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Référence de cet article : BRINDOUMI Atta K. J. La création des huileries coloniales et ses consé- quences en Côte d’Ivoire de 1912 à 1929. Rev iv hist 2014 ; 23 : 49-69. LA CREATION DES HUILERIES COLONIALES ET SES CONSEQUENCES EN COTE D’IVOIRE DE 1912 A 1929 BRINDOUMI ATTA KOUAME JACOB Université Alassane Ouattara de Bouaké UFR Communication-Milieu-Société Département d’Histoire RÉSUMÉ Avec l’installation des huileries dès 1912, la filière du palmier à huile connait un regain de prospérité. Cette renaissance de l’économie oléagineuse s’est traduite par l’accroissement du volume de production d’huile de palme et de palmistes, l’aménagement des palmeraies naturelles, la création des plantations de palmiers à huile sélectionnés par la station de la Mé et l’amélioration de la qualité d’huile. Mais, la création des huileries engendre certains problèmes tels que l’expropriation des palmeraies. Cette expropriation des terres suscite de nombreux conflits fonciers entre les huileries et les habitants. Mots-clés : Huileries, palmeraie, expropriation, huile de palme, palmistes et administration coloniale. SUMMARY With the installation of the oil mills since 1912, the die of the palm tree with oil knows a renewal of prosperity. This rebirth of the oleaginous economy resulted in the increase in the volume of production of cabbage tree and palm oil, the installation of the natural palm planta- tions, the creation of the plantations of palm trees with oil selected by the station of Me and the improvement of the quality of oil. But, the creation of the oil mills generates certain problems such as the expropriation of the palm plantations. This expropriation of the grounds causes many land conflicts between the oil mills and the inhabitants. Key words : Oil mills, palm plantation, expropriation, palm oil, cabbage trees and colonial administration. INTRODUCTION A la fin de la traite négrière au XIX ème siècle, l’huile de palme et les palmistes se substituent aux esclaves en devenant les principaux produits qui alimentent les échanges commerciaux entre l’Afrique et l’Europe. Très prisées, les coques des graines de palme servaient de combustible aux industries européennes. En outre, elles entrent dans la fabrication de certains produits tels que le savon, la margarine, surtout dans la confection des plats culinaires et dans l’éclairage public. En Afrique, en plus des plats culinaires, elles servent à induire le corps et son arbre producteur,

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Référence de cet article : BRINDOUMI Atta K. J. La création des huileries coloniales et ses consé-quences en Côte d’Ivoire de 1912 à 1929.Rev iv hist 2014 ; 23 : 49-69.

LA CREATION DES HUILERIES COLONIALES ET SES CONSEQUENCES EN COTE D’IVOIRE DE 1912 A 1929

BRINDOUMI ATTA KOUAME JACOBUniversité Alassane Ouattara de Bouaké

UFR Communication-Milieu-SociétéDépartement d’Histoire

RÉSUMÉ Avec l’installation des huileries dès 1912, la filière du palmier à huile connait un regain de

prospérité. Cette renaissance de l’économie oléagineuse s’est traduite par l’accroissement du volume de production d’huile de palme et de palmistes, l’aménagement des palmeraies naturelles, la création des plantations de palmiers à huile sélectionnés par la station de la Mé et l’amélioration de la qualité d’huile. Mais, la création des huileries engendre certains problèmes tels que l’expropriation des palmeraies. Cette expropriation des terres suscite de nombreux conflits fonciers entre les huileries et les habitants.

Mots-clés : Huileries, palmeraie, expropriation, huile de palme, palmistes et administration coloniale.

SUMMARYWith the installation of the oil mills since 1912, the die of the palm tree with oil knows a

renewal of prosperity. This rebirth of the oleaginous economy resulted in the increase in the volume of production of cabbage tree and palm oil, the installation of the natural palm planta-tions, the creation of the plantations of palm trees with oil selected by the station of Me and the improvement of the quality of oil. But, the creation of the oil mills generates certain problems such as the expropriation of the palm plantations. This expropriation of the grounds causes many land conflicts between the oil mills and the inhabitants.

Key words : Oil mills, palm plantation, expropriation, palm oil, cabbage trees and colonial administration.

INTRODUCTION

A la fin de la traite négrière au XIXème siècle, l’huile de palme et les palmistes se substituent aux esclaves en devenant les principaux produits qui alimentent les échanges commerciaux entre l’Afrique et l’Europe. Très prisées, les coques des graines de palme servaient de combustible aux industries européennes. En outre, elles entrent dans la fabrication de certains produits tels que le savon, la margarine, surtout dans la confection des plats culinaires et dans l’éclairage public. En Afrique, en plus des plats culinaires, elles servent à induire le corps et son arbre producteur,

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le palmier est aussi apprécié pour ses vertus thérapeutiques et pour sa sève qui est appelée vin de palme. La principale zone de peuplement en Afrique est le Golfe de Guinée, notamment l’espace compris entre la Casamance au Sénégal et l’Angola1.

Sur les côtes ivoiriennes, l’huile palme a alimenté un important trafic depuis le XVIIème siècle dont les principaux artisans sont les Avikam, les Abouré, les Alladjan, les Adioukrou, les Krou, les Anglais et puis les Français2 au XIXème siècle. Ces peuples côtiers ont acquis une véritable fortune pendant l’époque précoloniale grâce au négoce de l’huile de palme. Mais la baisse des coûts de l’huile de palme sur le marché international à partir de 1860 entraîne le ralentissement de son commerce. A la fin du XIXème siècle et durant la première décennie du XXème siècle, l’huile de palme est supplantée par le caoutchouc naturel. Mais l’hégémonie de l’économie caoutchoutière sera de courte durée, car dès 1912, elle connaît une grave crise liée à la surexploitation des essences, à l’entrée en production des plantations d’Asie et à la chute des cours du caoutchouc sur le marché mondial.

