 159.- Généralités sur le travail du verre et théories du polissage…… 1710.- La matière première ………………….…………………..…… 2011.- Abrasifs …………………………….……………………..…... 2312.- Produits à polir ………………………….……………..……… 2413.- Résumé pratique, fournitures nécessaires et adresses utiles…… 2514.- Matériel utile pour tailler le miroir …………………………… 2715.- Opérations annexes …………………………………………… 2916.- Ebauchage du miroir ………………………………………….. 3017.- Contrôle du rayon de courbure ……………………………….. 3318.- Fin de l’ébauchage ………………………………………….… 3419.- Apprêt et doucissage ………………………………………….. 3520.- Qualités d’un bon douci …………………………………….… 3821.- Insuccès au doucissage ……………………………………….. 3922.- Généralités sur les polissoirs …………………………………. 40

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23.- Fabrication du polissoir à carrés de poix rapportés ………...… 4124.- Dispositions générales pour le polissage …………………...… 4325.- Conduite du polissage ………………………………………... 4526.- Fin du polissage ……………………………………………..... 5027.- Généralités sur les moyens de contrôle ……………………..... 5128.- Revue rapide des principales méthodes de contrôle ………..… 5129.- Explication géométrique de la méthode de Foucault ……...…. 5530.- Détails de construction d’un appareil de Foucault …………… 5831.- Pratique de l’essai de Foucault ………………………….……. 6232.- Diffraction dans l’essai de Foucault ………………………….. 6333.- Sensibilité limite de l’essai de Foucault ……………………… 6534.- Principe du contrôle des miroirs paraboliques …………….…. 6535.- Définitions relatives à l’aberration de sphéricité ……………... 6536.- Description de l’aberration de sphéricité ………………...…… 6737.- Mesure de l’aberration de sphéricité ……………...………….. 6938.- L’écran à échancrures A. Couder …………………………….. 7039.- Pratique et causes d’erreurs des mesures visuelles à l’écran …. 7140.- Défauts de non révolution ………………………………...….. 7341.- Mamelonnage et micromamelonnage ………………………... 7442.- Les défauts zonaux …………………………………………… 7643.- Les retouches locales ………………………………………… 7844.- La parabolisation …………………………………………….. 8045.- Retouches de paraboles imparfaites ………………………….. 8246.- Réduction des aberrations au plan focal ……………………… 8347.- Le bulletin de contrôle …………………………………….….. 8448.- Interprétation du bulletin de contrôle ………………………… 87

CHAPITRE IIILE MIROIR PLAN DIAGONAL

49.- Miroir ou prisme, qualités requises …………………………... 8950.- Forme et dimensions du miroir plan ………………………….. 9051.- Contrôle interférentiel des miroirs plans ……………...……… 9352.- Pratique du contrôle interférentiel des miroirs plans ……….… 9353.- Contrôle des miroirs plans en combinaison avec un sphérique… 9654.- Matière première ……………………………………………... 9855.- Resurfaçage des miroirs plans ………………………………... 9956.- Découpage des miroirs plans ……………..…………………… 101

CHAPITRE IVPARTIE MÉCANIQUE DU TÉLESCOPE NEWTON STANDARD

57.- Généralités …………………………………………..………. 10558.- Détails de construction importants ………………………….. 105

CHAPITRE VLA MONTURE AZIMUTALE DU TÉLESCOPE STANDARD

59.- Principe …………………………………………..………….. 11160.- Détails importants ou intéressants ………………………...… 111

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CHAPITRE VIPROJET D’UN TÉLESCOPE CASSEGRAIN

61.- Disposition générale classique et notations ………………..... 11962.- Avantages et inconvénients du Cassegrain classique ……….. 12063.- La variante du Cassegrain coudé ……………………………. 12164.- Discussion du choix des caractéristiques …………….…..…. 12365.- Calcul des autres caractéristiques correspondantes …………. 12366.- Coefficients de déformation des miroirs ……………………. 12467.- Appréciation des difficultés d’exécution ……………………. 12768.- Exemples récapitulatifs de projets complets ……………...… 128

CHAPITRE VIIRÉALISATION DU GRAND MIROIR CASSEGRAIN

69.- Contrôle sommaire de la trempe …………………………….. 13170.- Perçage du trou central ……………………............……….... 13271.- Travail du miroir percé ……………………………………… 13472.- L’écran à échancrures A. Couder …………………………… 13573.- Parabolisation des miroirs de grande ouverture relative ……. 136

CHAPITRE VIIILE MIROIR SECONDAIRE CASSEGRAIN

74.- Contrôle de l’ensemble de la combinaison sur une étoile ……. 13775.- Contrôle de l’ensemble de la combinaison avec un miroir plan 14076.- Méthode de Hindle ………………………………………….. 14077.- Contrôle du secondaire sur calibre convexe ………………… 14178.- Méthode générale de travail des petits miroirs ……………… 14279.- Débordage …………………………………………………… 14380.- Ebauchage ........................……………………...…………… 14481.- Sphérométrie ………………………………………………… 14582.- Doucissage …………………………………………………... 14683.- Polissage et retouches ……………………………………….. 147

CHAPITRE IXPARTIE MÉCANIQUE DES CASSEGRAINS

84.- Extrapolation d’un tube de télescope standard …………..….. 15185.- Tubes cylindriques …………………………………………... 15486.- Détails de construction d’un Cassegrain de 257 mm ……….. 155

CHAPITRE XLAMES DE FERMETURE

87.- Utilité d’une lame de fermeture …………………………..… 16188.- Choix de la matière …………………………………………. 16489.- Perçage du trou central et débordage ……………………….. 165

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90.- Tolérances de doucissage ………………………………...…. 16691.- Ebauchage, apprêt, doucissage …………………………….... 16892.- Contrôle optique de la lame …………………………………. 17393 - Polissage et retouches ……………………………………….. 17594.- Contrôle quantitatif et réduction …………………………….. 178

CHAPITRE XILES OCULAIRES

95.- Généralités sur les oculaires …………………….…….…….. 18196.- Les principaux types d’oculaires ……………….…….……... 18297.- La lentille de Barlow …………………………….….………. 18798.- Série standard d’oculaires de Plössl ………………..…….…. 190

CHAPITRE XIILES MONTURES ÉQUATORIALES

99.- Généralités ……………………………………………..……. 195100.- Principaux types de montures équatoriales …………...…… 197101.- Solutions plus ou moins déconseillées …………………….. 201102.- Conseils pratiques pour la construction d’une monture à berceau 205103.- Conseils pratiques concernant les montures à berceau déporté 212104.- Conseils pratiques relatifs aux montures anglaises simples 213105.- Conseils pratiques pour les montures allemandes …………. 216106.- Conseils pratiques concernant les montures à fourche ……. 218107.- Conseils pratiques sur les montures à table en bout d’axe polaire 224108.- Généralités sur les entraînements horaires ……………...…. 224109.- Entraînement par vis et secteur lisse ………………………. 226110.- Entraînement classique à grande roue tangente dentée ……. 229

CHAPITRE XIIIACCESSOIRES, FINITION

111.- Chercheurs …………………………………………………. 235112.- Porte-plaque à oculaire guide latéral ………………………. 237113.- Peintures et traitements des pièces métalliques ……………. 242114.- Argenture ou aluminure des miroirs de télescopes ……...… 243115.- Argenture chimique des miroirs …………………………… 244116.- Aluminure des miroirs …………………………………….. 249117.- Expédition des miroirs à l’aluminure …………………...…. 250118.- Soins à donner aux aluminures …………………………….. 253

CHAPITRE XIVRÉGLAGES

119.- Centrage des télescopes de Newton ……………………..… 255120.- Centrage des Cassegrains ………………………………….. 258121.- Equilibrage d’un équatorial ………………………………... 259122.- Mise en station définitive d’un équatorial …………………. 261

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CHAPITRE XVLA TURBULENCE ATMOSPHÉRIQUE

123.- Difficultés d’emploi d’un télescope de moyenne puissance 263124.- Effet des défectuosités de l’air …………………………….. 264125.- Altération de l’image stellaire dans un petit instrument …… 265126.- Altération de l’image stellaire d’un grand instrument …….. 267127.- Altération de l’image de diffusion photographique ……….. 269128.- Premier étage de turbulence : l’instrument ………………… 274129.- Deuxième étage : la turbulence locale …………………….. 277130.- Troisième étage : la turbulence en altitude ………………... 278131.- Conclusion …………………………………………………. 279

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AVANT-PROPOS

Depuis notre premier article de 1939 (1) décrivant sommairement laréalisation d'un télescope d'amateur, une correspondance suivie avec denombreux collègues actifs de la Société Astronomique de France nous a montrédans quel sens une telle description devait être développée pour être vraimentutilisable par le maximum de personnes.

A la fin de 1945, avec la création de la Commission des Instruments au seinde la Société, des besoins et des possibilités nouvelles sont survenus. En mêmetemps, nous avons eu la chance de pratiquer quotidiennement le travail desobjectifs astronomiques au Laboratoire d'Optique de l'Observatoire de Paris,sous la conduite du plus grand Maître contemporain en cette matière : M. AndréCouder. Naturellement, la nouvelle description s'est beaucoup inspirée de cetteexpérience, aussi bien pour le travail et le contrôle des miroirs que pour la partiemécanique. Nous sommes persuadés que les centaines d'amateurs qui ont déjàréalisé des télescopes d'après ces indications se joindront à nous pour remercierM. A. Couder de l'intérêt bienveillant et de l'aide précieuse qu'il n'a cessé deprodiguer aux amateurs constructeurs.

Les circulaires 1946-47 de la Commission des Instruments peuvent êtreconsidérées comme le premier tirage réduit de ce travail. Le second tirage sousforme de suite d'articles dans le Bulletin de la Société Astronomique de France àpartir de mai 1948 a déjà permis la réalisation de plus de 200 télescopes. Nousespérons que ce troisième tirage réuni sous la forme plus pratique d'un livre,corrigé et complété en plusieurs points, facilitera les premiers pas des nouveauxvenus dont le nombre décuplera peut-être le chiffre initial des adeptes.

Nous voudrions préciser d'abord la signification de l'entreprise : faire soi-même son télescope, ce n'est pas, ce ne doit pas être réaliser un bricolage plus oumoins médiocre ou inutilisable, mais avant tout produire à bon compte uninstrument apte à rendre des services en rapport avec ses dimensions, ce quiimplique une optique parfaite et une monture correcte ; ces conditions ne sontpas incompatibles avec les possibilités d'une personne non professionnelle et maloutillée si elle veut bien suivre une discipline stricte pour l’exécution de la partieoptique et adopter une monture mécanique sans prétention, mais facile àconstruire et réellement pratique.

(1) L’Astronomie, t.53, juillet 1939, pp.311-318.

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XIV

Le travail des verres d'optique de précision devient rapidement passionnantpour ceux qui aiment réaliser quelque chose de leurs mains ; il n'est même pasexagéré de dire que pour beaucoup d'amateurs, surtout en Amérique,l'application à l'Astronomie passe après.

Mais ce n’est pas uniquement par souci d'économie ou par plaisir que l'onpeut être amené à construire soi même son télescope ; l'industrie ne peut pasfournir facilement un instrument astronomique un peu grand irréprochable ; lessoucis du constructeur devant faire face aux difficultés commerciales actuelles,sont très différents de ceux de l'observateur qui a besoin d'un instrument parfaitréellement adapté à ses besoins et ne dispose pas d’un budget illimité pour saconstruction.

Nous avons groupé dans cette description des renseignements de nature trèsdifférente et qui doivent être compris de façon également très différente :

- Les rappels d'optique physique et les généralités du projet ne sont là quepour éviter des faux pas aux débutants qui s'engagent trop souvent dans desréalisations impraticables ; nous ne pouvions prétendre traiter aussisommairement de façon satisfaisante toutes les connaissances utiles àl’observateur, nous recommandons vivement l'étude de l’ouvrage classique deMM. A. Danjon et A. Couder : Lunettes et Télescopes à ceux qui ne secontenteront pas de ces bribes.

- Les renseignements sur le travail du verre avec des moyens d’amateur sontau contraire très détaillés, c'est que pour produire effectivement quelque chose,on ne peut rien négliger. On ne triche pas avec une réalité expérimentale, notreéducation nous rend tous aptes à triompher par des raisonnements dans nosrapports avec nos semblables, mais pour gagner une bataille sur la matière il fautavoir effectivement raison ; ceci n'arrive que dans la mesure où l’on sait intégrertoutes les causes déterminantes en une pratique fondée sur l'expérience et nonsur nos chères théories qui ont toutes chances d'être des approximationsinacceptables dans une technique où le centième de micron a son importance ; àcette échelle notre «bon sens » ne donne pas de réactions valables. On peut direque la seule difficulté pour le débutant est de triompher de son «bon sens »

- Pour la partie mécanique, nous nous sommes limités aux plans d'unemonture simple due à M. A. Couder. Ici la liberté d'interprétation reprend sesdroits. Nous sommes beaucoup trop individualistes pour qu'un modèleréellement standard soit viable. Sauf sur quelques points importants comme lesupport du miroir sans contrainte, on adaptera généralement les dessins à desdésirs particuliers ou à des pièces que l'on possède déjà.

J. T.

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AVANT-PROPOS DE LA SECONDE ÉDITION

La réalisation de milliers de miroirs, sinon d'instruments complets, par leslecteurs de la première édition provoqua bien entendu de nombreuses questions etdes demandes pressantes en même temps qu'un apport de données utilisables pourd'autres collègues ; ainsi fonctionne toujours la Commission des Instruments de laSociété Astronomique de France et cette seconde édition, plus étoffée, traduitpartiellement ce développement normal.

Mais l'abondance des matériaux peut entraîner aussi quelques inconvénients,au moins pour les nouveaux lecteurs. En particulier les jeunes qui dévoreront ce livreseront menacés d'indigestion ; ils se détourneront peut-être prématurément d'uneréalisation qu'ils croyaient plus simple et en tous cas moins longue ; ils pourront aucontraire entreprendre inconsidérément un instrument exceptionnel d'élaborationdélicate dont ils sous-estimeront les embûches faute d'expérience personnelle. Nousavons tenté de préserver, d'isoler les données de base, celles du télescope standard de200 mm, seule entreprise rationnelle pour un débutant. Même le pas à pas de cedomaine restreint peut faire hésiter ceux qu'un excès d'informations tend à paralyser.Il faut au contraire attaquer d'emblée le travail matériel ; très vite l’on se rend compteque c'est facile, la confiance vient ; l'application, l'effort initial se transforment peu àpeu en intérêt, en plaisir ; la marotte motrice s'éveille, elle ne donne qu’une faibleaccélération au début, mais si elle est maintenue assez longtemps le résultat seraétonnant.

L'inhibition dans un climat d’information scientifique, axé de plus en plus surle «formidable » comme une publicité, peut inquiéter dans une certaine mesurel'honnête homme 1961 ; non seulement il ne se sent plus personnellement en coursemais ses compatriotes les plus qualifiés, la surenchère aidant, risquent de le décevoirs'ils ne remportent une moisson de prix Nobel comme des médailles d'or de Jeuxolympiques. Qu'il se rassure ! Une intelligence très ordinaire et un peu de goûtsuffisent pour acquérir «en amateur » de belles satisfactions. Dans amateur il fautd'abord voir aimer, celui qui aime ne mesure pas la durée de ses efforts, de sontravail puisque c'est son plaisir, son passe-temps. Peu à peu cette somme de travaillui donne une solide maturité, il découvre la richesse de l'enseignement donné par lesréalités physiques elles-mêmes, il apprend à observer, à tirer leçon d'échecssuccessifs devenus bénéfiques ; son but initial est sensiblement dépassé, nonseulement il possède un télescope et comprend ce qu'il voit dedans mais sapersonnalité enrichie le rend moins vulnérable.

J.T.

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CHAPITRE PREMIER

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES ET PROJET

1. Insuffisance de l'optique géométrique pour la conception correcte del’instrument astronomique. - Le lecteur est plus ou moins familiarisé avec cesfigures des cours de Physique élémentaire et des ouvrages de vulgarisation, où l’onvoit les rayons parallèles provenant d'une source supposée à l'infini, converger enun foyer après passage dans un objectif réfracteur ou réflexion sur un miroir(objectif réflecteur), montrant ainsi clairement la formation de l’image. Cetteimage est ensuite examinée avec une sorte de loupe composée qui constituel’oculaire.

On n’insiste pas d'ordinaire suffisamment sur l'importance relative de ces deuxéléments. Tous les espoirs de l'astronome sont liés à la grandeur et la qualité deson objectif ; dans le moindre instrument, par ses dimensions, les conditionssévères qu'il doit remplir, les difficultés que comporte sa construction ; il éclipsecomplètement l’oculaire.

Dans certains grands télescopes modernes photographiques, on utilisedirectement l'image focale du grand miroir sans aucun intermédiaire. N'est-ce pasmerveilleux de pousser ainsi nos sondages astronomiques à l'extrême limite, par lesecours d'une seule surface optique !

On pourrait croire, en examinant les figures où les rayons lumineux sontreprésentés par des droites, que l'augmentation du diamètre de l'objectif ne sertqu'à rassembler davantage de lumière, donc à révéler des étoiles plus faibles ; c'estvrai, mais n'est-ce pas tout. Si les conditions géométriques idéales étaientsatisfaites, on aurait au foyer des images d'étoiles dans le sens mathématique duterme, il serait toujours possible de dédoubler le couple stellaire le plus serrémême avec le plus modeste objectif puisque dans son plan focal on pourrait sansinconvénient appliquer les grossissements les plus élevés.

On croyait autrefois, effectivement que la perfection des images dépendaituniquement de la qualité du travail de «l’artiste » qui avait taillé l'objectif. On saitmaintenant qu'il y a une limite qu'aucune adresse humaine ne saurait tourner etcette limite est imposée par la nature même des rayons lumineux qui ne sepropagent pas en réalité rigoureusement en ligne droite. A partir d'une certaineprécision on ne gagne presque plus rien à parfaire la forme d'un objectif donné.

L'optique géométrique ne constitue donc qu’une première approximationinsuffisante pour le praticien qui veut savoir avec quelle précision il doit réaliserson objectif et pour l’usager qui doit connaître la

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petitesse des détails accessibles à son instrument, l'optique dite physique constitueune seconde approximation capable de fournir ces renseignements, ce qui ne veutpas dire qu'elle explique tout.

2. Un peu d’optique physique (1). - Certains phénomènes physiques comme ladiffraction de la lumière et les interférences lumineuses, ne s’expliquent qu'enadmettant que la lumière est constituée par quelque chose qui vibre avec unecertaine amplitude et une certaine longueur d'onde caractéristique suivant une loisinusoïdale, avec une fréquence prodigieuse puisque en une seconde elle a letemps de parcourir près de 300 000 kilomètres en suivant les innombrablessinuosités comprises dans cette distance à raison d'environ 2 000 par millimètre.

Fig. 1. – Mouvement sinusoïdal Fig. 2.- Ebranlement ondulatoire

Les mathématiciens désignent l'amplitude des vibrations par a, leur longueurd'onde par λ, et représentent le «quelque chose » par un vecteur ou par une lignesinueuse (fig. 1), n'ayant évidemment aucun rapport avec la réalité physique quidépasse notre entendement, mais qui montrent commodément une ou plusieursparticularités intéressantes de son mouvement.

Deux ébranlements lumineux de même amplitude, même longueur d'onde, etqui vibrent synchroniquement suivant une direction identique ne sont pasnécessairement confondus (fig. 1, trait plein et trait interrompu) si le second, parexemple, a du parcourir un chemin optique supplémentaire différent d'un nombrenon entier de longueurs d'onde, on dit qu'il présente une différence de phase, dansdes conditions données les deux rayons peuvent interférer et même se détruirecomplètement si le déphasage est juste égal à une demi-longueur d'onde, Fresnelfut le premier à dire que de la lumière ajoutée à de la lumière peut quelquefoisdonner de l'obscurité. Supposons une source lumineuse qui rayonne dans toutes lesdirections dans un milieu optiquement homogène ; tous les points qui se trouvent àla même distance de la source sont naturellement en phase ; la surface qui passepar tous ces points s'appelle une surface d’onde ; dans le milieu

(1) Pour plus de détails consulter Les traités classiques de BRUHAT (Masson, édit.) ou deBOUASSE(Delagrave).

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homogène supposé, une telle surface ne peut être que sphérique ou plane à lalimite, si elle est très éloignée de la source.

On a une image d'un ébranlement ondulatoire en jetant une pierre dans l'eau :au point S il y a émission d'un système d'ondes d'amplitudes décroissantes, maisdont la longueur d'onde reste constante (fig. 2).

3. Définition de l’objectif parfait. - L'objectif doit donner une imagephysiquement parfaite d'une source lumineuse située à l’infini sur son axe. Lesdéfinitions sommaires précédentes vont nous aider à comprendre ce qu'il fautentendre par là. Puisque la source est très loin et que l'on suppose le milieu depropagation homogène, les surfaces d'onde incidentes, c’est-à-dire celles quiarrivent à l'objectif, sont planes (fig. 3). Le rôle de l'objectif, qu'il soit réfracteur ouréflecteur, est de restituer des ondes émergentes sphériques concentriques dont lecentre est le foyer F.

Si la longueur d'onde de la lumière était infiniment petite, cette définitionserait équivalente à celle de l'optique géométrique et le point F serait un pointmathématique où se concentrerait toute la lumière ayant atteint l'objectif, on saitqu'il n'en est pas ainsi. On peut s'écarter latéralement d'une petite quantité FF'avant de tomber dans l'obscurité, le point F n'est donc pas vraiment un point, maisune tache de largeur 2 FF'.

Fig.3. – Rôle de l’objectif Fig.4. – Grandeur de la tache de diffraction

Si l'objectif est limité par une ouverture carrée, il est facile de déterminer laposition du point F’ où l'obscurité est totale (1) (fig. 4).

Supposons que le point F' soit placé à une telle distance de F dans le planfocal, qu'il soit plus rapproché du bord supérieur P3 de l'onde émergente ∑ que deson bord inférieur P, la différence étant juste d'une longueur d'onde ; cela revient àdire que si l'on traçait avec F' pour centre une surface d'onde fictive tangente aubord supérieur P3 de la surface d'onde réelle ∑, elle s'écarterait de cette dernière enbas juste d'une longueur d'onde : PP1 = λ. Cette onde fictive met en évidence lefait intéressant suivant : le trajet P2F' compté

(1) Nous empruntons cette explication à la traduction de Maurice FARMAN, parue au Bulletin L'A.,t. 19, 1905, p. 540, de la brochure de COOKE, On the adjustement and testing telescopes.

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à partir du milieu de l’onde est plus long d’une demi-longueur d’onde que le trajetP3F’ qui part de son bord supérieur (proportionnalité des écarts). Mais en vertud’un principe célèbre dû à Huygens, chaque point de notre onde ∑ peut êtreassimilé à une source de lumière. Il en résulte que nos rayons P2F’ et P3F’ qui sonten opposition d’une demi-longueur d’onde au point F’ se détruisent parinterférence et ne peuvent donner de lumière en ce point.

Mais cette propriété est vraie pour tous les points de la moitié supérieure del’onde (n’oublions pas que son contour est un demi-carré) parce qu’ils possèdentun point homologue sur la moitié inférieure qui correspond à un trajet plus long deλ/2, en terminant la première moitié au point P2 nous finissons la seconde en P etconcluons qu'il ne peut parvenir aucune lumière au point F’ à partir des pointssources répartis sur ∑ et qui interfèrent complètement en ce point.

La tache de diffraction s’arrête donc en F’ ; il est facile de calculer son demi-côté FF’.

On a sensiblement (relations inexactes à l'échelle de la figure 4 très différentede la réalité) :

132 ' PPPFFP = mais f

FFFFP

''2 = et

DPPP

λ=13

Par conséquent :

Df

FF λ='

En réalité, on utilise des objectifs de contour circulaire, il n'y a pas decorrespondance point par point des trajets optiques différents de λ / 2 et le calculdu rayon de la tache de diffraction, qui est évidemment circulaire cette fois, estbeaucoup plus difficile, nous nous contenterons d'énoncer ici le résultatfondamental du calcul réalisé pour la première fois par G. Airy : le rayon linéairede la tache de diffraction donnée par un objectif de diamètre D, et de longueurfocale f est égal à :

Df

linéaire λρ 22,1=

f / D caractérise l'inverse de l'ouverture relative de l'objectif ; λ est la longueurd’onde des rayons lumineux ; pour les rayons les plus actifs sur l'œil elle vaut0µ56, donc avec un miroir ordinaire de télescope ouvert à f / D = 6 le rayon de latache de diffraction mesuré dans le plan focal mesure :

.1,4656,022,1 microns=××=ρ

telle est la limite imposée par la diffraction. L'opticien doit retoucher le miroirjusqu'à ce que tous les rayons émergents convergent effectivement dans un petitcercle de cette dimension.

Tous les objectifs ayant même ouverture relative donnent des taches dediffraction identiques, mais dont l’importance angulaire diminue quand lalongueur focale f et par conséquent D augmentent. Le rayon angulaire de la tachede diffraction intéresse au premier chef l'astronome, puisqu’il fixe la limite

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du plus, petit détail que l'on peut voir avec certitude dans l’instrument, il vaut enradians :

Dang

λρ 22,1=

Pour convertir en secondes d'arc il faut multiplier par 206.265″, pour λ = 0,56µmcela donne

D1,14

"=ρ

ρ est en secondes d'arc et D compté en centimètresIl ne dépend que de la longueur d'onde de la lumière et du diamètre D de

l'objectif. L’astronome est beaucoup plus limité que le micrographe dans le choixde la longueur d'onde de la lumière employée ; il est bien forcé d'accepter lalumière des étoiles telle qu'elle peut nous parvenir àtravers ce filtre très sélecteur qu’estnotre atmosphère ; s'il veut voir plusde détails il est donc forcéd'augmenter le diamètre de sonobjectif. Une vie d'amateur se passeparfois à conquérir étape par étapecette puissance ; nous verrons plusloin pourquoi il faut se limiter.

Si l’on considère la répartition del'énergie lumineuse dans la tache dediffraction, on voit qu'au centrel'intensité est très grande, qu'elles’abaisse vite et s’annule pourl’anneau noir de rayon ρ que nousvenons de calculer, mais qu'au delàl’interférence n’est plus totale : ilapparaît des anneaux faiblementlumineux qui deviennent rapidementinsensibles. Avec une étoile pas tropbrillante, on voit juste le premier etun peu le second. Il est important dese familiariser avec ce faux disqueentouré d’anneaux que présentent lesétoiles examinées avec ungrossissement très fort et un objectifparfait. On a un bon critère de miseau point exacte en cherchant à rendrele premier anneau noir aussi obscurque possible ; on ne peut y parvenirqu’avec un bon objectif, bienentendu.

Fig. 5. – Distribution de la lumière Dans la tache de diffraction

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Point n'est besoin de matériel coûteux pour observer cette apparencethéorique : plaçons devant une ampoule électrique à filament visible un écran encarton mince percé d'un petit trou obtenu par le passage d'une aiguille ou d’uneépingle ordinaire de 7 / 10 de millimètre de diamètre, si l’on place l’œil à 1 ou 2mètres de cette «étoile artificielle » on n'observe pas d’anneaux et de faux disqueparce que l'objectif de notre œil est trop grand pour nous fausser sensiblement laréalité dans ces conditions, mais mettons tout contre lui un petit diaphragmeobtenu en ne passant cette fois que la moitié de la longueur de la pointe de notreaiguille dans une carte de visite ; si une portion du filament de la lampe est bienderrière le trou-étoile, nous voyons cette fois admirablement l’aspect théorique dela figure 5 et pouvons vérifier en enfonçant plus ou moins l'aiguille dans la cartede visite que le diamètre du faux disque diminue, donc que l'on se rapproche de laréalité, quand le diamètre de l'objectif augmente

4. Règle de Lord Rayleigh. - Il est intéressant de fixer la grandeur du défautmatériel de l'objectif qui commence à porter atteinte à la perfection de l'image dediffraction. Lord Rayleigh a trouvé que si l’onde défectueuse réelle fournie parl'objectif ne s'écarte pas de l'onde sphérique idéale de plus d'un quart de lalongueur d'onde de la lumière, l'image de diffraction ne subit que de faiblesaltérations ; le maximum central est réduit à 8o % de sa valeur et le premierminimum n'est plus tout à fait nul.

Comme cette tolérance est souvent adoptée, il est utile de montrer à quoi ellecorrespond sur le verre :

1/4 de la longueur d’onde des rayons les plus actifs sur l’œil 1404560

µµ

== .

S'il s'agit d'un miroir (fig. 6 a) présentant un défaut en creux de profondeur δ,on voit que c'est un chemin supplémentaire à parcourir deux fois par les rayonslumineux, l'onde émergente portera donc en ce point un retard total de 2 δ ; il faut

donc que 2140µ

δ ≤ . Le plus grand défaut que l'on pourra tolérer sera de 0 µ 07

(7 cent millièmes de millimètre).Par contre s'il s'agit d'une lentille (fig. 6 b) ayant ce défaut en creux, c'est une

épaisseur de verre plus faible à traverser pour la lumière, donc une avance surl'onde émergente qui vaudra : ε = δ (n - 1) ; comme n-1 vaut sensiblement o,5 avecle verre «crown » ordinaire, si l'on veut que ε ne dépasse pas le quart d'onde, onpourra tolérer sur le verre un défaut de o µ 28 quatre fois plus grand que dans lecas d'un miroir

On aurait tort de croire qu'un objectif satisfaisant à cette condition soitnécessairement irréprochable. Pour préciser, mentionnons les restrictionssuivantes, dont nous tiendrons compte lors du contrôle final :

A. Danjon rappelant (1) que c'est le défaut réel qui se présente effectivementquand on observe qui nous intéresse, il faut tenir compte des perturbationsatmosphériques qui s'ajoutent aux défauts de l'objectif, leur somme dépassantbeaucoup plus fréquemment la limite tolérable, si l'objectif possède déjà desdéfauts voisins du quart d'onde ; un tel objectif est donc beaucoup plus sensible à

(1) Etude interférentielle de la scintillation. Réunion Institut d'optique, 1933, 2e réunion.

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l'agitation atmosphérique qu'un objectif parfait de même diamètre, ce qui neprésente évidemment d’intérêt que, si c’est la turbulence que l'on étudie.

Fig. 6. – Défauts tolérables avec un objectif réfracteur et réflecteur

A. Couder a montré en outre (1) que la forme et le nombre des défauts ont unegrande importance : par exemple de nombreux petits défauts à pentes abruptespeuvent rejeter hors du faux disque de la tache de diffraction une bonne partie del'énergie lumineuse, et il a donné dans le Bulletin de la S.A.F. un exemple d’unegrave altération de ce genre (2). Nous avons eu l’occasion de décrire spécialementces défauts (3).

Enfin, considérant la visibilité des objets peu contrastés et non pas seulement lecas très favorable d'une étoile, Françon (4) a trouvé que pour les plus faiblescontrastes perceptibles (qui se rencontrent dans l'observation planétaire) un défautsur l'onde égal à λ / 16 commence à être nuisible, ce qui porte le plus grand défauttolérable sur un miroir à moins de o µ 02. Le plus difficile d'ailleurs n'est pas deréaliser l'objectif avec cette précision, mais d'obtenir effectivement sur le ciel uneonde émergente de cette qualité. Tous les observateurs de planètes connaissent laperte de visibilité de plages faibles dès que l'image n’est plus très bonne.

5. Description sommaire des principaux types d’instrumentsastronomiques. - Les réfracteurs désignés en France sous le nom de lunettes,possèdent un long tube (fig. 7) muni à une extrémité d'un objectif achromatiquecomposé le plus souvent de deux lentilles taillées dans des verres différents quidoivent répondre à des conditions rigoureuses d'homogénéité et d'indice et dont lescourbures sont imposées. L’autre extrémité du tube possède un porte-oculairepermettant la mise au point et le changement d'oculaire.

(1) « Défauts des instruments réels. » Cahiers de Physique, n° 26, déc. 1944. Voir aussi Lunettes ettélescopes, p. 85 et 521.(2) Sur la construction cellulaire des miroirs de télescopes. L’A., t. 50, 1936, févr., p. 66.(3) Ciel et Terre, LXVIe année ; n°s 3-4 ; mars-avril 1950 ; p. 57.(4) Vision dans un instrument entaché d’aberration sphérique. Cahiers de Physique, n° 26, déc.1944. Revue d’Optique, t. 26, n° 10, 1947, p. 354.

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L'objectif d'un télescope est un miroir concave qui se présente sous la formed'un disque de verre épais pouvant avoir des défauts internes parce qu'il ne sert quede support, la face polie concave dont la courbure est à peine visible pour unprofane (environ 2 millimètres de creux sur un miroir ordinaire de 20 centimètres)est rendue réfléchissante par un dépôt d'argent obtenu par réduction chimique oupar un dépôt d'aluminium évaporé dans le vide (une couche de 1 / 10 de micron estdéjà parfaitement opaque).

Fig. 7. – Disposition générale et encombrements comparés des principaux types d’instruments demême puissance

Le miroir placé en bas du tube donnerait une image inaccessible dans un petitinstrument, puisque l'observateur intercepterait avec sa tête la plus grande partiedes rayons incidents ; dans le montage de Newton (fig. 7) on rejette le faisceauhors du tube dans une position commode pour observer ; dans le montage deCassegrain (fig 7) le grand miroir est percé au milieu d'un trou qui permet lepassage du cône de rayons lumineux allongé par interposition d'un petit miroirconvexe dans le faisceau principal.

Il n'y a pas d'instrument universel vraiment bien adapté à des travaux trèsdifférents ; même l’amateur simplement curieux d'une revue non spécialisée descuriosités du ciel a intérêt à fixer son choix du type, des dimensions, de la montureà adopter en tenant compte :

1° du travail plus spécialement envisagé2° de l'emplacement disponible pour observer et des conditions locales3° du budget, de l'outillage, de l'habileté qu'il possède.

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6. Lunette ou télescope. Cette question a été maintes fois débattue, nous nousbornerons ici à des indications très brèves, mais en prenant en considération desarguments pratiques qui comptent beaucoup dans des réalisations d'amateurs.

Nous avons vu au § 3 que la figure de diffraction ne dépendait que de lalongueur d'onde de la lumière et du diamètre de l'objectif ; un objectif réfracteur etun miroir de même diamètre sont donc équivalents quant à la petitesse des détailsperceptibles. Comme autre point commun entre la lunette et le télescope, on petitdire que pour des diamètres courants d'une vingtaine de centimètres et pour lesradiations actives sur l’œil, la quantité de lumière réfléchie par une combinaisonde deux miroirs bien argentés ou aluminés est à peu de chose près la même quecelle qui traverse un objectif à deux lentilles,

Voyons maintenant les différences qui peuvent décider de notre choix :

1° Lunettes (réfracteurs) généralement préférées en France :

Avantages : Calme des images, pas de remous de convection dans le tubefermé en haut par l'objectif.

Stabilité de la longueur focale (mesures micrométriques, photos).Déformations des lentilles (flexions, dilatations) moins nuisibles aux images

que celles d'un miroir.Possibilité de correction facile de la «coma», ce qui augmente le champ

utilisable en photographie.Simplicité d'emploi, les objectifs peu altérables ne demandent presque aucun

entretien. Dans un petit instrument, ils sont souvent centrés une fois pour toutespar le constructeur, mais tout observateur digne de ce nom doit savoir faire leréglage.

Inconvénients : Achromatisme imparfait, les radiations de courtes longueursd'onde surtout (violet) sont étalées dans un objectif visuel très loin du foyer pourles rayons jaunes (fig. 8). L'instrument agit comme un filtre sélecteur jaune. Lestentatives de corrections meilleures difficilement praticables au delà de 20centimètres d’ouverture comportent d'autres inconvénients (courbures très fortes,adjonction d'une troisième lentille).

Encombrement (fig. 7) : pour rendre le défaut précédent admissible, on estforcé d'adopter une longueur focale de quinze fois environ l'ouverture de l'objectif,à partir de 20 centimètres d'ouverture (tube de 3 mètres de long), cela devientimpraticable pour l'amateur.

Réalisation onéreuse : l’objectif est taillé dans des verres d'optique de premierchoix qui coûtent très cher si l'on dépasse 15 centimètres de diamètre ; il faut uncertain outillage et des pièces de référence de contrôle pour le tailler, malgré laprécision quatre fois moins grande des surfaces, c’est un capital trop importantpour être risqué par un débutant.

Le prix total de l'instrument est toujours beaucoup plus élevé que celui dutélescope équivalent.

2° Télescopes (réflecteurs) plus répandus chez les amateurs anglo-américains

Avantages : Achromatisme parfait ; les couches d'argent et d'aluminium ont unpouvoir réflecteur élevé et presque constant pour toute l'étendue du spectre visible(fig. 9).

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Encombrement réduit (fig. 7), le tube est au moins deux fois plus court quecelui d’une lunette de même ouverture, d’où meilleure stabilité de la monture etfacilité d'installation et d'observation.

Possibilité de tailler soi-même la pièce maîtresse la plus coûteuse : le miroir, àtrès peu de frais ; ceci met à la portée de l'amateur moyen des diamètres d'objectifsqui lui seraient absolument inaccessibles autrement (jusqu'à 5o centimètres dediamètre au moins).

Fig. 8. – Aberration chromatique longitudinale Fig. 9. – Pouvoirs réflecteurs d’un objectif réfracteur de miroirs aluminés ou argentés

Inconvénients : Obstruction par le miroir secondaire ; la perte de lumière estgénéralement sans importance, mais la figure de diffraction est légèrement altérée; si le petit miroir a un diamètre égal au quart de celui du grand, le premier anneaude diffraction a son intensité doublée aux dépens de la tache centrale dont lesommet est abaissé de 15 % (1). Cette question est discutée plus en détail auparagraphe 62. Les trois ou quatre lames minces qui supportent le petit miroircausent six ou quatre fines aigrettes autour des étoiles brillantes. C'est uninconvénient non négligeable pour l'observation planétaire surtout, mais qui nedoit pas être exagéré, certains détracteurs de télescopes font confiance à desréfracteurs qui possèdent un résidu d'aberration de sphéricité renforçant biendavantage le premier anneau. On peut d'ailleurs le réduire presque à rien enadoptant un rapport f /D = à 8 ou 10 et en choisissant un miroir plan (en Newton)qui couvre juste le faisceau axial, cela ne présente pas d'inconvénient pourl'observation planétaire ; on peut réduire ainsi à 1 / 8 environ l'obstruction, ce quirend inutiles les solutions scabreuses des miroirs employés hors de l'axe.

Champ réduit : avec les combinaisons classiques l'image n'est parfaite que surl'axe, pour l'observation visuelle le champ est toujours suffisant pour ne pasconstituer un inconvénient, mais il faut faire attention en photographie.

Oculaires : avec le rapport f / D égal 6 pour obtenir les forts grossissements, ilfaut employer des oculaires à très court foyer ; en outre la correction des oculairessimples est insuffisante pour un cône de rayons aussi ouvert ; pour avoir de très

(1) Pour plus de détail consulter l’étude de Louis ROY, L’A. t. 45, 1931, p. 424.

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bons résultats, il faut acheter de coûteux oculaires orthoscopiques ou des Plössl ;ces deux inconvénients sont levés simultanément par l'adoption de la combinaisonCassegrain, malheureusement plus difficile à construire et déconseillée audébutant.

Agitation des images, le plus grave pour ne pas dire le seul défaut pratique.Les remous de convection dans le tube sont très difficiles à éliminercomplètement, il est beaucoup plus difficile d'observer la figure de diffractionthéorique sur une étoile qu'avec une lunette de même diamètre et l'observationplanétaire également est plus laborieuse parce que les moments utilisables sontmoins fréquents. Dans un instrument de 20 centimètres d'ouverture, il estcependant assez facile d'obtenir de bons résultats à condition de ne pas copier lesmodèles classiques des constructeurs ou les charpentes des télescopes géants. Unremède plus radical, qui se justifie surtout pour un instrument de 25 centimètres ouplus d'ouverture, consiste à fermer le tube hermétiquement par une lame optique àfaces planes et parallèles, voir paragraphe 87.

Déformations thermiques et mécaniques du miroir ; le plan focal estlégèrement déplacé et introduction d'aberration de sphéricité. Dans un petitinstrument l'effet est insensible ; pour fixer les idées disons qu'avec unecombinaison Cassegrain de 257 millimètres d'ouverture et 5 500 millimètres delongueur focale, le tour de vis micrométrique en un an n'a pas varié de 1 / 100 deseconde d'arc (la variation diurne est encore plus faible).

Réargenture : En ville, il faut souvent réargenter les miroirs non protégés tousles six mois (fig. 9). Actuellement l'aluminure lève cet ennui puisqu'une bonnecouche dure normalement cinq ans et garde son pouvoir réflecteur élevé pendantce temps.

7. Conclusion pratique : le télescope standard. - Pour une revue généraledes curiosités du ciel, on se contente le plus souvent d’un petit instrument demoins de 110 millimètres d'ouverture qui doit créer le moins de soucis possibles àson possesseur ; il n'est pas douteux qu'une lunette soit préférable dans cesconditions. Remarquons toutefois que le moindre télescope de 150 millimètres,même approximativement réalisé, est incontestablement supérieur à la lunette de110 millimètres de l'industrie et coûte bien moins cher.

Un instrument plus puissant est nécessaire pour voir des détails intéressants surles planètes, suivre de faibles étoiles variables, observer les étoiles doubles un peuserrées, voir convenablement les nébuleuses, etc... , mais une ouverture de 20centimètres est déjà difficilement praticable pour un particulier avec un réfracteur,celui qui mesure des étoiles doubles lui donnera encore sans doute la préférence (àcause de la vision plus facile du faux disque, et non à cause du changement defoyer du miroir), mais tous les autres choisiront par force un télescope infinimentmoins coûteux et plus facile à installer. La facilité relative qu'il y a de taillersoi-même un puissant miroir jusqu'à 50 centimètres de diamètre au moins,constitue même un danger ; il faut bien se dire d'avance que si l'on peut exploitercommodément un miroir de 20 centimètres avec une monture azimutale trèssimple pesant en tout moins de 20 kilogrammes, un télescope de 50 centimètres nepeut raisonnablement pas, se passer d'une robuste monture équatoriale etreprésente au total près d’une tonne de mécanique!

La course au diamètre ne doit pas faire oublier non plus les limitations étroites

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à 1’encombrement et surtout à la qualité des images que constituent les conditionslocales. Il ne faut jamais oublier que, sauf exception, il est impossible d'utiliserconvenablement à travers une fenêtre en ville un instrument de plus de 150millimètres d’ouverture. Sur un balcon ordinaire un télescope de 200 millimètresconstitue le maximum pratique, dans un grenier percé d'une grande ouverture àchâssis roulant, un télescope de 250 millimètres travaille déjà rarement à plein

Fig. 10. – Télescope standard de 20 centimètres à f/D = 6. Le miroir donne une onde correcte à λ/12, lesgrossissements normaux vont jusqu’à 400 fois.

rendement, pour aller plus loin une large terrasse protégée de la chaleur par despaillassons et assez stable est nécessaire, un large espace bien dégagé de touteconstruction au milieu d'une pelouse gazonnée est encore bien préférable ; maisalors le problème de l'abri se pose : une coupole légère en zinc n’empêche pasl'instrument de chauffer une construction à double paroi coûte cher, une cabane àtoit roulant ne donne pas de remous de trappe, mais la protection contre le vent estun peu moins bonne ;

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nous ne pouvons qu'effleurer dans cette première discussion toutes les difficultés quiattendent celui qui veut utiliser convenablement un instrument de plus de 30centimètres d’ouverture.

Nous avons tout ce qu'il nous faut maintenant pour choisir les caractéristiquesessentielles de l'instrument standard d'amateur :

Ce sera un télescope, beaucoup plus facile à construire et moins encombrantqu'une lunette à diamètre égal.

Il sera du type «newton» : plus facile à réaliser pour un débutant que le modèlede Cassegrain.

Il aura 20 centimètres d'ouverture, bon compromis général entre la puissance etles difficultés de réalisation et d'emploi.

Son ouverture relative f /D = 8 ou 6 suivant que l'on dispose ou non d'unemplacement suffisant.

Sa monture sera azimutale et du modèle imaginé par A. Couder parce que c'est leplus facile à réaliser correctement à peu de frais par un non professionnel.Les chapitres II, III, IV, V se rapportent plus spécialement à ce modèle, mais tout cequi concerne le travail du verre est applicable presque sans changement aux miroirsde 15 à 30 centimètres de diamètre et constitue en tous cas l’apprentissageindispensable pour entreprendre des travaux plus difficiles décrits chapitres VI, VII,VIII, IX et X.

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CHAPITRE II

RÉALISATION DU GRAND MIROIR

8. La forme du grand miroir du télescope Newton. – Les lois élémentaires dela réflexion permettent de prévoir facilement qu'un miroir sphérique concavedonnera une image parfaite d'un objet placé près de son centre de courbure ;l'observation d'astres que l'on peut considérer comme infiniment éloignés exige aucontraire que tous les rayons incidents parallèles à l'axe (fig. 11) soient réfléchispar notre miroir, de façon à se rassembler au même point F (1), cette conditionassociée aux lois de la réflexion permet de prévoir par la géométrie

Fig. 11. – Nécessité d’un miroir parabolique Fig. 12. – Comparaison d’une parabole à 3 sphères de rayons décroissants

sans ambiguïté la forme de la méridienne du miroir (2) qui donnera une imagefocale parfaite F, sur l'axe CS, d'un objet à l'infini, c'est une parabole d'axe CS, lacalotte concave engendrée par cette courbe tournant sur son axe est un paraboloïde,mais par une incorrection de langage courante, on dit presque toujours un miroirparabolique.

Une telle définition ne doit pas effaroucher les non-mathématiciens ni leurlaisser croire qu'il s'agit là d'une forme difficile à obtenir. Nous verrons un peu plusloin que la forme générale qui tend à s'engendrer automatiquement au polissage, sil'on travaille convenablement, est la forme sphérique ; pour apprécier la difficultédu travail il est donc naturel de comparer le paraboloïde à la sphère. Cettecomparaison peut se faire de bien des façons différentes

(1) Aux phénomènes de diffraction près que nous avons vus § 3, bien entendu.(2) La démonstration se trouve dans Lunettes et Télescopes, § 43, p. 135.

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suivant le rayon de la sphère choisie (fig. 12), si l’on considère la sphère tangenteau sommet du miroir, comme la parabole a une courbure qui diminue légèrementen allant vers le bord (on dit à l'atelier qu'elle se « rajeunit ») elle s'évase un peuplus que cette sphère et l'écart maximum au bord, de grandeur e mesure

3

4

641

fh

e =

h est la hauteur d'incidence ou rayon du miroir au point considéré ;f la longueur focale.Avec le miroir de notre télescope standard à f / D = 6 cela donne :

h = 10 f = 120

cme 43

4

10.9,012010

641 −=⋅=

Neuf dixièmes de micron seulement.Mais il y a une sphère de rayon légèrement différent tangente au centre du

paraboloïde et qui le coupe au bord (fig. 12) par rapport à laquelle l'écart est quatrefois moindre ; dans le cas qui nous intéresse cela fait 0 µ 22.

Une telle différence est de l'ordre de grandeur de celles que le polissage soignéintroduit habituellement par rapport à la sphère pour des verres de ce diamètre ;contrairement à ce que l'on croit d'ordinaire, il est donc aussi facile d'engendrerd'emblée une telle parabole qu'une sphère, Il faut être bien naïf pour écouter lesopticiens de l'industrie s'étendre complaisamment sur les difficultés de laparabolisation alors que la surface qu'ils croient sphérique possède déjà des défautsde l'ordre de grandeur des déformations qui nous intéressent (une frange), mais quisont malheureusement quelconques ; nous voulons au minimum une précision dixfois meilleure. C'est uniquement cette condition qui rend le travail difficile qu'ils'agisse d'une sphère ou d'un paraboloïde.

Si f / D est un nombre assez grand, autrement dit si l'ouverture relative est assezpetite, on comprend que la parabole ne s'écartera pas beaucoup de la sphère à un telpoint qu'un miroir sphérique satisfera à la règle de Rayleigh (§4) et donnera desimages stellaires pratiquement parfaites.

Nous empruntons à Lunettes et Télescopes la formule qui donne la longueurfocale f qu'il faut donner à un miroir sphérique de diamètre D pour qu'il satisfasse àcette condition :

43 9,34 Df ≥

Donnons quelques exemples pour des miroirs d'amateurs :

D cm f minimum en cm f / D

8 52 6,510 70 712 90 7,515 120 818 153 8,520 177 8,925 240 9,630 303 10,1

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Mais attention ! il faut que le miroir soit effectivement sphérique ; il seraitparfaitement ridicule de tailler le dernier miroir de cette série avec 3 mètres delongueur locale, si l'on n'a pas besoin d'un tel rapport d'ouverture, dans 1’espoird'obtenir automatiquement une sphère utilisable. Par contre, un modeste débutantvoulant simplifier au maximum son entreprise et se passer de contrôlescomportant des mesures aura quelques chances de réussir avec un miroir de 15centimètres répondant à ces caractéristiques. Nous reviendrons en détail là-dessus.

9. Généralités sur le travail du verre et théories du polissage. - C'esttoujours un objet de surprise pour un profane d'apprendre que les surfaces les plusprécises que l'homme sache réaliser, sont faites à la main sans le secours de lamoindre machine et grâce à des procédés apparemment enfantins. Nous sommesvictime de notre « bon sens »,lentement façonné par ce sièclemécaniqueà admirer les belles machinescompliquées. il nous faut faire uneffort réel pour avoir une vue unpeu saine de la question. Le travaildes surfaces de haute précision estdominé par deux faits essentielsconnus ou inconsciemmentappliqués depuis l'âge de pierre :l'exploitation des procédés derodage et celle de la loi des grandsnombres.

Fig. 13. – Mécanisme de l’abrasion (J. Strong)

Roder une surface, c'est la frotter contre une autre d'étendue comparable, quiprend alors le nom d'outil, avec interposition d'un abrasif, c'est-à-dire une poudrecomposée de petits grains coupants plus durs que le corps à travailler. Lacombinaison du mouvement de translation et de la pression que l'on fait subir auxpièces, pression répartie sur les dures arêtes aiguës des grains d'abrasif (fig 13)provoque avec une substance cassante comme le verre une multitude de fractureset de petits éclats principalement sur les régions saillantes qui ont donc tendanceà disparaître.

Si la loi du mouvement relatif des pièces est telle qu'un régime de pressionségales puisse exister partout, en obtiendra automatiquement le nivellement dessurfaces avec une précision meilleure que le diamètre des grains interposés. Si cemouvement est dirigé en tous sens les surfaces prendront nécessairement uneforme sphérique (ou plane comme cas particulier) car c'est la seule qui leurpermet de s'épouser dans toutes les positions. Les accidents élémentaires sontaussi comparables en grandeur à la grosseur des grains interposés. Mais unepetite inégalité de pression par exemple reproduite à chaque fois au même pointde la course ne manquerait pas de créer une déformation notable ; pour l'éviter, ilfaut rendre cette répétition exacte improbable et exploiter la loi des grandsnombres. Comme le travail exige au total plusieurs centaines de milliers decourses, on conçoit que si le mouvement est donné à la main par une personne quisait à peu près l'amplitude qu'il faut donner au mouvement, il se produira à lalongue une compensation étonnamment exacte

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des erreurs individuelles; on peut dire que plus l'opérateur fera de maladressesdifférentes, mieux il réussira.

Quand on taille un grand miroir de plus de 1 mètre, la manœuvre de l'outil peutdépasser les forces d'un homme ou de plusieurs ; on est bien forcé de prendre unemachine ; la difficulté consiste alors à savoir rompre de façon aussi incohérente quepossible la « personnalité » de cette machine; on termine toujours d'ailleurs par untravail local à la main.

L'exécution de la surface optique d'unmiroir comporte trois phases principales :

Fig. 14. – Illustration de la théoriede Lord Rayleigh.

L’ébauchage : Partant d'un disquebrut en verre, dont les faces sontapproximativement planes, on creusel'une d'elles en la rodant sur une contre-partie qui est un autre disque en verre demême diamètre, en interposant unabrasif très dur relativement grossier[carbo de 2/10 de millimètre de grosseur(fig. 15 A)] et en faisant des courses trèsanormales qui ont pour effet de localiserla pression presque uniquement aucentre du disque miroir, ce qui lui donnerapidement et grosso modo la concavitédésirée

L’apprêt et le douci ont le double butd’améliorer la forme générale

précédente et de diminuer le plus possible l'importance des accidents élémentairesde façon à rendre le polissage praticable. A l’inverse de l’ébauchage on emploiemaintenant des abrasifs de grosseur décroissante dont les plus fins sont composésde grains de quelques microns (fig. 15B) de diamètre et des courses normalestendant à produire une action uniforme sur toute la surface. Quand les accidentsn'ont plus que quelques microns de profondeur, il devient difficile de les réduire defaçon très régulière simultanément partout, l'idée pourtant logique de passerinsensiblement du douci au poli est contredite par l'expérience, il y a discontinuitéentre les deux: il semble que la petitesse des accidents que l’on peut détacher duverre soit limitée ; notre bon sens est ici en défaut.

Le polissage est en effet une opération bien différente, le rouge à polir composéde grains réguliers de 0 µ 5 de diamètre (fig. 15 C) produirait une sorte de douci sil'on continuait d’utiliser tel quel «l′outil » dur précédent. On 1e recouvre d’unesubstance comme la poix capable de capable de se mouler à la longue à 1a formeexacte du verre à travailler, mais rigide pendant le faible temps que dure une course(1) ; c'est dans cette substance que les grains de rouge vont se loger pour constituerle polissoir.

(1) A. COUDER, Lunettes et Télescopes, § 45, p. 145.

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18 bis

Fig. 15. – A la même échelle (Gros. 1 100) :

A) Fragment d’un grain de carbo 120.B) Quelques grains d’émeris à doucir BM 303.C) Grains de rouge à polir.

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Mais il est difficile d'avoir une idée claire de ce qui se passe pendant le travail.Les plus célèbres amateurs tailleurs de miroirs, Newton et Herschel, croyaient quele polissage n'était qu'une sorte de rodage fin dont les accidents devenaient assezpetits pour constituer une surface unie au degré voulu. Elihu Thompson (1) ;poursuivant cette idée, décrit l'action du polissoir à la poix garni de particules derouge s’ajustant automatiquement à un niveau commun au cours du pressage et dutravail et produisant un réseau de rayures ultra microscopiques ; de même J.Strong(2) dit que les particules d'abrasif ont leurs faces cristallines orientéesidentiquement par le mouvement et parallèlement à la surface, le polissoir devenantun « grattoir complexe » dont les éléments automatiquement ajustés au mêmeniveau, produisent une coupe très douce. B. Lyot, qui a considéré la question dupolissage avec une rigueur particulière pour ses lentilles de coronographe, déclareeffectivement avoir observé en projetant l'image d'un cratère d'un arc électriquepuissant sur une surface pourtant polie avec un soin particulier, d'innombrablespetites rayures croisées en tous sens. Pourtant l'explication jugée généralement laplus satisfaisante est celle de Lord Rayleigh (3) qui remarque que, dès le début dupolissage les sommets des accidents sont nivelés avec un fini parfait, 1'ultra-microscope ne montre rien, les petits plateaux ainsi formés augmentent en surfacejusqu'à ce que l'on ait atteint le fond des piqûres les plus profondes, mais la qualitédes aires polies ne change pas, les accidents sont à l’échelle moléculaire commeceux de la surface libre d'un fluide.

Le verre est donc arraché à une échelle moléculaire (on pèse la pièce avant etaprès) processus radicalement différent de l’action de l'abrasif sur un outil dur quidétache toujours des éclats énormes par rapport aux molécules.

Cependant il n'est pas sûr qu'il n'y ait que du verre enlevé au polissaged'ingénieuses expériences de Motz (4), Selby (5) tendent à montrer l'existence aucours du polissage d'une couche de Beilby (6) bien mise en évidence dans lepolissage des métaux. La force importante transformée en chaleur au cours dutravail suffirait, étant donné la mauvaise conductibilité du verre et de la poix. pourramollir une couche de verre très mince aussitôt étalée par fluage, comme du beurresur du pain, disent certains auteurs : cette explication surprenante ferait mieuxcomprendre l'apparition de piqûres en quelque sorte débouchées quand on reprend,avec une méthode moins violente, le polissage d'une surface travaillée brutalementpar l'industrie. Sans contester la valeur des idées de Lord Rayleigh on peut très bienadmettre une part d’épanchement vraisemblablement très faible d'ailleurs dans letravail de l'optique astronomique.

On voit que, malgré la simplicité des moyens employés, une explicationréellement satisfaisante de ce qui se passe, comporte de grosses difficultés.

Le microscope optique montre encore facilement les grains de rouge dont lagrosseur (0 µ 5) ne semble guère modifiée même après un polissage brutal

(1) « The mechanics of optical polishing. » J.O.S.A., t. 6, 8 oct. 1922. p. 843-847.(2) Procedures in experimental physics, p. 32 (New York Prentice-Hall, inc.).(3) Nature, t. 64, 1901. p. 385 ; Scientific Papers, vol. IV, p. 542.(4) « On the nature of a polished surface. » J.O.S.A., t. 32, 3 mars 1942, p 147(5) Scientific American, déc. 1938, p. 378.(6) Aggregation and flow in solids, 1921..

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(fig. 15 C), mais il est déjà difficile de dire comment ils se fixent dans la poix et ilnous parait impossible de parler de leur mode d’action sans tenir compte destensions superficielles et des attractions moléculaires énormes qui existent auniveau de la couche de verre fraîchement mise à nu, quand 1’eau devient rare enfin de séchée. Si le mode d'action n'est pas clair à notre échelle, le résultat semblecontrôlable de façon assez fidèle, sans parler du microscope électronique qui nemanquera pas de fournir de précieux renseignements sur les accidents élémentairesde surface polies ; mentionnons la belle méthode, récemment mise au point par B.Lyot (1) qui met en évidence les défauts de quelques millimètres carrés de surfacequi correspond en hauteur à des dénivellations à l’échelle moléculaire (quelquesangströms !) présentés par des verres très bien polis (fig. 47). Mais il nous fautrevenir aux défauts, encore plus étendus qui intéressent la forme générale de lapièce optique ; nous savons avec quelle précision cette forme doit être respectée(§4), les procédés que nous avons décrits permettent bien d'obtenir d'emblée despetites surfaces sphériques assez précises si aucune cause d'erreur n'a pus'introduire, mais il serait imprudent de compter systématiquement là-dessus et, entout cas, impossible avec un verre d'une vingtaine de centimètres un peu déformé ;heureusement Léon Foucault nous a laissé un moyen de contrôle merveilleuxuniversellement employé et qui permet de voir les défauts de sphéricité comme s’ilsétaient accessibles à nos sens ; dans les meilleures conditions on met en évidenceavec des moyens très simples des défauts dix fois plus petits que ceux qui peuventcommencer à porter atteinte aux images. Le défaut une fois reconnu en grandeur etposition, la retouche s’opère en perturbant convenablement l'action du polissoir àl'endroit voulu, mais il est difficile d’être vraiment maître de cette action parcequ'elle n'est pas clairement intelligible à nos sens ; il faut donc s'efforcer d'obtenird'emblée la forme voulue avec la meilleure approximation possible afin de réduirele travail « local » au minimum , l’habileté de l'opticien se mesure autant à sonaptitude à produire, par les méthodes générales, la surface désirée avec une bonneapproximation qu'à effacer sans laisser de trace la dernière zone saillante.

Tout ce que nous avons dit dans ce paragraphe ne constitue qu'une mise engarde du lecteur contre son « bon sens » , les raisonnements simplistes nemanqueront pas de lui venir à l'esprit quand il tournera autour de son miroir(condition très favorable au fonctionnement des cellules grises). Nous n'avons paseu la prétention d'expliquer le pourquoi, alors que le comment nous suffira, pourarriver au résultat ; ceux qui s'en contenteront n'auront aucune peine à obtenir leurmiroir, les autres feront bien, s'ils ne disposent pas d'un temps illimité, de terminerle leur également et de faire la cinématique après.

10. La matière première. - Le miroir principal, assez massif, doit cependantconserver le mieux possible sa forme rigoureuse pendant les variations detempérature inévitable. Les propriétés physiques des corps utilisables fournissent unpremier argument pour le choix de la matière.

(1) Procédés permettant d’étudier les irrégularités d’une surface optique bien polie. C. R. Ac. Sc.2 Paris, t.222, 1946, p. 765-768.

(2) A. COUDER, Recherches sur les déformations des grands miroirs employés aux observationsastronomiques, p. 108.

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Prenons après A. Couder (2) la quantité m

cδα, figurant à la dernière colonne du

tableau ci-dessous, comme caractéristique des déformations thermiques prises dansdes conditions données par des disques géométriquement identiques :

MATIERE DENSITEδ

CHALEURSPECIFIQUE

c

CONDUCTIVITECALORIFIQUE

m

COEFFICIENTDE DILATATION

710×α710×

mcαδ

Glace à miroirs 2,5 0,20 0,0018 75 20833

Verre DURAN50

(Schott)

2,23 0,18 0,0028 32 4587

Silice fondue (Corning7940)

2,202 0,177 0,0033 5 591

Silice ULE titanosilicate(Corning 7971)

2,213 0,183 0,00313 0,2 25,9

Céramiquesmicrocristallines CER-VIT(Owens Illinois),ZERODUR (Schott)

2,50 0,217 0,004 0,2 27,1

Bronze à miroirs 8,6 0,079 0,20 186 631,8

Bérylium 1,84 0,425 0,34 120//

90 ⊥276

207

Le bronze est à titre de curiosité ; aucun métal ne possède une stabilitéstructurale suffisante dans le temps ni une homogénéité superficielle acceptablepour la réalisation d'une surface optique de précision comme nous l'entendons denos jours. Le remplacement du bronze par le verre en 1856 (L. Foucault etSteinheil) a marqué un progrès décisif dans l'histoire des réflecteurs.

Le tableau fait apparaître l'intérêt de la silice fondue dont les propriétéscalorifiques exceptionnelles s'associent à une dureté, une stabilité, une inaltérabilitéexcellentes.

L’industrie sait produire actuellement des disques (1) en silice fonduecomportant un noyau obtenu par fusion de sable, ce qui le rend laiteux, pris ensandwich entre deux couches de silice obtenue à partir de canons de quartz seulesusceptible d'un poli optique.

Le diamètre de ces disques peut atteindre 60 centimètres mais le prix en est trèsélevé et la dépense n'est justifiée que pour des miroirs plans de cœlostatdirectement exposés au soleil. En outre l'ébauchage serait extrêmement péniblepour un amateur mal outillé.

Le Pyrex, très employé par les amateurs américains est beaucoup plus difficile àobtenir en France en disques de dimensions suffisantes. Sa dureté et soninaltérabilité sont supérieures à celles de la glace mais la difficulté de sa fusionpâteuse crée souvent des sirops internes qui affleurés au polissage sont une cause dedéfectuosités non retouchables. En outre le recuit est négligé.

Malgré ses propriétés à priori défavorables la simple glace de Saint-Gobain esten fait très intéressante pour les petits miroirs d'amateurs. L’on pourrait secontenter, surtout pour les outils de disques simplement taillés dans des dallages àfaces grossières ; il est cependant préférable de commander des disquesspécialement choisis et recuits au moins en ce qui concerne le miroir. L'handicapapparent de la glace ne s'observe pas en fait, surtout avec les petits miroirs, parceque les déformations réelles des disques au cours des changements de températureparaissent liées bien davantage à des défectuosités de recuit, qu'il faudrait chiffrerdans chaque cas particulier, qu'aux propriétés physiques générales qui expliquentmal ou pas du tout les phénomènes observés. En effet un verre comprend deuxvariétés allotropiques dont les propriété physiques et

(l) Les adresses des fournisseurs principaux sont données § 13.

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notamment le coefficient de dilatation, sont légèrement différentes. La variété α eststable à froid et le verre β stable à chaud. Le point de transformation est voisin de650 °C. Refroidir trop vite un disque revient à emprisonner un noyau de verre βdans une cangue de verre α, durcie prématurément, et qui lui impose des tensions ;d'où biréfringence, ce qui ne gène pas pour un miroir de télescope mais aussiinstabilité structurale et grande sensibilité aux variations de température.

La solution luxueuse pour l'amateur consiste à commander un disque miroir enverre d'optique recuit fin astronomique ; le verre CALEX de Parra Mantois estparticulièrement intéressant et pas trop onéreux si l'on se contente de la qualitésecond choix qui peut comporter des petits défauts internes sans aucune importancepour un miroir. Seul le recuit fin est vraiment essentiel et à ce point de vue lesprogrès récents en verrerie scientifique ont permis d'atteindre une perfectionextraordinaire.

Pour le diamètre à commander, il faut majorer d'un centimètre l'ouverturenominale désirée pour tenir compte du biseau indispensable et des défauts optiquesdu bord externe que l'on ne peut toujours complètement éviter. L'épaisseur dumiroir ne doit pas être choisie au hasard : le montage correct des petits miroirs sefait le plus simplement en les posant sur trois points saillants de la monture,disposés aux sommets d'un triangle équilatéral juste inscrit dans le contour duverre; la relation de A. Couder (1) permet de calculer alors l'épaisseur minimumd'un disque qui ne présente pas de flexion de caractère optique nuisible dans cesconditions quand l'instrument vise au zénith :

00012

4

≤eR R = rayon du miroir en centimètres

e = épaisseur du miroir en centimètres

D = 2R cm e cm Poids (g)

16 2,5 1 25018 2,7 1 70020 3,3 2 60022 4,0 3 80024 4,8 5 430

Voici quelques exemples avec des épaisseurs légèrement majorées pour tenircompte des pertes à l'ébauchage. Le poids du télescope croit très vite avec celui dumiroir, une épaisseur inutilement grande est donc beaucoup plus onéreuse qu'on nele pense a priori et présente en outre de sérieux inconvénients pour l'équilibragethermique. Au delà du dernier diamètre du tableau, il devient préférable decompliquer le barillet plutôt que de continuer à respecter la relation qui conduiraitrapidement à des épaisseurs prohibitives (on trouvera tous les renseignementsvoulus dans le mémoire cité et § 84).

L’épaisseur du disque outil peut être plus faible, d'où possibilité de polir avecl’outil dessus et des pressions plus faibles. On prendra donc des dalles de 25millimètres environ d'épaisseur pour les outils jusqu’à 20 centimètres de diamètreet de 30 millimètres pour ceux qui ne dépassent pas 30 centimètres.

(1) A.COUDER, thèse, Recherche sur des déformations des grands miroirs employés auxobservations astronomiques, p. 59. A défaut, voir Lunettes et Télescopes, § 120, p. 567.

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11. Abrasifs. - Le carbure de silicium SiC ou Carborundum, obtenuindustriellement au four électrique, est une poudre d'un bleu noir ou verdâtresuivant la qualité. Les grains sont triés au moyen de tamis dont le nombre demailles au pouce carré définit commercialement le numéro. La très grande duretéde cet abrasif permet de gagner un temps sensible à l'ébauchage, le grain 80 (c'est-à-dire trié avec le tamis à 80 mailles) est souvent employé par les amateurs ; mais,si le miroir ne dépasse pas 20 centimètres de diamètre et une flèche de 1 mm,5, ilest préférable de s'en tenir au grain n° 120 qui laisse des accidents plus faciles àrattraper. (Nous donnerons les quantités au § 13.) Certains fabricants étrangers ontdes séries très riches qui s'étendent jusqu'au n° 3200 et qui peuvent servir àapprêter et doucir complètement les miroirs, surtout ceux en verres durs comme lePyrex, mais il ne faut pas y songer chez nous, on se contentera d'ébaucher au carbole travail étant poursuivi avec l'un des abrasifs moins durs suivant :

Le corindon industriel (corindite de certains fournisseurs) est numéroté dans lemême système que le carbo, mais il faut noter qu'à numéro égal il produit desaccidents plus petits et use moins vite que le carbo à cause de sa dureté moinsgrande ; quelques maisons du marché parisien sont assez bien assorties, les gainsqui nous intéressent vont du 120 au 1200.

Le marché américain et anglais dispose d'excellents corindons blancs dont lesgrains très homogènes sont triés par centrifugation, ils sont vendus dans des boitesmétalliques de 5 livres anglaises. Ces produits de I'American Optical Cie et de laBritish American Optical Cie sont importés en France par Goldring. La maisonMercier vend également une série de corindons blancs légèrement rosés à peu prèséquivalents (voir tableau p.26).

L'émeri reste chez nous un abrasif important et qui donne d'excellents résultatspour le doucissage. C'est de l'alumine naturelle Al2O3 que l'on trouve sous forme deroches (île de Naxos) mélangée à des impuretés diverses (oxyde de fer) qui luidonnent une teinte brune ou rougeâtre ; après broyage, on obtient une poudre quiest encore souvent triée par le vieux procédé classique de la lévigation et dont ilfaut dire quelques mots, car il peut nous servir :

Les grains d'émeri tombent dans l'eau d'autant plus rapidement qu'ils sont plusgros ; si l'on brasse bien une certaine quantité de poudre dans un récipient pleind'eau assez haut, on conçoit qu’au bout d'un certain temps (compté en minutes, d'oùle nom de minutage donné à l'opération), il ne restera en suspension que les grainstrop fins pour pouvoir se déposer pendant ce temps ; en siphonant cette eau et enlaissant déposer l'émeri qu'elle contient, on recueillera donc de l’émeri à tant deminutes. Le minutage théorique se rapporte à une chute dans un mètre d'eau ;pratiquement les émeris de même numéro livrés par différents fournisseurs sontaussi peu comparables entre eux que les rapidités des émulsions photographiquesdonnées par les fabricants ; malheureusement ce n'est pas leur plus grave défaut.Sans parler du danger de contamination par les poudres plus grosses pour lesémeris vendus en vrac,dans des sacs en papier et dont on ne saurait trop se méfier,il faut attirer l'attention sur une opération importante que les fournisseurs nonopticiens ne font pas subir à leurs émeris minutés : c'est le “débourbage”. Quand onrecueille les émeris les plus fins utilisés pratiquement, c’est-à-dire ceux de 40 et de

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60 minutes, on n'obtient pas seulement les grains qui franchissent un mètre d’eauen 40 ou 60 minutes, mais tous ceux qui sont encore plus petits, y compris une sortede farine qui constitue une boue très nuisible à un travail d'abrasion correct. C'estun peu comme si l'on voulait utiliser de l'émeri qui vient de servir et qui estencombré des débris de verre ; pour tirer parti de tels émeris, il est utile de les laverde nombreuses fois en utilisant un seau d’une dizaine de litres pour 1 kilogrammed'émeri au plus ; on commence par bien brasser pendant plusieurs minutes pourbien séparer la boue des grains utiles et on laisse reposer un temps suffisant pourque l'émeri utile se dépose ; la boue qui surnage et la poussière qui reste ensuspension doivent être rejetées avec l'eau du seau. On renouvelle l'eau et onrecommence tant que l'émeri ne se dépose pas franchement en une masse brunfoncé ou noirâtre laissant une eau de décantation claire. On pouvait obtenir avantguerre d’excellents émeris bien débourbés auprès des grosses maisons de lunetteriequi les récupéraient à partir d'émeris usés convenablement lavés et minutés. Avecles émeris ordinaires actuels du commerce, il faut s'estimer heureux si l'on peutrécupérer 50 % du poids initial en émeri utilisable.

12. Produits à polir. – Poix pour polissoirs. - C'est une sorte de résine noiresécrétée par les sapins du Nord qui fond vers 60°, mais se moule très bien à latempérature ordinaire à la forme d'un objet, si elle est pressée longuement contrelui. Cette viscosité de la poix est peut-être sa qualité la plus précieuse ; il faut biense garder de la réduire par addition de cire ou autres ingrédients. Les poix les plusréputées en optique proviennent de Suède, d'Arkhangelsk et de Norvège, et sontvendues en tonneaux ; celle que l'on achète en pains de 1 kilogramme a souvent étéchauffée sans précaution par le détaillant et a perdu certaines de ses qualités : onpeut juger de sa valeur en tenant un petit fragment dans la bouche pendantquelques minutes : si l'on peut la mâcher et l'étirer comme du “chewing-gum”, elleest très bonne ; si elle se brise sous la dent, on pourra l'améliorer en ajoutant del'essence de térébenthine, ce qui ne remplacera pas tous les solvants naturels qu'unchauffage maladroit lui a fait perdre. Comme il n'est pas facile d'obtenir toujours dela poix véritable, mentionnons comme produits de remplacement utilisables larésine, adoucie par de l'huile de lin et le brai de goudron convenablement choisi,épuré et filtré.

Le mélange mis au point en 1964 à l’atelier d’optique de l’observatoire de Kitt-Peak est excellent, il donne des outils qui prennent bien le blanc ou le rouge ets’ajuste au mieux aux température non idéales : 2 parties de résine, 1 partie de brai,ajustage de la dureté avec Hercolyn (liquide visqueux produit par la firme HerculesPowder, Delaware USA) que l’on peut imiter en prenant par exemple : 1 kg derésine, 0,5 kg de brai ou de poix récupérée ayant déjà été durcie et 150 cc (plus oumoins suivant la température) d’huile de ricin .

Rouge à polir. -- Quoi qu’on puisse dire le bon rouge est probablement lemeilleur de tous les agents de polissage, pour l'optique de précision. La calcinationà l'air libre de l'oxalate ferreux donne cette poudre dont les grains très colorés ont0,5µ de diamètre (fig. 15 C).

Le meilleur moyen pour obtenir du bon rouge est encore de calciner soi-mêmeson oxalate ferreux. C'est une poudre jaune que l'on trouve chez les grandsmarchands de produits chimiques ; on en étale un lit de 2 à 3 centimètresd'épaisseur dans une poêle à frire en tôle bien propre, que l’on porte sur un feu vif(un réchaud à gaz ouvert en grand suffit). Il est utile de ventiler la pièce largement,car il y a dégagement notable d'oxyde de carbone. Au bout d'un quart d’heure, onvoit la poudre brunir localement au contact de la poêle ;

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on commence, très doucement d’abord pour éviter les projections, à la mélangeravec une large spatule métallique ; le chauffage continuant, toute la masse bienremuée devient brune, puis s'embrase comme de l'amadou. Il faut poursuivrel’opération jusqu'à ce que ce feu cesse de lui-même, ce qui indique que lacalcination est achevée. On laisse refroidir et on lave le rouge dans un grandrécipient de propreté vérifiée ; on peut aussi le passer à travers plusieurs épaisseursde bas de soie, ou mieux, le plus fin tamis à farine que l'on pourra trouver. Le rougese conserve à l'état humide comme les émeris dans de petits pots en verre àcouvercle étanche.

Outre l'ennui de cette préparation, l'on rencontre parfois des difficultés dansl'approvisionnement de l’oxalate ferreux de la qualité convenable.

Signalons un bon rouge tout préparé, le BM 309 de la British American OpticalCie. Rejeter rigoureusement tous les rouges industriels souvent obtenus parcalcination de sulfate de fer : colcothar, rouge anglais, rouge français. rouge pourl’or, etc., tous ces produits rayent ou polissent très mal.

Oxyde de zirconium ou zircone. - C'est une poudre blanche dont les grains trèsdurs ont également un diamètre de 0 µ 5. Nous utilisons ce produit de préférence aurouge depuis le polissage du grand miroir de 193 cm de l'Observatoire de HauteProvence pour lequel nous n'avions pu obtenir d'oxalate ferreux de qualité suivie.Ce produit est beaucoup moins salissant que le rouge et polit un peu plusrapidement mais il est d'emploi plus délicat pour le débutant ; une action brutale dupolissoir en fin de séchée peut produire des dégâts (fig. 46) que l’on n'observejamais avec le rouge. Cette poudre une fois mouillée sédimente à un tel point quel'agitation d'un pinceau ne suffit plus à mobiliser convenablement les grains aprèsquelques heures de repos, en quelques jours elle constitue un mortier inutilisable ;l'on doit donc seulement mouiller la quantité de blanc qui sera utilisée dans lajournée.

Autres produits à polir - Ils sont actuellement légion ; en général l'on invoquel'avantage du polissage plus rapide auquel correspond pour nous toujours un risqued'obtenir des surfaces moins régulières et affectées d'un micromamelonnage (fig.47) plus grossier.

Citons l'oxyde de cérium ou rose à polir, très employé dans l'industrie ; l'oxydede titane et des produits vendus principalement aux État-Unis sous les nomscommerciaux de Zerox et Bâlite (Bausch et Lomb), Velor, Barnésite, cette dernièreparticulièrement brutale et désastreuse pour le surfaçage de précision.

13. Résumé pratique, fournitures nécessaires et adresses utile. – Disquemiroir. – Verre à glace choisi et recuit spécialement ; épaisseur limitée à 45 mm ;solution la plus courante pour l'amateur :

S.O.V.I.S, Société de Verrerie Industrielle et Scientifique, 17, rue Jean Mermoz,Paris (8e)

Verre d’optique Calex ; avantage du faible coefficient de dilatation et surtout durecuit fin astronomique ; le second choix suffit pour un disque miroir :

Ets PARRA MANTOIS, 11, chemin de Ronde, Le Vésinet (S.-et-0.) : une remisespéciale de 10% est accordée aux membres de la Société Astronomique de France.

Pyrex ; avantage du faible coefficient de dilatation, disques trop minces enFrance :

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CORNING GLASS WORKS, Optical Sales department, Corning, N.Y., U.S.A.Paiements en dollars.

Silice fondue ; emploi exceptionnel principalement pour miroirs plans de coelostats :THE THERMAL SYNDICAT Ltd, Wallsend, NorthumberIand, Grande-BretagneHERAEUS. représentant en France : Electroquartz, 104, rue de Larchant, Nemours (S.-

et-M.).Disque outil. - Verre à glace choix courant, s'adresser à S.O.V.I.S. comme pour le miroir

ou à un détaillant en glacerie pour la fourniture d'une dalle sommairement arrondie.

Carbure de silicium ou carborundum :PELISSIER, 75. rue Beaubourg, Paris (3è).C.I.A. MERCIER et Cie, 8 et 10, . rue Carnot, Le Kremlin-Bicêtre (Seine) ; pas le détail

de petites quantités.