Ainsi le commerce de l’huile de palme va-t-il connaître une nouvelle ère de prospérité. Cette nouvelle ère de prospérité est due à l’implantation des huileries dont la première et la plus importante a ouvert ses portes en 1912 à Grand-Drewin dans le cercle du Bas-Sas-sandra. D’autres huileries s’implantent sur la côte notamment dans le cercle des Lagunes. Mais la crise économique de 1929 porte un coup dur à cet élan d’industrialisation de la filière. La plupart des huileries sont contraintes à la fermeture. Seules subsisteront, l’hui-lerie de Grand-Drewin et la société des huileries et plantations de Bingerville. Bénéficiant du soutien de l’administration coloniale, la présence des huileries dans la filière suscite une question fondamentale. Comment la présence de ces huileries va-t-elle influencer le développement de l’économie oléagineuse en Côte d’Ivoire ?

Pour bâtir notre analyse, nous avons eu recours aux documents tels que les sources d’archive, des ouvrages de vulgarisation et des travaux scientifiques. S’agis-sant des archives, nous avons compulsé la série RR qui traite de l’agriculture et des services zootechniques et la série PP qui comporte les rapports des services de la douane. Ces différents documents qui sont logés aux archives nationales de Côte d’Ivoire offrent une variété d’informations sur l’économie oléagineuse parmi lesquelles nous avons sélectionné et recoupé celles portant sur les huileries coloniales.

Les informations fournies par les sources d’archives laissent apparaître parfois assez d’ombres car, elles restent souvent muettes sur les volumes de production des huileries. Mais, ces archives sont des documents originaux, authentiques et contemporains aux faits relatés. Toutefois, les informations obtenues grâce aux archives ont été confrontées à celles fournies par les ouvrages de vulgarisation et les travaux scientifiques tels que les thèses et les articles de revues pour effectuer les recoupements les sélections nécessaires.

La conduite de cette démarche méthodologique nous a permis de bâtir notre analyse autour de trois axes principaux à savoir la création des huileries coloniales, les conséquences économiques et sociales et enfin les conséquences agraires.

1 M. ZIMMERMANN, 1917 : «Les conditions économiques de l’Afrique Occidentale Française à la fin de 1913», in Annales de Géographie, tome 26, n° 142, p. 318.

2 P. ATGER, 1962 : La France en Côte d’Ivoire de 1843 à 1893- cinquante ans d’hésitations politiques et commerciales, Université de Dakar, FLASH, mémoire de Maîtrise d’Histoire, p. 47.

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I- L’IMPLANTATION DES HUILERIES EN COTE D’IVOIRE ENTRE 1912 ET 1929

Avec un milieu naturel très riche en palmiers à huile, la Côte d’Ivoire réunit les conditions naturelles nécessaires à l’implantation des huileries. Ainsi, de nombreuses petites unités industrielles ont-elles été créées à partir de 1912. Mais, dans leur fonc-tionnement, elles seront confrontées à de nombreuses difficultés financières à cause de la faible rentabilité du négoce de l’huile de palme et des palmistes sur le marché mondial. Ces difficultés financières seront accentuées grâce à la crise économique de 1929. On assiste alors à la fermeture de nombreuses huileries en Côte d’Ivoire.

1- Un milieu naturel favorable à l’implantation des huileries

Issu de la famille des palmacées, le palmier à huile ou l’élaeis guineensis est présent sur l’ensemble de l’espace forestier de la Côte d’Ivoire. Les milieux les plus favorables à sa croissance sont les zones ayant une pluviométrie atteignant 1.500mm3 et une température annuelle de 25°c4. Ainsi, la limite du milieu de prédilection du palmier à huile se situe au 8ème parallèle qui correspond à la limite du domaine sou-danais. Les principaux peuplements de palmier à huile dont la superficie est évaluée à 7.000 kilomètres carrés5, sont repartis le long des lagunes et du littoral ivoirien. En général, les peuplements de palmier à huile se rencontrent sur les terres laissées en jachère dans la zone forestière.

La dissémination des graines de palme dans ces anciennes plantations est indi-rectement liée à l’action humaine6. Mais aussi, elle est due à l’action des oiseaux et des mammifères. En se référant à la carte de la page suivante, on constate que les principaux peuplements de palmiers à huile se situent dans les régions de Tabou, de San-Pédro, de Sassandra, de Grand-Lahou, de Dabou, d’Abidjan et d’Assinie7. Après la zone littorale, la densité des palmiers à huile est assez faible. Avec cette richesse du milieu naturel en palmier à huile, Henri Cosnier estime que la Côte d’Ivoire serait en mesure de produire annuellement en moyenne 260.000 tonnes d’huile de palme et 210.000 tonnes de palmistes8.

Dans le cercle du Bas-Sassandra, un rapport de 1920 indique que la zone comprise entre Sassandra, Grand-Drewin et Dakpadou est une véritable forêt de palmiers qui ne laissent subsister en certains points aucune végétation9. La palmeraie comprise

3 A. OUINDE, 1978 : L’encyclopédie générale de la Côte d’Ivoire, Abidjan, NEA, p. 551.4 E. GUERNIER, 1949 : Encyclopédie coloniale et maritime de l’Afrique occidentale française, Paris, p. 50.5 GOUVERNEMENT GENERAL DE L’AFRIQUE OCCIDENTALE FRANCAISE, 1931 : La Côte d’Ivoire,

Paris, société d’éditions géographiques, maritimes et coloniales, p. 24.6 J-M. E. LATTE, 1992 : Les échanges commerciaux en pays Odzukru 1830 à 1898, UNCI, thèse de

Doctorat 3ème cycle en Histoire, p. 39.7 GOUVERNEMENT GENERAL DE L’AFRIQUE OCCIDENTALE FRANCAISE, 1931 : Exposition coloniale,

Paris, société d’éditions géographiques, maritimes et coloniales, p. 58.8 En réalité, la production d’huile de palme n’a jamais pu excéder les 12.000 tonnes avant 1930. Seule

la quantité des palmistes qui a pu parfois dépasser la barre des 20.000 tonnes. H. COSNIER, 1921: L’ouest africain français : ses ressources agricoles, son organisation économique, Paris, Larose, p.80.

9 1RR 117 SERVICE AGRICOLE : Rapports et demandes au sujet des concasseurs, des plants de palmiers et des programmes des oléagineux, 1919-1923, 1929 et 1931-1933.

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entre Grand-Drewwin et Niéga a une densité de 135 à 150 pieds par hectare10. En outre, les villages de Drewin, Trépiont et Rock-Béréby reçoivent la production de l’intérieur pour être vendues aux maisons commerciales européennes. Dans la zone de Grand-Lahou, l’administrateur Coup, chef du poste, indique une densité de 623 palmiers adultes au km2 dans le secteur de Lauzoua11. La carte ci-dessous indique les principales zones de peuplement de palmiers à huile dans la zone forestière de la Côte d’Ivoire.

10 A.M. PILLET-SCHWARTZ , 1973 : Capitalisme d’Etat et développement rural en Côte d’Ivoire : La société Pour le développement et de l’exploitation du palmier à huile en pays Ebrié, Paris, thèse de Doctorat

3ème cycle, ORSTOM-EPHE, p.11.11 1RR 110 SERVICE AGRICOLE: Correspondances échangées entre le service agricole, les administra-

teurs et le gouverneur à propos de la commercialisation et de ses produits ainsi que la carbonisation des coques de palme, 1910 ; 1912-1913 ; 1923 ; 1930-1933.

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Les principales compagnies commerciales qui opèrent sur le littoral ivoirien sont les maisons King12 et Lucas de Bristol et à un degré moindre les navires français. Les principaux ports d’embarcation des produits du palmier à huile sont Assinie, Grand-Bassam, Jacqueville, Grand-Lahou, Sassandra, Béréby, Tabou et Bliéron. La présence de ces peuplements de palmiers à huile facilite l’implantation des huileries.

2- La création des premières huileries entre 1912 et 1917.

La première et la plus importante huilerie qui a ouvert ses portes en 1912 en Côte d’Ivoire est la Société Française des Huileries et Plantations de Côte d’Ivoire (SHPCI). Elle a été fondée par le capitaine Emile Alfred Schiffer dans le cercle du Bas-Sassandra, plus précisément à Grand-Drewin. Avec un capital de 2.800.000 francs13, cette huilerie a une capacité de production annuelle de 2.160 tonnes d’huile de palme et 2.000 tonnes de pal-mistes14. Mais elle n’a jamais pu atteindre cette capacité à cause des difficultés techniques qui ont conduit à l’usure de son matériel de fabrication. Cette détérioration du matériel a entraîné la fermeture de l’usine en 1914. Avant la mise en activité de la SHPCI, le capitaine Schiffer a acheté des palmeraies d’une superficie de 4.700 hectares dont 2.365 hectares dans le cercle du Bas-Sassandra15 et 2.335 hectares dans le cercle des Lagunes16 entre 1910 et 1911. Jusqu’en 1912, les achats successifs réalisés ont portées cette superficie à 8.000 hectares17.

En plus de la S.H.P.C.I, d’autres huileries sont créées dans le cercle des Lagunes entre 1912 et 1913. Il s’agit de l’huilerie de Blachon à Bingerville avec une capacité quotidienne de trois tonnes de fruits et un capital de 75.000 francs, l’huilerie de Grand-Bassam créée en 1913 et l’huilerie Mbrabo située dans la concession de Vivioz18 à Bingerville. Quant à la société Pericarpe syndicate, elle a créée deux usines dont l’une à Anna dans la région de Bingerville d’une capacité quotidienne de douze tonnes et celle de Babra à Abidjan en 191419.

3- De la multiplication des huileries à la crise économique de 1929.

Pour faire face à la concurrence des colonies néerlandaises d’Asie et des colonies belges d’Afrique australe, l’administration coloniale française vulgarise l’usage des pres-soirs à main et des concasseurs au sein de la population. En outre, elle encourage la multiplication des huileries modernes. A cet effet, de nombreuses huileries sont créées dans le cercle des lagunes. Il s’agit de la petite huilerie de Marcory située sur l’île Petit-Bassam qui a été créée en 1922 avec une capacité quotidienne de 1,5 tonne20.12 La maison King de Bristol est très active sur la zone côtière à l’ouest du fleuve Sassandra jusqu’au

Libéria. En 1898, elle a même reçu officiellement une attribution de terrain entre Trépoint, Sassandra et Grand-Drewin pour installer ses factoreries. Cf. A. PICCIOLA (1973) : «Quelques aspects de la Côte d’Ivoire en 1919», in Cahier d’études africaines, volume 13 n° 50, p. 252

13 1RR116 SERVICE AGRICOLE : Correspondances adressées au gouverneur portant sur la récolte et l’extraction des graines de palme 1915-1928.

14 H. YAYAT DALEPE, 1973 : Une économie coloniale de transition : La Côte d’Ivoire de 1893 à 1919, Paris, Université Paris VII, Thèse de Doctorat 3ème cycle, p. 376.

15 Confère la carte n° 2.16 1RR110 SERVICE AGRICOLE : Op. cit.17 C. D. DOMERGUE, 1973 : La Côte d’Ivoire de 1912 à 1920 : Influence de la première guerre mondiale

sur l’évolution politique, économique et sociale, Toulouse, Université de Toulouse le Mirail, thèse de Doctorat 3ème cycle, p. 203.

18 1RR 29 SERVICE AGRICOLE : Rapport d’ensemble sur la situation agricole, 1923.19 1RR 93 SERVICE AGRICOLE : Rapports sur l’installation d’une huilerie en Côte d’Ivoire, 1914.20 A. CHEVALIER, 1931 : «Le palmier à huile à la Côte d’Ivoire», in Revue botanique appliquée, n° 116, p. 221.