Corindons et émeri :PELISSIER, adresse ci-dessus.MERCIER, adresse ci-dessus.GOLDRING et Cie, corindons blancs. British Optical Cie, 10, rue Camille Desmoulins,

LevaIlois-Perret (Seine).

Rouge à polir :BM 309, GOLDRING, adresse ci-dessus.

Oxalate ferreux, à calciner :POULENC, 12, rue Pelée, Paris (11è).

Oxyde de zirconium :Référence RZ, MERCIER, adresse ci-dessus.Référence 309 BZ, GOLDRING, adresse ci-dessus.

Poix pour l'optique :PELISSIER, adresse ci-dessus.LEMOINE, 9, rue de Thorigny, Paris (3è).

Colis complets, abrasifs poix et rouge :MÉVOLHON, chemin des Plantiers, Manosque (Basses-Alpes).

Equivalences approximatives des abrasifs et quantités utiles.

OPERATION QUANTITES GROSSEUR CARBO EMERISCORINDON

BLANC GOLDRING

CORINDON

BLANC MERCIER

Ebauchage 1 kg 200 µ 80Réunissage 500 g 100 µ 1 mn 100 ou 120

----- 400 g 50 µ 2 mn 180 W 180Apprêt 250 g 25 µ 5 mn 302 W 1

----- 150 g 19 µ 10 mn 302 ½ W 2Doucissage 100 g 12 µ 20 mn 303 W 3

----- 50 g 10 µ 40 mn 303 ½ W 4----- 50 g 8 µ 60 mn 304 W 5

Polissage---------------

1 kg500 g250 g250 g

Poix pour l’optiqueOxalate ferreux à calciner ouRouge à polir BM 309 ouOxyde de zirconium ; RZ Mercier ; 309 BZ Goldring

PS (2002) - De nos jours cette liste est complètement à revoir tant par les nouvellespossibilités, notamment en matière d’abrasifs, que par les facilités d’approvisionnement surle marché français par un amateur.

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Les grosseurs de grains et les numéros ne peuvent avoir un caractère absolud'autant plus qu’à des procédés de triage différents correspondent des équivalencesassez aléatoires. On a plutôt tenu compte ici d'une similitude approchée desrésultats. La manière d'utiliser l'émeri et le nombre de séchées influent égalementgrandement sur les résultats à un tel point qu'un numéro d'émeri peut êtreentièrement supprimé au prix d'un travail prolongé avec les grains qui 1’encadrent.Les quantités indiquées suffisent normalement pour réaliser un miroir de 200 maisles fournisseurs n'accepteront pas en général de détailler les produits surtout s'ilfaut faire une expédition en province.

14. Matériel utile pour tailler le miroir. - Il est extrêmement sommaire et peutêtre en grande partie emprunté à l'outillage ménager. Mentionnons spécialement :

LE POSTE : Le travail des miroirs à la main est dit : à poste fixe. Le poste peutêtre le plus simplement réalisé dans l'angle d'un établi ou d'une forte table decuisine (fig. 16 A), trois cales vissées sur la table préviennent l’entraînement dudisque inférieur tout en permettant de le faire tourner facilement ou d'intervertir lesdeux disques (R. W. Porter). La figure 16 B montre un perfectionnement de cemontage, qui comporte un plateau tournant, ce qui permet de rester assis en face dutravail ; ces dispositions ne valent pas cependant les véritables postes complètementisolés et permettant de circuler facilement autour. Bien des opticiens fameux ouclassiques (Draper, Metcalf, Ellison, etc ) ont travaillé sur un tonneau dresséverticalement (fig. 16 C) et suffisamment lesté pour que l'on ne puisse l'ébranler entravaillant. La figure 16 D représente un modèle de poste souvent adopté par lesamateurs des clubs américains. Les deux derniers modèles (fig. 16 E et 16 F) sontemployés à l'atelier de la Commission des Instruments depuis 1946 ; le premier,construit par notre collègue Luc Ott avec trois poteaux assemblés par des planches,possède un plateau juste suffisant pour un miroir de 20 centimètres, pour réduireson encombrement au minimum ; nous avons réalisé le second à l'atelier de laCommission en nous inspirant des pieds d'instruments bien conçus ; on noteral'écartement considérable des lattes de chaque branche du pied, ce qui permet de lesfaire travailler presque uniquement à la traction ou à la compression. Quelle quesoit la direction de l'effort, on obtient ainsi une rigidité très grande avec dessections de bois minimes.

Quel que soit le modèle de poste adopté, on portera l'attention sur les pointssuivants ;

Rigidité générale et stabilité : Il faut prévoir des efforts importants au polissageet un lest suffisant ; hauteur du plateau, suivant la taille de l'opérateur elle pourraêtre de 90 centimètres à 1 mètre ; certains préfèrent des hauteurs de 1m,20 et mêmejusqu'à 1m,50 mais pour travailler sans fatigue, la hauteur du coude au-dessus dusol est un maximum. Planéité du plateau sur lequel on posera le verre : malgrél'interposition de ronds du molleton ou de flanelle, il faudra bien dégauchir cetteface d'appui ; enfin il est indispensable de pouvoir

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Fig. 16. – Différents modèles de postes fixes.

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travailler indifféremment dans la position miroir en dessus ou en dessous ; il fautprévoir au moins une cale réglable pour les petites différences de diamètreinévitables et à cause des irrégularités du contour.

LE PETIT MATERIEL comprendra : une ou deux bassines un peu plus grandesen diamètre que le miroir, celles en matière plastique sont préférables pour lesrinçages sans risque de casse ; quatre ou cinq éponges pas trop grandes (leséponges végétales « Spontex » à grain fin sont parfaitement suffisantes etéconomiques) ; des petits récipients en verre avec couvercle (pots à « Yaourt »)pour les abrasifs (avec une étiquette indispensable indiquant la grosseur etéventuellement la provenance et la qualité) et pour le rouge ; il est utile de pouvoirdisposer d'un réchaud à gaz ou électrique muni d'une plaque en fer un peu plusgrande que le miroir et ayant au moins 3 millimètres d'épaisseur, si possible un becBunsen à veilleuse ou, à défaut, une bougie ; enfin une quantité de chiffons blancs,le fer d'un outil à bois bien affûté, un grattoir, un petit pinceau pour le rouge, etc.

Pour le contrôle de l'ébauchage, une règle de mécanicien ou un bon pied àcoulisse, un sphéromètre pourront rendre des services, mais ceci n'a riend’obligatoire. Nous aurons l’occasion de décrire en détail l'appareil de contrôle parla méthode de Foucault. qu'il sera facile de construire soi-même.

15. Opérations annexes.- Le verrier nous livre les disques avec un débordagesommaire dont on se contente bien souvent. En effet un miroir bien monté ne doitporter que sur deux ou trois points au plus à 120° sur sa tranche qui n'a pas besoin,par conséquent, d'être parfaitement ronde et centrée

Fig. 17. – Egalisation sommaire des aspérités du bord.

comme celle d'une lentille d'objectif. Il n'est pas douteux cependant qu'un bord biencirculaire et rodé fin soit préférable ; ce n'est pas seulement pour une raisond'esthétique, mais il faut penser à la facilité du nettoyage au moment del'aluminure; un bord rugueux retient toutes sortes d'impuretés (rouge à polir, etc.),très difficile à éliminer complètement. Nous ne décrirons pas l'opération dudébordage proprement dit, car nous voulons systématiquement éviter de supposerque le lecteur possède une machine coûteuse (tour, perceuse), mais nousrecommandons de régulariser les aspérités des disques bruts.

Si l'on possède une tournette quelconque, qui peut être improvisée avec

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une crapaudine, on peut coller le miroir à la poix sur le plateau supérieur en lecentrant approximativement (voir § 16) ; on colle également près du bord unepoignée qui sert de manivelle (fig. 17 A). Grâce au mouvement de rotation renduainsi possible, il est facile de régulariser rapidement les bosses locales et lesaspirités au moyen d'une “gouttière” qui est une simple bande de zinc de 5/10 demillimètre d'épaisseur, un peu plus large que l’épaisseur du miroir et qui sert desupport à l'abrasif interposé. Le procédé de la gouttière donne facilement des bordsréguliers, mais ne peut évidemment pas corriger des erreurs à longue périodecomme une faible ovalisation, mais cela n'a pas une grande importance.

Si l’on renonce à l’emploi de la gouttière, il est tout de même bon d’égaliser lesaspérités et de réduire le grain de la tranche avec une pierre de carbo plate (n° 220par exemple), ou, à défaut, avec un morceau de fer plat ou de laiton que 1’onfrottera avec interposition d'abrasif (fig. 17 B).

Pendant que nous tenons la pierre de carbo, égalisons aussi les biseaux des deuxfaces et le cas échéant, augmentons leur importance ; un chanfrein de 2 millimètresà 45° ou un arrondi de ce rayon peuvent convenir pour un miroir d'environ 20centimètres de diamètre ; au cours du travail de rodage, il tend à disparaître, cequ'il faut absolument éviter ; si un des plateaux présente un bord tranchant desérieuses écailles se produisent au moindre choc d’un corps dur, c'est surtout lebiseau de l'outil qui s'use ; il est bon de lui donner tout de suite 3 ou 4 millimètresde large et encore il faudra peut-être le refaire avant la fin de l'ébauchage.

Vérifions enfin que les faces du disque miroir sont sensiblement parallèles, uneerreur prismatique de 1 ou 2/10 de millimètre n'aurait pas grande importance etserait facile d'ailleurs à corriger, mais si elle atteignait 1 millimètre, pour éviter unsurcroît inutile de travail d'ébauchage, il faudrait faire redresser le disque par lafabrique. La question du parallélisme ne se pose évidemment pas avec les disqueshublots découpés dans de la glace polie de Saint Gobain dont les faces sontgénéralement parallèles à une dizaine de microns près.

16. Ebauchage du miroir. - Il faut d'abord choisir la face du disque miroir quel'on va creuser. Si le verre présente d'un côté des rugosités superficielles (dallage)n’ayant pas plus de 1 millimètre à 1mm,5 de profondeur, c'est cette face qu'il fautchoisir ; mais, naturellement, s'il y a des fractures profondes qui risquent de ne paspartir complètement à l’ébauchage ou des bulles susceptibles de créer des «pointscrevés » sur la surface optique, on prendra l'autre face. Avec un disque ayant desfaces rodées au grès, il est plus facile de repérer les défauts internes partransparence quand le verre est mouillé ou mieux huilé des deux côtés.

La manipulation des petits miroirs minces est facilitée en collant une poignéeau dos, mais cela n’a rien d'indispensable et c'est même nuisible au moment dupoIissage. Rappelons à ceux qui colleront une poignée que la poix adhère mal surun corps froid, surtout s'il est bon conducteur ; il est nécessaire de chauffer lemiroir avant le collage ; un moyen rapide et sans danger (1) consiste à le

(1) Le danger de chauffer un disque épais n’est jamais absolument nul, même des accessoires en Pyrexminces cassent parfois en laboratoire, on limite les risques au minimum en mettant le miroir dans l’eau froidesur des cales l’isolant du fond du récipient et en chauffant l’ensemble lentement (1 à 2° par minute).

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plonger pendant quelques minutes dans de l'eau tiède (35 à 30°C, la main éprouveune sensation de chaleur non douloureuse) ; au sortir de l'eau, se méfier desrefroidissements brusques (courants d'air) et sécher soigneusement le verre avant deverser un peu de poix fondue au milieu ; placer la poignée et centrer par rapport aucontour, avant refroidissement.

La poix froide est cassante, elle cède d'un seul coup à un choc brusque, mêmeassez léger ; pour détacher la poignée si le verre est bien froid, il suffit de la frapperd'un coup sec avec un petit maillet à manche un peu flexible.

Mise en route. - L'outil étant convenablement calé sur le poste (on peut laisser 1millimètre de jeu pour pouvoir le tourner ou l'enlever sans difficulté). Etalons sursa face 1 ou 2 centimètres cubes de carbo 80 ou 120 prélevés du récipient où on leconserve à l'état de boue humide, projetons avec les doigts

Fig. 18. – Courses d’ébauchage.

quelques gouttes d'eau supplémentaires, posons le miroir là-dessus et frottons …Pour obtenir un bon rendement et le creusement rapide de la concavité, on

s’inspirera des principes suivants :I° Faire surplomber le miroir le plus possible ; le centre du miroir peut aller

avec sécurité jusqu'à 1 ou 2 centimètres du bord de l'outil et les courses rectilignesdirigées suivant des cordes (fig. 18 A et 19) pourront avoir une dizaine decentimètres avec des verres de 20 centimètres ; un tout petit peu d’expérienceindiquera la limite non dangereuse pour le basculement du miroir au bord del’outil. On peut faire cinq à dix courses rectilignes sur place, puis on tourne d'unefraction de tour le miroir entre les mains et l’on reprend le travail dans unedirection un peu différente en se déplaçant autour du poste. Si le poste permet larotation complète de l'opérateur, l'outil peut rester immobile ; autrement il faut letourner en temps voulu de façon à user également toute sa périphérie. On voit, surla figure 18 A, la figure décrite par le centre du miroir au cours de ce travail.

Il est bien inutile de tourner rapidement autour du poste, surtout à l’ébauchage ;tout le travail se fait par le mouvement de va-et-vient. A titre d’indication, disonsque l’on peut faire 60 à 80 doubles courses pour un ou deux tours autour du poste ;pendant ce temps, on aura fait tourner le miroir de trois ou

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quatre tours par exemple. Inutile de dire qu’il est puéril de s’attacher à respecterexactement ces valeurs.

Quand les disques ont des faces très rugueuses, il faut user un peu le bord dumiroir également ; il est avantageux dans ce cas d’adopter des courses centrées (fig.18 B) de très grande amplitude (Ellison) : 5/6 du diamètre du miroir (16centimètres avec un 20 centimètres)

2° Exercer une grande pression sur le verre. – Le carbo 80 ne donne toute sonefficacité que si une pression suffisante lui est appliquée ; on ne doit pas craindrede peser de tout son poids au centre du verre (fig18 A et 19). Si le

Fig. 19. – Ebauchage d’un miroir de 200 (atelier de la Commission S. A. F.).

miroir est mince et trop léger, il peut être avantageux de coller en guise de poignée,pour l’ébauchage seulement, un poids de plusieurs kilos.

3° Mouiller correctement l’abrasif. - S'il y a excès d'eau le carbo est rejeté surles bords avant d'avoir pu produire tout l'effet utile ; s'il est trop sec, il se répartitmal, la poudre de verre produite par l'abrasion ne s'élimine pas et forme un mortierqui paralyse le mouvement aux dépens de l'efficacité. On est averti que le régimeest correct par le bruit de l'abrasion très intense avec le carbo à l’ébauchage. Malgrésa grande dureté le carborundum ne résiste pas très longtemps à un tel travail ; aubout de peu de minutes (deux à quatre minutes suivant quantité initiale d'abrasif eténergie dépensée), le bruit de l'abrasion s'affaiblit, l’eau est fixée par la farine deverre. On pourrait prolonger un peu le travail en ajoutant juste assez d'eau pourdébourber suffisamment le carbo sans perdre les grains utiles, mais il est plusavantageux pour le rendement d’interrompre le travail, d’éponger complètementles deux disques, de les sécher sommairement et de recommencer avec du carboneuf. On vient de faire ce que l’on nomme en terme d’atelier : « une séchée » (lesAnglais disent littéralement : « une mouillée », affaire de tempérament).

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L'ébauchage d'un miroir de 20 centimètres à 6=df demande environ trois

heures de travail dans ces conditions, mais un débutant ne devra pas s'étonner s'il ypasse un temps double.

17. Contrôle du rayon de courbure. - Le diamètre utile et le rapport Df

choisis, fixent la longueur focale du miroir et par conséquent son rayon de courburequi vaut le double de cette longueur focale. Par exemple le miroir standard de 20

centimètres à 6=Df a une longueur focale de 20 x 6 = 120 centimètres et un rayon

de courbure de 240 centimètres. Il importe peu que la valeur choisie soitexactement respectée puisque nous ne

Fig. 20. – Contrôle sommaire du rayon d’ébauchage.

construirons le tube de l'instrument que quand nous posséderons l'optique ; aussi lerayon de courbure peut-il être contrôlé au cours de l'ébauchage par des moyensassez rudimentaires, même s'ils ne donnent qu'une approximation à quelques pourcent près.

Le plus commode, c'est de tailler un calibre que l'on peut tracer avec un compasà verge sur une feuille de métal facile à découper exactement à la cisaille (le zincconvient bien) ou mieux trancher directement avec la pointe traceuse du compas àverge taillée en rabot (fig. 20 A). L'appréciation des jours entre le calibre et le verreest un moyen sensible si l'éclairage est intense, mais il faut présenter le calibre dansdes positions différentes pour mettre en évidence ses propres défauts.

Si l’on possède une bonne règle de mécanicien (celle d’un bon pied à coulissepeut en tenir lieu) on peut aussi mesurer la flèche de courbure, c'est-à-dire le creuxque le verre présente au centre. Le rayon de courbure R s'obtient par la formuleapprochée qui suffit toujours en pratique :

er

R2

2

=

dans laquelle :r est le rayon utile du disque, c'est-à-dire le demi-diamètre sur lequel repose la

règle.

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e est la flèche de courbure que l'on mesure en passant au centre des calesd'épaisseur connue (fig. 20 B).

Quand la cale est trop épaisse, la règle bascule dessus ; quand elle est tropmince, elle passe librement sans entraîner la règle. Par exemple, supposons quenotre miroir mesure au biseau 197 millimètres (r = 98,5) et que nous ayons trouvéune flèche e de 1 mm,9, le rayon de courbure est de :

552229,1

5,98 2

=R millimètres

Si nous désirons un rayon de 2 400 il faut continuer de creuser pour obtenirsensiblement 2 millimètres de flèche, mais ne cherchons pas à «fignoler » ; lessurfaces obtenues à l'ébauchage demandent à être améliorées en forme et en finesseet nous n'aurons aucune peine à obtenir un rayon plus exact au cours de ce travail.

18. Fin de l’ébauchage. - Sur la figure 21, où les courbures sont très exagéréespour la clarté du dessin, on voit que, dans la position très excentrée du disquemiroir, adoptée pendant l’ébauchage, l'usure des plateaux n'est pas régulière : aubord du miroir subsiste un «cordonn » plat et au centre de l'outil

Fig. 21. – Déformation des verres ébauchés.

une «mouche ». L'écart de sphéricité pouvant dépasser 2 /10 de millimètre sur unmiroir de 20 centimètres, il faut songer à terminer l’ébauchage par une méthodemoins rapide mais qui rattrapera ce défaut. Ce n'est pas difficile, il suffit decontinuer le travail avec des courses à peu près centrées comme sur la figure 18 B,mais avec une amplitude totale du mouvement ne dépassant pas cette fois la moitiédu diamètre des disques.

Au cours de ce travail le «cordon » et la «mouche » disparaissent ; il peut sefaire aussi que l'on dépasse la flèche de courbure ; dans ce cas il suffit de continuerle travail avec le miroir en dessous en imprimant à 1’outil exactement les mêmescourses. Pour cette fin d'ébauchage, afin de limiter la profondeur des fractures decarbo, toujours laborieuses à éliminer, il est clair qu'il faut cesser d'appliquer degrandes pressions ; le poids du miroir ou de l’outil additionné de celui des deuxmains de l'opérateur posées normalement est bien suffisant. Le calibre promenésuivant un diamètre montrera facilement si le

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verre a à peu près le rayon de courbure et la forme voulus ; les opérations del'apprêt et du douci qui vont suivre vont d'ailleurs améliorer automatiquement cetteforme, mais il convient d'avoir bien présent à l'esprit qu'un travail patient etméthodique est nécessaire pour éliminer totalement l'hyperbole d'ébauchage. Undoucissage hâtif est souvent responsable d'hyperboles non retouchables aupolissage.

19. Apprêt et doucissage. - Tout d'abord il faut nettoyer soigneusement et àgrande eau, tous les objets qui ont touché au carborundum : miroir, outil, poste,table, etc. On portera surtout son attention sur les interstices susceptibles

Fig. 22. – Courses normales.

d’avoir retenu de l'abrasif grossier ; les cales latérales du poste seront démontées,brossées dans l'eau ou mieux, changées ; la poignée éventuelle peut être enlevée dèsmaintenant et le dos du miroir nettoyé. Si le poste n'est pas muni d'une toile cirée,avant de remonter les cales, on le recouvrira d'un papier blanc qui sera renouvelé àchaque changement d’émeri, la même précaution est utile pour la table de travailqui recevra uniquement les accessoires indispensables. Si l'on ne peut disposer qued'un seul récipient pour l'eau, il faudra le rincer plusieurs fois et s'assurer qu'il nemontre pas intérieurement ou extérieurement des petits points brillants de carbo. Lerécipient et l'éponge à carbo seront rangés en dehors de l'atelier.

Ces précautions n'ont rien de puéril : un seul grain de carbo en fin de douci peutruiner le fruit d'une journée de travail et les négligents apprendront vite laprudence à leurs dépens.

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Le travail se poursuit avec de l’émeri 1 m dont les grains sont comparables àceux du carbo 100 ou 120, mais qui laisse des fractures moins profondes à cause desa dureté plus faible.

Nous adopterons maintenant de façon générale pour tout le reste du travail descourses normales sur lesquelles il faut attirer spécialement l’attention : ellesconsistent en un mouvement de va-et-vient à peu près centré (fig. 22 et 23) dontl'amplitude totale est d’environ 1/3 du diamètre des disques (par conséquent il fautdépasser d’un sixième de chaque côté, soit 3 à 4 centimètres avec un miroir de 20centimètres), avec un déport latéral constamment variable limité à 1/8 au plus dechaque côté.

Fig. 23. – Doucissage d’un miroir de 200, amplitude de la course normale(atelier de la Commission S. A. F.)

La forme des courses peut ainsi affecter celle d’un V ou d’un W ou celle d’uneboucle plus compliquée comme un ∞ par exemple (G. W. Ritchey). Toutes les cinqou six courses on tourne un peu le disque supérieur entre ses mains et l’on tournesoi-même comme avec les courses d’ébauchage. Ce qui est essentiel dans tout cela,c’est seulement de respecter à peu près en moyenne l’amplitude 1/3 et de varier lescourses le plus possible de façon à ne pas passer toujours systématiquement de lamême façon, la loi des grands nombres fera le reste et, à moins d’une maladresseexceptionnelle systématique (pression anormale des mains toujours au même pointde la course), les surfaces ne s’écarteront en moyenne de la sphère que d’unequantité très inférieure au diamètre des grains d’émeri interposés.

Pour l’emploi correct de l’émeri on s’inspirera des indications données au § 16,mais cette fois, seul le poids du disque supérieur additionné à celui des mains del’opérateur normalement posées (elles ne servent qu’à commander

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le mouvement de va-et-vient) interviendra. Le doucissage s’effectuerauniformément et sans changement notable de la courbure si l'on faitalternativement une séchée avec le miroir dessus et une avec le miroir dessous.Sauf au début où le calibre pourra inciter à faire plusieurs séchées de suite dans lamême position pour mieux respecter la courbure (dans la position miroir dessus onaugmente la concavité, on la diminue si c'est l'outil qui surplombe).

Après deux ou trois séchées d’émeri 1 m, un examen superficiel par réflexionpourrait faire croire que les fractures de carbo sont éliminées ; mais examinons leverre par transparence devant une forte lampe, nous voyons des petits accidentsbrillants, clairsemés sur le fond plus uni où l’émeri a travaillé ; il y a aussi desécailles sourdes invisibles pour l'instant, mais qui vont partir en laissant denouveaux trous. Il est donc nécessaire de poursuivre le travail avec le 1 m jusqu’àce que nous soyons sûrs d’avoir éliminé tous ces accidents ce qui pourra demanderquinze à vingt séchées, ou même plus. Toutefois l'émeri 1 m laisse lui-même desfractures inégales ; on s'arrêtera quand on verra que les accidents anormaux repéréslors de la séchée précédente par un cercle au crayon au dos du miroir ne seretrouvent plus au même endroit.

Le travail d'apprêt se poursuit de la même façon avec les émeris de 2, 5 et 10 m,sans oublier le nettoyage du matériel à chaque changement de numéro. Pour ceuxqui éprouveraient quelques difficultés pour apprécier à quel moment on peutchanger d'émeri, indiquons le nombre de séchées (de chacune cinq à dix minutesdu travail effectif) normalement suffisant avec de l’émeri correct bien employé etun miroir de 20 centimètres.

NOMBRE DE SECHEESPour éliminer le grain précédent

EMERI

20………………………………… 1 m15………………………………… 2 m10………………………………… 5 m6………………………………….. 10 m6………………………………….. 20 m6………………………………….. 40 m

En cas de doute, il vaut mieux prolonger un peu le travail que de passerprématurément d'un émeri à un autre.

Avec le 2 m on ajustera le mieux possible le miroir au rayon de courbure ducalibre et l'on pourra aussi doucir le dos rugueux du miroir si c'est un disque àmiroir ébauché au grès. On se sert pour cela du dos de l'outil et l’on travaille avecdes courses normales 1/3 dans la position miroir dessus pour obtenir un dos plutôtlégèrement concave que convexe.

On peut utiliser la même éponge pour les émeris de 1 et 2 m, mais il en faut uneautre pour le 5 et le 10 et une dernière toute neuve pour le 20 et le 40 m (si c'estune éponge naturelle, avant de la mouiller il faut la battre longuement avec unmaillet pour éliminer les sédiments calcaires ou siliceux qu'elle renferme).

Le doucissage proprement dit commence avec le 20 m ; sa qualité dépendbeaucoup de celle de l'émeri (§ 11) et encore plus de la façon de l’employer. Pourlimiter au minimum les risques de rayures et assurer une bonne efficacité

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au travail on veillera surtout à employer juste la quantité d'émeri et d'eauconvenable à chaque séchée.

Essayons de donner une idée concrète d'une façon d'opérer (ce qui ne peutremplacer l'expérience directe) :

On part toujours de disques épongés, séchés, et l'on s'assure en passant lapaume de la main sur toute la surface qu'il ne reste rien.

On étale alors l'émeri humide avec le doigt de façon uniforme de façon àrecouvrir entièrement un des plateaux ; la quantité utile pour un 20 centimètresreprésente à peu près le volume d'un gros pois. La quantité d’eau initiale a unegrande importance ; il faut projeter avec les doigts mouillés assez d'eau pourobtenir un film d'émeri brillant, mais sans que l'on puisse recueillir des gouttes enexcédent si l'on incline le verre. On pose le second disque avec précautions et l'onfait quelques courses de répartition en le soulageant d'une fraction importante deson poids, on doit sentir et entendre dés le début l’émeri mordre sur toute lasurface.

S'il y a trop d'eau, dès le début du travail l'émeri est rejeté au bord ; si l’eau esttrop rare, il se forme prématurément une purée sèche d'émeri usé et de verre quiparalyse le mouvement ; dans les deux cas l'épaisseur du film d'émeri n'est pasuniforme et par place une pression anormale, donc une rayure est probable. A latempérature de 20° on doit pouvoir faire durer une séchée d'émeri fin 8 ou 10 msans renouvellement d'eau. On n'oubliera pas d’intervertir à chaque séchée laposition des disques. Dans la position miroir dessous, il faut veiller à ne poser leverre que sur un poste bien plan avec interposition d'un rond de flanelle ou demolleton, les cales latérales devront laisser un petit jeu au disque. Ces précautionssont nécessaires si l’on veut éviter que des contraintes mécaniques maladroites neviennent à déformer le verre d'une quantité supérieure aux écarts à la sphère qu'undoucissage bien conduit permet d'obtenir automatiquement.

20. Qualités d'un bon douci. - On veillera surtout à obtenir un grain homogène; il ne faut pas que des piqûres anormales subsistent. L'examen par transparenceavec une bonne loupe (x 10) ne doit montrer qu'un fond de cassures très petites etuniformes sans petits accidents clairsemés brillants ou noirs. La grosseur descassures élémentaires est relativement secondaire à partir du 40 m environ ; au delàon n'augmente guère que les risques de rayures sans bénéfice réel au polissage(pour des grandes surfaces travaillées verre sur verre). Même avec des émeris d'unefinesse et d'une régularité exceptionnelles comme le BM 305 (grains de 2 à 5 µ) ilsubsiste des accidents très clairsemés qui demandent autant de temps si l'on veut leséliminer complètement que le polissage complet d'une surface obtenue au BM 3031/2 (grains de10 µ) seulement, mais plus homogènes.

Il faut aussi pour obtenir la meilleure homogénéité possible avec un émeridonné, faire un nombre de séchées largement utile, les données précédentespourront être majorées en cas de doute.

La dernière séchée de 40 m (ou de 60 éventuellement) sera particulièrementsoignée et faite dans la position miroir en dessous. Un praticien expérimenté arriveà raffiner l'émeri par un travail prolongé avec la même charge pendant douze àquinze minutes. Dans ce cas le renouvellement de l'eau est indispensable

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au cours du travail, il est un peu délicat : il ne faut pas attendre que la séchée soittrop avancée pour le faire ; les gouttes d'eau abandonnées par les doigts sontsouvent trop grosses, il faut chercher à déposer très peu d'eau de façon bienuniforme sans séparer les disques en position excentrée (avec un petit vaporisateurou en passant un doigt sur les poils d'une petite brosse dure mouillée). On terminele travail avec l’émeri le plus sec possible, mais sans pression anormale des mains(attention au grippage quand le film d'émeri est très mince) et sans attendre que lemouvement ne soit rendu trop dur (risque de déformer les surfaces).

Le débutant fera aussi bien de ne pas chercher à raffiner; il se contentera defaire bien durer la dernière séchée, miroir en dessous, sans tenter de remettre del'eau.

Fig. 24. – Pouvoir réflecteur d’une surface doucie.

Lord Rayleigh a fait remarquer que l'on pouvait obtenir avec une surface doucieune image réfléchie sous un angle d'autant plus voisin de la normale que lastructure de la surface est plus fine. Un miroir bien douci doit montrer une pâleimage rouge d'un filament de lampe électrique sur fond noir, faisant un angle de 30à 45° avec le plan de sa surface (fig. 24). Cet essai ne constitue pas une preuvesuffisante ; on peut rendre la surface réfléchissante, même sous l'incidence normalepar une sorte d'écrouissage superficiel provoqué par un émeri très fin complètementécrasé ou fin travail émeri sur poix (prépolissage) ; cela ne veut pas dire qu'il nesubsiste pas entre les plateaux suffisamment nivelés pour donner l'image réfléchie,des accidents profonds impolissables. Il ne faut pas confondre surface qui brilleavec surface polie.

21. Insuccès au doucissage. - Rayures. - Pour éliminer une rayure même assezfaible, il est généralement nécessaire de reprendre le travail avec l'émeri 10 m oumême du 5 et du 2 m pour les cas extrêmes, causés par un grain d’abrasif grossierou une grave maladresse. Il n'est malheureusement pas toujours possibled'améliorer l'émeri du commerce par lévigations et débourbages répétés. Lescorindons blancs centrifugés très homogènes évitent bien des ennuis.

Grippage des plateaux. - Cet accident très rare avec de l'émeri (nous n'en avonsjamais constaté à la Commission), peut survenir brutalement si l’on

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cherche à raffiner à l'extrême un émeri fin. La séparation des disques peut offrir desdifficultés, les moyens brutaux sont évidemment à proscrire. R. W. Porter amentionné l'emploi d'une presse en bois pour agir sur les verres en positionexcentrée, généralement, bien que les avis soient partagés on estime quel'introduction de pétrole par la tranche peut faciliter les choses (1).

Forme incorrecte des surfaces. - C'est le plus grave des insuccès, une hyperbolede douci par exemple est sans espoir, le lecteur qui appliquera suffisammentlongtemps les courses normales mentionnées plus haut avec le miroir dessus etdessous n'engendrera sûrement pas un défaut de ce genre. Si l'on observe au débutdu polissage que le centre du miroir ou le bord seul s'éclaircit, il ne faut pas insisteret recommencer le doucissage à partir de 20 m en surveillant l'amplitude descourses qui ne doit pas dépasser notablement un tiers du diamètre.

22. généralités sur les polissoirs. - Les polissoirs au drap, très employés enlunetterie et pour l'optique bon marché, sont inutilisables pour les surfaces deprécision à cause de la «chair de poule » qu'ils produisent. Les anciens opticiens,notamment Foucault, les frères Henry, quelques amateurs comme Vincart etcertains fabricants de longues vues ont obtenu de bonnes surfaces optiques avec despolissoirs en papier ; cette technique est cependant tombée en désuétude, tant par ladifficulté d'obtenir de cette façon des surfaces complètement polies que par lagrande expérience professionnelle nécessaire pour en tirer un bon parti. L'amateurA. W. Everest a imaginé (2) un outil souvent employé par les débutants et qui méritequelque attention : on le réalise très facilement au moyen d'une feuille de ciregaufrée pour ruches à cadres (Honey Comb Foundation, d'où la désignation enabrégé : H.C.F.) que l'on colle sur l'outil ayant servi à doucir ou que l'on moule surplâtre contre le miroir, les minces cloisons alvéolaires de cire défoncées par lepassage d'une lame mince pour faciliter la répartition de la bouillie de rouge etaugmenter l'adhérence, polissent rapidement et avec le minimum de risques derayures ; malheureusement la contre-partie est lourde : cet outil produit unmamelonnage très grave lié à la dimension des cellules ; les accidents élémentairesde forme sont aussi très importants et capables de diffuser une quantité de lumièrenotable, bien que le poli physique soit très noir. De plus, la forme d'ensembleengendrée risque d’être catastrophique entre des mains inexpertes, car il ne seproduit pas automatiquement un ajustage de la forme avec un corps rigide commela cire, qui s'use, mais ne se presse pas ; malgré la facilité relative d'enlever de grosdéfauts au moyen de bandes de cire, rapportées, nous n'osons pas en recommanderl'emploi, même aux débutants, peu difficiles sur la qualité de leur miroir. Cescritiques seront précisées au paragraphe 41.

Depuis une cinquantaine d'années, professionnels et amateurs utilisent à peuprès exclusivement des polissoirs à la poix. Dans l'industrie, pour l'optique deprécision moyenne travaillée à la machine on emploie des polissoirs pleinsconstitués par un mélange poix et cire noire ou autres ingrédients moinsdéformables que la poix. Les grandes surfaces de précision, au contraire, sont poliesavec des outils susceptibles de s'adapter avec plus de facilité et constitués

(1) Amateur Telescope Making advanced, p. 507, Munn and C° Inc. (1945)(2) Amateur Telescope Making, p. 149.

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par des carrés de poix pure. Beaucoup d'amateurs se contentent de creuser descanaux orthogonaux dans un outil plein ; mais il est bien préférable de préparer àl'avance des carrés de poix qui seront collés individuellement sur l'outil suivant unetechnique déjà employée par Alvan Clark, Common, Ritchey, et qui est beaucoupplus propre à produire un polissoir parfait, facteur important de réussite. C'estuniquement de ce genre d'outil dont nous allons nous occuper.

23. Fabrication du polissoir à carrés de poix rapportés. – 1° Fusion de lapoix (les numéros se rapportent à ceux de la figure 25). - La poix est brisée enmorceaux pas trop gros et chauffée lentement sur un feu doux. Si la dureté est déjàtrop grande (§ 12), on attendra sa fusion complète pour lui incorporer quelquescentimètres cubes d'essence de térébenthine jusqu’à ce qu'une forte pression del'ongle du pouce laisse une empreinte ; si l'ongle pénètre au contraire sansdifficulté, il faudra prolonger le chauffage un temps suffisant (plusieurs heures aubesoin) pour éliminer lentement une partie des solvants naturels. Il faut prélevertous les quarts d'heure avec une cuiller un échantillon qui doit refroidir pendantcinq minutes au moins dans de l'eau à la température de la salle de polissage(20°C) avant que l'on puisse faire l'essai de dureté.

2° Préparation du moule. - Pendant le chauffage de la poix, on prépare unmoule pour les bandes de poix de 20 millimètres de largeur et de 7 ou 8 millimètresd'épaisseur. Il suffit de recouvrir une planche quelconque d'une feuille de papierd'emballage fort à surface lisse et de clouer dessus des baguettes de hêtre de sectioncarrée 8 x 8. Il peut être avantageux de faire un moule assez grand pour pouvoircouler à la fois la poix suffisante pour deux outils.

3° Coulée des bandes. -- Il est recommandable de filtrer les plus grossesimpuretés que la poix peut contenir au moyen d'une poche de tissus à mailles pastrop serrées (toile à beurre, bas de soie) tendue sur une armature en fil de fer : maisil faut alors s'assurer que la poix est assez chaude pour couler presque comme del'eau. Si la poix provient de récupération d'outils antérieurs garnis de rouge, il fautattendre qu'elle s'épure des petites bulles qu'elle peut contenir. Le moule est placéexactement de niveau dans le sens de la longueur et rempli jusqu'à affleurement enévitant le plus possible de déborder sur les baguettes. Si l'on dispose d'un becBunsen, il est facile d'éliminer les petites bulles superficielles en passant la flammedevant les bandes avant refroidissement.

4° Traçage de l'outil. - On profite du refroidissement de la poix pour tracerl'emplacement des carrés sur la face convexe de l'outil en verre qui nous a servi àdoucir. Quant cet outil est épais et lourd, il est recommandable de mouler sur lemiroir (muni d'un entourage en papier fort) un gâteau le plâtre de 4 centimètresd'épaisseur (pour un 20 centimètres). Après un séchage de trois semaines auminimum cet outil peut être protégé de l’humidité par deux couches de gommelaque dans l'alcool. Le système de carrés ne doit pas être centré par rapport aucontour de l'outil de façon à déphaser une cause possible d'erreur systématique.

5° Démoulage des bandes. - Après refroidissement complet (trois ou quatreheures au moins), on peut démouler les bandes de poix (c'est plus facile si la poixest très froide) avec précautions pour éviter de les briser. Il faut enlever

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Fig. 25. – Réalisation d’un polissoir à la poix.

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d’abord tous les clous et arracher un peu vivement le papier dorsal, puis décoller lesbaguettes d'un petit mouvement de rotation un peu sec grâce à une tenaille ou unepince qui en saisit l'extrémité.

6° Découpage des carrés - Très facile avec un couteau assez chaud pour ne pascoller au milieu de la coupe, mais pas trop chaud pour éviter la fusion enprofondeur ; on peut couper quatre ou cinq carrés sans réchauffage ni essuyage.

7° Collage des carrés. - La poix n’adhère bien que sur un corps bien sec et unpeu chaud ; on peut tiédir l’outil dans de l'eau chaude et bien l'essuyer ensuite. Leprocédé suivant, employé à l’atelier de la Commission des Instruments, estpréférable : étaler rapidement sur l’outil froid une mince couche de cire d’abeillesbien chaude, grâce à un pinceau plat obtenu est garnissant une petite latte de boisde trois ou quatre tours de toile. La cire adhère bien au verre froid et les carrés depoix adhèrent bien aussi sur la cire froide ; de plus, la couche de cire constitue unamortissement pour les chutes possibles contre le verre de l'arête tranchante trèsfragile qui servira à rogner les carrés. Pour coller les carrés il suffit de les présenterpendant trois ou quatre secondes devant la flamme d'une bougie (ou mieux d'uneveilleuse de bec Bunsen) jusqu'à ce qu'une goutte de poix soit prête à tomber. Onapplique aussitôt le carré directement bien en place sur l'outil en le pressantdoucement quelques instants.

8° Pressages. - L'épaisseur des carrés montés peut varier de plus d'unmillimètre. Une égalisation sommaire avec un outil bien tranchant peut être utile,ainsi que le grattage des épanchements de poix venant du centre du carré si l'on aemployé un couteau trop chaud pour le couper. Tailler sommairement les carrés desbords incomplets. Le premier pressage s'effectue à chaud ; il est plus efficace dechauffer le miroir dans de l’eau tiède ne dépassant pas 35°, sans jamais oublier dele sécher soigneusement avant de le recouvrir d'un papier calque ou de soie sansplis, puis de l'outil climatisé par un séjour prolongé à quelque distance d'une sourcede chaleur bien uniforme. Avec une charge de quelques kilos le pressage peut durerun quart d'heure environ. Deux ou trois pressages sont parfois utiles, mais prenonsbien garde que dès le premier les carrés ne s’affaissent pas au point de se toucher,ce qui rendrait l'outil inutilisable. Cet accident peut arriver si la poix est plus mollequ'on ne l'avait prévu, si la température ambiante est déjà trop élevée (30°C) ouencore si l'on a chauffé étourdiment le miroir et l'outil. Parfois un ou deux carrésseulement s'approchent dangereusement ; avant de prolonger le pressage, on lesretaillera d'un coup de ciseau à bois bien affûté frappé bien d'aplomb. Nousreviendrons sur cette opération qu’il faudra étendre à tous les carrés quand l'outilaura travaillé pendant un certain temps.

Dès que tous les carrés portent à peu près sur toute leur surface (le papier calquelaisse une marque mate), on procède à un pressage à froid directement sur lemiroir simplement enduit uniformément d'une couche de rouge à polir et d’eauassez épaisse pour le couvrir. Ce pressage au rouge doit être prolongé pendant unedemi-heure au moins avant de commencer le travail de polissage.

24. Dispositions générales pour le polissage. - Mentionnons par ordred'importance les qualités fondamentales du local idéal pour le polissage :

Température voisine de 20°C. - Il est difficile d'accommoder la poix pourobtenir un travail vraiment satisfaisant à moins de 15° ou plus de 30°.

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Constance de la température. – Préférer l’exposition au Nord et les murs épais.Eviter les courants d'air et le voisinage immédiat d'une source de chaleur.

Etat hygrométrique convenable. - Une humidité trop grande gène les séchéesnormales.

Propreté. - Eviter les locaux poussiéreux ou difficiles à nettoyer.Eclairage naturel le meilleur possibleBien entendu, pratiquement on ne réunira jamais simultanément toutes les

conditions. N'attachons pas une rigueur absolue à des qualités seulementsouhaitables. Par exemple, en choisissant une cave à cause de la température plusconstante. on se trouvera souvent gêné bien davantage par le froid, l’humidité

Fig. 26. – Salle de polissage à quatre postes de l’atelier de la Commission S. A. F.

et les poussières. Au risque de provoquer des complications domestiques nousconseillerons plutôt de prendre la cuisine comme laboratoire (après expulsionrigoureuse de sa locataire légitime) ; on y trouvera en général le maximum decommodités (eau, gaz, carrelage facile à laver). Signalons aux plus timorés qu'audébut des travaux pratiques de la Commission des Instruments, on a taillé de bonsmiroirs dans des conditions très défavorables à tous points de vue, à l'Observatoirede la Société Astronomique de France, directement sous un toit en zinc.

Avant de commencer le polissage, attirons encore l'attention sur les pointssuivants :

La qualité du rouge à polir est une chose importante (§12) ;Laisser presser l'outil un temps suffisant (une demi-heure au moins à 20°C) ;Vérifier la propreté du poste et de la table accessoire (toiles cirées lavées).

C'est une bonne précaution que de limiter au minimum les objets à manipuler

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(miroir, outil, pot à rouge et son pinceau). Pour nettoyer et réchauffer le miroir, ilfaut une bassine assez grande permettant son immersion complète et une épongefine réservée pour le rouge. Le séchage et le nettoyage du miroir se font avec deschiffons blancs très usés par lavages répétés ; un tissu de coton très léger comme latoile à beurre est idéal. L'outil peut être lavé après chaque séance de travail aumoyen de l’éponge à rouge, juste humide. On le laisse ensuite sécher de lui-mêmesans l'essuyer avec quoi que ce soit.

Si la température du local est un peu basse (14° à 16° par exemple), il estabsolument nécessaire de tiédir les disques très légèrement, mais en profondeur ;pour le miroir, un séjour de cinq ou dix minutes dans de l’eau à 30°, suivi d'unséchage, constitue un bon moyen. Il est préférable de ne pas mouiller complètementl’outil qu'il serait malaisé de sécher convenablement. On se contentera declimatiser la poix par un séjour prolongé devant une source de chaleur assez douce.On fera ensuite un pressage supplémentaire de dix minutes ou quinze minutesseulement, ce qui permettra de commencer à travailler avant refroidissementcomplet des disques ; la chaleur dégagée ensuite par le travail pourra suffire pourentretenir un régime thermique suffisant.

De tels conseils pour l’exécution d'une surface de haute précision nemanqueront pas de choquer le « bon sens ». Nous nous excusons d'insister encoreune fois sur ces facteurs purement psychologiques ; ce n'est pas de notre faute s'ilsjouent un rôle prépondérant et nous avons le devoir de prendre en considérationtous les aspects du réel si nous voulons rendre le lecteur vraiment apte à dominer laquestion. Nous connaissons de façon très précise par expérience directe et par lecontact de nombreux collègues, le processus qui engendre l’acte faux quatre-vingt-dix-neuf fois sur cent. Les esprits timorés et les raisonneurs sont infiniment plusexposés aux fausses manœuvres que les « manuels » seulement désireux d’accepterla leçon des faits. Par exemple, la réaction instinctive de celui qui a peur de rayerest d'adopter un régime qui favorise les rayures ; le résultat d'un travail où l’oncherche à éviter toutes les sources d'échauffement en raisonnant sur des causes quine sont pas celles qui déterminent la forme du verre est à coup sûr un miroircatastrophique. Encore une fois, faire un bon miroir quand on sait comment s'yprendre, c’est facile, mais expliquer ce qui se passe ne peut avoir quelques chancesd'exactitude que si l'on raisonne a posteriori.

Ceci dit, nous allons essayer de donner une idée objective d'une des meilleurestechniques, fruit d'une expérience qui a mûri pendant bien des générationsd’opticiens astronomes. Nous conservons quelque espoir que le lecteur voudra bienne pas l’opposer à des spéculations personnelles plus séduisantes tant que sonmiroir ne sera pas complètement terminé.

25. Conduite du polissage. - Un miroir de moins de 30 centimètres dediamètre, peut se travailler indifféremment dans la position miroir dessus oudessous. Les résultats dépendent beaucoup de facteurs difficiles à prévoir à l'avance(position, grandeur des mains par rapport au verre, pressions involontaires). Nousconseillons plutôt la position miroir en dessous ; contrairement aux croyancesgénéralement admises, l'expérience montre que la moyenne des opérateurs évitemieux de cette façon les anomalies de bord. Dans la position miroir en dessous, lemiroir ne doit reposer que sur un plateau de poste bien

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plan, avec interposition de deux ronds de flanelle séparés par un papier fort, lescales latérales laisseront un jeu suffisant pour que l'on puisse tourner facilement lemiroir tous les quarts d'heure de travail environ par rapport à ce coussin élastique,d’une quantité constante systématiquement un peu supérieure ou inférieure à unquart de tour. Ce procédé dû à A Couder (1) permet d'éviter radicalementl'astigmatisme, même avec un miroir très flexible.

Adopter les courses normales d'amplitude 1 /3 D décrites § 19.Il est plus facile de faire correctement des courses rectilignes que des boucles,

mais on veillera toujours bien à déphaser le plus possible toute tendance

Fig. 27. – Amplitude des courses de polissage sur miroir de 200(atelier de la Commission S. A. F.)

périodique régulière en variant l'amplitude des dépassements (autour de la valeur1/3) les déports et le nombre de zigzags entre chaque rotation de façon à nerespecter qu'en moyenne les chiffres indiqués. Un opérateur isolé ne peut pas imiterparfaitement le hasard (E. Borel) (2) Nous avons obtenu des résultats beaucoup plusparfaits en faisant travailler avec les «mêmes » courses quatre ou cinq personnesdifférentes sur le même miroir. Malgré tout, le travail devient rapidement machinalet suffisamment incohérent si l’on ne contracte pas au début une habitude vicieuse.Mettons en garde spécialement contre la tendance fréquente à faire valser l'outil surplace en fin de chaque course, ou encore pire, marquer un temps d’arrêt àl’extrémité de la course

(1) Thèse. Recherche sur les déformations des grands miroirs employés aux observationsastronomiques, p. 39.

(2) EMILE BOREL, C. R. Ac. Sc., t. 204, 1937, p. 203. Sur l’imitation du hasard.

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avant de revenir. Il faut éviter toute saccade ; il est bon d'arrondir légèrement lemouvement rectiligne avant de revenir dans l'autre sens, la fréquence des coursesne doit pas non plus être trop grande : soixante doubles courses, par minute environet encore moins vers la fin du travail pour limiter les causes de mamelonnage.

Le polissage est plus efficace si l'on ne met que peu de rouge et d'eau à la fois ;le petit pot à rouge rempli au tiers de rouge recouvert d'une hauteur d'eau de 1 ou 2centimètres permet de tremper le pinceau à l'endroit voulu pour entretenir un bonrégime. Le renouvellement du rouge ne doit prendre qu'un instant : on ne séparemême pas les disques, il suffit de peindre une bande rouge sur les carrés (enposition excentrée) ou sur le miroir. La durée d'une séchée ne dépasse pasnormalement cinq minutes ; si elle atteint dix ou quinze minutes, c'est que l'on mettrop d'eau et de rouge à la fois ou encore que l'atelier est trop froid ou trop humide.

Le blanc ou oxyde de zirconium s'emploie de manière un peu différente. Unecuillerée de poudre sera mouillée sur une sous-tasse, seulement au moment del'emploi. Au début pour garnir le polissoir la trace du pinceau doit être assezblanche pour couvrir sans excès ; une fois le travail bien parti et l’adhérenceobtenue, après 3/4 d'heure par exemple, le pinceau pourra être trempé dans un potd'eau de manière à laisser des traînées plus claires ou même des séchées à l'eaupure très efficaces. Les récipients de blanc crémeux et d'eau pure permettent ainside conduire le travail suivant le régime convenable ce qui est très important. Nejamais chercher à employer un fond de pot durci par un long repos.

En fin de séchée l'efficacité du travail augmente considérablement, l’eau seraréfie, le rouge s’incruste dans la poix, l'outil « ressuie » partiellement le verre. Sil'on insiste, la résistance aux déplacements devient énorme, des cris aigus seproduisent (dans certains ateliers industriels on ne s’entend pas), contrairement ànotre réaction instinctive ce n'est pas une rayure qui se produit, c'est même de cettefaçon que l'on comble les petites filandres et que l’on obtient le plus beau poli. Maisle travail de l'optique astronomique demande quelques ménagement : il est utile,durant une bonne partie du polissage, d'entretenir un régime de petites séchées unpeu dures au besoin si l'on craint les pertes d'adhérence (local trop froid), mais ilfaudra terminer le travail en mettant un peu plus de rouge et d'eau à la fois et sanssécher complètement chaque charge. Ceci est particulièrement utile avec le blancdont l'action à sec peut prendre une importance catastrophique (fig. 46). Au débutdu travail, l'outil est généralement encore mal adapté au miroir malgré lespressages ; il se produit des accrochages irréguliers et des glissements qui doiventdiminuer peu à peu. Dès la première heure de travail on doit éprouver unerésistance régulière notable pour bouger l'outil (s'il n'en était pas ainsi on pourraitprocéder à un pressage supplémentaire avec les disques pas trop froids). Au bout dece temps, les carrés doivent présenter une surface de travail uniformément garniede rouge ou de blanc et mate : s'ils restent noirâtres et se rayent, c'est un mauvaissymptôme qui montre que l'on ne met pas assez de rouge ou que l'on met tropd'eau, ou que le local est trop froid, ou enfin que la poix est trop dure. Si l'on nepossède pas de bonne poix prenant bien le rouge, il est

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préférable de recouvrir les carrés d'une couche mince de cire d'abeilles (G. W.Ritchey) étendue facilement avec un pinceau plat en toile (fig. 28).

L'opération doit être suivie immédiatement d'un bref pressage sur le miroirlégèrement tiède bien sec et recouvert d'un papier de soie. Sur un miroir froid lesrisques de collage de la cire ne sont pas trop grands ; cela permet d'obtenir descarrés plus parfaits directement pressés contre le verre. Il ne faut pas réchauffer enprofondeur un polissoir ciré sous peine de voir la cire glisser comme une peau surla poix, de même pendant le travail il ne faut pas tenter de sécher complètement ;on entretiendra un régime de rouge ou de blanc et d'eau plus abondant. Un polissoirciré polit plus rapidement qu'un en poix nue, il raye plus rarement également, maisles surfaces obtenues ont généralement une forme d'ensemble moins régulière et lemamelonnage est plus important.

Fig. 28. – Cirage des carrés.

Dés les premières minutes de polissage, le miroir s'éclaircit ; dans la positionmiroir en dessous, il est normal que le bord « avance » ; avec le miroir dessus, aucontraire, le centre se polit plus vite. On a donc un moyen facile pour conduire letravail de façon régulière sur toute la surface est renversant la position, toutes lesdeux heures par exemple.

Le travail est beaucoup plus efficace, et surtout la forme meilleure, si l'ontravaille assez longtemps pour qu'un régime d'écoulement thermique réguliers'établisse dans toute la masse du miroir et de l'outil. Avec un miroir de 20centimètres, de 35 millimètres d'épaisseur, il faut travailler pendant une heure aumoins en ne s’arrêtant que quelques instants à chaque renouvellement de rouge. Sil'on est assez endurant pour polir pendant deux ou trois heures de suite, cela vautencore mieux ; mais l’endurance de la poix, elle, est limitée ; les carrés s'affaissentde plus en plus leurs côtés devenant convexes et menacent de se toucher, ce qu'ilfaut éviter à tout prix si l'on ne veut pas perdre l'outil ou avoir recours auxméthodes médiocres de dégarnissage dans la masse.

On retaillera donc les carrés à temps au moyen d'une arête tranchante très aiguëet parfaitement affûtée (ciseau à bois d’au moins 20 millimètres de large, fer derabot ou de varlope) que l’on frappe à l’aplomb par petits coups (fig. 29),

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sur la poix qui dépasse l’alignement d’une règle assez épaisse placée bien en facedu tracé primitif au crayon sur l'outil.

On tranche ainsi nettement et sans grave écaille les quatre côtés des carrés ; lespetits fragments et la poussière de poix seront soigneusement brossés sur un papierblanc pour récupération éventuelle, et surtout pour éviter qu'ils ne collent partoutnotamment aux mains et aux bras (nettoyage à l’essence).Après le rognage, un nouveau pressage à froid sur des disques climatisés estnécessaire. On peut utiliser à la rigueur de la poix un peu molle qui nécessite leretaillage des carrés toutes les heures, mais si un travail prolongé de trois heures neproduit pas de déformation notable, la poix est trop dure et doit être cirée, ou mieuxl’outil refait avec de la poix adoucie.

Après un travail de trois ou quatre heures, le verre est à moitié poli et

Fig. 29. – Rognage des carrés.

les carrés de l'outil ont été retaillés deux ou trois fois, ils sont moins épais, maisgarnis de rouge ou de blanc très uniformément et sans défaut grave. Après untemps suffisant on éprouve, pour déplacer l’outil, une impression d'adhérencegrasse très uniforme susceptible de donner des renseignements précieux sur larégularité du travail. On peut dire que tout l'être de l'opérateur participe à laconnaissance sensorielle de ce qui se passe.

Si l'on caractérise les progrès du polissage en fonction du temps par unestatistique portant sur le nombre de piqûres par unité de surface, on obtient unecourbe (fig. 30) d'allure exponentielle dans la région intéressante, qui permet deprévoir aisément que les dernières piqûres d'émeri coûteront « cher ». Un tout petitmiroir travaillé rationnellement ne demande guère que quatre heures de polissagepour donner toute satisfaction avec les moyens de contrôle courants, mais un tempsdouble ne suffit pas d'ordinaire avec un de 20 centimètres.

On constatera au bout de ce temps, en accommodant soigneusement, sur lasurface du miroir, près de l’image réfléchie d'un filament de lampe électrique surfond noir, la présence d’un voile «gris » constitué par une multitude de petitespiqûres d'émeri (ceux qui ne sont pas très myopes utiliseront une bonne loupe).Suivant que le «gris » est plus notable au centre ou au bord, on saura

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s'il faut continuer le travail miroir en dessus ou en dessous. Il est normal pour unesurface astronomique de 20 centimètres de passer une quinzaine d’heures pourobtenir un poli apparemment complet de cette façon ; ceci représente au moins troisjours entiers de travail (1) à cause des pertes de temps en pressages rognages, etc. Adéfaut de journées entières ou de demi-journée, éviter de se mettre en route pourpolir moins d’une heure à la fois.

Fig. 30. – Progrès du polissage en fonction dutemps.

Quand le douci du miroir n'a pasété bien réussi pour une raison oupour une autre, un travail de trenteheures ou même bien davantage nesuffit pas pour éliminer totalement le«gris » un peu particulier qui subsistealors et qui est constitué par despiqûres assez grosses, mais trèsclairsemées, que l'on peut considérercomme impolissables. Le débutant, àqui cette mésaventure arriveraprobablement, ne doit pas se désolerpour cela : un peu de gris, desfilandres ou même de véritablesrayures si elles ne sont pas tropgrosses ou trop nombreuses, neportent pratiquement pas atteinte à lafigure de diffraction ; il faut en effetconsidérer la quantité de lumière queces défauts diffractent et qui estnégligeable devant l'énergie totale,sauf dans les cas très particuliers(couronne solaire, occultationd'étoiles très faibles par un astrebrillant, compagnon de Sirius). Nousrappellerons aux étourdis que lesquatre lames d'acier qui supportent lemiroir secondaire jouent exactementle même rôle que quatre énormesrayures sur le miroir, cependant tout

le monde s’en accommode fort bien ; d’un autre côté ceux qui parlent du gris avecsévérité feraient bien de commencer par enlever soigneusement la poussière surleurs objectifs.

26. Fin du polissage. - Nous devons maintenant distinguer deux cas :D'abord celui de l'amateur modeste voulant simplifier l'entreprise le plus

possible et se contenter d'un miroir de 150 millimètres à foyer assez long pour

(1) A la suite de certains «exploits » d’opérateurs capables de tailler un miroir de 160 en six heures,beaucoup d'amateurs mettent un point d’honneur à polir comme des fous ; signalons aux plus enragés que lesmachines américaines modernes (utilisant la Barnésite) polissent un bloc de 180 millimètres de diamètre enune à trois minutes, l’optique astronomique c’est autre chose.

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que la parabolisation soit inutile (cf. § 8). Si les principes énoncés plus haut ont étébien compris et effectivement suivis, il pourra, à la rigueur, se passer de toutcontrôle dans l'espoir d'obtenir d'emblée un miroir sphérique utilisable. Il ne fautcependant pas se faire d’illusion, une bonne sphère ne peut résulter que decontrôles et de soins équivalents à ceux demandés pour un paraboloïde. Un miroirnon contrôlé ni retouché n’est donc presque jamais dans les limites de la tolérancede Rayleigh, même si ses caractéristiques sont celles du tableau de la page 16. Toutce que l'on peut espérer c'est quelques observations d’initiation astronomique,suffisantes peut-être pour confirmer une vocation.

Le cas de l'amateur désireux d'obtenir un miroir irréprochable est beaucoup plusintéressant. Il ne faut pas compter obtenir automatiquement avec une certitudesuffisante un paraboloïde de 20 centimètres à f / D = 6, les contrôles optiques et lesretouches sont indispensables. Nous n'en avions pas encore parlé parce qu’il n'estpas désirable pour un novice de «foucaulter » son miroir avant que le polissage nesoit à peu près terminé. En effet, s'il constate que la forme obtenue est bonne, iln'ose pas continuer le travail et se contente d'un miroir très gris, ou bien s'il observeun défaut, il tente une retouche prématurée généralement malheureuse, suivied'autres encore plus désastreuses. A partir de ce moment-là, il est perdu ; sonmiroir ne sera jamais bien poli, ni de forme réellement satisfaisante, tandis qu'untravail régulier, assez prolongé pour rendre l’outil impeccable, aurait tout niveléautomatiquement en une forme facile à paraboliser avec une grande sûreté. Nousgardons personnellement un souvenir cuisant de notre tout premier miroir, un 250millimètres à f / D = 7 que nous n'obtînmes au quart d'onde sur 220 millimètresqu'au prix de quatre-vingts retouches portant sur vingt jours de travail au total ; ontrouve dans la correspondance du secrétariat de la Commission des exemples decollègues parlant de deux cents heures de mise en forme pour un 16 centimètres !Nous voudrions éviter à nos collègues une telle épreuve d'endurance ; en réalité, sil’on exploite correctement les principes donnés plus haut, un miroir poli est à peuprès terminé. On ne saurait attacher trop de prix à l'obtention d'emblée d'une formetrès régulière.

27. Généralités sur les moyens de contrôle. - Un défaut matériel sur le verre,les anomalies correspondantes sur l'onde et sur l'image, sont des aspects différentsde la même réalité physique et la mesure de l'un d'eux permet de calculer tous lesautres ; mais il s'en faut de beaucoup que leurs dimensions soient du même ordre.Alors que les défauts matériels du verre ou de l’onde s’expriment couramment encentièmes de micron ou en millimicrons, les écarts résultants sur l'image sechiffrent en microns entiers dans le sens transversal et en millimètres dans le senslongitudinal (fig. 31).

Il est clair que l'on aura beaucoup plus de facilités pour déterminer le défautavec une bonne précision relative si l'on s'attaque à la mesure de son aspect le plusaccessible. Cette remarque va nous permettre de choisir facilement la méthode laplus sûre (particulièrement pour l’amateur dépourvu de pièces de référence).

28. Revue rapide des principales méthodes de contrôle.- Les méthodes parmesures directes sur le verre seront rapidement éliminées il ne faut évidemment

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pas songer à un comparateur à contact mécanique ou optique, si parfait soit il. Lescalibres interférentiels, très employés dans l’industrie et sur lesquels nousreviendrons à propos du petit miroir plan, ne sont pas sérieusement utilisables nonplus pour le contrôle d'un verre astronomique d’une vingtaine de centimètres ouplus de diamètre. Cette méthode constitue d'ailleurs un cercle vicieux.

Les méthodes optiques s'attaquant à la mesure des défauts sur l'onde sont déjàplus sérieuses. Un interféromètre de Michelson Twyman (1) assez grand pourraitrendre des services, mais il n'est évidemment pas question d'en envisager l'emploiici (il coûterait plusieurs milliers de fois plus cher que notre miroir). La méthode deMichelson (2) au contraire ne comporte aucune pièce de référence coûteuse. Onvérifie directement la sphéricité de l'onde au moyen

Fig. 31. – Principaux moyens d’accès à la mesure d’un défaut.

d'un écran percé de deux ouvertures dont l'une est fixe (au centre en principe) etl'autre explore la surface du miroir Ces deux ouvertures relativement petitesdonnent une grosse tache de diffraction sillonnée de franges d’interférence (trousd'Young). Si le trajet optique ne change pas quand le trou mobile exploite le miroir,la frange centrale de ce système reste fixe ; dans le cas contraire ses déplacementsdonnent immédiatement les déphasages. Mais les quantités à mesurer avec lesdéfauts qui nous intéressent sont trop petites (de l'ordre du micron au plus) pourque l'on puisse espérer les atteindre avec une approximation suffisante (stabilité dessupports et précision des pointés au microscope insuffisantes).

Léon et François Lenouvel ont indiqué (3) une méthode qui possède lesavantages des mesures interférentielles directes sans en avoir les principauxinconvénients Les interférences sont produites grâce à un duplicateur de Michelsonou un biréfringent de Wollaston associé à des nicols ; le duplicateur placé auvoisinage immédiat de l'image est de petites dimensions, mais malgré tout reste unepièce coûteuse et peu courante pour un amateur.

Ce sont donc les méthodes de contrôle sur les images qui sont les plus

(1) TWYMAN, Phil. Mag., 6e série, t. 35, janv. 1918, p. 49.(2) MICHELSON, Astph. J., t. 47, p. 283. Correction of optical surfaces.(3) LEON et FRANCOIS LENOUVEL, Etude des faisceaux convergents. R. O., t. 17, 1938.

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importantes en pratique. L’observation directe des figures de diffraction focale etextrafocales est connue sans doute depuis que l'on utilise des instruments.Développée et décrite en détails dans une brochure éditée par la Maison Cooke (1),elle rend les plus grands services à l'observateur, mais son intérêt reste limité pourl’opticien parce qu'elle ne donne pas d'indication facile à interpréter surl’emplacement et la grandeur des défauts.

La méthode de Hartmann (2) permet de déterminer les positions longitudinalesd'intersection de pinceaux lumineux, isolés par un écran placé devant 1e miroir. etdisposés symétriquement par rapport à l'axe, grâce à deux photographiesextrafocales que l’on peut mesurer ensuite avec une grande précision. La méthodefournit des indications très sûres et impersonnelles, mais on n’y a recours que pourle contrôle final d'une grosse pièce. Les amateurs avancés qui abordent le contrôled'un miroir de 50 centimètres auront avantage à étudier un magnifique exempled'application de cette méthode au contrôle du miroir de 81 centimètres del'Observatoire de Haute-Provence, donné dans Lunettes et Télescopes (3). C'est àLéon Foucault (4) que l'on doit les méthodes de contrôle les plus utiles pourl'opticien et dont dérivent presque toutes les autres méthodes sur les images. Laméthode de la lame de couteau ou des ombres est la plus merveilleuse de toutes parsa sensibilité et sa simplicité. Nous allons nous en occuper en détail. Disonsseulement pour l'instant qu'un simple écran opaque à bord net interceptant lefaisceau au voisinage immédiat de l'image, traduit les écarts transversaux (pour unœil placé derrière) des rayons aberrants par des ombres sur le miroir qui suggèrentà l’observateur une saisissante vision en relief du défaut tel qu'on pourrait le voirsous un éclairage rasant si sa hauteur était amplifiée environ un million de fois !(fig. 32 A). La densité de l'ombre est liée à la pente que fait la surface d'onde réelleavec la surface d'onde sphérique idéale qui aurait son centre dans le plan de coupedu couteau. Si l'on veut coter la hauteur des défauts il faut donc relever toutes lespentes et les mettre bout à bout, autrement dit, procéder à une intégration ; maisavec un petit miroir, cette opération n'est utile que tout à fait à la fin pour s'assurerque les défauts résiduels sont bien inférieurs à la limite nuisible. En réalité, aucours du travail, avec un peu d'habitude, un simple coup d’œil sur les ombresfournit à l'opticien précisément les renseignements dont il a le plus besoin pourfaire une bonne retouche, tandis que l’énoncé brutal du nombre de millimicrons àenlever à tel endroit n'aurait qu'une valeur pratique à peu près nulle. Il nepermettrait en effet ni de choisir l'outil convenable, ni de déterminer le tempsd'action et les courses à adopter. Il n'est pas inutile d’insister sur ce point, car laplupart des jugements que l'on peut lire sur les méthodes de contrôle sont portés pardes théoriciens qui n'ont jamais taillé un seul miroir de leurs propres mains.

La méthode du réseau extrafocal due également à L. Foucault (loc. cit.)

(1) « On the adjustement an testing of telescopic objectives », reproduite dans L’Astronomie, 1905, pp.408, 500 à 510, 542 à 556, 1906, p. 44.

(2) HARTMANN, Objektivuntersuchungen. Zeit f. Inst., t. 24 (1904), pp. 1-21, 32-47, 97-117.(3) Lunettes et Télescopes, par A. DANJON et A. COUDER. § 115.(4) L. FOUCAULT, Description et procédés employés pour reconnaître la configuration des surfaces

optiques. C. R. Ac. S., t. XLVII, p. 958 et Ann. Obs. Imp. De Paris, t. V, 1859. Une réédition plus accessibleest contenue dans le tome II des Classiques de la Science (Armand Colin).

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a été reprise et développée ultérieurement par V. Ronchi (1) et L. Lenouvel (2). Oninterpose un réseau à traits opaques égaux aux vides, dans le faisceau et près del’image. Si le faisceau est homocentrique, les ombres créées par ce

Fig. 32. – Application de quatre méthodes différentes au contrôle d’un petit miroirde 125 millimètres (R = 2 000) présentant toutes sortes de défauts (polissage au H. C. F.).

Défauts de grande amplitude : Bord rabattu, astigmatisme, trou central de λ / 8 (0 µ 035 sur le verre).Défauts d’amplitude moyenne : Mamelonnage de H. C. F. (profondeur moyenne sur le verre : 10 Angströms ou 0 µ 01) etveines de dureté inégale du verre.Défauts élémentaires : Micromamelonnage (profondeur moyenne 40 Angströms).A. Méthode de Foucault, fente 10 µ couteau à droite.B. Méthode de Ronchi, fente 10 µ. Réseau 5 traits au millimètre (14 millimètres intrafocal).C. Méthode de Zernike, fente 10 µ, lame de phase : 166 mµ (0mm,4 intrafocal).D. Méthode de Lyot, fente 450 µ, lame de phase : semi aluminure densité 1,7.Tous ces défauts réunis ne portent pas d’atteinte grave à la figure de diffraction normale et passeraientcomplètement inaperçus en observant une étoile au foyer.

couteau multiple sont rectilignes ; dans le cas contraires, les régions aberrantes sontvisibles par des anomalies correspondantes (fig. 32 B). Malheureusement, à partird’un petit nombre de traits au millimètre pour le réseau, les phénomènesd’interférence parasites sont inextricables et non susceptibles d’une

(1) VASCO RONCHI, Annales de l’Ecole Normale Sup.de Pise, vol. 15 ; R. O., t. 5 (1926), p. 441 ; t.7, 1928, p. 49 ; La Prova dei Sistemi ottici (Bologne).

(2) L. LENOUVEL, R. O., t. 3 (1924), p. 211-243, 315-333 ; t. 7 (1928), p. 395.

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interprétation claire et sûre. Il ne faut donc pas s'étonner que, malgré les volumesde théories publiés, la méthode n'ait pas enthousiasmé les praticiens ; elle rendcependant d’assez grands services pour le contrôle rapide du stigmatismed'objectifs photographiques ou autres petites pièces courantes que l'on peutcontrôler avec des réseaux très peu serrés et des sources larges.

Une dérivée étonnante et magnifique de la méthode de Foucault a été imaginéepar F. Zernike (1) en refaisant la théorie de la méthode des ombres en tenant comptede la nature ondulatoire des rayons lumineux Cette fois, au lieu d'un couteauopaque, on superpose à l'image de diffraction une lame de phase assez petite etd'épaisseur voulue pour produire un déphasage de 90° dans l'image centrale seule.Si le miroir possède des défauts capables de rejeter de la lumière hors de cetteimage et de former des spectres latéraux, il se produit alors une interférencepartielle entre ces spectres et l'image centrale déphasée, qui traduit les variations dephase de l’onde par des variations d'intensité et de teintes très vives (fig. 32 C).Cette figure ne peut donner qu'une idée très incomplète de la méthode ; nous avonsobtenu des photographies directes en couleurs que nous regrettons de ne pouvoirdonner ici. La méthode est susceptible d'applications extrêmement importantes enmicroscopie. Pour le contrôle de l'optique astronomique son intérêt est plus limité.Son interprétation complète et sûre exigerait une connaissance très précise de lafaçon dont se produit le déphasage de λ / 2 des rayons passant par un foyer.

Mentionnons enfin, bien qu'elle n’intéresse plus qu'indirectement l'amateurtailleur de miroirs, l'application du contraste de phase donnée par B. Lyot (2) pourl'étude des petits défauts de forme très peu élevés qui constituent lemicromamelonnage (voir § 41 et fig. 32 D, 47, et 139).

La méthode comporte le déphasage et l'absorption simultanée de l’imagecentrale, mais cette fois la source est beaucoup plus large. Il n'est plus questiond’étudier les défauts à longue période. La méthode est sélective, elle ne montre plusque les défauts qui peuvent envoyer de la lumière assez loin pour tomber hors de lalame de phase (fig. 32 D).

Toutes les méthodes qui comportent l’introduction dans le faisceau et près del’image d'un obstacle complètement opaque ou non, sont réalisables avec desmontages très voisins. Ainsi le réseau photographique à cinq traits au millimètrequi a servi à prendre la photo 32 B aurait permis l'application (dans des conditionsd'ailleurs non optima) des quatre méthodes : Foucault normale avec un seul trait aufoyer ; Ronchi (photo 32 B) ; Zernike en exploitant le déphasage produit dans unseul trait par la variation d'épaisseur et probablement d'indice de la gélatine dans laplage exposée ; enfin Lyot en élargissant la source. L’effet déphaseur des traits sereconnaît d'ailleurs sur la photo 32 B dans les ombres incomplètement opaques.

29. Explication géométrique de la méthode de Foucault. - Plaçons le miroirsur un support de manière que son axe optique soit horizontal et disposons auvoisinage de son centre de courbure une «étoile artificielle » S

(1) F. ZERNIKE, M. N. R. A. S. (1934) ; Physica, I (1934), n°8, p. 689.(2) B. LYOT, C. R. Ac. S., t. 222 (1er avril 1946) p. 765-768 : Procédés permettant d’étudier les

irrégularités d’une surface optique bien polie.

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(fig.33), c’est-à-dire une source de lumière dont la dimension transversale soit trèspetite. Le miroir poli, mais non encore métallisé, réfléchit assez de lumière pourdonner de S une image I suffisante pour faire le contrôle. Si la source coïncidaitexactement avec le centre de courbure, l’image de retour serait confondue avec elleet inaccessible. Ecartons la un peu sur le côté : en vertu des lois fondamentales dela réflexion, l’image s’éloigne symétriquement par rapport à l’axe. Plaçons l’œilimmédiatement derrière l’image : si le faisceau n’est pas trop ouvert comme c’est lecas avec les miroirs qui nous intéressent, on voit la surface du miroir entièrement etuniformément lumineuse. Maintenant faisons pénétrer dans le faisceau réfléchi etjuste devant l’œil, un écran opaque rectiligne, à bord net ou couteau. Nousprendrons comme convention générale que la source a été écartée vers la gauche etque le couteau vient de la droite quand on fait face au miroir. Supposons d’abordque nous avons affaire à un miroir parfaitement sphérique : puisque la source auvoisinage immédiat du centre de courbure, tous les rayons se croisent au mêmepoint I. Quand le couteau pénètre en avant de cette intersection (fig. 33A) on voitune ombre qui progresse devant la surface du miroir dans le même sens que lui ; aucontraire, lorsque le couteau est en arrière (fig. 33 B) l’ombre subit desdéplacements inverses et le bord gauche s’obscurcit le premier. Mais si le couteauarrive à l’intersection exacte I (fig. 33 C) comme tous les points de la surface dumiroir contribuent également à la formation de cette image, on verra tout le miroirs'obscurcir uniformément en bloc et progressivement parce qu'en réalité la source aune largeur finie et que l'optique géométrique n'est qu’une approximation. On aainsi un moyen très sensible pour placer le couteau longitudinalement dans le planexact de l'image ; il suffit de comparer au cours d'une coupe la brillance du côtégauche et du côté droit du miroir. Si le bord droit est un peu plus sombre il fautéloigner légèrement le couteau ; il faut le rapprocher si c'est le bord gauche qui estle plus noir. On arrive rapidement à trouver une position d'extinction uniforme en«teinte plate » : le couteau est à l'intersection de tous les rayons.

Mais le plus souvent le miroir n'est pas parfaitement sphérique. Remarquonstout de suite qu'étant donné la façon dont le verre a été travaillé, les défautsengendrés sont toujours de révolution à une haute approximation (sauf les accidentsélémentaires de mamelonnage dus à la structure de l’outil, ou anomalies très rares),c’est-à-dire qu’ils se présentent comme des zones en creux ou en reliefconcentriques au contour du verre. Sur la figure 33 D nous avons supposé que lecouteau est dans le plan de l'image formée par une large couronne sphérique d’unmiroir défectueux. Cette couronne apparaît donc en «teinte plate » ; mais parrapport à elle, il existe au bord et au centre du miroir des régions dont le rayon decourbure est un peu plus long, les rayons réfléchis en ces endroits ne convergentpas exactement au même point et ne peuvent donc pas être interceptés en mêmetemps que les autres par le couteau ; ceux qui proviennent des «versants » tournésdu côté du couteau sont évidemment arrêtés les premiers et corrélativement on voitles régions en question s’assombrir plus vite ; au contraire les versants inclinésdans la direction opposée restent éclairés les derniers. Bref l'aspect que l'on observepour une pénétration moyenne du couteau est celui de la figure 33 D dont lesombres suggèrent le relief des défauts par rapport à la sphère de référence quiapparaît en teinte

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Fig. 33. – Explication géométrique de la méthode de Foucault

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plate. Il faut seulement faire une convention d’éclairage pour savoir si l'on a affaireà une bosse ou à un creux ; quand on examine un miroir on doit assimiler l'aspectobservé à un modèle diffusant la lumière et éclairé très obliquement par une sourcesituée du côté opposé au couteau (c'est le contraire dans le cas d’un objectif). Avecnotre convention les versants tournés vers la gauche sont éclairés ; ceux inclinésvers la droite sont dans 1'ombre. Sur la figure 33 D c'est une bosse centrale et unbord rabattu qu'il faut voir ; sur la figure 32 A il y a un trou central, une petite zonesaillante intermédiaire (partiellement masquée par un autre défaut plus grave) et unbord rabattu.

Il est clair que l'aspect des ombres change complètement avec la positionlongitudinale de coupe. Par exemple avec le miroir donnant les ombres de la figure33 D, si l'on éloignait un peu le couteau du miroir de façon à se placer dans le plande l'image fournie par les rayons centraux, c'est le milieu du miroir que l’on auraitvu en teinte plate et la couronne comme les versants intérieurs d’un cratère ou d’unentonnoir. Quand on retouche un miroir, il importe peu que l’on produise unesurface ayant un rayon de courbure légèrement plus long ou plus court. On choisiraévidemment l’aspect du défaut en grandeur et position dont la retouche est la plusfacile. Ce n’est pas forcément pour ce tirage du couteau que le relief est le plusfaible. Nous aurons l’occasion d'en donner des exemples.

30. Détails de construction d'un appareil de Foucault. – Bien qu’un montagerudimentaire improvisé avec des moyens de fortune soit susceptible de rendred'importants services (1), il est beaucoup plus commode pour le contrôle sérieux desparaboloïdes, de disposer d'un appareil possédant un couteau muni de mouvementslents dans le sens transversal et longitudinal.

La figure 34 représente un modèle qui dérive de celui que nous avons construiten 1946 pour l’atelier de la Commission des Instruments. Attirons spécialementl'attention sur les points suivants :

Degrés de liberté du rouleau. - Pour réaliser simplement, de façon très douce etsans jeu les 2 degrés de liberté du couteau, il faut recourir à une conceptioncinématique : le nombre de points de contact qui définit la position d’un corps parrapport à un autre étant de 6 (Maxwell), nous devons avoir dans le cas qui nousintéresse 4 points non réglables : ce sont (fig. 34) les contacts des 2 plaquettes en Vdu chariot portant sous l’effet du poids de la pièce contre la tige cylindrique enacier de la semelle. Le poids du chariot l’applique en outre contre un cinquièmecontact qui est la pointe d'une vis butant sur la glace plane disposée parallèlement àla tige d’acier sur la semelle. En manœuvrant cette vis on bascule tout le chariotlégèrement et l’on fait pénétrer le couteau dans l’image de façon très douce, sansaucun jeu ni temps perdu, même avec une vis de décolletage absolumentquelconque. En fait, le mouvement du couteau n'étant pas exactement rectiligne,l’intersection de l’image d’une fente ne se fait pas rigoureusement en même tempssur toute la hauteur ; mais le rayon choisi et les largeurs de sources usuelles ceteffet est insensible.

(1) On trouvera un tel montage simplifié dans le Bulletin de la Société, L’Astronomie, t. 53 (1939),juillet, p. 315.

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Fig. 34.- Détails de construction d’un appareil de Foucault.

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Un ressort tire le chariot longitudinalement sur le sixième et dernier point decontact qui est 1'extrémité arrondie d'une vis « micrométrique » (un simplemorceau de tige filetée ordinaire de 6/100) dont le tambour divisé en 100(récupération sur un goniomètre d'artillerie) ou en 20 ou même en 10 (bande depapier collée autour) permet de mesurer les déplacements du chariot à 1/100 demillimètre près.

La distance transversale du couteau à la source doit être petite afin d’éviter leplus possible l'astigmatisme de montage (et diminuer la parallaxe si l'on destineplus tard l'appareil pour des contrôles par autocollimation). L’encombrement desampoules usuelles ne permet pas ordinairement de descendre en dessous de 30millimètres sans employer un petit prisme à réflexion totale, cet expédient n'estvraiment utile que si l'on a affaire à un miroir à très court rayon (R < 1 m) ou trèsouvert ( f / D < 4).

Source, étoile artificielle – La sensibilité optimum de la méthode de Foucaultest obtenue avec des sources assez intenses dont la largeur est de l'ordre dudiamètre de la tache de diffraction (cf. § 3) soit 8 à 10 µ avec les miroirs qui nousintéressent (au centre de courbure), il est assez remarquable qu'une source dix foisplus large soit encore très suffisante pour les contrôles courants. Très souvent on secontente d'un simple trou rond percé dans une feuille mince d'étain ou d'aluminiumau moyen d'une fine aiguille (on limite la pénétration de la pointe en plaçant lafeuille à percer contre une surface plane assez dure), on obtient couramment destrous d'une centaine de microns de diamètre, il n’est pas facile de percer un troubien rond de moins de 50 µ et on risque de manquer de lumière avec une tellesource, en outre en vision sténopéique, les défauts des milieux réfringents de l’œilsont gênants par les ombres mobiles qu’ils produisent. M. A. COUDER (1) a signalél’intérêt d’employer une fente dont la largeur peut être réduite à la valeur optimumet la hauteur utile de 4 millimètres environ, ce qui permet de conserver assez delumière et d'éliminer les inconvénients de la vision sténopéique. Nous donnons ici(fig. 34) un modèle de fente à largeur fixe que l’on peut régler si l'on veut à 5 ou 10µ d’écartement avec un parallélisme meilleur que le micron simplement enappréciant le jour devant un diffuseur blanc bien éclairé. Une telle fente est tropfine pour les essais courants, des phénomènes de diffraction sur lesquels nousreviendrons risqueraient de gêner les débutants, à défaut d’une mesure directe aumicroscope on opérera le réglage devant un diffuseur blanc très peu éclairé defaçon à obtenir une fente de 30 à 50 µ environ de largeur.

Tout ceci suppose que les lèvres de la fente sont rectilignes à une hauteapproximation, les idées les plus fausses régnant dans les esprits sur l’obtention depièces mécaniques rectilignes à petite fraction de micron près, nous ne croyons pasinutile de décrire l’opération enfantine qui consiste à dresser les lèvres de la fenteet l’arête du couteau. L’erreur la plus fréquente consiste à vouloir un dièdre trèsaigu, une véritable arête tranchante de rasoir ; au contraire c’est une petite facettequi peut avoir sans inconvénient 1/10 de millimètre de largeur que l’on peutobtenir facilement bien rectiligne. Malgré sa faible dureté, le laiton est préférable àl’acier ordinaire à cause de l’oxydation.

(1) A. COUDER, construction d’un miroir de 1m,20, B. A., t. VII (1931), p. 423 et Lunettes etTélescopes, p. 528.

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On commence par dresser à peu près d’équerre le champ qui fournira l'arête, puisl'on fait un chanfrein à 30 ou 45° simplement à la lime, la pièce étant tenue dansun petit étau, en s’attachant le mieux possible à atteindre l'arête vivesimultanément sur toute la longueur, bien entendu avec un métal aussi tendre et lesmaladresses inévitables, cette arête est dentelée ; pour la niveler exactement onprésente la pièce perpendiculairement à un verre dépoli plan (1) (fig. 35) sec etpropre, avec une pression de quelques centaines de grammes, on fait ainsi unedizaine de courses de va-et-vient transversalement à la longueur de la pièce. Enquelques secondes on obtient une petite facette brillante qui ne doit pas présenterd’interruptions décelant des anfractuosités non atteintes (il suffit dans ce cas defaire quelques courses de plus).

Pour l'éclairage uniforme d'une tellesource dans un angle suffisant uneflamme bien stable de quelquesmillimètres de large, placée assez près dela fente convient bien ; les anciensopticiens employaient souvent une petitelampe à essence ou à pétrole, l’acétylènedonne des résultats excellents grâce à satempérature de flamme supérieure à2200° mais il est infiniment plus pratiqued’utiliser une ampoule électrique munied'un diffuseur ; le verre opale est parfaitmais diminue beaucoup la brillance ; ilest suffisant en pratique de dépolir le côtéde l'ampoule tourné vers la fente avec unpeu d’émeri 5 minutes, et un petitmorceau de plomb sommairement battuen forme de bassin du rayon de

Fig. 35. – Dressage des lèvres de la fente et du couteau.

l’ampoule. Les lampes à bas voltage pour phare d'auto ou cinéma sont avantageusesà cause de l'encombrement réduit et de la meilleure utilisation possible du filament.Il est préférable de ne pas chercher à projeter l'image du filament directement sur lafente au moyen d'un système optique, l'expérience montre qu'il est très difficiled'obtenir de cette façon un éclairement bien uniforme dans un angle solidesuffisant. Cette méthode donne cependant de bons résultats avec une source sansstructure comme un arc à vapeur de mercure à haute pression dont la brillanceélevée est précieuse pour les contrôles sévères d’accidents très petits mais quin’intéresse pas directement l’amateur au premier degré. Notons enfin la possibilitéde faire tourner la lanterne porte-source sur elle-même afin d’égaliser l’éclairementle mieux possible dans le faisceau utile.

Stabilité des supports. – Elle joue heureusement un rôle beaucoup moins gravequ’avec les méthodes de Michelson et de Zernike, cependant les observations sontbeaucoup plus faciles et rigoureuses avec du matériel stable. Les supports demiroirs construits par les amateurs sont souvent défectueux et risquent d’infligerdes déformations mécaniques aux pièces contrôlées, ici

(1) Un morceau de glace de Saint-Gobain frotté contre un autre avec interposition d’émeri 5 ou 10 m.

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encore il faut avoir recours à une conception cinématique, nous emprunterons à desmontages de M. A. COUDER quelques-unes des dispositions suivantes aussiefficaces que peu dispendieuses à établir : sur le support de la figure 36, le miroirbute par 2 points de sa tranche, distants de 60 à 90° contre les flasques du supportayant les arêtes intéressées, légèrement dégagée vers le dos, ce qui

Fig. 36. – Disposition générale du contrôle d’un miroir.

incite au basculement contre l'appui dorsal, dont le plan est défini par les têtes de 3clous incomplètement enfoncés. Le support lui-même doit porter en 3 points sur unbâti stable reposant directement sur le sol, si l'on opère à la cave à la campagne ; ouaccroché dans un angle de mur si le local est à l'étage en ville. L'appareil deFoucault est placé sur un large trépied stable, de préférence réglable en hauteur, cequi permet de faire tous les réglages très rapidement sans perdre des yeux l'imageni avoir à toucher au support du miroir.

31. Pratique de l'essai de Foucault. - La pièce où l’on opère doit être fermée etsuffisamment isolée thermiquement pour éviter le plus possible les hétérogénéitésoptiques de l’air. Les caves sont souvent les meilleurs endroits sauf en hiver quandla chaleur dégagée par l'observateur et sa source produit des courants chaudsrefroidis au contact des murs. Cet endroit est un peu gênant aussi à cause de ladifférence importante de température avec la salle de polissage qui existe le plussouvent et nécessite un équilibrage thermique du miroir de plusieurs heures avantchaque essai. Si l’on opère à l’étage on choisira une pièce dont les murs ne sont pasdirectement exposés au soleil. Une obscurité relative est utile mais il est commodede laisser subsister un jour suffisant pour se diriger et voir le miroir, son support,etc. Aucun essai utile n’est possible si le miroir n’est pas en état d’équilibrethermique parfait avec l’air ambiant, la

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simple manipulation qui consiste à prendre le miroir froid pour 1e poser sur lesupport nécessite ensuite une attente d’une demi-heure ; si le miroir vient d’êtretravaillé, au bout d’une demi-heure on pourra reconnaître sa forme générale grâce àun échange thermique stable superficiel, mais le rayon de courbure et la formeexacte bougeront encore pendant plusieurs heures.

Pour centrer rapidement l'appareil, on le dispose à peu près en face du miroir àune distance volontairement un peu plus grande que le rayon de courbure. Lalampe étant allumée et la fente enlevée on cherche en hochant la tête, l’image deretour du trou de la lanterne qui, grâce à ses dimensions (10 millimètres parexemple) est facile à trouver : cette image est plus petite que l'objet. On déplacel'appareil de Foucault tout entier et le pied au besoin de façon à se rapprocher dumiroir et à amener l'image de retour, que l'on ne perd pas des yeux, au voisinageimmédiat du couteau. Le diamètre de l’image du trou augmente. Quand il atteint ladimension de l’objet on est près du centre de courbure, on peut mettre la fente ettenter une première coupe avec le couteau. L’image de la fente doit être exactementparallèle à l’arête du couteau, l'oculaire de Ramsden et le couteau tournant (fig. 34)permettent de faire ce réglage avec précision. A défaut d'oculaire permettant de voirsimultanément nets le couteau et l'image, on peut se contenter d’écarter l’œil à 30centimètres environ derrière le couteau et de vérifier que l'image s'éteint biensimultanément sur toute la hauteur, la netteté des franges de diffraction dont nousparlons au paragraphe suivant fournit un critère plus sensible. L’intersection unefois trouvée (cf. § 29) le couteau n'est pas le plus souvent dans le même plan defront que la source, la différence peut être, sans inconvénient pour le contrôle, deplusieurs centimètres mais il faut en tenir compte si l’on veut mesurer le rayon decourbure du miroir, on se sert pour cela d'une longue règle légère s'appuyant sur lemilieu du verre et l’on trace au crayon sur la règle un repère en face de la fente etun en face du couteau, le rayon de courbure est la moyenne des distances de cesdeux repères au centre du miroir.

Le débutant s’entraînera le plus possible à trouver les positions remarquables ducouteau qui montrent le miroir défectueux qu'il a sous les yeux avec les zonesprincipales en teinte plate, pour apprécier s'il a affaire à un défaut en creux ou enrelief, il n’oubliera jamais de faire mentalement le raisonnement sur la direction del'éclairage fictif (§ 29 et fig. 33).

32. Diffraction dans l'essai de Foucault. – L’intérêt immense que les opticiensastronomes portent à la méthode de Foucault devait les inciter à chercher la limitede validité de l’explication purement géométrique (§ 29) en tenant compte de lanature ondulatoire des rayons lumineux. Il est très remarquable que lesphénomènes de diffraction ne jouent ici qu'un rôle très secondaire (ce qui n’est pasle cas avec les tests « améliorés » que l’on a proposé) au point que nous les aurionscomplètement passés sous silence dans ces notes destinées aux amateurs s’il nefallait mettre en garde contre certaines erreurs d’interprétation possibles et signalerleur possibilité d’exploitation. C’est RAYLEGH qui a considéré (1) d’abord lebrillant anneau de diffraction visible autour du miroir même quand le couteauarrive à recouvrir entièrement

(1) RAYLEGH, Phil. Mag. 33 (1917), p. 161.

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l'image, cet anneau gêne l'appréciation exacte des défauts du bord extrême.BANERJI (1) a tenté d'exploiter ce phénomène. Plus récemment une théoriecomplète de l’essai de FOUCAULT a été travaillée par GASCOIGNE (2) et parLINFOOT (3) ; la conclusion pratique de ces travaux ne comporte de correctifsérieux à l'interprétation géométrique que si l’on a affaire à des grosses aberrationsde l'ordre d'une frange, qu'il est d'ailleurs facile d'étudier avec des sources assezlarges pour que la diffraction ne soit pas gênante. Nous avons déjà vu le parti queF. ZERNIKE (§ 28) avait su tirer de sa théorie ondulatoire de l'essai deFOUCAULT, sa nouvelle méthode s'applique surtout aux petits défautsélémentaires plus ou moins périodiques dus à la structure de l’outil.

En 1931, A. COUDER (4) a signalé les sortes de franges d'ombre de

Fig. 37. – Franges d’ombreintrafocales d’un miroir sphériqueayant un bord rabattu de 1/3d’onde (fente 5 µ).

FRESNEL, dont l'ombre du couteau est bordéeen position nettement extrafocale et quisubsistent même à l'intersection si le faisceaun'est pas stigmatique. Ce phénomène nes'observe qu'avec une fente assez fine et sonintérêt pratique est assez grand : tout d’abord ilpermet de régler la largeur de la fente à unevaleur correcte et de mettre le couteauexactement parallèle à l'image ; avec lesfaisceaux qui nous intéressent d’ouverture f /12 à f / 16 on voit deux ou trois frangesd'ombre (fig. 37) bordant l'ombre géométriquepour une position extrafocale du couteau de 20millimètres environ quand la fente a la largeurrecommandée de 30 à 50 µ. Avec une sourcemonochromatique et une fente de 3 µ on peutobserver et photographier des franges sur toutela moitié de la surface non recouverte parl'ombre.

A. COUDER a montré aussi la possibilité d’exploiter ce phénomène pourl'appréciation immédiate des écarts de tautochronisme sans aucun calcul, en effetquand le faisceau est stigmatique, les franges sont rectilignes, si le couteau enposition intrafocale recouvre plus de la moitié du faisceau ; dans le cas contraire,leur forme permet d'apprécier la grandeur de l'écart : on utilise pour cela lapremière frange, qui est la plus visible et dont la distance à l'ombre (environ troisquarts d’onde) sert d'échelle.

A titre d'exemple nous donnons la photographie des franges obtenues avec unmiroir ayant un bord rabattu que l’on n'aurait pas apprécié aussi exactement aucentre de courbure à cause de l’anneau de RAYLEGH signalé plus haut.

Quand on étudie une surface ayant un défaut notable dans les conditions de1'examen, par exemple un paraboloïde assez ouvert au centre de courbure, lesfranges d'ombre persistent plus ou moins nettement pour toutes les positions

(1) BANERJI SUDHANSUKUMAR. Asph. J., t. 48 (1918), p. 50.(2) GASCOIGNE, M. N. R. A. S., 104 (1944), p. 326.(3) LINFOOT. Proc. R. A. S., t. 186 (1946), p. 72 ; t. 193 (1948), p. 248.(4) A. COUDER, Bull. Ast., t. VIII (1931), p. 423. Construction d’un miroir de 1m,20 et aussi Lunettes

et Télescopes, p. 529.

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du couteau mais si l’on s’en tient à une source de 30 à 50 µ on ne sera jamaissérieusement gêné et la mobilité des franges empêchera de les confondre avec leschangements de teinte d'un versant au cours d'une coupe.

33. Sensibilité limite de l'essai de Foucault. - Si l'on a affaire à une surfacedont les défauts dans les conditions de l'examen sont très faibles, les phénomènesde diffraction ne sont pas gênants sauf au bord extrême et l'appréciation desaccidents est limitée par la valeur du plus petit contraste perceptible. Si la source nemesure que 10 µ de large un écart transversal de 0µ5 est traduit par une variationde teinte très visible, il correspond sur l'onde avec un miroir de 3 mètres de rayon

de courbure à une pente de 610.6

1 , pour parler de la hauteur il est donc nécessaire

de fixer la dimension transversale de région aberrante, s'il s'agit d'un défaut degrande amplitude, par exemple une large zone de 60 millimètres de largeur de

pente, la hauteur atteindra 510

1 millimètre soit 1/60 d'onde ; mais si le défaut est

peu étendu, la hauteur de l'accident sera extraordinairement petite, nous avons puphotographier des accidents de moins de 1 millimètre de largeur sur le verre dontla pente (déduite de considérations seulement géométriques) était de 1.10-6 lahauteur correspondante de 10 Ä (soit 1/600 d'onde) était confirmée par une mesuredes mêmes accidents au moyen d'une méthode par contraste de phase (méthode deLyot).

34. Principe du contrôle des miroirs paraboliques. - Le contrôle desparaboloïdes dans les conditions mêmes de l'emploi comporterait de sérieusesdifficultés puisqu'il faudrait éloigner considérablement la source (§ 8) à moinsd'avoir recours à un plan étalon à auto collimations ou à un collimateur parfait demême diamètre que le miroir, solutions auxquelles les professionnels eux-mêmesont rarement recours. On opère donc au centre de courbure, comme nous savons lefaire, et nous savons aussi que dans ces conditions seul un miroir sphériquedonnera une image parfaite ; avec le paraboloïde il apparaît un défaut marqué,inverse de celui présenté par le sphérique au foyer et qui est une forme del'aberration de sphéricité. On peut prévoir à l’avance la grandeur de ce défaut quel'on chiffrera par exemple dans le sens longitudinal où sa mesure est la plus facile(§ 27), il suffira dès lors de retrancher cette valeur de l'aberration réelle, observéeavec le miroir étudié pour obtenir des résidus qui sont les défauts propres au miroiret qu'un calcul simple réduira au plan focal, afin de pouvoir apprécier directementleur degré de gravité par rapport à la figure de diffraction parfaite (§ 3).

35. Définitions relatives à l'aberration de sphéricité. - Considérons parexemple un miroir parabolique (fig. 38) donnant une image d'un point lumineuxfixe placé en son centre de courbure. Cette image n'est pas un point parce que lesintersections des rayons émergents de zones de plus en plus hautes sur le miroir sefont à des distances de plus en plus grandes du miroir.

L’énergie lumineuse est répartie principalement selon les intersections desrayons voisins qui dessinent de proche en proche une enveloppe que l’on appellesurface caustique, de révolution autour de l'axe optique et dont la forme est

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un peu celle d'un pavillon de trompette, sa section est visible figure 38 où leshauteurs d'incidence sont très exagérées pour la clarté. La surface caustiquecomporte en outre un petit segment de droite lumineuse confondu avec l'axeoptique qui résulte en quelque sorte, si l’on peut s'exprimer ainsi, de l'empilage desimages données sur l'axe par les zones de rayons croissants.

Fig. 38. – Aberration d’un miroir parabolique à son centre de courbure.

Ce segment est particulièrement intéressant à considérer, sa longueur ∆p' (1)

mesure l'aberration longitudinale et se calcule aisément par la relation suivante :

Rh

p2

'=∆

L'aberration longitudinale d'une zone de rayon h est égale au carré de cettehauteur d’incidence par le rayon de courbure R du miroir.

Mais le paraboloïde n'est qu'un cas particulier parmi les surfaces déformées quel'on rencontre (involontairement), quand on taille un miroir ; on introduit souventun coefficient de déformation b dans la formule qui se généralise en :

3

42

2'

Rh

R

hbp +=∆ ,

b vaut -1 dans le cas de la parabole (le signe moins indique seulement quel'intersection des rayons marginaux se fait plus loin du miroir que celle des rayonscentraux) ; il est plus petit que -1 si la surface est hyperbolique ; compris entre –1et 0 si sa méridienne est une ellipse tournant sur son grand

(1) Nous adoptons pour tout ce qui concerne les mesures, les notations de Lunettes et Télescopes de MM.A. DANJON et A. COUDER. Ceci afin de faciliter le passage aux chapitres de ce livre où cette question estexposée de façon plus mathématique.

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axe et compris entre 0 et +1 si elle est de révolution par rapport au petit axe del'ellipse (fig. 39) ; dans ce dernier cas, le rayon de courbure des rayons marginauxest plus petit cette fois que celui des rayons centraux, on dit que l'aberration est dugenre sous correction, la trompette a sa partie pointue tournée à l’extérieur, tandisque pour toutes les surfaces à coefficient de déformation négatif (fig. 38) elle esttournée vers le miroir : il y a surcorrection.

Notons aussi que parmi les sections transversales de la caustique il en est unedont le diamètre est minimum : c'est le cercle de moindre aberration (fig. 38) quise trouve à une distance égale aux trois quarts du segment d’aberrationlongitudinale à partir de l'intersection des rayons centraux.

36. Description de l'aberrationde sphéricité. - Pour l'ingénieuropticien l'aberration de sphéricitéreprésente surtout un développementen série des puissances impaires deh, l'observateur et le tailleur demiroirs doivent être familiers avecdes aspects plus concrets de la réalitéphysique qui est en fait unecomposition de la géométrie et de ladiffraction. L’observateur afréquemment affaire à l'aberration desphéricité sur le ciel, par exemple,s'il y a de la surcorrection régulièreet qu'il observe une étoile assezbrillante avec un oculaire assez fort,il voit les apparences suivantes : au

Fig. 39. – Signification du coefficientde déformation b

foyer des rayons centraux (fig. 40 A, dans le petit carré), la figure de diffractionpresque normale au centre est entourée d’anneaux anormalement brillants etnombreux, ceux du bord se fondant le plus souvent en une large et pâle auréole sil'image est agitée ou la source non ponctuelle ; en éloignant l'oculaire, l'auréolediminue de diamètre, l'énergie se concentre sur l'anneau extérieur (fig. 40 B) quicontinue de décroître jusqu'au moment où l'on est au cercle de moindre aberration,dans ce plan l'image est d'ailleurs très mauvaise, presque toute la lumière est dansl'anneau section de la caustique, le segment axial n'en représente qu'une faiblefraction ; en éloignant encore un peu l’oculaire de façon à viser l'intersection desrayons marginaux (fig. 40 C) il subsiste encore grâce à eux un peu de lumière surl'axe, mais les anneaux extérieurs sont prépondérants et bien nets, ce sont lesfranges de caustique. Cette succession d'aspects est bien entendu inverse sil'aberration est du genre sous correction.

Voyons maintenant le plus intéressant pour le tailleur de miroirs : l'aspect desombres par la méthode de Foucault. Notre couteau vient toujours de la droite etcoupe d’abord la pointe de la caustique : le centre du miroir apparaît en teinte plate(fig. 40 A), les rayons venant du côté droit du miroir sont interceptés par le couteauet les régions correspondantes sont vues assombries, par contre le côté gauche estéclairé, l’ensemble donne l'impression d'une bosse puissante (n’oublions pas que lalumière vient du côté opposé au couteau),

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Fig. 40. – Surcorrection sphérique.

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légèrement aplatie au centre. Eloignons un peu le couteau : quand il coupe lesegment d’aberration longitudinale à la moitié de sa longueur (fig. 40 B) on se

trouve à l’intersection des rayons émanant de la zone de rayon 707,022 = (le

rayon du miroir étant 1), cette zone est donc vue en teinte plate et par rapport à elleles régions centrales de rayons plus courts ont donc leurs versants tournés versl'intérieur, donnant l'impression d’un creux, au contraire les zones marginales ontun rayon plus long, leurs versants sont tournés de l'autre côté, l'ensemble suggèreun anneau torique en relief avec raccordements en pente douce, il doit être familierà l’opticien. Eloignons-nous toujours, la zone « neutre » arrive à atteindre le bordmême du miroir (fig. 40 C), toutes les autres zones ont un rayon de courbure pluscourt et apparaissent comme les parois d'une profonde cuvette.

Toutes les surfaces déformées suivant une loi de cette nature donnent desaspects semblables mais plus ou moins accusés quelle que soit la valeur négative ducoefficient de déformation (ellipses, parabole, hyperboles) et positive aussi àcondition de retourner la figure en conservant la convention d'éclairage (l'aspectmoyen est une bosse avec les bord relevés). La sensibilité de l'appareil de Foucaultemployé, l’ouverture relative du miroir, la grandeur de son rayon de courbure sontautant de facteurs qui influent également sur le contraste des ombres. Pour fixer lesidées disons que les aspects de la figure 40 s'observent avec un miroir paraboliquestandard de 200 millimètres à f / D = 6 et l'appareil décrit § 30 muni d'une fentenormale d’une trentaine de microns de largeur.

La figure 41 est un foucaultgramme sensible du premier miroir de 200 à f / 6taillé à l'atelier de la Commission S.A.F. Le couteau est dans le plan du centre decourbure de la zone 0,707 ; l’on distingue une faible zone de quelques centièmes defrange dans la moitié centrale éclairée ainsi qu'un faible mamelonnage primaire del’ordre de λ / 50.

Si le miroir a une ouverture relative plus grande (ou s'il est hyperbolique) lesombres sont plus accusées, la limite de demi-teinte entre les noirs et les blancs serétrécit ; au contraire avec un miroir à f /D = 10 (ou un miroir normal elliptique)les ombres sont très faibles et le relief très adouci. Il est clair que pour être fixé surla correction du miroir des mesures quantitatives sont indispensables, nous devonsmettre spécialement en garde les amateurs contre les nombreux charlatans (1) quin'ont rien compris aux ombres et proposent des méthodes « simplifiées » n'ayantaucune valeur.

37. Mesure de l'aberration de sphéricité. - C'est Léon FOUCAULT lui-mêmequi a décrit le premier, les « solides différentiels » dessinés figure 40 et qui s'en estservi pour mesurer l'aberration longitudinale (2) : On cherche expérimentalement

(1) L’un d’eux qui qualifie modestement « sa » méthode (mal recopiée sur celle d’Everest de « simple,élémentaire, scientifique, élégante et suffisante en première approximation », propose de vérifier seulementque la différence de tirage qui permet de passer de l’aspect A à l’aspect B est égale à celle qui peut passer de

B à C, mais cette particularité est vraie pour toutes les surfaces déformées en Rh

bp2

'=∆ quelle que soit la

valeur du coefficient b (ellipses, parabole, hyperboles), la « méthode » est donc complètement insuffisante. (2) Comptes rendus Ac. Sc., t. 70, 1870, 21 février. pp. 389-392.

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la position longitudinale du couteau qui donne l'aspect A et l’on note le tirage àpartir d’un zéro arbitraire de la coulisse (si l'appareil n'est pas divisé on trace untrait repère sur un bristol), on recherche de même la position plus éloignée dumiroir où s’observe l'aspect C, la différence des lectures (ou la distance des 2repères sur le bristol) donne la longueur du segment ∆p' qu’il suffit de comparer àla valeur théorique pour savoir si le miroir est plus ou moins déformé que laparabole ; par exemple avec un miroir de 20 centimètres à f / D = 8 on a h = 100 et

R = 3200, par conséquent 12,3200300010

' mmp ==∆ .

Par ailleurs on vérifie qu'au milieu de ce segment le couteau donne l'aspect B,c'est-à-dire que la zone neutre est sensiblement aux 0,7 du rayon du miroir et queles zones se raccordent normalement sans anomalie. Cet essai sommaire peutsuffire à la rigueur pour vérifier un miroir peu déformé (par ex. un 20 centimètres àf / D = 8) mais il exige de l'opérateur une sérieuse habitude des ombres, en effet lepointé des rayons centraux est peu précis avec des rayons qui se coupent aussiobliquement et celui des rayons du bord extrême est gêné par le brillant anneau deRayleigh (§ 32), en outre une anomalie locale très fréquente soit sur le centre, soitsur le bord, suffit pour porter un jugement inexact sur un miroir si le simpleexamen des ombres n'a pas permis de la dépister.

G. W. RITCHEV (1) a eu l'idée de faire une comparaison photométrique grâce àdeux fenêtres découpées dans un écran, découvrant deux portions d'une mêmezone, symétriques par rapport à l'axe. Les fenêtres des écrans Ritchey étaient siétroites que les liserés de diffraction gênaient considérablement les mesures. A.Couder (2) a décrit un écran beaucoup plus pratique dont nous allons nous occuper.

38. L'écran à échancrures A. Couder.- Les fenêtres démasquent des zonessuccessives dont les rayons ont leurs carrés croissant en progression arithmétique,elles sont donc plus étroites au bord du miroir où la déformation plus rapide nepermet pas d'observer une large zone en teinte plate. L'écran est découpé dans dupapier à dessin fort ou du carton mince, le tracé est facile, une premièrecirconférence extérieure correspond au diamètre du verre, une secondecirconférence légèrement plus petite est le diamètre au biseau, son rayon est lerayon extérieur de la zone marginale, la largeur de cette zone est à déterminerd'après des considérations pratiques dictées d'une part, par la difficulté de faire debonnes mesures si la zone est trop étroite, et d'autre part, par l'obligation d'observerune teinte à peu près plate. Si le miroir est très déformé il faut des zonesnombreuses (une pour chaque millimètre d’aberration par exemple), mais avec unmiroir standard, nous conseillons aux débutants surtout de ne pas descendre endessous d'une quinzaine de millimètres pour une fenêtre vue à 3 mètres (il vautmieux 4 bons pointés que 10 mauvais).

Les fenêtres extérieures déterminées, la. loi des carrés des rayons décroissantsen progression arithmétique (dont la raison est déduite de la largeur de

(1) G. W. RITCHEV, Sur le télescope moderne à réflexion, p. 95 (1904).(2) Lunettes et Télescopes, p. 534.

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70 bis

Fig. 41. – Foucaultgramme du premier miroir taillé à l’atelier de la Commission S. A. F.

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la zone externe) permettra de choisir le nombre de fenêtres et leurs rayonsextérieurs. Il est tout à fait inutile de buter sur la petite difficulté de respecterrigoureusement la progression arithmétique qui conduit d'ailleurs parfois à desproportions peu heureuses des zones centrales. L’intérêt de la réduction progressivede la largeur des zones extérieures une fois compris, il est plus simple et aussiefficace de choisir les rayons arbitrairement.

Précisons par unexemple : la figure 42donne les caractéristiquesde l'écran standard employéà la Commission pour lecontrôle des miroirs de 20centimètres.

Une fois l'écrandécoupé, on mesure lesdiamètres réels intérieurs etextérieurs de chaque zone(au 1 / 10 de millimètre).On calcule la hauteurmoyenne hm (1) pourchacune (en divisant par 4la somme des 2 diamètres)et l'aberration longitudinale

R

hm2 qui sera à comparer

aux nombres trouvés.

Fig. 42. – Ecran A. COUDER, standardde la Commission S. A. F.

39. Pratique et causes d'erreurs des mesures visuelles à l'écran. - Lesprécautions habituelles d’homogénéité thermique dans le verre et dans l'air de lapièce doivent être particulièrement soignées, le miroir correctement placé sur sonsupport à contacts géométriques depuis plusieurs heures.

L’appareil de Foucault est muni de sa fente serrée entre 10 et 20 µ, et bienparallèle à l'arête du couteau (on voit quatre ou cinq franges d'ombres à 20millimètres de l'intersection). La coulisse du chariot porte-couteau est disposée bienparallèle à l'axe optique (la pénétration du couteau dans le faisceau n'est pasmodifiée quand on déplace le chariot longitudinalement et le couteau assez bienperpendiculaire à cet axe). On vérifie d'abord, miroir découvert, 1'uniformité del'éclairage (rotation de la lanterne sur elle-même) et la succession des aspects de lafigure 40 qui doit se produire naturellement pour des tirages du

(1) Cette moyenne arithmétique hm n’est pas identique au hn de A. COUDER (Lunettes et télescopes ; p.533) qui est défini comme le rayon dont le carré est égal à la moyenne des carrés des rayons intérieur etextérieur de la zone et qui permet une réduction théoriquement plus correcte ; cependant la significationphysique du pointé photométrique de la zone nous semble mieux correspondre au milieu de la fenêtre (lesliserés de diffraction affectent symétriquement les deux bords et l’observateur égalise surtout les partiescentrales des plages). Les différences qui résultent de cette divergence d’interprétation sont d’ailleurs faibles,elles se traduisent pour l’écran standard par des écarts transversaux inférieurs au micron. Chacun choisirasuivant sa conscience.

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couteau compris dans la graduation. On peut bloquer le valet qui immobilisel'appareil de Foucault et mettre l'écran à échancrures devant le miroir en orientantl'axe des échancrures horizontalement et en soignant le centrage par rapport aubiseau du verre, un petit ressort en fil de fer peut éventuellement assurer saposition. (Eviter de toucher au miroir.) Une vérification plus sérieuse del'uniformité de l'éclairage avec les fenêtres extérieures surtout (couteau nettementen dehors du faisceau) est nécessaire. Pour les comparaisons photométriques, l’œiltravaille dans des condition meilleures si la pièce n'est pas complètement noire et ilest même avantageux d'éclairer l'écran et l'appareil avec une lumière diffuse bienuniforme. Tous ces préparatifs ne doivent pas affoler les débutants, qu'ils essayent !Après un petit nombre d’expériences, ils comprendront mieux ces précautions etsauront mettre rapidement leur dispositif de contrôle en bon ordre.

Fig. 43. – Foucaultgramme d’un miroir standard, lecoteau est à l’intersection des rayons de la zone 3. Noter lesliserés de diffraction et la diffusion parasite. (fente de 20 µ )

Il ne reste plus qu'àfaire les mesures,commençons par exemplepar la zone centrale, si ellesemble plus noire du côtégauche il faut rapprocher lecouteau du miroir ; on tientla vis des déplacementslongitudinaux de la maingauche pendant que ladroite manœuvre en mêmetemps la vis de coupe pouressayer les différents tirageset inversement l'éloigner sic'est le côté droit le plussombre.

Quand on arrive au centre de courbure de la zone, elle s'éteint uniformément surtoute sa surface. La position du couteau est notée grâce à l'échelle divisée parrapport à une origine quelconque (seules les différences nous intéressent) et l’onpeut passer à la zone n° 2 dont les fenêtres sont faciles à identifier avec ladisposition de l'écran Couder, la fenêtre de droite est naturellement plus sombre s'ily a bien de la surcorrection sphérique ce qui veut dire qu'il faut éloigner un peu lecouteau pour trouver le centre de courbure de la zone et ainsi de suite pour tous lescouples de fenêtres qui donnent des tirages longitudinaux correspondants. Il n'estpas inutile d'insister : seule la comparaison de l'assombrissement de la fenêtre dedroite et celle de gauche doit servir pour trouver la position du couteau même si ledéplacement à réaliser n'a pas le sens ou la grandeur que l’on espérait ! Mettre lecouteau à l'avance à la position théorique c'est tricher, cela ne paraît pas évidentpour tout le monde. En arrivant à la dernière fenêtre, il est bon de recommencerimmédiatement une autre série de pointés en remontant vers le miroir. Pourcomparer l'éclairement de deux fenêtres fort distantes l’une de l'autre, il fautprocéder comme pour comparer deux étoiles écartées sur le ciel, en fixantalternativement l’une et l'autre et non en cherchant à les fusionner, cettephotométrie est plus facile et moins affectée de causes d'erreurs duesprincipalement à la diffusion latérale de diffraction si l’on surveille les fenêtres audébut de l’extinction, sans poursuivre la comparaison au delà de la demi-coupe.

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La figure 43 donne une idée des causes d’erreurs dont nous voulons parler nousne pouvons pas insister, la méthode malgré ses défauts est quand même celle quirend le plus de services.

Quand la surface du miroir est très douce, l’air de la pièce calme et l'éclairageconvenable, l'opérateur exercé par quelques dizaines de milliers de pointés trouvele centre de courbure d'une zone intermédiaire d’un faisceau à f / 12 avec uneerreur moyenne de 2 / 100 de millimètre. Le débutant ne doit évidemment pass'attendre à une telle précision, ses premières séries pourront différer de 3 ou 4 / 10entre elles mais un peu de persévérance donnera vite des écarts de1 à 2 / 10 auplus; on aura une approximation suffisante en faisant alors la moyenne de 4pointés sur chaque zone qui donnera sûrement des valeurs à 1 / 10 près,permettant de remonter à la forme du miroir avec une approximation meilleure quele dixième de la tolérance de Raylegh ; pour les miroirs qui nous intéressent, nousreviendrons sur cette réduction des mesures au moment de l'établissement dubulletin de contrôle.

40. Défauts de non révolution. - Bien qu'ils soient très graves, nous n’endirons que quelques mots parce que celui qui travaille convenablement un miroir àposte fixe n'a pratiquement jamais l'occasion d'en noter.

Pour dépister ce genre d'anomalie, la méthode des ombres de Foucault n'est pasà recommander aux personnes peu familiarisées avec les aspects d'interprétationdifficile que les ombres peuvent présenter pour certaines orientations du couteau.Un essai à l'oculaire sur des plages légèrement extrafocales peut suffire pour noustranquilliser. Nous l'avons déjà dit, il n'est pas facile de réaliser une étoileartificielle assez petite et bien ronde au moyen d'un trou, avec le montageprécédemment décrit § 3o ; le mieux c'est d'utiliser la lanterne porte-fente (sans lafente provisoirement remplacée par un trou rond de 3 ou 4 millimètres) pouréclairer une bille d'acier de roulement de 6 millimètres environ de diamètre colléeau Scotch contre l'oculaire d'observation (fig. 44).

Si la bille est neuve et bien polie (on l'améliore beaucoup au moyen d'un petitpolissoir à la poix monté sur un tour et du rouge), elle donne du filament ramasséde la lampe une image « stellaire » reprise par le miroir, qui en donne lui-mêmeune image observée avec un oculaire assez fort (f = 10 millimètres par exemplepour des faisceaux à f / 12). Quand le miroir est à peu près sphérique, on peututiliser des plages très peu extrafocales : 2 à 3 millimètres seulement qui restentbien rondes si le miroir est exactement de révolution, mais dont l'ovalisation estdéjà visible pour un astigmatisme de 1 / 10 d'onde. Avec un astigmatisme plusmarqué, on trouve des positions longitudinales de l'oculaire, distantes de plusieursmillimètres, qui correspondent à des ellipses dont les axes sont orthogonaux (fig.44). Quand il existe en outre de l'aberration de sphéricité, on doit prendre desplages un peu plus extrafocales, mais l’essai garde généralement un caractèrecritique suffisant. Exceptionnellement dans le cas de contraintes ou de tensionsextraordinaires (disques collés contre une « molette » ou un verre de « renfort » ;très forte trempe), on peut observer d'étonnantes et désastreuses figures irrégulièresdans le genre de celle de la figure 44, à droite, qui sont fréquentes avec les objectifsde l'industrie. Avant de conclure que les défauts sont propres au miroir, il convientd’une

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part de faire tourner la bille sur elle-même ou de l'éclairer dans une direction unpeu différente pour éliminer éventuellement ses propres défauts ; d’autre part ondoit tenir compte de l’astigmatisme de montage non nécessairement négligeablequand la bille est à une distance notable de l'axe ou éclairée trop obliquement. Lemieux est de faire tourner le miroir sur lui-même et de voir si l'angle de position del'axe d'une ellipse extrafocale tourne en même temps (attention de ne pas chaufferavec les mains un diamètre privilégié du miroir, pour éviter un refroidissementlaborieux on ne touche le verre qu'avec interposition de flanelle ou de gants épais).

Fig. 44. – Etude des défauts de non révolution.

Nous ne traiterons pas la retouche des défauts de non révolution ; ils ne serencontrent qu’en cas de fausse manœuvre systématique impardonnable (oubli detourner le verre miroir dessous, collage d’une poignée trop grande, ou d’un disque« renfort ») ou encore si le disque possède une hétérogénéité vraiment rare. Danstous les cas le meilleur remède, même pour un opticien exercé, c'est de chercherl'élimination automatique du défaut tout simplement en continuant le travailnormal pendant une heure au moins, en favorisant l'élimination des erreurssystématiques par interversion des disques changement des courses ou mieuxd’opérateur. Ce n'est qu'après plusieurs tentatives de ce genre qu’il faudrait serésigner à tailler un autre miroir ; nous n’avons jamais rencontré un tel cas à laCommission des Instruments.

41. Mamelonnage et micromamelonnage. - L'efficacité du polissage croitbeaucoup en fin de séchée en même temps que les efforts déployés pour déplacerl’outil ; ce dernier stoppé en bout de course séjourne quelques instants et peutamorcer une faible attaque chimique du verre par le contact des carrés chargés deproduits usés et notamment de silicates. A cette attaque correspond un point faible,plus facile à user pendant quelques temps, d’où création d'un système de petitmonticules et creux qui correspondent souvent plus ou moins à la structure encarrés de l’outil. Ce bosselage est le mamelonnage.

Le foucaultgramme, figure 45, d'un miroir de 400 en donne un exemple où l’onvoit les mamelons partiellement effacés sur une large zone travaillée ultérieurementau polissoir local. L’amplitude de ces défauts est de λ / 20 environ mais ladiffraction correspondante sur l'image n’est pas forcément négligeable à cause de lapseudo-périodicité du système, capable de renforcer

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certains anneaux de diffraction d'ordre élevé. Le foucaultgramme de la figure 46montre un mamelonnage, beaucoup plus important mais irrégulier, obtenupar un débutantathlétique en poussanttrop loin ses séchées àl'oxyde de zirconium.L'on voit nettement lesrégions du verre oùl'attaque chimique etl'action mécanique sontdevenuescatastrophiques. Bienque ces défauts soientinférieurs au quartd'onde l'altération del'image est iciinadmissible etl’effacement de telsdégâts nécessiteplusieurs heures detravail doux mais il estfacile d'éviter d'enarriver là : la fin dupolissage se fera avec

Fig. 45. – Mamelonnage d’un miroir de 400.

des courses variées sanssécher complètement enblanc ni abandonnerl’outil en place en fin deséchée.

La méthode de Lyotpar contraste de phasenous a permis dedécouvrir des accidentsde polissage beaucoupplus fins qui constituentle micromamelonnage(1). Ces accidents ontune largeur de l'ordredu millimètre et uneamplitude de l'ordre dumillième d'ondeseulement (quelquesAngströms) mais il y ena des millions sur

Fig. 46. – Mamelonnage d’un miroir de 180 travaillé trop brutalement au blanc.

(1) Jean TEXEREAU, Les principaux défauts réels des surfaces optiques engendrées par différentestechnologies de polissage. Ciel et Terre, LXVI, nos 3-4, mars-avril 1950, p. 57.

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un verre et dans les cas graves la lumière diffractée correspondante est un voileparasite perceptible dans tout le champ. Le micromamelonnage est surtout àprendre un considération pour les cas difficiles d'objets faibles à étudier près desources brillantes (couronne solaire, compagnon de Sirius) comme les accidentsproduits dépendent presque uniquement de la technique de polissage choisie natureet structure de l’outil ; pression et nature de l’agent à polir il est facile d'obtenir unmiroir de surface très douce. Nous avons rassemblé figure 17 quelques structurescaractéristiques. L’on trouve en 47 A les gros défauts des mailles d’un outil àalvéoles de cire (H.C.F.) et ceux d'un outil en papier en 47 B les pentes de cesaccidents atteignent 1 x 10-5 tandis que les outils plus souples, à la poix, laissentdes accidents 30 fois moins élevés dont les pentes sont d'environ 1 x 10-6. Lalumière parasite diffractée par la surface figure 47 F est environ 100 fois plus faibleque pour la surface figure 47 A.

42. Les défauts zonaux. - Ce sont de beaucoup les plus importants et les plusfréquents. Passons en revue les formes les plus couramment engendrées (fig. 48).La sphère (fig. 48-1) n'est que le cas particulier de l'écart nul qu'un régime detravail non perturbé est susceptible d'engendrer. Il est aussi fréquent de rencontrerune surface déformée soit du côté de la sous-correction sphérique (fig. 48-2) soit ducôté de la surcorrection (fig. 48-3,4,5). Une mesure sommaire du l'aberrationlongitudinale sans écran (§ 37) fixera tout de suite l'attitude à prendre pouraméliorer le miroir. Si la déformation est de sens contraire ou moindre que laparabole, on pourra paraboliser d'emblée comme si l'on avait affaire à une sphère.C'est le cas le plus favorable et on pourra l'appliquer même en présence d’uneanomalie à pente assez douce. Dans le cas d’une hyperbole ne dépassant pas deuxou trois fois la parabole, on pourra revenir directement à la parabole par exempleavec un régime de surpressions sur la zone 0,7 qui rentre dans la catégorie desinterventions décrites plus loin.

Mais très souvent aussi un défaut zonal anormal dû à un outil défectueux ou àune habitude vicieuse de l'opérateur, subsiste à la fin du polissage. Comme il nefaut pas compter sur les quelques minutes de parabolisation pour l'éliminer, il estnécessaire de le faire disparaître, ou du moins, de l'adoucir suffisamment.

Avant de tenter une retouche à proprement parler, il faut essayer l'éliminationautomatique en poursuivant le travail normal pendant une bonne heure aprèsvérification sérieuse de l'outil et des courses. Une anomalie de bord (fig. 48-6,7) estsouvent due à une pression incorrecte des mains au bord de l’outil, à des coursestrop longues, à de la poix trop molle. Une surface irrégulièrement zonée estinadmissible (fig. 48-8) ; il faut poursuivre le travail assez longtemps, avec unpolissoir qui se presse ; souvent il sera plus économique de refaire l'outil avec de lapoix de meilleure qualité ou, à la rigueur, de cirer l'ancien. D'autres irrégularitészonales (fig. 48-9,10,11,12,13) peuvent provenir d’une défectuosité visible del’outil (carrés écaillés, absents, mal taillés). Il faut d’abord arranger le polissoir etpoursuivre assez longtemps le travail normal. Très souvent une anomalie difficile àretoucher (zone creuse, trou central) pourra se trouver éliminée, ou du moinsremplacée, par un défaut plus facile à attaquer (mamelon central, par exemple).

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Fig. 47. – “Lyotgrammes” de surfaces polies par différents procédéset montrant le micromamelonnage.Echelle 2/1. Lame de phase 1,69 pour A, B, D et E; et 2,81 pour C et F.

A) Polissoir H. C. F. et rouge. B) Polissoir papier et rouge à sec.C) Polissoir poix cirée et rouge. D) Polissoir poix pure et oxyde de cérium.E) Polissoir local, gomme recouverte de taffetas de soie. F) Polissoir poix pure et rouge.

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Fig. 48. – Exemples de retouches d’anomalies zonales.

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43. Les retouches locales. - Il faut tenir un cahier de retouches comportantpour chaque intervention une ou plusieurs sections apparentes remarquables dusolide différentiel observé par la méthode de Foucault (la figure 48 donne desexemples de profils à choisir), l'indication du temps d'action, des courses, despressions exercées sur l'outil, etc. Un tel registre devrait constituer pour unopérateur donné, le meilleur document de référence pour le travail futur ;malheureusement il n'est pas possible d'appliquer un strict déterminisme à unproblème de retouches locales, non que le principe sacré de causalité soit mis endoute, mais parce qu'il faut avouer que l'ensemble de causes qui détermine l'actionde l'outil n'est jamais parfaitement connu et reproductible. Avec un grand outil onne sait pas ce que l'on fait si l'on ne travaille que quelques minutes sans forteperturbation et avec un polissoir local il est très difficile de raccorder le sillonproduit avec le restant de la surface. Il y a tout de même quelques principesd'application assez générale et sûre dans la mesure où l’on sait éviter leurcomposition avec d'autres causes de perturbation :

1° L’usure est une fonction croissante de la pression. - Pour nous c’est leprincipe le plus important et le plus sûr pour l’opérateur ayant acquis par unebonne notion des limites entre le début de l’efficacité et le début des ravages enfonction de la pression. Les méthodes de parabolisation, comme nous le verrons, enconstituent souvent des corollaires. Un opérateur entraîné peut aborder de cettefaçon n'importe quelle retouche avec un grand outil, ce qui est un gros avantage parrapport à l'emploi de polissoirs locaux. La surpression peut être produite, dans laposition miroir dessus en excentrant le verre de façon à faire les courses avec lazone à déprimer tangente au bord de l'outil (fig. 48-10,12), ou mieux dans laposition miroir en dessous en appuyant sur un des bords de l'outil (sur la figure 48,les mains exerçant cette pression sont hachurées). Le bord de l'outil constitue eneffet un endroit critique où l'on peut localiser dans une certaine mesure une usureanormale, par exemple on peut corriger à volonté avec les mêmes courses : un bordrabattu (fig. 48-6) ou relevé (fig. 48-7), en appuyant simplement sur le bordintérieur ou extérieur de l’outil convenablement excentré (1). Un poids mobiledéplacé à la main sur le dos de l'outil permet d'obtenir une pression régulière sansfatigue, mais la manœuvre n'est pas commode. Il ne faut pas oublier de variercontinuellement le déport de la course pour éviter un ravage étroitement localisé.

2° L’usure est fonction du temps d’action du polissoir. - Proposition évidente,mais dont l’application donne lieu à des surprises, car la fonction n’est pas simple,ni même reproductible et en tous cas n'a aucune chance d’être linéaire tant que l’onn'a pas atteint un régime thermique permanent, ce qui ne peut avoir lieu en si peude temps que dure une retouche. Avec un outil à action perturbée, sauf dans le casd'un gros défaut (hyperbole profonde) ou mal placé (bord rabattu) un temps d'actionde 5 ou 10 minutes est généralement suffisant. Quand le défaut est étroit et laperturbation forte (piton central corrigé avec miroir dessus très excentré), une seuleminute peut produire un trou très ennuyeux à retoucher. Il est prudent dans le douted'adopter des temps d'action nettement faibles quitte à revenir sur un défautinsuffisamment atténué.

(1) D’où un moyen amusant pour mystifier un pronostiqueur déterministe sans qu’il puisse s’en douter.

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3° L’usure est fonction de la vitesse du mouvement relatif par rapport à l’outil.- Pour les petites pièces travaillées avec une machine à révolutions rapides ceprincipe a quelques applications, mais pour nous son intérêt est faible. Il fautseulement se rappeler que pour la régularité du travail et la douceur de la forme, lescourses rapides ou saccadées sont défavorables.

4° Perturbations de l’usure de dégarnis sur l’outil. - Si l'on met volontairementhors de cause une portion de l'outil, soit par pressage avec interposition de papiersur la zone, grattage léger de la surface de certains carrés ou même enlèvementtotal, on perturbe l’usure sur la zone correspondante du verre. Cette façon de faireest souvent appliquée aux polissoirs pleins utilisés pour les petits objectifs, mais elledonne des résultats plus incertains avec un miroir plus grand. Il est fort difficiled’être maître de la perturbation produite et de la faire cesser à coup sûr quand ledéfaut est assez adouci ; or l'intégrité d'un beau polissoir n’est pas une chose àsacrifier à la légère. Cependant pour traiter un bord rabattu le rognage des coins descarrés marginaux (G. W. Ritchey) est reconnu efficace ; les outils à carrés enfuseaux de Ellison sont utiles pour paraboliser. Enfin, surtout pour les miroirs unpeu grands, une couronne de carrés bien proportionnée à une zone haute, parexemple la zone 0,7 d’un hyperboloïde, peut se montrer efficace quitte à quelquesretouches ultérieures avec des couronnes de rayon un peu différents.

5° Usure au moyen de polissoir locaux. - Ce procédé appliqué par L. Foucaultdès 1857 est évidemment le plus sûr pour l'esprit déterministe. Il n'est donc pasinutile de mettre un garde les débutants disposés à lui attribuer toutes les vertus (1).Le polissoir local est généralement constitué par un outil en bois d'une vingtaine demillimètres d'épaisseur, carré, rectangulaire ou circulaire suivant le cas à traiter etayant une largeur de 10 à 100 millimètres. Il est muni de carrés de poix comme ungrand outil, mais pour éviter les filandres le cirage des carrés est nécessaire, oumieux l'interposition d'un taffetas de soie (A. Couder) fixé au dos avec des punaiseset sans aucun pli du côté utile, qui permet aussi une action plus énergique et plussûre [avec augmentation de la lumière diffractée par le micromamelonnage (fig. 47E)]

Pour obtenir de bons résultats il ne faut pas s’attaquer avec un polissoir local àun gros défaut (moins de 1 / 4 d'onde, estimation par la courbure des frangesd'ombre). Des marques à l'encre faites au moment du contrôle indiquent le point leplus haut de la zone, au bord de l'ombre (il ne faut pas creuser une tranchée à côtéd’une colline). On doit mettre du rouge en couche plus épaisse que pour le travailnormal. Si l'on utilise l'oxyde de zirconium prendre garde à l'énorme accroissementde 1'usure dès que le polissoir ressuie le blanc quand l'eau devient rare. Quand ledéfaut est plus étendu (fig. 48-11) le doigt du pouce ou même l'index (bord rabattufin) peuvent constituer, bien enduits de rouge, de bons polissoirs locaux. Lapression à exercer peut être assez grande, facilement de l'ordre du kilogramme, surun polissoir d'une dizaine de centimètres carrés et les courses, bien questatistiquement distribuées sur le point saillant, suffisamment variées et déportéespour obtenir un raccordement doux. Le temps d'action sera compté en tourscomplets effectués autour du verre avec

(1) On ne doit pas oublier que Foucault polissait au papier, technique qui ne se prête pas à l’applicationd’autres procédés meilleurs.

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le polissoir local manœuvré par petites courses rapides. Un seul tour de une minutepeut suffire dans le cas d’un faible défaut zonal ; c’est le meilleur cas d'applicationde cette technique merveilleuse qu’il faut employer le plus modérément possible.La maîtrise de ce procédé ne peut s'apprendre que par l'expérience ; un volumed'explications ne ferait ici qu’embrouiller les timorés. Il vaut mieux déconseiller laméthode à ceux qui ne se sentent pas assez sûrs d’eux-mêmes. En effet dans le casd’un large défaut à pente douce le maladroit peut le remplacer par un terrainbeaucoup plus accidenté et nuisible. Etant donné la petitesse des accidentsretouchables dans de bonnes conditions avec des polissoirs locaux, la méthode nesaurait intéresser que le dilettante qui veut notablement dépasser l'approximationdu vingtième d'onde et n'a pas peur de courir un risque.

41. La parabolisation. - Cette fameuse parabolisation n'est qu'un casparticulièrement simple de régime perturbé qui n'offre aucune difficulté dans le casd'un petit miroir pas trop ouvert.

A) Méthode classique (fig. 49 A.) - On se contente de travailler miroir endessus avec des courses et des déports plus grands pouvant atteindre 4 / 5 D. Il estrecommandable de rogner les angles des carrés marginaux, mais il ne faut pas tropcompter là-dessus pour éviter le bord rabattu quand la poix est molle. Si l'ouverturedu miroir atteint f / D = 6, on pourra diminuer progressivement vers le bord lasurface des carrés dont les rangées auront la forme de fuseaux (Ellison). L’outildevra être soigneusement pressé sur le miroir, pas trop froid, car il ne fautmalheureusement pas compter sur l'égalisation thermique d'un travail prolongé.Une première intervention sur un miroir de 20 centimètres à f / D = 8 pourra durerhuit à dix minutes ; ce temps d'action conviendra aussi pour un miroir à f / D = 6qu'il est préférable de ne pas chercher à paraboliser d’un seul coup. On doit mettreune couche de rouge ou de blanc et d’eau plus épaisse que pour un travail normal etéviter les séchées irrégulières. Quand on peut définir un bon opérateur moyen, il estpossible d'obtenir d'emblée des paraboles pas trop déformées à une bonneapproximation ; dans ce cas les courses ne sont pas trop allongées, 2 / 3 D au plus,mais le travail doit durer une heure environ avec changement d'opérateur toutes lesdix minutes, nous avons pu obtenir de la sorte plusieurs miroirs automatiquement àl'atelier de la Commission grâce à quatre à cinq opérateurs se relayant et faisant les« mêmes » courses ; le foucaultgramme reproduit figure 41 concerne un de cesmiroirs.

B) Méthode du petit outil (fig. 49 B). - Avec un miroir un peu grand et fortdéformé par rapport à la sphère, l'emploi d’un polissoir demi-taille peut donner debons résultats. La méthode est surtout intéressante pour perfectionner une formeobtenue avec un grand outil, si le temps d'action du petit outil doit être tropprolongé il faut craindre le mamelonnage et les filandres et cirer le polissoir.

C) Méthode par suppressions (fig. 49 C). - Nous avons trouvé ce procédé entaillant un miroir de 26 centimètres à f / D = 4 pour lequel la première méthode nepermettait pas de dépasser avec sûreté une ellipse moitié moins déformée que laparabole : on creuse la partie centrale avec des surpressions sur le bord

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Fig. 49. – Méthodes de parabolisation.

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intérieur de l’outil, le miroir étant en dessous. Le bord du miroir se rabat avecl’outil largement excentré; attention cependant au rabattu possible du fin bord quiserait de retouche difficile. De même toute zone saillante d'une parabole imparfaitepeut se traiter par surpression sur le bord intérieur de l'outil passant sur cette zone,on doit naturellement varier suffisamment les déports pour éviter un ravage local etraccorder le point attaqué. La pression exercée doit être régulière sur tout lepourtour de la zone et l'on travaille bien entendu par tours entiers. Il faut unecertaine habitude pour bien réussir, mais on évite l'emploi d’un polissoir local.

45. Retouche des paraboles imparfaites. - Une bonne expérience des ombresest nécessaire pour interpréter les anomalies par rapport aux solides différentielsdessinés figure 40. Si la forme d'ensemble paraît à peu près réussie, ce que l'on jugesurtout grâce à l'aspect moyen (figure 40 B et 41), on fera une mesure del’aberration longitudinale sans écran (§ 37) pour savoir s'il faut continuer le travailde la même façon ou revenir au contraire vers la sphère comme on l’a vu § 42.Maintenant, indépendamment de la correction d'ensemble il y a la régularité de laforme ; nous donnons, dans le bas de la figure 49, trois exemples de retouches deformes défectueuses prises parmi les plus fréquentes.

Nous approchons de la forme exacte (1) ; il est plus sur, pour le débutant surtout,de faire au moins sommairement une paire de pointés sur chaque zone avec l’écranCouder (§§ 38 et 39). Pour éviter de faire un calcul complet à chaque retouche,nous avons l'habitude d'opérer de la façon expéditive suivante, suffisante pourterminer un miroir standard :

On a trouvé par exemple les tirages suivants pour les zones 1, 2, 3, 4respectivement :

Valeurs trouvées ………. 28,03 29,64 31,15 31,81hm2/R théoriques …….… 0,14 1,08 2,28 3,46

La seconde ligne est recopiée à partir de l'écran. Pour fixer nos idées nousprendrons arbitrairement une aberration zéro sur la zone 3 où l’on obtient lesmeilleurs pointés ; il faut donc retrancher à tous nos nombres la constante :

31,15 – 2,28 = 28,87ce qui donne :

- 0,84 0,77 2,28 2,94.

Comparons ces nombres aux valeurs théoriques ; ce n'est pas de chance ! Nousvoyons que tous nos pointés autres que sur la zone 3, prise comme zéro, présententdes écarts négatifs ; c’est donc la zone 3 surtout qui est défectueuse et notreconstante arbitraire peu heureuse ; pour répartir à peu près les écarts, ajoutons uneautre constante donnant une seconde approximation. Prenons par exemple 0,4 enplus, ce qui donne maintenant :

- 0,44 1,07 2,68 3,34.

(1) Ellison a lancé la mode des miroirs partiellement parabolisés (90% de h2/R par exemple) pour tenircompte d’un éventuel effet thermique qui ne saurait qu’exceptionnellement compenser ce défaut volontairepermanent, en tous cas c’est bien commode pour justifier les maladresses qui ont l’air d’être faites exprès.

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Pour retoucher le miroir, un croquis qualitatif du demi-méridien est suffisant.On le trace à main levée et non à l'échelle sur le cahier de retouches (fig. 50) enfaisant le petit raisonnement suivant : les abscisses représentent les hauteurs deszones 4 parallèles aux ordonnées figurent grossièrement les limites des 4 fenêtres,les ordonnées donneront l'allure du relief. Nous voyons que notre zone 1, avec savaleur du tirage – 0,44, a un rayon de courbure trop court de 0,44 + 0,14 = 0,58 parrapport à la surface de référence choisie. Cela veut dire que la zone 1 est tropcreuse et que le demi-côté droit que nous griffonnons monte ; pour la zone 2 l'écartnégatif n'est que de 0,01 et notre

Fig. 50. – Fragment d’un cahier de retouches.

zone tracée est donc pratiquement parallèle à l'axe des abscisses ; pour la zone 3, lerésidu est fortement positif : 0,40 ; notre surface d'onde descend sensiblement ;enfin pour la zone 4 nous avons un résidu de – 0,11, la courbe remonte un peu.

La ligne brisée obtenue schématise qualitativement la forme du demi-diamètredroit du miroir par rapport à une ligne horizontale figurant la surface de référence.On voit immédiatement (fig. 50) qu'il y a une zone haute que nous corrigerons enagissant principalement sur la zone 2, avec des surpressions de bord d’outil, parexemple. Quand les écarts ne seront plus longitudinalement que de un ou deuxdixièmes de millimètre, il sera temps de faire des mesures soignées et un calculcomplet.

46. Réduction des aberrations au plan focal. - Pour savoir si le miroir est bon,nous devons chiffrer ses aberrations dans le plan focal et déterminer l’ondeémergente quand il vise une source lumineuse très éloignée (§§ 2 et 3). Les résidusqui nous restent en retranchant des tirages longitudinaux trouvésexpérimentalement, une certaine constante bien choisie et l'aberration théoriquehm2/R d’une parabole parfaite, sont les défauts propres au miroir et qui mesurentson aberration longitudinale au centre de courbure : Λc (1).

(1) Nous rappelons que nous empruntons les notations principales de Lunettes et Télescopes et invitonsles lecteurs qui ont le minimum de connaissances mathématiques à suivre sur l’original § 115 le principe dela méthode.

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Les aberrations longitudinales correspondantes Λf que le miroir présentera aufoyer seront quatre fois plus petites. 0n voit figure 51 le rayon réel HMI émergentau point H, couper l'axe à une distance longitudinale du rayon idéal H'P égale à PIet qui est justement cette aberration longitudinale Λf.

Le segment PM est l'aberration transversale correspondante : λf comme enréalité PI et surtout HH', sont minuscules devant la longueur focale f, on obtiendrales λf avec toute la rigueur utile (ici nous ne faisons pas de mathématiques,

Fig. 51. – Relations entre les aberrations.

mais un miroir) en multipliant les résidus longitudinaux au centre Λc par leshauteurs d'incidence h et en divisant par 4f les résultats.

La tangente au point H à l'onde réelle Σ fait avec la tangente au point H' àl'onde idéale Σ' le même angle u que les rayons émergents correspondants HM etH'P, cet angle u qui mesure la pente de l'onde Σ au point H, s'obtient évidemment(toujours à l'approximation utile) en divisant l'aberration transversale λf par lalongueur focale f. En mettant bout à bout ces pentes nous dessineronsschématiquement le profil de la surface d'onde et pourrons chiffrer ses défauts.Pour faire tout cela, il suffit de connaître les quatre règles.

47. Le bulletin de contrôle. - La figure 52 donne un exemple de bulletin decontrôle d'un miroir taillé à l'atelier de la Commission, dont nous allons expliquerl'établissement :

Passons sur les différentes constantes mécaniques et optiques du miroir qui sontd'interprétation immédiate.

Les quatre premières lignes du tableau sont recopiées à partir de l'écran àéchancrures ; nous savons ce qu'elles veulent dire (§ 38). Il est commode decalculer à l'avance (le miroir ne sera peut-être pas bon du premier coup) ligne 5, lesfacteurs de hauteur d'incidence : hm /4f qui donneront les λf au prix d'une seulemultiplication par Λc.

On inscrit sur la ligne 6 les moyennes d'au moins quatre bons pointés (§ 39)effectués sur un diamètre Φ1 du miroir, même chose pour la ligne 7 relative à undiamètre Φ2 perpendiculaire à Φ1, (entre les deux séries on a fait tourner avec lesprécautions d'usage le miroir d'un quart de tour dans son plan), les différencessystématiques entre les deux séries ne peuvent servir pour juger l'astigmatismed'ensemble du miroir parce que la distance miroir

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Fig. 52. – Fac-similé d’un bulletin de contrôle d’un miroir.

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couteau a probablement changé entre les deux réglages, mais l'astigmatisme zonalpourra être mis en évidence. Si les anomalies longitudinales transformées en λfn'atteignent pas le rayon de la tache de diffraction (voir plus loin), on calculera :ligne 8, la moyenne des ligues 6 et 7 qui sera considérée comme représentant lemiroir moyen. Pour la ligne 9, une petite difficulté : il faut trouver partâtonnements la constante à retrancher aux nombres de la ligne 8 pour encadrer lemieux possible les écarts par rapport à la parabole théorique. Quand le tirage estbien choisi, on doit obtenir ligne 10 des résidus longitudinaux (ligne 9 moins ligne4) qui, après multiplication par les facteurs de hauteur d'incidence (ligne 5)donneront ligne 11 des aberrations transversales λf maxima égales et de signescontraires. On est alors ajusté pour le plan du cercle de moindre aberration, uncoup d'œil sur la ligne 5 nous montre qu'il faut laisser des écarts longitudinauxenviron cinq fois plus faibles sur la zone 4 que sur la zone 1 pour obtenir cerésultat.

La ligne 12 est celle des aberrations transversales réduites ; c'est-à-dire prisesavec le rayon ρ de la tache de diffraction comme unité qui vaut. nous le savons (§

3) :

Df×= λρ 22,1

Enfin sur la ligne 13 figurent les angles u qui seront à prendre avec le signemoins et un facteur de multiplication suffisant pour dessiner l'épure, ici on a pris lefacteur un million (106), attention aux erreurs de virgule, l'exemple donné suffirepour fixer l’ordre de grandeur des diverses quantités.

Sur les deux graphiques, nous porterons en abscisses les hauteurs d’incidence hà l'échelle grandeur, dans un sens plus général cet axe sera (une fois n'est pascoutume) celui des y. Quatre parallèles aux ordonnées marqueront les limitesextérieures (ligne 2) des quatre zones.

Le premier graphique n'est que la traduction de la ligne 12 , en ordonnées on amarqué + ρ et - ρ qui figurent les limites de la tache de diffraction théorique.

Les ordonnées x de l'épure du dessous donnent l'écart HH’ (fig. 51) entre lasurface d'onde sphérique idéale Σ' de sommet S et centre P et la surface d'onderéelle Σ ayant même sommet S.

Au point H la distance HH’ = xh est donné par :

dyuxh

yh ∫=0

.

Pas d'affolement, l'opération se fait graphiquement, il n'y a pas même besoind'un double décimètre si l'on prend du papier à quadrillage millimètrique. Insistonslourdement au risque de faire sourire les « malins » :

Entre les limites de la zone 1 nous avons à porter une pente – u x 106 (figure13) égale à + 0,25 (la « courbe » monte quand le coefficient est positif, elle descendquand il est négatif), à partir d'une origine arbitraire A de l'axe des ordonnées x’x(qui est en même temps l'axe du miroir) prenons une longueur AB en abscisseégale par exemple à 100 millimètres, de B montons d’une quantité BC égale à 25millimètres, joignons AC ; c'est notre première pente qu'il faut arrêter bien entenduau point D où elle traverse la limite des zones 1 et 2, point qui sert d'origine pourporter la seconde pente – 0,49

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dans les limites du la zone 2, et ainsi de suite jusqu’à la zone 4 et au bord dumiroir.

Cette ligne brisée n'a évidemment (comme la peinture moderne) qu’un rapportlointain avec l'être physique infiniment complexe qui est la surface d'onde et quenous ne pouvons prétendre analyser avec quatre pentes, mais on représente bien descontinents sur un atlas d'écolier !

D'ailleurs ce profil anguleux donne la limite supérieure des écarts, l’erreurcommise est donc dans le sens d'une rigueur plus grande. Il reste à comparer cettesurface d’onde conventionnelle à la sphère qui s'en écarte le moins possible ; cen'est pas généralement celle de méridienne Σ' prise comme référence et qui est surnotre épure une droite parallèle à l'axe des abscisses y'y (comme quoi le plan ducercle de moindre aberration n'a pas une vertu particulière). Nous avons bienentendu le droit de chercher le centre d'une oncle meilleure, autrement dit demettre au point ; cette onde de rayon un peu différent doit toucher notre profilaccidenté aux deux points les plus saillants qui sont ici D et E. Sur l'épure, le profilde cette sphère, dont les écarts par rapport à Σ sont fonction du carré de la hauteurd'incidence, sera un arc de parabole d'axe x'x assujetti à passer par les pointsconnus D et E. Les coordonnées de ces points permettent le calcul facile ducoefficient a de l'équation de la parabole que l'on peut d'ailleurs tracer de « chic »sans grand inconvénient. Nous arrivons au bout ; il ne reste plus qu'à mesurer leplus grand écart de tautochronisme ε entre la ligne brisée et la parabole. N'oublionspas qu'il est ici amplifié un million de fois avant de le comparer à la longueurd'onde : 560 mµ de la lumière la plus active sur l'œil, sur notre échelle desordonnées 1 centimètre représente 0 µ 01, soit

561 d'onde. Ici il est bon de

reprendre contact avec les réalités physiques et d'apprécier la précision réelle dubulletin. Il faut un miroir à surface très douce, mesuré par un excellent opérateurtout à fait intègre pour que la moyenne des 8 pointés, sur des faisceaux à f / 12,donne des écarts longitudinaux sûrs à 0mm,01 près. Les erreurs correspondantes surl'aberration transverse atteignent donc au minimum plusieurs dixièmes de microntandis que les erreurs de pente dépassent 2 • 10-7. Pour éviter le cumul d'erreurs deréduction les calculs du bulletin précédent sont poussés avec une approximation àlaquelle il serait ridicule d'attribuer une signification réelle. On retiendra enpratique que dans les meilleures conditions la méthode permet d'approcher laprécision de λ / 50 et même en fait le plus souvent λ / 20 seulement, ce qui suffitparfaitement. Si par un concours heureux de circonstances vous trouvez que votremiroir est à λ / 147,2 il est préférable de refaire le bulletin en utilisant des pointésfaits par un ami exercé et objectif. L’éducation scientifique gagnera ce que l'amour-propre perdra à la confrontation des résultats.

48. Interprétation du bulletin de contrôle. - Ceci intéresse non seulementl’amateur opticien, mais celui qui commande un objectif dont il doit exiger etcomprendre le bulletin.

Il y a un double critérium auquel un bon objectif doit satisfaire et qui a étéénoncé dans Lunettes et Télescopes, par A. DANJON et A. COUDER,p. 522 :

« 1° Le rayon du cercle de moindre aberration est comparable à celui de

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la tache de diffraction théorique, et, en moyenne, les aberrations transversalesréduites sont inférieures à l'unité. »

« 2° Le plus grand écart de tautochronisme est au plus égal à un quart d'onde etla majeure partie de la surface du miroir présente des défauts notablementmoindres. »

Les deux graphiques du bulletin de contrôle permettent de juger immédiatementsi le miroir répond bien à ce double critérium. En général, c'est la premièrecondition qui est la plus difficile à satisfaire, un bulletin sommaire ne comportantque les λf de calcul immédiat peut donc rendre des services importants. Trèssouvent, on s'impose pour le second critérium une limite plus sévère ; nous avonssignalé pourquoi § 4. A l'atelier de la Commission aucun miroir ne sort si sonbulletin ne conclut pas à des λf /ρ ≤ 1 et à des écarts de tautochronisme inférieursà λ / 10 ; encore cette limite est généralement bien loin d'être atteinte. Avec detelles tolérance, il est inutile de chercher un défaut quelconque sur le ciel enregardant des étoiles ; si l'on peut en déceler c'est que le miroir est mal monté oumal centré. Ajoutons pour ceux qui ne sont que des clients, qu'il ne faut pas se fierà un simple Foucaultgramme, produit par l'opticien et dont les contrastes peuventêtre truqués à l'infini. S'il y a un bulletin de contrôle complet, il faut s'assurer del'échelle d'amplification des ordonnées que l'on prend parfois égale à 105 seulementpour montrer des pentes moins effrayantes, parfois encore dans le but évidentd'écrire des défauts deux fois plus petits, l'opticien donne le profil des accidents surle verre et non sur l'onde ; il faut savoir dépister ces petits abus de confiance etdemander au besoin des précisions. Si le bulletin est incomplet et ne comporte, parexemple, que les écarts longitudinaux Λc il faut prendre la peine de calculerrapidement à la règle les λf correspondantes, à comparer au rayon de la tache dediffraction. Le grand miroir symbolise notre espérance astronomique, il ne faut pasl'accepter les yeux fermés. Par contre, à moins qu'ils ne soient formidables, lesdéfauts d'abrasion visibles : gris, filandres, rayures, éclats, ne sont guère que desdéfauts de beauté généralement bénins sur l'image.

La partie la plus délicate de notre entreprise est terminée ; nous serions désolésd'avoir pu rebuter par des descriptions très complètes, les débutants attirés par letravail du verre. Tous les renseignements donnés ne sont pas indispensables pourfaire un miroir passable, sinon parfait, mais nous n'avons pas cru devoir limiter lechamp d'action de l'amateur soigneux et persévérant qui a la possibilité, donc ledevoir, de produire un travail impeccable et de s’assurer qu'il en est ainsi. Cettediscipline contribuera à le rendre digne de posséder un puissant télescope etl’aidera à dominer la situation, infiniment plus délicate, de l'observation d'uneimage sur le ciel, perturbée par les abominables remous atmosphériques.

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CHAPITRE III

LE MIROIR PLAN DIAGONAL

DU TELESCOPE DE NEWTON

49. Miroir ou prisme, qualités requises. - Pour dévier le faisceau principal demanière à rendre le plan focal accessible dans le télescope de Newton choisi pournotre type standard, on utilise soit un prisme à réflexion totale, soit un miroir planincliné en général à 45° par rapport à l'axe du grand miroir.

Les prismes présentent des avantages non négligeables : avec des faisceaux dontl'ouverture ne dépasse pas 1 / 5, ils dispensent de l'entretien d'une surface métalliséeparticulièrement exposée au dépôt de rosée. Les prismes sont en outre des piècescourantes relativement faciles à trouver. Malheureusement la qualité requise pourl'application que nous envisageons est rarement atteinte par les prismes ordinairesqui sont destinés le plus souvent à des redresseurs d'images d'appareils à faiblegrossissement. Les défauts de planéité de la face hypoténuse d’un prisme ont unegravité du même ordre que ceux d’un miroir plan ; ce qui complique la question dansle cas du prisme, c'est qu'ils peuvent cumuler avec les défauts des faces d'entrée et desortie, les erreurs d’inclinaison des faces entre elles et les défauts internes de lamatière. Aussi un très bon prisme de plus de 40 millimètres de côté de l'angle droitest-il un objet fort rare. Dans tous les cas, le prisme se comporte comme une lame àfaces parallèles ayant une épaisseur égale à son petit côté ; donc il introduit unesurcorrection sphérique et chromatique nullement négligeable pour une traverséed'une quarantaine de millimètres de verre par un faisceau d’ouverture 1 / 6 ou plus.Au contraire, un miroir plan n'introduit aucune aberration. En raison de la proximitérelative de l'image, de l'ordre du dixième de la longueur focale du grand miroir, onpeut tolérer en principe des défauts à pente dix fois plus considérable que sur cedernier et c'est la condition relative aux écarts de tautochronisme qui doit surtoutretenir l'attention. Pour que la règle de Rayleigh soit satisfaite, si nous prenons ledéfaut sur le verre et tenons compte de l'incidence 45°, nous considérons commetolérable une anomalie de λ / 12 environ. Mais en raison de l'incidence 45° on n'a pasle choix, comme dans le cas du grand miroir entre plusieurs surfaces de référence decourbure un peu différente ; il faut que la courbure soit nulle, autrement le faisceauréfléchi est astigmate. Si nous admettons pour ce dernier défaut une tolérance deλ/5,5 sur l’onde (1), nous

(1) A. COUDER, Thèse : Recherches sur les déformations des grands miroirs employés auxobservations astronomiques, p. 10.

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voyons que sur le verre nous ne pouvons tolérer une courbure régulière concave ouconvexe que si elle ne dépasse pas λ / 8.

Très peu de télescopes en service possèdent un plan de cette qualité. Des défautsd’une frange entière sont tout à fait fréquents et nous avons même eu l'occasion denoter sur le plan d’un beau télescope de l2 pouces, une convexité de 9 franges ! Iln’est pas douteux qu'une partie de la mauvaise répartition des réflecteurs newtoniensde l'industrie provienne de telles négligences.

50. Forme et dimensions du miroir plan.- Si l'on rejette le faisceau à angledroit, la surface d'obstruction minimum (1) est obtenue en coupant une lame de verreavec un cylindre dont les génératrices font un angle de 45° avec son plan. Le contourde cette surface est donc une ellipse (fig. 53 A) dont les axes sont a et 2a .

Cette " tranche de saucisson " n'est pas facile à réaliser en pratique et la figureoptique d'un tel miroir est rarement aussi bonne que celle d'un verre d'épaisseuruniforme. Le plus souvent l'amateur s'en tiendra à un miroir ayant son bord d'équerreavec les faces.

Fig. 53. – Formes diverses pour le miroir secondaire.

Suivant le mode de fabrication adopté, le solide le plus facile ou le plusavantageux aura le contour octogonal (fig. 53 B), rectangulaire (fig. 53 C) oucirculaire (fig. 53 D). Même dans ce dernier cas, l’obstruction supplémentaire dans lefaisceau incident est un argument de faible poids devant la meilleure qualité probablede la surface.