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Quant à la SHPCI, après le départ du capitaine Schiffer, en France, l’usine est remise en marche par le mécanicien. Ne bénéficiant plus du soutien financier de ses actionnaires européens21, la SHPCI est minée par de nombreuses difficultés financières. Cette situation financière délétère est lourde de conséquences. En effet, les manœuvres accumulent de nombreux mois de salaires impayés et refusent alors de travailler. Les régimes s’accu-mulent dans les campements, obligeant ainsi le directeur à exiger l’arrêt de la récolte des régimes. Les difficultés financières de la SHPCI conduisent à son rachat, en 1920, par la Société Commerciale et Industrielle des Palmeraies Africaines, une filiale de la compagnie Sangha-Oubangui. Cette société a obtenu également en 1920 une concession de 1.000 hectares dont 600 hectares de palmeraies dans la région de Dabou22 grâce à l’intervention de l’ancien gouverneur Angoulvant qui est devenu l’un des ses administrateurs.

En 1925, l’Union Tropicale des Plantations, une filiale de la société financière des caoutchoucs achète la palmeraie ainsi que l’huilerie de la Société Commerciale et Industrielle des Palmeraies Africaines à Grand-Drewin et la palmeraie de Mopoyem23. A Bingerville, Dreyet crée en 1918 une petite huilerie qui deviendra en 1928 la Société des Plantations et Huileries de Bingerville24. Cependant la crise économique de 1929 ruine les espoirs des petites huileries en les contraignant à cesser leurs activités. Seules les huileries telles que l’Union Tropicale des Plantations (UTP) et la Société des Plantations et Huileries de Bingerville survivent à cause de leurs énormes for-tunes. Mais dans la décennie 1930, elles vont végéter obligeant l’Union Tropicale des Plantations à abandonner ses palmeraies et la société de Bingerville à se reconvertir dans la culture du cacao. En somme, l’existence des palmeraies favorise la création d’une dizaine d’huileries entre 1912 et 1929. Mais la présence de ces huileries sera à l’origine de nombreux bouleversements dans la filière oléagineuse.

II- LES CONSEQUENCES ECONOMIQUES ET SOCIALES

La création des huileries en Côte d’Ivoire engendre de nombreuses conséquences économiques et sociales. Au niveau économique, l’action des huileries favorise l’amélio-ration de la qualité et l’accroissement de la quantité de l’huile de palme et des palmistes. Cela va se traduire d’abord par la mise sur le marché international de l’huile de qualité et ensuite par l’accroissement de la production. Par ailleurs, pour lutter contre les incon-vénients de l’extraction artisanale, l’administration coloniale oblige les habitants à livrer leurs récoltes aux huileries. Aussi va-t-elle vulgariser l’usage de pressoirs et de concas-seurs. Cependant, la présence des huileries constitue une menace pour les maisons de commerce européen qui ont vu leurs activités réduites. Au niveau social, la création des huileries nécessite aussi le recrutement d’une main d’œuvre à bon marché.

1- L’accroissement de la production et l’amélioration des techniques de production et de la qualité.

Avec la création des huileries, les volumes d’huile de palme et de palmiste connaissent une hausse sensible. La production d’huile exportée est passée de 5.954 tonnes en 1910

21 1RR 36 CERCLE DU BAS-SASSANDRA: Rapports et correspondances relatifs à la situation agricole, économique et zootechnique : 1896-1933.

22 Journal officiel de la Côte d’Ivoire, n°6 du 31 mars 1920, p.114.23 A. M. PILLET-SCHWARTZ, 1973 : Op. cit, p. 22.24 Idem, p. 25.

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à 6.776 tonnes en 1912. Mais, pendant la première guerre mondiale, les exportations connaissent une baisse à cause du manque de bateaux. La meilleure performance de production a été atteinte en 1919 avec une production totale de 28.198 tonnes dont 11.760 tonnes d’huile de palme et 16.438 tonnes de palmistes. Entre 1923 et 1926, la production totale d’huile et de palmiste excède les 20.000 tonnes. Mais à partir de 1929, la fermeture de nombreuses huileries entraîne inévitablement la chute progressive de la production.

La croissance de la production est certes liée à la concurrence entre les maisons de commerce et les huileries, mais aussi à la forte pression de la demande. A cet effet, les maisons de commerce accroissent leurs achats en Côte d’Ivoire. Dans les cercles du Bas-Sassandra et des lagunes, la production s’est accrue. Au niveau du Bas-Sassandra, la production d’huile de palme est passée de 490,25 tonnes en 1918 à 759,188 tonnes en 1919 et le volume des amandes de palme est également passé de 481,329 tonnes à 578,888 tonnes25.

Le graphique ci-dessous montre l’évolution de la production d’huile de palme et de palmiste entre 1912 et 1923. L’évolution des histogrammes est liée à l’histoire de cette société. Entre 1912 et 1916, on constate une hausse régulière de la production d’huile. Mais à partir de 1917, la production connait une baisse à cause financière de la société. Son chiffre d’affaire en 1918 s’élève à 646.608 francs 87 centimes26. Cette situation finan-cière difficile va conduire au rachat de la SHPCI par la Société des Huileries Africaines en 1921. Dès 1922, s’amorce une nouvelle hausse de la production d’huile.

Production d’huile et de palmistes par la SHPCI

Sources : PP 23 Rapport d’économie d’ensemble sur le commerce de la colonie, 1925, 28 p. 1QQ87 CERCLE DU BAS-SASSANDRA : Rapport d’ensemble sur la situation économique et commerciale des poste de Sassandra, Gagnoa, Soubré et Buyo : 1912-1915, 1919-1923.