Pour déterminer la valeur a du petit axe de l’ellipse utile (fig. 53), il fautconnaître quatre choses (fig. 54) :

Le diamètre optique D du grand miroir ;La longueur focale f du grand miroir ;La distance l de l'intersection de l'axe avec la surface du miroir plan, au plan

focal ;Le diamètre d du champ que l'on désire couvrir en pleine lumière.La distance l est égale au rayon extérieur (ou au demi-côté si c'est un carré)

(1) Nous laissons volontairement de côté les « chinoiseries » sans intérêt pratique.

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du tube prévu pour le télescope, plus l'épaisseur du porte-oculaire complet quand ilest enfoncé au maximum, plus une certaine distance de dégagement entre le planfocal et le repos du porte-oculaire ; en effet, actuellement, on rend presque toujoursle plan focal accessible. Il faut donc qu'il sorte de l’instrument quand le porte-oculaire est rentré à fond. Si l’on n'envisage que les observations visuelles, il suffitque l'on puisse mettre au point avec les plus forts oculaires négatifs ; avec lesmontures rentrantes habituelles, une distance de dégagement de l'ordre du centimètresuffira. Mais si l'on veut faire des photographies au foyer, la distance de dégagementdoit tenir compte de l'épaisseur de la chambre ; plus généralement, l'interposition detout appareil accessoire raccourcissant le tube impose des distances de dégagementplus grandes, par conséquent des miroirs plans secondaires plus grands. Il est bon dene pas

Fig. 53. – Dimensions du miroir secondaire.

chercher à interposer un hélioscope à polarisation ou un redresseur à prismes, àmoins que ces accessoires soient munis d'une lentille divergente destinée à allongerle foyer de la quantité voulue.

Il reste à fixer le diamètre d du champ que l'on désire couvrir en pleine lumière.Pour la plupart des observations visuelles on peut s’en tenir au diamètre de la Lunequi vaut angulairement 31’, soit un diamètre linéaire dans le plan focal égal aux 9millièmes de la longueur focale f (11 millimètres du foyer d’un télescope de 1,20 defoyer). Si l'on veut faire des photographies au foyer dans un champ aussi étendu quepossible (les grandes nébuleuses débordent le champ usuel d’un télescope demoyenne puissance), c'est l'importance des aberrations extra-axiales du miroirparabolique qui nous fixera la limite raisonnable. Le diamètre des plus petites étoilesque l'on peut enregistrer photographiquement au foyer d'un télescope de moyennepuissance est voisin de 35 µ. Au bord du champ nous sommes forcés d'être moinsdifficiles : posons comme limite tolérable pour la longueur radiale de l'aigrette due àla coma et l’astigmatisme la valeur de 100 µ. Le tableau de la page suivante, calculéavec cette donnée indique le diamètre d du champ en minutes d'arc et en millimètresdans le plan focal, pour différents miroirs d'amateurs.

Dans le cas d’un petit miroir peu ouvert, l'adoption d'un tel champ peut conduireà une obstruction centrale prohibitive. Si l’on veut aussi faire des

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observations visuelles, il est recommandable de prévoir un dispositif permettant leremplacement du miroir secondaire employé en photographie par un autre plus petit.

En possession des quatre données nécessaires, on peut dessiner l'épure dutélescope à l'échelle 1 / 2 par exemple, en traçant les rayons émergents limitant lechamp utile (fig. 54) ; il suffit de relever le diamètre du faisceau à la distance l duplan focal, pour avoir le petit axe de l'ellipse du miroir plan ; le grand axe, on se lerappelle, vaut 1,414 fois le petit.

f/D == D

5 6 7 8

150 mm. 103’ 22 mm. 116’ 30 mm. 130’ 40 mm. 138’ 48 mm.

200 mm. 80’ 23 mm. 92’ 32 mm. 102’ 42 mm. 110’ 51 mm.

250 mm. 66’ 24 mm. 76’ 33 mm. 86’ 44 mm. 92’ 54 mm.

300 mm. 55’ 24 mm. 64’ 34 mm. 73’ 45 mm. 80’ 56 mm.

On peut aussi obtenir la valeur a du petit axe avec la formule :

df

ldDa +

−=

)( .

Exemple. - On veut connaître la valeur du petit axe du miroir plan du télescopestandard à f / d = 6 pour lequel on a D = 200 millimètres, f = 1200 millimètres,l = 160 millimètres (avec le tube standard et pour les observations visuellesordinaires), d = 11 millimètres (diamètre de la Lune dans le plan focal), on auradonc :

.2,36112001

160)11200(mma =+

×−= ,

le grand axe devra mesurer 36,2 x 1,414 = 51,2 millimètresAutre exemple. - Même question avec un télescope de 300 millimètres à f / D = 7

que l’on veut employer pour des photographies à longue pose au foyer, sachant quele diamètre extérieur du tube du télescope mesure 350 millimètres, que la monture demise au point rentré à fond mesure 50 millimètres et que la chambre qui se montedessus a 40 millimètres d'épaisseur ; si l'on veut un dégagement supplémentaire duplan focal de 10 millimètres, on aura :

.275104050175 mml =+++= ,le tableau ci-dessus nous donne d = 45 millimètres.

On a donc :

.4,78451002

275)45300(mma =+

×−= ,

et pour le grand axe :78,4 x 4,414 = 110,9 mm.

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51. Contrôle interférentiel des miroirs plans. - Soit une lame d'aird’épaisseur e (fig. 55 A), comprise entre deux surfaces optiques. Un rayonlumineux d'incidence i tel que S arrivant sur la lame d’air, subit une premièreréflexion partielle en A au passage du verre dans l’air, en donnant naissance aurayon réfléchi R ; puis une seconde réflexion en B au passant de l’air dans leverre en donnant naissance au rayon réfléchi R'. Ces deux rayons R et R' sontsusceptibles d'interférer (§ 2), les réflexions en A et B étant de nature différente,il en résulte une différence de phase de λ / 2 à laquelle on doit ajouter le cheminsupplémentaire : 2e cos i parcouru par le rayon R'. Pour une différence demarche égale à λ / 2 ou un nombre impair de λ / 2, l'interférence est totale, si lalame d’air a une épaisseur variable, les points d'épaisseur convenable, paraissentsombres ; on voit des franges localisées dans la lame d’air.

Fig. 55. – Interférences dans une lame d’air.

Un cas particulier important qui nous intéresse directement, est celui où lesfaces de la lame d’air sont planes et font entre elles un angle très petit, on a uncoin d'air (fig. 55 B). Si l'incidence est normale, à chaque fois que l'épaisseur ducoin augmente de λ / 2, à partir d'une certaine épaisseur el pour laquellel’interférence est complète, on voit une nouvelle frange puisque le retard s’estaugmenté de λ. Cette frange est évidemment une droite parallèle à l'arête du coinpuisque c'est le lien des points de même épaisseur. Entre deux points du verre où

l’on compte k franges, on peut dire que l'épaisseur a varié de k . λ / 2. Si noussommes certains de la planéité de l'une des faces du coin (calibre étalon contrôlépar une autre méthode), nous pouvons directement interpréter les altérations desfranges d'égale épaisseur, par rapport à la ligne droite, comme des défauts deplanéité de la seconde face du coin ; les franges nous fournissent, un moyenprécis pour contrôler la planéité d’une surface optique à la seule condition quenous disposions d'un plan étalon de référence.

52. Pratique du contrôle interférentiel des miroirs plans. -- Dans lesateliers industriels on pratique le contrôle interférentiel simplement à la lumièredu jour, dans ces conditions les franges ne sont visibles que pour des épaisseursde coin très faibles, elles présentent des colorations vives de l'échelle de Newton.

Les surfaces doivent être parfaitement propres et appliquées avec le plusgrand soin directement l’une sur l’autre sans glissement latéral, même une

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main experte n'est jamais sûre de ne pas faire d'accrocs dès que le diamètre du verreatteint 5 centimètres, de plus, il existe souvent pour de faibles épaisseurs d'air desphénomènes d'adhérence très nuisibles par les contraintes mécaniques qu'ils infligentaux pièces. Si l'on ajoute qu'il est rare à l'atelier que l’on opère avec l'incidencenormale et des temps de refroidissement suffisants après manipulation du calibre etdu miroir encore glanté sur le bloc, on comprendra que l'on ne peut guère demanderà cette technique qu'une précision de λ / 2.

Fig. 56. – Contrôle interférentiel de plan avec le montage de Fizeau.

Une méthode plus correcte consiste à utiliser une source étendue de lumièremonochromatique (tube à décharge à vapeur de mercure par exemple) de telle façonque l'incidence soit normale. Même sans isoler la raie verte, il est possible de voir lesfranges de coin en interposant des cales de papier entre les surfaces.

Il est à la fois beaucoup plus économique et meilleur d'avoir recours à une simpleveilleuse au néon, facile à trouver dans les grands bazars d’électricité, associée à undispositif imaginé par Fizeau. Nous empruntons la plupart des détails pratiquessuivants à M. A. Couder. La veilleuse N est placée au foyer d’une lentille ordinaireplan convexe L (fig. 56), la face plane est tournée du côté de la source et la longueurfocale ne doit pas être trop petite (40 ou 50 centimètres pour un diamètre de 10centimètres).

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Si la veilleuse est trop encombrante, on peut la rejeter sur le côté grâce à un prismequelconque, en tous cas le pinceau incident doit être un peu hors de l'axe pour que lefaisceau de retour après réflexion sur le plan soit directement accessible. Il estcommode de pouvoir régler au moyen de vis calantes ou de cales, l'orientation del'appareil ou des surfaces examinées de manière à réaliser l'autocollimation sur leplan.

Les cales de séparation sont coupées dans la même feuille de papier de 1 ou 2 /10 d'épaisseur par exemple, le papier de journal relativement compressible estpratique ; leur largeur peut être de 5 à 10 millimètres.On pose le calibre d'abord surune cale puis on bascule surles deux autres sans toucherdirectement au miroir. Engénéral, au début, on voit ungrand nombre de franges, cequi indique que la pente ducoin est notable et que parconséquent les cales ont desépaisseurs trop différentes, entirant la cale épaisse ou en lacomprimant, on élargit lesfranges, quand il n'y en a plusqu’une dizaine sur le verre iln'y a pas intérêt à égaliserdavantage l'épaisseur descales, les franges s'étaleraienten une « teinte plate »générale même s’il subsiste

Fig. 57. – Contrôle interférentiel d’un plan.Noter : Me fil rectiligne de référence prés de la frangecentrale. La tache blanche est le reflet de la lampe aunéon. La cale mince est marquée T. Le bord extrême estrabattu.

des défauts de 1 ou 2 / 10 de frange tandis qu’avec un interfrange d'environ 10millimètres une courbure ou un accident de 1 / 2 millimètre est visible, celareprésente 1 / 20 de frange ou λ / 40 sur le verre. Le plus souvent, il existe desdéfauts zonaux ou une courbure d'ensemble ; pour éviter des erreurs d'interprétation,on commence par repérer la cale mince (c'est celle qui, comprimée par une légèrepression du doigt sur le verre dans son aplomb, montre les franges allant en seresserrant puisque la pente du coin d'air augmente) et on la tourne en face de soi (fig.56 et 57) alors : la frange centrale représente la coupe de la pièce contrôlée, tellequ'on pourrait la voir si ses accidents étaient grossis à raison de 0 µ 3 environ (λ / 2efficace au Néon) pour un interfrange.

Les figures 56 et 57 donnent des exemples d'application de cette règle. Lesaccidents sont mesurés en comparant la courbure des franges à la valeur del'interfrange, grâce à un fil tendu sur un archet en fil de fer qui matérialise une lignedroite. Quand le défaut n’est pas de révolution, l'interprétation des franges n'est pastoujours simple, il faut changer la direction de plus grande pente du coin d'air, enintervertissant deux cales par exemple, de manière à étudier d'autres diamètres, ceciest particulièrement utile avec un verre qui n'est pas circulaire (fig. 56).

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Bien entendu, les précautions pour l'égalisation thermique des verres et pouréviter leur échauffement au cours de l'essai sont indispensables et même encoreplus sérieuses que pour le grand miroir concave ; n'oublions pas qu'ici la surfacede référence est imposée. Un délai de plusieurs heures après manipulation ducalibre et du miroir, est ordinairement nécessaire ; le mieux est de laisser lesverres reposer une nuit, il ne faut se pencher devant l'appareil que pendant letemps nécessaire et il est bon de protéger les verres contre la chaleur du corps aumoyen d'un entourage en papier ondulé constituant une cheminée jusqu'à lalentille de l'appareil de Fizeau.

La méthode interférentielle est d'application facile et d'interprétationimmédiate, sans calcul, elle suppose seulement que l’on possède un calibre planétalon au moins aussi grand que la pièce à contrôler et dont la qualité soit hors dequestion. Un des premiers devoirs d’un groupement d'amateurs, c'est de posséderun étalon plan et d’être à même de pouvoir contrôler les pièces montées par sesmembres. L’amateur isolé en province peut à la rigueur éviter les plus grossesfautes en contrôlant deux par deux, trois miroirs ayant le dos poli, il obtiendra unsystème de trois équations à trois inconnues de résolution immédiate qui fournirales indications sur la courbure en importance et signe des trois verres.Malheureusement si les défauts sont compliqués (glace de Saint-Gobain), cesystème est insuffisant, on ne peut guère l'appliquer avec succès que dans le casde courbures régulières. Il est préférable d'employer la méthode suivante, aumoins pour le contrôle du premier étalon.

53. Contrôle des miroirs plans en combinaison avec un sphérique. - Ilfaut disposer d’un miroir sphérique concave auxiliaire au moins aussi grand quele petit axe du plan à contrôler, en fait, même pour un tout petit miroir on n'a pasintérêt à descendre en dessous de 10 centimètres de diamètre et 2 mètres derayon de courbure. Pour le fervent tailleur de miroirs, un sphérique parfait assezgrand est une précieuse pièce de référence ; celui qui ne construitqu’occasionnellement un télescope ne taillera pas spécialement un miroirsphérique, nous lui conseillons de prendre tout bonnement son miroir principal,même s'il est déjà parabolisé, pourvu qu’il n'ait pas un défaut petit et net juste aucentre. On vérifiera en foucaultant un miroir de 20 centimètres à f / d = 8, oumême 6, muni d’un diaphragme de 50 millimètres, que cette partie centrale peutêtre assimilée à un miroir sphérique.

Reprenons le dispositif décrit § 40, à propos de l'étude de l'astigmatisme dumiroir principal et appliquons à l’examen du miroir diaphragmé pour vérifier quel'astigmatisme de montage est insensible avec un oculaire fort.

Pour l'interposition du plan dans le faisceau, un support spécial estnécessaire. La figure 58 en montre un exemple réalisé avec trois planchettes dontl’une portant sur trois tètes de clous, sert de socle et les deux autres forment undièdre à 45° par exemple (1) qui a ses plans matérialisés par des têtes de clousservant d'appui aux dos des miroirs dont le glissement vertical est empêché pardes grands clous portant sur leur tranche. Le centre du miroir sphérique doit seprojeter évidemment au centre du plan.

(1) L’angle optimum pour le contrôle des plans est de 54° 45’ (thèse A. COUDER, p. 9). Onprend souvent également 60°.

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Pour avoir assez de lumière malgré trois réflexions, comme le plan en examen etéventuellement en retouche n'est généralement pas métallisé, il faut que le sphériquele soit.L'expérience de Foucault pratiquée dans ces conditions nous révèle les défautszonaux du plan s’il y en a mais ne peut pas nous dire si le miroir a une faiblecourbure sphérique concave ou convexe ; en effet avec notre montage le pland'incidence est horizontal, l'astigmatisme créé par la non planéité du miroir diagonalse manifestera près de l'image sous forme de droites focales rectangulaires, l'uned’elles : la focale sagittale est contenue dans le plan d’incidence elle est donchorizontale avec notre montage mais l'autre - la focale

Fig.58. – Contrôle d’un miroir plan en association avec un miroir sphérique.

tangentielle - qui lui est orthogonale est verticale comme notre couteau et si cedernier fait une coupe dans son plan nous observerons la teinte plate comme dans unfaisceau stigmatique. On peut cependant mettre en évidence et mesurerl'astigmatisme avec une grande précision par la méthode de Foucault si l'appareil estmuni d’un couteau (et d’une fente) pouvant tourner dans son plan ; en disposantl'arête horizontale, on peut trouver une autre position longitudinale d'extinction enteinte plate correspondant au pointé de la sagittale, en retranchant à ce second pointél'astigmatisme de montage (position extra-axiale de la source) la différence restantentre les deux tirages mesure la longueur d’astigmatisme l qui permet de calculer,avec la formule donnée plus loin, la courbure du miroir. Mais nous pouvons éviterune transformation de notre appareil de Foucault en pointant simplement les focalesavec un oculaire fort, la précision est un peu moins bonne, mais cela nousfamiliarisera avec une image affectée d'astigmatisme pur. La bille étant collée contrel’oculaire et notre montage à faible ouverture angulaire, on peut négligerl'astigmatisme

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de montage et obtenir la longueur d'astigmatisme simplement en retranchant l'un del'autre les deux tirages trouvés pour les plans de mise au point correspondant àchaque focale (fig. 58). Si l’on trouve la focale sagittale (horizontale) plus proche dumiroir que la tangentielle (verticale) cela veut dire que le miroir est convexe, aucontraire si c'est elle qui est la plus éloignée le miroir est concave.

Nous empruntons à M. A. Couder les formules suivantes (1) ;Le rayon de courbure R du miroir quasi plan essayé est égal à :

−= i

ilp

R coscos

14 2

.

La bille et l’oculaire étant solidaires on multiplie par 2 la longueur l mesurée.En comptant les deux réflexions, en appelant p la distance du miroir plan à l'imagevisée par l'oculaire et 1 la longueur d'astigmatisme.

Pour notre montage où nous avons pris i = 45°, cos i = 0,707 et la formule seramène à :

lp

R283,2

= .

Toujours dans le cas de l'incidence 45° la flèche de courbure ε du miroir quasi planest donnée par :

2

2

.6,22 p

Dl=ε .

D = diamètre du faisceau utile dans le plan du miroir essayé.

Exemple : On a trouvé une longueur d'astigmatisme l de 2 millimètres entre lesdeux focales, la focale sagittale étant plus éloignée, sachant en outre que p = 3 100millimètres (miroir de 20 centimètres à f / 8 utilisé comme sphérique) et D = 50millimètres, nous en concluons que le miroir essayé est concave et que son rayon decourbure est égal à :

kmmmR 6,13106,132

100383,2 62

=×=×

= ,

la flèche de courbure du petit axe est de :

240230102

100350

.6,22

2 52

2 λµε ousoitmm−×== .

La méthode est très sensible parce que le miroir est loin de l’image (p est ici vingtfois plus grand que dans l'instrument en service) et que le faisceau passe deux foissur le plan.

54. Matière première. - Glace de Saint-Gobain. - La planéité de la glace estsouvent vantée dans les ouvrages de physique et dans ceux consacrés aux télescopesd'amateurs ; elle est assurément remarquable pour un produit industriel aussi banal.Si l’on dispose d'un stock suffisant de débris de glace de fabrication ancienne et d'unappareil de contrôle interférentiel (§ 52), il ne sera pas trop difficile de trouver unmorceau assez grand et assez parfait pour constituer un miroir diagonal de 20 à 30millimètres de petit axe. Actuellement

(1) Lunettes et Télescopes, p. 501, thèse, p. 9.

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la glace ordinaire est surfacée par des machines à fonctionnement continu et il estpresque impossible de trouver un morceau acceptable. Ce qu'il faut proscrireabsolument, c'est la pratique, trop fréquente chez les amateurs, qui consiste à prendrele premier morceau de glace venu sans le contrôler ; on n'a pas une chance sur milled'obtenir un bon plan de cette façon ! Il existe presque toujours des défautsastigmates, dont l'interprétation est d'ailleurs difficile et dont l'amplitude atteintfacilement 5 à 10 franges sur 50 millimètres, le resurfaçage est indispensable.

La glace ordinaire de 8 millimètres d'épaisseur peut suffire à la rigueur pour unmiroir diagonal de 30 à 40 millimètres de petit axe ; on lui préférera cependant uneépaisseur de 10 à 15 millimètres, surtout si le petit axe atteint 50 ou 60 millimètres.

Pièces d’optique récupérées. - Nous citerons comme principale mine de miroirsplans : les écrans photographiques réalisés notamment par C. Zeiss et Goerz, pour lesanciennes chambres d'aviation de grandes dimensions, et que l'on trouvegénéralement à très bon compte, sur le marché de l'occasion (1). Ces écrans sontconstitués par deux lames à faces planes et parallèles de 150 millimètres de diamètreet 11 millimètres d'épaisseur, ou mieux 180 millimètres de diamètre et 14 millimètresd'épaisseur, collées, avec interposition d'une gélatine teintée. Il est généralementnécessaire de scier la monture pour récupérer les lames que l'on peut décoller dansune casserole d'eau mise à chauffer. Les faces intérieures collées ont ordinairementdes défauts de deux ou trois franges sur tout le diamètre, mais souvent les facesextérieures ne présentent pas un défaut de plus d'une frange et si l'on étudiejudicieusement son plan de découpage, on pourra trouver une région assez grandepour un miroir exact à λ / 10. Il nous arrive à l'atelier de la Commission de tirerquatre miroirs plans standard irréprochables, d'une seule lame de 150 millimètresrevenant à 100 francs ! De toutes façons, la retouche est beaucoup plus facile que s'ils'agissait d’un morceau de glace de Saint-Gobain.

Mentionnons aussi certains miroirs de forme rectangulaire, provenant d'équerresoptiques de télémètres, reconnaissables à des pattes usinées à la base du rectangle etqui sont exacts à 1 / 10 de frange en général. Il faut toujours bien se garder degénéraliser sans contrôle de telles constatations ; les pièces industrielles finies aveccette précision sont très rares ; ce n'est pratiquement jamais le cas pour les prismes àréflexion totale.

55. Resurfaçage des miroirs plans. - Si l’on voit qu'il est possible d’utiliser tellequelle, ou de retoucher au polissage, la face d'un morceau de glace ou d'un écran, ilfaut bien se garder de dépolir l'autre côté, ce qui aurait pour résultat de provoquerune concavité de plusieurs franges de la face choisie à cause des forces decompression de l'abrasif (effet Twyman). Dans le cas le plus général où une retoucheest nécessaire, on peut hésiter entre deux techniques :

Découper d'abord le miroir à sa forme définitive et le surfacer ensuite monté en« bloc », c'est-à-dire glanté sur un plateau avec des cales latérales rétablissant uncontour à peu près circulaire (fig. 59 A). Inconvénient : déglantage, on libèreinévitablement des contraintes, qui rendent ordinairement

(1) Renseignement valable en 1950, actuellement ce genre d’occasion est rare.

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nécessaire la retouche finale du verre seul et cette retouche, effectuée sur une piècenon de révolution est aléatoire.

Découper sommairement un miroir circulaire nettement plus grand que le grandaxe du plan désiré, par exemple 100 millimètres de diamètre pour un plan de 40 à 50millimètres de petit axe. Si la pièce à retoucher est une lame d'écran de 150millimètres, on peut la retravailler telle quelle (fig. 59 B). Surfacer ce verreexactement plan, puis découper finalement le miroir à sa forme définitive.Inconvénient : si la matière possède des résidus de trempe notables (glace), on peutlibérer des tensions et provoquer un défaut imprévu au découpage.

Cette seconde méthode a cependant notre préférence car avec les verres minces,considérés ici, l'effet dû aux tensions éventuelles du verre est généralement

Fig. 59. – Les deux procédés de surfaçage d’un miroir plan.

bien plus faible que celui dû aux tensions de glantage il est même nul si l'on utiliseun plateau en Calex recuit fin de Parra-Mantois ; de plus, on élimine au découpageles bords de la pièce initiale qui sont presque toujours défectueux.

Pour reprendre au polissage la forme d’un plan de 10 à 15 centimètres dediamètre, utiliser un polissoir à la poix non carrelé, mais ayant un diamètre un peuplus grand que celui du verre (1 centimètre par 10 centimètres). On peut prendrecomme outil un disque métallique, en verre ou en bois paraffiné à faces planes quisera muni d’une bande de papier fort dépassant son contour et bien nivelé pourrecevoir une couche de poix de 5 millimètres environ d'épaisseur. La poix doit êtreassez dure, l’ongle ne la marque que faiblement. Avant refroidissement complet onprocède à un pressage sur papier avec une surface plane assez grande, puis à unpressage au rouge. Pendant le travail l'outil sera dégarni par une rainure diamétrale etau besoin par des petits coups de grattoirs croisés pour augmenter l'adhérence.Rappelons qu’une climatisation à 20°C au moins et un travail prolongé ininterrompusont indispensables.

En principe le travail se conduit verre en dessus et courses variées comme avecun miroir ordinaire. La plupart des renseignements donnés à ce sujet

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pourront être transposés ici. L’amplitude des courses ne doit pas dépasser 1 /3 D. Latendance à concaver est combattue par l'excédent de diamètre de l’outil, mais si leverre est déjà concave, on travaillera momentanément avec le polissoir en dessus, leverre étant posé sur plusieurs épaisseurs de molleton.

Le bord rabattu éventuel, même s'il est très important, n'est pas à prendre enconsidération, puisqu'il disparaîtra avec les chutes du découpage. Les graves défautsastigmates irréguliers de la glace de Saint-Gobain s'éliminent automatiquement parun travail suffisamment prolongé : un temps d'action de trois ou quatre heures suffitle plus souvent. Il n'y aura plus que la courbure d’ensemble et les défauts zonaux àabaisser à moins d’un dixième d'interfrange dans la portion centrale utile qui peutêtre délimitée par un diaphragme en carton placé sur le verre pendant le contrôle.

50. Découpage des miroirs plans. - Il est beaucoup plus facile et expéditif defaire un découpage droit. Pour couper un verre un peu épais, on utilise de préférenceune grosse roulette à tourillons dans une monture rabot ; en effet, il faut appuyerfortement pour faire une grosse rayure. Le verre est posé sur un support de planéitévérifiée. Si l’on se guide contre une règle, il est prudent d'assujettir celle-ci avec desserre-joints et il faut tenir compte bien entendu de la demi-épaisseur du rabot. Pourséparer correctement le verre on opérera

Fig. 60. – Découpage d’un verre épais.

de la façon suivante (fig. 60) : poser le miroir face rayée en dessous sur un drap debillard aussi grand que lui, recouvrant une surface plane assez massive (un marbre dumécanicien est idéal) ; exactement en face du trait on pose le séparateur qui est unesorte d’outil en acier terminé par une surface cylindrique de court rayon (fig. 60).Pour produire la rupture par flexion on frappe la queue du séparateur d’un coup secavec un petit marteau. Il est toujours préférable de séparer le verre en fragments delongueurs à peu près égales. Quand on taille plusieurs miroirs dans le même disque,il faut donc commencer par la coupe diamétrale. La forme la plus facile à découperest évidemment celle d'un rectangle. On peut se contenter de biseauter les bords pouréliminer les petites égrenures et les arêtes coupantes en frottant la pièce présentée

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à 45° par rapport à un morceau de glace avec interposition d'émeri cinq minutes.Pour éviter les rayures sur la face optique, on peut l'enduire d’une couche d'arcansonou de gomme-laque.

Les miroirs octogonaux pourront nécessiter un travail de rodage un peu pluslaborieux car les angles ne se séparent pas toujours aussi bien. Si l’on possède unlapidaire à axe vertical ou tout élément de machine permettant d’en improviser un, cetravail n'offre aucune difficulté.

Pour réaliser la forme elliptique oblique, on peut ébaucher le verre, collé entredeux glaces de protection, sur un lapidaire ou une platine, grâce à une piècecylindrique coupée à 45° sur laquelle il doit être glanté solidement avec un cimentd'opticien ; le doucissage s'opère ensuite sur un tour avec une plaque de fer montéesur le porte-outil (fig. 61 A). Le découpage au « biscuit cutter », peut se faire avecune simple perceuse. Le biscuit cutter est un tube en métal

Fig. 61. – Réalisation d’un contour elliptique.

tendre (laiton, acier doux) qui sert aussi pour percer ou réaléser les miroirsCassegrain, son diamètre intérieur doit avoir environ 2 millimètres de plus que lepetit axe du miroir à découper et son épaisseur est de l'ordre du millimètre ; la partiesupérieure est munie d'une pièce épaulée ou d'un cône Morse se montant sur laperceuse, la section droite inférieure est pourvue de fentes et de dégagementspermettant la circulation de l'abrasif. Pour éviter les écailles, le verre doit être colléentre deux glaces de protection avec de l'arcanson (trois quarts de résine, un quart decire d'abeilles).

On peut caler le tout, à 45°, dans un cube rempli de plâtre, pour éviter laprésentation oblique du biscuit cutter. On se contentera souvent d'un calage à 45°dans une boite, en bois paraffiné par exemple, qui recueille aussi l'eau et l'abrasif usé(fig. 61 B) et qui doit être solidement bridée sur le plateau de la perceuse. Il fautalimenter abondamment en eau et en carborundum n° 120, par exemple, et dégagersouvent le biscuit cutter de la coupe pour assurer un bon travail d'abrasion, sanséchauffement exagéré. Le carborundum est évidemment un voisinage malsain pourla machine qu'il ne faut toucher qu’avec la main qui ne manipule pas l'abrasif etprotéger le plus possible avec des morceaux de toile cirée. Après découpage etdécollage du miroir on abat tout de suite un petit biseau : l’arête aiguë s’écaille avecune grande facilité.

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Retouches finales. - Le contrôle après découpage n'est pas exempt de toutesurprise ; dans le cas d'un miroir elliptique le moins qu'il puisse arriver c'est un légerrelèvement du bord aigu dû à l'effet Twyman de la tranche inclinée. Cette anomalieest le plus souvent assez petite et localisée pour être négligée. Si elle atteint 2 / 10 defrange, on pourra procéder à une retouche au doigt. Les libérations de contraintespeuvent, dans certains cas, nécessiter une intervention plus sérieuse qu'une simpleretouche locale. Si le défaut atteint ou dépasse une frange, ce qui est heureusementassez rare, il faut avoir recours à un polissoir aussi grand que le grand axe del'ellipse. Le rabattement du bord est à craindre. Si l'on veut un miroir réellementimpeccable, il est plus économique de découper un autre miroir dans un plan en verred'optique recuit fin.

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CHAPITRE IV

PARTIE MÉCANIQUE DU TÉLESCOPENEWTON STANDARD

57. Généralités. - Le choix de la solution pour le montage du télescope standard,destiné à être diffusé le plus possible, est dicté surtout par des considérationsd'économie, de simplicité et de facilité de construction ; on a adopté le modèle conçuet réalisé par M. André Couder en 1926, décrit dans Lunettes et Télescopes, p. 322,qui offre tous ces avantages sans sacrifier la correction du montage. Partant de l’idéequ'un télescope sert d'abord à faire des observations astronomiques toutecomplication suggérée uniquement pour des raisons d’esthétique et ne visant pasd'amélioration intéressante pour 1'observateur, a été exclue.

Les plans donnés figures 62, 63, 64 (qui ne diffèrent du modèle original que surdes points de détail) sont évidemment susceptibles d'une interprétation assez large,ne serait-ce que pour tenir compte des caractéristiques réelles des pièces optiquesdisponibles. Notamment l'emplacement du porte-oculaire est sujet à révision et il fautchoisir le panneau à percer (droite ou gauche) si l'on veut disposer un chercheur droitpour l’œil gauche ou pour l’œil droit.

Suivant le matériel, l'outillage, l'expérience déjà acquise, on peut être amené àdes modifications plus ou moins heureuses. Prévenons les inventeurs qui ont aussil'intention d'observer que les moindres détails de la monture standard ont été élaborésd'après l'expérience directe ; nous croyons nécessaire d'insister sur quelques pointsimportants qu'il serait dangereux de laisser à l'initiative du « bon sens mécanicien ».

58. Détails de construction importants. - Montage du grand miroir. - Il fautabsolument éviter toute contrainte de la monture sur le verre qui, cependant, doitoccuper par rapport à celle-ci une position bien définie et réglable. Dans le cas d'unmiroir de 20 centimètres (§ 10) il n’y a aucune difficulté ; c'est bien pour cela quenous craignons les réactions des esprits inquiets et compliqués. Le miroir porte enpermanence en cinq points choisis, à savoir (fig. 62) : le dos sur les extrémitésgarnies d'étain des trois vis calantes (Rep. 15) disposées aux sommets d'un triangleéquilatéral juste inscrit dans le contour du verre et non, comme on le fait souvent, surune circonférence de rayon 0,7 ou 0,8 r. La tranche sur deux blocs latéraux (Rep. 11)à 120°. Le dispositif de sécurité comprenant une vis latérale (Rep. 16) et les pattes desécurité (Rep. 17 et 18), ne doit pas toucher au verre quand le miroir est en position

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Fig. 62. – Ensemble du montage du télescope.

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Fig. 63. – Détail des pièces du télescope.

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de travail ; un jeu latéral de 5 /10 et axial de 2 millimètres doivent être considéréscomme normaux. Avant d'observer il suffit de s'assurer qu’un choc ou unrenversement anormal du tube n'a pas fait quitter un des cinq contacts utiles pourretrouver l'instrument en ordre.

Mentionnons spécialement les fautes les plus grossières et les plus fréquentesqu’il faut éviter à tout prix :

Coller le miroir sur un autre disque dit « de renfort » en verre ou en métal.Résultat : destruction totale de l'image de diffraction sous l’effet des contraintesmécaniques réciproques catastrophiques.

Monter le miroir dans un barillet métallique « de précision » ajusté par alésage autour ; les contraintes qu’une telle monture peut exercer sur le verre à une températureplus faible que lors de l'ajustage déforment le miroir par flambage et constituent undanger de fracture. La moindre trace d'oxyde sur un tel barillet suffira à rendre ledémontage ultérieur dangereux ou impossible.

Poser le miroir directement sur un disque métallique dressé au tour, à l'échelledes déformations qui nous intéressent (1 /10 de µ) le contact dorsal malgré lesapparences n'a lieu qu'en trois points au plus, malheureusement quelconques cettefois-ci. Supposons par exemple un barillet convexe de 1 /100 de millimètre, si l'onpose le miroir sur cette bosse on peut être sûr d'avoir une bosse correspondante sur lasurface d'onde, il y aura de la sous-correction sphérique et l'axe optique sera instable.Si le barillet est concave, il est bien rare que les trois points de la couronne quiporteront sur le verre seront également espacés, il y aura de l'astigmatisme.

Interposer entre le fond tourné du barillet métallique et le miroir un anneau ou undisque en flanelle est une solution plus correcte, mais inférieure à celle des contactsgéométriques à cause de l'instabilité de l'axe optique et de l'obstacle aux échangesthermiques par la face dorsale du miroir.

Pour être correct un barillet métallique doit être relativement léger (parois minceset nervures), complètement fermé ou muni de portes de ventilation étanches, à causedes courants de convection. L’alésage doit être au moins 1 centimètre plus grand quele diamètre du verre, des plots de centrage latéraux et dorsaux maintenant le miroir à5 millimètres au moins du métal.

Montage du miroir diagonal. - Malgré ses petites dimensions, le miroirsecondaire doit être monté avec les mêmes précautions que le grand. La solution dela figure 64 comporte trois griffes servant à la fois d’appuis latéraux et de face ; uneautre solution consiste à utiliser un tube coupé un biseau, muni de trois languettesrepliées ou vissées pour définir le plan de la face optique et alésé au moins 2 /10 plusgrand que la projection du miroir. Dans le cas d'un miroir octogonal ou rectangulaire,le système des trois pattes est plus sûr. Si l’instrument est monté en azimutal, un jeudorsal de 2 /10 au moins est convenable, le jeu latéral également nécessaire n'estévidemment pas une cause de dérèglage dans le cas d’une surface plane. Il fauts'assurer qu’aucune contrainte sensible n'existe en écoutant le choc du verre contreles pattes quand on secoue légèrement le support diagonal. Si le télescope est unéquatorial photographique, on peut craindre dans certaines positions de perdre un destrois contacts de la face optique, il est utile dans ce cas de coller sur le supportdiagonal trois

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Fig. 64. – Détail du porte-oculaire et de l’araignée.

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cales en papier buvard par exemple, disposées exactement à l'aplomb des griffes portant surla face optique ; ces cales ne seront comprimées, lors du montage, que par le seul poids dumiroir en prenant bien garde de ne pas exercer de pression supplémentaire en serrant les vislatérales des pattes.

Araignée support du diagonal. - La solution adoptée figure 64 est celle indiquée parMorse (1) utilisée également par Hargreaves (2). Les lames d'acier au lieu d'être tenduessuivant l'axe du tube sont décalées, l'avantage du système est d'offrir une résistance à latorsion beaucoup plus grande avec une tension des lames bien plus faible que dans lesystème classique, on en a profité ici pour remplacer l'acier trempant par l'acier doux, ce quipermet de plier les lames à 90° et de les fixer de façon moins laborieuse. Il fautnaturellement soigner le parallélisme des lames opposées pour ne pas provoquer d'aigrettesde diffraction supplémentaires. Les aigrettes de diffraction peuvent être évitées par l'emploid'écrans profilés ou de bras courbes (3), la faible résistance mécanique de ces derniers n'estpas une difficulté insurmontable dans le cas d’un instrument de 20 ou 30 centimètresd'ouverture, nous engageons ceux qui sont bien outillés à réaliser des supports courbespourvus de joncs de renfort ne dépassant pas 2 millimètres de diamètre à chaque bord. Leremède radical contre les aigrettes est la lame de fermeture portant le secondaire (chap. X)solution onéreuse intéressante surtout par l'élimination des effets thermiques du tube.

Porte oculaire. - Il faut toujours prévoir : un mouvement rapide d'assez grandeamplitude pour tenir compte des différences de tirage parfois importantes entre lesoculaires; un mouvement de mise au point proprement dit qui doit être extrêmement doux,une monture ayant du jeu est préférable à celle que l'on ne saurait manœuvrer sans ébranlerle télescope.

Pour les objectifs à f / 15 qui ont une tolérance de mise au point d'un quart demillimètre, l'emploi d'un mouvement à crémaillère est avantageux ; au contraire, avec nosmiroirs à f / 6 ou f / 8 la tolérance de mise au point est de l’ordre de un vingtième demillimètre seulement, le mouvement à vis au pas de 2 millimètres, commandé par un petitcabestan à quatre bras se révèle très pratique. La rotation de l'oculaire sur lui-même n'aévidemment aucune importance avec un oculaire correctement centré, c'est seulement pourl'emploi d'accessoires particuliers comme une chambre photographique, qu'il faut prévoirune monture oculaire amovible.

(1) Pub. Ast. Soc. Pacific, t. 53, n° 312, avril 1941, p. 128.(2) J. B. A. A., 1946, p. 115.(3) A. COUDER L'Astronomie, t. 63, sept.-oct. 1949, p. 253, fig. 99 111.

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CHAPITRE V

LA MONTURE AZIMUTALEDU TÉLESCOPE STANDARD

59. Principe. - La monture azimutale A. Couder, adoptée pour le télescopestandard S.A.F. est de conception cinématique, c'est-à-dire que les pièces, enmouvement relatif, possèdent juste le nombre de points de contact nécessaire pourlaisser le degré de liberté utile. Répétons à cette occasion l'idée fondamentale quidirige une telle réalisation : Tout corps rigide possède six degrés de liberté. Pourobtenir ici le mouvement azimutal, nous avons une fourche - chargée latéralementpar le télescope - qui tourne autour d'un axe vertical (fig. 65, Repère 34) dontl'extrémité conique pénètre dans une plaquette percée (Rep. 32) éliminant ainsi troisdegrés de liberté, le trou conique réel étant pratiquement assimilable à l'emboîtureidéale triédrique. Sous l'effet de la charge en porte-à-faux, la fourche tend à basculer,ce qui applique fortement la plaquette (Rep. 33) contre la partie inférieurecylindrique de l'axe, déterminant deux nouveaux contacts qui font perdre encoredeux degrés de liberté, il ne reste plus qu'un seul déplacement relatif possible : larotation en azimut. L'avantage d'un tel système est de permettre un mouvement tout àfait exempt de jeu sans aucun ajustage, l'usinage le plus maladroit donne d'aussi bonsrésultats que celui du mécanicien exercé,

Le mouvement en hauteur comporte également une rotation des tourillons dutélescope sur les V des plaquettes (Rep. 31). Cette fois il n'y a que quatre contacts, ilreste un degré de liberté en trop : une translation horizontale du télescope dans leslimites d'un jeu latéral laissé volontairement très notable. Bien entendu cettetranslation, incapable de provoquer un dépointage, est sans inconvénient.

60. Détails importants ou intéressants. - Axe azimutal (Rep. 34). - Cet axe,notablement chargé à une extrémité libre, constitue le point faible du système. Lasurcharge variable due au vent provoque des vibrations imperceptibles à la pointe del'axe mais considérables pour l'observateur qui observe avec un grossissement de 300ou 400. Les vibrations s'amortissent d'autant plus difficilement que le télescope estplus long et plus lourd, l'axe plus long et moins rigide. Ceux qui seraient tentés, aprèsun calcul élémentaire de résistance de réduire à 20 millimètres par exemple la sectionde l’axe, feront bien de penser à la véritable position du problème pour un instrumentastronomique dont la première qualité est la stabilité. Le taux de travail du métal, siridiculement

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Fig. 65. – Ensemble du montage du pied azimutal.

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Fig. 66. – Pièces en bois du pied azimutal.

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Fig. 67. – Pièces métalliques du pied azimutal.

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Fig. 68. – Exemple de monture A. Couder : Montage d’un télescope à champ riche (Richest field telescopeou R. F. T.) avec oculaire à hauteur fixe. Miroir de 157 millimètres ; f / D = 3,9 ; Gr = 25 en R. F. T. Leporte-oculaire, légèrement modifié, remplace un tourillon. Equilibrage par le haut du tube allongé et munid’un cadre de plomb. Soutien de stabilité à crémaillère.

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faible soit-il, n'est pas un argument à opposer à l'amplitude des vibrations (un calculde flèche peut donner quelques indications en posant qu’une variation de flexion de10″ d'arc ou 2 / 100 de millimètre à la pointe de l'axe est intolérable), à leurfréquence et à leur durée d’amortissement.

Il est plus simple et plus sûr de s'en tenir aux conclusions pratiques des collèguesqui ont déjà tenté ces expériences à leurs dépens, changeant parfois l'axe trois ouquatre fois avant de consentir la dépense indispensable d’un diamètre suffisant. Voiciles diamètres d’axe minimum recommandés basés sur les résultats obtenus avec 150télescopes ayant des caractéristiques voisines de l'instrument standard :

Fig. 69. – Plan d’une fourche à mouvement lent azimutal (réalisation M. Levier).

30 millimètres pour un télescope de 150 à 180 millimètres à f / D = 6 légèrementconstruit. Poids, environ 8 kilogrammes ;

35 millimètres pour le télescope standard 200 millimètres des plans pesantenviron 12 kilogrammes ;

40 millimètres pour un 200 millimètres rustique à panneaux épais ou largementdimensionné pesant moins de 20 kilogrammes ;

50 millimètres pour un 250 millimètres ne pesant pas plus de 30 kilogrammes.Au delà de cette dimension, la monture azimutale à fourche déportée doit être

considérée comme un compromis insuffisamment rigide et déconseillée ; unemonture équatoriale bien étudiée (1) dont le prix de revient sera justifié par lecaractère définitif de l'installation, s'impose pour l'exploitation rationnelle de telsinstruments, c'est un non sens que d'entreprendre la taille d'un miroir de 300millimètres ou plus, si l'on n'est pas décidé à faire les frais, nécessairement élevés,d'une robuste monture équatoriale.

(1) Voir chapitre XII.

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Assemblage de la fourche. - il faut souligner l'importance des tirants (Rep. 35) quitraversent entièrement la fourche. Un tel mode d'assemblage est beaucoup plus résistantque si l’on comptait uniquement sur les vis en bois de bout ; de plus, si le bois vient àjouer quelque peu, il suffit de donner un coup de clé aux écrous pour restituer àl'ensemble sa rigidité première. Le panneau de fermeture (Rep. 26) améliore également lasolidité de la fourche.

Frein d’axe et mouvement lent azimutal. - Les usagers de la monture standard seplaignent quelquefois de la mobilité trop grande de l'instrument en azimut ce qui oblige àmettre l’instrument en station avec son axe bien vertical et à se garer du vent. Pourremédier partiellement à cet inconvénient on a augmenté le frottement sur le point tripleen adoptant pour le cône de l’axe azimutal (Rep. 34) un angle de 20° seulement. On peutaussi disposer en face des contacts du V inférieur, un frein d'axe réglable facile àimaginer. Une solution plus perfectionnée consiste à monter sur l'axe une pince de calage(au besoin simplement en bois ou en « Permali ») et permettant un mouvement lentazimutal par vis et bouton F (Fig. 69). Nous croyons inutile d'insister sur ces détails quechacun aimera traiter suivant ses préférences ou ses besoins personnels.

Tête du pied. (Rep. 27). - On notera sa grande épaisseur assurant un bonencastrement à l'axe azimutal ainsi que la grandeur de la base de triangulation des jambesdu pied qui vaut 150 millimètres, pour cette pièce supposée prise dans une chute demadrier. L’avantage d’un pied dont les jambes sont ainsi triangulées, c'est que leséléments (Rep. 28) travaillent presque uniquement à la traction et à la compression, larigidité est énorme même avec des lattes très flexibles.

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CHAPITRE VI

PROJET D'UN TELESCOPE CASSEGRAIN

Ces compléments supposent du lecteur une expérience technique préalableacquise par la réalisation d’au moins un bon télescope standard.

61. Disposition générale classique et notations. - Le grand miroir principalconcave (fig. 70) de diamètre D1 et rayon de courbure r1, a donc une longueur focalef1 = r1 / 2. Le miroir secondaire est convexe, de diamètre D2, rayon de courbure r2 ; ilest placé dans le faisceau du grand miroir en avant du foyer et restitue un faisceaumoins ouvert qui passe dans un trou foré dans le miroir

Fig. 70. – Schéma général d’une combinaison Cassegrain.Les dimensions transversales sont exagérées.

principal. Ce faisceau résultant correspond à une longueur focale équivalente F de lacombinaison. Le rapport F / f1 = γ exprime le grandissement dû au miroir convexe demême que le rapport entre les distances p' et p séparant le sommet du miroir convexedu foyer résultant et du foyer du grand miroir. Les sommets des miroirs sont séparéspar la distance d, tandis que pour rendre accessible le plan focal résultant on luiménage une distance de dégagement e comptée à partir du sommet du grand miroir.

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62. Avantages et inconvénients du Cassegrain classique. – La partie oculaireest disposée face au ciel, comme avec une lunette, ce qui, tout compte fait, est pluscommode que l'oculaire latéral en haut du tube en Newton, particulièrement quandl'instrument est monté équatorialement. Grâce à son miroir convexe le Cassegraindonne la possibilité de disposer d'un instrument de longueur focale aussi grandequ'on le veut, sans augmentation de l’encombrement fixé par la longueur focale f1 dugrand miroir. Ceci est spécialement intéressant, pour la photographie planétaire ouplus généralement à haute résolution (1) de même les observations planétaires etd’étoiles doubles pourront se faire avec des oculaires de longueur focale avantageuseet pas obligatoirement très bien corrigés comme le Plössl ou l’orthoscopique.

L’oculaire ou la plaque photographique reçoivent en Cassegrain directement lalumière du fond du ciel ou d'une source voisine du champ, ce qui abaisse lescontrastes et constitue un inconvénient très sérieux. Le remède consiste à prolongerle tube porte-oculaire assez loin (fig. 70) pour éliminer la lumière parasite sansdiaphragmer. Malheureusement cette élimination ne peut être complète que sur l'axe,hors de l'axe il y a silhouettage de l’ouverture et réintroduction de fond du ciel àmoins que l'on n'augmente notablement l'obstruction centrale ce qui, nous allons levoir, est inadmissible ; l'allongement démesuré du tube ne peut pas non plus êtreretenu. Non seulement le rapport F / D1 peut être grand en Cassegrain maislogiquement il doit l'être. Il est hors de doute qu’un Newton, d'ailleurs plus facile àconstruire, est plus avantageux pour les rapports F / D de l'ordre de 6 à 8 et l’on peutmême ajouter qu'une lentille de Barlow (2), permet d'étendre cet avantage au moinsjusqu'à F / D de l’ordre de 15 ou 20. En Newton comme en Cassegrain, désirer unchamp étendu et bien dégagé du tube se paye par une obstruction centrale plusimportante. Pour le Cassegrain cela réduit la possibilité de choisir un γ petit et mériteun sérieux examen. La forte obstruction centrale est nuisible non à cause de la pertede lumière, qui s'exprime en centièmes de magnitude dans les cas usuels, mais parceque la figure de diffraction normale (fig. 71 ) est altérée. L'énergie diffractée dans lesanneaux est augmentée aux dépens de l'intensité de la tache centrale. Le tableau ci-dessous chiffre cette perte pour différents rapports d'obstruction :

OBSTRUCTION RELATIVE 0,0 0,1 0,2 0,3 0,5

La tache centrale 83,8 81,8 76,4 68,2 47,8

Le 1er anneau 7,2 8,7 13,7 21,8 35,2

Le 2è anneau 2,8 1,9 0,7 0,5 7,2

Le 3è anneau 1,5 2,4 4,0 2,5 0,2

Tous les anneaux 16,2 18,2 23,6 31,8 52,2

La figure 71 donne les rapports d'intensité jusqu'au second anneau de diffraction,relativement à la tache centrale, pour une pupille entièrement libre et pour desobstructions de 0,2 et 0,5. Les aspects visuels correspondants montrent la gravité del'altération dans le cas de l'obstruction 0,5 ; le premier anneau est tellement

(1) Astrophotographie d'amateur, § 2l et 26. Editions Revue d’Optique, 1954(2) Voir § 97.

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renforcé que la moindre aberration zonale résiduelle ou la moindre turbulence aidant,ce n'est plus le rayon du premier anneau noir mais celui du second qui serareprésentatif du pouvoir résolvant ; ainsi un télescope de 400 mm à obstruction 0,5ne sera guère meilleur qu’un 210 mm entièrement libre, il sera même très inférieur sila turbulence devient notable. Nous retiendrons en pratique qu'une obstruction de 0,1ne produit pas d'altération appréciable de l'image ; une obstruction de 0, 2donne un renforcement visible mais tolérable desdeux premiers anneaux ; l'obstruction de 0,3 est àdéconseiller, particulièrement pour un instrumentà surfaces planétaires ou pour l'observation d'uncompagnon serré d'une étoile double, au delà de0,4 il s'agit d'obstructions admissiblesuniquement dans les télescopes photographiquesà grand champ. D'ores et déjà nous voyons que leCassegrain logiquement conçu devra avoir unrapport F / D1 supérieur à 15 et qu'il sera parconséquent mal adapté à l'observation visuelle ouphotographique de pâles objets étendus tels queles nébuleuses et les comètes qui exigent les plusgrandes pupilles de sortie de l'ordre de 5 à 7 mm,des faibles grossissements et des champsétendus, impraticables sur un tel instrument.

63. La variante du Cassegrain coudé.- Aulieu de percer le grand miroir, nous pouvonsrendre le plan focal accessible au moyen d’unmiroir plan diagonal P analogue à celui d’untélescope newtonien qui rejette le foyer résultantF en F' (fig. 72). Cette disposition a été adoptéenotamment par Ritchey pour les télescopes de152 et 254 cm du Mont Wilson, mais elle

Fig. 71. – Altération de la figure dediffraction en présence d’obstructioncentrale.

peut s'appliquer avantageusement également à un modeste instrument d'amateur àmonture équatoriale à fourche (fig. 73). Les orientations les plus fréquentes del'instrument correspondent à des inclinaisons confortables du porte-oculaire,comparables à celles d'un microscope. De plus, la figure 72 montre que l'on peutréduire, pour une obstruction donnée, le trajet p' et par conséquent un γ assez élevén'est plus obligatoire. Enfin le miroir non percé est sensiblement plus facile àexécuter et dépourvu de l’effet thermique de trou central, qu'on observe toujours auFoucaultage d'un Cassegrain droit de n'importe quelles dimensions, sous forme devolutes en mouvement lent constituant une veine permanente qui s'élève radialementau-dessus du trou, parfois cette perturbation est très notable. L’inconvénientprincipal du système c’est qu’à un nombre de réflexions

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122

impair correspond une image symétrique par rapport à la réalité ; pour utiliser unecarte ou identifier les détails d’un dessin planétaire, il faut employer une glace. Onpourrait y remédier en remplaçant le miroir diagonal par un prisme à

Fig. 72. – Schéma général d’un Cassegrain coudé.

toit de très bonne qualité (vu la puissance des oculaires). La protection contre lalumière du fond du ciel peut être assez difficile pour certaines proportions ou aucontraire meilleure pour une distance assez réduite du diagonal au miroir convexe.On cumule presque inévitablement les effets de diffraction des deux

Fig. 73. – Disposition générale possible Fig. 74. – Grand télescope Cassegrain coudé. d’un petit Cassegrain coudé.

systèmes de lames support d'araignée dont la superposition sur l'axe est bienthéorique. Mentionnons encore brièvement la disposition coudée des grandstélescopes avec le foyer résultant fixe passant dans l'axe horaire ce qui permetl’installation d'un gros spectrographe en chambre thermostatée. La figure 74 montrela disposition du faisceau pour un réflecteur à monture équatoriale anglaise

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123

simple. On notera qu'il faut ici un quatrième miroir et que l'allongement considérablede p’ entraîne un γ élevé et une longueur focale équivalente énorme, les fentes et lescollimateurs des spectrographes associés en tiennent compte.

64. Discussion du choix des caractéristiques. - Le diamètre D1 du grand miroirfixe l’échelle du projet, sur ce point nous laisserons l'ambition du constructeur suivreson destin, parfois amer. L’encombrement en longueur de l'instrument est lié à lalongueur focale f1 (fig. 70) du grand miroir, c'est un souci légitime de la réduireautant que possible mais un très bon miroir paraboloïde à f1 / D1 = 4 nécessite unopticien de premier ordre, il paraît préférable de ne pas descendre en dessous de 5,même si l’on a déjà une sérieuse expérience ; d'autre part aller au delà de 6conduirait finalement à une longueur focale résultante F excessive. La distance dedégagement e est la somme de cotes difficilement compressibles : épaisseur dumiroir et de son barillet, de la monture porte-oculaire, auxquelles il faut ajouter unecourse supplémentaire en prévision d'accessoires raccourcissant le tirage - oculairecoudé, hélioscope, chambre photographique -.Pour un instrument d'amateur e serad'environ 200 à 250 mm, une augmentation inconsidérée conduirait à accroître γ oul'obstruction centrale. Nous voici enfin au choix de γ qui est la grande décision àprendre puisque f1 ne peut varier entre de larges limites. Pas d'hésitation pour celuiqui veut à tout prix le meilleur instrument à surfaces planétaires, il prendra le γmaximum de manière à réduire l’obstruction au minimum ce qui entraîne le sacrificedu champ et des faibles grossissements. En effet les séries d'oculaires de l'industriene sont pas riches du côté des grandes longueurs focales (1). Posons que le plus faibleoculaire disponible est de 75 mm. Sacrifions les pupilles de sortie supérieures à 1,5mm. Le rapport F / D1 pourra atteindre 50 et le γ = 10 avec un primaire à f1 / D1 = 5.Le plus faible grossissement possible sera donc de 133 pour un instrument de 200mm et de 200 pour un 300 mm. Sur un télescope moins spécialisé on ne voudra pasdépasser F / D1 = 20 à 25, toujours dans l'hypothèse d'un primaire ouvert à 5 on auraun γ de 4 à 5 la pupille maximum atteindra 3,75 ou 3 mm, les grossissementss'abaissant, toujours avec l'oculaire le plus faible de 75 mm à 53 ou 67 pour le 200mm et à 80 ou 100 pour le 300 mm. Ce dernier télescope ne peut déjà plus montrer laLune en entier faute de pouvoir percer un trou assez grand dans le miroir. Les γinférieurs à 3 sont à déconseiller dans les Cassegrains droits visuels.

65. Calcul des autres caractéristiques correspondantes. - Il est pratiqued’utiliser largement le paramètre γ ; dans les formules élémentaires ci-dessous onsuppose toutes les quantités positives pour éviter des erreurs de signe possibles avecdes segments orientés.

Position du miroir secondaire (notations de la figure 70)

11

++

efp (1)

γpp =' (2)

(1) Il en résulte que même les lunettes astronomiques normales à f / 15 ne peuvent pas être employéesavec le grossissement équipupillaire. Sur notre demande la maison CLAVE réalise des oculaires de Plösslde focale de 40, 50 et 75 mm sur coulant de 50 mm (voir § 98).

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124

Rayon de courbure du secondaire :

1'2

12

2 −−=

γγγ p

oup

r (3)

Diamètre du secondaire

mp

ouf

pDD

1

12 = m étant le rapport d’ouverture (4)

auquel on pourra ajouter quelques millimètres si l'on veut couvrir un champ de pleinelumière non nul. Il faut prévoir en outre encore 2 mm de plus pour le diamètreextérieur du verre. L'obstruction réelle est déterminée par le diamètre extérieur de lamonture qui ne peut guère faire moins d'un millimètre de plus que celui du verredans le cas d'un petit miroir.

Le trou du miroir principal doit, bien entendu, rester inférieur au diamètred'obstruction du secondaire ; dans le cas d'un petit instrument on vérifiera qu'il n'estpas toujours possible d'utiliser tout le champ d'un oculaire à long foyer.

66. Coefficients de déformation des miroirs. - Schwarzschild a donné en1905(1) une théorie générale des télescopes à deux miroirs dont les Cassegrains neconstituent qu’une famille. Cette théorie permet de calculer toutes les aberrations dutroisième ordre : aberration de sphéricité, coma, astigmatisme, courbure de champpour une paire de miroirs absolument quelconque. Bien que des changements devariables astucieux permettent de simplifier beaucoup l'application des formules deSchwarzschild nous ne donnerons dans ces notes pratiques que les coefficients dedéformation (2) b1 et b2 qui annulent 1'aberration de sphéricité pour quelques casremarquables, les aberrations extra-axiales ne pouvant qu'être faibles, vu le champréduit des Cassegrains, seule la coma sera rapidement mentionnée. On sait que laforme d’un des miroirs étant choisie on peut toujours obtenir le stigmatisme sur l'axepar une déformation convenable du second miroir, il y a donc une infinité detélescopes à deux miroirs corrigés de l'aberration de sphéricité. En fait on réserve lenom de Cassegrain au télescope dont le grand miroir est paraboloïde, comme celuid’un Newton et peut, par conséquent, être utilisé indépendamment du secondaireconvexe ; cette possibilité est particulièrement utile dans un grand instrument mais ladiscussion des § § 62 et 64 nous a montré que si un Newton pouvait rendre lesservices d'un Cassegrain, l'inverse n'était pas possible, la réservation d’une possibilitéde montage Newton est donc toujours intéressante et nous ne traiterons en détail quele vrai Cassegrain dont les miroirs ont les coefficients de déformation suivants :

Grand miroir paraboloïde :11 =−b (5)

Secondaire convexe hyperboloïde :2

2 11

−+

=−γγ

b . (6)

(Pour éviter les erreurs de signe faciles à commettre nous ne donnons que desformules dont les signes remaniés permettent l'introduction de quantités telles

(1) Untersuchungen zur geometrischen optik II. Theorie des Spiegeltelescope dans AstronomischenMitteilungen Gottingen, t. 9, 1905

(2) Voir § 35.

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125

que γ, p, d, r1 prises avec le signe positif). On se rappelle (1) qu’à un coefficient bnégatif correspond un miroir dont le rayon de courbure va en augmentant en allantdu centre vers le bord. La coma du vrai Cassegrain est la même que celle d'unparaboloïde de même ouverture dont la longueur focale serait F, étant donné lesrapports d'ouverture de 20 à 50 on peut dire qu'elle est inobservable dans le champréduit accessible à travers le trou du miroir.

Cependant levons l'indétermination des couples de miroirs stigmatiques en posantla condition d'une coma nulle : nous obtenons le télescope aplanétique

Fig. 75. – Comparaison des déformations de différents groupes de miroirs.

de Ritchey-Chrétien dont les équations de Schwarzschild donnent facilement lesmiroirs :

12

21 +=−γdp

b (7)

( )

2

31

2 11

1

−+

+−

=−γγ

γ

γ

d

rb (8)

On voit que les deux miroirs sont notablement plus déformés que ceux du vraiCassegrain, inconvénient d'autant plus grave que la possibilité d'exploiter lacorrection de la coma impose logiquement un champ étendu, donc un F / D1 modéré:6 par exemple qui conduit à un f1 / D1 = 3 à 4 et à un γ de 2 ou même 1,5, lesdifficultés d'exécution et l'obstruction centrale sont donc très grandes. Les deuxexemplaires homothétiques de 51 et 102 cm réalisés par Ritchey n'ont jamais étélargement employés (2), les combinaisons récentes dérivées des Schmidt ont apportédes solutions plus complètes et meilleures de télescopes aplanétiques.

(1) Voir § 35.(2) Cependant le plus grand des deux, autrefois monté à U. S. Naval de Washington est installé depuis

peu à Flagstaff et donne d’excellentes photographies à longue pose.

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126

Dall et Kirkham (1), pensant réduire les difficultés de taille et contrôle du miroirconvexe, ont stipulé la condition d'un secondaire sphérique. Les coefficients dedéformations sont :

Secondaire sphérique :02 =b (9)

Primaire ellipsoïdal :

( )4

22

1

21

11

γγ −

−=−rr

b (10)

Le grand miroir est donc un peu moins déformé qu'un paraboloïde, b1 est del'ordre de – 0,8 pour des proportions usuelles. Dans les mêmes conditions la coma estenviron 10 fois supérieure à celle d'un vrai Cassegrain de mêmes caractéristiques.Cet inconvénient n'est pas très sérieux par lui-même mais entraîne la nécessité d'uncentrage des miroirs plus soigné et d'une stabilité mécanique du tube meilleure. Enfait nous verrons que, quand on peut réellement affirmer sérieusement que l'on aobtenu un secondaire sphérique, le travail peut être considéré comme avancé à 95%par rapport à l'achèvement en hyperboloïde du vrai Cassegrain. Le télescope de Dall-Kirkham ne présente donc que des inconvénients, d'ailleurs mineurs, pour l'opérateurbien informé.

Pressmann (2) et Camichel (3) ont vu la possibilité de réaliser un Cassegraindépourvu totalement d'obstruction en adoptant un grand miroir sphérique travaillanthors de l'axe. Les coefficients de déformation deviennent :

Grand miroir sphérique :01 =b (11)

24

2

12 1

11

−+

=γγ

γγ

rr

b . (12)

Cette fois b2 est positif, le miroir convexe a donc un rayon de courbure plus longau centre qu'au bord, la déformation est malheureusement très importante. Nous nereviendrons pas sur la discussion de cet instrument développée dans l'article cité (3).Retenons seulement, outre la difficulté d'exécution du secondaire, la coma énormeexigeant un centrage rigoureux qui ne peut qu’être précaire.

Plaisir d'inventer du « nouveau » ou de construire un télescope monstrueux mis àpart, il n'est guère possible de sortir du classique sans risquer de perdre son temps etde l'efficacité instrumentale, le télescope à deux miroirs corrigé de toutes lesaberrations, en est un exemple amusant. On trouve facilement en égalant toutes les

équations de Schwarzschild à zéro la condition 22

±=γ qui permet de réaliser ce

télescope « idéal ». Celui qui remet à temps les pieds sur terre s'aperçoit que sur lesquatre combinaisons possibles, trois sont impraticables, soit parce qu'il faudraitplacer le secondaire derrière le primaire où il ne recevrait pas de lumière ou parceque le faisceau résultant serait divergent (image virtuelle) ; la quatrième n'est pastotalement absurde : le primaire est convexe, le secondaire (si l'on peut dire) estconcave, plus grand que le primaire et percé d'un trou central du diamètre duprimaire ; pour un champ de pleine lumière nul, le trou central du primaire est déjàprohibitif

(1) Scientific American, t. 185, 1951, p. 118.(2) Journal of the British Astronomical Association. Vol. 57, déc. 1947, p. 224.(3) L’Astronomie, Commission des Instruments, 80è séance, t. 68, oct. 1954, p. 387.

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et l’on a la satisfaction morale de savoir que si 1’on pouvait recevoir 1e faisceauoblique d’une étoile notablement extra-axiale, on observerait une image dépourvuede toute aberration du troisième ordre.

67. Appréciation des difficultés d'exécution. - La connaissance de b1 et b2 suffitau praticien pour conduire le contrôle et réduire les mesures avec la même facilitéque dans le cas particulier du paraboloïde (b1 = - 1). Si l’on a choisi pour le grandmiroir un b1 différent de - 1 l'aberration longitudinale par exemple, à faire intervenirdans les réductions (§ § 35, 36, 37, 38, 45, 46, 47 ; fig. 52, ligne 4) sera :

)2

(' 3

42

rh

rh

bp +=∆ (13)

Les écarts par rapport à la sphère sont toujours intéressants à calculer, encorefaut-il préciser quelle sphère ! Nous considérons uniquement ici la sphère tangenteau sommet du miroir et sécante au bord de l'ouverture utile d'ordonnée h (1). La tracede cette sphère sur la figure 76 est la droite SB, en chaque point d'ordonnée y de lasection méridienne du miroir existe un écart à la sphère

3

422

8 ryyhb

x−

×= (14)

Cet écart est maximum pour la zone ayant y = 0,707 h et vaut

3

4

32 rhb

×=ε (15)

Dans le cas le plus fréquent où b est négatif, on voit que la section méridienne estdu genre familier creux central et bord tombant (2) si le miroir est concave (fig. 76 1)tandis que si la référence est rapportée à une face convexe l'allongement de rayon decourbure en allant vers le bord se traduit par une méridienne à bosse centrale,dépression annulaire et bord relevé (fig. 76 II). Considérons le seul cas pratiquementintéressant du vrai Cassegrain. L'écart maximum ε croît quand b augmente donc,pour le miroir convexe, quand y diminue mais en même temps le diamètre de cemiroir augmente. L'argument à considérer pour finir d'apprécier la difficulté dutravail est la pente correspondante à l'angle maximum θ que fait la surface du miroiravec la sphère de référence (fig. 76) ou plutôt avec la surface réelle non sphériqueque l'outil actuel de polissage et la technique adoptés ont envie d'engendrerautomatiquement. Cette dernière surface est imprévisible, d'où le palliatif provisoirede la sphère de référence dont il ne faut pas perdre de vue le caractère illusoire.

Fixons l'ordre de grandeur de quelques pentes intéressantes. La surface réelled’une pièce d'optique finie, présente des millions de défauts de toutes dimensionslatérales : ceux accessibles au contraste de phase, dont la largeur va depuis 0,01 mmjusqu’à 5 mm par exemple, et ceux plus particulièrement du ressort du Foucaultage,2 mm jusqu'au diamètre de la pièce. Nous

(1) C'est la sphère qui s'écarte le moins possible d'une surface régulièrement déformée. Ceci permet enparticulier l’application directe de la règle de Rayleigh et l’appréciation effective des retouches à faire.L’usage, malheureusement trop fréquent, de la sphère osculatrice aux rayons centraux qui s’écarte quatrefois plus au bord, est dénué d’intérêt pratique et cause beaucoup d’erreurs.

(2) Fig. 40B et 41

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128

avons montré (1) que sur une pièce d’optique astronomique travaillée et retouchéetous ces accidents ont la même pente de 0,5 à 1 x 10-6 par rapport à la surfacegéométrique idéale. Les petits accidents s'engendrent automatiquement avec cettefaible pente si l'on adopte une méthode de polissage correcte (2) mais la formed'ensemble ne pourra s'obtenir avec cette approximation qu'au prix de retouchesd’autant plus nombreuses et difficiles que la surface à réaliser comporte desinclinaisons telles que θ importantes. On peut dériver l'expression (14) par rapport ày pour obtenir les pentes. Voici quelques résultats pour des miroirs courants. Unprimaire paraboloïde à f / 5 présente au voisinage du bord une pente de 3 x 10-5 parrapport à la sphère, à réaliser à

Fig. 76. – Ecarts matériels entre les miroirs et la sphère.

l’approximation fixée plus haut. C'est un travail sérieux pour amateur confirmé maisil est très praticable car il est relativement facile d'exploiter une tendance naturelle àdéformer d'un grand outil employé avec des grandes courses qui tend, en premièreapproximation, à donner la méridienne de la figure 76 1. Par contre un paraboloïde àf / 4 qui comporte des pentes doubles de 6 x 10-5 nécessitera des interventions localesplus nombreuses et délicates (3). Le secondaire hyperboloïde convexe à associer auprimaire à f / 5 aura également des pentes au bord de 3 x 10-5 ; étant donné sesdimensions petites, cela représente une intervention légère, malheureusement lafigure 76 II nous indique qu'elle est du genre bord relevé et les surfaces les pluscouramment engendrées en travaillant un petit miroir ont facilement un bord rabattuincliné de 5 x 10-5 ou même 1 x 10-4 par rapport à la sphère, particulièrement quandl'opérateur a peur d'échauffer la pièce par un travail poussé prolongé. Renverser cettetendance et obtenir une bonne sphère demande beaucoup plus d’expérience queréaliser l'hyperbole en partant d'une vraie sphère.

68. Exemples récapitulatifs de projets complets. - Pour ceux qui seraientembarrassés par la discussion complète précédente nous allons calculer deuxexemples d'instruments intéressants de réalisation bien praticable.

Premier exemple : Un Cassegrain sans spécialisation excessive de 250 mmd'ouverture. Grand miroir D1 = 250 ; f1 = 1 250 ; f1 / D1 = 5.

On pose la condition que le grossissement minimum doit pouvoir descendre à100 (pupille 2,5 mm) avec un oculaire de 75 mm de longueur focale. Ceci

(1) Ciel et Terre. LXVIè année, n° 3-4, mars-avril 1950.(2) §41 et fig. 47.(3) §44, méthode C.

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129

donne F = 7 500 mm, F / D1 = 30 et γ = 7 500 / 1 250 = 6 . La distance e dedégagement est choisie de 220 mm.

La formule (1) donne : 210162202501

=++

=p

La formule (2) donne : 26016210' =×=p

La formule (3) donne : 50416

621022 =

−××

=r

La formule (4) donne : 422501

2102502 =

×=D

Le diamètre optique est porté à 45, le diamètre extérieur à 47, 1'obstruction pourune monture de 48 sera donc de 0,19 qui ne conduit pas à une dégradation alarmantede la tache de diffraction (fig. 71). On pourra forer un trou de 45 dans le miroirprincipal et utiliser un tube porte-oculaire de 41 x 43 ; le champ ne pourra dépasser18' (avis aux contemplateurs de Lune en entier, qu’ils conservent leur Newton).

La formule (6) donne :( )( )

96,11616

2

2

2 =−+

=−b

La formule (15) donne :( )( )

µε 12,000012,0504

5,223296,1

3

4

ou=×=

Bord relevé de 4-10-5 par rapport à la sphère, pas de difficulté spéciale, cettepente diminue rapidement en s'écartant du fin bord.

Second exemple : Un Cassegrain à surfaces planétaires de 300 mm. Grand miroirD1 = 300 ; f1 = 1 500 ; f1 / D1 = 5.

Plus grande pupille limitée à 1,5 mm ou G minimum = 200 avec un oculaire de75 mm de longueur focale. Ceci donne F = 15 000 ; F / D1 = 50 ; et γ = 10. Ladistance de dégagement e est prise de 240 mm.

La formule (1) donne : 2,1581102405001

=++

=p

La formule (2) donne : 5821102,158' =×=p

La formule (3) donne : 6,351110

102,1583002 =

−××

=r

La formule (4) donne : 6,315001

2,1583002 =

×=D

Le diamètre optique est porté à 33, le diamètre extérieur à 35, si la monture dusecondaire a un diamètre de 36 1'obstruction sera de 0,12 et la perturbation sur lafigure de diffraction négligeable (cf § 65). On pourra forer un trou de 34 dans legrand miroir, employer un tube porte-oculaire de 32 x 33 et il faudra se contenterd'un champ maximum de 7' qui impose pratiquement le montage de l'instrument enéquatorial à mouvement horaire par moteur.

La formule (6) donne :( )( )

49,1110110

2

2

2 =−+

=−b

La formule (15) donne :( )

( )µε 08,008000,0

6,3515,16

3249,1

3

4

ou=×=

Pente au fin bord relevé de 3,6 x 10-5 mais la faible quantité de matière à enleverrend cette hyperbolisation très facilement réalisable en partant d'une sphère. Cetinstrument est assez difficile à équiper d’une série d’oculaires bien complète (voir§98).

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130

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131

CHAPITRE VII

RÉALISATIONDU GRAND MIROIR CASSEGRAIN

Le travail des miroirs paraboliques a été exposé en détail § 8 à 48. Quelquesindications complémentaires sont utiles pour l’exécution de miroirs percés. Lesdisques pour miroirs de télescopes peuvent être commandés percés à S.O.V.I.S. (1)

moyennant un supplément de prix de l'ordre de 25 à 30 %. Pour ceux qui voudraientpercer un disque déjà livré, donnons quelques conseils.

Fig. 77. – Contrôle rapide de la trempe.

69. Contrôle sommaire de la trempe. - Il faut bien comprendre que le foraged'un trou dans un disque de verre épais libère inévitablement des contraintesmécaniques qui peuvent être considérables et conduire à l'éclatement du verre. Lecontrôle de la trempe est donc recommandé, particulièrement avec un miroir defabrication ancienne d'assez grande épaisseur. Même si le disque est bien recuit il està peine utile de dire qu'une tentative de perçage d'un miroir fini de bonne qualitéconduirait à la destruction certaine de la forme d’ensemble, le perçage ne peut êtreenvisagé qu'avant le travail de précision.

(1) Voir adresse § 13.

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132

La trempe est facile à déceler en lumière polarisée au moyen d'un outillage peudispendieux (fig. 77). Le polariseur, qui doit ouvrir tout le miroir, peut être constituépar une glace non métallisée dont on utilise la réflexion vitreuse sous l'incidenceBrewstérienne (57° par rapport à la normale). Pour éviter la dépolarisation de lalumière par les faces grossières du disque brut on peut les enduire d’huile de ricin oude pétrole. L'analyseur, placé devant l’œil, peut être un petit morceau de Polaroïd,une simple lunette de soleil polarisante suffit. Avant interposition du disque miroir,l'incidence Brewstérienne se recherche par tâtonnements jusqu’au moment où lecroisement exact de l'axe du polaroïd, par rapport au plan de polarisation de la glace,donne une extinction pratiquement complète d'une source lumineuse étendue tellequ'un ciel nuageux uniforme. Le miroir traversé par la lumière polarisée montre desplages claires ou même des franges colorées dans les régions notablement contraintesou tendues. Un hublot pris dans une dalle sommairement recuite présente un aspectirrégulier du genre de la figure 77 I. Un disque recuit isolément présente des tensionsqui croissent régulièrement du centre vers le bord, on observe une croix noire (fig. 77II) à peu près centrée, un tel verre peut être percé sans risque excessif de rupture.

Fig. 78. – Forage du trou dans un miroir Cassegrain

Par contre les disques anciens unpeu épais ont souvent destensions telles qu'ellescorrespondent à des différencesde marche de plusieurs longueursd'onde révélées par une séried'anneaux colorés d'ordressupérieurs (figure 77 III). Onabstiendra de percer un tel verre,le passage du trépan dans lacouche de verre la plus tendue,vers le tiers de l'épaisseurprovoquerait probablementl'éclatement (1).

70. Perçage du trou central. –Industriellement on utilise descouronnes garnies d’uneconcrétion de particules dediamant enrobées dans un métalfritté. L’amateur ne peut amortir

cet outillage mais le « biscuit-cutter » que nous connaissons déjà (p. 102) armé decarbo 80 ou 120 permet de traverser 40 mm de verre en moins d’une heure quand ils'agit de trous d’environ 50 mm de diamètre. On peut utiliser une perceuse ordinairepourvu que la vitesse de la broche puisse être descendue à 100 ou 200 t/mn. Lafigure 78 se passe d’une longue description. L’attaque de la coupe est centréecommodément au moyen d’un jeton de quelques millimètres

(1) Cette mésaventure survint, malgré 1es précautions méticuleuses prises, lors du perçage de l’ancienmiroir Common de 91 cm du Télescope Crossley de l’Observatoire Lick.

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133

d'épaisseur collé à l'arcanson exactement au centre. Le miroir, dont la tranche estvaselinée, constitue le fond d'une cuvette dont les bords sont simplement en papierd'emballage fort paraffiné. Ce récipient peut contenir assez d’eau et de carbo pourassurer un renouvellement constant de l'abrasif. Malgré cela il est bon de ne pasinsister, ni appuyer sur de l'abrasif usé, mais dégager souvent le « biscuit-cutter » dela coupe pour éviter un échauffement qui pourrait devenir dangereux.

Le polissage d’un miroir percé ne serait guère praticable sans production d’unbord rabattu considérable près du trou central. Pour l'éviter on peut choisir entre deuxprocédés

Méthode des frères Henry. - On commence le perçage du disque par la facechoisie comme dos et l'on ne traverse pas entièrement(fig. 79). Un réglet

Fig. 79. – Méthode Henry. Fig. 80. – Méthode Ritchey.

mince et étroit introduit bien à fond dans la coupe permet de vérifier qu'il reste uneépaisseur de verre égale à la flèche du miroir (on opère avant l’ébauchage de la faceconcave) majorée de 2 ou 3 mm. Si le disque est bien recuit on peut espérer avoirlibéré presque complètement les tensions résiduelles et achever le miroir, traitécomme un miroir ordinaire, le sillon dorsal est rempli de cire ou de plâtre pendanttoute la durée du travail. La surface optique étant exempte de toute discontinuitéaucune zone notable n’apparaît à l'aplomb du sillon, seule une faible anomalies'observe quelquefois due à l’écoulement thermique perturbé au voisinage du forage.Pour déboucher le centre du miroir complètement achevé il faut prendre quelquesprécautions. On évite mieux les éclats dangereux en reprenant le perçage à partir dela seconde face qui est maintenant la surface polie du miroir, qu’il est bon deprotéger par un enduit protecteur – film de cire ou gomme laque – le « biscuit-cutter » sera rentré exactement à l’aplomb du forage initial grâce au jeton

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collé à l'arcanson sur le verre. Les deux ou trois millimètres restants seront usésprudemment avec de faibles pressions et de l'émeri 5 minutes. On peut aussi avecpeu plus de risques terminer la coupe initiale en tournant le biscuit-cutter à la mainsans forcer ni appuyer, il est bon de coller sur la face optique un verre protecteurd’environ 20 mm plus grand que le trou. La carotte centrale enlevée, il faut biseauterdes deux côtés le bord intérieur du miroir ce qui peut se faire rapidement etexactement au moyen d’un outil sphérique enduit d'émeri 5 minutes et à peu près durayon convenable pour donner la tangence avec un angle de 45° ; une petite boule depétanque convient pour des trous d'environ 50 à 60 mm de diamètre. Le principalaléa avec la méthode Henry c'est que l'on n'est jamais sûr que les déformations dumiroir seront négligeables au débouchage final. A titre d'indication disons qu'àl'atelier de la Commission sur trois disques de 20 cm, travaillés suivant cetteméthode, dont la trempe avait été reconnue négligeable, deux n'ont pratiquement pasbougé tandis que le troisième s'est effondré dans les zones centrales en prenant unesurcorrection d’une frange entière. La retouche d'une telle hyperbole, une fois la calecentrale partie, est difficile, elle serait même impraticable si le miroir perdait sasymétrie de révolution.