Cependant, les prix d’achat de ces deux produits varient en fonction des 25 A. PICCIOLA, 1973 : Op. cit, p.25626 PP286, Statistique de production d’huile de palme en Côte d’Ivoire, 1918.

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localités. A Tabou par exemple, le service de ravitaillement achète la tonne de l’huile de palme à 535,80 francs en 1919 contre 700 francs en 1918 et à 348,35 francs la tonne de palmistes contre 400 francs en 191827. Mais dès 1920, on note une montée des prix. La tonne de l’huile de palme a atteint 850 francs et la tonne de palmistes est à 500 francs28. A Tiassalé, de gros achats de palmistes et d’huile de palme sont réalisés par la Compagnie Française d’Afrique Occidentale (CFAO), les établisse-ments Salagna et la maison anglais Woodin and Co. Ltd. Sur la rive droite de la lagune Ebrié, l’huile de palme est passée de 48 centimes en 1918 à 70 centimes le kilogramme en 191929.

Dans l’ensemble, l’exportation des corps gras dérivés du palmier à huile offre d’importantes ressources financières à la Côte d’Ivoire. En 1925, le rapport de la douane établit les gains engendrés par l’exportation de ces deux produits à 41.182.178 francs dont 20.637.715 francs pour l’huile de palme et 20.544.463 francs pour les palmistes30. Cette somme représente environ 35,18 % de la valeur des exportations totale de la Côte d’Ivoire. La France est la principale bénéficiaire, car elle a reçu environ 80% des exportations d’huile de palme et 52 % des palmistes.

L’amélioration de la qualité de l’huile de palme en vue d’accroître sa compétitivité sur le marché international constitue une véritable préoccupation pour l’administration coloniale. En effet, la méthode traditionnelle d’extraction de l’huile de palme utilisée par les habitants est assez lente et nécessite une véritable débauche d’énergie. Cette méthode d’extraction se résume aux opérations suivantes. D’abord, les fruits mûrs détachés de leurs régimes, sont soumises à une fermentation pendant quatre ou cinq jours avant la cuisson dans les jarres. Elles sont ensuite dépulpées par le pilonnage dans des mortiers en bois ou dans des pirogues. Enfin l’extraction de l’huile se fait par compression à la main des pulpes qui ont été préalablement séparées des graines. L’huile surnageant est recueillie, décantée et épurée par une lente ébullition. Cette méthode d’extraction artisanale permet de recueillir qu’une petite quantité d’huile31 contenue dans la graine. Dans ces conditions, on estime qu’un individu ne peut qu’extraire quotidiennement deux kilogrammes d’huile de palme32. Ce taux d’extraction d’huile est inférieur au rendement de l’extraction industrielle33.

27 A. PICCIOLA, 1973 : Op. Cit, p. 25628 Idem.29 Ibidem.30 PP 23 Rapport d’économie d’ensemble sur le commerce de la colonie, 1925, p.14.31 Les chiffres qui existent à ce sujet doivent être pris avec beaucoup de précaution car ils varient en

fonction des auteurs. En effet, pendant que le gouvernement général de l’Afrique Occidentale Française estime que cette méthode d’extraction artisanale permet de recueillir 8 à 14% de l’huile dans les graines (cf. GOUVERNEMENT GENERAL DE L’AFRIQUE OCCIDENTALE FRANCAISE, 1931 : Op. Cit, p.26), Catherine Coquery-Vidrovitch pense que le taux d’extraction est de 25% (cf. C. COQUERY-VIDROVITCH (1972) : Le Congo au temps des grandes compagnies concessionnaires (1899-1930), Paris, Armand colin, p.460). La faiblesse du rendement de la production artisanale a aussi été démontrée en 1912 par Auguste Chevalier, Hubert et Adam. Ces chercheurs ont indiqué que cent grammes de fruits peut produire en moyenne vingt grammes d’huile et vingt grammes d’amandes par le procédé mécanique, alors que le procédé traditionnel permet de produire dix grammes d’huile et treize grammes d’amande (cf. Journal officiel de la Côte d’Ivoire, n°16 du 31 août 1912, p. 488).

32 C. D.DOMERGUE, 1973 : Op. Cit., p. 202.33 Au niveau de l’extraction industrielle de l’huile, le taux varie également en fonction des auteurs. Pour

le gouvernement général de l’Afrique Occidentale Française, ce taux d’extraction se situe entre 15 et 20 %. Quant au service agricole de Côte d’Ivoire, dans un rapport anonyme, il le situe à 98 % (cf. 1RR 93 SERVICE AGRICOLE : Op. Cit.).

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En outre, le concassage des noyaux est effectué par les femmes et les enfants. Le rendement journalier dans cette opération de concassage est de 1,5 kilogramme34. A partir de 1925, la station expérimentale de la Mé s’engage dans la vulgarisation des pressoirs portatifs de marque Simon. Plus de 200 pressoirs portatifs ont été vendus dans la région de Dabou qui est considérée comme la principale zone productrice d’huile de palme. Les résultats ont été très intéressants, car, le taux d’acidité de l’huile de palme produite par les habitants qui est environ 50 % a chuté à environ 3 %35. En outre, pour accroître la production de palmistes, les autorités coloniales adoptent les concasseurs à moteur montés sur des camions qui sillonnent les villages.

La fermentation de l’huile imposée par le procédé traditionnel diminue la teneur en glycérine et augmente le taux d’acidité. Jean Suret-Canale estime ce taux d’acidité entre 20 et 50 %36. Or, la glycérine est très importante dans l’industrie de guerre euro-péenne. En effet, elle sert à fabriquer des explosifs tels que la dynamite37 qui a été découverte par l’industriel suédois Alfred Nobel en 1867. Aussi, le degré d’impureté de l’huile produite par les habitants est de 25 à 30 %. Ce taux élevé d’acide affecte considérablement la qualité de l’huile produite en la rendant très peu compétitive sur le marché mondial. Alors que l’huile produite par les huileries a un taux d’acide inférieur à 3 % et un taux d’impureté inférieur à 1 %. Devant les inconvénients du procédé traditionnel, l’administration coloniale lance une campagne de lutte contre la fabrication traditionnelle de l’huile de palme. A cet effet, elle encourage la création des huileries en Côte d’Ivoire puis, elle oblige les habitants à leur livrer la récolte.