Méthode de Ritchey. - De toutes manières la méthode précédente serait tropaléatoire avec un grand miroir, que l’on coule d'ailleurs avec le trou venu de fonderiepour éviter les risques d'éclatement. Dans ce cas le « biscuit-cutter » sert uniquementà agrandir le trou au diamètre voulu, un second trépan, un peu plus grand, permettantde fraiser un repos pour une cale en glace de 15 à 30 mm d'épaisseur, immobiliséependant tout le travail par un scellement latéral en plâtre (fig. 80 I). S'il s'agit d'unmiroir d'amateur on utilise simplement la carotte centrale livrée par la fabrique sic'est elle qui a percé le disque que l’on scelle au plâtre coulé bien liquide pourremplir le sillon dont l'épaisseur n'est guère que de 2 mm (fig. 80 II). Après séchageprolongé du plâtre et ébauchage de la concavité, le sillon de plâtre sera gratté à 2 mmenviron en dessous de la surface puis verni à plusieurs reprises au vernis gommelaque pour éviter la pénétration de l'eau dans le plâtre et faciliter l'élimination desdifférents grades d'émeri. La méthode de Ritchey n'évite pas aussi bien les effetsthermiques au bord intérieur mais réduit beaucoup les risques de déformation aprèsenlèvement de la cale. Cependant la prise du plâtre s’accompagne parfois dechangements de volume et nous avons dû une fois retoucher après débouchage unmiroir de 30 cm travaillé suivant ce procédé à l'atelier de la Commission desInstruments.

71. Travail du miroir percé. - La plupart des renseignements donnés § 16 à 26,sont directement applicables. Mentionnons seulement au cours du doucissage d’unmiroir à sillon débouché (procédé Ritchey) l'utilité d’un nettoyage soigné du sillon àchaque changement d'émeri ; il est bon de repasser une couche de vernis gommelaque pour fixer les grains d'abrasifs qui pourraient échapper au nettoyage et enmême temps éviter la pénétration de l’humidité dans le plâtre.

Au polissage, toujours dans le cas d'un miroir à sillon débouché, on éviterad'employer un polissoir sans dégarnir une petite zone de poix qui tend à prendre durelief à l'aplomb du sillon au cours des pressages. On peut même enlever

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complètement la poix au centre de l’outil suivant un cercle égal au diamètre du troupour être plus sûr de ne pas créer de bord rabattu intérieur par une saillie de poix.

72. L'écran à échancrures A. Couder. - Pour les proportions des fenêtres del'écran rappelons qu'il faut surtout s'attacher à avoir des plages bien pointables afind'obtenir une bonne égalisation photométrique (§ 38) ; éviter de descendre à moinsd'une quinzaine de millimètres pour la largeur de la fenêtre la plus étroite si l'onobserve à 3 mètres. La progression arithmétique des hm2 n'est indiquée que pourdonner l'allure générale des proportions relatives des

Fig. 81. – Ecran A. Couder pour un miroir Cassegrain de 250 mm.

zones ; on ne doit pas hésiter à retoucher un peu les valeurs théoriques si ellesaboutissent à des fenêtres trop disproportionnées, notamment la fenêtre centrale estparfois trop large et peut contenir une petite zone qui rend la définition de la teinteplate impossible. Dans le cas d'un Cassegrain le trou central est naturellementéliminé ce qui réduit cet inconvénient. De toutes façons les mesures à l'écran àéchancrures ne sont bonnes que si la surface du miroir est assez douce et exempte dezones étroites. La figure 81 donne les proportions d’un écran à 5 zones qui concerneun miroir Cassegrain de 250 millimètres à f / D = 5 ; ces valeurs pourront êtreextrapolées à des miroirs pas trop différents en diamètre ou déformation, de même lerayon intérieur de la zone centrale sera modifié sans trop de scrupules pourconcorder avec un trou central d'une autre dimension. Si le miroir n’est pasparabolique, b différent de - 1, on remplacera naturellement les valeurs de hm2 / Rpar celles de b. hm2 / R sans autre modification dans le calcul de réduction desmesures.

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73. Parabolisation des miroirs de grande ouverture relative. - On pourratoujours commencer à paraboliser par la méthode classique (§ 44, méthode A) maisen surveillant à chaque intervention l'allure de la déformation. Le plus souvent il nesera pas possible de terminer par ce procédé un miroir un peu déformé tel qu'unparaboloïde à f / D = 5 ou 4 et a fortiori un Ritchey-Chrétien, la poix le plus souventrefuse les déformations trop importantes. On a toujours intérêt cependant às'approcher de la forme définitive en utilisant un grand outil à action fortementperturbée (méthode C et fig. 49). Les polissoirs locaux ne seront guère avantageuxque pour un bord rabattu ou une zone très faible. Les dernières retouches sont à faireaprès élimination de la cale centrale. Un miroir à f / D = 5 donne une figure dediffraction théorique dont le rayon ρ est seulement de 3,4 µ et à 2,7 µ à f / D = 4 ; ilfaut des soins extrêmes dans les retouches et les mesures pour pouvoir garantir quetous les rayons émergents convergent dans cette image. Bien souvent de fauxjugements ont été portés sur les Cassegrains uniquement parce que l'on avait affaire àun principal très ouvert f / D = 3 ou 4 dont la mise en forme n'avait pas été assezsoignée, en effet il ne faut pas compter en pratique sur le secondaire pour compenserune négligence sur le miroir principal, comme toujours la qualité du grand miroir estfondamentale si l’on veut que toute l'entreprise ait un sens.

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CHAPITRE VIII

LE MIROIR SECONDAIRE CASSEGRAIN

La principale difficulté de construction d’une combinaison Cassegrain est due aumiroir secondaire qui est convexe et ne peut, par conséquent, être étudié par laméthode de Foucault sans recours à des pièces optiques auxiliaires (1). Comme lechoix de la méthode de contrôle influe grandement sur toute la conduite du travailnous allons examiner les quatre procédés pratiquement valables :

74. Contrôle de l'ensemble de la combinaison sur une étoile (fig. 82 A). -Cette méthode s'applique dans les conditions d'emploi normales du télescope enutilisant une étoile brillante. On suppose que l'instrument complet est disponible etmonté en équatorial avec entraînement horaire soigné. Le grand miroir, qui a étéséparément étudié et terminé, est aluminé ; le secondaire à l'étude n'est pas encoremétallisé. Il faut beaucoup d'expérience pour interpréter correctement un faibledéfaut par la méthode de Foucault pratiquée visuellement avec une véritable étoile ;les remous turbulents de l'atmosphère rendent illusoire l'égalisation photométriquedes fenêtres de l'écran à échancrure. On pourrait intégrer ces remous en prenant desFoucaultgrammes posés quelques minutes mais le dépouillement numérique desclichés serait laborieux puisqu'il exigerait toutes les servitudes de la photométriephotographique. Pour ces raisons il est préférable d'avoir recours à la méthode deHartmann (2). On opère photographiquement avec une étoile brillante telle que Véga,deux clichés extrafocaux séparés par une distance connue permettent l'enregistrementdes traces de pinceaux lumineux isolés par un écran placé à la bouche du télescope,un temps de pose de l'ordre de une minute suffit avec des plaques de sensibilitémoyenne même si un seul des miroirs est aluminé. Une petite machine à mesurerpermettant de lire le micron est nécessaire pour prendre la distance des pinceauxd'une même zone sur les deux plaques ; puisque l’on connaît en outre la distanceaxiale qui séparait les deux clichés on en déduit facilement les distancesd'intersection pour chaque zone, d'ailleurs avec plus de précision et de sûreté que parégalisation visuelle de fenêtres au Foucaultage. Des détails d'application sont donnésdans l'ouvrage cité.

Reportons-nous à la réduction des mesures (§ 46 et 47), pour prévenir quelquesétourderies possibles. Il est clair que l'on met ici directement en

(1) Excepté par une méthode proposée par J. H. KING, Scientific American, fév. 1945, p. 100 etA.T.M. 2 p. 269, qui consiste à immerger le dos poli du miroir dans une cuve remplie d’un liquide demême indice que le verre. Pratiquement une homogénéité suffisante de l’indice du liquide serait difficile àconserver pendant les mesures.

(2) Une description très complète de cette technique est donnée dans Lunettes et Télescopes.

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Fig. 82. – Méthodes de contrôle des Cassegrain.

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évidence, avec une source à l'infini, les aberrations au foyer ; donc il n'y a pas lieu deretrancher les valeurs de hm2 / R ligne 4 (fig. 52) qui n’interviennent que dans lesréductions au centre de courbure. De même pour l'ajustage rapide du plan du cerclede moindre aberration puisque l’on met en évidence les aberrations 1ongitudinalesΛF au foyer la ligne 5 (fig. 52) comportera les valeurs de hm/F et non celles dehm/4f. Enfin les aberrations transversales seront données en utilisant ces valeurs :

Fh

FF ×Λ=λ (16)

Les autres calculs demeurent inchangés.L'avantage d'une étude directe de la combinaison dans les conditions d'emploi

c'est l'incorporation automatique des aberrations thermiques qui interviennentréellement et qui sont parfois importantes dans un grand instrument.Malheureusement le cycle de contrôles et retouches est subordonné au beau temps.L’achèvement d’un secondaire d'un Cassegrain de 60 centimètres pour l'observatoirede Meudon nous a demandé près de six mois en appliquant uniquement ce procédé,tandis qu'à l'Observatoire de Haute-Provence un mois suffit pour le secondaireCassegrain du télescope de 193 centimètres qui atteint pourtant le diamètre de 52centimètres.Dans le cas d'un modeste instrument il est possible d'éviter cette difficulté si l'ondispose d'un local bien clos assez long pour pouvoir placer une étoile artificielle àune trentaine de mètres au moins. Le Foucaultage visuel reprend alors l'avantagedans la mesure ou l'air de la pièce peut être maintenu optiquement homogène, ce quin'est généralement pas facile. Un petit écran à échancrures, homothétique de l'écrannormal peut être placé contre le secondaire pour la localisation directe des retouchesà faire. La source n'étant plus infiniment éloignée il réapparaît une légèresurcorrection sphérique, l'aberration longitudinale est très inférieure à hm2/R maiselle n'est pas forcément négligeable.

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75. Contrôle de l'ensemble de la combinaison avec un miroir plan (fig. 82B).- « Le miroir plan est pour l'optique expérimentale un ciel artificiel » (1). Si l'onpossède un miroir plan sans défaut au moins aussi grand que le grand miroirCassegrain on peut l'utiliser pour réaliser 1'autocollimation. Cette méthode a étésuivie notamment par G. W. Ritchey pour le contrôle de la combinaison Cassegraindu télescope de 152 centimètres du Mont Wilson. On emploiera un appareil deFoucault où la source et le couteau sont aussi rapprochés que possible, ou mieuxtotalement exempt de parallaxe grâce à une lame semi-transparente (fig. 82. B). Eneffet si la source est extra-axiale le faisceau aller étant réfléchi symétriquement par lemiroir plan, nécessairement assez loin, il en résulte que le faisceau réfléchi atteintnos miroirs sur des points d'incidence notablement différents. On voit qu'il y a entout cinq réflexions, une première fois le télescope, avec la source au foyer, sert decollimateur pour donner des rayons parallèles réfléchis par le plan vers lacombinaison qui devient télescope. Les défauts sont donc doublés. Il est nécessaired’aluminer le plan et le grand miroir pour conserver assez de lumière. A défaut d'unepartie mécanique complètement achevée le montage doit comporter des réglages finspar vis des trois miroirs et malgré cela la collimation constitue un bon exercice pourun débutant. Cette méthode ne permet, comme la précédente, que le contrôle dufaisceau axial, la fraction du secondaire, qui excède ce faisceau dans le cas ou l'ondésire étendre le champ, ne peut être contrôlée en une fois. Peu d'amateurs disposentd'un plan assez bon, remarquons que si les défauts zonaux du plan sont gênants parcontre une faible courbure est sans importance pour une autocollimation, elle revientà viser la source à une distance finie mais toujours assez grande pour quel’application des formules (17) et (18) soit superflue.

76. Méthode de Hindle (fig. 82 C) (2). - Associons le miroir secondaire convexeà contrôler, à un grand miroir spécial sphérique dont le rayon de courbure est égal àla longueur focale f1 du grand miroir de l'instrument. La distance d des sommets estla même que dans l'instrument.

Il y a cette fois trois réflexions seulement, le faisceau passe deux fois sur lesecondaire dont les défauts sont doublés. Le miroir sphérique employé dans cesconditions donne un faisceau stigmatique équivalent à celui du paraboloïde avecsource à l’infini. Le Foucaultage révèle donc directement les défauts du secondairedoublés, comme par la méthode précédente. Les mesures se feront avec petit écran àéchancrures et réduction des aberrations comme avec un faisceau incident parallèle.Si la sphère de Hindle est un peu plus grande que le miroir on pourra contrôler unsecondaire surdimensionné pour des raisons de champ. L’inconvénient pratiqueévident de cette méthode est la nécessité de tailler un second grand miroir dont lescaractéristiques, sans être imposées avec beaucoup de rigueur, n’en sont pas moinstelles qu’il faudrait supposer la possession préalable d’une singulière collection demiroirs sphériques pour éviter ce travail spécial dans un cas donné. La sphère deHindle se justifierait par contre pour la réalisation en série de Cassegrains standard.

(1) Léon FOUCAULT, Œuvres de Foucault, p. 287.(2) J. H. HINDLE « A New test for Cassegranian and Gregorian secondary mirrors » Monthly notices

of Royal Astronomical Society, March 1911, reproduit dans A.T.M.I. p. 225.

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77. Contrôle du secondaire sur calibre concave (fig. 82 D). - Cette méthode aété trouvée et enseignée par A. Couder en 1945-1946 au laboratoire d'optique del'observatoire de Paris. Elle a été retrouvée indépendamment par J.P. Hamilton qui ena publié une bonne description en 1952 (1).Les explications données § 51 et 52 àpropos du contrôle interférentiel des miroirs plans nous permettront d’être bref. Oncommence par tailler un petit miroir sphérique concave au moins aussi grand que leconvexe à réaliser et de même rayon r2. La vérification de la sphéricité de ce miroirpar la méthode de Foucault n’offre évidemment aucune difficulté, il faut seulementprendre garde avec un aussi petit miroir aux aberrations extra-axiales du

Fig. 83. – Franges d’un hyperboloïde. D = 97 ; r2 = 1312 ; b2 = 3,13 ; z = 0,25µ

montage qui peuvent être gênantes si la source n'est pas très près ou confondue avecl'image de retour. Ce miroir sphérique va servir de calibre interférentiel. Si le miroirsecondaire convexe a le dos poli (glace de Saint-Gobain), les franges d’interférences'observent en plaçant la source de lumière et l’œil au voisinage du centre decourbure du calibre. Trois cales de papier séparent les deux verres et l'on orienteaussi vers soi, comme d'habitude, la cale mince du coin d'air. Supposons que notremiroir convexe soit également sphérique et de même rayon que le calibre, lesfranges de coin sont alors rectilignes comme avec des verres plans (fig. 82 D1). Noussavons que la frange, diamétrale peut être assimilée à la déformation de la sectionméridienne du verre contrôlé. A chaque fois que cette déformation par rapport à laligne droite atteint

(1) J. P. HAMILTON. « A test for the Cassegrain Secondary ». The journal of the AstronomicalSociety of Victoria. Feb. 1952, p. 7.

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un interfrange nous en déduisons un écart de λ / 2, soit 0,3 µ avec la longueur d'ondeefficace du néon. En particulier si nous voulons vérifier que le secondaire esthyperbolique, il suffit de voir si la frange centrale dessine bien la figure 76 II quandla cale est placée comme l’indique la figure 82 D2 ; en outre l'écart maximum ε pourla zone 0,7 peut être estimé en dixièmes d'interfranges et confronté à la déformationcalculée par la formule (15). Par exemple les franges représentées figure 82 D2 serapportent au miroir secondaire de la combinaison proposée comme premier exemple(p. 128) pour lequel ε vaut 0 µ12, soit 0,12 x 0,3 = 0,4 interfrange.

Sous cette forme, on remarquera que la méthode exige la taille du miroir convexeà un rayon rigoureusement imposé : celui du calibre actuellement réalisé. Poursatisfaire cette concordance, qui correspond aux franges de la fig. 82 D, on estsouvent amené à des retouches plus laborieuses de l’hyperbolisation proprement dite.En fait il est possible de vérifier l’hyperboloïde même si à la déformation s'ajouteune différence de courbure de quelques franges entre le miroir et son calibre. Il suffitde calculer le contour des nouve1les franges d'égale épaisseur (1). Si l'on préfèreopérer avec des cales d'égale épaisseur on calculera le changement de diamètre desanneaux de Newton correspondant à la déformation. Nous préférons cependantajuster les rayons des surfaces à mieux de une frange près avant d’hyperboliser, celapermet un contrôle plus direct et plus sûr de la déformation, d'ailleursl'approximation du dixième d'interfrange suffit pour le secondaire d'un modesteinstrument.

Dans le cas d’une déformation importante on peut préférer figurer le calibreconcave facile à contrôler exactement par foucaultage en utilisant un écran àéchancrures comme pour un paraboloïde mais en utilisant les valeurs de 'p∆calculées par la formule (13) p.127 et la valeur de 2b du secondaire. Le secondairesera terminé quand on observera des franges droites sur le calibre déformé.

Cette méthode est la plus facile à mettre en œuvre pour un amateur dépourvu depièces de contrôle.

Nous allons maintenant donner les détails pratiques du travail dans le cas où l’ona choisi ce procédé de vérification.

78. Méthode générale de travail des petits miroirs. - Les secondaires detélescopes d'amateurs de 200 à 300 mm ont généralement un diamètre compris entre30 et 80 mm. Tailler très exactement un tel miroir est plus difficile qu'on ne pourraitle supposer avant d'avoir l'expérience de ce travail. Le procédé « à poste fixe » sisimple et si efficace quand il s'agit d'un disque de 200 x 35 devient de plus en plusdélicat et incertain si l'on descend en dessous de 150 et surtout de 100 mm. Avec desmiroirs aussi légers les pressions involontaires des mains donnent lieu à des surprisesdésagréables. Le travail assis devant le verre où l'outil tournant lentement sur un axevertical facilite beaucoup les choses. Le tour à pédales classique des opticiens (2) estconsidéré comme la machine la mieux adaptée aux petits travaux d'optique deprécision (fig. 84). Si l'on peut disposer d’un tel tour il faudra choisir la vitesse laplus lente et actionner les pédales aussi lentement et régulièrement que possible aumoins pendant le polissage de précision. Il est possible d’improviser, pour un travailoccasionnel, un tour utilisant directement l'axe lent du moteur à réducteur à vistangente pourvu que sa rotation n'excède pas 15 t/mn (fig. 85). L’outillage industriel- balles et bassins à ébaucher, à doucir, à bloquer,

(1) Cette famille de courbes est donnée jusqu’à ± 2 franges dans l’article de J. P. HAMILTON cité plushaut.

(2) Constructeurs CLAVE, 9, rue Olivier Métra, Paris 20è

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polissoirs - comporte une queue filetée au diamètre standard de 25 / 250 reçue par lesadaptateurs des broches des tours. Les verres sont glantés au ciment d'opticien ou àl'arcanson sur des outils à bloquer (1). Nous préférons porter les verres sanscontraintes au moyen d'adaptateurs spéciaux qui reçoivent les verres sur un disque dedrap sans serrage latéral. Cette

Fig. 84. – Tour à pédales. Fig. 85. – Tour à moteur.

disposition permet en outre de contrôler ou d'intervertir les verres sans avoir à lesdéglanter et les recoller à chaque fois. Les boîtes d'adaptation sont tournées dans unalliage léger, voire simplement en bois dur, elles peuvent se monter directement surl'axe du tour ou simplement être collées sur un plan faisant déjà partie de l'outillagede la machine.

79. Débordage. - Une chute de glace de Saint-Gobain de 10 à 15 mm d'épaisseurpeut servir de matière première pour le miroir et l’outil. Après un découpagesommaire à la roulette (fig. 60) ou au « biscuit-cutter » (fig. 61) le verre est collé àl’arcanson sur une molette vissant sur le nez du tour (fig. 86). Avant refroidissementcomplet de l’arcanson il faut corriger la position du verre de manière à centrer aumieux le contour irrégulier et à assurer la normalité des faces polies avec l'axe de lamachine. Un moyen classique pour vérifier que cette dernière condition est remplieconsiste à s'assurer de l’immobilité du reflet, d'une lampe ou d’une fenêtre, donnépar la face supérieure du verre. Ce centrage dit « à la lumière » se fait avec beaucoupde soin pour une lentille à insérer dans un système de forte convergence, qui doit êtrecentré par construction, mais ici une vérification approximative suffit amplement. Ilfaut attendre le refroidissement complet de l'arcanson avant d'entreprendre le rodagedu bord. Si ce dernier est irrégulier on commencera par une égalisation sommaire « àla gouttière » (fig. 17 A, p. 29) utilisée avec de l’émeri 1 m, le tour à pédale étantactionné à une vitesse de l’ordre de 100 t/mn. Pour rendre

(1) Pour détails sur ces travaux classiques, consulter le Guide de l’ouvrier en verre d'optique deprécision, Colonel DEVE (Ed. Revue d’Optique).

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le verre exactement cylindrique on approche tangentiellement un fer articulé sur unpoint fixe et poussé par une vis d’avance (fig. 86). L’émeri 1 ou 2 m est employé tantque le bruit d'abrasion indique une discontinuité au simple contact, sans pression, dufer enduit d'émeri humide. Le changement d'émeri sera accompagné d’undéplacement du fer marqué par l'usure tangentielle, ou de son remplacement par unelame de laiton qui permettra d'obtenir un beau grain avec de l'émeri 10 m et pourraservir également pour biseauter légèrement les arêtes fragiles. Les défautsd'équerrage de la tranche avec les faces du miroir se corrigent par inclinaison du fer.

Fig. 86. – Débordage « à la lumière » d’un petit miroir.

80. Ébauchage. - Le travail verre sur verre donne ici simultanément deux piècesintéressantes qui seront polies toutes deux par application du contrôle interférentiel(§ 77). Le verre convexe est le miroir, dont le dos, qui doit rester poli, sera protégépar un vernis gomme laque. L’outil concave sera ultérieurement poli pour devenircalibre, il est avantageux de le découper environ 10% plus grand que le miroir, ce quine perturbe pas l'abrasion de manière gênante et permettra de négligeréventuellement un bord rabattu inopportun. L’ébauchage se conduit comme au postefixe, le verre à convexer étant en dessous bien entendu, c’est-à-dire porté dans laboite d'adaptation au nez du tour. Vu la faible quantité de verre à enlever, l'émeri 1ou 2 m et les grandes courses 4/5 D peu décentrées suffisent pour obtenir rapidementla courbure. Un gabarit de zinc tranché directement au rayon de courbure calculé r2suffit pour vérifier l'ébauchage. On ne manquera pas de régulariser la courbure enréduisant l'amplitude des courses à 1/3 D à la fin de l’ébauchage et au besoin enintervertissant les verres qui nécessitent deux adaptateurs différents. Après lenettoyage et les précautions habituelles, on peut passer aux émeris 5 et 10 m et àemployer avec des courses normales plutôt courtes puisque l'outil concave, tropgrand, a plutôt tendance à rabattre le bord du miroir. L’interversion des disques est àutiliser non seulement pour corriger un rayon de courbure trop long ou trop courtmais systématiquement à chaque séchée pour que les verres s'ajustent aussiexactement que possible à la même courbe.

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81. Sphérométrie. - La précision du contrôle possible avec un simple gabarit enzinc (fig. 20 A, p. 33) laisse un peu désirer pour la vérification du rayon de courbured’un secondaire Cassegrain. La longueur focale résultante et les points conjuguéssont très sensibles à ce paramètre.

Pour mesurer la flèche avec précision on peut utiliser un sphéromètre à baguedont la figure 87 donne la disposition. La bague, tournée dans de l'acier dur, a undiamètre un peu inférieur à celui du verre à contrôler ; sa face de contact est rectifiée,après trempe ou cémentation, par rodage à l'émeri 5 et 10 m, sur un plan en fonte parexemple. L’arête qui définit le rayon du petit

Fig. 87. – Sphéromètre à bague.

cercle de contact de la sphère doit être bien vive. Un pied à coulisse permet demesurer cette constante avec précision dans le cas des verres convexes : Φ1/2 = h1 etdes verres concaves Φ2/2 = h2. La bague est munie d'un forage axial à fentesd'élasticité et collier de blocage qui reçoit le canon rectifié (Φ = 10,00) d'une butéemicrométrique de palmer moderne d'horloger (1). Cet organe de mesure s’adaptantfacilement à des montages très variés, par exemple pour des contrôles d'épaisseurs oude parallélisme de lames de quartz pour filtres biréfringents, pour fermeture detélescopes, de lames de Schmidt, de lentilles d'objectifs, etc..., nous n’hésitons pas àconseiller de choisir la meilleure vis possible à ceux qui envisagent d'autres travaux.Le pas de 1 mm est à préférer à celui de 0,5, le tambour chromé divisé doit être degrand diamètre pour permettre

(1) Fabriqué par les Ets TAVANNES, 55 rue de Rivoli, Paris 1er

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l'interpolation facile du micron. La touche de contact doit être réduite à 2 mm dediamètre maximum ou même rectifiée par rodage et polie comme une petite surfaceconvexe si l’on craint une erreur de constante en mesurant un verre concave de courtrayon. Par contre la complication de la touche non tournante avec la vis est inutilepour ce genre de mesures. Le fini d'exécution doit permettre une rotationextrêmement douce de la vis. Si l'on se garde d’utiliser le limitateur de couple del'appareil, toujours réglé trop dur, il est possible, quoi qu'en puissent dire les traitésde mécanique de licence, de définir un contact avec une fidélité de un micron par lasimple appréciation de la dureté du tambour délicatement manipulé. Une premièrelecture du contact de la vis se fait le sphéromètre étant posé sur un plan de référence.Le plan peut être une pièce d'optique sacrifiée pour cet usage mais il est préférable depréparer une fois pour toutes un verre finement douci éclairci seulement un quartd'heure sur un polissoir à la poix pour permettre une vérification interférentielle de laplanéité. La seconde lecture s'opère sphéromètre posé sur le verre. Pour assurer unebonne reproductibilité de la pression de contact aux deux expériences, il fautmanœuvrer la vis micrométrique très lentement et bien enregistrer la sensation ducontact franc correspondant à une décharge de 1/3 ou de la moitié du poids del'appareil sur la bague. On peut aussi essayer successivement les différents micronscroissants en appréciant la décharge de la bague qui rend de plus en plus facile unepetite rotation sur le douci. La soustraction des deux lectures donne la flèche f duverre sur la portée du sphéromètre. Le rayon de courbure r correspondant se calculepar :

22

2 ff

hr += (19)

Il est pratique d'inscrire sur l'appareil les constantes 2/2/ 22

21 heth pour les

verres convexes et concaves. Comme le terme f / 2 est souvent négligeable, pour lesmiroirs astronomiques, où f est petit devant r, une seule division donnera r ; exempletoutes cotes en millimètres :

On utilise un sphéromètre à bague de diamètre intérieur Φ1 = 52, donc

3382/;676;26 21

211 === hhh , c'est la constante à retenir pour les verres

convexes.La lecture sur plan a donné le chiffre 10,334 ; la lecture sur le miroir convexe

10,993 ; on en déduit f = 10,993 – 10,334 = 0,659, le rayon cherché est donc r = 338/ 0,659 = 513.

Si l’on veut éviter toute approximation nuisible de calcul, on poussera la divisionà une décimale de plus, ici on écrira 512,9 et l’on ajoutera f /2, c’est-à-dire 0,3, cequi donne le rayon plus exact 513,2. Mais n’oublions jamais la significationphysique de la mesure limitée au micron sensiblement, ce qui ici représente uneapproximation de ± 0,8 mm sur le rayon (1).

82. Doucissage. - Il y a intérêt à respecter d'assez près le rayon de courbure finaldès le début du doucissage. Ceci permet d'intervertir souvent la position outil etmiroir et conduit plus facilement à des surfaces parfaitement réunies, c'est-à-direayant exactement le même rayon de courbure. Pour de

(1) Le sphéromètre à flexion de A. Couder permet seul d’atteindre l’approximation du dixième demicron tandis que les comparateurs à montre ne sont, en général, pas fidèles à mieux de plusieurs micronsprès, sauf quand les potences support sont très rigides.

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si petits miroirs, 2 ou 3 séchés de chaque émeri 20 m et 40 m ou de BM 303 et BM303 1/2 suffisent à rattraper le grain. Le contrôle final du rayon de courbure doitporter sur le miroir et sur l’outil. On doit s'assurer que les flèches trouvées sontexactement concordantes (compte tenu de la constante différente du sphéromètrebien entendu). En effet, une différence de 2 µ, Soit environ 7 franges, serait déjà trèsdifficile à rattraper au polissage. Une réunion plus parfaite des deux disques pourras'obtenir éventuellement avec un émeri plus fin : 60 m ou BM 304 ou même du BM305, la dernière séchée du raffinage étant conduite partiellement outil dessus etpartiellement dessous.

83. Polissage et retouche. – Les deux polissoirs peuvent être découpés dans dubois contreplaqué ou non de 15 mm d’épaisseur. Ils sont tournés au diamètre desverres correspondants pour permettre l’interversion immédiate verre-outil et au rayonde courbure, vérifié avec assez d’exactitude par le

Fig. 88. Mise en forme de l’hyperboloïde.

gabarit en zinc. Ces deux disques-outils sont paraffinés par immersion totale. Unpolissoir plein non carrelé suffit pour de si petits miroirs. Il suffit de verser un peu depoix chaude au centre de l’outil, un papier serré au bord permet d’atteindre uneépaisseur de poix d'environ 6 mm. Dès que le refroidissement est suffisant pour quel'on puisse arracher le papier du bord, d'un mouvement un peu brusque, on procèdeau pressage du verre, d’abord avec une forte

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pression et interposition de papier de soie et finalement au rouge. Une rainurediamétrale peut être grattée sur la poix ainsi qu’un carrelage (fig.88 A) ou une spiralede dégarnis réalisés au grattoir bien tranchant. Ces dégarnis sont refaitsrégulièrement tout au long du travail pour améliorer l'adhérence.

Comme le premier souci est de savoir si les verres ont des rayons suffisammentvoisins, on commence par éclaircir sommairement, mais uniformément sur toute lasurface, le calibre puis le miroir (1 /4 d'heure chacun) pour procéder à un premiercontrôle interférentiel sommaire. S'il indique une différence de courbure notable,supérieure à 8 ou 10 franges, il vaut mieux reprendre le douci pour tacher de«réunir» les verres avec plus d'exactitude. Une différence de courbure concave -verres se touchant au bord - est plus difficile à rattraper qu’une convexité relative ; ilest même souhaitable de partir avec une convexité de 3 ou 4 franges, ce quipermettra de conduire le polissage plus facilement. Les corrections de courbure étantbeaucoup plus aisées tant que les verres ne sont pas complètement polis, il vautmieux ne pas achever tout de suite le calibre mais pousser le polissage du miroir à75% environ en s'approchant de la courbure du calibre par le simple choix de laposition miroir outil. S'il faut convexer, le miroir est dessous bien entendu et viceversa pour concaver. Cependant il faut veiller à ce que le gris ne soit pas tropinégalement réparti entre le centre et le bord. Le polissage du calibre est repris avecla disposition convenable pour réduire la différence de courbure résiduelle avec lemiroir ; des courses plus longues que la normale (2/3 à 3/4 D) pourront aider sibesoin est, cette correction, mais attention à la déformation ! Naturellement il estsuperflu de polir complètement le calibre ; dès que les verres ne diffèrent plus que deun ou deux anneaux, il faut procéder à la mise en forme sphérique du calibre, ce qui,à l'approximation qui nous intéresse (0,1 frange), n'est pas si facile que le croient lesignorants.

Le contrôle du calibre se fait aisément par la méthode de Foucault (§ 29 et fig.33, p. 55 et suivantes). Si besoin est, l'appareil sera légèrement modifié paradjonction à la lanterne d’un petit prisme à réflexion totale permettant d'approcher lafente source très près du couteau (fig. 34, p. 59). Il ne faut pas s'écarter de plus de 10mm de l'axe d'un miroir de 500 mm de rayon environ si l'on veut ignorer lesaberrations extra-axiales du montage. De même que pour le grand miroir, on doitrechercher à obtenir d'emblée la meilleure forme possible. N'hésitons pas à quelquesredites vu l'importance de ce résultat. Travailler dans un local dont la température estde 20 à 24° C. Utiliser un polissoir en bonne poix pure plutôt un peu dure pour unpetit verre (l'ongle marque faiblement sous une forte pression) mais surtout pasdesséchée par un chauffage brutal (§ 12, p. 24). Travailler longtemps par petitesséchées efficaces poussées assez loin avec des courses 1/3 D. Limiter la rotation dutour à une vitesse lente, c'est le mouvement de va-et-vient exercé à la main qui doitl'emporter de beaucoup. Après 3 ou 4 séchées, la poix doit avoir une surfaceuniformément rouge et mate et dégager son odeur caractéristique beaucoup plusnettement qu'à froid. Renouveler les dégarnis (fig. 88 A) qui entretiennentl'adhérence. Le régime se règle par la quantité de rouge ou d’oxyde de zirconium etd'eau, ainsi que par la proportion des deux, que l’on apporte à chaque séchée. Il fautune sérieuse expérience pour entretenir des séchées efficaces et un polissoirimpeccable. Les débutants

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mettent souvent trop de rouge à la fois ou trop d'eau ; en cours de travail, une seuletrace de pinceau à rouge ou de blanc sur le verre ou l’outil doit suffire pour faire uneséchée. Tout en croyant appliquer ces conseils à la lettre, beaucoup sont étonnés desdéfauts zonaux paraissant irréductibles qu'ils engendrent régulièrement. Un régimethermique insuffisant (travail trop bref, séchées insuffisantes) se traduit souvent parune surface à bord rabattu et bosse centrale (fig. 33 D, p. 57). La retouche de la bossecentrale n'est pas bien difficile, verre dessus en surplomb sur l'outil. Quant au bordrabattu, dont nous déconseillons la retouche sur un petit verre, on pourra le négligersi l'excédent de diamètre du calibre prévu au début est suffisant, sinon reprendre letravail en améliorant sa technique.

Une fois que le Foucaultage montre que le calibre est bien sphérique (fig. 33 C,p.57) dans la portion utile, il ne reste plus qu'à terminer le surfaçage du miroirconvexe. Les franges d’interférence observées entre le calibre sphérique et le miroiractuel révèlent en général à la fois une différence de courbure et une déformationparfois directement exploitable pour amorcer l’hyperbole. Mais la méthode normalela plus sûre consiste à corriger d'abord la courbure et à mettre le miroir sphérique demanière à obtenir les franges rectilignes de la figure 82 D. Il ne reste plus qu’àréaliser l’hyperboloïde, ce qui est bien peu de chose comparé au travail précédent.Quand la déformation n'excède pas 0,l à 0,2 frange, une retouche locale effectuéeavec le pouce, l'index au besoin, peut suffire (§ 43). Mais en général il est préférablede dégarnir le polissoir normal en forme de couronne de rayon moyen 0,7 (fig. 88 B)employée avec des courses un peu courtes à 1/4 à 1/3 D. Outre la vérification de ladifférence de cote maximum ε sur la zone 0,7 (fig. 82 D), on doit vérifier que lacourbe présente bien l'allure voulue. Ceux qui ne sont pas assez familiers avec cettedéformation peuvent découper un gabarit en papier donnant le contour de la frangecentrale, pour un interfrange donné, calculé par l'équation (14). La figure 88 donnequelques exemples d’hyperboloïdes et leur retouche. En figure 88 C le bord relevéest insuffisant, un polissoir local agissant sur la zone à déprimer pourra compléterl'action de l’outil couronne. Parfois c'est le mamelon central qui ne vient pas avec leprofil exact (fig. 88 D), on peut essayer un travail local mais il est souventavantageux de reprendre la mise en forme après retour vers la sphère. Certainsopérateurs ne parviennent pas, quoi qu'ils fassent, à éviter le bord rabattu. Quand cedéfaut n'est pas entièrement caché par la monture, il leur reste la possibilité de taillerun miroir surdimensionné, comme le calibre, pris dans un verre d’optique recuit fin,qui pourra être débordé après achèvement complet de l’hyperboloïde sur le diamètreutilisé (fig. 88 E).

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Page blanche

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CHAPITRE IX

PARTIE MÉCANIQUE DES CASSEGRAINS

Le choix entre les solutions valables est fortement influencé par lespossibilités de réalisation de chacun. Nous nous limiterons à quelques précisionsconcernant plus particulièrement des Cassegrains de 250 à 300 mm d’ouverture.Une première solution est une sorte d'extrapolation du tube standard (fig. 62)réalisable avec des moyens mécaniques modestes. Une seconde solution,exemple simple de réalisation comportant des pièces fondues dont l'usinagesuppose l'emploi de machines. Beaucoup de ces dispositions sont égalementapplicables à des Newtons équivalents.

84. Extrapolation d'un tube de télescope standard. - Les tubes carrés enbois sont peut-être moins « esthétiques » que les tubes cylindriques à piècesd'embout mécaniques mais ils sont beaucoup plus facilement réalisables etéconomiques tout en donnant des résultats excellents. Seule la stabilité dans letemps laisse un peu à désirer et nécessite un contrôle périodique du centrage.Dans le cas d'un télescope de 250 à 300 il est bon de choisir pour le fond dubarillet un matériau plus stable et résistant que le bois ordinaire. Les boisaméliorés tels que le « Permali » ou le « Durisol » (1) apportent les garantiesvoulues tout en restant faciles à travailler. Les panneaux sont livrés avec desfaces suffisamment planes pour que l'on puisse économiser tout surfaçage etvisser directement les accessoires.

Le montage du grand miroir est un point à soigner spécialement. Nous avonsvu (page 22), les dimensions des miroirs que l'on peut simplement poser sur 3touches marginales comme le 200 standard (fig. 62). L’on peut aller en pratiquejusqu'à R4 / e2 = 1 600 environ sans alarme sérieuse car les effets nuisibles desflexions diminuent comme le cosinus de la distance zénithale et, en pratique, onne les observera presque jamais pour cette valeur. Mais si nous retenons, pourdes raisons d'économie, la glace de Saint-Gobain ceci nous impose une valeurlimite de e de 4,5 cm et une constante pratique e = 4,2 pour un miroir fini. Nousaurons ainsi R4 / e2 = 1 385 pour un disque de 25 centimètres (R = 12,5) les troistouches marginales suffisent ; 2 870 pour un disque de 30 centimètres et 9 070pour un 40 centimètres, la complication du barillet

(1) Constitués en général par des contreplaqués de hêtre imprégnés à cœur d’une résinesynthétique polymérisable (phénol-formol) et très fortement comprimés. Les propriétés mécaniquesse rapprochent de celles des métaux, la densité ne dépasse pas 1,4. Ils se travaillent comme du boisdur et peuvent recevoir les vis à métaux, les filetages étant réalisés par des tarauds ordinaires.« Permali », Société « Le Bois Bakélisé », 39, rue Washington, Paris 8è.« Durisol », Agent Général, M.J. Cadoux, 67, rue de Chabrol, Paris 10è.

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est inévitable pour ces deux derniers. Tant que le rapport R4 / e2 reste inférieur à3000 environ un moyen simple, économique, souvent adopté, reste acceptable ; ilconsiste à interposer entre le fond du barillet bien dressé plan et le dos du miroir,également dressé, un disque, un anneau pour les Cassegrains, découpé dans dumolleton ou une épaisse couverture de laine. Les pressions se trouvent ainsi répartiesde manière suffisamment uniforme mais il faut se méfier des frottements latéraux surles parois du barillet : en outre l'axe optique du miroir n'est pas assez stable pour lestravaux photographiques et le dos du disque se trouve calorifugé, ce qui accroîtcertains effets thermiques. Le support comportant 9 touches disposées aux sommetsde 3 triangles isocèles,

Fig. 89. – Partie intérieure d’un tube carré

eux-mêmes soutenus en leur centre de gravité, est efficace jusqu'à R4 / e2 = 13000 etassez facile à réaliser. Les frottements sur les appuis latéraux risquent cependant decauser des ennuis : astigmatisme, perte du contact sur certains appuis, il est bon deles réduire le plus possible en faisant porter la tranche du miroir contre des cages deroulements à billes (baguées d’un métal tendre) le miroir restera ainsi bien appuyésur les 9 points même pour de faibles inclinaisons du tube.

Mais le meilleur dispositif est celui des leviers astatiques, adopté dans les grandsinstruments modernes, qui est également facile à réaliser malgré sa complicationapparente. La figure 89 donne une extrapolation de tube standard pour miroir de 30cm monté sur 6 appuis marginaux : 3 fixes - les vis calantes habituelles - 3 touchesintermédiaires de décharge. Cette disposition est valable jusqu'à R4 / e2 = 9 000,c'est-à-dire pour un miroir ne dépassant pas 40 cm, en glace de 4,2 cm d'épaisseur.Un contrepoids exerce, par l'intermédiaire d'un levier, une pression sur la touche dedécharge égale au sixième de la composante axiale du miroir. Le centre de gravité dechaque système,

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l'axe du levier et le point d'appui sur le polissoir doivent être dans un même planparallèle au dos du miroir. La disposition de la figure 89 n'est pas rigoureusementcorrecte à ce point de vue puisque les points « fixes » sont aussi les vis calantes decentrage, ce qui économise un double barillet mais peut entraîner une légèreinclinaison relative si le fond en « Permali » n'est pas bien d'équerre avec l'axeoptique. En pratique l'approximation utile sera toujours largement satisfaite, le jeudes vis de réglage de butée sur les poussoirs permettra de remettre les leviers etcontrepoids en place après une retouche de centrage. Les axes des leviers doiventêtre aussi longs que possible pour minimiser les réactions nuisibles qui peuvent êtrenotables pour certaines inclinaisons.

Fig. 90. Barillet à 3 touches fixes et 3 leviers asiatiques pour miroir de 260(réalisation Emery).

Les frottements seront réduits au minimum soit en utilisant des petits roulements àbilles, soit en donnant aux extrémités des axes de leviers la forme de cônes à 60°centrés dans l'empreinte de vis réglables sur chaque palier (fig. 89). Le poussoir dedécharge à touche de soudure d'étain doit coulisser très librement, sans lubrifiant,dans sa douille. Bref chaque support doit être traité comme une balance sensibleexerçant exactement la pression voulue au point considéré. On remarquera que cetteforce est indépendante des déformations possibles du barillet et que la composanteaxiale du poids du miroir est compensée par une force égale et de signe contrairequelle que soit l'inclinaison du tube. Divisons par 6 le poids du miroir, divisonsencore le résultat par le rapport du levier, voisin de 2 sur l'exemple de la figure 89,nous obtenons le poids de plomb à utiliser pour le contrepoids, qui sera le plussouvent parallélépipédique ; comme ce contrepoids peut coulisser sur sa tige onpourra ajuster la pression à sa valeur exacte. Le plus sûr est d'opérer sur le ciel envisant une plage extrafocale d’une étoile ; les points périphériques du miroircorrespondent à des excroissances lumineuses de l’anneau extérieur de la plageintrafocale quand

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ils reçoivent une pression trop forte ; il est facile avec un Cassegrain d’observer ceteffet puisque l'on peut tirer volontairement sur un levier, pour exercer une pressionsupplémentaire sans cesser d'observer. Il ne faut pas croire que ce réglage soitdifficile ni critique avec un miroir modeste, les flexions à compenser sont déjàpetites et une approximation assez grossière passera facilement inobservable. Lafigure 90 montre une réalisation d'un tel barillet pour miroir de 260, le fond ici estune pièce de fonderie en alliage d'aluminium.

Pour en terminer avec le barillet signalons que les appuis latéraux toujours placésà l'aplomb des appuis fixes, doivent comporter une touche de plomb mince fixée unpeu au-dessus du milieu de l'épaisseur du miroir. Le jeu diamétral doit être de 0,1 à0,2 mm, même pour un télescope monté équatorialement. Si l'on passe le méridien aucours d'une pose photographique et que l’on craigne un glissement latéral dans leslimites du jeu on pourra arrêter la pose, ébranler le tube dans une position telle quel'on provoque à coup sûr le glissement du miroir avant de continuer. Les pattes desécurité doivent laisser un jeu suffisant, 1 à 2 mm, pour permettre l'action des vis decentrage sans risque de forcer sur cet obstacle. Si une maladresse a fait pointer letube sous l’horizontale il faut remettre le tube au zénith et aider au besoin le miroir àretomber sur ses appuis car il peut arriver qu'il reste coincé latéralement ce qui rendsouvent les débutants perplexes sur l'origine du décentrage.

85. Tubes cylindriques. - Les tubes métalliques peuvent tenter les espritsmécaniciens mais ils présentent un inconvénient sérieux, les échanges thermiques sefont rapidement sur une paroi métallique et ceci conduit à des remous turbulents del'air de l'enceinte particulièrement gênants quand le tube est calculé trop juste pour lediamètre du faisceau optique. En tous cas il est recommandé de prendre un tube aumoins 50 mm plus grand en diamètre que le miroir. Quelquefois l’on isole la paroiinterne par une feuille de liège de 5 à 10 mm d'épaisseur ; d'autres matériaux isolantscomme le « Klégecel » (1) ou le « Sipror » (2) sont encore plus efficaces. Lasupériorité dans le fini des tubes métalliques est discutable pour les diamètres quinous intéressent. Si l’on choisit l’acier doux une épaisseur de 12 à 15 /10 suffit pourun instrument d'une trentaine de centimètres à embouts fondus usinés. Il faut trouverun bon façonnier pour rouler la tôle et souder impeccablement la génératrice, lediamètre ne peut être respecté avec beaucoup d'exactitude. Le Duralumin poseencore des difficultés supplémentaires. Pour ces raisons nous préférons les tubes enmatériaux isolants qui sont légers, peu altérables, faciles à usiner, de belleprésentation, livrés à des cotes exactes, généralement moins coûteux que les tubesmétalliques. Les stratifiés modernes à armature en fibre de verre et résinespolyester(3) sont probablement les plus intéressants mais difficiles croyons-nous àobtenir sur le marché français. Le papier bakélisé (4) que nous utilisons depuis unevingtaine d'années est d'emploi pratique. La résistance mécanique est très bonne siles parois ont environ 5 mm pour un tube de 300. La résistance aux intempéries duvernis bakélite est suffisante mais

(1) « Klégecel », fabriqué par la Société Kléber-Colombes.(2) « Sipror », Société Sipra, département plastique, 1, rue de Berri, Paris 8è.(3) Celestialscope Co. 82 Floradale Ave., Tonawada, N.Y., U.S.A.(4) Société « Fibre et Mica », 12, rue Portalis, Paris 8è.

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il est bon, avant la mise en service de peindre deux couches d'émail blancglycérophtalique sur une couche d'apprêt de même nature assurant une bonneadhérence au vernis d'origine. Le papier bakélisé est assez compact et homogènepour permettre le taraudage de trous recevant des vis métaux ordinaires.

86. Détails de construction d'un Cassegrain de 257 mm. - Pour fixer les idéesdans un cas concret donnons quelques précisions, souvent demandées, sur notreinstrument personnel. Ce télescope est léger (20 kilos, sans l'équatorial bien entendu)peu encombrant et très maniable mais nous ne conseillons pas le rapport f / D = 4,3du primaire aux débutants (1) Voici les caractéristiques d'encombrement et mise enplace :

D1 = 257 D2 = 60f1 = 1 100 r2 = 552,5p = 220 γ = 4,91p’ = 1 080 e = 200d = 880 f = 5 401

Le tube de l'instrument, en papier bakélisé, a pour dimensions :

300 x 310 x980.

La liaison du tube à la tète de l'équatorial peut se faire par un collier entourantcomplètement l'instrument et serrant par friction ce qui permet la recherche du centrede gravité pour l'équilibrage en déclinaison. La figure 91 montre une autre solutioncomportant un berceau en alliage d'aluminium AS 10 G, usiné à la courbure du tubesur une large surface 250 x 200 et renforcé par une nervure extérieure de 40 mmpermettant la fixation d'accessoires, ici un chercheur de 80 x 420 et une chambreastrophotographique à grand champ f = 210. Le tube est serré contre le berceau partrois larges contreplaques intérieures, appelées chacune par trois boulons de 8. Legrand miroir de 42 d’épaisseur porte simplement sur les 3 vis calantes marginales ;comme prévu puisque R4 / e2 = 1570 (en cm) les flexions sont perceptibles au zénithpar la segmentation ternaire du premier anneau de diffraction qui n'est guère gênante.Le barillet du grand miroir (fig. 91) est en alliage d'aluminium fondu AS 10 G., cettepièce a été dessinée (fig. 91 et 94) de manière à réduire les surfaces métalliquesd'échange près du miroir tout en économisant un barillet proprement dit détachabled'une bride du tube. Trois forts bossages latéraux, alésés à un diamètre 4 mm plusgrand que le miroir, portent les cales latérales en plomb qui laissent un jeu de 0,2 aumiroir. L'ensemble pénètre librement dans le tube et se trouve immobilisé par troisboulons de 10 vissant dans les bossages. Le démontage, pour réaluminure du miroir,est très facile.

Le porte-oculaire d'un instrument à f / 20 de 5 mètres de longueur focale doitpermettre l'exploration longitudinale rapide du faisceau sur plusieurs centimètres. Laturbulence déplace continuellement le plan focal de plusieurs millimètres en plus ouen moins ce qui oblige à « pomper » constamment pour faire un dessin planétaire parexemple. Ceci exclut les mises au point à vis, même de pas assez long, et désigne lamonture classique à crémaillère comme la plus pratique. Celle que montrent lesfigures 91 et 94 est à crémaillère hélicoïdale au module 0,5. La fixation du pignondoit être très robuste et sa commande réalisée

(1) Voir page 128.

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Fig. 91. Montage à tube cylindrique d’un Cassegrain de 257.

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par deux gros boulons moletés. Un blocage du coulant de crémaillère est nécessairesi l’on veut adapter une chambre photographique ou un accessoire lourd car lamobilité de l'ensemble débloqué doit être excellente. La course de crémaillère est icide 50 et celle du coulant de 200, ce qui donne d'assez larges possibilités d'insérer desaccessoires raccourcissant le tube : chambres photographiques, micromètre à filsd'araignée, filtre monochromatique biréfringent. Pour les constructions futures nousrecommandons les tubes porte-oculaires au coulant de 50 intérieur recevant lesoculaires faibles de 40, 55 et 75 mm de longueur focale de la maison Clavé (fig. 91,en bas à droite). Naturellement un intermédiaire de 27 mm est à prévoir pour lesoculaires de la série normale. Si l’on recule devant la construction complète d'unporte-oculaire à crémaillère on pourra rechercher une ancienne monture de Petzvalou de Rectiligne assez facile à trouver sur le marché de l'occasion. La douceur detranslation du tube doit être appréciée pignon enlevé, autrement on risque unedestruction rapide de la crémaillère ou de la fixation du pignon. L'observateur doit sedéfendre avec énergie contre le mécanicien qui lui livrera toujours un coulant tropdur. Un excellent ajustage au centième de millimètre est ici nuisible. Un télescopen'est pas une machine-outil et la mise au point avec un fort grossissement n'estpossible que par une manipulation très délicate excluant le moindre ébranlement.Pour qu'un frottement métallique soit acceptable il est indispensable d'aléser lecoulant un dixième trop grand et de prévoir des fentes d'élasticité dont les languettessont juste assez fermes pour tenir le tube vertical chargé de l'oculaire le plus lourd.On peut réaliser une mise au point économique au moins aussi satisfaisante etagréable qu'une douce crémaillère en éliminant tout frottement métallique, toujourssusceptible de créer des durs dès que le laiton s'oxyde après un court service à l’airhumide. La douille (fig. 91, en bas à droite) alésée deux dixièmes trop grande, estpourvue de deux chambrages aux extrémités, recevant une bande de velours dont lespoils centrent le tube coulant tout en permettant une translation très douce, que l’onfacilite encore par une légère rotation donnée en même temps à la main. Cettedisposition, employée par les anciens fabricants de longues-vues, à plusieurs tirages,convient surtout pour l'observation visuelle.

Venons-en au montage du miroir secondaire. Les figures 92 et 93 donnent ladisposition actuelle de l'instrument décrit qui comporte une lame optique planparallèle fermant le tube hermétiquement. Cette disposition, discutée en détailchapitre X, apporte nous le verrons un remède radical à tous les effets thermiquesinternes de l'instrument, turbulents ou non. En outre la lame porte directement lesecondaire, ce qui élimine l'araignée et ses effets de diffraction nuisibles. Lesdéformations de la lame par flexion ou contraintes sont beaucoup moins nuisiblesque pour un miroir puisque seul un changement d'épaisseur du verre apporte undéphasage. Cependant le jeu latéral doit être d’environ 0,2 et la contre-bague doitappuyer faiblement en écrasant légèrement un joint torique en néoprène très souple.De même, la pièce centrale serre sur des joints plats en caoutchouc souple.

La monture centrale du secondaire est adaptable à une araignée classique ou àbras courbes. La figure 92 donne en haut un autre exemple de montage. Lesecondaire convexe peut être tenu par trois griffes assurant à la fois les trois appuismarginaux et le centrage latéral (toujours avec un jeu

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Fig. 92. – Détail de montures de miroirs secondaires

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diamétral de un dixième). On peut aussi utiliser un tube muni de 3 portées. Dans lesdeux cas l'essentiel est d'éviter les contraintes mécaniques soit par le dos, soit par latranche ; si l’on secoue vivement la monture du secondaire on doit percevoir le légerchoc du verre remuant dans sa monture dans les limités du jeu.

Sur la monture représentée figure 92, en bas, le centrage de l'axe du miroir se faitpar rotation sur une rotule dont le centre est voisin du sommet du miroir

Fig. 93. – Vue de face du télescope de 257.

convexe, ce qui réduit les déplacements latéraux ; les vis de réglage appellent larotule au contact une fois bloquées. L'autre solution plus rustique donnée figure 92,en haut, comporte deux jeux de 3 vis. Il est bon de prévoir un ajustage axialpermettant de faire varier d d’un centimètre en plus ou en moins, ce qui facilite lamise en place et donne la possibilité de disposer au besoin d'un dégagementsupplémentaire, vite sensible, au plan focal résultant. Ce déplacement est commandéde l'extérieur par un bouton moleté dans la solution, figure 92, en bas. L’autremontage, plus simple, se contente du serrage des six vis de réglage. Quand letélescope est assez grand, 60 cm d’ouverture par exemple, l'on prévoit souvent unecommande de déplacement axial du secondaire à partir de l'oculaire soitmanuellement par tringlerie et pignons, soit électriquement par une raquette àboutons inverseurs commandant un

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petit moteur à deux sens de marche. La mise au point oculaire est même quelquefoissupprimée. Inutile de dire que si cette disposition, est commode

Fig. 49. – Ensemble du télescope de 257.

pour certains travaux le moindre échauffement du moteur, situé au milieu du faisceauoptique, n’est pas fait pour améliorer les images.

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CHAPITRE X

LAMES DE FERMETURE

87. Utilité d'une lame de fermeture. – Reportons-nous à la discussion généraledu § 6, p. 9, et à l'étude de la turbulence chapitre XV ; il apparaît que le principalinconvénient du télescope, comparé à une lunette, est une sensibilité plus grande auxeffets thermiques instrumentaux due à l'ouverture supérieure du tube. Il fautdistinguer deux effets nuisibles :

1° L’air extérieur brassé par le vent, qui pénètre librement dans le télescope,provoque des échanges thermiques rapides avec les parois du tube, surtout si ellessont métalliques, d'où création de veines d’air à températures donc indices deréfraction un peu différents et déphasage locaux variables et mobiles, Des voluteslents s'élèvent toujours des pièces massives du télescope, sans oublier le miroirprincipal. De véritables tourbillons turbulents résultent de l'attaque du vent à labouche de l'instrument.

2° Supposons le milieu ambiant assez stable pour permettre une bonneégalisation thermique malgré la grande inertie du télescope. Les brutaux échangespar convection disparaissent mais il subsiste inévitablement le rayonnement dessurfaces. En particulier le miroir lui-même rayonne vers le ciel, comme le tube, lemiroir secondaire et ses lames support ; toutes ces pièces sont entourées de gainesd'air où le gradient d'indice peut correspondre, très localement heureusement, à desdéphasages de λ / 2 ! Ces gaines d'air sont parfaitement stables, aucune turbulencen'est observable de ce fait mais le premier anneau de la tache de diffraction est trèsnotablement renforcé, inconvénient d'autant plus sensible qu'il s'ajoute à celui del'obstruction centrale que nous avons examiné § 62. De plus le miroir qui rayonnevers le ciel présente en général une aberration de sphéricité appréciableparticulièrement dans le cas d’un disque important assez épais ayant souvent desrésidus de trempe.

L'amélioration des tubes de télescopes a fait l'objet de nombreux travaux et lesauteurs sont loin d’être d'accord sur les meilleures solutions ce qui souligne leurimperfection. Pendant longtemps les Américains donnèrent la préférence aux tubesen charpente métallique qui éliminent le tirage de la cheminée. Pour les amateurs ils'agissait plutôt d'une mode et de copier les télescopes géants aux effets thermiquesd'ailleurs presque totalement ignorés. La charpente peut effectivement donnersatisfaction dans une région semi-désertique chaude et sèche ; même dans nosclimats elle est supérieure au tube métallique plein calculé trop juste dont tous leseffets de parois affectent le faisceau. Cependant

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il est clair que la charpente traversée par tous les courants d'air et en particulier parl’air chaud dégagé de l'observateur lui-même, ne peut constituer une solution idéale.Il faut savoir pondérer les avantages de chaque construction. L'égalisation thermiqueplus rapide du miroir, possible avec un barillet ajouré et une charpente est unavantage secondaire qu'il ne faut pas hésiter à sacrifier en pensant à l'impossibilitéd'être le maître de l'homogénéité de l'air dans une telle enceinte. L'égalisationthermique de l’instrument à l’approximation utile est un leurre. Le tube carré en boisdu télescope standard est une bonne solution pour un 200 ; il faut observer par ventfroid pour observer des remous dans le tube et la gaine stable des obstacles dufaisceau, est réellement peu importante. Le tube plein largement dimensionné etparois bien calorifugées n'est qu'un palliatif qui devient de plus en plus insuffisant sil’on dépasse 250 ou 300 d’ouverture.

D'un autre côté la ventilation des tubes, qui a fait également l'objet de bien destravaux, n'est pas prête de rallier tous les suffrages. Il semble impossible de déplacerl’air intérieur soit en soufflant soit en aspirant sans provoquer de nouveaux remous.La conductibilité de l'air est trop mauvaise pour qu'une veine créée par détente d'uncourant ou compression adiabatique dans un choc contre un obstacle s'estompe parun brassage naturel ou non. Tous les dispositifs de ventilation que nous avons puexpérimenter, certains très élaborés, nous ont donnés des résultats négatifs ou nuls,sauf pour l'élimination de la gaine, de rayonnement, possible si la ventilation est bienétudiée sans qu'on puisse tirer de là un bénéfice réel puisque les remous turbulentsabîment l'image bien davantage.

L'on peut enfin chercher à ralentir le plus possible les échanges thermiques dansl'enceinte des faisceaux lumineux en bouchant hermétiquement tous les trous du tubeen particulier l'extrémité supérieure, par un hublot de verre : une lame optique àfaces planes et parallèles. Si, de plus, les parois sont en matériaux mauvaisconducteurs les échanges seront suffisamment ralentis pour qu'aucune veineoptiquement hétérogène puisse se former malgré la mauvaise conductibilité de l’air ;en même temps les gaines stables de rayonnement deviennent inobservables. En effetla lame de verre laisse bien passer le rayonnement visible mais est presquetotalement opaque pour l’infra-rouge lointain rayonné par les pièces dans l'enceinte.De même une serre vitrée laisse passer le rouge et le proche infra-rouge solaire quichauffent la plante à l'intérieur mais celle-ci ne peut geler la nuit car sonrayonnement ne traverse pas le verre. Cette fois l'expérience est concluante sansdiscussion possible ; d’une part le Foucaultage d'une étoile brillante ne montre plusque la turbulence extérieure à l'exclusion des volutes caractéristiques des tubesouverts ; d'autre part le premier anneau de la figure de diffraction reprend son éclatnormal, comme dans un réfracteur si l'obstruction centrale reste inférieure à 0,2 ; enfait le télescope ainsi traité prend nettement l’avantage sur un réfracteur de mêmediamètre par l'absence totale de spectre secondaire. Naturellement l’on profite de lapossibilité de faire porter le miroir secondaire, Newton ou Cassegrain, par la lamepour supprimer les lames support d'araignée et les aigrettes de diffraction qu'ellesproduisent. Troisième avantage : les aluminures des deux miroirs sont bien protégéesde toutes souillures, leur oxydation devient insensible et tout souci d'entretien dutélescope disparaît.

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Voyons maintenant les inconvénients. Le choix d'un borosilicate crown trèstransparent dans le visible permet de négliger les pertes par absorption dans une lamede télescope d'amateur de 250 à 300 dont l'épaisseur ne dépasse pas 20 millimètres.Par ailleurs chaque traversée de face bien polie correspond à une perte de 3 %environ ; la transmission totale de la lame sera donc voisine de 0,972 = 0,94 soit uneperte de 0,2 magnitude inconvénient de peu de poids devant l'amélioration del'image. Toutefois cette lumière réfléchie par les faces peut être nuisible si la lame,parfaitement normale à l'axe optique, joue le rôle d’un plan d’autocollimation bienréglé ; dans ces conditions un reflet sur une lentille d’oculaire par exemple est unesource dont l'image de retour symétrique est au point dans le champ. Le remèdesimple évident est d'incliner la lame sur l'axe d’un angle égal au demi-champ del'oculaire le plus faible, par exemple une quinzaine de minutes, ce qui ne peutentraîner d'aberration perceptible. L'on sait actuellement atténuer sensiblement oumême supprimer totalement les reflets par l'évaporation dans le vide d'une épaisseur

λ / 4 d’un corps d’indice nn =1 . Le borosilicate crown exigeraitmalheureusement une substance d'indice n1 = 1,23 et en pratique on ne dispose quede corps d'indice 1,38 au moins. L’efficacité du traitement est donc incomplète et ledépôt très tendre devient rapidement diffusant. Pour rendre le dépôt assez dur, ouefficace par évaporation de deux couches λ / 4 bien choisies il faudrait chauffer lapièce à 250° C au moins ce qui est inacceptable pour une grande pièce de hauteprécision.

L'autre inconvénient est d'ordre pratique : le prix de la lame est comparable àcelui d'une lentille d'un objectif, il faut un verre de premier choix recuit fin beaucoupplus cher qu’un disque miroir et le travail des deux faces représente un temps desurfaçage double. L'avantage escompté justifie-t-il cet effort ? La réponse est nondans tous les cas si l’instrument à équiper n'est pas optiquement parfait dans le sensdéjà expliqué ; non si l'observateur n'est pas habitué à juger la qualité de l'image dediffraction stellaire dans un 250 au moins. En particulier les débutants ou lesusagers d'un simple standard de 200 n’ont guère de raison de s’égarer dans cetteentreprise laborieuse. Faut-il souligner l'énorme bêtise qui consisterait à boucher untélescope par un morceau. de verre quelconque, tel un hublot en glace deSaint-Gobain, dans l'espoir d'améliorer l’image ? Finalement l'entreprise n'estréellement bénéfique que pour une élite d'amateurs à la fois bons opticiens, bonsobservateurs et possesseurs de télescopes assez importants. Cette élite existe c'estl'essentiel.

Ce sont les frères Henry vers 1890 qui ont, peut-être les premiers, fermé untélescope par une lame optique. Cette lame de 204, épaisseur 17, existe encore dansles collections de l'Observatoire de Paris. Il n'est pas certain que les frères Henrycherchaient à supprimer les effets thermiques ; leur lame faiblement biconcavepossède un chromatisme qui était peut-être voulu pour compenser un correcteuroculaire spécial ? De toutes manières cette pièce fortement trempée n'a pu permettred'essais concluants.

André Couder a réalisé en 1940 un télescope de Newton fermé de 450 à f / 7 quin’a malheureusement pas été employé de manière suivie.

Bernard Lyot et André Couder avaient projeté la construction d’un télescope deun mètre cinquante d’ouverture à lame de fermeture pour l’Observatoire

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du Pic du Midi. Ce projet fut mentionné dans L’Astronomie (1). Lyot avait mêmeenvisagé une solution radicale : remplir d’hélium le tube hermétiquement clos.L'avantage de l’hélium sur l’air est double : la variation d'indice avec la températureest plus faible et surtout l'hélium a une conductibilité thermique très supérieure ; uneveine supposée formée s'estomperait immédiatement. Malheureusement il est trèsdifficile sinon impossible d’empêcher un gaz monoatomique de s'échapper d'uneenceinte aussi grande et complexe que le tube d’un grand télescope et l'on ne peutobtenir à volonté l'hélium, matériau stratégique détenu presque exclusivement par lesEtats-Unis. La mort de Bernard Lyot arrêta l'exécution de ce projet.Remarquons que les télescopes photographiques à lame correctrice de Schmidt ouménisque de Maksutow sont, accessoirement, des télescopes fermés. La suppressionde la turbulence instrumentale dans un télescope photographique ne peut apporterd'avantage sensible que pour un instrument de grandes dimensions comme leSchmidt de 48 pouces du Mont Palomar ; elle n'est peut-être pas étrangère aux trèsbons résultats obtenus par cet instrument.Les amateurs américains se sont intéressés récemment à des télescopes CassegrainsMaksutow visuels à long foyer f / 15 à f / 23. Une standardisation à un diamètre de 6pouces a rendu possible la livraison de moulages bruts des ménisques par la verrerieHayward Scientific Glass Corp. Cette application n'apparaît pas très convaincante ;le champ de ces instruments n'est pas assez grand pour qu’on puisse invoquer lacorrection des aberrations extra-axiales ; l'absence de parabolisation du primaire estloin de compenser le travail supplémentaire du ménisque. Il se peut que la meilleurejustification du Maksutow visuel soit l'élimination des effets thermiques du tube ; leseul faible avantage par rapport à un Cassegrain classique fermé par une lame planparallèle serait la courbure du ménisque qui détruit la mise au point du reflet, lechromatisme par contre est rapidement sensible ; de toutes manières il est peuintéressant de fermer un télescope de 6″ dont les effets thermiques sont faibles.

88. Choix de la matière. - Les borosilicates crown sont des verres courants trèsutilisés, notamment pour les prismes de jumelles ; les grandes verreries scientifiquescomme Parra-Mantois en produisent des centaines de tonnes par an. Les pots utilisés,en forme de cornue, contiennent environ 1 200 kilogrammes de verre mais cettemasse, une fois refroidie, est toute fissurée et il faut rechercher un bloc absolumentsans défaut dans la partie centrale. Les pierres et les bulles sont faciles à voir mais ilfaut une grande expérience pour déceler les fils, inadmissibles dans une pièce depremier choix. Les fils correspondent à une variation rapide mais très localisée del'indice de réfraction ; dans une pièce, éclairée seulement par une source ponctuellepuissante placée à plusieurs mètres, il est possible de voir les gros fils d'un plateaupar projection de l'ombre correspondante sur un papier blanc placé à 50 centimètresenviron du plateau. Un gros fil rectiligne diffracte une aigrette perpendiculaire surl'image comme une rayure ou une lame support de miroir secondaire. Une fois trouvéle bloc rarissime de premier choix et de poids convenable il faut le

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mouler en forme de disque dans une cassette en terre réfractaire puis le recuire avecun soin extrême. Le disque est placé au milieu d'une grande enceinte remplie depoudre réfractaire et dont la température est contrôlée en tous points par desrésistances alimentées par l'intermédiaire d’un dispositif d’asservissement. Pendant,plusieurs semaines la température variera suivant une courbe déterminée pourchaque sorte de verre, mais comportant toujours un large palier vers 650° C au pointde transformation du verre β en α (voir p. 22). Le recuit fin astronomique est devenutellement parfait depuis quelques années chez Parra-Mantois qu’il est superflu pourdes disques d'amateurs de 20 millimètres d'épaisseur de procéder au contrôle de latrempe décrit § 69 p. 131, mais l’on comprend que de tels soins entraînent des délaisde livraison assez grands. Voici quelques précisions pour faciliter la rédaction d’unecommande :

Adresse. - PARRA-MANTOIS et Cie, 11, chemin de ronde, Le Vésinet (S.-et-O.), une remise de 10% est accordée aux membres de la Société Astronomique deFrance.

Nature du verre. - Les borosilicates crown les plus courants portent les numérosB 1664 et B 1864 sur le catalogue ; les indices de réfraction pour la raie D sontrespectivement 1,516 50 et 1,518 00 ; pour l’usage projeté ils sont équivalents, ce quipeut faciliter éventuellement une fourniture rapide.

Diamètre. - Si le diamètre optique de la lame est juste égal à celui du miroir il yaura un léger vignettage au bord du champ d'ailleurs inobservable visuellement. Lerepos sur le barillet peut être d'environ 5 millimètres, pour des lames de 250 à 300 ;le diamètre extérieur sera donc 10 millimètres plus grand que le diamètre optique ;ajouter encore 2 millimètres pour avoir le diamètre brut car le débordage de l'usineest, sauf entente spéciale, assez sommaire. Si l'on veut éviter tout silhouettage aubord du champ il faut encore ajouter ce dernier mesuré dans le plan de la lame.Exemple pour un miroir de diamètre optique 250 dont la lame est distante de 1 l00 etle champ de pleine lumière demandé 30'. Diamètre du champ dans le plan de lalame :

1 100 x 0,000 209 9 x 30 = 9,6 millimètres.

Diamètre optique de la lame :

250 + 9,6 = 259,6.

Diamètre extérieur fini : 270. Diamètre brut à commander : 272.Epaisseur. - Le poids se répercute sur le prix du verre et sur la charge indésirable

de l'extrémité du télescope. Les flexions mécaniques de la lame sont peu à craindrecomme nous le verrons. Ce sont les difficultés d'exécution d’un verre de précisiontrop mince qui fixent ici la limite raisonnable. Il est possible de travailler une bonnelame de 250 n'ayant que 10 mm d’épaisseur mais il est préférable de ne pas troprechercher la difficulté, l'on prendra plutôt 15 mm pour une 250 ; 18 pour une 300 ;20 à 22 pour une 400. Compter en plus 0,5 à 1 millimètre par face pour l'ébauchageet le doucissage.

Premier choix, recuit fin astronomique. - Nous avons vu la signification de cestermes qui doivent obligatoirement figurer sur la commande d'un verre de précisiontravaillant par réfraction.

89. Perçage du trou central et débordage. - Ce travail peut parfois êtredemandé à la fabrique après entente spéciale. Le perçage de la lame permet

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la fixation de la monture du miroir secondaire dont la figure 92 page 158 donne unexemple, le diamètre de perçage de cette lame de 265 est 34. On transposera ici lesindications données § 70 page 132 pour le perçage des miroirs Cassegrain. Laméthode de Ritchey comprenant le perçage de part en part dès le début et lescellement au plâtre de la carotte est préférable. Les éclats possibles au débouchagedu biscuit-cutter seront évités en collant à l'arcanson au dos de la lame une largeplaque de verre épais, de la glace de Saint-Gobain de 7 millimètres par exemple. Nepas oublier de biseauter l'arête intérieure du trou, gratter en retrait le sillon de plâtreet le protéger par plusieurs couches de vernis gomme laque.

Fig. 95. – Débordage d’une lame de fermeture sur une perceuse.

Le débordage de la lame, biencentré sur le trou initial, estrecommandé mais pasabsolument indispensablepuisque la lame a une puissancenulle et qu’une translation dansson plan est sans effet. Décrivonsrapidement un procédé,longuement employé aulaboratoire d'optique del'Observatoire de Paris, dont leprincipal avantage est d'éviterd'avoir recours à une machinespéciale. Sur le plateau d'unegrosse perceuse ordinaire (fig.95) l'on bride un roulement àbilles spécial centré sur la brochede la machine. Le verre àdéborder est posé sur leroulement avec

interposition de 3 cales de carton, l'autre face porte dans le même aplomb 3 gommesà effacer qui transmettent la rotation de la broche grâce à un plateau entraîneur àdoigt. Un poids accroché au levier d'avance de la perceuse permet d'écrasersuffisamment les gommes pour transmettre la rotation sans risque de voir échapper leverre. Pour un 250 la vitesse peut être d'environ 100 tr/mn. Il ne reste plus qu'àapprocher un levier portant le fer comme sur la figure 86, p. 141 , l'émeri 2 m suffitsi les bosses du débordage usine ne dépassent pas 1 millimètre. On termine avec del'émeri 5 puis 10 m ou du 302. Pour la qualité de la présentation et la sécurité de lapièce l'habitude du laboratoire de l'observatoire de Paris est de réaliser pendant quela pièce tourne des biseaux arrondis en quart de cercle de 1 à 2 millimètres de rayon,ces biseaux sont polis ultérieurement sur la même machine juste avant le doucissage.

90. Tolérances de doucissage. - Parallélisme : Une lame à faces planes mais nonparfaitement parallèles est un prisme objectif d'angle très petit ; l'image de l'étoiledevient un petit spectre le violet étant du côté épais le

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rouge du côté mince de la lame. Si le défaut est voisin de la limite tolérable l'imagenormale est seulement bordée d'un côté d'une frange rouge, le côté opposé bleu violetest moins frappant. Quel angle maximum du prisme pouvons-nous tolérer pour êtresûrs qu'aucun chromatisme ne sera décelable sur 1'image ? Nous pouvons poserarbitrairement des tolérances très rigoureuses car nous verrons qu’elles n’entraînentpas de difficultés spéciales de contrôle ni d'exécution. Posons que la longueur duspectre ∆D mesurée depuis le bleu : raie F ou Hβ de l’hydrogène ( 4 861 Ä) jusqu'aurouge : raie C ou Hα de l’hydrogène (6 563 Ä) ne dépasse le dixième du rayon de latache de diffraction. L’angle de la lame prismatique est A. La formule des petitsprismes donne :

∆D = (nF – nC) A (20)

Les indices nF et nC et leur différence, appelée dispersion moyenne, figurent dans lecatalogue Parra-Mantois. Pour le borosilicate crown B 1664 l'on a F – C = 0,008 07.

La valeur limite acceptable pour A sera donc si 10ρ

≤∆ D

A ≤ 12,4 ρ (21)

Exemple : pour un télescope de 300 le rayon ρ de la tache de diffraction vaut (p.5) :

47"030

1,14==ρ ;

la lame de boro pourra présenter un angle

A = 0,47 x 12,4 = 5″8.

Nous verrons qu'un bon palmer, permet à un opérateur exercé le contrôledifférentiel de l'épaisseur de la lame à 1ou 2 µ près ; disons 3 µ si le palmer et sonpropriétaire sont de second choix, ces 3 µ sur 300 mm correspondent à un angle de 1x 10-5 soit sensiblement 2″. Il est donc facile de respecter la tolérance très sévèreprécédente qui correspond à une différence d'épaisseur choquante de 8,4 µ.

Courbure des faces : Il serait absurde de s'imposer une planéité parfaite des deuxfaces ; la seule chose qui compte est de transmettre une onde bien sphérique. Si lesfaces ont une faible courbure, la lame est une lentille à long foyer. Les aberrationsd'un télescope qui vise à travers une lentille dont la longueur focale est de l'ordre dukilomètre ne sont évidemment pas changées de manière appréciable [formules (17) et(18), p. 139] ce sont les aberrations de cette lentille elle-même qui vont préciser latolérance. Tout d'abord des courbures de même sens donneront un ménisque dont lesaberrations géométriques sont indiscernables de la lame à faces planes. Prenons lecas de courbures de sens contraires donnant une lentille bi-convexe ou bi-concave. Iln'y a pas lieu de s'arrêter à l'aberration de sphéricité de telles lentilles qui estextrêmement petite et noyée dans tous les cas dans les défauts d'exécution. C'est lechromatisme qui apparaîtra le premier. Une lentille simple présente deux foyers pourC et F entre les deux le cercle de moindre aberration a un diamètre :

vD

d2

= (22)

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D est le diamètre de la lame ; v est la constringence du verre et figure égalementdans le catalogue de Parra-Mantois,

nCnFnD

v−−

=1

Pour le borosilicate crown B 1664 nous trouvons v = 64, le diamètre du cercle demoindre aberration avec ce verre est donc

128D

d = .

Posons comme tolérance très rigoureuse que d reste inférieur au diamètre 2ρ dela tache de diffraction. Il faut donc allonger suffisamment la longueur locale F de lalentille pour que la tache de diffraction soit aussi grande que d ; réductions faites ona en prenant D en millimètres :

F ≥ 5,73 D2 (23)

Exemple : une lame de 260 millimètres en borosilicate crown B 1664 devra avoirune longueur focale de 5,73 x 260² = 387 348 soit 387 mètres ; supposons-labiconvexe ou biconcave, le rayon des faces en première approximation est aussi de387 mètres, un sphéromètre portant sur un petit cercle de 75 millimètres de rayon(voir p. 145 et 172) accusera une différence de 7,3 µ, par rapport au plan, confortabledevant l'erreur possible qui est de l'ordre du micron.