2- La livraison obligatoire des graines aux huileries.

Avant la mesure de livraison obligatoire de la récolte en 1916, les huileries achètent à des prix très bas les graines de palme des populations ivoiriennes. Par exemple, en 1915, alors que la société Pericarpe syndicate paye le régime à 10 centimes, l’usine Vizioz achète la tonne de régime à 50 francs38. Cette faiblesse des prix n’encourage pas les autochtones à livrer leurs productions aux huileries. Ce qui constitue une perte pour les huileries.

Pour permettre l’alimentation régulière et suffisante des huileries, le gouverneur Angoul-vant oblige les populations en 1916 à livrer leurs récoltes aux huileries. Dans un courrier adressé à l’administrateur du cercle des lagunes, le gouverneur Angoulvant indique que : «le rôle (…) des indigènes est de se consacrer uniquement à la récolte de leur palmeraie pour vendre les fruits à l’usine la plus proche»39. Cette politique de livraison obligatoire a été poursuivie par son successeur, le lieutenant-gouverneur Maurice Lapalud. Ce dernier préconise que les paysans soient payés en espèces ou en nature (huile) à un taux de 12 %40. Ce taux de 12 % correspond selon lui à la quantité d’huile extraite par le procédé tradition-nel. Cette contrainte imposée aux habitants est dénoncée par la chambre de commerce.

34 GOUVERNEMENT GENERAL DE L’AFRIQUE OCCIDENTALE FRANCAISE, 1931 : Op. Cit , p. 26.35 Idem.36 .J. SURET-CANALE, 1971: Afrique noire, tome II: L’ère coloniale : 1900-1945, Paris, éditions sociales, p.72.37 C. MOUREU, 1927: Discours et conférences sur la science et ses applications, Paris, Gauthier-Villars et

Cie, p. 250.38 PP 23 Rapport d’économie d’ensemble sur le commerce de la colonie, Op. Cit. 39 1RR 104 CABINET DU GOUVERNEUR: Correspondances au sujet de l’exploitation de l’huile de

palme, 1908 ; 1912-1920.40 1RR 101 CABINET DU GOUVERNEUR : Correspondances adressées aux administrateurs de cercle

en vue de l’alimentation des usines, de l’exploitation du palmier à huile ,1912-1913 ; 1918.

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Le refus de livrer la récolte aux huileries est considéré comme un acte de désobéis-sance qui est vivement réprimé par l’administration coloniale. Le gouverneur Maurice Lapalud exhorte les administrateurs de cercles à user de la force dans l’application de cet arrêté. A cet effet, il écrit : «L’emploi de la force sera certainement nécessaire. Vous y recourez immédiatement (…). Des sanctions interviendront chaque fois qu’un village n’a pas produit sa production moyenne journalière calculée sur le pied de dix kilogrammes de fruits par homme valide»41.

Mais, dans l’application de cette mesure, on note de nombreux abus. Dans la zone d’Abidjan par exemple, alors que les habitants s’emploient à livrer toute leur production à l’usine Pericarpe syndicate, celle-ci les rémunère avec des bons42. Ces bons ne sont pas toujours acceptés par les maisons de commerce et les commer-çants. Cette mesure qui oblige des populations ivoiriennes à livrer leurs récoltes aux huileries rencontre l’hostilité des maisons de commerce. Elle permet aux huileries de réaliser de gros bénéfices. En fait, le monopole des usines constitue une entrave majeure à la liberté du négoce dans la filière.

3- L’opposition entre les huileries et les maisons de commerce

La multiplication des huileries entraîne une vive concurrence entre elles et les maisons commerciales. En principe, cette concurrence doit permettre aux habitants de tirer réellement profit de leurs récoltes, car ils ont la possibilité de vendre à l’huile-rie qui offre le meilleur prix. En 1916 par exemple, les habitants d’Anna, d’Aboutou, d’Agban et d’Adjamé ont refusé de vendre leurs récoltes à l’usine Pericarpe Syndicate qui achète le régime au prix dérisoire de 10 centimes43.

Les relations entre les huileries et les maisons commerciales sont de plus en plus vives. En effet, la politique de livraison obligatoire des récoltes aux huileries engendre la chute de leurs chiffres d’affaires. Dans un courrier datant du 31 janvier 1913, la maison Woodin44 s’insurge contre la volonté manifeste du gouverneur Angoulvant d’accorder tacitement le monopole45 de l’exploitation et de la commercialisation à la S.H.P.C.I dans les cercles des lagunes et du Bas-Sassandra. Mais ce dernier a nié les privilèges accordés à la S.H.P.C.I en disant : «Je suis heureux de voir s’installer dans le pays des usines qui aideront à sa mise en valeur rapide (…). Le gouverneur ne peut favoriser aucune usine et vous êtes libres (…) d’apporter des graines à tel ou tel industriel (…) qui vous achète vos produits dans les meilleures conditions»46. En outre, la création des huileries favorise la croissance de la production de l’huile de palme et des palmistes comme l’indique les histogrammes ci-dessous.

41 1RR 87 SERVICE AGRICOLE : Circulaire portant sur la fourniture des graines et l’affermage des palmeraies à des entreprises industrielles dans les cercles Lahou, Assinie, Bassam, des lagunes, de l’indénié et du N’zi-comoé., 1908 ; 1912-1920.

42 H. YAYAT-DALEPE, 1973 : Op. Cit, p. 394.43 1RR 114 SERVICE AGRICOLE : Correspondances relatives aux produis extraits du palmier à huile :

1907-1915, 1918, 1923-1925.44 Société commerciale anglaise dont la maison principale est à Liverpool.45 1RR 79 SERVICE AGRICOLE : Actes de vente consentie par les indigènes de différents villages de

la tribu Mbatto comoé (cercle des lagunes) et du cercle du Bas-Sassandra à M. Schiffer Emile Alfred, des récoltes des produits de palmier à huile, 1910 ; 1912-1913.

46 1RR 114 SERVICE AGRICOLE Idem.

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4- L’instauration du salariat

La création de la Société des Huileries et des Plantations de Côte d’Ivoire exerce une attraction sur les jeunes habitants du cercle du Bas-Sassandra en quête d’emploi salarié. Le plus souvent, les travailleurs proviennent des régions environnantes, notamment Soubré, Gagnoa et de Buyo47. En plus des travailleurs originaires des régions voisines, il y’a aussi des Soudanais, des Yacouba, des Wobé, des Sénégalais, des Ashanti et des Dahoméens. Il est bon de signaler que la SHPCI emploie en moyenne 700 travailleurs en période de récolte et 300 à 400 personnes pour l’entretien des palmeraies pendant la saison morte. Généralement, des Yacouba, des Wobé et des Dahoméens exercent le métier de grimpeur. Ce nombre de salariés est réduit à 100 en 192948. Dans le cercle des Lagunes, notamment à Bingerville, la main-d’œuvre est composée d’Abouré venus de Bonoua ainsi que des prisonniers condamnés à réaliser des travaux d’utilité publique. Dans les palmeraies, les différentes catégories de travailleurs sont les grimpeurs, les ramasseurs des graines, les manœuvres chargés du débroussaillage des palmeraies et les ouvriers de l’usine.

Avant de s’engager dans les huileries, chaque travailleur signe un contrat individuel avec la direction de l’entreprise. Si ce contrat d’engagement est assez vague sur la nature et la durée journalière des travaux à exécuter, il fixe en occurrence le salaire et le nombre de jour de travail mensuel. S’agissant des jours de travail, il donne les précisions suivantes : «six jours de travail par semaine et consécutivement 25 ; 26 à 27 jours par mois. Les grimpeurs-récolteurs doivent assurer une tâche journalière de 25 à 30 régimes pendant la saison de récolte»49. Concernant le traitement salarial, il varie en fonction de la qualité du travailleur et de son grade. En effet, tandis que les ouvriers de l’usine perçoivent mensuellement 30 francs, soit environ 1,15 francs par jour, le grimpeur a mensuellement 35 francs, soit 1,34 francs par jour s’il parvient à accomplir la tâche journalière ci-dessus. Le salaire des chefs d’équipe qui est en fonction des services rendus, oscille entre 35 francs et 45 francs. Cette imprécision sur le salaire des chefs d’équipe laisse la porte ouverte à toute sorte d’abus.

Aussi, non seulement le contrat n’indique pas la possibilité d’évolution des salaires, il ne mentionne pas le recours que le travailleur peut utiliser en cas de non perception de son salaire. Les absences et les fautes telles que l’inexécution du travail prescrit ou la détérioration du matériel appartenant à la société entraînent des retenus sur le salaire que le directeur détermine selon son gré.

A la fin du mois, le travailleur ne perçoit que le tiers de son salaire. Les deux-tiers sont retenus par la société pour constituer l’épargne du travailleur. Cette épargne qui doit être versée à l’employé à la fin de son contrat est en fait un moyen de pression pour le maintenir jusqu’au terme de son contrat et pour l’emmener à bien faire son travail. D’ailleurs à la fin du contrat, il n’est pas évident pour l’employé de percevoir l’intégralité de sa créance. Car la SHPCI connait de sérieuses difficultés financières depuis 1916. En juin 1918, on estime à 139.207 francs50, la somme qu’elle doit verser aux employés. Cette situation qui a suscité des grèves des ouvriers a pu être résolue grâce à l’intervention de l’admi-

47 1QQ 87 CERCLE DU BA-SASSANDRA: Rapport d’ensemble sur la situation économique et commer-ciale des postes de Sassandra, Gagnoa et de Buyo : 1912-1915 ; 1921-1923.

48 A. DUBRESSON, 1989 : Villes et industries en Côte d’Ivoire : Pour une géographie de l’accumulation urbaine, Pari, Karthala, p. 19.

49 1RR 79 SERVICE AGRICOLE : Op. Cit. 50 1RR 40 CABINET DU GOUVERNEUR : Correspondances relatives au personnel de l’agriculture et à l’achat du matériel de culture, 1915 ; 1918-1921 ; 1930 ; 1933-1934.

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nistrateur du cercle du Bas-Sassandra. Ce dernier a pu obtenir des acomptes auprès de la maison King51. Parmi les travailleurs, on compte la présence de sénégalais, de dahoméens, des soudanais et des ashanti52.

Ces jeunes gens engagés dans les huileries constituent de réels espoirs pour leurs familles. Au terme de leur contrat, ils retournent dans leur village pourvus de nombreux objets tels que les vêtements, des pagnes, des outils, de l’alcool et surtout des pièces d’argent. Ces objets sont les signes visibles du salaire perçu à la SHPCI. En outre, leur fortune doit en principe permettre à leur famille de s’acquitter de l’impôt de capitation à l’administration coloniale. Mais, ils sont parfois animés par des attitudes individualistes53 et l’idée d’accumulation du capital. On assiste alors à l’émergence d’un embryon du capitalisme dans les mentalités. Au niveau alimentaire, la consommation régulière du riz54 dans les palmeraies peut bouleverser à la longue le régime nutritionnel des travailleurs. En plus des effets socio-économiques, signalons que la création des huileries engendre des changements dans le régime foncier de la basse-Côte d’Ivoire.