Nous pouvons conclure que de simples contrôles mécaniques de la lame en coursde doucissage suffisent pour éliminer tout risque d’aberrations géométriques . En finde polissage il suffira de vérifier et retoucher l'aberration zonale comme s'il s'agissaitde réaliser un miroir sphérique pour obtenir une lame parfaite dans le sens utile.

91. Ebauchage, apprêt, doucissage. - Les platines à sable de la verrerie laissantaux disques des faces généralement légèrement convexes, le grain est grossier maispeu piqué en profondeur. On utilisera le dos, à peu près plan, de l'outil qui a servipour tailler le miroir principal et du corindon 120 ou de l’émeri 1 m pour leréunissage de cet outil avec les deux faces de la lame. Chaque face de la lame reçoitun numéro arbitraire 1 et 2 gravé sur la tranche. Les séchées intéressentsuccessivement la face 1 puis la face 2 de manière à conserver toujours une bonneadaptation de l'outil unique. En principe les positions outil dessus et outil dessoussont alternées régulièrement sauf au début du travail où les faces convexes indiquentnaturellement un travail lame dessus et plus généralement à chaque fois que lesphéromètre désigne une position préférentielle pour tendre vers le plan. Dans laposition lame dessus les mains trouvent une prise suffisante malgré l'épaisseur unpeu faible de la lame, il ne faut pas coller de poignée. Si l’outil repose sur le postepar une face convexe provenant d'un ébauchage antérieur une large couronnedécoupée dans une couverture de laine épaisse permettra de conserver l'aplomb.Dans la position lame dessous il faut veiller dès le début à éviter toutes contraintescar la lame est très flexible. La planéité du poste doit être vérifiée et la lame ne doitreposer que par l'intermédiaire d’un disque découpé dans une couverture de laineépaisse. Les cales latérales sont assez minces pour permettre le passage de l’outilavec une bonne garde ; elles doivent laisser un jeu latéral de 0,5 à 1 millimètrepermettant les rotations systématiques indispensables de 1/4 de tour à chaque séchée.Après une dizaine de séchées sur chaque face effectuées

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avec des courses normales 1/3 D (fig. 22 et 23) le réunissage est généralementsuffisant pour permettre utilement les premiers contrôles de parallélisme et planéité.Pour le parallélisme un palmer de mécanicien de bonne fabrication (1) suffit nousl'avons vu. La vis ne sert pas ici d'instrument de mesure en valeur absolue maisl'approximation différentielle à 1 µ près exige un palmer soigné, en bon état,correctement lubrifié (graisse à instruments spéciale) et manipulé. Vu le poids etl'encombrement de la lame il est commode de la poser à plat sur un disque de boisassez épais ou fromage (fig. 96). L'on trace grossièrement au crayon bleu deuxdiamètres rectangulaires aux extrémités desquels l’on écrira les 4 épaisseurscorrespondantes trouvées. Naturellement la lame est sèche,

Fig. 96. – Vérification au parallélisme au palmer. (Atelier de la Commission S. A. F.)

bien débarrassée de tout grain d'abrasif, la propreté rigoureuse des touches du palmerbien vérifiée. D'une main l’on soulage légèrement le poids du palmer en porte-à-faux(fig. 96) et l’on donne un petit mouvement de rotation destiné à faciliter la prised'aplomb des touches; l'autre main tourne la vis délicatement, sans utiliser lelimitateur de couple trop dur. Si l'aplomb se fait mal et les pointés se dispersent surplusieurs microns, soupçonner l'interposition d'un grain, nettoyer les touches etrecommencer à côté. Les quatre valeurs obtenues il est bon, quand nous auronsbesoin plus loin de la meilleure précision, de répéter la mesure du premier point, lanouvelle cote sera souvent un micron plus faible ce qui indiquera un laminage dulubrifiant sur les flancs de la vis et l’utilité de répéter toutes les mesures.

Le plus souvent le défaut de parallélisme initial du disque est de 0,1 ou 0,2 mm,les premières vérifications peuvent se faire seulement au centième et

(1) P. ROCH-ROLLE, Suisse ; Société « Christian Ludwig », 13, rue Sedaine, Paris 11è. ROCHE-FRANCE, 68, avenue de la République, Paris 11è.TESA, Renens, Suisse ; 17, boulevard Jules Ferry, Paris 11è.

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la partie épaisse de la lame sera marquée sur la tranche par un gros trait de crayonbleu. Le parallélisme se retouche en position lame dessus ou lame dessous. Enposition lame dessus l'on appuie fortement des deux paumes de main posées sur lecôté épais, la rotation de la lame est supprimée mais l'on continue de tourner autourdu poste (fig. 97 A). Si la retouche s’effectue lame dessous l'outil doit surplomberlargement le côté épais toutes les courses étant excentrées de ce côté (fig. 97 B). Desperturbations aussi énergiques rattrapent plusieurs centièmes par séchée de corindon120 mais entraînent la formation d'une facette indésirable. Chaque correction doitdonc être suivie de plusieurs séchées alternées dessus et dessous ne comportant quedes courses normales 1/3 D. Inutile de fignoler le parallélisme à mieux du centièmeau corindon 120. En même temps le simple choix de la position dessus ou dessous

Fig. 97. – Retouche d’un défaut de parallélisme.

corrige la courbure éventuelle que l'on contrôle au sphéromètre toutes les 5 ou 6séchées. Il est avantageux de disposer d'un sphéromètre portant sur un cercle degrand diamètre sans dépasser beaucoup toutefois la moitié du diamètre du verre, cequi permet de mesurer la flèche au centre puis plus près du bord et dépister ainsi lesdéformations de doucissage telle l’hyperbole due aux courses trop longues. Lesphéromètre décrit § 81, p. 145 aurait une portée insuffisante mais l'on peut utiliserson organe de mesure : la butée micrométrique, montée sur un grand trépied découpédans de la planche de Duralumin de 10 (fig. 98). Trois pointes en acier trempé sontaux sommets d'un triangle équilatéral, aux erreurs de perçage près. Mesurons lestrois côtés de ce triangle au dixième près au moyen d'une bonne règle divisée en

acier ; prenons la moyenne ; divisons par 3 soit 1,732 pour avoir le rayon h ducercle circonscrit. Ici les flèches f sont très petites devant le rayon R et les formulessimplifiées suivantes :

Rh

ff

hR

22

22

== (24) (25)

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Fig. 98. – Sphéromètre triangulaire utilisant une butée micrométrique Tavannes.

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On inscrit sur la monture du sphéromètre la constante pratique h2 / 2 qu'il suffitde diviser par R ou par f pour obtenir f ou R.

La figure 99 montre l'emploi d'un sphéromètre de construction classique. Dans lecas présent il s'agit d'un instrument historique, ayant appartenu à Léon Foucault etconstruit par « l'artiste » Froment ; 1a vis est au pas de 0,5 le tambour divisé en500 ; le trépied et le tambour sont en aluminium fondu par H. Sainte-Claire Deville(1857). De nos jours l'on ne construit plus guère ces instruments employés presqueuniquement par les opticiens astronomes (1).

La vérification d’un plan au sphéromètre muni de son plan de référence est unemesure différentielle, une bonne vis est nécessaire moins pour l'exactitude

Fig. 99. – Le sphéromètre qu’employait Léon Foucault posé sur une lame de 300.

de la cote que pour permettre un contact franc et fidèle de la touche. Pour avoir lameilleure précision l’on essaye successivement les lectures augmentées de micron enmicron en appréciant la décharge de plus en plus grande du trépied (fig. 99). Un petitcoup de doigt tangentiel provoque une rotation plus ou moins facile accompagnéesur fin verre douci d'un cri aigu dont la fréquence est critique en fonction de lacharge . Une décharge moyenne étant obtenue sur le plan l'on reporte le sphéromètresur la lame sans toucher à la vis ni chauffer le trépied par un contact direct desmains. La rotation doit être équivalente et sur fin douci le cri de même hauteur. Unécart de 1 µ entre les flèches du plan et du verre contrôlé est traduit ainsi par desdifférences frappantes ; nous avons vu qu'il est loin d'atteindre la limite dangereuse.

Sur le grain de corindon il est inutile de rechercher la meilleure précision, il fautéviter au contraire le frottement donc 1'usure des pointes du sphéromètre. Uneplanéité à 5 µ près sur la portée du sphéromètre suffit largement pour permettre uneamélioration facile au cours du doucissage. Les opérations

(1) Consulter éventuellement BOUTY, 47, boulevard Auguste Blanqui, Paris 13è.

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correctives de parallélisme et courbure au corindon 120 ont probablement nécessitébeaucoup de séchées mais il est bon de vérifier tout de même si le grain grossierinitial est bien rattrapé et surtout s'il ne subsiste pas de plages à grosses piqûres prèsdu bord par exemple. L'apprêt et le doucissage se conduisent comme pour un miroir,il ne faut pas être avare de séchées si l'on veut être sûr de la qualité du douci final.Après le 180 ou 2 m, puis le 5 m ou le BM 302 le parallélisme doit être exact à 1 ou2 µ près et la courbure également ; en effet dès le 10 m ou BM 302 1/2 il est bond'éviter le plus possible les opérations correctives de parallélisme à cause desdéformations locales qu’un doucissage écourté ne rattraperait peut-être pascomplètement. Dès le 20 m ou BM 303 l’idéal est de pouvoir faire les séchéesnormales alternées qui doivent conserver en principe la courbure quasi nulle et leparallélisme obtenu.

92. Contrôle optique de la lame. - Le moyen le plus commode au laboratoire estde placer la lame contre un miroir sphérique de rayon R étudié au centre de courbure.Pour la clarté de la figure 100 l'épaisseur e de la lame est très exagérée tandis que lerayon R du miroir est très réduit. Supposons d’abord l'appareil de Foucault habituel,dont la source ne bouge plus après la mise en place initiale, réglé sur le sphériqueseul ; la source et l'image I sont dans le plan du centre de courbure. L'interposition dela lame traversée à l’aller,

Fig. 100. – Contrôle d’une lame à faces parallèles devant un miroir sphérique.

comme au retour, donc deux fois, repousse l'image I en I'. En premièreapproximation pour des rayons peu inclinés on a :

−=

neII

112' (26)

n = 1,516 50 sur le boro B 1664 donc II' = 0,681e. En rétablissant expérimentalementla teinte plate l'on note en fait un déplacement longitudinal du couteau II". Si II″ estplus grand que II' cela veut dire que la lame est une lentille concave, naturellementconvexe si II″ est plus petit. L’écart

II″ - II' = 2a

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permet de calculer aisément la longueur focale F de la lentille :

( )a

aRRF

+= (27)

Par exemple si le sphérique a un rayon de 600 centimètres et l'écart II″ - II' = 2centimètres la lame est une lentille concave de 3,6 kilomètres de longueur focale,chiffre à comparer à la tolérance de l’inégalité (23) p. 168 à titre de contrôle desapproximations mécaniques obtenues au douci.

Les aberrations géométriques d'une lame à faces parallèles sont a priori trèspetites puisque la lame ne fait rien en principe. Il n'y a pas du tout d’aberrationchromatique de grandeur mais une légère aberration chromatique longitudinale quivaut pour une simple traversée :

en

nCnFR

2

−=δ (28)

toujours pour notre boro δR = 0,00351e, cet effet est inobservable en pratique pourles lames qui nous intéressent.

L’aberration de sphéricité mérite un calcul car notre montage de contrôle n'estpas rigoureusement correct. La lame du télescope en service n'est traversée que parun faisceau incident normal de rayons parallèles tandis qu'ici elle est traversée deuxfois par un faisceau notablement convergent. La formule (26) n'est rigoureuse quepour des rayons d'inclinaison nulle, les rayons convergents d'incidence i subissent unsupplément de translation Λ qui est l'aberration longitudinale dans les conditions ducontrôle ; pour deux traversées l'on a au quatrième ordre près

in

ne 2

3

2

sin2

12

−=Λ (29)

qui se ramène à Λ = 0,3726e sin2 i pour le boro B 1664 d’indice 1,516 50.Les sphériques d'atelier ont souvent un rayon assez long ce qui permet de réduire

i ; par exemple l’on a R = 600 centimètres pour D = 30 centimètres ; sin i = 15/600 ;sin2 i = 0, 000 625. Une lame de 2 centimètres d'épaisseur présentera donc uneaberration longitudinale

Λ = 0,372 6 x e x 0,000 625 = 0,000 46 ou 4,6 µ

que l'on peut ignorer complètement. Même si l'on ne possède qu'un miroir de 300centimètres de rayon cette aberration qui est quadruplée reste de l’ordre des erreursde pointés les plus soignés au Foucaultage.

Les défauts observés avec interposition de la lame seront donc attribuésuniquement à cette dernière, comme ils sont produits par réfraction il faut penser àinverser la convention d'éclairage familière si l’on veut voir le relief du verre àenlever. Le couteau venant de droite il faut imaginer le solide différentiel éclairéégalement par la droite : comme le tailleur de miroirs, qui a l’habitude de travaillercouteau à droite, est conditionné pour apprécier un solide éclairé à gauche il estpréférable qu'il munisse son appareil d’un couteau spécial dans une lucarne rapportéepermettant de couper l'image par la gauche quand il vérifie une pièce réfractrice aulieu d'un miroir.

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93. Polissage et retouches. - Les renseignements donnés §§ 23 à 26 sontapplicables au polissage d’une lame à faces parallèles. Les polissoirs de plus de 250pourront être montés avec des carrés de 25 au lieu de 20. Comme pour unCassegrain, le petit bourrelet de poix produit au pressage contre le sillon du trou seragratté. Les courses ont l'amplitude normale 1 / 3 D. Dès le début il faut conduireparallèlement le polissage des deux faces pour libérer des deux

Fig. 101. – Montage d’une lame de fermeture de 260 devant un sphérique de 300.(Atelier de la Commission S. A. F.)

côtés les forces de compression d’abrasion du verre douci génératrices de l’effetTwyman. Par exemple frotter une heure la face 1 puis une heure la face 2 en positionlame en dessus puis continuer une heure face 1 et une heure face 2 lame en dessouspour la régularité de l'éclairci. En position verre dessus veiller à la propreté desmains qui ne doivent pas être chargées de blanc ou de rouge si l’on veut éviterqu’elles deviennent des polissoirs locaux indésirables pour la face supérieure. Eviterégalement de localiser des mains toujours sur la même zone la lame est très flexible,un trou central peut résulter d’une

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main mal placée au centre., La disposition verre dessous nécessite les précautionsconnues pour empêcher l'astigmatisme : planéité du poste ; couverture neuveépaisse ; rotations systématiques de 1/4 de tous les quarts d'heure au moins.

Un éclaircissage de deux heures sur chaque face permet un premier contrôledevant le sphérique. Pour la sécurité des pièces il est bon de porter la lame centréedans un cadre en contreplaqué alésé 1 millimètre plus grand en diamètre et muni depattes tournantes en laiton (fig. l01). La lame est peu sensible aux flexions qui nemodifient pas son épaisseur optique mais il est toujours préférable d’éviter lescontrainte d’un montage ajusté.

La variation de tirage, avec et sans lame, indique si la puissance est acceptable (§92) mais l'on constate presque toujours en même temps des défauts zonaux ou unenotable aberration de sphéricité qui correspondent à des différences de l’épaisseuroptique du verre. Pour interpréter ces défauts il faut se rappeler non seulement de laconvention d’éclairage inversé mais qu'un défaut engendré par réfraction correspondà une épaisseur de verre à retoucher quatre fois plus grande que par réflexion (§ 4) ;pour une lame traversée deux fois cela fait encore deux fois plus de verre à enleverque sur le miroir qui donnerait le même défaut sur l’onde. Une forte aberration desphéricité, un large trou central profond (plus de 50 millimètres d’aberrationlongitudinale en double passage et faisceaux à f / 20) doivent faire penser à une fautede doucissage : courses trop longues ; pressions centrales systématiques des mains ;en effet la grande flexibilité de la lame la rend sensible à ce genre de maladresse.Cette supposition sera corroborée par l'examen du gris qui montre alors un retard netde la zone creuse sur la ou les faces responsables. Une reprise du verre au douci estcependant rarement nécessaire ; le plus souvent les défauts s'atténuent d'eux-mêmessimplement en poursuivant le travail des deux côtés sans aucune tentative deretouche mais il est bon de faire quelques mesures sommaires d’aberration dès ledébut. Si le défaut ne s'atténue pas sensiblement après 3 ou 4 heures de polissage surchaque face, malgré les retournements à chaque heure des positions lame-outil et lesretaillages des carrés des polissoirs devenus impeccables, une action positivedeviendra nécessaire. Préférer toujours au début une perturbation par la pression -amplitude des courses, surpression au bord de l'outil - à une méthode de dégarnissagede la poix ou de travail local qui ne sera jamais vraiment satisfaisante pour desgrands défauts. Par exemple une large bosse centrale se traite d'abord simplement enallongeant les courses - 3/4 D. Pour un large trou, atténuer la cassure deraccordement des deux zones par des surpressions au bord de l'outil passant sur cepoint en position outil dessus ; songer à étaler largement cette action et égaliser letravail un position verre dessus et des courses ne dépassant pas 1/2 D. Notre moyende contrôle ne permet pas de décider quelle face de la lame est responsable du défautglobal observé, la retouche d'un gros défaut pourra porter sur les deux côtés. Vers lafin du polissage les défauts sont petits en principe et la retouche ne portera que surune face choisie arbitrairement, en somme le travail est sensiblement le même quepour rendre un miroir exactement sphérique. Les conseils du § 42 et toutes lesfigures données au sujet des retouches des miroirs sont valables aux seules réservesde l'inversion du couteau,

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c’est-à-dire à gauche pour un éclairage fictif venant de gauche et de l’épaisseur deverre double de verre à enlever.

Par ailleurs l'on ne peut ignorer plus longtemps les défauts d'homogénéitééventuels internes que présentent souvent les verres d'optique les mieux choisis.Nous avons vu le triage du verre de premier choix à l'usine mais les anomalies lentesde l'indice comme les fils faibles ne peuvent malheureusement être reconnues

Fig. 102. – Foucaultgramme montrant différents défauts de matière dans un plateau de 400 ;couteau à gauche.

que sur des pièces dont le polissage de précision est assez avancé. A cet égard lecontrôle soigné du recuit fin n'apporte pas non plus une garantie valabled'homogénéité parfaite de l'indice.

Le foucaultgramme de la figure 102 montre la plupart des défauts de matière quipeuvent se présenter. Quelques explications sont nécessaires. D'abord, comme tousles foucaultgrammes donnés dans cet ouvrage, la sensibilité du test est trèssupérieure à celle d’un essai visuel au moyen d’un simple foucaultoir d’amateur ;ensuite il s’agit d’une fonte expérimentale d’un grand prisme d’objectif (D = 400 e –100) en baryum crown. On ne risque pas de trouver des défauts aussi prononcés dansune banale lame de borosilicate crown de 20 millimètres

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d’épaisseur. En A l’énorme trou sur l’onde (couteau et éclairage fictif à gauche) estproduit par un noyau de verre d’indice plus élevé, il n’y a rien à faire, ce défaut nepeut être convenablement compensé par une déformation des faces optiques, un teldisque doit être remplacé par la fabrique ; en B une anomalie d'indice en creuxpartiellement retouchable par adoucissement au polissoir local passé sur les lignes decrêtes ; C est un autre exemple de marche lente d’indice assez facilementretouchable. Les gros fils D, E, F sont inadmissibles dans du verre de premier choixmais remarquons leur courbure, la lumière diffractée par ces défauts ne seraitdécelable et vraiment nuisible que pour des observations délicates d'objets faiblesprès d'une source brillante ; G est une large nappe de fils très faibles qui échapperonttoujours à un contrôle par projection, ils ne seraient gênants que sur une lentille decoronographe ; enfin en H l'on voit un large fil faible à structure curieuse dont l'effetest également à peu près négligeable malgré la longue portion presque rectiligne.Souvent des marches lentes d'indice ne pourront se distinguer d’un défaut matériel desurface ; qu’importe en pratique puisque le travail de retouche est toujoursclairement défini, le stigmatisme sera rétabli nécessairement par déformation sanss'inquiéter de la topographie individuelle des surfaces. Si l'on recherchait uneplanéité exacte, contrôlée au calibre interférentiel par exemple, pour chacune desdeux faces non seulement l'on perdrait son temps mais les déphasages des défauts dematière subsisteraient pour gâter l’image.

La facilité de l'appréciation de la sphéricité de l'onde par foucaultage au centre decourbure permet de pousser très loin le travail de retouche sans aucune mesured'aberration ni calcul ; toutefois une faible aberration régulière n’attirera pasl’attention de l'opticien sans pour cela être négligeable tandis qu’un défaut localisétrès peu élevé pourra susciter des fignolages inutiles ou même nuisibles. Pensons à lagrande sensibilité du montage de contrôle à cause de la double traversée de la lame etdu grand rayon du miroir. Pour ces raisons les mesures à l’écran et le calcul de l'onderéfractée sont aussi nécessaires que s'il s'agissait d'un miroir déformé ; ellespermettent de diriger avec sûreté les dernières retouches et juger objectivement lavaleur de la pièce finie.

91. Contrôle quantitatif et réduction. - Les écrans à échancrures pour miroirs(fig. 42 et 81) sont utilisables sans autre modification ; en additionnantalgébriquement les écarts de tautochronisme, de chaque zone homologue, sur lemiroir et la lame de fermeture l'on obtiendra commodément les défauts de lacombinaison complète. Voyons sur un exemple concret comment établir le bulletinde contrôle de la lame (fig. 103).

En dessous des différentes constantes d'identification de la pièce l’on trouvelignes 1, 2 et 3 les numéros des zones, les rayons extérieurs hx et les rayons moyenshm habituels. La ligne 4 porte les facteurs spéciaux de hauteur d'incidence pour laréduction des aberrations au plan focal du télescope qui sera équipé de la lame. Dansle cas présent il s'agit d'un newtonien de longueur focale F = 1 300. Les mesures fontapparaître des aberrations longitudinales ΛR au centre de courbure du sphériqued’atelier de rayon R. Les aberrations longitudinales correspondantes ΛF au planfocal du télescope de longueur focale F seront :

2

2

RF

RF Λ=Λ (30)

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Fig. 103. – Bulletin de contrôle d’une lame de fermeture.

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Et les aberrations transversales λF au plan focal du télescope seront :

2.

RF

hRF Λ=λ (31)

Ce sont ces facteurs h F / R2 multipliés par 103 que donne la ligne 4. Cesnombres multipliés par les ΛR obtenus, exprimés en millimètres, donneront les λFen micron à comparer au rayon ρ de la tache de diffraction.

La ligne 5 donne la moyenne des pointés longitudinaux effectués sur le sphériqueseul. Malgré la qualité de ce miroir l'on voit que ces 5 tirages ne sont pas identiquescomme dans le cas d’un miroir idéal, ces défauts de montage sont évidemment àretrancher. Remarquons que le miroir parabolique du télescope serait utilisable àdéfaut de sphérique, les aberrations de montage seraient plus grandes voilà tout ; laretouche de la lame consisterait à rétablir la même surcorrection sur l'onde, ce seraitmoins agréable que tendre vers la teinte quasi plate.

L’on trouve ligne 6 les moyennes brutes des tirages obtenus avec interposition dela lame, l'écran découvrant le premier diamètre horizontal Φ1. La ligne 7 donne lesdifférences des lignes 6 et 5 divisées par deux ; donc à partir de maintenant ce sontles simples et non les doubles défauts de la lame qui interviennent. Le tiragelongitudinal est choisi ligne 8 de manière à mesurer les aberrations dans le plan ducercle de moindre aberration, ici l’on a trouvé par tâtonnements la constante de 1,98à retrancher aux nombres de la ligne 7 pour obtenir les aberrations longitudinales ΛR qui, multipliées par les facteurs de la ligne 4, donnent les aberrationstransversales, ligne 9, maximum égales en valeur absolue et des signes contraires.Les centièmes de microns inscrits pour permettre une bonne approche du plan ducercle de moindre aberration n'ont évidemment aucune signification physique. Riende spécial pour la ligne 10 des aberrations transversales réduites et la ligne 11 despentes élémentaires u calculées comme s'i1 s agissait d'un miroir (relire le § 47).

Les lignes 12, 13, 14, 15, 16, 17 reproduisent les mêmes calculs pour le diamètreperpendiculaire Φ2 de la lame. Le miroir n'a pas bougé, ses défauts restent lesmêmes, seule la lame a tourné d’un quart de tour. L'avantage des deux réductionsindépendantes est de mieux préciser l'importance des défauts astigmates et deserreurs accidentelles de pointés.

Inutile de revenir sur l’intégration graphique des pentes u toujours amplifiées unmillion de fois, ceci est décrit au § 47. Les profils hachurés concernent l’onde, lesdéfauts du verre sont inverses et d'amplitude sensiblement double.

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CHAPITRE XI

LES OCULAIRES

95. Généralités sur les oculaires. - Comparé à l'objectif, l'oculaire del’instrument a un rôle beaucoup plus modeste et sa réalisation industrielle necomporte pas de difficultés du même ordre, de sorte que la principale raison de leconstruire soi-même disparaît. Il n'en est que plus irritant pour l'amateur constructeurde constater que l'achat d'une série de bons oculaires représente de loin, la dépense laplus considérable. Cette question mérite donc une certaine attention.

L'oculaire est une sorte de loupe que l’œil utilise pour exploiter au mieux l'imageprimaire donnée par l'objectif. Tout de même l'idée que l’on se fait d’une loupevulgaire, destinée à l'examen d'objets non lumineux par eux-mêmes, demande à êtrecomplétée ici par des remarques importantes. N'oublions pas que le rayon de la tachede diffraction (§ 3) d'un objectif à f / 6 n’a guère plus de 4 microns et que nous avonspris en considération pour notre bulletin de contrôle, d'écarts transversaux de l'ordredu micron ; en toute logique notre « loupe » doit pouvoir donner une représentationcorrecte d'objets de cette dimension. Notons aussi que l'observation d'un objet trèsbrillant sur fond noir est particulièrement révélatrice - les microscopistes le saventbien - des défauts de l'optique employée.

Supposons l'instrument complet mis au point à l'infini et pointé de jour sur unfond clair uniforme. Regardons l'oculaire à une vingtaine de centimètres de distance,nous voyons un petit cercle blanc qui est l'image de la pupille d’entrée del'instrument, limitée dans un télescope par le contour du grand miroir, donnée parl'oculaire qui joue ici le rôle d'un petit objectif. Ce petit cercle est la pupille de sortie,ou anneau oculaire, il doit se former en principe un peu en arrière de l'oculaire oùl’œil pourra centrer sa propre pupille et recevoir toute la lumière collectée par lemiroir. Le diamètre P de l’anneau oculaire est égal au diamètre libre du miroir divisépar le grossissement ; d’où un moyen commode de mesurer expérimentalement legrossissement G = D/P.

La mesure de D est facile, celle de P plus délicate parce que la pupille peutdescendre à un diamètre de quelques dixièmes de millimètre seulement si l'oculaireest fort. Si l'interpolation au dixième d’un réglet finement divisé en millimètres paraitinsuffisante le mieux est d'utiliser un dynamètre, petit appareil imaginé par Ramsdenet composé d'une division sur verre en dixième de millimètre (acheter un micromètreoculaire de microscope) visée par un oculaire positif c'est-à-dire dont le plan objet estaccessible. L’on met d’abord l’oculaire au point sur la division puis l’ensemble aupoint sur l’anneau oculaire

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et l’on apprécie les centièmes. Naturellement si l’anneau oculaire dépasse lediamètre de la pupille de l’œil cette dernière diaphragme le miroir. Dans l'obscuritécomplète la pupille de l’œil atteint 8 millimètres mais en pratique il ne faut guèreescompter dépasser utilement 7. Un télescope à f / 6 ne devra donc pas recevoird'oculaires de 1ongueur focale supérieure à 6 x 7 = 42 mm. Si la recherche d'astrestrès faibles tels que les nébuleuses ou une comète justifient ces grossissements trèsfaibles il ne faut pas oublier que les défauts cornéens sont énormes et que l’œil nepeut être considéré comme un instrument parfait qu'avec une pupille ne dépassantpas 0,6 millimètre, disons à la rigueur un millimètre au maximum.

Pour formuler un jugement comparatif sur des types d’oculaires, il faut nonseulement disposer d'un objectif irréprochable et d’un œil normal, mais spécifier s'ily a lieu les propriétés hors de l'axe de l'objectif et surtout ne pas oublier dementionner l’ouverture du faisceau et le diamètre pupillaire instrumental. Suivantles valeurs de ces deux paramètres, les défauts des trois organes en présence :objectif, oculaire, œil, joueront un rôle relatif plus ou moins important. Par exemple,si nous associons un objectif à f / 15 avec un oculaire assez fort pour donner unepupille de sortie ne dépassant pas 6/10 de millimètre, nous pourrons juger la valeurde l'objectif sans nous inquiéter des défauts de l'oculaire, ni de ceux de l’œil. Avecun objectif à f / 6 et une pupille de moins de 6/10 de millimètre, les défauts de l’œilne sont toujours pas gênants, mais ceux de l'oculaire peuvent l’être ; on doit prendreun oculaire bien corrigé.

Toujours avec notre miroir à f / 6 pour interpréter la qualité de l'image obtenueavec un faible grossissement donnant une pupille d'environ 6 millimètres, il faudrapenser non seulement aux défauts de l'oculaire, mais à ceux de l’œil qui jouerontcette fois un rôle plus important que les petites aberrations résiduelles sur l'axeprésentées par l'objectif. Enfin, dans ce dernier cas (faisceau à f / 6 ; pupille de 6millimètres), apprécier la qualité des images au bord du champ n'a pour ainsi dire pasde sens car les défauts de 1'œil interviennent de façon variable, pratiquement nonreproductible : en mettant les choses au mieux, l’anneau oculaire coïncide avec lapupille de l’œil ; ce dernier, pour observer un objet au bord du champ, tourne dansson orbite autour d’un centre notablement plus en arrière. Il en résulte unediaphragmation en œil de chat, dissymétrique par rapport à la région axiale de lacornée qui, seule, possède une qualité optique suffisante.

Nous ne pouvons insister, mais ceci suffit pour comprendre la valeur très relativedes renseignements que nous donnons plus loin, obtenus avec un grand nombred'oculaires de fabrication différente qui n’exploitent pas toujours les possibilités de laformule à cause des imperfections d'exécution.

La question des oculaires est importante, difficile et elle n'a pas trouvé de réponsesatisfaisante dans tous les cas.

96. Les principaux types d'oculaires. - La figure 104 donne les proportions,échelle grandeur, de différents types d’oculaires de 17 millimètres environ delongueur focale (sauf les oculaires à grand champ qui ne sont pas à l'échelle). Le sensde traversée par la lumière est de gauche à droite, les plans principaux sont figurés :du côté foyer objet par le gros pointillé qui indique le plan du diaphragme de champet du côté foyer image par la pupille de sortie ou anneau

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Fig. 104. – Les principaux types d’oculaires.

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oculaire qui doit si possible coïncider avec la pupille de l’œil ; l’œilleton matériel del’oculaire devrait donc se trouver 7 ou 8 millimètres plus près de la lentille d’œil, cequi n'est réalisable qu'avec certains types d'oculaires pas trop forts.

1. Oculaire d’Huygens. - La combinaison s’énonce 4-3-2 (Huygens) ou 3-2-1(Dollond). Ces chiffres correspondent respectivement à la longueur focale du verrede champ, à l'écartement des deux lentilles et à la longueur focale du verre d’œil. Lalongueur focale résultante vaut 8/3 dans le premier cas et 3/2 dans le second. Pources proportions l'achromatisme de grandeur est réalisé. Le diaphragme de champ estordinairement ouvert à 45°. Les reflets sont larges, pâles et non gênants. Le grosdéfaut du système c'est une forte aberration de sphéricité qui devient désastreuseavec l’ouverture relative de f / 8 ou / 6 de nos télescopes. A f / 6 et une pupille desortie de 3 millimètres,

Fig. 105. – Montures simples pour oculaires économiques.

les résultats sont franchement ignobles, le moindre déplacement de l’œil par rapportà l’axe produit des aigrettes intolérables. Cet oculaire est malheureusement le plusrépandu. Si la question budgétaire impose l’usage d’oculaires de ce type que l’onpossède déjà, on n’oubliera pas que les résultats les moins mauvais seront obtenusavec des forts grossissements correspondant à des pupilles de moins de 1 millimètre.

2. Oculaire de Ramsden. – Symbole 1-1-1 ; la longueur focale résultante vautégalement l'unité ; mais généralement on préfère rapprocher un peu les verres pouréviter l'accommodation sur les défauts et les poussières de la lentille de champ. Dansce cas l’achromatisme de grandeur n'est plus tout à fait réalisé ; il y a une frangerouge intérieure qui borde les étoiles observées au bord du champ qu'on limitesouvent à 30°. Cette propriété est parfois mise à profit pour compenser la dispersionatmosphérique par un excentrement convenable de l'astre observé. L'aberration desphéricité n'est guère que 1/8 de celle de Huygens et sans être parfaits, les résultatsavec les faisceaux à f / 6, et surtout à f / 8, sont acceptables. Ceci est particulièrementintéressant pour l’emploi en association à une lentille de Barlow. La construction decet oculaire est facile et peu onéreuse ; les caractéristiques des lentilles figurent

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sur la planche 104-2 (1). La figure l05 A donne une version de monture simplifiéen'exigeant pas de tour avec dispositif de filetage. C'est l'oculaire de l'amateur peufortuné, déconseillé à f / 6 si la pupille dépasse 2 millimètres.

3. Oculaire de Tolles. - Lentille épaisse unique. Très supérieur au Huygens aupoint de vue de l'aberration sphérique et de la tolérance de centrage de l’œil. Facile àmonter. Pas de reflet gênant. Courbure de champ énorme limitant pratiquement lechamp à 12°, ce qui est une forte contre-indication pour les appareils montés enazimutal. Rayon de courbure de la face d’œil très court (un tiers de la longueurfocale), d'où réalisation difficile en courtes focales nécessaires avec les télescopes àf / 6.

4. Oculaire de Hastings. - Dérivé du Tolles, bonne correction chromatique,courbure de champ notable, distorsion très rapidement croissante au delà de 25° dechamp total.

5. Oculaire monocentrique. - Dû à Steinheil qui en a donné plusieurs formules.Très bonne correction chromatique. La courbure de champ ne permet guère dedépasser utilement 25°. Excellent oculaire pour l'observation planétaire, mais n'estd'un emploi pratique que si l'instrument est monté équatorialement.

6. Loupe triple. - Due à Steinheil. Très bonne correction chromatique. Aberrationde sphéricité très faible ; avec un faisceau à f / 6, les images sont parfaites sur l'axemême avec une pupille atteignant 4 millimètres ; l'astigmatisme et la courbure dechamp ne sont gênants que pour un champ de plus de 30°. Pas de reflet perceptible.Les plans principaux sont très éloignés des lentilles. C'est le meilleur des oculairesn'ayant que deux surfaces air verre. Notons que cette formule est très souvent,utilisée pour faire des loupes de bonne qualité, souvent qualifiées d’aplanétiques ouantidistortiques, que l’on peut acquérir de façon relativement avantageuse. Le foyerde la loupe est égal en principe au quotient de 250 millimètres par le grossissementindiqué sur la monture. Il faut toujours vérifier avant achat et sortir la lentille de lamonture pour s'assurer de la présence du joint de collage médian caractéristique de laloupe de Steinheil ; beaucoup d'articles extérieurement similaires sont constitués pardes lentilles simples séparées. La figure 105 B donne un exemple de montage d’uneloupe d'environ 10 millimètres de longueur focale.

7. Oculaire de Kellner. - Très bonne correction chromatique. Images parfaites surl'axe avec faisceau à f / 6 et pupille de 3 millimètres. Astigmatisme et courbure dechamp notables. Malgré cela l'ouverture de champ est généralement poussée à plusde 40°. Très souvent employé dans les jumelles à prismes et lunettes de l’armée (lemarché de l'occasion permet de trouver à bon compte les focales de 16 à 24millimètres). Il y en a beaucoup de variantes qui sont toutes affectées d’un petit reflettrès brillant, souvent gênant.

8. Oculaire orthoscopique. - Un des plus importants en astronomie et des mieuxcorrigés, théoriquement au moins. Ceux que nous avons pu essayer, de quatremarques différentes, sont bien corrigés sur l'axe, mais laissent voir au bord d’unchamp de 40 à 45° un astigmatisme et une courbure de champ notables aussi bienavec un faisceau à f / 20 qu'avec un à f / 6 ; et ceci pour des

(1) La longueur focale de l’exemple est de 8,4 mm, et non 10 millimètres comme indiqué sur la figure.

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pupilles comprises entre 1 et 4 millimètres. Les plus mauvais montrent une coma etune inégalité chromatique sensible qui ne peuvent être attribuées qu’à une faute deconstruction.

Les reflets nombreux de cet oculaire sont très larges et pâles et ne sontpratiquement jamais gênants. Les plans principaux sont très éloignés des lentilles.C'est l'oculaire type à employer avec nos télescopes ouverts à f / 8 et f / 6, certainsconstructeurs en fabriquent des séries très étendues. Nous en avons calculé une sériespéciale pour le télescope standard, très bien corrigée de l'inégalité chromatiquementionnée plus haut.

9. Oculaire de Plössl. - Après la première édition de ce livre nous avons puintéresser un constructeur (1) à la réalisation en série de cet oculaire très bien corrigédont nous avions calculé une série très complète (voir § 98). Une longue étudecomparative des résultats des Plössl et des orthoscopiques dans les conditions quinous intéressent (miroir de 200 à f / d = 7) donne les résultats suivants :

Achromatisme : parfait pour le Plössl comme pour l'ortho, quand ce dernier estbien réussi, le bord du champ et les étoiles sont exempts du toute irisation.Correction sphérique sur l’axe : pas d'aberration décelable pour l’œil dans les deuxcas, même avec l'oculaire le plus faible. Astigmatisme : avec l'oculaire f = 25 devientperceptible sûrement à 15° du centre du champ du Plössl, équivalent à celui del'ortho au bord du champ de ce dernier (19°), reste modéré au bord du champ duPlössl (26°) ; l'évaluation de ce défaut est visuellement très subjective, les menusdéfauts cornéens (non décelables par les méthodes ophtalmologiques courantes)jouent un rôle au moins aussi grand que les résidus propres aux oculaires quand lapupille dépasse 3 millimètres de diamètre. Courbure de champ : bien corrigée pourle Plössl. Reflets : un astre brillant hors de l'axe du Plössl donne un reflet petit etassez clair. Pour 1'observation planétaire, il est recommandé de ne pas laisser l'astreexactement centré afin d’éviter la superposition du reflet qui pourrait nuire auxfaibles contrastes ; ce reflet est moins grave que ceux de l'oculaire de Kellner maisplus gênant que ceux de l'orthoscopique normal : cet inconvénient peut être éliminépar un traitement anti-reflet dur, possible sur des petits verres. Dégagement des plansprincipaux : foyer objet et point d’œil à 0,73 de la focale par rapport aux facesextérieures des verres, ce qui est avantageux pour viser un objet matériel (réticule) etplacer la pupille effectivement au cercle oculaire des oculaires les plus forts ;l'orthoscopique donne des dégagements équivalents.

En résumé les Plössl comparés aux orthoscopiques présentent l'avantage duchamp plus étendu et l'inconvénient du reflet plus gênant s'ils ne sont pas traités.

D'autre part la réalisation industrielle des Plössl est plus facile que celle desorthoscopiques. Les courbures sont un peu moins prononcées pour une longueurfocale donnée et surtout le double collage précaire du verre triple est évité. Enfin lesverres du Plössl : flint dense et baryum crown sont moins hygroscopiques que le flintbaryte de l’ortho qui nécessite des essuyages fréquents.

Oculaires à grand champ. - Nous ne les mentionnons qu’à titre d'indication etleur emploi exige un porte-oculaire à coulant de grand diamètre. Ce n'est que

(1) Ets CLAVE, 9, rue Olivier Métra, Paris 10è.

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pour certaines recherches avec des télescopes à champ riche (R. F. T.), munis d’ungrossissement équipupillaire (6 à 7 millimètres de pupille) et généralement trèsouverts (f / 4 ou f / 5), qu'il faut un oculaire à grand champ très bien corrigé et quela complication inévitable de la combinaison peut payer. Pour la grandeur du champmaximum intéressant, les avis sont partagés ; un champ de plus de 60° impose àl’œil, qui veut fixer un détail au bord, une gymnastique peu ordinaire, mais c'est àl'observateur de décider. Il suffit qu’un chercheur de comète perçoive, même trèsimparfaitement et sans la fixer, une faible nébulosité, pour qu'il l’amène ensuite aumilieu du champ.

10. Oculaire de Erfle. - Dérivé du Kellner, le verre d'œil est dédoublé ; dans lesmeilleures variantes l'astigmatisme est déjà très important au bord d’un champ de65°.

11. Oculaire avec lentille asphérique. - La déformation d’une surface donne despossibilités extraordinaires pour la correction de la distorsion et de l’astigmatismequi ne sont pas plus prononcés dans un champ apparent énorme de 90° qu'avecl'oculaire de Erfle dans un champ de 60°. La réalisation industrielle est extrêmementdifficile et peu satisfaisante en raison de la déformation très grande de la surfacecorrectrice.

12. Oculaire de Bertele. - On atteint un champ de 80° rien qu'avec des facessphériques, mais l'épaisseur du verre de champ est comparable à la longueur focalede l'ensemble et les huit surfaces air-verre exigent un traitement anti-reflet efficacepour toute application astronomique, M. Paul, en nous signalant cet oculaire,mentionne la possibilité intéressante de corriger la coma très importante avec lesmiroirs très ouverts (f / 4) à 1° de l'axe.

97. La lentille de Barlow. - C'est une lentille concave que l’on interpose à unedistance convenable D du plan focal F de l'objectif (fig. 106). Le faisceau

Fig. 106. – Interposition d’une lentille concave dans un faisceau.

émergent converge alors en F1, son ouverture est moindre que celle du faisceauprimaire. Appelons E la distance de la lentille à l'image résultante F1. Legrossissement γ de l'image dû à la lentille, qui agit comme un secondaire convexe deCassegrain, est γ = E/D. Si la longueur focale de notre Barlow est f ce grossissementcorrespondra à un tirage E = f (γ - 1).

Comme nous pouvons choisir une lentille assez petite et de courte longueurfocale f sans sacrifier le champ des oculaires ordinaires il est possible ainsi

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d’allonger beaucoup la longueur focale d'un instrument au prix d’une modificationminime de la partie oculaire et pratiquement sans augmentation d’encombrement. Untube oculaire extensible permettrait même un grossissement variable de manièrecontinue avec un seul oculaire mais il faut songer aux aberrations du système. Lechromatisme d’une lentille simple ne sera désirable qu’en association à un objectifréfracteur sous-corrigé : une lentille achromatique et corrigée de l'aberration desphéricité est indispensable pour l'emploi sur un télescope. Maurice Paul a donné uneformule (1) qui corrige en outre la coma du miroir pour des faisceaux ne dépassantpas F / D = 5 ; c'est un doublet aplanétique de Clairaut collé dont nous avonsdemandé la fabrication en série dès 1955 à la maison Clavé. Cette lentille de 25millimètres, ouverture

Fig. 107. – Montage de la lentille de Barlow standard.

libre 23 se monte à glissement dans un tube porte-oculaire 27 x 29 légèrement pluslong que le standard (fig. 107) ; la distance E est égale à la longueur focale de 113millimètres de la lentille, le grossissement fixe γ est donc sensiblement de 2 pourtous les oculaires associés. L’ensemble se met au point absolument comme uncoulant classique à simple oculaire. Pour respecter la parfaite correction sphérique dela lentille il faut s'en tenir à ce tirage et ce grossissement de 2 mais l'expériencemontre que pour les applications photographiques en particulier l’on peut porter γ à 4environ sans inconvénient grave.

L’emploi d'une lentille de Barlow est spécialement intéressant avec les télescopesnewtoniens d’ouverture relative F / D comprise entre 5 et 8, voici pourquoi :

1° L’oculaire ne reçoit plus qu'un faisceau deux fois moins ouvert et travaillealors dans des conditions beaucoup plus favorables ; l'excellente correction de Plösslou des orthoscopiques reste naturellement avantageuse mais un simple Ramsdendevient très acceptable sur un télescope à f / 7 porté à f / 14 par la Barlow. Lacorrection de la coma extra-axiale du paraboloïde est également bénéfique pour lesimages au bord du champ des oculaires un peu faibles.

2° Un grossissement donné s'obtient par un oculaire de longueur

(1) Systèmes correcteurs pour réflecteurs astronomiques, Revue d’optique, t. 14, n° 5, mai 1935, p.188.

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focale double ce qui est très avantageux pour les forts grossissements. En effet lesoculaires très forts (f = 3 à 5) outre une bonne qualité de fabrication nécessitent desprécautions qui en rendent l'emploi peu agréable. L’œil doit être bien centré et trèsprès du verre d’œil si l'on veut profiter du champ entier mais alors le battement descils souille la lentille d'œil minuscule qu'il faut

Fig. 108 A, B et C – Centrage d’un porte-oculaire à lentille de Barlow.

maintenir d’une propreté méticuleuse. 3° Instantanément l’on dispose à volonté dedeux télescopes ; sans Barlow le Newton classique qui reste avantageux pour lesfaibles grossissements et grandes pupilles nécessaires pour l'observation desnébuleuses et comètes, avec Barlow le Newton est comparable à un Cassegrain ettout indiqué pour l'observation planétaire et les dédoublements de couples serrés. 4°La Barlow ne coûte que la moitié du prix d'un oculaire de Plössl et double le nombrede grossissements disponibles avec une série d'oculaires donnée. Nous examinons §98 les combinaisons intéressantes.

Les inconvénients sont mineurs : le traitement anti-reflet dur appliqué en

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série pour les deux faces de la lentille réduit les pertes par réflexion à une valeurpratiquement négligeable. Il faut éviter les aberrations de décentrage éventuelles dela Barlow par un réglage spécial plus soigné du porte-oculaire. La figure 108 Amontre un défaut très exagéré de mise en place de la bride porte-oculaire, le centragede l'instrument est possible, l'oculaire O, bien corrigé pouvant être légèrement inclinésur l'axe sans inconvénient ; au contraire, le défaut ne passera pas inaperçu avec laBarlow B sensiblement décentrée. Sur la figure 108 B, on a remédié à l'inconvénientpar inclinaison du porte-oculaire, ce qui est plus facile qu'une recherche partâtonnement de la position correcte de la bride (accompagnée à chaque fois dudéréglage du miroir plan).

L'inclinaison peut s'obtenir grâce à un jeu de 6 vis poussant, tirant, prenant pointsd'appui sur une bride supplémentaire (fig. 108 C) ou plus simplement en calant sousla bride ordinaire (fig. l08 B). Le parallélisme du tube oculaire avec l'axe peut sevérifier aisément en enlevant l’optique oculaire, provisoirement remplacée par deuxdiaphragmes de 2 à 3 millimètres de diamètre disposés aux deux extrémités du tubede la Barlow (fig. 108 B). Le télescope étant centré au préalable de la manièrehabituelle (voir § 119), on place l’œil près de l’œilleton et, si le diaphragme de l'autreextrémité a un diamètre bien choisi, il encadre l'image de l'ombre du plan diagonalquand le tube porte-oculaire est bien parallèle à l'axe ; autrement on agit sur les visou les cales d'inclinaison ; dans le cas d’une inclinaison notable, il pourrait être utilede revenir en seconde approximation sur l'inclinaison du grand miroir, l'observationd’une étoile à fort grossissement sans Barlow dirigerait ce réglage.

98. Série standard d'oculaires de Plössl. - Les oculaires de longueur focale 3 à25 se montent à glissement dans le porte-oculaire standard de diamètre intérieur 27millimètres. Cette standardisation à 27 rend possible l'usage des oculaires de Manentcomprenant notamment une belle série d’orthoscopiques que l'on trouve encorefréquemment chez les amateurs. Les montures de ces oculaires standard sont conçuespour réduire autant que possible les courses de remise au foyer après chaquechangement d'oculaire (fig. l09) entre le 3 et le 25 le dépointage ne dépasse pas 12millimètres.

Pour les faibles grossissements en Cassegrain il fallut créer une seconde normede coulant pour pouvoir conserver un champ intéressant, ces grands oculaires de 40,55, et 75 millimètres se glissent dans un coulant de 50 millimètres de diamètreintérieur (fig. 110). Leur emploi n’est pas prévu normalement sur les Newton,cependant le constructeur Clavé a réalisé une monture à mise au point par cabestanrecevant les deux coulants et permettant ainsi aux spécialistes en objets très pâlesd'adopter en Newton le plus faible grossissement possible sous réserve égalementd'un miroir plan correctement dimensionné (voir § 5). Autant que possible il fautpréférer les Plössl traités anti-reflet sur les quatre faces air-verre ce qui élimine leseul inconvénient de la combinaison comparée à l’orthoscopique. Le tableau (page192) donne les grossissements ; les diamètres d’anneaux oculaires ou pupille desortie en millimètres ; les champs en minutes d’arc obtenus en montant ces oculairessur quatre instruments d’amateurs : un standard de 200 à f / 6, f = 1 200 ; un standardde 200 à f / 8, f = 1 600 ; un Cassegrain ou une lunette de 200 à f / 15, f = 3 000 ; unCassegrain de 250 à f / 20, f = 5 000.

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Fig. 109. – Oculaire de Plössl pour télescope standard.

Fig. 110. – Oculaire de Plössl pour télescope Cassegrain.

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Naturellement, il n'est pas nécessaire, avec un instrument donné, de posséder lasérie complète, la plus riche croyons-nous disponible sur le marché mondial. Lasélection de quelques grossissements régulièrement étagés serait une autre erreur. Ilfaut choisir les grossissements réellement utiles sans oublier le dédoublementapporté par la lentille de Barlow extrêmement avantageuse pour les standards. Unéquipement sommaire doit comprendre toujours l'oculaire le plus faible se montantdans le coulant disponible, c'est-à-dire le 25 millimètres pour le standard. Cetoculaire est indispensable à cause de son champ permettant de reconnaître et centrerl'objet et la pupille sera souvent suffisante pour l'étude des objets faibles :nébuleuses, comètes, lumière cendrée. Ensuite il faut un oculaire de travail donnantune bonne exploitation de l'instrument par l’œil donc pupille un peu inférieure à 1millimètre et G voisin de 250 sur un 200 ; c'est l'oculaire permettant une bonne étudedes surfaces planétaires. La turbulence est un obstacle variable qui rend utile unéquipement plus complet pour encadrer par échelons plus ou moins serrés cettevaleur ; naturellement l'instrument puissant dont on espère quand même de bonnesimages avec pupille 0,8 ou 0,6 millimètres devra être équipé d'une série degrossissements intermédiaires adaptés aux circonstances. Avant d'entreprendre undessin planétaire le choix empirique du grossissement ne comporte cependant quepeu de tâtonnements, une valeur trop faible ou trop forte de 30 ou 40 vers 250 ou 300se traduit souvent par une perte bien décelable dans la vision des détails peucontrastés.

Les grossissements de 70 à 150 sont peu intéressants sur des télescopes d’environ200 d’ouverture sauf pour les variabilistes qui ont besoin d'un champ suffisant pourvoir les étoiles de comparaison mais doivent cependant éviter les plus grandespupilles qui pourraient créer de grosses erreurs en vision oblique. Les fortsgrossissements correspondent aux pupilles de 0,5 millimètre et moins ; il n'est jamaisutile de descendre à moins de 0,3 la clarté de l'image n'est plus suffisante pour laperception des demi-tons planétaires et pour des ouvertures de 200 et plus laturbulence constituera très souvent un obstacle sérieux ; ces grossissements sontsurtout utiles pour une bonne perception du faux disque stellaire nécessaire dans lecas d'un centrage soigné (§ 119) et pour le dédoublement et la mesure des couplesserrés.

En résumé voici quelques exemples d'équipements de base rationnels à modifiersuivant spécialisation éventuelle :

I° Télescope standard 200, f /6 ; une lentille de Barlow ; un Plössl f = 25 (G = 48et 96) ; un f = 5 (G = 240 et 480) ; oculaires complémentaires : f = 6 (G = 200 et 400)et f = 4 (G = 300 et 600).

2° Télescope standard 200, f /8 ; une lentille de Barlow ; un Plössl f = 25 (G = 64et 128 ; un f = 6 (G = 267 et 534) ; un f = 8 (G = 200 et 400).

3° Télescope Cassegrain ou lunette 200 à f /15 ; un Plössl coulant 50, f = 75 (G =40) ; Plössl coulant de 27 : f = 16 (G = 188) ; f = 12 (G = 250) ; f = 10 (G = 300) ; f =8 (G = 375) ; f = 6 (G = 500).

4° Télescope Cassegrain 250, f /20 ; un Plössl coulant 50, f = 75 (G = 67) ; Plösslcoulant de 27 : f = 25 (G = 200) ; f = 20 (G = 250) ; f = 16 (G = 313) ; f = 12 (G =417) ; f = 10 (G = 500) ; f = 8 (G = 626).

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5° Télescope Cassegrain 300, f /50 : instrument très spécialisé à faibleobstruction pour les planètes ; Plössl coulant 50, f = 75 (G = 200) ; f = 55 (G = 273) ;f = 40 (G = 375) ; Plössl coulant de 27 : f = 25 (G = 600). Pour ce dernier instrumentla série des Plössl est encore trop pauvre il faudrait en plus un f = 62 (G = 242), un f= 45 (G = 323), un f = 35 (G = 429) et un f = 30 (G = 500).

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CHAPITRE XII

LES MONTURES ÉQUATORIALES

99. Généralités. - A l'équateur céleste le mouvement diurne dépointe un astre de15 minutes d'arc en une seule minute de temps ; or, même dans un Plössl de champapparent 45° le champ réel descend à 13' si le grossissement

Fig. 111. – principe de l’équatorial.

atteint 200. Centrer l'objet, mettre au point, attendre l'amortissement des vibrations ;il ne reste guère qu’une quinzaine de secondes pour l’observation proprement ditecar malheur à celui qui laisse filer l'objet hors du champ d'un azimutal, il y a deuxmouvements indépendants à manœuvrer pour repointer ; le recours au chercheur estalors indispensable. Il faut beaucoup de courage

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pour entreprendre un dessin planétaire dans ces conditions ; par ailleurs laphotographie au plan focal même sans prétentions spéciales est limitée à un temps depose d’une fraction de seconde ; l'on comprend que sans être particulièrementambitieux l'usager d’un 200 millimètres souhaite vite être affranchi de ces ennuis quideviennent presque intolérables aux grossissements de 400 et plus.

Ce sont surtout des raisons pratiques - facilités et économie de construction,transportabilité - qui justifient la monture azimutale, nous allons voir toute unecascade de complications surgir en voulant nous en affranchir.

Théoriquement une monture équatoriale est simple (fig. 111), il suffit d’inclinerun azimutal ordinaire ; l'axe azimutal, primitivement vertical, doit faire un angle avecl'horizon égal à la latitude du lieu et doit être orienté dans le plan du méridien, côtéhaut vers le Nord dans notre hémisphère. Bref l’on pointe cet axe vers le pôle d’oùson nom d’axe polaire, il est donc parallèle à l'axe de rotation de la terre et il suffitde le faire tourner en sens contraire à raison de un tour en un jour sidéral pourimmobiliser tout le champ en bloc par rapport à l'instrument. L’autre axe de lamonture, orthogonal à l'axe polaire, s'appelle l'axe de déclinaison ; il ne sert qu'apointer l'objet au début de l'observation mais n'est plus décalé pendant l'observation,si l'équatorial est bien réglé.

En pratique les complications surgissent car les nouvelles possibilités del'instrument entraînent de nouvelles exigences de l'usager. Un entraînement horaireprécis est vite jugé indispensable ; puis des cercles divisés, bien commodes pourcaler un objet faible ; enfin la photographie à longue pose fait découvrir un monde desubtilités et impose un beau jour la reconstruction de tout l'instrument. Au débutl'importance de la rigidité de la monture de la douceur et de la précision del'entraînement horaire sont toujours sous-estimées. Ces difficultés ne sont nullementliées au principe de l'équatorial, l'on n'en serait pas affranchi en transportant unazimutal au pôle pour éviter des modifications mécaniques. Il existe d'ingénieusessolutions pour coordonner mécaniquement les mouvements d'un azimutal et éviterl'équatorial jugé trop coûteux. Ces palliatifs n'ont qu'un faible intérêt pratique : ilssont plus compliqués, plus fastidieux à régler, plus difficiles à réaliser à précisionégale qu'un équatorial et finalement ne peuvent compenser la rotation du champrédhibitoire pour les longues poses.

Ce n'est pas tout, le lourd équatorial supposé mis en station à une précision enrapport avec ses possibilités devient un objet pratiquement intransportable ; plusquestion de rechercher le petit coin de jardin, de terrasse, voire de simple fenêtredégagé du bon côté il faut disposer d’un terrain où la visibilité est bonne dans toutesles directions, couler des fondations en béton, bâtir un abri à toit mobile, sinon unevéritable coupole ; l'on se contente parfois, faute de mieux, d’une terrasse ou d’ungrenier aménagé mais finalement c'est un véritable observatoire qui s'avèrenécessaire pour jouir pleinement d'un équatorial.

Beaucoup de collègues ne se rebutent pas pour autant ; cependant les questionsposées, les hésitations, les erreurs commises, souvent faciles à éviter, montrentl'utilité d’un examen critique d’un certain nombre de solutions intéressantes. Nous necroyons pas à l'équatorial standard dont les plans détaillés

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seraient suivis par de nombreux amateurs. Les professions, les habitudes, les moyensd'usinage disponibles sont trop variables.

L’employé de bureau dispose rarement d’un atelier suffisamment équipé, ilrecherchera des éléments de machines adaptables et une aide extérieure ; lemenuisier ou le charpentier voudront des plans de pièces en bois tandis que levirtuose du chalumeau s'intéressera à une construction élégante en tôle soudée et lesplus favorisés ne reculeront pas devant les travaux de modelage mécanique etd'usinage rendus nécessaires par les grandes pièces de fonderies qui seules donnentde bonnes garanties de rigidité pour certains types de montures. S'il n'est pas possiblede donner à tous des plans adaptés à leurs moyens et leurs ambitions il est utile dediscuter les principaux types d'équatoriaux en tenant compte de ces éléments ; desexemples assez nombreux d'instruments effectivement construits par des collèguesmontreront l'importance de l'initiative personnelle.

100. Principaux types de montures équatoriales. - Les lettres A, B, C...renvoient à la figure 111 où les axes de déclinaison sont désignés par axe δ et lesaxes polaires par axe α :

A. Monture à berceau ou anglaise. - Cette monture est due à RAMSDEN (1791),l’instrument est supporté dans un cadre fermé ou berceau ; la charge est donccomprise entre les tourillons de l'axe polaire comme de l'axe de déclinaison, toutporte-à-faux est exclu, avantage décisif pour la rigidité de la monture qui devrait êtrele premier souci de tout constructeur. Ceci entraîne un autre avantage : des tourillonsd'assez faibles diamètres donc des frottements réduits favorables à un entraînementdoux et précis. L'équilibrage d’un équatorial consiste à placer le centre de gravité del'équipage mobile à l'intersection des axes ou, à défaut dans le cas d'une monturedéportée (B), traiter séparément deux centres de gravité par rapport à chacun desdeux axes ; ceci est réalisable ici sans contrepoids principal, donc sans surchargetoujours indésirable du point de vue des flexions et vibrations.

La rigidité, en quelque sorte naturelle, de l'équatorial à berceau rend possible saréalisation par des moyens rustiques ou de fortune sans trop d’inconvénients (§ 102).Des erreurs grossières dans les dimensions des pièces ou un fini mécanique plus quemédiocre n’entraîneront pas forcément une catastrophe comme dans le cas d'unemonture allemande ou une monture à fourche par exemple. Voyons maintenant lesinconvénients. D'abord l'encombrement beaucoup plus important qui rend à peu prèsinévitable une installation fixe dans un terrain suffisant. Les deux piliers Nord et Sudsont parfois métalliques (fig. 117) et logeables dans un grenier (fig. 116) mais lamaçonnerie : béton armé ou brique est moins chère et donne une stabilité meilleure.Ensuite la monture à berceau ne permet pas de pointer le pôle et ses environs à causede la traverse nord du cadre et son palier. Cet inconvénient est de faible poids pourdes travaux d'amateurs ; nous serions curieux de savoir combien de fois ceux qui ontrejeté le berceau pour cette raison ont fait des travaux sur la séquence polaire ou lesrares objets notables de très hautes déclinaisons ? Tous les amateurs connaissent lamonture à berceau très particulière du télescope de 5 mètres du mont Palomar ; latraverse nord y est remplacé par un énorme fer à cheval capable de recevoir letélescope pointé au pôle. A l'époque d'utilisation du

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Fig. 112. – Principaux types de montures équatoriales.

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2,50 m du Mont Wilson, pourvu d'une monture à berceau ordinaire, l'on s’était plaintde l'impossibilité de pointer la séquence polaire ; actuellement il n'est pas certain quecet argument l'emporterait pour choisir la solution ruineuse du fer à cheval, lesséquences modernes très poussées sont plutôt prises dans des champs d'amasglobulaires tels M 3 ou M 13. Le fer à cheval est non seulement très coûteux mais ilaffaiblit beaucoup le berceau et nous parait tout à fait injustifié dans une réalisationd'amateur, il faut vraiment avoir envie de posséder son petit Palomar personnel pourl'adopter.

B. Monture à berceau déporté. - Le pointage du pôle est possible grâce à unberceau spécial dont les paliers de déclinaison sont suffisamment excentrés. Cettedisposition ne comporte pas de difficulté de réalisation, les paliers de déclinaisonsont même plus faciles à monter. Les avantages essentiels du berceau fermésubsistent mais des contrepoids P sont inévitables pour l'équilibrage par rapport àl'axe polaire ; ce n'est pas un inconvénient très grave car la rigidité du berceau peutêtre assez grande malgré une charge sensiblement double. La figure 119 donne unevariante de ce montage comportant deux télescopes qui s'équilibrent cette fois parrapport à l'axe de déclinaison resté dans l'axe du berceau.

C. Monture anglaise simple. - Due à Sisson (1760). L'axe polaire est une poutredont les deux extrémités, usinées en forme de tourillons, reposent comme un berceausur des paliers Nord et Sud. l'axe de déclinaison perpendiculaire est porté par sespaliers dans l'axe de la poutre et non loin du milieu en général. Il n'y a pas de porte-à-faux sur l'axe polaire mais le télescope est en porte-à-faux sur l'axe de déclinaison :cela nécessite un montage mécanique bien conçu et exécuté. Un contrepoids endéclinaison P est nécessaire, il ne constituera pas un vibrateur trop gênant s'il estsupporté par une robuste console conique au lieu d'être simplement enfilé surl'extrémité de l'axe de déclinaison. Cet équatorial, comme la monture à berceau,permet de suivre sans difficulté un objet de part et d’autres du méridien, il convientaussi bien pour un Newton que pour un Cassegrain ou un réfracteur, ce n'est qu’unequestion de hauteur de piliers. En général un objet peut être pointé dans deuxpositions du télescope : à l’Est ou à l’Ouest par rapport à l'axe polaire aprèsretournement de 180° dans les deux sens. Ce genre d'équatorial se prête encore assezbien à une réalisation d'amateur modestement outillé (fig. 120 et 121).

D. Monture allemande. - Conçue et construite dès 1815 par Fraunhofer pour deshéliomètres, puis la lunette de 240 de l’équatorial de Dorpat (1824) rendu célèbre parles mesures d'étoiles doubles de W. Struve. L'extrémité de l'axe horaire est chargéepar une pièce portant les paliers de déclinaison. L'extrémité de l’axe de déclinaisonporte l’instrument. Ce double porte-à-faux est très défavorable à la rigidité et lecontrepoids P à 1'extrémité de l'axe de déclinaison n'est pas fait pour faciliterl'amortissement des vibrations. Pour réduire le contrepoids et les flexions de la pièceporte-paliers de déclinaison, il est avantageux de rapprocher le plus possiblel'instrument de l'axe horaire mais l’on réduit un même temps le diamètre du cercled’entraînement donc la précision du mouvement. La monture allemande, destinée àl’origine à des réfracteurs visuels, a un autre inconvénient irritant : pour certainesdéclinaisons positives, l’instrument ne passe pas le méridien sans venir buter

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rapidement sur le pilier, visuellement ce n'est pas très grave, il suffit de procéder auretournement et de reprendre l'objet dans la seconde position possible mais cetteopération est inadmissible au cours d'une longue pose photographique car la plaqueserait, elle aussi, retournée de 180° par rapport au champ. En pratique l'on ne peutréduire suffisamment la section du pilier, il faut recourir à une colonne coudée quisera toujours une source de vibrations très délicates à amortir, il vaut mieux rejeter lamonture allemande pour les photographies à longue pose. Malgré tous ces défautscette monture est probablement la plus populaire, même chez les possesseurs detélescopes newtoniens, cela peut s'expliquer par un certain conformisme et peut-êtreune relative facilité d’improvisation à partir de machines existantes telle une poupéede tour comme bâti et axe horaire (fig. 124) ce sont presque toujours des pis aller quinécessitent à titre de compensation beaucoup d'habileté et de patience de la part del'usager.

E. Monture à fourche. - Cette solution élégante présente deux points faiblesévidents : le porte-à-faux énorme sur l'extrémité de l'axe polaire qui nécessite unetrès forte section au palier Nord ; la fourche elle-même dont une bonne rigidité nesera obtenue que par une solution coûteuse. En contrepartie il n'y a pas decontrepoids ni de nécessité de retournement et de plus l'encombrement est réduitcela est particulièrement avantageux dans une installation demi-fixe (fig. 125 et 129).Le cas le plus favorable est le montage d’un newtonien assez modeste : 200 ou 250d'ouverture dont le centre de gravité est relativement proche de la culasse alourdiepar le grand miroir ; dans ces conditions l'instrument passe le pôle dans une fourchede proportions encore raisonnables et sans porte-à-faux trop inquiétant mais de toutesmanières il est bon d'adopter une solution à pièces de fonderies bien conçues (fig.125 et 128) plutôt qu'un assemblage de fers profilés supporté par un axe trop faible.

F. Monture à table en bout d'axe polaire. - L'équatorial à fourche serait peupratique avec un Cassegrain dont l'oculaire nécessiterait souvent un prisme de renvoipour des raisons d'accessibilité. L’on peut réaliser une fourche trapue porteuse d’unetable déportée par rapport à l'axe de déclinaison. Cette disposition est assez pratiquepour l'observateur sauf au voisinage du pôle malheureusement elle nécessite descontrepoids P et P’ qui constituent des vibrateurs. Une exécution très soignée neparvient pas toujours à une rigidité vraiment bonne, l'ingénieur Meyer desétablissements Carl Zeiss a fait construire beaucoup de montures de ce type pourvuesd'un dispositif compliqué de décharges d’axes, générateur de vibrations, ce modèleest tombé en désuétude. La Société belge d’Astronomie publia en 1943 un article (1)

et des plans cotés détaillés d'un équatorial de ce genre réalisé en tubes et fers profiléssoudés. Notre collègue J. S. Dubois monta son newtonien de 260 sur le prototype decette monture (fig. 131) malgré cet exemple assez réussi et la grande facilité apportéepar les plans cotés nous n'avons pas eu connaissance d'autres réalisations detélescopes S. B. A., cela donne à réfléchir sur l'utilité de prendre la peine d'éditer desplans détaillés d'un équatorial standard. Les figures 93 et 94 montrent partiellementune monture à table en bout d'axe horaire très ramassée et d'ailleurs trop faible pourle Cassegrain court de 257 qu’elle supporte.

(1) ANDRE, Le télescope S. B. A., Ciel et Terre, LIX, , nos 1-2, janv.-fév. 1943.

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101. Solutions plus ou moins déconseillées. - L’accès à l’oculaire du télescopenewtonien équatorial de 250 et plus est souvent malaisé, l’observation prolongéedevient rapidement pénible, particulièrement dans le cas de longues posesphotographiques et surtout en hiver car l'opérateur est plutôt mal protégé. Larecherche d'une solution plus confortable est, en elle-même, tout à fait justifiée, l’onest toujours conduit à utiliser des miroirs plans sous une incidence oblique. Enpratique nous déconseillons tous ces systèmes et ce point de vue demande uneexplication. L’instrument d'amateur, disons de 200 à 300 d'ouverture, a despossibilités de résolution théorique encore vraiment exploitables en pratique ; malgréla turbulence (chap. XV) il est payant de l'équiper d'une optique parfaite et uneoptique parfaite dans le sens où nous l'entendons, après A. Danjon et A. Couder (§48, p. 87) n'est guère réalisable que pour des instruments très simples : télescopesnewtoniens, Cassegrains, réfracteurs à f / 15. Nous considérons encore rentable lacomplication de la lame de fermeture mais n'acceptons pas l'intermédiaire d'un grandplan employé sous une incidence oblique, pourtant le plan, théoriquement, est encoreplus neutre, en optique que la lame. Ce sont les propriétés physiques des pièces quiamènent des surprises. Un miroir en service n'est jamais, à l'approximation utile, enbon équilibre thermique par rapport au milieu ; il perd sa parfaite correction,supposée obtenue au laboratoire. Si la trempe résiduelle est régulière, c'est-à-dire sielle est centrée sur le contour et croît du centre au bord sans anomalies, en chaquepoint d’une section méridienne à une distance h de l'axe la différence de marchethermique ∆ peut être représentée par le développement :

∆ = ah2 + bh4 (32)

Au terme en a correspond un changement de rayon de courbure dontl'observateur, acharné à pomper sa mise au point en attendant la faible turbulencemiraculeuse, ne s'aperçoit même pas. Le terme en b introduit de l'aberration desphéricité mais le plus souvent reste peu gênant dans un petit télescope. Mais sur unplan qui rejette obliquement le faisceau c'est le terme en a qui devient directementnuisible : le miroir n'est plus plan, le faisceau résultant est astigmate (§ 53) il nes'agit pas d'un petit phénomène de maniaque fignoleur, une marche thermique del'ordre de 1°C par heure suffit à faire apparaître un astigmatisme très gênant dans unfaisceau de 200 réfléchi à 45° par un plan de 300. Les disques en silice fondue (§ 10)permettent bien de réduire beaucoup cet effet mais, outre qu'ils sont excessivementonéreux, les défauts d’exécution ne l'oublions pas se répercutent par des défautsquadruples sur l'onde, comparés à ceux d’une lame ou d'une lentille ; un surfaçagetrès soigné sera nécessaire pour ne pas ajouter d'aberrations sensibles à l'instrumentet il restera les perturbations optiques dans le faisceau beaucoup plus vulnérable engénéral que celui d'un instrument droit pointant haut dans le ciel. Expérience faite,nous formulerons la conclusion suivante : il est toujours préférable de conserver unpetit instrument simple, par exemple un standard 200, plutôt que de consacrerd’énormes efforts à la construction d’un grand instrument fixe, par exemple un 400 àcœlostat, dont il sera très difficile en pratique de tirer des résultats équivalents àceux du 200. Il est bien entendu que cœlostats et télescopes coudés sont intéressantset même indispensables pour d'autres usages astronomiques ou l’exploitation de larésolution théorique n’est plus le souci

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principal, en particulier pour l'emploi des grands spectrographes ; nous tenonsseulement ici à détourner les amateurs d’une copie de certaines installations deprofessionnels qui ont d'autres soucis que les leurs. Voyons tout de même quelquesdispositions favorisant la commodité ou le confort de l'observateur au prixd'inconvénients divers :

Le Cassegrain coudé, déjà examiné § 63, est très pratique et tout à faitacceptable, son plan supplémentaire est trop petit et proche du foyer pour causer lessoucis dont nous venons de parler. Le seul ennui du système est l'image nonconforme, symétrique par rapport à l'objet, due au nombre impair de réflexions, il nefaut guère espérer remplacer le plan par un prisme à toit assez parfait pour éviter toutdédoublement.

Le Cassegrain doublement coudé, examiné également § 63 et dont la figure 74donne le principe, ne comporte lui aussi que des plans non dangereux, pour lesproportions d’un instrument d'amateur ; l'image est conforme mais tourne devantl'observateur aussi bien pour une rotation en angle horaire qu'en déclinaison del'instrument ; il faut un siège incliné muni d’un appui-nuque pour bien profiter duconfort de l'oculaire fixe sous nos latitudes. L’inconvénient principal du systèmerésulte de la nécessité de rejeter le plan focal beaucoup plus loin en arrière du grandmiroir que dans un Cassegrain ordinaire, cela entraîne au choix une augmentation del'obstruction ou de la longueur focale équivalente.

La figure 113 schématise d'autres solutions au moins curieuses :A. Monture Springfield. - Due au regretté R. W. Porter elle est assez répandue

chez les amateurs américains et constitue encore une solution très acceptable si elleest bien réalisée. Le télescope de Newton est très excentré sur l'axe de déclinaisonqui coïncide avec l'axe du faisceau réfléchi par le plan classique ; un deuxième plan,ou un prisme très proche de l’oculaire, coude une seconde fois le faisceau pour lemettre dans le prolongement de l'axe polaire. L’observateur est installé dans uneposition fixe et commode, comme devant un microscope. L’augmentation del’obstruction, due à l’allongement du faisceau coudé, est assez sensible ; l’image estsymétrique, les variabilistes qui utilisent cette monture calquent les cartes deschamps de comparaison et les examinent retournées dans des boîtes à lumière, enoutre l'image tourne en déclinaison comme en ascension droite ; le grand porte-à-faux du télescope nécessite un contrepoids coudé P, inquiétant pour la nuque del'observateur et difficile à régler à la fois pour les deux axes. L'instrument estnécessairement moins stable qu’un équatorial classique. Les Américains s'en tiennentgénéralement à l’ouverture de 6″, l'on peut douter de la rigidité des quelques 12″montés suivant ce système.

B. Equatorial coudé. - Réalisé pour la première fois à grande échelle suivant lesindications de Lœwy en 1882. C'est un réfracteur dont l'objectif O et un grand miroirplan M1 à 45° sont portés par un cube tournant en déclinaison. Un second plan à 45°plus petit M2 renvoie le faisceau dans l’axe horaire très stable. L'observateur estinstallé à l’abri dans une pièce chauffée. Les miroirs plans, de grandes dimensions,sont heureusement enfermés dans le tube, malgré cela l'astigmatisme, dû à lacourbure thermique du premier plan principalement, est le plus souvent trèsimportant. A Besançon nous avons

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Fig. 113. – Solutions plus ou moins déconseillées.

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noté une longueur d’astigmatisme de 18 millimètres au coudé de 320 ! Le grandcoudé de l'Observatoire de Paris (D = 610 ; F = 18 000) dont le grand plan pèse prèsde 200 kilogrammes a un astigmatisme chronique encore plus prononcé. Cetinstrument est connu pour le bel Atlas photographique de la Lune qui a nécessitéplus de 20 années d'effort de la part de Lœwy, Puiseux et Le Morvan mais du pointde vue de l'exploitation du pouvoir résolvant ces photographies sont très faibles et nemontrent que des détails observables visuellement avec une ouverture de 120millimètres et photographiables, au prix de beaucoup de soins, dans un simple 200.En 1933 Bernard Lyot emprunta l'objectif de 610 du grand coudé et l'installa au Picdu Midi en repliant le faisceau par des plans très soignés employés sous uneincidence presque normale, dans ces conditions l’astigmatisme thermique était trèsfaible et Lyot obtint des détails lunaires au moins trois fois plus fins que ceux del'Atlas.

C. Newton à oculaire fixe. - Abriter l'observateur d'un télescope comporte desdifficultés et inconvénients encore plus sérieux que ceux de l'équatorial coudélunette. La solution schématisée ici est peut-être l'une des moins mauvaises car legrand plan travaillant à incidence fixe peut être abrité en enceinte fermée par unelame à faces parallèles. L’on retrouve l'inconvénient de l'image symétrique etl'observateur doit disposer d'un siège confortable inclinable pourvu d’un appui-nuque. Une quatrième réflexion rendrait l'image conforme et accessible sansinclinaison mais la place disponible ne peut être que très mesurée si l'on veut limiterle surcroît d'obstruction. Le rayonnement de l’abri doit affecter le faisceau incidentquand l'instrument pointe vers le Sud.

D. Tourelle de R. W. Porter. - Cet instrument, conçu et construit par Porter aidédes fidèles du groupe Stellafane près de Springfield (Vermont, U. S. A.) n'est pas cequ'il y a de mieux dans l’œuvre de cet incomparable animateur d'amateursconstructeurs. Le ou les télescopes sont portés par une coupole en béton armétournant sur un chemin de roulement incliné de la latitude du lieu, ce qui constitue unmouvement horaire grossier. Un miroir parabolique M1 d'un premier télescope estsoutenu par une charpente légère dans des conditions aussi déplorables pour lastabilité mécanique que pour les effets thermiques. Un bras au moins de cettecharpente se trouve le plus souvent dans le champ du plan M2 tournant endéclinaison depuis l'intérieur. Naturel1ement ce plan, percé au centre pour laisserpasser le faisceau, est une cause chronique d’astigmatisme ; à cet égard le secondtélescope, monté en guise de contrepoids, ne présente que les inconvénients d'unsimple Cassegrain coudé affecté toutefois d'une turbulence locale sensible due auvoisinage malsain de la tourelle.

E. Cœlostat horizontal. - Disposition classique, souvent adoptée pour lesspectrohéliographes et les spectrographes trop encombrants pour trouver leur placesur un équatorial. Seul un miroir plan M1 est porté par un axe polaire tournant en 48heures sidérales ; le faisceau réfléchi, fixe, est renvoyé horizontalement par unsecond miroir plan M2 ajusté pour chaque déclinaison. Le télescope peut être installédans un abri sur un pilier stable. Il est possible de réduire les effets thermiques dansl'abri par une lame de fermeture L, mais les 3 éléments de faisceau compris entre lesplans et le voisinage des piliers et de l'abri sont inévitablement perturbés par lesveines d’air hétérogène. Seuls des

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plans en silice fondue rendent possible un astigmatisme thermique assez faible,même dans ces conditions le pouvoir résolvant de ces installations atteint trèsrarement une seconde d'arc.

F. Cœlostat vertical. - Montage plus favorable que le précédent quant àl'influence de la turbulence locale ; les deux plans sont mieux dégagés des obstacleset du sol mais il est plus difficile de couvrir une large zone de déclinaisons. Lagrande tour solaire de 50 mètres de hauteur de l'Observatoire du Mont Wilson adonné très exceptionnellement des clichés assez fins et en tous cas nettementmeilleurs que ceux des cœlostats horizontaux. Un grand télescope solaire de 1,50 md'ouverture, longueur focale 91 mètres, alimenté par un sidérostat polaire à miroirplan de quartz de 2 mètres de diamètre monté sur une tour de 31 mètres de hauteurest en construction à l'Observatoire américain Kitt Peak ; ce ne sont pas, répétons-le,des installations à copier pour des réalisations d'amateurs à petite échelle.

102. Conseils pratiques pour la construction d'une monture à berceau.- Leprojet coté figure 114 concerne un télescope newtonien de 200 à f / 6 à tube en boissection 300 x 300, longueur 1 500 : il ne comporte que des pièces faciles à réalisersans outillage de précision, seule une monture à berceau peut être construite demanière satisfaisante par des moyens aussi rustiques. Signalons quelquesparticularités et variantes possibles :

Piliers. - Ils peuvent être en béton, légèrement armés par des fers de 10 auvoisinage des arêtes ou en briques pleines avec couronnement de forme en béton,ménager les trous de scellement à la coulée, sauf dans des terrains particulièrementdéfavorables il n'est pas nécessaire de dépasser une profondeur de fouille d'environ50 centimètres. Un radier de grosses pierres d'environ un mètre de côté peutsupporter le pilier Nord dont la section hors du sol sera de 40 x 40 centimètres et lahauteur, sous nos latitudes, environ 140 centimètres. La figure 114 ne montre qu'unepartie des piliers. L’amplitude de réglage de l’axe polaire en azimut est de ± 25millimètres sur la cornière repère 1. Il faut donc bâtir les piliers dans le plan duméridien à une approximation meilleure. Un théodolite visant le passage d'un astreau méridien, dont l'heure est calculée au moyen de La Connaissance des temps,donne une approximation surabondante mais attention aux étourderies faciles àcommettre : signe de la correction de longitude locale, temps des éphémérides, etc ...; en cas de doute vérifier par un passage supérieur ou inférieur de la polaire moinsaffecté qu'un passage du Soleil par exemple. A défaut de théodolite et de tablesastronomiques le moyen suivant peut suffire si la manipulation est soignée. Planterbien verticalement dans l'axe du futur pilier Sud un bâton bien droit, un long mancheà balai ; trois heures environ avant le passage du Soleil au méridien planter en terreune longue pointe de charpentier juste à l'extrémité de l'ombre du bâton puis couperune latte légère à la longueur exacte qui sépare le pied du bâton de la pointe. Il nereste plus qu'à attendre, symétriquement par rapport au méridien, que l’ombre dubâton reprenne exactement la longueur de la latte et planter une seconde pointe dansl'azimut correspondant. La trace du méridien sur le sol est la bissectrice de l'angleformé par les deux pointes et l’axe du bâton.

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Fig. 114. – Ensemble d’une monture à berceau rustique pour télescope de 250.

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Fig. 115. – Détails des pièces de la monture à berceau rustique.

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Berceau. - Celui représenté figure 114 est simplement en bois ayant la section dubastaing raboté soit environ 165 x 165, des planches collées peuvent égalementconvenir. Il ne faut pas chercher à assembler les longerons et

Fig. 116. – Equatorial à berceau en tôle pliée. (Réalisation Saget.)

traverses de manière classique par tenons et mortaises ou queues d’aronde, leséchage du bois pourrait compromettre ultérieurement la rigidité des encastrements.Ici les quatre pièces sont simplement boulonnées sur des cornières d'angle, tous lesboulons ou tiges filetées doivent traverser entièrement les

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pièces pour permettre d'exercer un bon serrage par écrous et larges rondelles etsurtout de reprendre les jeux futurs après travail du bois. Huit goussets en tôle de 3sont assemblés de la même manière dans les angles. Le pointage des trous de fixationdes tourillons axe polaire - repères 3 et 6 - et paliers de déclinaison - repère 7 - doitêtre fait sur un bon tracé à la pointe pour assurer le mieux possible la coaxialité destourillons de l'axe polaire et une bonne perpendicularité de l'axe de déclinaison ;cette dernière conditionest particulièrementintéressante quand onveut pointer des objetsde coordonnées connuesau moyen de cerclesdivisés. Comme lestourillons de déclinaisonsont séparés par unebonne distance l’emploid’une simple équerre demenuisier vérifiéedonnera facilement uneapproximation dequelques minutes d’arctrès suffisante enpratique.

Ceux qui préfèrentun berceau entièrementmétallique ont le choixentre plusieurssolutions. La figure 116montre un équatorialconstruit par M. Sagetdont le berceau est entôle pliée et rivée etconstitue une pièce d’undessin très net, cettemonture est installée

Fig. 117. – Equatorial à berceau, construction fers profilés.Télescope de 200. (Réalisation Sévoz.)

dans le grenier d’une maison. La tôle de 2 ou 3 pliée sur une bonne plieuse et soudéerend possible la confection de poutres prismatiques à section rectangulaire parexemple où un poids de métal donné est mieux utilisé que dans un assemblage defers profilés normaux à section en 1 ou en U. A part cet inconvénient et uneélégance discutable les montures à berceau construites en profilés sont tout à faitvalables, la figure 117, en donne un exemple intéressant concernant un télescope de200 ; le cadre du berceau est un U de 100 x 50 et son poids, y compris les tourillonsfortement encastrés, n'excède pas 33 kilogrammes ; les piliers eux-mêmes sont en Ude 100 x 50 reliés par un I de 140 x 50, disposition à retenir quand la construction depiliers de maçonnerie est exclue pour une raison ou une autre. Une troisième

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solution est celle dessinée figure 118 à propos de l’équatorial à berceau déporté maisapplicable également au berceau simple. Des tubes d'acier assemblés sur des piècesde fonderie assez simples donnent une bonne rigidité pour tous les angles horaires del'instrument.

Les pièces métalliques, partiellement détaillées figure 115 ne demandent pas delongs commentaires. Le montage de l'axe polaire reste cinématique par un V à deuxcontacts côté Nord (repère 2) et le point triple de la plaque repère 5 du pilier Sud. Lapression dans ce trou conique est importante mais la graisse consistante suffit à éviterle grippage. Les butées à billes et roulements à rotule sont des solutions d'aspect plusmécanique mais la grande mobilité de l'instrument n'est pas toujours un avantage etnous connaissons des télescopes montés sur billes pourvus ultérieurement de patinsde freins pour éviter les déplacements intempestifs. La disposition sur contactscinématiques est abandonnée en déclinaison, il pourrait y avoir glissement danscertains angles horaires : le jeu inévitable des paliers lisses ne sera guère gênant enpratique, la pince de déclinaison et l'inertie de l'instrument suffiront pour éviter lesvibrations mais bien entendu il n'est pas déconseillé d'adopter une solutionmécanique plus élaborée par exemple à coussinets de bronze réglables ou roulementsà billes, de préférence à rotule pour permettre un réglage exact de la perpendicularitéde l'axe, ces roulements peuvent supporter la charge axiale de l'instrument incliné ilest donc superflu de prévoir en plus des butées montées sur contre-paliers.

La pince de calage et rappel en déclinaison, repères 9 et 10, est classique, le boisbakélisé et comprimé genre « Permali » (1) est plus facilement usinable qu'un métalfondu ou découpé dans de la planche épaisse. Le rappel dessiné ici par vis et ressorttravaillant à la traction a une tendance au broutement un peu plus faible que ladisposition « à pompe » comprenant un ressort travaillant à la compression. Lebroutage se produit parfois pour des déséquilibrages infimes du télescope ; à ce pointde vue une commande positive dans les deux sens par vis et écrous correctementarticulés est plus avantageuse mais elle nécessite une réalisation mécaniquebeaucoup plus soignée et un dispositif d'élimination de temps perdu de la vis pourêtre irréprochable.

Les cercles divisés, facultatifs et non représentés figures 114 et 115, peuventsimplement être constitués par des grands rapporteurs de dessinateur qui se trouventactuellement réalisés en « Plexiglas » ou en Rhodoïd sous forme de cercles entiers. Ilest facile d'interpoler à vue le dixième de degré ou 6’ sur la division en degrés d’uncercle de 200 à 300 de diamètre ; employer un index dont le trait repère ait bien lamême épaisseur que les traits du rapporteur. Naturellement le centrage du trou deréalésage dans le rapporteur doit être effectué à une précision correspondante. L'onpeut forer un petit trou, bien pointé sur l’axe qui constitue un trou de centrage pourun outil à lamer pourvu d'un traceur et engagé prudemment si l'on veut éviterd'éclater le « Plexiglas », à défaut l'on peut se contenter d'un découpage à la scie àrepercer, volontairement trop grand pour rendre possible une fixation à centrageretouchable par 3 vis à tètes plates. Le rapporteur servant de cercle en déclinaison estsimplement fixé avec son zéro en face de l'index quand le télescope est

(1) Voir référence en note page 151.

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Fig. 118. – Monture à berceau déporté pour télescope de 250 à f / 6

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braqué à l’équateur céleste il suffit d'ajouter le signe + pour les déclinaisons vers leNord de 0 à 90° et le signe - pour les déclinaisons de 0 à 90° vers le Sud. Pourl'ascension droite l'on pourra ajouter une chiffraison en heures de 15 en 15 degrés,chaque degré de la division représente 4 minutes de temps. L'origine de la divisionhoraire n'a guère d'importance si l'on n'utilise qu'un cercle simple ou à simple index.En général, pour éviter d’avoir à employer l'heure sidérale locale, l'amateur cale sonobjet en affichant sur le cercle horaire la différence d'ascension droite par rapport àun premier objet facile calé à vue. Ceci suppose bien entendu un bon réglage de l’axehoraire de l'équatorial (voir § 122).

Entraînement horaire : cette question est traitée à part § 109, la monture àberceau s’accommode spécialement bien de l’entraînement par vis et secteur le plusfacile à réaliser à une bonne précision pour un amateur. Le tourillon polaire Nord,repère 2 sur les figures 114 et 115 est suffisamment long pour recevoir le secteurd’entraînement qui doit passer ici au-dessus du pilier Nord.

103. Conseils pratiques concernant les montures à berceau déporté. - Lafigure 118 montre l’emploi de tubes en fer comme longerons de berceau, quelquescotes fixent les idées pour les proportions d'un newtonien de 250 à f / 6. Les deuxlongerons - repère I - sont en tube chauffage de 102/114 ou 4 pouces dont lesextrémités peuvent être filetées et munies de brides en fonte malléable - repère 2 -qui existent en stock chez les spécialistes en raccord chauffage. Suivant les facilitéslocales l'on peut préférer des tubes acier soudés sur des brides découpées dans de latôle épaisse. Les plaques d'embases identiques - repère 3 - sont prévues ici enalliage d'aluminium fondu tel que l'AS 10 G (Alpax β), la réalisation du modèle enbois pour une pièce plate de ce genre ne présente aucune difficulté. Les embasesreçoivent les brides 2 fortement boulonnées ainsi que les tourillons 4 d'axe polairebien encastrés dans des noyaux massifs ; deux tiges filetées serrent les contrepoids 5qui ramènent le centre de gravité sur l'axe polaire ; contrairement à la dispositionesquissée figure 112 B ces contrepoids ne sont pas en regard de la charge déportée ilen résulte un effort de torsion sur le berceau probablement préférable àl'accroissement des flexions qu'apporterait un surcroît de charge au milieu. Lespaliers de déclinaison - repère 6 - sont empruntés à une série existante : S.K.F. n°S1507 , ils possèdent un roulement à rotule sur deux rangées de billes pour axe de30, un manchon de serrage suffit pour les efforts axiaux modérés du télescopepointés dans des angles horaires importants. Des paliers lisses à coussinets de bronzeréglables seraient parfaitement acceptables, seulement un peu plus difficiles à régler.Les chaises support - repère 7 - sont en tôle de 5 pliée et soudée à l'autogène suivantdes génératrices des tubes, il est bon de prévoir un montage assurant une présentationcorrecte des pièces pendant les premiers points de soudure. On peut préférer commesupports de palier des colliers deux pièces en Alpax fondu serrant les tubes dans uneposition ajustable. Le déport coté 250 par rapport à l'axe rend possible le pointaged’un tube de 310 au pôle même, au prix d’un effort, de torsion appréciable sur letube.

L’on peut rapprocher du berceau déporté l'équatorial réalisé par notre collègueWalbaum, à Reims (fig. 119) dont le berceau en bois est classique

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mais supporte deux télescopes qui s'équilibrent mutuellement en déclinaison. Lesfers U de liaison et les cornières paraissent faibles mais les performances de cetinstrument sont excellentes, notamment les longues poses photographiques donnentdes images stellaires bien rondes de 37 µ au plan focal du télescope de 330 soitsensiblement 3" (fig. 155).

Fig. 119. – Partie centrale d’un berceau à deux télescopes déportés.(Réalisation Walbaum.)

104. Conseils pratiques relatifs aux montures anglaises simples. – Les poutreshoraires classiques très robustes sont réalisées par deux troncs de cônes porteurs detourillons et pourvus de fortes brides pour un assemblage par boulons sur un cubecentral muni des paliers de déclinaison (fig. 112 C). La monture de Grubb Parsonsdu télescope de 193 centimètres de l'Observatoire de Haute-Provence comprend unaxe horaire de ce genre pesant à lui seul 21 tonnes ! Notons un raffinementsupplémentaire preuve du soin apporté à l'étude d'équatoriaux d’une certainedimension et à quel point le souci de construire rigide 1'emporte sur l’esthétique et lafacilité de réalisation ; les troncs de cône sont quelquefois excentrés - télescope de 80centimètres de Haute-Provence - et la poutre horaire en forme de cigaredissymétrique - télescope Crossley, Observatoire Lick - pour rapprocher aumaximum le télescope de l’axe et réduire l'importance du contrepoids.

Dans un ordre d'idées plus directement applicables pour l'amateur voyonsquelques solutions simples de poutres horaires. Une construction en bois par 4 fortesplanches légèrement galbées, assemblées de manière à constituer une doublepyramide à base carrée, dont les extrémités tronquées sont fortement assemblées surdes porte-tourillons métalliques, offre sinon une stabilité parfaite

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dans le temps, du moins une robustesse très acceptable. La figure 120 montre unepoutre de cette forme mais entièrement métallique, les flancs sont en tôle. Cettemonture, due à M. Gauthier à Sanary, porte un télescope newtonien de 330, elleutilise beaucoup de pièces métalliques de récupération empruntées en particulier àdes cadres de wagonnets et des instruments militaires réformés. M. Gauthier a pucontrôler avec ce télescope les milliers d’objets

Fig. 120. – Equatorial de 330 construit par G. Gauthier.

de la Revue des Constellations (1) et suivre visuellement le déplacement de la planètePluton,

L’idée d'employer comme poutre horaire le pont arrière d'une grosse automobileou d'un camion paraît due à l'amateur américain M. MaxwelI qui monta un télescopede 12″ 1/2 sur un pont banjo de Chevrolet (2), le pignon à queue est remplacé par unelarge couronne à billes pour la rotation en déclinaison. Les ponts non porteurs devéhicules relativement légers – Juvaquatre,

(1) Publication Société Astronomique de France, au siège de la Société.(2) Amateur telescope making, 4è édition, figure et plan, p. 65.

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1 000 kilos Renault – sont un peu faibles pour des télescopes supérieur à 200 maisassez pratiques, la rotation horaire pouvant se faire en bloquant simultanémentl'extrémité des demi-axes de roue et même le mouvement en déclinaison directementsur le pignon à queue si l'instrument est assez léger et si les roulements coniquespeuvent avoir repris leur jeu.

Sur la figure 121l'on voit un newtoniende 260 porté par unpont de 1 000 kilosRenault ; l'axe polaireest presque horizontalpour cet instrumentmonté à Brazzaville parM. Delnott ; l'onremarque la rotationhoraire simplementréalisée par le bridagedes extrémités desdemi-axes de roues surles piliers.

Pour des télescopesde cette dimension ilest préférable de choisirun pont porteur devéhicule robuste :Citroën T45, Ford F7,Dodge T110, trouvé leplus souvent à boncompte chez un casseurde voitures. Le derniertype mentionné a étéemployé par notrecollègue Verseau pourun télescope de 300Newton-Cassegrain etla figure 122 suggèreune forme de montage.La rotation horaire sur

Fig. 121. – Equatorial de 260 sur pont arrière de 1 000 kg Renault(Réalisation Delnott).

sur les roulements coniques d'origine est possible mais il est plus pratique de couperle bout du tube porteur et d’employer un palier muni d’un roulement à rotule surdeux rangées de billes ce qui facilite le réglage de l'axe. Quelle que soit la poutrehoraire utilisée nous savons que le point faible de la monture anglaise simple est lasection de sortie de l'axe de déclinaison en porte-à-faux. La figure 122 concerne unaxe de 70 sur roulements à rouleaux coniques Timken. Des flasques nervurés enfonte reçoivent les cages extérieures des roulements de 125. L'axe en acier demi-durprésente une tête tournée dans la masse pour le boulonnage robuste d'une pièceintermédiaire ou du berceau du télescope lui-même, l'autre extrémité filetée estmunie d’un écrou et d’un contre-écrou permettant une pré-contrainte axiale, qui peutatteindre sans inconvénient plusieurs centaines de kilogrammes sur des roulementsde cette

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dimension. Noter la pièce indépendante en tôle pour porter le contrepoids et abriterle cercle de déclinaison, un contrepoids simplement porté en bout d’axe risque deconstituer un vibrateur indésirable.

Fig. 122. – Montage d’un axe de déclinaison sur pont-porteur Dodge T 110.

Fig. 123. – Comparaison d’une monture allemande extrêmement flexibleA une monture rigide mais coûteuse.

105. Conseils pratiques pour les montures allemandes. – Les monturesallemandes d’amateurs sont bien souvent de pauvres assemblages « à la fortune dupot » d’éléments de machine existants, il ne paraît pas opportun de se

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Fig. 124. – Equatorial allemand à télescope standard 200 (Réalisation Faure-Geors).

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perdre dans des descriptions de constructions peu recommandables. Il fautseulement rappeler les fautes les plus courantes.

Un dessin de R. W. Porter a inspiré la figure 123 dont la partie A est unecaricature, peu chargée, de certaines constructions d'amateurs américainsobtenues par assemblage de tubes et raccords de chauffage. S'il faut en arriver làpour des raisons de facilité il est bien préférable de s'en tenir à un azimutalstandard, la longueur des porte-à-faux et la faiblesse des axes aux points chargésP et P' entraînent des vibrations peu amorties intolérables. Par contraste lasolution luxueuse B fait ressortir le renforcement maximum des axes aux pointschargés associé à des pièces de fonderie très élaborées, une si grosse dépense enmodelage et usinage paraît mieux justifiée pour une monture à fourche, tout aumoins pour le montage d'un réflecteur.

Il existe des moyens termes acceptables construits à base de paliers detransmission assemblés à des bâtis d'angle en tôle soudée ou même des fortescharpentes en bois. Une poupée de tour inclinée peut offrir également unesolution admissible, la figure 124 en montre un exemple réalisé par M. Faure-Geors pour un standard 200 à f / 7. Le trépied en bois d'origine est renforcé parune forte colonne coupée à l'angle. Un touret dont la broche ne dépasse pasmalheureusement 30 de diamètre donne la rotation horaire. Une pièce en tôleépaisse porte les paliers de déclinaison : l'axe de déclinaison est faible mais unejambe de force J relie l'extrémité du tube à une douille ajustée sur l'axe ce quiamortit efficacement les vibrations. La partie oculaire est alourdie ici par unegrande chambre à amplificateur focal pour la photographie planétaire à hautedéfinition ; quelques résultats excellents obtenus doivent être surtout mis aucompte de la patience, des soins méticuleux et compétents de l'usager.

106. Conseils pratiques concernant les montures à fourche. - Voyonsd'abord le cas de l'équatorial mobile, jugé hérétique par certains maisparfaitement acceptable au prix de quelques précautions. La monture à fourche,bien centrée et peu encombrante se prête assez bien à un transport sur sol uni.L'équatorial roulant retiendra en particulier l'attention de ceux qui disposentd'une terrasse cimentée déjà pourvue d'un abri et rejettent l'éventualité de laconstruction d’un abri spécial à toit roulant ou d'une coupole. Une solutionpossible est esquissée figure 125 , le socle en fonte de l'équatorial estrectangulaire et pourvu de 3 roulettes caoutchoutées montées sur billes, uneroulette à chape tournante sur billes et un brancard facilitent la conduite. Lafidélité du réglage en azimut et en hauteur est assurée par l'engagement desfortes vis calantes dans un système d'emboîtures trou-trait-plan en acier scelléesà fleur dans le ciment. Une première vis calante a une extrémité en forme deboule A qui vient s'engager dans le trou conique à 90° A’ de la premièreemboîture, cela élimine trois degrés de liberté ; l'extrémité B, égalementsphérique, de la seconde vis calante vient s'immobiliser dans le trait B', en formede V à 90° orienté dans la direction du trou, ce qui élimine encore deux degrésde liberté ; le sixième et dernier degré de liberté est éliminé à son tour par lesimple contact de l’extrémité C, légèrement bombée, de la troisième vis calantecontre le plan C’. Des écrous et contre-écrous bloqués une fois pour toutes àl'endroit voulu servent de butée de course aux vis calantes pour assurer ladécharge complète des roulettes et le réglage d’inclinaison de l’axe. Le réglageen azimut s’obtient

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Fig. 125. – Equatorial roulant à mise en station rapides sur emboîtures trou-trait-plan.

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par déplacement du trait B’ qu'il y a intérêt à construire en deux pièces car lescellement d’un V fixe ne pourrait se faire avec assez de précision. La mise enstation dans ces conditions ne prend guère plus de temps que l'ouverture d'un abrifixe.

L’étude d’un équatorial à fourche doit être centrée avant tout sur la rigidité de lafourche elle-même et de l'axe polaire considérablement chargé au palier Nord.

Fig. 126. – Equatorial à fourche (Réalisation Boudrand).

Il est tentant d'allongerles bras de la fourchepour pouvoir saisir letélescope près de soncentre de gravité etréduire le rayon dugiration de l’oculaire,mais les flexionscroissent comme le cubede la longueur en porte-à-faux. Une solutionirréprochable à cedouble problème estillustrée par les figures126 et 127 montrant unnewtonien de 200 à f / 6réalisé par M. Boudrant.Les deux bras defourche sont des piècesde fonderie fortementnervurées dont l’assiseest considérable, ils sontboulonnés sur un grandplateau – diamètre 800 –qui n’est autre que latête d’un axe polaire trèsparticulier servant elle-même de chemin deroulement sur deuxgalets d’acier à 90° ;La figure 127 montre legalet monté sur Timkenservant en même temps

d’entraînement horaire par friction. Le plateau de charge est coulé d'une pièce, delarges nervures assurant une liaison parfaitement rigide au tourillon Sud, beaucoupplus modeste, dont le roulement Timken joue le rôle supplémentaire de butée. Unsocle triangulaire fortement nervuré également porte l’ensemble. Toutes ces piècesde fonderie sont en Alpax et l'on comprend qu’avec de telles proportion la rigidité nelaisse rien à désirer. Naturellement la dépense en modelage est très dure à amortir surun exemplaire unique ; il n’est pas interdit de rêver au riche magasin de modèles quepourrait posséder une société d’amateurs dont les membres lèguerait leur outillage…..Encore faudrait-il résoudre des

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problèmes d’usinages embarrassants pour le plus grand nombre quand il s’agit detelles pièces.

L’assemblage de bras de fourche sur un plateau n’est pas nécessairement

Fig. 127. – Détail de l’axe polaire de l’équatorial de Boudrant.

Fig. 128. – Monture à fourche sur poupée et plateau de tour.

une solution aussi chère. Léon Foucault l’avait adopté dès 1860 et avait faitconstruire par Secrétan, puis Eichens, plusieurs modèles à télescopes de 200, 400(Observatoire de Paris) et même 800 d’ouverture (Observatoire de Marseille). Cesfourches sont principalement en bois, leur construction compliquée seraitactuellement peu intéressante à imiter pour un amateur mais

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Fig. 129. – Equatorial à fourche réalisé en série et détaillé par pièces(Réalisation G Florsch).

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Fig. 130. – Equatorial à fourche construit en série par M. Mévolhon.

Corps en alliage léger, à latitude fixe, boulonné sur semelle et contre-plaque épaisseur 12 mm. Axepolaire ∅ = 60 mm, monté sur roulement à billes le diamètre peut être porté à 70. Roue dentée en bronze300 dents ; ∅ = 265 ; vis en acier inoxydable ; moteur synchrone et réducteur ; cercles donnant la minuteen ascension droite et 15″ en déclinaison. Fourche assemblée pour télescopes 150, 210 ou 360 (310 enportant l’axe à ∅ = 70). Encombrement hors tout ; largeur 400 ; longueur 800 ; hauteur des paliers 800 ;poids 72 à 90 kg.

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l'on peut trouver toute faite une forte poupée d'un tour en l’air encore munie d'ungrand plateau de fonte sur lequel il suffira de boulonner deux bras de fonderie trèssimples (fig. 128). Comme l'axe ici est directement porteur il faut choisir une poupéedont la broche ne mesure pas moins de 60 millimètres de diamètre pour porter un200/250 ; le plateau de fonte aura un diamètre de 500. La figure 128 donne quelquescotes des bras de fourche qui sont ici des pièces de fonderie plate peu onéreuses. Lapoupée de tour peut se monter sur un socle de latitude dans le genre de celuireprésenté figure 125.

Les fourches coulées d'une pièce sont plus élégantes à rigidité égale, lesmeilleures sont creuses et limitées par des surfaces nettes de large galbe mais il fautêtre modeleur professionnel pour se lancer dans un modelage aussi complexecomprenant de grandes boites à noyau. Une monture à fourche plus simple estdonnée figure 125. La figure 129 est un modèle construit en série par notre collègueG. Florsch (1) ; cet équatorial à fourche peut être livré complet ou en piècesdétachées. Dans le même ordre d'idées mentionnons l'équatorial à fourche construiten série par notre collègue Mévolhon (2) (fig. 130)

Nous déconseillons les modèles de fourche obtenus par assemblage de fersprofilés et même par soudure de plaques de tôle découpées, ces assemblages peuventbien présenter une rigidité suffisante mais les vibrations sont toujours moins bienamorties que dans une pièce de fonderie aux congés généreux.

107. Conseils pratiques sur les montures à table en bout d'axe polaire. –L’axe polaire doit être traité comme celui d’une monture à fourche. Le plateau dutour, ou son équivalent, peut recevoir les paliers de déclinaison directementboulonnés dessus. Les contrepoids en déclinaison sont très ennuyeux ; pour éviter deleur faire jouer le rôle de vibrateur ils doivent être montés sur des tiges assez courteset de forte section ; le socle de l'équatorial doit être suffisamment dégagé pour leurdonner le passage dans les angles horaires importants. La figure 131 montre,partiellement, l'équatorial S. B. A. conçu par André et réalisé par J . S. Dubois àLinkebeek, près de Bruxelles, pour un newtonien de 250. C'est un bon exemple deconstruction en tubes et tôles soudés, remarquer l'importance donnée à la charpentedu socle et le prolongement portant le palier Nord. Les vibrations sontnécessairement moins bien amorties que dans une construction à pièces de fonderie,des points de contact surnuméraires au sol améliorent la tenue du châssis.

108. Généralités sur les entraînements horaires. - Suivant 1'usage del’instrument le problème prend un aspect pratique très différent. Pour lesdémonstrations visuelles et les dessins planétaires il suffit que l'astre reste à peu prèsau milieu du champ, disons à une minute d'arc près, approximation facile à atteindrepar des moyens mécaniques très approximatifs dont les réducteurs sont empruntés àdes instruments divers : tournebroches, écrémeuses, moteurs de phonographes àrouleau... Sans être méprisables ces réalisations ne sont pas assez intéressantes pourservir de modèle à ceux qui n'ont pas justement l’instrument en question sous lamain. La photographie à longue pose exige par contre un entraînement beaucoupplus soigné. Les images photographiques d'étoiles sous-tendent dans de bonnesconditions 3 à 4″ au plan focal de télescopes

(1) 65, avenue de la Blies, Sarreguemines (Moselle)(2) Chemin des Plantiers, Manosque (Basses-Alpes)

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d'amateurs de 250 à 400 d'ouverture, elles ne paraissent « bien rondes » que si lemouvement diurne est suivi à 1″ près, or c'est 1 µ sur la denture d'une roue horaire de412 de diamètre, la portée et les filets de la vis d’entraînement devront également« tourner rond » à cette précision. L’expérience montre que l'amateur n'arrive à debons résultats qu'au prix d’un suivage attentif par oculaire latéral (§ 112) et defréquentes corrections, la réfraction atmosphérique suffirait d'ailleurs à imposer cettesurveillance même avec une mécanique idéale. La nécessité des rappels à la mainétant reconnue, il reste tout de même indispensable de réaliser un ensemblehomogène tant au point de

Fig. 131. – Equatorial de 250 construit par J. S. Dubois.

vue de la rigidité de l’équatorial que de la douceur et la fidélité de son entraînement.Les imperfections inévitables méritent un classement car leur importance

pratique est très variable.Erreur de marche progressive. - Par exemple : vitesse trop lente ou trop rapide

du moteur ; approximation de la démultiplication du train réducteur négligeantparfois la différence entre le jour solaire moyen et le jour sidéral (1/360) ;excentricité du grand mobile calé sur l'axe polaire et tournant par conséquent à raisond’un tour en 24 heures. Ce genre de défauts est le moins gênant, les correctionspériodiques nécessaires ne seront pas beaucoup plus fréquentes que celles motivéespar les causes extra-instrumentales sauf si la marche est scandaleuse.

Erreurs sinusoïdales. – L’excentricité d’un mobile lent, par exemple la vistangente de la grande roue horaire est un défaut sérieux car l'amplitude atteintaisément 10 à 20" pour un seul centième de « faux-rond », il faudra rappeleralternativement dans les deux sens à une fréquence qui peut malheureusement

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être assez grande. L’excentricité d'un mobile rapide, disons un tour par seconde, nesera guère compensable au rappel manuel mais heureusement l'amplitude sur larotation horaire sera toujours très petite sinon inobservable ; il ne faut donc pashésiter à accepter les boîtiers démultiplicateurs des fabricants de petits moteurssynchrones, au moins pour les premiers étages de réduction.

Erreurs accidentelles brutales. - Ce sont les plus dangereuses car elles imposentune surveillance exempte de toute défaillance et de bons réflexes à l'observateurvoulant quand même une bonne photographie. Ce sont les défauts locaux d’usinagede la vis et de la grande roue horaire qui sont particulièrement à craindre car ilsentraînent vite un dépointage inacceptable. Les broutages d'entraînement sont dus engénéral à un mouvement horaire trop dur ou à un défaut d'équilibrage de l'équatorial(§ 121).

La grosse question est donc la réalisation du grand cercle d'entraînement assezparfait. La disposition classique d'une grande roue horaire dentée entraînée par vistangente est nécessairement très onéreuse à construire correctement, il faut prendreun diamètre aussi grand que possible pour réduire les erreurs angulaires dues auxdéfauts d'usinage inévitables et le taillage des nombreuses dents immobiliselongtemps une machine précieuse qui ne sera pas volontiers affectée à unecommande isolée d'un simple particulier. Un entraînement par friction d'un galetrectifié contre une roue horaire lisse est parfaitement admissible (fig. 126 et 127) etréalisable beaucoup plus aisément.

Mais la solution la plus intéressante pour l'amateur est celle d'un grand secteurlisse sur lequel s'enroule un ruban d'acier tiré par l'écrou d'une vis. Cette dispositionparaît remonter à la seconde monture du télescope Crossley de l'Observatoire Lickvers 1908, M. J. Saget en a donné en 1933 une version (fig. 116) pouvant encoreservir de modèle aux réalisations d'amateur. L'inconvénient évident du secteur est denécessiter des interruptions d'entraînement pour la remise à zéro de l'écrou toutes lestrois heures par exemple mais il est beaucoup plus facile de construire à une bonneprécision une vis et son écrou qu'une vis et une grande roue tangente à laquelle ilserait généralement impossible de donner un rayon aussi grand que celui du secteur.Dans un domaine susceptible de réalisations très variées dans le détail nous nouscontenterons de deux exemples.

109. Entraînement par vis et secteur lisse. - La figure 132 n'est pas un pland'exécution, elle précise seulement quelques proportions d'un entraînement à secteurde trois heures applicable notamment à l'équatorial à berceau rustique des figures114 et 115.

Secteur - Le bois bakélisé genre « Permali » est presque aussi stable et résistantqu'un métal mais beaucoup plus facile à usiner ; faute d'une machine-outil appropriéeil faudra seulement veiller à soigner le mieux possible le forage recevant le tourillonNord de l'axe polaire, si le contour du secteur est obtenu à la scie à chantourner ilfaudra avoir la patience de rôder les inégalités au moyen d'un patin porteur de papierde verre monté provisoirement sur le pilier Nord. L'épaisseur du secteur doit êtresuffisante pour permettre l'enroulement côte à côte du ruban d'acier et du secondruban ou du câble tiré par le contrepoids de rappel des jeux. Le rayon du secteur secalcule aisément, ici la vis a un pas de 2 et tourne à 1 tour par minute (de tempsmoyen)

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Fig. 132. – Disposition générale d’un entraînement par vis et secteur.

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or l’axe horaire doit tourner à raison de un tour en un jour sidéral de 23h,56 ou 1 436minutes. Si la circonférence d'enroulement du ruban était complète elle devraitdévelopper 1 436 x 2 = 2 872 millimètres, d'où le rayon cherché de 457,1 ; endivisant par 2π l’on peut arrondir à 457 pour tenir compte de la demi-épaisseur duruban.

Ruban. - La bande d'acier laminé doit être assez mince pour éviter une raideurexcessive, deux dixièmes d'épaisseur suffisent et 10 millimètres de largeur ; à défaut,les rubans utilisés par les emballeurs pour cercler les caisses peuvent convenir, il fautéliminer naturellement tout morceau du ruban qui présenterait une déformation. Leruban est pincé (fig. 132) dans un palonnier relié à l'écrou tracteur par deux bandesarticulées très libres sur des vis à épaulement.

Vis et écrou. - Ce sont les organes de précision qui méritent les meilleurs soins.La vis sera taillée sur un bon tour parallèle dans de l'acier demi-dur, par exempleA.D.V. 45 (1). L’écrou en bronze, assez long pour réduire les erreurs accidentelles, nedevra pas être ajusté ferme mais au contraire être très libre, son jeu axial est reprispar la traction du poids. La rotation de l'écrou est empêchée sans contrainte, par labutée contre une longue règle d'acier. La précision de la vis est celle de la vis-mèredu tour qui l'engendre, celle-ci est souvent fatiguée sur une partie de la course d'oùpossibilité d'erreur progressive ; l'échauffement d'une longue pièce au cours del’usinage peut être également une cause d’erreur progressive mais ce défaut, aumême titre qu'un faible écart régulier de vitesse du moteur, n'est guère gênant et ilparait en général inutile d'avoir recours à une vis de précision taillée à la fraise-mèresur une machine spéciale. Précisons que la simple tige filetée, vendue au mètre dansle commerce, peut donner un entraînement sinon parfait du moins très acceptablesurtout si l’on rôde les bavures des filets dans l'écrou en faisant circuler ce dernier ungrand nombre de fois tout le long de la vis en interposant une graisse contenant del'émeri 10 minutes. Naturellement le rodage terminé les pièces sont soigneusementnettoyées au pétrole avant le graissage du service. Sur la figure 132, la butée axialede la vis se fait par son trou de centrage, usiné assez grand pour recevoir une bille de5 butant elle-même contre la face plane et trempée d'une seconde vis. Cettedisposition élimine l’erreur périodique d'une portée classique et rend possible desrappels très précis , il y a deux inconvénients : 1° la commande de la vis de rappeln'est pas très facile, il faut disposer plusieurs cardans (2) pour conduire la commandeprès de l’oculaire ; 2° la roue dentée calée sur la vis doit avoir une denture longuespéciale sinon un accouplement extensible, les deux systèmes peuvent introduire deserreurs si la réalisation matérielle laisse à désirer.

Moteurs. - La disposition ancienne classique d’un poids moteur dont la chute estcontrôlée par un train d'engrenage actionnant un régulateur de vitesse est tout à faitutilisable particulièrement si le régulateur est bien isochrone (3) même le régulateur àboules et plateau de friction, d'un vieux moteur de phonographe autorise quelquesrésultats mais en général ces systèmes ne disposent

(1) Anciens Ets ALBERT DENIS, 88, rue Amelot, Paris 11è.(2) Par exemple les joints universels au COMPTOIR CENTRAL D’OUTILLAGE MECANIQUE, 22,

avenue Daumesnil, Paris 12è.(3) Lunettes et télescopes, p. 348.

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pas d'une hauteur de chute de poids suffisante pour éviter de fréquentes interruptionsau cours de la pose ; il est beaucoup plus pratique, si l'électricité est installée, d'avoirrecours à un petit moteur électrique.

Ce sont les moteurs synchrones qui paraissent les plus avantageux ; tant que lacharge reste inférieure au couple de décrochage leur vitesse reste constante et nedépend que de la fréquence du courant alternatif d'alimentation. Autrefois cettefréquence était stable à 1.10-3 près environ ; les alternateurs des centrales étaientpilotés par des régulateurs de précision pour permettre les interconnections deréseau; actuellement d’autres procédés, malheureusement pour nous, n'imposent plusdes normes aussi rigoureuses et des écarts de l’ordre de 1.10-2 sont fréquents,l’observateur doit rappeler plus souvent ou bien alimenter son moteur par ungénérateur basse fréquence piloté par un grand diapason auto-entretenu, un push-pullde 6L6 suffit amplement ; nous laisserons cette solution aux amateurs électroniciens.

Parmi les moteurs synchrones utilisables signalons les L.I.P. (1) modèle 51 Stournant à 3 000 tr/mn sur courant 50 périodes, dont la puissance est de 8 watts et lecouple de synchronisme 10 grammes à un centimètre. Ce faible couple sur l’axerapide écarte les réducteurs à vis et roue tangentes dont les frottements risquent d'êtreexcessifs : le mieux est de prendre au moins pour les premiers étages, les réducteursà engrenages droits livrables avec ces moteurs et dont les rapports variés sont trèspratiques pour notre problème. La figure 132 montre l'emploi d’un réducteur L.I.P.dont l'axe lent fait 5 tours par minute, sur cet axe le couple de synchronisme est de3200 grammes à un centimètre, les frottements de la vis dans son écrou et les paliersdoivent normalement être très inférieurs. L’axe lent sortant des deux côtés permet dedisposer toujours du bon sens de rotation au besoin par retournement du moteurréducteur. Eviter l'emploi de réducteurs dont l'axe lent fait moins de un tour/minutepour ne pas fatiguer exagérément la denture des engrenages en cas de calage, il estpréférable d'adopter, comme sur la figure, un dernier étage de réduction parengrenages extérieurs plus robustes. Le taillage d’engrenages spéciaux peut souventêtre évité en empruntant des pignons et roues à une série tenue en stock par certainsspécialistes (2). Le moteur est porté ici par une plaque pivotante assurant en mêmetemps le débrayage du moteur et l’embrayage d'une roue dentée actionnée à la mainpour le retour rapide de l'écrou.

La figure 133 montre une disposition un peu différente réalisée par Walbaum. Lemoteur est directement en bout de vis. La vis est montée dans un morceau de fer U.Noter la commande de la vis butée servant aux rappels et le secteur réalisé en fercornière.

110. Entraînement classique à grande roue tangente dentée. – La placelimitée disponible sur une monture allemande, ou une monture à fourche, rendsouvent mal commode l’installation d’un secteur tiré par ruban, il faut en généralfaire usage de renvois d'angle par poulies ; il reste l'inconvénient des interruptions etdes remises à zéro de l'écrou. D'un autre côté la friction sur une roue lisse nécessitequelques précautions de manipulation et une surveillance des couples résistants. Pources raisons la roue horaire dentée classique

(1) L.I.P., Industrie, 25, boulevard Malesherbes, Paris 8è.(2) S.A. Horlogerie R. BELOT, 55, rue de Saintonge, Paris 3è.

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et sa vis tangente conservent un intérêt certain. Beaucoup d'équatoriaux anciens sontà vis débrayable, la roue tangente est fixée à demeure sur l'axe polaire, elle portemême quelquefois la division horaire. Il est préférable de prévoir une rouedébrayable de l'axe mais toujours en prise dans la vis, cela assure une usure uniformesur tout le contour et évite d’érailler la denture par des embrayages maladroits. Larécupération de roues tangentes sur des éléments de machine existants donnebeaucoup de mécomptes, un nombre de dents peu élevé n'est pas en lui-même unemauvaise indication de précision mais en général le montage de ces pièces estdifficile à bien adapter à un équatorial.

Fig. 133. – Entraînement par vis et secteur (Réalisation Walbaum).

La réalisation spéciale d'une roue horaire en bronze de 300 à 500 de diamètre estforcément très onéreuse et l'on n'est jamais bien sûr que la précision souhaitable seraréalisée. L’on peut livrer au taillage une pièce de tour soignée pourvue d'un cymblotde centrage si le façonnier (1) le désire , confier l'exécution de la vis à la mêmemaison ; une machine à taillage « par génération », est préférable. Même les vis nondébrayables sont souvent portées par des berceaux basculants, la charge d'un poidsou d'un ressort pressant la vis à fond de denture sans jeu. Nous préférons réduire lesfrottements au minimum en laissant un léger jeu d'entredents, d'ailleurs lesdilatations sont peu importantes sur les roues d’équatoriaux d'amateurs deproportions modestes ; le temps perdu n’apparaîtra que pour des rappels inversesplus rapides que le mouvement diurne. L’erreur périodique de portée de vis seraréduite par une butée axiale sur bille (fig. 134). Un rappel par butée à vis seraitapplicable comme pour un entraînement à vis et secteur (fig. 132) cela économiseraitun différentiel dont les jeux cumulés sont souvent gênants sur un axe lent.

(1) KARP, 112-114, rue Saint Maur, Paris 11è.

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Fig. 134. – Schéma de l’ensemble moteur réducteur de l’équatorial de 153 de la S. A. F.

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Pour fixer les idées sur un exemple, voici les données d’un ensemble moteurréducteur à rappels électriques que nous avons construit pour l'équatorial allemandde la lunette de 153 de la Société Astronomique de France (fig. 134 et 135). Tous lesdétails ne sont pas à prendre à la lettre il a fallu adapter ce montage à des piècesexistantes notamment la roue horaire à vis débrayable et le premier étage deréduction dus au constructeur Manent.

Fig. 133. – Moteur et réducteur de l’équatorial de 153 de la S. A. F.

Roue horaire. - La roue tangente de 360 dents a un diamètre de 200. Remarquonsqu'en prenant 359 dents l'on aurait une bonne conversion de temps moyen (toursmoteur) en temps sidéral. La conversion sur un équatorial existant pourrait se fairepar un train épicycloïdal, cette complication risque d’être plus nuisible qu'utile,l’erreur de 1/360 se trouvant généralement noyée dans d'autres causes de décalage :fréquence du réseau, réfraction… Dans le cas

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d’un équatorial à télescope de 250/300 il sera bon de prévoir une roue horaire à lafois plus grande (précision) et plus robuste ; un diamètre de 300 (360 dents aumodule 1) paraît souhaitable.

Train réducteur. - Des soucis de robustesse et d’encombrement ont fait adopterici une solution luxueuse. Toute fatigue au petit réducteur L I. P. est évitée enprenant une vitesse d'axe de sortie égale à 20 tr/mn. L’emploi exclusif d'engrenagesdroits (module 0,5) et le montage des axes sur roulements à billes autorisent un bonrendement et le minimum d'entretien. Un ancien boîtier réducteur à vis et rouestangentes fut mis hors service en quelques années. Le rapport 1/8 du grand réducteurserait réalisable par un seul étage c'est la nécessité de rejeter les moteurs dans lesocle, pour entraver le moins possible le passage de la lunette au méridien, qui a faitprendre les étages intermédiaires mécaniquement inutiles.

L’équatorial correctement équilibré (§ 121) et lubrifié nécessite pour sonentraînement un couple moteur de 0,5 kilogrammes à un centimètre, dûprincipalement au frottement de la vis dans la grande roue tangente, ce couple estmesuré sur l'axe tournant à 1,25 tr /mn ; à la sortie de réducteur attaquant cet axe l’ondispose de 25 kg/cm sans décrochage de la marche synchrone du moteur L. I. P. 8watts. Une goupille de sécurité sur le pignon de sortie est cisaillée si le couplerésistant devait atteindre 30 kg/cm. Ces valeurs précisent l'étendue d'application desmicromoteurs et de leurs réducteurs. Les frottements tolérables en pratique peuventêtre beaucoup plus importants que dans cet exemple mais il est bon qu'ils nedépassent pas le tiers du couple disponible sur un instrument neuf fraîchement réglé.

Différentiel. - Les rappels électriques par moteur à deux sens de marche (1)

permettent d'insérer le différentiel entre des mobiles assez rapides même si larotation du porte-satellites est commandée comme ici par une roue tangente pourassurer l’irréversibilité. Les proportions des planétaires et satellites précisées figure134 sont des multiples d'un différentiel calculé par A. Couder pour une tableéquatoriale de 500 kilogrammes de charge. Remarquer la disposition de deux axesporte-satellites symétriques qui donne des réactions d'un couple pur sur l'axe et réduitles temps perdus. La réduction de vitesse entre l'axe d’entrée et la sortie est égale àdeux. Si le porte-satellite tourne à une vitesse égale à celle de l'axe d'entrée, l’axe desortie a une vitesse qui s’annule ou double suivant le sens de la correction. Lesrappels dans ces conditions s’opèrent à la vitesse du mouvement diurne ce qui est unpeu brutal pour de fines corrections photographiques de l'ordre de la seconde ; il estpossible d’obtenir une seconde vitesse plus lente en intercalant à volonté unerésistance en série avec le moteur universel.

Raquette. – La raquette de commande de rappels par boutons poussoirs estréalisée en Plexiglas pour protéger l'observateur de toute masse défectueuse. Il fautemployer des contacts d'excellente qualité (2) pour assurer un long usage et lemaximum de précision aux plus brèves interventions.

(1) « Universel », type C1 allongé, 2 sens, DRAKE, 240 bis, boulevard Jean Jaurès, Billancourt(Seine).

(2) Référence 2024, chez ARNOULD, 16, rue de Madrid, Paris 8è.

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CHAPITRE XIII

ACCESSOIRES, FINITION

111. Chercheurs. - Pour pointer commodément un instrument dont le champ estinférieur à un demi-degré, il faut un chercheur.

Décrivons quelques dispositions usuelles ou faciles à réaliser et destinées auxtélescopes de Newton :

On se contente souvent d'un simple viseur (fig. 136 A) dépourvu d'optique,constitué par un diaphragme de champ et un œilleton de visée. Sur le fond du cielnocturne, la silhouette du diaphragme de champ n'est visible que si la couronne estassez large ; on peut peindre en blanc le côté tourné vers l'observateur et l'éclairertrès faiblement au besoin avec la lampe qui sert à prendre des notes. On fait parfoisusage de peinture phosphorescente : un amateur américain a même décrit un anneaude champ constitué par un tube de verre, la matière phosphorescente étant collée àl'abri contre les parois intérieures.

Malgré tout, ces viseurs sont peu pratiques dès que l'astre à pointer descend à la3è ou à la 4è magnitude. L'accommodation de l’œil ne peut se faire simultanément surl'étoile et sur le diaphragme ; il est assez aléatoire de centrer la première dans lesecond. Un véritable chercheur n'est pas un luxe.

Souvent on possède déjà une petite lunette de 20 à 40 millimètres d’objectif, leslongues-vues à plusieurs tirages sont insuffisamment rigides ; pour garantir la fixitédu parallélisme des axes optiques, on devra les munir d’une pièce de renfort.

Par contre, un chercheur excellent peut être réalisé avec une lunette monoculaireà prismes. Par exemple, l'objectif peut avoir un diamètre de 30 millimètres, legrossissement courant est de 8 et le champ de 6 ou 7° (fig. 136 B) ; généralementl'oculaire est positif (Kellner ou dérivé). Il est donc facile d’interposer juste avant lalentille de champ une couronne en carton portant une croisée de fils qui doivent êtreau point en même temps que l'image. Pour assurer une position invariable, sansabîmer la monoculaire, on peut faire usage d'un collier et d'une plate-forme munie deV convenable. L’emploi d'une lunette à redressement d'image se révèleparticulièrement avantageux, avec un faible grossissement et un grand champ pourles comparaisons avec les cartes d'un atlas tenues à l'endroit. Il existe desmonoculaires à prismes plus puissantes ; la MONO-NOCTALUX (1) à objectifs de 50grossissement 7 et plus de 7° de champ convient très bien ; les lunettes d'artillerie ontcouramment des objectifs de 75 millimètres et un grossissement de 15 ou 20, maisleur poids et leur prix sont un peu déplacés pour un télescope standard.

(1) HUET, Société générale d’Optique.

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La figure 136 C représente le montage classique d’une lunette d'environ 40millimètres montée sur patins d'angle à vis de centrage. Le tube de la lunette estsouvent renforcé au niveau du patin à vis et pourvu d'une portée

Fig. 136. – Quelques types de chercheurs.

sphérique portant sur l'autre patin. Il est possible également de prendre deux patins àvis de centrage identiques. Un raccord tournant et un prisme à réflexion totalepermettent de disposer commodément l'oculaire sans être gêné par le tube dutélescope. Le prisme à simple réflexion totale donne une image non conforme, c’est-à-dire symétrique et non directement comparable à un atlas, cet inconvénient estévité sur le chercheur coudé construit par CLAVE (1)

(1) 9, rue Olivier Métra, Paris 20è.

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muni d’une équerre optique l'objectif de 50, f : 200 est muni d’un oculaire donnantun grossissement de 10 et un champ de 5°.

Un montage plus modeste est donné figure 136 D. La petite lunette peut avoir unobjectif de 20 à 30 millimètres d'ouverture et 200 à 300 millimètres de longueurfocale. Ce sera par exemple un doublet achromatique genre Clairaut ou l'élémentavant d'un ancien objectif photographique rectilinéaire. L’oculaire sera un Ramsden (§ 96) d'une trentaine de millimètres de longueur focale, visant une croisée de fils de0,05 mm à 0,1 mm de diamètre (fil de cuivre de bobinages électriques), ce quipermet à la rigueur de se passer d'éclairage. Les patins soudés au tube sont assezhauts : 80 à 100 millimètres pour permettre de viser facilement au moins avec unœil ; si l'on ne peut se servir indifféremment de l’œil droit ou de l’œil gauche, il fautchoisir en conséquence l’emplacement des oculaires, la figure 136 est relative à desinstruments montés pour l'œil gauche. Le réglage du chercheur en azimut peut sefaire grâce à une boutonnière transversale de l'un des patins, le réglage en hauteuravec des cales d’épaisseur.

On peut se demander quelles sont les caractéristiques optima d’un bonchercheur ? Un champ de 3 à 6° semble indiqué ; prenons le premier de ces chiffres,et un oculaire de 50° de champ apparent, nous serons donc conduits à ne pasdépasser un grossissement de 17 environ ; pour une pupille de 5 millimètres il nousfaudra un objectif de 85 millimètres d’ouverture. On peut réaliser économiquementet assez légèrement un puissant chercheur ayant des caractéristiques peu différentesau moyen des pièces d'optique provenant de surplus que l'on trouve d'occasion (1).Celui qui est monté sur notre télescope a un grossissement de 19, un champ de 2°45',une ouverture de 80 millimètres et par conséquent une pupille de 4 millimètresenviron (fig. 136 E). Il ne pèse que 3 livres et permet de trouver avec la plus grandefacilité tous les objets figurant sur le grand atlas d'Argelander, la nébuleuse de Lyreest déjà reconnaissable ; c'est un véritable petit R. F. T. La figure 136 E montre ladisposition adoptée pour éclairer les fils sur fond noir, la lumière fournie par unepetite ampoule de 3,5 v arrive presque tangentiellement sur les fils ; un petit carré de1,3 mm dans le plan focal (environ 10') permet un pointage précis, tout en évitant decacher l’astre pointé.

112. Porte-plaque à oculaire guide latéral. - La discussion des équatoriaux etdes entraînements horaires (chap. XII) montre la nécessité d'une surveillance presquecontinue et de rappels fréquents si l'on veut obtenir des images photographiquesstellaires bien rondes au foyer d’un télescope d'amateur de 200 et plus, c’est leguidage. Il existe des astrographes de plusieurs mètres de longueur focale pourvusd'une lunette guide, de puissance et en tous cas de longueur focale comparable, qu’ilfaut bien se garder d'assimiler à une sorte de gros chercheur. Cette dispositionsoulève de grosses difficultés pratiques car il y a toujours des flexions différentiellesentre l'astrographe et sa lunette guide ; le guidage sur le réticule de cette dernièren'est donc pas rigoureusement valable pour la plaque de l'astrographe surtout si lapose est longue et l'angle horaire notable. Il existe des solutions acceptables pour desréfracteurs : tubes d'acier

(1) GOUSSU, 68, boulevard Beaumarchais, Paris 11è.

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identiques correctement jumelés, mais pour éliminer toutes les causes de dépointageau foyer d'un télescope newtonien par exemple il faut impérieusement guider avec letélescope lui-même en surveillant par un oculaire latéral spécial à réticule une étoileextra-axiale en dehors du champ photographié. Le porte-plaque à oculaire latéral estdû à l'amateur anglais Common (1890). Dans les grands instruments, surtoutautrefois quand les poses duraient très longtemps, un second oculaire guide estnécessaire de l'autre côté de la plaque pour constater et permettre les corrections dela rotation du champ causée par la réfraction atmosphérique. L'oculaire unique suffitpour un instrument d'amateur utilisé près du méridien, les poses restant de l'ordre de2 ou 3 heures, la hauteur de l'objet d'au moins 20° sur l'horizon et l'axe polaire réglésur le pôle réfracté (§ 122). Nous avons vu § 50 le calcul du miroir plan secondaired'un newtonien destiné à la photographie au foyer, nous savons également que cemiroir ne peut pas être surdimensionné, la pupille sera donc presque inévitablement,silhouettée dans l'oculaire guide ; ce défaut combiné à l'importante coma extra-axialedu paraboloïde abîme beaucoup les images et nécessite des étoiles guide assezbrillantes. L'étude du porte-plaque doit par conséquent être centrée sur la réductionau minimum de la distance extra-axiale de l’oculaire. Le format choisi correspond auchamp utilisable du miroir (voir tableau p. 92) et l'oculaire lui-même doit être aussipetit que possible.

Les grands télescopes sont munis de porte-plaque à déplacements à vis surchariots croisés ce qui rend possible des rappels fins très précis où l'inertie del'instrument n'intervient pas. Cette complication n'est pas forcément désirable sur uninstrument d'amateur où l'on risque moins d'être gêné par l'inertie que par lesvibrations au moindre attouchement de la partie oculaire ; les rappels surl'entraînement peuvent se faire sans aucun ébranlement.

Ces principes sont appliqués à l'exemple de la figure 137 concernant un porte-plaque pour format 4 1/2 x 6 assez bien adapté à des newtoniens f / 6 de 250 à 400d'ouverture.

Platines. - Deux couronnes en duralumin de 6 constituent l'armature de la boîted'avancement pour la mise au point, elles sont reliées par un soufflet opaque. La miseau point est réalisée sur 3 tiges filetées de 6/100 dont les 3 écrous moletés en laitonportent une division en dixièmes, on apprécie le centième. La manipulationindividuelle des vis permet de rendre la plaque normale à l'axe optique, en s'aidant aubesoin du reflet d’une lame à faces parallèle appliquée sur la platine ; une fois laperpendicularité obtenue il faut noter les 3 lectures des écrous moletés et opérer lesretouches de mise au point par des rotations égales des 3 écrous. La platine en laitonreçoit des petites équerres et pattes de fixation du châssis ; une lucarne assez grandedonne un premier champ de recherche d'étoile convenable pour l'oculaire-guide. Cesétoiles sont rares dans les régions de hautes latitudes galactiques où l'onphotographie les galaxies, il est souvent nécessaire d'explorer tout autour du champ,à cette fin la platine est biseautée et peut tourner en angle de position. Il est bon denoter l'orientation de la plaque par rapport au mouvement diurne grâce à une divisionen degrés du biseau de la platine, le mouvement diurne donne la direction 90°-270°.La patte blocable de la platine peut coulisser pour changer rapidement le porte-plaque par une pièce de même contour

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Fig. 137. – Porte-plaque à oculaire-guide latéral.

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recevant le porte-oculaire habituel à cabestan destiné aux observations visuelles, ceporte-oculaire est éventuellement monté en cuvette si le dégagement de plan focal neparaît plus suffisant.

Châssis. - Les instruments de professionnels sont équipés de châssis de précisionen métal fraisé, comportant des calages géométriques ; au cours d'une longue poseune interruption est possible pour remettre au point par Foucaultage, puis le châssisremis en place avec une précision de l’ordre du centième de millimètre. Pour cemontage plus modeste l'on se contente de châssis métalliques ordinaires ducommerce, le démontage en cours de pose est déconseillé. La tolérance de mise aupoint sur des faisceaux à f / 6 est de un vingtième de millimètre, précision difficile àatteindre sur un verre dépoli même spécialement douci, il faut opérer sur une étoilebrillante par Foucaultage ; la turbulence (chap. XV) est souvent gênante, c'eststatistiquement que l'éclat du côté droit du miroir doit être comparé au côté gauche.Le châssis à verre dépoli est cependant utilisable après remplacement du dépoli parune plaque de verre de même épaisseur - une plaque sensible débarrassée del'émulsion - sur laquelle l'on fait aluminer (§ 116) une plage opaque en forme de Ldont les bords intérieurs jouent le rôle de deux couteaux de Foucault à 90° (fig. 137); le masque en clinquant mince perforé de ce L sera donné en même temps que laplaque à la maison se chargeant de l'aluminure. Il est prudent de vérifier avecprécision que le tirage du plan de l'émulsion dans le châssis est bien égal au plan dufoucaultoir. Les coupes du couteau peuvent se réaliser au moyen des rappels lents dutélescope, au besoin en poussant légèrement le tube pour jouer sur les flexions. Unfaux châssis porteur d'un oculaire faible est commode pour le contrôle visuel ducentrage de l'objet que l'on va photographier.

Oculaire-guide. - Les figures 137 et 138 concernent un modèle que nous avonsétudié pour les télescopes de 80 et 120 centimètres d’ouverture de l'Observatoire deHaute-Provence. Ce modèle, actuellement construit en série par Clavé, est assez peuencombrant pour s'adapter au petit porte-plaque étudié ici. Un coulant de 16 x 18reçoit des oculaires de Plössl spéciaux f = 12 ou 20. Ce coulant porte le réticule etpeut être bloqué dans le plan focal, il dépasse suffisamment à l'intérieur du porte-plaque pour éviter les risques de voile par l'éclairage des fils. Le corps de la montureest foré d'un trou qui reçoit la lampe d'éclairage à bas voltage ainsi qu'un diaphragmeà trou excentré qui doit être réglé par chaque observateur, suivant la lampe choisie, etmuni éventuellement d'un filtre vert par exemple, pour réduire l’actinisme del'éclairage dont il faut toujours se méfier. Les ampoules basse tension sont d'ailleursalimentées à travers un rhéostat permettant de régler l'éclairage pour un œilcomplètement adapté à la vision nocturne et observant l'étoile guide choisie. C'est lamonture que l'on bloque à plat sur le porte-plaque dans la position choisie au moyendu valet à vis de pression.

Beaucoup d'essais tentés avec des réticules de différents systèmes gravés surverre ont montré la quasi-impossibilité d'éviter suffisamment la lumière diffractéeparasite due aux souillures ou aux poussières. Ce sont les fils d’araignée qui sont lesplus faciles à éclairer correctement sur un fond complètement noir ce qui facilitegrandement le guidage précis particulièrement quand l'étoile guide est faible. Ces filsne sont pas montés par le constructeur, de toutes

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manières l'observateur doit être capable de les remplacer rapidement, ce qui n'est pasbien difficile. Voici une façon d'opérer :

Réunir d'abord le matériel suivant :1° Un cocon d’araignée de bonne qualité. Les araignées communes des jardins

telles que l'épeire diadème tissent des toiles rondes dont les fils simples ou multiplessont enduits de gluaux de place en place et se révèlent inutilisables. Au début del'hiver elles cachent leur cocon de préférence dans des recoins de fenêtres, lesinterstices de volets rarement manœuvrés, etc. Ces cocons sont de petits paquetsirréguliers de couleur jaune clair ou grise, ils sont constitués par de fils simples nonenglués de 8 à 10 µ de diamètre, produits par une filière spéciale. Le cocon est debonne qualité si le fil que l'on

Fig. 138. – Oculaire guide latéral pour télescope photographique.

peut tirer au hasard n'est pas frisé et suffisamment élastique, ce qui permet de letendre bien droit sous une faible tension.

2° Un bâton d'arcanson, obtenu en coulant dans un moule en papier le mélangesuivant, préparé dans une petite casserole. Fondre par exemple 100 grammes derésine ou colophane, puis incorporer 25 grammes de cire d'abeilles. Pour unmicromètre exposé à des températures supérieures à 30° C la quantité de cire peutêtre réduite à 18 ou 20 grammes pour éviter le glissement des fils, ou au contraireportée à 30 grammes si la température d'emploi doit descendre sous zéro.

3° Une petite spatule, obtenue par exemple par aplatissement de l'extrémité d’unfil de laiton de 3 millimètres de diamètre. Cet outil est destiné à être chauffé à laflamme d’une veilleuse à gaz ou d'une lampe à alcool ou même simplement d’unebougie, une fois chaud il permet de recueillir un peu d’arcanson fondu.

Le porte-réticule comporte 4 encoches à 90° situant les extrémités des fils. Unchanfrein extérieur reçoit la petite goutte d'arcanson qui ne doit pas dépasser le plandu réticule ni le diamètre de la monture pour éviter tout arrachement ultérieur ducollage lors du glissement du porte-réticule.

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L'arcanson n'adhère bien que sur un métal tiède. Il est préférable de chaufferd'abord le porte-réticule à 40°C ou 50°C, puis déposer un film mince d'arcanson àl'aplomb des 4 encoches sur le biseau en utilisant la spatule suffisamment chaufféepour prélever par fusion l'arcanson du bâton. L'ensemble refroidi est posé sur un petitsocle cylindrique. L'on tire une dizaine de centimètres de fil du cocon que l’on utilisecomme charge pour vérifier que le fil n'est pas frisé et éviter que l'extrémité libre nes'envole. Il est facile de conduire le fil tendu dans les deux encoches du porte-réticulepuis rabattre les extrémités sur le biseau et la partie cylindrique où elles serontmaintenues sous tension par le pouce et l'index d'une seule main. L'autre main saisitla spatule présentée à la flamme puis au bâton d'arcanson ; un réchauffagesupplémentaire sera utile avant de toucher les deux points du biseau où passe le fil.

L'avantage de l'arcanson sur les colles cellulosiques par exemple c'est que lasolidification ne prend que quelques secondes, l'on peu lâcher le fil et couper lesextrémités dépassant le collage ; on évite ainsi la manipulation fastidieuse de petitesboulettes de cire servant de poids pour maintenir la tension pendant le séchage de lacolle.

113. Peintures et traitements des pièces métalliques. - Les tubes en bois destélescopes standard doivent être protégés des variations d'état hygrométriquesusceptibles de provoquer des déréglages parfois assez rapides ; par ailleurs l'emploid'un pigment très clair, absolument blanc de préférence, est toujours souhaitable pourlimiter au minimum l'échauffement diurne générateur de turbulence instrumentale.Les vernis gomme-laque et les vernis dits extérieurs utilisés pour les bateaux neremplissent pas cette dernière condition sans présenter toutefois une infériorité tropsensible car les produits liants des vernis et peintures présentent tous une forteabsorption à l'infrarouge de plusieurs microns de longueur d'onde et la supérioritéd'une peinture blanche n'apparaît nettement qu'à l'exposition directe au Soleil. Onpeut conseiller en pratique le traitement suivant : 1° faire absorber au bois le plusd'huile de lin possible et bien laisser sécher ; 2° procéder à un léger masticage et auponçage ; 3° peindre deux couches d'émail genre Ripolin complètement blanc. Surun tube en papier bakélisé verni il est bon d'utiliser une couche d'apprêt blanc avantde passer l'émail en couches minces pour éviter les coulures. Les meilleurs tubesmétalliques sont en aluminium poli qu'il faut bien se garder de peindre, toutefois lacroissance irrégulière de l'alumine réduit vite le pouvoir réflecteur et constitue unréceptacle à souillures. Si l'on en a la possibilité, le mieux serait de faire aluminer letube neuf ; ce procédé consiste à former un film uniforme d'alumine de quelquesdizaines de microns d'épaisseur, l'absorption infrarouge est plus grande que pourl'aluminium pur non traité et neuf mais le vieillissement est insensible. L’on nesaurait trop apporter de soins à la protection contre la rouille des charpentes en fersprofilés. Après un premier montage de l'instrument « en blanc » noter les surfaces àprotéger : trous filetés, etc., démonter toutes les pièces, dérouiller et nettoyer lessurfaces à peindre et passer au moins deux couches d'authentique minium de plomb(1) avant les deux couches d'émail blanc, les soins consentis, fastidieux pourcertains, seront largement payés par le long service ultérieur.

(1) De nos jours, ces conseils ainsi que les adresses de fournisseurs de l’époque,ne sont évidemment plus valables.

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Les pièces dans le faisceau et l'intérieur du tube doivent être noir très mat, enparticulier la portion de tube faisant face au porte-plaque d'un newtonienphotographique surtout si l'on ne peut éviter l'éclairage urbain. Pour les plus faiblesréflexions aux incidences rasantes le velours noir est imbattable, l'on peut tapisser letube par du velours collé au moyen d'un adhésif genre Bostik.

Le flockage, revêtement pelucheux mais moins mat que le velours, est égalementtrès efficace mais les petits brins de laine de verre échappent toujours un peu dusupport après dessiccation et nécessitent des nettoyages plus fréquents de la surfacedes miroirs. Voici la formule d'un vernis mat suffisant dans la plupart des cas : alcoolà vernir à 9,5° : 100 centimètres cubes ; gomme-laque en paillettes : 20 grammes ;noir de fumée : 20 grammes. Attendre la dissolution complète des paillettes degomme-laque dans l'alcool puis incorporer progressivement le grand volume de noirde fumée.

Le bleuissage des pièces en laiton améliore la présentation et la résistance àl'oxydation naturelle qui rend rapidement les coulants les mieux ajustésdésagréablement durs.

Commencer par un nettoyage méticuleux, surtout si les pièces ne sont pasfraîchement usinées. Dégraisser soigneusement au chiffon propre imbibé de benzèneou de trichloréthylène. Les menues pièces sont attachées à un fil de fer pourl’immersion dans le bain de bleuissage dont la composition est la suivante : eau 250 :centimètres cubes ; ammoniaque à 22° Baumé : 750 centimètres cubes ; carbonate decuivre : 100 grammes. Ce bain se conserve dans un bocal assez haut, sans col, fermépar une plaque de verre rodée pour éviter les vapeurs suffocantes de l'ammoniaque.Après une dizaine de minutes d’immersion les pièces prennent une teinte brune, puisbleutée, devenant violacée et même noire si l'on insiste. Arrêter l'oxydation parrinçage à l'eau, essuyer et frotter les pièces au chiffon huilé pour terminer.

Le nickelage brillant suivi du chromage des pièces est très résistant s'il est bienfait mais le frottement d'un coulant chromé est rarement agréable ; le chromage matd'aspect très flatteur est surtout intéressant pour les boutons de calage et de rappel.

114. Argenture ou aluminure des miroirs de télescope. L’argenture chimiqueet l'aluminure par évaporation dans le vide sont les deux procédés les plus employésactuellement pour métalliser un miroir de télescope.

Le procédé déjà ancien (Liebig-Drayton, 1843) de réduction d’un sel d'argent parun sucre permet d'obtenir aisément des argentures minces (1/10 de µ environ) sur desmiroirs de télescope en verre (Foucault 1857). Actuellement le procédé conservetoute sa valeur : le pouvoir réflecteur de l'argent est très élevé dans le visible (fig. 9)et atteint même 98% dans l'infrarouge (§ 6). L’opération est tout à fait praticable etrecommandée à l'amateur isolé qui ne dépend ainsi de personne et n'a pas à courir lerisque d'une expédition de miroirs. Les inconvénients de l'argenture sont : 1° Lesdéfauts optiques introduits par les inégalités d’épaisseur du dépôt ; commel'épaisseur de la couche est de l'ordre du dixième de micron leur amplitude esttoujours très inférieure au quart d'onde mais ils ne sont pas forcément négligeablescar leur structure complexe peut correspondre à des éléments de surface d'onde trèsinclinés. La figure 139 C

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obtenue en contraste de phase donne un exemple de ce genre de défauts l'importancedes contrastes est due à l’extrême puissance de la méthode et non à la gravité desaccidents dont l’amplitude ne dépasse pas ici un millième d’onde ! C’est seulementle nombre d'accidents et leurs pentes qui peuvent, comme nous l'avons vu à proposdu micromamelonnage (§ 41 ; fig. 47) diffracter une lumière parasite gênante pourcertaines applications.

2° Sulfuration rapide en présence d'hydrogène sulfuré (cuisines) qui fait tombertrès vite le pouvoir réflecteur, surtout dans le violet et le bleu et nécessite desrepolissages bi-mensuels avec réargenture bi-annuelle si 1'on veut des miroirsréellement en parfait état ; cependant, on se contente presque toujours, pour lesobservations visuelles, d'argentures vieilles de plusieurs années suivant les facteursd'altération qui sont parfois très réduits à la campagne loin des usines et si l’air estbien sec.

3° Diffusion due aux millions de filandres minuscules produites inévitablementpar les polissages de la couche.

L'aluminure par évaporation dans le vide, plus récemment introduite par Strong(1931) donne des couches réfléchissantes réellement impeccables sans polissageultérieur, le métal reproduit sans diffusion sensible l'état de surface du verre lui-même (fig. 139 B). L’uniformité d'épaisseur est obtenue au prix de précautionsélémentaires avec une telle approximation que les tests les plus sensibles ne montrentaucune altération de forme. Le pouvoir réflecteur de l'aluminium dans le visible n'estque de 88%, ce qui ne constitue pas une grave infériorité sur l'argent, sauf peut-êtreen ce qui concerne les radiations infrarouges également moins bien réfléchies quirendent le miroir plus sensible aux effets thermiques, dans le cas d'observationssolaires, par exemple. Par contre, dans l'ultraviolet, le pouvoir réflecteur estbeaucoup plus élevé que celui de l'argent, et cet avantage s'étend vite aux radiationsvisibles de courte longueur d’onde (violet, bleu) dès que l'argenture commence à sesulfurer. La résistance des aluminures aux intempéries est très grande, il se forme unfilm d'alumine transparente très dure (corindon) qui ralentit considérablement leséchanges chimiques, même en air humide. L’on peut encore améliorer cetterésistance mécanique et chimique en évaporant aussitôt après l'aluminium dumonoxyde de silicium qui formera un film de silice. On estime qu'une aluminurefournit un bon service pendant cinq ans. La principale cause de destruction connueavec une argenture provient des poussières grasses et des dépôts inévitables sur unmiroir non protégé qui finissent par provoquer un lumière diffusée sensible. Lasupériorité de l’aluminure sur ce point est de résister assez bien à un lavage.

115. Argenture chimique des miroirs. – Les quatre recettes les plus employéessont celles de Brashear, de Martin, au formol, au sel de Rochelle.

Les procédés au formol (décrit par Lumière) et au sel de Rochelle (décritnotamment par Draper) sont peut-être un peu plus faciles, mais le premier donne desrésultats nettement moins bons, tandis que le second, à cause de la formation trèslente du dépôt, se recommande surtout pour les semi-argentures.

L’excellent procédé de Brashear, presque uniquement employé chez noscollègues américains (1), a fait l'objet d'une bonne description au Bulletin

(1) Amateur telescope Making, 4è édition, p. 397-428. Exposé très détaillé.

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244 bis

Fig. 139. – La même portion, agrandie2 fois d’un miroir très bien poli.Méthode de Lyot ; contraste de phase ; lame de phase densité : 2,81.

A) Miroir nu : irrégularités, moyenne amplitude 1 ÄB) Miroir aluminé : tous les fins détails sont conservés, les grosses taches blanches sont dues à la

lumière diffractée par des poussières.C) Miroir argenté chimiquement : les grands défauts ont une amplitude de 6 Ä

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de la Société Astronomique de France, par notre regretté collègue Ch. Boulet (1) ;nous préférons cependant la recette dite de Martin (2) qui comporte des manipulationsmoins délicates ; ce procédé a déjà été également décrit au Bulletin par A. Danjon (3).Nous reprenons ici la dernière recette donnée (4), encore moins aléatoire grâce auremplacement de l'ammoniaque pure, dont le titre de 22°Baumé est tropproblématique, par le nitrate d'ammonium, facile à peser exactement.

Le matériel utile pour argenter comprend : un plat émaillé un peu plus grand quele miroir, un récipient assez grand et très propre pour les rinçages, un grand verre àpied d'un litre pour la confection du bain, une éprouvette graduée de 250 centimètrescubes, du coton hydrophile, des gants en caoutchouc. Il faut au moins 5 litres d'eaudistillée offrant toutes garanties (attention à l'eau vendue à bas prix par lespharmaciens et marchands de couleur) pour la préparation des solutions et lesrinçages. L'acide nitrique fumant pour le nettoyage de tous les produits chimiquesentrant dans les solutions devant être très purs et de livraison récente si possible.Tous les récipients seront bien nettoyés, la moindre trace de sel de cuisine parexemple suffirait pour faire manquer la réaction, les gants de caoutchouc biennettoyés, tout en protégeant les mains contre l'acide nitrique et la potasse caustique,éviteront les traces de transpiration qui pourraient contaminer le bain d’argenture oule miroir. Les quatre solutions à préparer sont les suivantes :

A. - Nitrate d'argent cristallisé........................................................ 60 gr.Eau distillée, q. s. p. f. ............................................................ 1 000 cc.

Se conserve bien dans un flacon en verre fumé bouché à l'émeri. Tache fortementles doigts en noir ainsi que le bain d'argenture.

B. - Nitrate d'ammonium cristallisé ..................................... .... ...... 90 gr.Eau distillée, q. s. p. f. ............................................................ 1 000 cc.

Flacon bouché à l'émeri.

C. – Potasse caustique pure ....... ................... ..............................150 gr. ou bien :Soude caustique pure .............................................................. 105 gr.Eau distillée, q. s. p. f. ............................................................ 1 000 cc.

Flacon bouché au caoutchouc.Attention en concassant des cylindres ou des pastilles de potasse ou de solide,

produits très caustiques, protéger les yeux par des lunettes.

D. – Sucre de table blanc (Saccharose) ...........................................100 gr.Acide tartrique ...........................................................................5 gr.Alcool à 90° .............. .. ................. ....... ..... ...........................150 cc.

Eau distillée, q. s. p. f. ............................................................ 1 000 cc.Dans une petite casserole émaillée très propre, on fait dissoudre le sucre et l’acide

tartrique avec un peu d'eau distillée ; on porte le tout à l'ébullition, on laisse bouillir àfeu doux pendant 10 minutes ou 15 minutes pour intervertir le sucre, on refroiditavec un peu d'eau distillée avant d'ajouter l'alcool qui joue le rôle de conservateur etl’on complète finalement à 1 litre avec l’eau

(1) L’Astronomie, t. 49, avril 1935, p. 188.(2) Probablement due à J. Foucault.(3) L’Astronomie, t. 38, juin 1924, p. 255.(4) A. DANJON et A. COUDER, Lunettes et Télescopes, § 118, p. 551.

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distillée. Cette solution réductrice doit mûrir au moins une semaine et s'amélioresensiblement en vieillissant. Par contre les solutions B et C de fabrication un peuancienne donnent des résultats incertains ; il y a intérêt à les préparer peu de tempsavant emploi avec des produits fraîchement débouchés (refondre la paraffine desbouchons du bocal de soude et de nitrate d'ammonium).

Nettoyage du miroir. – L’adhérence et la résistance de la couche dépendentlargement de la qualité du nettoyage. Il est très difficile de nettoyer du verreparfaitement, suivant l'état de surface, le passé, l’altérabilité du verre, les résultatsobtenus seront très différents. Heureusement pour une argenture 1'expérience montrequ'un nettoyage relativement sommaire suffit bien souvent. Il est commode dedisposer d'un bac à parois en caoutchouc ; autrement on fera sommairement unepetite claie avec cales latérales pour pouvoir frotter énergiquement le miroir dans unévier. Si le miroir est très sale, on éliminera d'abord les fragments de poix adhérentsau dos ou sur la tranche avec un chiffon imbibé de benzène ou d'essence, le rouge àpolir résiste de façon étonnante aux agents chimiques ordinaires, une actionmécanique est nécessaire ; une bonne méthode consiste à savonner la tranche et ledos, puis à frotter avec une gomme abrasive (gomme à encre de machine à écrire)mouillée. On termine par le biseau de la face optique en prenant garde de ne pasdéraper dessus : il faut rincer soigneusement les particules de gomme, sans frotterbien entendu.

Le nettoyage de la face optique se fait à l'acide nitrique fumant au moyen d’unlarge tampon de coton (main gantée). L'ancienne argenture éventuelle est aussitôtdétruite, dans ce cas on rince à l'eau distillée et l'on reprend le nettoyage avec untampon et de l'acide neufs.

L'acide nitrique concentré est un agent oxydant énergique, les matières grassessont détruites et en renouvelant deux ou trois fois le tampon et l'acide, on finit parentendre le broutement caractéristique du tampon de coton sur du verre propre. Si lemiroir était précédemment aluminé, avant d'employer l’acide nitrique, il faudraitenlever complètement l'aluminure avec de l'acide chlorhydrique ou un peu desolution C (potasse ou soude).

Souvent on se contente du seul nettoyage acide suivi de rinçages prolongés etd'un séjour dans de l'eau distillée. Disons quelques mots de nettoyages plus completsque l'on peut avoir à mettre en œuvre dans les cas difficiles. Un agent chimique plusénergique ou une action mécanique peuvent amener le résultat voulu. Le mélangesulfo-chromique est extrêmement efficace, surtout à chaud, mais le danger et en touscas les difficultés d'emploi n'encourageront guère les amateurs à s'en servir. Un bonprocédé déjà utilisé par L. Foucault consiste à employer une bouillie ammoniacale decarbonate de calcium : on fait une pâte liquide avec un peu d’eau distillée,d'ammoniaque et de carbonate de calcium précipité ; on l'étale sur toute la surface dumiroir et on laisse sécher complètement ; avec plusieurs tampons de coton (attentionà la contamination par la sueur ou la graisse des mains) on frotte légèrement la craie,puis on insiste pour éliminer par un frottement prolongé le voile bleu résiduel.Quand l'opération est bien réussie les « figures de souffle » que l'on obtient avecl'haleine sont constituées par un voile gris uniforme de micro-gouttelettes sansstructure ou traces de ressui. L'opération est renouvelée au besoin deux ou trois foiset l’on termine par le nettoyage à l’acide nitrique concentré. Le miroir bien nettoyé

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ne doit plus sécher ; on le laisse séjourner sous une couche d eau distillée.Les avis sont généralement favorables une opération non indispensable qui est le

mordançage, susceptible d’améliorer l’adhérence et la qualité du dépôt : après lenettoyage le miroir est immergé pendant cinq minutes dans une solution au millièmede protochlorure d'étain ; il faut rincer complètement à l'eau distillée juste avant depasser le miroir dans le bain d'argenture.

Modes d'argenture. - A (fig. 140). Face en dessus. Disposition la pluséconomique, surtout avec un grand miroir, mais il n'est pas possible d'évitercomplètement des petites piqûres de la couche. La surface du miroir sert de fond àune cuvette improvisée dont les bords sont réalisés au moyen d'une large bande depapier d'emballage paraffiné au trempé, serrée contre la tranche du miroir légèrementvaselinée pour assurer l'étanchéité, au moyen de plusieurs tours de cordeau élastique.

Fig. 140. – Modes d’argenture.

B (fig. 140). Face en dessous. Il faut un récipient à fond plat un peu plus grandque le miroir ; il existe des plats blancs émaillés relativement économiques. Pouréviter le contact du miroir avec le fond et pouvoir créer une certaine agitation, oncolle au fond quatre cales en bois paraffiné, avec un peu d'arcanson, suivant deuxdiamètres rectangulaires, l'un d'eux étant plus haut d’un centimètre environ, On nedoit pas faire usage de cales métalliques, notamment en plomb, qui pourraientprovoquer par électrolyse de grosses anomalies locales d'épaisseur de dépôt.

Conduite de l’opération - La température est un facteur essentiel de réussite. Pourêtre dans de bonnes conditions, on doit opérer entre 18° et 24°C, cependant Ellison aobtenu de bons résultats par le procédé Martin dans le climat tropical de Ceylan àplus de 30°C. Il faut penser à vérifier, outre la température ambiante, celle dessolutions et du miroir dans son eau de rinçage. Il est bon de déterminer à l'avance levolume de bain utile en faisant l’essai avec de l'eau. Pour la disposition miroir faceen dessous, particulièrement si le dos du miroir est poli, le liquide ne doit pasdépasser la moitié de l'épaisseur du miroir ; on peut suivre ainsi directement lesprogrès de l'argenture. Pour éviter tout gaspillage d'argent, on prendra 50 centimètrescubes de

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solution A par décimètre carré de surface du miroir à argenter (environ 150centimètres cubes pour un 20 centimètres). On verse ce volume de A dans un grandverre à mélange, on rince l'éprouvette graduée et l’on mesure un volume égal desolution B que l'on incorpore progressivement à A en agitant vigoureusement avecune baguette de verre ; rinçons encore une fois l'éprouvette et mesurons un volumeégal de solution C incorporé avec les mêmes précautions à A-B. En principe lesdernières gouttes de solution C doivent troubler le mélange légèrement ; l'aspect enpleine lumière est un peu celui d'une infusion de thé léger ; si le mélange restelimpide, on pourra ajouter sans tarder quelques gouttes supplémentaires de C, aucontraire si le mélange brunit fortement, il faut s'arrêter de verser, le dépôt serarapide, brillant, mais mince. N’exagérons pas la difficulté de la mise en instabilité dela solution, avec le procédé Martin, la tolérance est assez large. Le mélange que nousvenons d'obtenir doit être utilisé immédiatement ; il ne faut pas en laisser une portionnon réduite exposée au soleil par exemple, car sa concentration amènerait laformation d'argent fulminant, explosif très instable à déflagration spontanée. Si levolume de bain obtenu est inférieur au volume déterminé plus haut, nécessaire pouratteindre le niveau utile, on ajoutera l'eau distillée nécessaire.

Sortons le miroir du bain de rinçage et mettons-le au contact de notre liqueur ;ajoutons un volume de solution réductrice D égal au tiers du volume de A mis enœuvre. La réaction commence immédiatement, le liquide se trouble et devientcomplètement noir ; on doit remuer irrégulièrement le miroir pour égaliser le dépôt lemieux possible.

A 20°C, on voit apparaître sur le verre un beau reflet métallique en deux ou troisminutes ; il faut bien se garder de sortir le miroir pour voir. Un séjour au moins cinqfois plus long est nécessaire pour obtenir un dépôt opaque. On sera averti de la fin duprécipité en voyant le bain s'éclaircir et des parcelles boueuses surnager. Si le miroirest face en dessus, il est bon d'éviter les dépôts boueux ou de les mobiliser en passantlégèrement un tampon de coton sur la surface sans sortir le miroir du bain. On sort lemiroir du bain et on le replonge dans l’eau distillée pour le rincer ; il faut s'assurerrapidement de l'opacité de la couche : une argenture épaisse laisse voir à peine leSoleil ou le filament d'une lampe puissante par transparence. Même si les contoursd’un objet, bien tranché en plein jour sur le fond du ciel sont perceptibles, l'argenturepourra fournir un bon service. Si l'argenture est trop faible, il faut préparerimmédiatement un second bain pour renforcer le dépôt. Le séchage du miroir doit sefaire rapidement ; après égouttage sommaire, on le tient presque verticalement et onl'asperge avec de l'alcool fort. L’emploi d’un ventilateur est recommandé et il fautrecueillir les gouttes qui pourraient séjourner trop longtemps à la partie inférieure aumoyen d'un papier buvard.

Polissage de la couche. - Presque toujours la couche est légèrement voilée ; unefois bien sèche, on l'éclaircit par polissage au tampon de peau de chamois. Certainsdépôts épais et mats sont impolissables : il faut les détruire et recommencerl'argenture. Pour un petit miroir on constitue un tampon en bourrant du coton dans unmorceau de peau dite de chamois neuve, bien dégraissée côté chair en dehors,soigneusement brossée et inspectée (1). Le tampon peut

(1) Les peaux de brebis sont amincies avec des meules en carborundum !

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avoir 4 à 5 centimètres de diamètre. On commence par frotter une glace d’épreuve,de préférence argentée, pour vérifier que l’on ne provoque pas des grosses filandres.Il faut frotter toute la surface du miroir avec des courses en boucle, une brosse àdents servant à éliminer les particules d'argent qui pourraient se coller au tampon.Cette première opération produit un foulage de la couche et favorise le polissageproprement dit. La brosse à dents est utilisée ensuite pour étaler sur le tampon unetrès petite quantité de rouge à polir optique (§12) que l’on finira de répartir sur laglace d'épreuve avant de passer au miroir. Ordinairement tout étant bien sec, lemiroir prend un reflet uniformément noir en quelques minutes. Eventuellement desplages récalcitrantes s'éclairciront en soufflant un peu de buée avant de frotter. Ondoit frotter le moins possible parce que les millions de microfilandres inévitablesproduites par le tampon sur la couche tendre argent, finiraient par diffuser près del'axe une lumière aussi grave que de faibles voiles mieux visibles dans une directiontrès oblique.

116. Aluminure des miroirs. - Nous nous bornerons à une descriptionsuperficielle de cette technique, seulement pour satisfaire la curiosité du lecteur-constructeur et lui éviter quelques erreurs, mais insuffisante pour lui permettred'entreprendre l'opération qui nécessite un matériel coûteux (1).La technique due en grande partie à John Strong (2), consiste à évaporer dans le videdes petits cavaliers en fil d'aluminium très pur, placés sur des hélices de tungstènechauffées par le passage d’un courant électrique. A 660°C l'aluminium fond ; il seforme une gouttelette qui « mouille » le tungstène et ne risque pas de tomber ;l'aluminium s'évapore ensuite sur les parties les plus chaudes du filament (l 200°C).Si le libre parcours moyen moléculaire est de l'ordre de grandeur du diamètre del'enceinte où l'on a fait le vide, ce qui a lieu pour un vide élevé de l’ordre de 10-4 ou10-5 millimètre de mercure, le brouillard invisible d'atomes d’aluminium atteintdirectement la surface à traiter et s’y condense sous forme d’une mince couchemétallique reproduisant, fidèlement l'état de surface du verre optiquement poli(aucun rapport avec le métal aluminium massif poli mécaniquement). Pour fixer lesidées, disons que dans le cas des petits miroirs on obtient une couche d'épaisseur bienuniforme en plaçant les évaporateurs sur une couronne de diamètre égal à celui dumiroir et distante d’une quantité égale au rayon ; les hélices en fil de tungstène de7/10 de millimètres sont chauffées par un courant de 10 à 20 volts et quelquesdizaines d’ampères. Un temps d'évaporation de dix à vingt secondes suffit pourobtenir une couche opaque (1/10 de micron).

Une première difficulté réside dans le nettoyage parfait de la surface du

(1) Aux U.S.A., plusieurs amateurs aluminent eux-mêmes leurs miroirs. En France, outre leslaboratoires de l’Institut d’Optique et de l’Institut de l’Astrophysique, la plupart des grosses maisonsd’optique possèdent leur équipement pour la métallisation et la fluoruration et il existe plusieurs maisonsspécialistes ayant une technique bien au point, citons :

M.T.O., 5, passage de Melun, Paris 19è ; toutes les métallisations et traitements par couches minces.S.O.C., 50, avenue Claude Vellefaux, Paris 10è.(2) Solubilité limitée du tungstène dans les métaux évaporés. Strong, 1931.Aluminure des grands miroirs astronomiques. Strong, P.A.S.P., vol. 46, 1934, p. 18-26.

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miroir, absolument nécessaire si l'on veut une couche durable. L’opération estsensiblement plus délicate que pour une argenture parce qu'il faut obtenir icisimultanément une surface propre et sèche. Les voiles gris uniformes des figures desouffle dont nous avons parlé § 115 montrent qu'il subsiste, uniformément étalée,une couche extrêmement mince d'acides gras qui peut cependant provoquerultérieurement des défectuosités notables. A cause de l’affinité des ions alcalinssuperficiels, le nettoyage parfait de certains verres est presque

Fig. 141.- Schéma d’une petite installation d’aluminure.

impossible. Un traitement chimique énergique comportant l'immersion du verrependant deux heures dans le mélange sulfo-chromique bouillant à 400° (1) estefficace, mais évidemment inadmissible pour un verre d'optique de précision ; on arecours à l'action des ions dans la cloche à vide pendant le pompage en faisant unedécharge à haut voltage (5 000 à 10 000 volts). Les praticiens savent que ce procédén'est pas exempt de surprises désagréables.

Les difficultés inhérentes aux vides très poussés sont mieux connues etrelativement plus faciles à combattre. Il faut perpétuellement dépister et colmater desfuites imperceptibles, mais cependant très gênantes si l’on ne dispose pas de moyensde pompage puissants. Une fuite d'un seul millimètre cube d’air à la pressionnormale en un temps donné exige, pour être étalée, une pompe débitant plusieursdizaines de litres entre 10-3 et 10-5 millimètres de pression résiduelle. On doit faireusage de déshydratants, de mastics et de

(1) MERIGOUX, Recherches sur la contamination du verre par les corps gras, R.O, sept. 1937.

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graisse à robinets à très faible tension de vapeur, tenir compte des gaz adsorbés quinécessiteront des préfusions, etc. Une petite installation de laboratoire comme celleschématisée figure 144 peut se contenter d’un assemblage d’éléments modestes maisl’évolution rapide de la technique a conduit à des « bâtis » industriels équipés demoyen de pompage très puissants ; la figure 142 montre un bâti Heraeus à cloche de800 installé chez M.T.O. ; la grande pompe à diffusion à vapeur d'huile, cachée engrande partie par la cloche, débite

Fig. 142. – Bâti d’aluminure Heraeus à cloche de 800 (Société M. T. O.).

5 000 litres par seconde ; sur le plateau inférieur de la cloche est posé un miroir de600 ; le tableau de contrôle et de commandes visible à droite comporte notammentles cadrans des jauges à vide : jauge de Pirani pour les vides peu élevés, jauge àionisation pour des pressions résiduelles de 10-5 millimètres de mercure et moins.L’intérieur de la cloche renferme plusieurs types d'évaporateurs à commandes dechauffage distinctes ; l’on peut réaliser ainsi des couches protégées par exemple pardu monoxyde de silicium, ce traitement est normalement appliqué aux aluminuresréalisées chez M.T.O. (couche Amplivex 90) des couches multiples beaucoup pluscomplexes sont également réalisables pour d'autres applications.

Les aluminures non protégées sont très tendres quand elles sortent de la clochemais en quelques semaines un film uniforme d’alumine se développe aux

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dépens de l'aluminium et le passage d’un blaireau ne produit plus de filandres. Si lasurface du verre est parfaitement polie et l'aluminure bien réussie le résultat estimpeccable sans aucun polissage ultérieur de la couche on ne peut déceler dediffusion sensible quel que soit l'angle d'examen. Par contre les moindres piqûres degris négligées ou passées inaperçues (§ 25) à la fin du polissage du verre sont misesimpitoyablement en évidence. Fréquemment les opticiens négligents éprouvent dessurprises à ce sujet ; faut-il leur dire qu'il est inutile d'incriminer l'aluminure et quetoute tentative de boucher les trous par polissage au tampon de peau de chamois surl'aluminure fraîche aurait des conséquences désastreuses ?

Les défectuosités d’aluminure les plus fréquentes sont dues parfois à uneévaporation dans un vide insuffisant (fuite, dégazage imprévu), ce qui donne unecouche jaunâtre et même noirâtre. Même si le défaut est très peu prononcé on perdsur la réflexion des radiations de courtes longueurs d'onde. Pour déceler cettedéfectuosité, on peut simplement comparer une feuille de papier bien blanche avecson image vue très obliquement grâce au miroir et qui doit paraître aussi blanche.Quelquefois des impuretés dans l'aluminium ou des contaminations grassesmobilisées par la décharge de nettoyage provoque des gros points noirs sur lacouche. Mais l'insuccès le plus fréquent est dû aux imperfections de nettoyage ;quand le miroir sort de la cloche, il est presque toujours impeccable, le défaut denettoyage provoque ordinairement dans les quarante huit heures mais parfoisseulement au bout d’une semaine, une quantité de micro-intumescences en forme decalottes convexes de quelques microns de diamètre qui sont assez denses danscertaines plages pour diffuser beaucoup plus de lumière que les piqûres de gris. Dansce cas il faut retourner le miroir à l'aluminure.

117. Expéditions de miroirs à l'aluminure. - Pour ne pas compliquer inuti-

Fig. 143. – Double emballage pour transportde miroirs aluminés.

lement le travail d’aluminure, ondoit autant que possible envoyer unmiroir propre et bien poli. Lenettoyage de la face optique estl'affaire de la personne qui feral'aluminure, mais on s'attachera àéliminer toute souillure de poix(benzène) et de rouge (savonnée etgomme à encre) au dos du miroir etsur la tranche. Les aspérités de cessurfaces, souvent tropgrossièrement ébauchées, peuventretenir assez de substancesusceptible de dégazer et interdirel'obtention d’un bon vide. Commele traitement de protection del’aluminure est souvent évité et quel’on n’attend jamais la formationnaturelle d’une épaisseur suffisanted’alumine, l’emballage d'expédition

du miroir doit prévoir, outre la protection du miroir, au retour celle de la couchefragile d’aluminium. La figure 142 donne un exemple de caisse convenable. Lemiroir dans une

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boite intérieure très propre passée à la gomme laque, a sa face optique dégagée dufond de plusieurs millimètres grâce à quatre cales en coin portant au bord,l’aluminure ne doit toucher à rien. L'étanchéité à la poussière de cette boiteintérieure est très souhaitable et peut être améliorée avec une bande d’albuplast sur lejoint de couvercle. Tout emballage comportant le contact direct de l’aluminure avecdu papier de soie ou du coton hydrophile n'est pas souhaitable à cause des tracespossibles de chlore dans ces substances, cependant la maison d’aluminure peututiliser valablement un papier de soie éprouvé surtout si l'aluminure est protégée parde la silice. Pour les envois par chemin de fer il faudra en outre une caisse extérieureplus grande de 5 centimètres environ dans tous les sens pour calage soigné avec destortillons de fibre de bois.

118. Soins à donner aux aluminures. - Même après les six premières semaines,il est bon de s'en tenir à de légers époussetages au blaireau et d'éviter notamment toutfrottement avec un chiffon ou une peau de chamois. Particulièrement dans le casd’un dépôt de rosée ou de buée, il faut attendre l'évaporation après climatisation dumiroir sans chercher à frotter. L’aluminure résiste assez bien à l'humidité, mais ondoit éviter la répétition trop fréquente d'un cycle de condensations et évaporationssurtout au voisinage de la mer. La poussière est une autre cause de destruction ; endehors des heures de service un couvercle en glace, rodé sur la marge du miroir,constitue une bonne protection : ce moyen est classique pour protéger les argentures ;dans le cas d’une aluminure, on se contente souvent, si le tube du télescope est plein,d’un couvercle à peu près étanche en haut du tube. On a intérêt à laisser l'instrumentavec le tube horizontal pour éviter les poussières grasses les plus lourdes que leblaireau ne ferait qu'étaler. Après un ou deux ans de service, la surface est souventsouillée, les grosses poussières, les taches d'insectes amorcent localement uneoxydation profonde ; un lavage à l'eau légèrement additionnée d’un détergent sulfonégenre Teepol élimine bien un voile gras général mais il subsiste généralement despetits trous dans la couche aux points oxydés. Les aluminures protégées par la silicesont plus résistantes et faciles à nettoyer, un large tampon de coton hydrophileimprégné d'acétone éliminera le plus gros des souillures, un second tampon viergeemployé à sec suffira pour effacer les dernières traces de ressui. Au prix de quelquessoins, une aluminure peut donner un bon service pendant cinq ans. Le pouvoirréflecteur reste élevé si l'épaisseur d'aluminium à l’origine était suffisante pourconserver l'opacité malgré la formation d’un film d’alumine de plus en plus épais ; cesont les dépôts diffusants, qui finissent par devenir gênants si l'on veut un instrumentréellement de premier ordre.

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CHAPITRE XIV

REGLAGES

119. Centrage des télescopes de Newton. - Le centrage des miroirs d'un télescopeest une opération aisée qui doit être familière à l'usager. Le possesseur d'un instrumentavec tube en bois exposé à de notables variations de degré hygrométrique, ne doit pashésiter à revoir son réglage périodiquement.

L'opération se conduit ordinairement en deux temps :Un réglage préparatoire pouvant se faire en plein jour et en quelques minutes,

simple centrage géométrique ;Un réglage précis qui consiste à rechercher empiriquement la meilleure image

possible en observant une étoile avec un oculaire très fort.Le réglage préparatoire est extrêmement facile ; on dirige le télescope avec ses

deux miroirs métallisés et découverts sur un fond lumineux étendu et uniforme. Onregarde dans l'axe du tube porte-oculaire, après avoir enlevé l'oculaire ; on voit (fig.144) directement le contour extérieur du miroir secondaire diagonal qui se projette sousl'aspect d'un cercle d'un octogone ou d’un carré, peu importe ; le contour du grandmiroir grâce à la réflexion sur le secondaire et qui, vu du plan focal, apparaît un peuplus petit que le miroir diagonal si ce dernier est bien dimensionné (§ 50), enfin, grâceaux deux réflexions, on voit un troisième contour beaucoup plus petit qui est l'image dumiroir plan contenant elle-même celle du porte-oculaire et de notre œil. Généralement,au début, les deux miroirs sont fortement déréglés. On observe un aspect dans le genrede la figure 144 A où les trois contours sont nettement excentriques. On commence parrégler le miroir secondaire diagonal en agissant sur ses vis de centrage de manière àrendre concentriques l'image du grand miroir et le contour du diagonal. Ce résultat estobtenu sur la figure 144 B ; pour être sûr de viser dans l'axe du porte-oculaire on peutmonter provisoirement un œilleton emprunté à un oculaire fort dont on aura enlevé leslentilles. Les deux contours observés étant de diamètres peu différents, on aura uneprécision très suffisante sans accessoire d'autant plus que, à ce stade, un petit défaut deréglage du secondaire serait sans gravité (le champ de pleine lumière ne serait pas toutà fait également réparti dans le champ de l'oculaire). Notons aussi que si l'axe du porte-oculaire (perpendiculaire au tube par construction) ne vise pas exactement le centre dudiagonal par suite d’une faute de mise en place, on pourra centrer le télescope, mais lesoculaires feront un petit angle avec l’axe du faisceau. Quelquefois les porte-oculairessont munis de vis poussant-tirant pour retoucher cette inclinaison, nous avons décritcette disposition à propos des lentilles de Barlow § 97 et figure 108.

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Pour le réglage préparatoire du grand miroir, on considère maintenant la petiteimage de l’ombre du secondaire qu'il faut centrer dans le contour de l'image du grandmiroir en agissant sur les vis calantes (Repère 15, fig. 62) du grand miroir. Bien queles diamètres de ces deux contours soient très différents, nous avons l'habitude denous passer complètement de tout l'arsenal d'écrans, diaphragmes et petits trousrecommandés sous des formes diverses par bien des auteurs auxquels nousrenvoyons le lecteur amateur de réglages géométriques. Pour nous, ces procédés sontde peu d’intérêt, parce qu'ils postulent implicitement que le grand miroir estexactement de révolution. Il est préférable de ne faire aucune supposition et de sefier uniquement au réglage sur une étoile qui pourra conduire éventuellement àadopter exprès une position extra-axiale si le grand miroir est légèrement astigmatepar exemple.

Fig. 144. – Réglage préparatoire en plein jour.

Le réglage précis, avec une étoile, demande plus d'attention mais il ne faut pasen exagérer les difficultés. Pour fixer les idées, notons que le défaut de centrage quimontre une coma bien perceptible avec un miroir à f / D = 6 correspond à un écartde 2,3 mm dans le plan focal, ce qui fait, avec nos vis calantes au pas de 100, environun tiers de tour à tourner ; dans les meilleures conditions une rotation d’un dixièmede tour produit un résultat perceptible. On choisit une étoile de 3e ou 4e magnitude(pour un 200 millimètres) très haute dans le ciel, afin d’augmenter les chancesd'avoir de bonnes images et éviter de perdre le contact au dos du miroir contre unevis calante que l’on serait obligé de dévisser (on a intérêt à faire les dernièresretouches toujours en vissant). L’inclinaison du grand miroir n'étant pas définitive, lechercheur ne peut être réglé et utilisé, il faut employer d’abord l’oculaire le plusfaible pour trouver l'étoile et la placer au milieu du champ. La figure 145 A donne àtitre d'indication un exemple de figure complexe (combinaison coma-astigmatisme-diffraction) qui s'observe loin de l'axe d’un miroir à f / D = 6. Il n'est pasvraisemblable que le réglage préparatoire le plus maladroit laisse un décentrage aussiconsidérable, mais de toutes façons la coma domine et indique clairement ladirection de l’axe marquée sur la figure. La partie de la figure 145 concerne desplages extra-focales observées quelques millimètres en arrière du meilleur foyer avecun oculaire moyen qui suffit pour noter

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l’excentricité des anneaux et commencer la correction. L’orientation de l’aigretteindique s'il faut agir avec la vis calante supérieure ou l’une des vis latérales. Si l'onopère seul, plutôt que de faire un raisonnement où l’on a toutes chances de setromper, il est plus rapide de faire une tentative quelconque (visser ou dévisser) – ennotant bien ce que l’on fait – et d’observer si la coma a diminué ou augmenté. Quandon peut se faire aider par une personne manœuvrant la broche des vis de centrage,l’opération est immédiate : on dirige la manœuvre de manière à voir l’image sedéplacer dans le champ dans la direction de l’aigrette de coma (fig. 145 en bas) etl’on peut même s’arranger

Fig. 145. – Centrage du grand miroir sur une étoile.

- du moins avec un oculaire pas trop fort - pour ne pas perdre l'étoile du champ. Ense rapprochant de l'axe (fig. 145 B) l'utilisation de plages extra-focales avec unoculaire moyen devient un procédé trop peu sensible, il faut prendre l’oculaire leplus fort dont on dispose (3 millimètres) et viser l'image focale bien mise au point àchaque fois. La figure 145 B en bas montre la distribution inégale de la lumière dansles anneaux de diffraction en présence d’une faible coma (retoucher d'environ undemi-tour de vis) et en présence de coma combinée avec une flexion à symétrieternaire du miroir sur ses trois vis calantes. Les dernières retouches se feront par unquart et un huitième du tour. Si l’on a la chance d'avoir des images assez calmes pourvoir l'image de diffraction et les anneaux en permanence, l’opération est très vitemenée à bien, autrement le petit défaut qui pourra subsister ne sera guère gênant parimages médiocres.

La figure 145 C indique un centrage parfait, la figure du bas qui s’observe enprésence de flexion sur les trois vis calantes, montre les anneaux avec des

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nodosités que l'on égalisera le mieux possible en intensité en se méfiant de laturbulence qui produit des aspects analogues, mais mobiles.

Nous ne croyons pas utile d'insister, au fond l'opération quasi instinctive commela mise au point, est plus facile à faire qu'à lire et à comprendre sur la meilleuredescription.

120. Centrage des Cassegrains. - La marche à suivre est peu différente de celleadoptée pour les Newton et les figures 144 et 145 restent valables. Le réglagepréparatoire, purement mécanique, commence également par l'orientation du petitmiroir. On vise dans l'axe du porte-oculaire, à travers l'œilleton d’un oculaire fortdémonté, le télescope étant pointé sur un fond clair uni. Le secondaire estcorrectement orienté quand l'image du grand miroir, vue sur le petit est concentriqueau contour d'obstruction de ce dernier. Ceci est plus facile à réaliser avec exactitudeque pour un Newton car ici le secondaire est bien circulaire et son diamètre n'excèdeque faiblement celui de l'image du grand miroir. L’étroite couronne sombre qui lessépare est très sensible aux moindres défauts d'orientation. Le réglage préparatoiredu grand miroir est également plus facile qu'en Newton puisque son trou centralconstitue un repère idéal pour centrer dans l'image réfléchie l'ombre du secondaire,qui est vue sous un diamètre angulaire peu différent. On peut revenir en secondeapproximation sur le premier réglage si le défaut d'inclinaison initial était grand.Pour le réglage final sur le ciel, les petites retouches éventuelles porterontuniquement sur l'inclinaison du grand miroir mais l'opération est beaucoup plusfacile et expéditive qu'avec un Newton. En effet une fois noté sur une étoile zénithalel'orientation de l'aigrette de coma (qui indique dans quel sens il faut déplacer l'imagepar l'action de la vis calante) on peut manœuvrer la vis calante convenable sansquitter des yeux l'image, pour vérifier qu'elle va bien dans la bonne direction, etrepointer tout le télescope avant qu'elle ne quitte le champ. Naturellement lesretouches ultimes exigent une nuit à turbulence très faible mais même si cettecondition n'est pas bien remplie nous conseillons de profiter de la facilité d'adapterun grossissement très fort à un Cassegrain pour choisir G = 800 ou 1 000 même avecun 250 millimètres d'ouverture, on ne voit plus alors que la tache centrale et les arcsdu premier anneau à l'exclusion de la plus grande partie de la lumière diffractée parles petits accidents turbulents et qui empâtent l'image plus claire donnée parl'oculaire normal G = 400 ou 500. Quand le télescope atteint ou dépasse 600millimètres d’ouverture, la turbulence ne laisse pratiquement jamais de répit et ilpeut être avantageux de s'en tenir provisoirement à l'observation d’une plagelégèrement extra-focale (partie supérieure de la figure 145).

Si le télescope est équipé d'une lame de fermeture (chap. X) il est préférable delaisser à cette dernière une inclinaison sur l'axe de l'ordre de la moitié du champ del'oculaire, par exemple une vingtaine de minutes sur un Cassegrain de 250 à primairef / 5 ; ceci évite la superposition de la faible image parasite, due à la réflexionvitreuse, qui serait perceptible avec une source intense et une lame exactementnormale au faisceau. Une si faible inclinaison n'entraîne évidemment aucuneaberration appréciable.

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121. Équilibrage d'un équatorial.- La sécurité d'emploi de l'instrument etla régularité de l'entraînement exigentun équilibrage soigné. Fréquemment letélescope que l’on croyait équilibré parttout seul dans certaines orientations, iln'y a pas de mystère, cela montresimplement que le centre de gravité desparties mobiles n'est pas exactement àl'intersection des axes ; pour remplirrapidement cette condition il faut opérerméthodiquement. Les opérations sontsensiblement les mêmes quel que soit letype de monture, même s'il ne nécessitepas de contrepoids principaux.Supposons une monture anglaise simple(fig. 146), calons le télescope dans leplan du méridien, enlevons le couvercledu tube et mettons un oculaire normaldans le coulant :

A) Tube horizontal : l'instrument parexemple est trop lourd du côté del'oculaire, rétablissons l'équilibre aumoyen d'un poids P1 installéprovisoirement en D, le centre degravité se trouve alors sur la droite aa'.Si la rotation en déclinaison comportedes frottements notables, apprécierl'effort dans les deux sens ou mieuxutiliser un peson à ressort qui vérifieral'égalité des forces pour monter oudescendre.

B) Tube vertical : le moment verticaln'est pas nul en particulier si desaccessoires latéraux sont installés ; l'onpeut amener le centre de gravité surl'axe bb’ au moyen d'un poids P2 mais ilest plus judicieux de déplacer P1 pourl’amener en E et essayer de réaliserl'équilibrage complet avec ce seulpoids, cela évite une surcharge inutile etdes saillies inesthétiques.

Fig. 146. – Equilibrage d’un équatorial.

Cet exemple et un peu de réflexion doivent suffire à déterminer l'emplacement etla masse de P1 dans un cas quelconque, l'important est de bien vérifier que

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l’équilibrage est parfait dans au moins deux directions très différentes en déclinaison,alors le centre de gravité est à l’intersection des droites aa' et bb', C'est-à-dire surl'axe de déclinaison.

C) En ascension droite : décalons l'axe polaire, il ne reste plus qu'à ajuster lavaleur de P3 pour amener le centre de gravité de l'ensemble sur l'axe polaire cc',souvent un poids plus lourd mais trapu sera préférable à un poids éloigné

Fig. 147. – Réglage d’un équatorial.

sur une longue tige flexible. Si le poids est de révolution par rapport à l'axe dedéclinaison, il suffit de réaliser l'équilibrage en ascension droite dans une seuleposition, au méridien de préférence.

Le changement d'accessoires, en particulier le passage de l'observation visuelle àla photographie peut nécessiter des retouches d'équilibrage qui doivent s'effectuerrapidement sans tâtonnements ; quelquefois le poids P1 peut coulisserlongitudinalement sur une tige portée par 2 patins, cette disposition inesthétique n'estpas à conseiller, il est préférable d'établir une fois pour toutes des massesinterchangeables P1 et P'1.

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122. Mise en station définitive d'un équatorial. - Nous avons vu § 102l'orientation approchée en azimut de l'axe polaire ; par ailleurs l'inclinaisonapproximative à la latitude du lieu s'obtient aisément au niveau à rapporteur d'angleappliqué, quand la chose est possible, sur une portion de génératrice de l'axe polaire.

Il reste à parfaire ces réglages par l'observation astronomique, voici une méthodepratique dont nous empruntons le principe à Bigourdan (1893).

Munir le télescope d’un oculaire à réticule de grossissement approximatif 200.Pointer une étoile équatoriale près de son passage au méridien, au Sud. Orienter leréticule avec un fil parallèle au mouvement diurne ; l'étoile qu'on laisse filer dans lechamp reste sur ce fil. Caler en déclinaison et suivre pendant quelques minutesmanuellement ou en embrayant le moteur. Si l'axe polaire est mal réglé en azimut,l'étoile quitte le fil repère en déclinaison. Si l'étoile s’écarte vers la partie Nord duchamp, le défaut se corrige en déplaçant vers l’Est l’extrémité supérieure de l’axepolaire (fig. 147 A). L’image est renversée, la partie du Nord du champ est en baspour un observateur qui observe un astre au Sud. Naturellement si l'étoile monte versle Sud du champ il faut pousser l'extrémité supérieure de l’axe vers l’Ouest (fig. 147B). Il est préférable de ne pas fignoler tout de suite et d'attendre d'avoir corrigé ledéfaut d'inclinaison avant de revenir en seconde approximation sur ce réglage.

Pointer maintenant une étoile de déclinaison + 40 ou 50° à 6 heures de sonpassage au méridien, vers l’Est ou l'Ouest. Cette fois c'est le défaut d’inclinaison del'axe polaire qui est responsable du dépointage de l'étoile en déclinaison. Si l’étoile sedécale vers le Nord du champ (fig. 147 C) il faut abaisser l’extrémité supérieure del'axe polaire ; il faut la remonter si l'étoile gagne le Sud du champ (fig. 147 D).Revenons à notre étoile équatoriale proche du méridien, plus directementintéressante pour l'emploi courant, le réglage de seconde approximation seraconsidérée comme satisfaisant quand l'étoile restera sur le fil de déclinaison pendantune demi-heure environ. Les étoiles choisies incorporent dans l'observation une partde réfraction voisine des conditions ordinaires d'observation ; il n'y a pas lieud'hésiter outre mesure dans le choix arbitraire d’un pôle réfracté ou non, de toutesmanières les longues poses photographiques nécessiteront, quelques petits rappels endéclinaison.

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CHAPITRE XV

LA TURBULENCE ATMOSPHERIQUE« L'air est la plus mauvaise partiede 1'instrument... »

ANDRÉ COUDER.

123. Difficultés d'emploi d'un télescope de moyenne puissance. - Nousvoici en possession d'un télescope optiquement irréprochable et bien réglé.Allons-nous en retirer automatiquement les satisfactions promises par lediamètre de l'objectif ? Certainement pas ; la part de travail qui reste à faire estmême la plus difficile et ceci est d'autant plus vrai que l'instrument est plusgrand.

La technique de l'observation avec un moyen instrument mériterait un longexposé que nous ne pouvons songer à incorporer à ces notes de constructeur. Ondoit supposer que l'usager d'un télescope de 200 millimètres et plus possède déjàune certaine expérience d'observateur acquise plus facilement avec une petitelunette. Pointer l'instrument, mettre au point, suivre l'astre, éviter les vibrationsde la monture, choisir l'oculaire, prendre un dessin, acquérir une éducation del’œil sont des petits problèmes simples qu'un peu de pratique permet de domineraisément. Tant que l'instrument est considéré comme collecteur de lumière, il n'ya pas de grosse difficulté à en retirer le résultat attendu, par exemple :l'observation d'étoiles variables avec des grossissements relativement faibles, laprise de photographies au foyer newton sont facilement praticables même pourles magnitudes limites que le miroir peut révéler. Les surprises arrivent aumoment où l'on veut, de plus, exploiter tout le pouvoir séparateur théorique dumiroir, l'observation d'étoiles doubles serrées et bien plus encore celle de faiblesplages planétaires soulèvent des difficultés qui croissent très vite avecl'ouverture. La grande source de déboires à ce sujet est ce que l'on appelle enbloc : la turbulence atmosphérique et parce que cette question touche laresponsabilité du constructeur, nous ne pouvons plus l'ignorer. Que nous levoulions ou non, l'air atmosphérique et tous ses défauts fait partie de l'instrument; l'on n'en serait affranchi qu'en installant le télescope sur la Lune par exemple,au prix d'autres inconvénients. La turbulence atmosphérique n'est pas un petitphénomène, elle introduit des défauts des dizaines de fois plus grands que ceuxlaissés par l'opticien. Pour formuler un jugement valable sur la qualité d’uninstrument essayé sur le ciel il faut posséder une longue expérience d'observateuret attendre, parfois plusieurs semaines, des conditions favorables. Nousvoudrions dans ce qui suit donner suffisamment

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d'éléments pour permettre au lecteur de comprendre l'image observée ;malheureusement le phénomène est inextricable et la lutte contre la turbulencel’une des plus décevantes que nous connaissons.

124. Effets des défectuosités de l'air. - Jusqu'ici nous avons supposé que lessurfaces d'onde incidentes arrivant à l'objectif étaient planes (§ 3) ; en fait, avantde nous parvenir, les rayons lumineux venant d'une étoile doivent traverserl'atmosphère qui est loin d'être un milieu optique homogène, l'air chaud n'a pas lemême indice de réfraction que l'air froid, des courants d’air à températuresdifférentes déforment donc de façon variable et complexe les surfaces d'ondestransmises pour peu que l’on considère un faisceau un peu large. Lord Rayleigha exprimé sous une forme commode (1) le déphasage produit dans l’air sur unelongueur de l centimètres par une différence de t°C :

Fig. 148. – Angle de turbulence f.

δ = 1,1 l t x 10-6.

Ainsi un écart de marche deλ/ 4 pour 0µ 50 peut résulterd’une inégalité de 0°,13seulement sur une longueurde 1 mètre. L’étonnant estque l'on puisse encore obtenirune image au niveau du solavec un faisceau de quelquesdécimètres de diamètre.L'étude d’une surface d'ondedéformée est complexe ; l'onpeut tenter pour simplifier enpremière approximation decaractériser la turbulence parle paramètre t, angle dedéviation du rayon lumineuxvenant de l'étoile aprèstraversée de la veine d'airhétérogène (fig. 148) dansl'aire définie par l’objectif t

prend des valeurs positives et négatives dont la limite, comparable auxaberrations transversales que nous connaissons bien, peut caractériser jusqu à uncertain point la gravité du phénomène.

L’œil reçoit un faisceau de quelques millimètres seulement de diamètre. Lesdéviations t étant de l’ordre d’une fraction de seconde d’arc les hétérogénéitésproches de l'observateur n'ont aucun effet perceptible mais cellesde plusieurs kilomètres entraînent des écarts a de plusieurs centimètres, l’énergiereçue par l'œil varie constamment, l’on dit que l'étoile scintille. Si la hauteur del'étoile est faible il y a scintillation chromatique car les rayons de l'étoile,dispersés par la réfraction sous une forte incidence dans l'atmosphère, subissentdes déviations non simultanées il y a fluctuation non seulement de l'éclat mais dela couleur dominante. Un disque planétaire sous-tendant 20″ par

(1) Scientific Papers, vol. III, p. 102.

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exemple ne scintille pas, sauf circonstances exceptionnelles, ce diamètre est déjàassez grand devant l'angle t pour que les fluctuations soient petites.

La scintillation observable à l'œil nu ou telle qu’on peut la mesurer avec unrécepteur, photo-électrique par exemple, de petite ouverture n’est pas d'un grandsecours pour l’étude de la turbulence qui affectera un grand instrumentastronomique ; il faut étudier une surface d’onde assez grande et tenir compte detoutes les hétérogénéités, pas seulement de celles situées à plusieurs kilomètresdans l'atmosphère.

125. Altérations de l'image stellaire dans un petit instrument. - Dès quel’on utilise un objectif de quelques centimètres d’ouverture la scintillationdisparaît, car la lumière collectée reste à peu près constante dans une airesuffisante. A un instant donné une fraction importante de la surface d'onde reçuepeut être assimilée à un plan dont l'inclinaison n'est pas nulle, l'image est peualtérée mais se trouve momentanément déviée en bloc, c'est une réfraction lente ;un fil d'araignée bien réglé parallèle au mouvement diurne permet de suivre lesdéplacements de l'image stellaire observée avec un oculaire très fort.

L’accroissement de l’ouverture entraîne vite une grande sensibilité à laturbulence ; non seulement les inclinaisons élémentaires t deviennent plusgrandes, en valeur relative, rapportées au rayon ρ de la tache de diffraction maisune surface d'onde de 20 centimètres et plus de diamètre comprend déjà unvéritable chaos d'accidents, dont nous verrons plus loin l'étude par Foucaultage,contentons-nous pour l'instant d'enlever l'oculaire, de mettre l’œil au foyer etd'accommoder sur le miroir éclairé par une étoile brillante, nous voyons défilerun système de bandes ondulées alternativement grises et claires, ce sont lesombres volantes.

Pour des ouvertures modestes, comme celles des instruments d’amateursconsidérés ici, disons moins de 50 centimètres, il est encore possible de reliersimplement l'état de l'image au paramètre t, inclinaison maximum des élémentsde surface d'onde admis ; c'est la méthode de A. Danjon, intéressante à connaîtrecar elle permet d’évaluer la qualité d’une nuit et d'une station simplement par desestimations d'altérations de la figure de diffraction qui correspondent à desangles t mesurés une fois pour toutes par l'auteur à l'interféromètre (1). Voici cetteéchelle, nécessairement très approximative puisque le phénomène réel, trèscompliqué, est essentiellement variable ; en outre il faut tenir compte de toutecause systématique de renforcement du premier anneau de diffraction, un résidud’aberration sphérique correspondant à des aberrations transversales de 1,5 ρ parexemple ; pour les télescopes l'obstruction centrale rend l’instrument égalementun peu plus sensible à la turbulence, seul un télescope fermé de bonne qualité età obstruction inférieure à 1/6 D est assimilable à un bon réfracteur à f / 12 pourcet usage :

(') Etude interférentielle de la scintillation ; Réunions Institut d’Optique, 4è année, p. 20, 1933, 2è

réunion. Voir aussi Lunettes et Télescopes, p. 82.

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COTE t DESCRIPTION (voir fig. 149)

V t < 0,25 ρ Images parfaites, sans déformation sensible et à peine agitées.

IV t = 0,25 ρ Anneaux complets, parcourus par des condensations mobiles.

III t = 0,5 ρAgitation moyenne, anneaux de diffraction brisés, taches centralesà bords ondulants.

II t = ρ Agitation vive, anneaux évanouissants ou absents.

I t > 1,5 ρ Image tendant vers l’aspect planétaire.

Fig. 149. – Echelle de cotation de la turbulence dans un petit instrument.

La turbulence croit un principe comme la sécante de la distance zénithale z(fig. 148) sauf s'il y a de notables phénomènes instrumentaux et locaux étudiés

t0

Fig. 150. – Graphique de réduction des cotes deturbulence.

plus loin, acceptons cette loiprovisoirement sansdescendre cependant à moinsd'une vingtaine de degrés dehauteur au-dessus del'horizon (z = 70° ; sec. z =2,9) pour ne pas être tropgênés par la dispersionatmosphérique et lesanomalies locales. Unsondage sérieux comportel'estimation dans l'échelle deI à V d'images d'étoiles(magnitude 3 environ pour un200/250) prises à différenteshauteurs. Un rapporteur à filà plomb installé sur le tubedonne z. On sait queρ=14″1/D (p. 5) les valeurscorrespondantes de t sontportées sur un graphique (fig.150) en fonction des sécantes

z ; au zénith on a sec. z = 1 et la valeur particulière t0, qui est la turbulencezénithale. Le graphique de la figure obtenu avec un télescope

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newtonien de 250 dans une station désertique de la Hamada saharienne donnet0= 0″23, c'est une turbulence moyenne encore assez peu gênante dans uninstrument de cette ouverture.

126. Altération de l’image stellaire d'un grand instrument. - L'image« planétaire » de cote I (fig. 149) ne semble guère tracasser les astronomes, ellemérite pourtant un examen spécial car elle est de règle dans un grand instrumentet la politique de l'autruche n'a jamais conduit à des découvertes bienremarquables. C'est non seulement pour répondre à la curiosité des amateurs, quise demandent ce que l'on voit dans un grand télescope, mais parce que leursimple 250 millimètres leur montrera hélas plus d’une fois le phénomène quenous effleurons le sujet ici.

Une étoile d'aspect vraiment planétaire s'observe parfois par conditionsspécialement mauvaises telles qu'un vent froid comme le mistral peut enproduire ;

Fig. 151. – Etoile brillante observée dans un grand télescope.

l’on voit alors un disque flou à bords bouillonnant, explosant parfois d'undiamètre de 6″ jusqu’à 20″ ! sans maximum central bien marqué, un vrai plateaud'énergie à peu près uniforme. Nous nous intéresserons davantage à unealtération, heureusement beaucoup moins grave et beaucoup plus fréquente,observable dans un télescope supérieur à un mètre d'ouverture par une nuit oùl'on aurait noté t dans un petit instrument égal à 0"3 environ. La figure 151 A estune tentative de représentation de l'image d'une étoile brillante - β Per. ; mv =2,3- observée au télescope de 193 centimètres de l'Observatoire de Haute-Provenceavec un grossissement de 960 ; c'est un épouvantable galimatias deconcamérations grains et vermisseaux lumineux en mouvement rapide dont lesrégions centrales, seules bien visibles sont représentées ici, le phénomène entiers'étend sur plusieurs minutes sans rejoindre la noirceur du fond du ciel. Voyonsencore le centre de cette région centrale, il

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est constitué par des grains de quelques centièmes à quelques dixièmes, desecondes d'arc extrêmement intenses et mobiles qui forment un paquet qui sous-tend 0″2 à 2″ suivant la nuit considérée, 1″5 dans les conditions présentes ; àl'extérieur du paquet central une région encore très claire dont les grains plusfins deviennent de plus en plus faibles et donnent ici un poudroiement lumineuxà deux paliers de 4/5″ et 7/8″ de diamètre. Les aigrettes de diffraction des lamessupport du plan secondaire sont elles-mêmes estompées de manière variable. Lacourbe B suggère, très approximativement, la répartition d'énergie ; nousespérons réaliser un jour de véritables mesures. Il faut combattre maintenanténergiquement une croyance tenace très répandue qui veut rendre les défauts dugrand miroir responsables de cet étalement d’énergie (1). Au moins

A) Pose 2 minutes B) pose 1/10é de seconde

Fig. 152. – Foucaultgramme du télescope de 193 centimètres.

dans le cas du télescope de 193 centimètres employé ici et que nous connaissonsparfaitement non seulement les défauts du grand et du petit miroir sont assezpetits mais la combinaison complète en service, flexions et effets thermiquescorrigés, donne une onde stigmatique à λ /8 (foucaultgramme, fig. 152 A), il estcertain qu’en l’absence d’atmosphère la figure de diffraction normale de 0″15de diamètre (fig. 151 C) serait obtenue : limité par l’albédo du papier, le dessinne peut donner qu'une idée dérisoire de la fantastique énergie qui seraitconcentré dans cette image. Ce résultat est utopique, même l'air d’un grandlaboratoire climatisé bien clos est déjà suffisamment hétérogène pour empêchercette observation ; espérer le moment miraculeux idéal dans un grand instrumentest insensé mais un étalement très relatif des accidents turbulents suffit pourproduire une amélioration de définition foudroyante.

Prévenons une autre erreur qui serait de croire le grand télescope inférieur àun petit à cause de la turbulence. Le même phénomène destructeur extérieurexiste pour les deux seulement dans le petit, on le distingue très incomplètementpar manque d'énergie et importance de la figure normale de diffraction ; la

(1) J. DOMMANGET, Le projet de création d’un observatoire européen en Union Sud Africaine,Ciel et Terre, t. LXXIV, n° 7-8, p. 312.

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supériorité en définition du grand télescope, impossible à exploiter parmauvaises images, est indiscutable par images moins mauvaises qu'il fautmalheureusement attendre parfois deux ou trois mois avec un miroir de deuxmètres.

Est-il bien nécessaire de souligner que ni les angles de turbulence t ni lesécarts de tautochronisme, qui tendent tous deux vers une limite atteinte avant 50centimètres d'ouverture, n'expliquent à eux seuls un éparpillement aussi grand del'énergie ? Il faut obligatoirement faire intervenir maintenant la conséquence del’extrême complexité de la surface d’onde reçue par le miroir. Une telle surfaced'onde est un réseau de phase dont les accidents sont incomparablement plusgrands, inclinés, mélangés que ceux dont nous avons donné les photographiesfigures 47 et 139 en contraste de phase par la méthode de Lyot. Ici la méthode deFoucault est inutilement sensible mais une difficulté subsiste à cause de lamobilité extrême des remous. Nous avons réussi au télescope de 193centimètres, pointé sur Sirius, à obtenir de très petits foucaultgrammes posés au1/10è de seconde seulement (fig. 152 B). Un temps de pose de l’ordre dumillième de seconde parviendrait seul sur une image assez grande à montrerfidèlement le phénomène, l’on distingue cependant assez bien sur cette imagedes sirops dans le tube même de l'instrument et des grandes nappes turbulentesbeaucoup plus importantes à l’extérieur. Le foucaultgramme du mêmeinstrument exposé cette fois deux minutes (fig. 152 A) intègre tous les défautsatmosphériques mobiles et montre les vrais défauts optiques des miroirs enservice dont l'amplitude, rappelons-le, ne dépasse pas λ/8.

Le terme réseau est habituellement réservé à une pièce d'optique gravée desillons parallèles, très fins et réguliers, diffractant la lumière suivant une loisimple dans un spectre central d’ordre zéro et toute une série de spectresfortement déviés d'ordre 1, 2, 3, etc. Ici au contraire c'est l'anarchie presquecomplète, les défauts de tailles illégales sont mélangés, inclinés dans tous lessens et en agitation quasi brownienne mais ils sont tout de même des millions àavoir une taille à peu près égale et des milliers à un instant donné à avoir la pentenulle qui donnera la grande énergie centrale, ils diffractent dans un angle solideimportant atteignant facilement des dizaines de secondes d'arc suivant une loicomplexe et variable, assez bien définie statistiquement toutefois pour donnerl'image décrite plus haut pendant plusieurs heures. Un coup de mistral survientamenant une nappe de sirops fins laminés parallèlement à la direction du vent,aussitôt l'image explose et l'on observe que son diamètre perpendiculairement àla direction du vent est plus grand car le laminage des accidents cause unedissymétrie sensible dans les angles diffractés.

127. Altération de l'image de diffusion photographique. – L’image d’unpoint lumineux sur une émulsion photographique rapide ne descend pas endessous de 20 à 25 µ de diamètre à cause de la diffusion de la lumière dans lagélatine : par ailleurs un miroir à F/6 donne une tache de diffraction de 8 µ dediamètre, le pouvoir résolvant voisin de ρ exigera un ajustage de ces valeurs parl'emploi d’un amplificateur focal portant F/D à 36 au moins et bien plus enpratique. Bien entendu la turbulence va jouer le rôle de trouble fête. Uneappréciation subjective des résultats fait souvent dire que la photographie estincapable de fixer tous les « détails » visibles directement à cause du temps

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de pose nécessaire trop long et de l'étalement corrélatif par les réfractions. Enréalité, dans les grands instruments au moins, c'est l’œil qui exploite le moinsbien le miroir. Prenons le télescope de 5 mètres, la turbulence limite legrossissement utile à 1 000 environ donc la pupille instrumentale mesure 5millimètres mais elle est trouée d'une plage noire de près de 2 millimètres due àl’obstruction centrale.

Or la pupille de l'œil, éblouie par une planète ou une étoile brillante dans untel instrument, se contracte à 2 millimètres environ ; si l'œil est bien centré sur

Fig. 153. – Photographies instantanées : 1/100 de seconde de l’étoile double α Gem. ‘Castor) ; 8 avril1955 ; télescope de 120 centimètres d’ouverture ; amplificateur Barlow x 3,1 ; agrandissement 10 ;

longueur focale équivalente 219 mètres.

l’anneau oculaire il ne voit rien, il faut se déplacer un peu sur le côté etdiaphragmer par l'iris le miroir à 2 mètres environ. Pour la question de labrièveté du temps de pose le contrôle expérimental est également facile car uneétoile brillante au foyer d'un miroir d'un mètre, même muni d'un amplificateur,donne assez d'énergie pour poser 1/500 de seconde si l'on veut sur émulsion trèssensible ordinaire, or il faut bien 1/10 de seconde à l'œil pour voir un « détail ».La figure 153 montre ainsi des images successives, posées 1/100 de seconde, del'étoile double Castor, si jolie dans la moindre lunette de 75 millimètres, laturbulence assez favorable correspondait à un paquet central de l’ordre de laseconde. Non seulement la turbulence n'est pas éliminée mais l'effet des écartsaléatoires est particulièrement choquant ; certes l’on voit des détails « fins »,mais absolument illusoires : aigrettes, compagnons fantômes, etc., tandis que ladistance des vraies composantes (2″4) fluctue de plusieurs dixièmes de secondeset leur angle de position de près de 20°. Un temps de pose d'une seconde aumoins serait nécessaire pour donner des images sérieusement mesurables. Les«détails» vus par l’œil paraissent psychologiquement plus vrais, c'est que l'œilest un récepteur très intelligent.

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Nous pouvons donc réfuter deux croyances tenaces, il y en a d'autres, dans ungrand ou un moyen instrument :

1° la diminution de temps de pose n'améliore pas le rendu de détails réels ;2° c'est la turbulence proprement dite et non les réfractions accidentelles qui

est responsable de l'étalement de l'image photographique.Voyons enfin la photographie à longue pose directement au foyer de miroirs à

F/6 environ où l'on ne prétend plus approcher le pouvoir séparateur théorique.A première vue les 25 µ de la diffusion photographique vont constituer la

seule limite résolvante : pas du tout ! cette peste de turbulence intervientmême dans un modestetélescope d'amateurcomme nous allons levoir. Quelques motsd'explication sur l’aspectmacrophotographique desimages d'étoiles faiblesphotographiées dans untélescope grand ou petit.La figure 154 est unféroce agrandissementnégatif d’un très petitmorceau d’un excellentcliché de la nébuleused’Andromède M31 obtenuau foyer du télescope de120 centimètres del'Observatoire de Haute-Provence. La lumière dufond du ciel nocturne et Fig. 154. – Images négatives d’étoiles très grossies, x 60.la population II non résolue de la nébuleuse voilent irrégulièrement le fond de laplaque constitué par des « gros » grains très clairsemés.

Les images d'étoiles faibles mais certaines (ici mpg 21 environ) sont desplages, constituant un léger palier de densité, où les gros grains sont simplementun peu plus nombreux ; si l'étoile est moins faible le palier est plus élevé etmieux dessiné par un apport de grains plus fins, un maximum central sedéveloppe permettant au mesureur « optimiste » d'annoncer une bonneperformance ; au contraire aucune tricherie possible avec l'étoile à l'extrêmelimite, qui cesse d'être significative faute de gros grains assez nombreux pourdépasser nettement les fluctuations du fond, mais sans diminuer de diamètre. Cediamètre est celui du paquet central décrit § 126 et figure 151. Lui seul apportesuffisamment de photons pour rendre développables les gros grains dans le casd’une étoile faible. Le diamètre de l’image photographique se mesure aisément à5 ou 10 % près au moyen d’une petite machine à mesurer, grossissementoptimum du microscope 20 environ. Nous trouvons 60 µ sur le cliché enquestion soit 1″7, valeur très supérieure au diamètre de 22 µ imposé par la seulediffusion photographique

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sur l'émulsion employée (IIaO, Kodak Rochester) ; d’où vient cette perte sévèrede pouvoir résolvant ? S'agissant du meilleur document obtenu, après des annéesde soins méticuleux, où l'on est certain de la qualité surabondante de l'optique,vérifiée avant et après la pose ; de la perfection et de la stabilité de la mise aupoint, de l’exactitude du guidage surveillé et corrigé en permanence ; l'on peutparler sinon d'une limite absolue du moins d'une limite

Fig. 155. – Diamètres des plus petites images photographiques d’étoilesen fonction des dimensions instrumentales.

expérimentale pratique presque impossible à dépasser. Cette limite ne peutprovenir que de la turbulence, c’est presque la même que nous avons trouvée surles clichés instantanés à échelle beaucoup plus grande, essayons de voircomment elle varie en fonction des dimensions des instruments. Pour que cettecomparaison soit pleinement significative il faudrait être certain que lesmeilleures conditions sont remplies dans tous les cas et que l’on mesure bien undocument type pratiquement parfait. Sur le graphique de la figure 155 les cerclesdésignent des clichés personnels les meilleurs que nous possédons, tous pris surémulsion 103aO ou IIaO et dans des conditions sûres ; les croix concernent unchoix

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de deux clichés d'amateurs empruntés aux collections de nos collègues F. Bacchi(télescope de 250) et Walbaum (télescope de 330), ces documents, fruits deplusieurs années d'efforts dans les deux cas, nous ont paru offrir des garantiessuffisantes ; la dernière croix enfin concerne une photo prise par Baade autélescope de 5 mètres du Mont Palomar et montrant la résolution en population IIde la nébuleuse elliptique NGC 205 (1) dont la qualité paraît également difficile àdépasser. Naturellement les longueurs focales portées en abscisses - sur uneéchelle logarithmique pour la commodité - entraînent des ouverturescorrespondantes croissantes car les instruments, sauf exception, sont à peu prèshomothétiques.

Les sites des différents instruments ne sont pas équivalents, même dans unestation donnée, le micro-climat produit, très localement, des anomalies quipeuvent affecter spécialement un instrument - voir notamment le point anormalsur le graphique, concernant le télescope de 120 centimètres de Saint-Michel -ceci montre l'utilité de l'étude, faite plus loin, des étages turbulents.

Ces réserves faites il reste incontestablement une amélioration de larésolution photographique dans les grands télescopes, comment concilier celaavec notre explication par la surface d'oncle en réseau de phase puisque lesaccidents, extérieurs aux instruments, restent les mêmes et diffractent de lamême lumière ? Il faut considérer le résultat global qui est l'image dontl'amélioration est due au moins à trois causes :

1° Le centre de dispersion de l'énergie, c'est-à-dire la figure de diffractionnormale a un diamètre plus petit avec un grand miroir , ceci n'explique qu'unefaible part du gain et ne s'applique pas aux miroirs de 3 mètres (Lick) et de 5mètres (Palomar) dont les qualités optiques sont suffisantes pour donner unebonne image photographique mais pas le faux disque théorique (2).

2° Au grand miroir correspond une surface d'onde composée d'accidents plusnombreux, la courbe de répartition de l'énergie (fig. 151 B) est mieux dessinéedans ses détails ; en particulier le paquet central responsable du pic est constituépar des grains plus nombreux qui dessinent un sommet plus élevé et plus pointu(amorce de cette courbe en pointillé à gauche de la figure), la section de ce picau niveau juste capable de franchir le seuil de l’émulsion a un diamètre pluspetit.

3° Les fluctuations de position du pic central sont plus rares et de plus faiblesamplitudes avec une surface d'onde grande devant les accidents élémentaires.Ceci est facile à comprendre, si l'objectif n'est pas beaucoup plus grand que leséléments inclinés la probabilité pour qu'un de ces éléments couvre, à un instantdonné, une bonne fraction de la pupille est grande ; il n'y a pas destruction maisdéplacement ou déformation de l'image. Au contraire la loi de répartition d’ungrand nombre d'accidents d’inclinaisons comprises entre 0 et t est plus ou moinsgaussienne, le pic central est d’autant plus stable que le miroir est plus grand etles accidents plus nombreux.

(1) Voir L’Astronomie, couverture du numéro de décembre 1953.(2) MAYALL, VASILEVSKIS ; Quantitative test of the Lick observatory 120 inch mirror, The

Astronomical Journal, Vol. 65, n° 5, June 1960, p. 304.LS. BOWEN, Final adjustments and tests of the Hale telescope, P.A.S.P., Vol. 62, n° 366, June

1950, p. 91.

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A une surface d’onde parcourue par de larges accidents correspond uneimage mieux concentrée mais subissant des réfractions d'ensemble notablestandis que si les accidents sont fins l'image est plus étalée mais son centreparfaitement stable. Dans les deux cas l'avantage est au grand miroir.

L’échelle logarithmique du graphique dissimule l'énormité de l'effortinstrumental à fournir pour gagner une fraction de seconde d’arc en définition.L’extrapolation de la courbe - en pointillé - à un télescope d’une dizaine demètres de diamètre montre que l'on pourrait en espérer des imagesphotographiques d'étoiles descendant à 0″4 ou 0″5, ce gain peut paraître peuconvaincant par rapport aux 0″7 du 5 mètres, en réalité il est fondamental pour leprogrès de nos sondages de l'univers. En effet, outre la turbulence, il existe uneseconde cause atmosphérique de limitation des performances d’un grandinstrument : c'est la lumière du fond du ciel nocturne qui constitue une sourceparasite étendue de magnitude 22 par seconde carrée d'après Baum (1). Or uneseconde carrée c'est la surface couverte par une image d'étoile faible au 5 mètressi les conditions ne sont pas exceptionnellement bonnes ; une étoile demagnitude 22 double l’éclairement et donne une forte image, mais une 23n'ajoute que 40% et une 24, 16% seulement ; l'on ne va pas au delà, non parceque le récepteur manque de sensibilité mais parce qu'il faut concentrer l’énergieutile dans une aile de ciel plus petite et seul un plus grand miroir peut le faire.

Nous voici arrivés à des tonnages instrumentaux bien éloignés des télescopesd’amateurs mais dans ce domaine le graphique apporte aussi des renseignementsréconfortants. Les instruments de nos deux collègues se placent trèscorrectement dans la hiérarchie des performances et une personne non prévenueserait étonnée de leur efficacité vu la modestie extrême des moyens. Lesmagnitudes 17 à 18 sont atteintes et les images sont seulement 3 ou 4 fois plusgrosses que celles données par un colosse de 500 tonnes ! Sans doute l'amateurn'a ni le désir ni les moyens de faire progresser les connaissances de l’universmais les résultats possibles sont déjà spectaculaires et avec un peu de méthode ilspourraient participer à de véritables recherches comme la découverte et lasurveillance des supernovae dans les galaxies. La sympathie pour les monstres,seuls capables d'atteindre l'ultime limite, ne doit pas faire sous-estimerl’énormité du travail à faire encore avec des instruments moyens et petits servispar de nombreux observateurs.

128. Premier étage de turbulence : l'instrument. - Il est commode pourl’analyse de la turbulence de distinguer trois étages qui n’ont pas nécessairementune frontière nette mais se prêtent à des degrés très divers à une interventionpositive de l'observateur.

Pour la turbulence dans l'instrument même il est temps de reprendreexpérimentalement la discussion du § 87 sur l'utilité d'une lame de fermeture.

Pointons le télescope sur une étoile brillante ou mieux sur une planète dont lediamètre apparent est de 10 à 20″ de préférence. Enlevons l'oculaire et faisonsl’expérience de Foucault (§§ 29-31) en utilisant en guise de lame de couteauimprovisée par exemple le bord d'une carte de visite appuyée sur la monture

(1) Some photoelectric problems, Otto STRUVE, Sky and telescope, Vol. XIV, n° 5, March 1955, p.188.

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du porte-oculaire. Même avec une monture azimutale un peu d'habitude suffitpour bissecter l'image pendant une seconde ou deux et rectifier la mise au pointde notre couteau d'après le sens du déplacement de l'ombre. Au lieu del'extinction uniforme du miroir qui devrait s'observer comme au centre decourbure d’un sphérique, on voit passer devant le miroir des ombres très

Fig. 156. – Turbulences d’origine instrumentale (miroir sphérique de 500 millimètres).

A.- Air calme, remous très lents. Fente 5 µ. Pose 1 seconde.B.- Remous rapides de ventilateur. Fente 15 µ. Pose 1/50 de seconde.C.- Remous lents et gaine du tube. Fente 15 µ. Pose 1/25 de seconde.D.- Forte turbulence rapide (bougie 30 centimètres en dessous de l’onde). Fente 45µ. Pose 1/250

de seconde.Méthode de Foucault : couteau à droite dans tous les cas.

contrastées produites par les veines d’air optiquement hétérogènes. Nousdonnons figure 156, quelques exemples d'aspects possibles imités au laboratoireavec un miroir sphérique d'atelier de 200 millimètres de diamètre, 5 500millimètres de rayon de courbure n'ayant en propre que des défauts de 2/100d'onde environ.

La formule de Rayleigh montre assez qu'il ne faut pas compter obtenir avecl'instrument en service une absence totale de perturbation appréciable.

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La figure 156 A montre les remous faibles (λ/10 env.) larges et très lents quiexistent dans une cave ; un temps de pose de plusieurs minutes serait nécessairepour les intégrer et révéler les défauts de forme réels du miroir.

Des anomalies de ce genre altèrent à peine l'image de diffraction d'une étoile,on observe seulement des petits changements d'éclat, sur le premier anneau dediffraction et des déformations passagères du faux disque (fig. 149 IV et III).Supposons tout de même que l’on espère réaliser une homogénéité encoremeilleure en brassant l'air près du miroir au moyen d'un ventilateur. La figure156 B (ventilateur de 20 centimètres de diamètre placé 60 centimètres à gauchedu miroir) montre le piteux résultat obtenu : des remous rapides partagent l'ondeen fragments de 5 à 6 centimètres fortement inclinés, les déphasages sont del'ordre de λ/2. La cote de l'image (fig. 149) tombe à II, l'énergie éparpillée dansles premiers anneaux de diffraction brisés en arcs mobiles très brillants, le fauxdisque reste cependant visible mais la détection d'un compagnon faible seraitfortement compromise. Ce n'est que pour des turbulences dans le tube encoreplus graves que le ventilateur pourrait apporter une amélioration.

Les parois du tube du télescope, très longues dans le sens des rayonsincidents, sont le siège d'échanges thermiques qui peuvent être très gênants.L'aspect photographié figure 156 C a été produit par un morceau de tube court(10 centimètres) n'ayant qu'un centimètre de plus en diamètre que le miroir etune température 5° plus élevée que celle de l’air ambiant. On constate laformation de larges remous à déplacements lents, intéressant des fractionsnotables de la surface d'onde, en outre une gaine épaisse de 3 centimètresenviron borde les parois du tube et produit ici au bord droit du miroir undéphasage sensiblement supérieur à une frange. L’image est onduleuse maisreste utilisable, elle est bien entendu affectée de la notable aberration zonaleproduite par la gaine.

Des effets beaucoup plus néfastes s'observent à l'intérieur du tube métalliquetrop étroit, les remous sont alors rapides et nombreux, la gaine existe enpermanence au bord d’une paroi métallique, pour l'éviter, il faut donner au tubeun diamètre 10 centimètres plus grand que celui du miroir. Le tube du télescopestandard malgré sa section un peu juste donne de bons résultats, en partie à causede sa forme carrée, mais surtout à cause de ses panneaux de contreplaqué trèspeu émissifs. Des effets thermiques moins graves s'observent au bord des piècesmétalliques inévitablement interposées dans le faisceau : monture du miroirsecondaire et lames support. Le lecteur trouvera dans L’astronomie (1) un articlespécial de M. A. Couder sur ce sujet.

La figure 156 D montre un exemple de perturbations énormes,extrêmement rapides, très étroites, très inclinées, qui existent 50 centimètres au-dessus de la flamme d'une bougie. Il est à peine besoin de dire que l'image dediffraction s’évanouit en une plage 50 fois plus large constituée par unpoudroiement de vermisseaux lumineux. Une destruction aussi radicale del'image n'est pas nécessaire pour empêcher toute observation utile, des veinesturbulentes pratiquement aussi nuisibles s'élèvent des pièces métalliques d'unemonture équatoriale, du sol et de ce remarquable radiateur que constituel'observateur. Tous

(1) L’Astronomie, t. 63, sept. oct. 1949, p.253.

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les tailleurs de miroirs se sont amusés en foucaultant à observer les remous quis'élèvent de la main d'une personne interposée dans le faisceau près du miroir.

La turbulence instrumentale peut et doit être combattue au moins à partir de250 d'ouverture, les solutions possibles font l'objet du § 67.

129. Deuxième étage : la turbulence locale. - Naturellement, au voisinagede l'instrument et jusqu'à plusieurs centaines de mètres existent des sources detroubles que nous ne pouvons plus détourner du faisceau. Cependant larespiration de l'observateur peut encore être écartée avec un déflecteur légerprolongeant de 40 centimètres environ le tube proprement dit. Le vent latéralattaquant obliquement l'ouverture du télescope produit des graves tourbillonsspiralés particulièrement marqués si l’air a léché un toit chaud. Les plusmauvaises conditions locales sont atteintes dans une pièce d'appartement enpointant l'instrument à travers une fenêtre, même après un équilibrage thermiqueapproximatif de la pièce, il subsiste un régime tourbillonnaire irrégulier maispermanent qui ne laisse pas grand espoir d'utiliser avec fruit des grossissementssupérieurs à 100 ou 150. Malgré tout, ceux qui ne peuvent observer autrementauraient tort de se décourager, avec un peu de persévérance, ils trouveront descirconstances favorables à certaines époques de l'année (souvent au printemps)ou à la fin de la nuit. Quand le régime thermique est renversé et que l'airextérieur est plus chaud que l'intérieur, il est possible d’obtenir d'excellentesimages. S'il n'en était pas ainsi, presque tous les instruments astronomiquesplacés dans une coupole seraient inutilisables pour les travaux nécessitant ungrand pouvoir résolvant. En plein air, les conditions sont généralementmeilleures, il faut éviter les terrasses bétonnées très larges exposées au soleilpendant la journée, les murs et de façon générale, tous les radiateurs proches degrande capacité. La configuration du terrain est également importante, l’airchaud remonte suivant les lignes du thalweg, les situations à flanc de coteau et àvue partiellement masquée par une colline sont a priori défavorables, cependantil n'y a pas de règles absolues et c'est à l'expérience de décider dans tous les cas.L’air chaud ou refroidi circulant près d'une source éloignée produit des aspectsfaciles à confondre avec la turbulence à haute altitude, l'essai de Foucault nemontre plus de remous nets relativement lents mais des fluctuations larges troprapides pour être interprétées par l'observation directe. Avec un oculaire, il n'estpas possible de mettre au point sur les remous comme nous l'indiquons plus loin.Pour nous les meilleures conditions locales (le choix du milieu géographique estune autre affaire) seraient obtenues en terrain plat avec sol gazonné, l'instrumentmonté sur un pilier à plusieurs mètres de hauteur, le plancher d’observationporté par une charpente légère à claire-voie en bois, l’abri supporté par la mêmecharpente beaucoup plus grand et plus haut que l'instrument, cloisons et toit àdouble parois, toit roulant vers le nord. La figure 131 montre un abri de cegenre, à la fois pratique et économique, tout au moins si l’on recule devant lahaute charpente qui porterait le tout à plusieurs mètres du sol. Les coupoles lesmoins mauvaises ont également des cloisons calorifugées, un diamètre trèsgrand par rapport à l’encombrement de l'instrument et une large trappe que l'onpeut espérer dépourvue de graves remous dans la moitié centrale.

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130. Troisième étage : la turbulence en altitude. - Pointons le télescopesur le limbe lunaire ; mettons un oculaire de grossissement moyen G = 200 surun standard ; faisons une mise au point soignée sur les détails lunaires et notonsle tirage exact du coulant au moyen d'un réglet divisé. La turbulence rend lelimbe lunaire onduleux ; tirons l'oculaire légèrement en arrière, les ondulationsdeviennent plus contrastées, plus nettes, il semble bien que l'on arrive à mettreau point sur les remous. Au premier tirage obtenu correspond la longueur focaleF du miroir ; le second tirage F+a est la distance conjuguée d’un objet turbulentdont la distance réelle est p' l'on a :

FppFp −=' et en pratique a

Fp

2

'=

L'on trouve parfois p’ de quelques centaines de mètres seulement s'il y a unvent froid au sol, du genre Mistral, la turbulence locale rejoint alors laturbulence en altitude, mais le plus souvent on localise une couche assez biendéfinie dont l'altitude est voisine de 3 500 mètres. Bien entendu cela n'est pas sisimple. Un collègue amateur, M. Boyer, a fait à Cotonou une longue étudeportant sur 5 000 sondages environ obtenus avec un télescope de 190. Les cotesdans l'échelle Danjon réduite statistiquement en fonction des directions des ventsà toutes altitudes mirent en évidence non seulement la couche classique, trouvéeà 3 400 mètres, mais une seconde couche troublée très nette à 5 500 mètres. Lessondages météorologiques disponibles ne dépassaient pas 6 000 mètres mais ilest certain qu'il existe d'autres étages d'anomalies. Lors des expériences de J.Blamont comportant la création de nuages de sodium, éjecté à haute altitude pardes fusées Véronique, nous avons pu photographier, à l'aide d’un télescopenewtonien de 250, des flocons de moins de 2 minutes d’arc produits à 80kilomètres d'altitude dans un vent transversal de 36 mètres par seconde !

Il ne faut donc pas espérer d'amélioration décisive sur la turbulence globaleen choisissant un site élevé. La turbulence locale, souvent prépondérante,subsiste toujours et le foucaultage d’un instrument fermé dans lesquels on fait levide montre qu'une amélioration sérieuse exige une pression résiduelle d’unefraction de millimètre de mercure seulement. Les photographies à hautedéfinition de la granulation solaire, prises en ballon avec des ouvertures de 30centimètres seulement environ, n'ont donné des résultats vraiment meilleursqu'au sol jusqu’à des altitudes d'environ 25 kilomètres. L’observatoire élevé estsurtout intéressant pour la meilleure transparence atmosphérique ; quelquefoisun concours heureux de circonstances fait qu'il est également supérieur à lamoyenne au point de vue de la qualité des images, c'est le cas de quelques picsisolés (Mont Hamilton, Pic du Midi) ou de plateaux choisis (Mont Palomar).

Le site terrestre idéal pour un grand instrument est une utopie, il faudraitquitter la Terre et s'installer sur la Lune par exemple ! Toutefois la prospection,la recherche de l'endroit le moins mauvais conserve un intérêt certain si elle estconduite avec un esprit réaliste et pas trop subordonnée à des considérationsextra-techniques. L’instrument de prospection, très mobile, doit avoir undiamètre d’au moins 50 centimètres pour permettre des études visuelles etsurtout photographiques extrapolables à de grandes dimensions. En particulierdes photographies à longue pose techniquement parfaites classeraient

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immédiatement la station par report sur un graphique du genre de la figure 155.Le site général choisi, après une étude systématique portant au moins sur uneannée entière, l'implantation des bâtiments devrait surtout être conçue demanière là éviter le plus possible la création de turbulence locale - coupoles bienisolées dans la végétation et les plus hautes possibles.

Une fois de plus nous avons débordé largement du domaine habituel del'amateur, une information surabondante paraissant nécessaire sur un sujet quidomine toutes les possibilités de l'astronomie. D'ailleurs nous connaissons desamateurs de choc capables de prospecter le site à choisir pour les vacances ou laretraite en tenant compte de la qualité des images. Les plus nombreux quisubissent les phénomènes tels qu'ils sont à leur domicile doivent se dire aprèscette analyse que la complexité de l'atmosphère est telle qu'en aucun point de laterre il faut s'attendre à des miracles tandis que les stations à première vue lesplus disgraciées bénéficient parfois de conditions supérieures à la moyenne. Parexemple au-dessus de l'agglomération parisienne s'élève une brume crasseusetrès défavorable pour la transparence mais excellente du point de vue de laturbulence, elle joue le rôle d'une serre immense où les échanges d'air sontsouvent beaucoup moins violents.

131. Conclusion. - Avant de lâcher l'amateur dans sa recherche personnelledes curiosités du ciel, nous avons voulu l'armer complètement pour lui donnerles meilleures chances de comprendre. Beaucoup n'utiliseront qu'une faible partdes donnés et certes ni les bulletins de contrôle scrupuleux, ni les lames defermetures, les équatoriaux et l'analyse de la turbulence ne sont indispensablespour admirer des détails lunaires ou les nébuleuses. D'autres au contraireattendent maintenant de nouvelles précisions sur les télescopes de Schmidt, lesMaksutov et les Brachytes, sur les réfracteurs et les coronographes, sur les filtresmonochromatiques polarisants, etc... car la marotte une fois lancée est insatiable,elle ne peut être limitée que par le temps des loisirs disponibles et encore... !Laissons les plus acharnés sur leur faim puisque le sujet est de toutes manières,inépuisable ; d'ailleurs ceux qui ont franchi déjà toutes les étapes actuelles ontacquis une expérience qui leur permet des initiatives originales souvent valables,ils peuvent se passer maintenant d'instructions détaillées.

Le curieux se lançant dans l'étude du ciel à l'oculaire de son télescope est unvéritable touriste franchissant la frontière d'un pays nouveau pour lui. Il n'est pasnécessaire pour un touriste d'avoir construit son automobile mais ce n'est pasnuisible et cela peut être utile en cas de panne. Tout en voyageant pour sonplaisir et à sa fantaisie notre touriste peut s'intéresser à des choses très diverses :monuments, curiosités naturelles, habitants, cultures, restaurants à étoiles (cellesdu guide) ; il peut voir les choses à fond ou superficiellement, il peut aussisimplement ne rien voir du tout ou voir des choses qui n'existent que dans sonimagination.

Reste la question de trouver un carburant adapté à son moteur, nous voulonsdire des ouvrages de documentation convenables. A défaut d’une bibliographiedétaillée nous croyons utile de donner un court lexique de deux mots souventemployés dans les jugements sur les ouvrages :

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Clair, avec une nuance de satisfaction : se dit d'un mémoire court depréférence réduit à un groupe de formules ou mieux une formule uniquerigoureusement inintelligible par elle-même. Par extension la clarté concerne desexposés très condensés dont les finesses sont hautement appréciées desspécialistes qui connaissent déjà la question à fond.

Compliqué, associé à une nuance péjorative de confusion : se dit d'un longexposé dont les développements sont directement intelligibles au commun desmortels.