III- LES TRANSFORMATIONS FONCIERES ENTRE 1912 ET 1929

Pour installer leurs huileries, les opérateurs économiques ont acquis de grandes sur-faces de palmeraies dans le but d’assurer un approvisionnement régulier de leurs usines. Obtenues le plus souvent grâce à des contrats de bail et au cantonnement des habitants, ces palmeraies sont sources de nombreux conflits entre les habitants et les huileries. En effet, ces habitants qui ont vu leurs espaces de cultures vivrières réduits, exigent la rétro-cession de leurs terres. Par ailleurs, le faible rendement des palmiers à huile spontanés amène les huileries à s’investir dans la création des plantations modernes de palmiers à huile sélectionnés. Ces palmiers à huile sélectionnés sont les fruits des recherches initiées par la station expérimentale de la Mé.

1- L’expropriation des terres.

La création des huileries favorise l’expropriation des terres. Dans la société africaine, la terre qui est un bien inaliénable, est devenue une marchandise. Désormais la propriété de la terre qui est collective devient individuelle. Pour s’accaparer des palmeraies, les huileries emploient quatre méthodes qui sont le bail, l’hypothèque, le cantonnement et l’exploitation par la force. L’acquisition des palmeraies par le contrat de bail a été utilisée par la Société des Huileries et Plantations de Côte d’Ivoire en juin 1910 dans les cercles du Bas-Sassandra et des Lagunes55. Les contrats de baux 51 H. YAYAT DALEPE, 1973 : Op. Cit, p. 377.52 1RR 34 CERCLE DU BAS-CAVALLY : Rapports et correspondances adressées au gouverneur au

sujet de l’agriculture, 1909-1932.53 1QQ 87 CERCLE DU BA-SASSANDRA: Op. Cit.54 Le contrat indique également que chaque travailleur a droit à une ration alimentaire quotidienne de

600 grammes de riz, 100 grammes de poisson ou de viande, 20 gramme de sel et des graines de palme nécessaire à la préparation de la sauce. Cette ration alimentaire est préparée sur les chantiers par les travailleurs ou par leurs épouses à midi. Ces derniers n’ont qu’une heure de repos. En outre, une gratification de tabac et de boisson leur est accordée. Cette ration est théorique, car, la quantité du repas qu’ils reçoivent est inférieure. Sur le chantier, ils sont servis dans des boîtes de conserve d’une capacité de 450 grammes. Les retardataires ou les absents sont privés de la ration alimentaire. Cf. 1RR 79 SERVICE AGRICOLE : Idem.

55 1RR 17 SERVICE AGRICOLE : Correspondances relatives à la société des huileries et des plantations de Côte d’Ivoire, 1910-1920.

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signés entre Alfred Emile Schiffer, fondateur de la Société des Huileries et Plantations de Côte d’Ivoire et les habitants du Bas-Sassandra ont été signés selon la méthode coutumière et en présence d’un avocat ou d’un notaire, des témoins et un interprète assermenté maîtrisant partiellement la langue française.

La présence de ces différentes personnalités vise à conférer aux contrats une base juridique en cas de conflits. Ces conventions donnent à Emile Schiffer la possibilité de jouir en toute liberté des palmeraies et de la terre pendant trente ans56. Devenue propriétaire de la terre, il peut y cultiver le café, le cacao ou des cocotiers. Quant à la population, elle est confrontée à la réduction de ses terres cultivables. Par conséquent, les habitants du Bas-Sassandra éprouvent des difficultés à produire leur nourriture. Si la SHPCI a pris le soin d’énoncer ses droits dans les différentes conventions, elle n’a pas pris d’engagement sur les conditions de travail des populations. Quant au prix d’achat des palmeraies, il est fixé à 1,70 francs l’hectare57 sans aucune autre redevance.

En plus du contrat de bail, l’hypothèque qui consiste à prêter de l’argent ou des mar-chandises aux populations locales pour se faire rembourser en palmeraies est parfois employée par la SHPCI. Plusieurs accords de ce genre ont été signés. On a par exemple celui qui a été signé le 30 novembre 1912 entre la SHPCI et le notable Kéké Lowa de Bassa, en présence de Doukoua Bogré et Yaou Ahoura. Il est libellé comme suit : «Il est convenu que les dits lots de palmeraies données ainsi, en garantie à la société lui revien-dront en toute propriété, sans aucune charge si dans un délai de trois ans à compter de ce jour, je n’ai pas remboursé intégralement le montant de ma créance à la dite société (…). Il est convenu également entre les soussignés (…) à laisser la société SHPCI cueillir et récolter en toute liberté les fruits (…). Aucune rétribution, ni la rémunération spéciale ne sera due pour ces récoltes aux propriétaires des dits lots de palmeraies par la SHPCI»58.

Par ce contrat, le notable Kéké Lowa a cédé 200 hectares de palmeraies à la SHPCI après avoir reçu d’elle un lot de marchandises d’une valeur de 1.666 francs 80 centimes. En outre, en prenant l’engagement de céder les 200 hectares de palmeraies à la SHPCI, le notable Kéké Lowa le fait au nom de la communauté placée sous son autorité. Dès la signature du décret du 18 juin 1912 et de l’arrêté du 23 août 1912 portant sur le cantonnement et le droit d’usage des palmeraies, le capitaine Alfred Emile Schiffer s’est empressé à faire valider ses contrats de 1910 et de 1911, sans y apporter des modifications pour qu’ils soient conforme aux exigences des dites lois. En outre, certains industriels n’hésitent pas à user de la force pour s’accaparer des palmeraies. On a l’exemple de Blachon dans la région de Bingerville qui récolte en mai 1913, les palmeraies voisines à la sienne avec un fusil en main59.

Enfin, le cantonnement a été initié par l’administration coloniale dans le but de limiter les propriétés collectives des villages. Quant au droit d’usage ou droit de jouissance, il se définit par la possibilité de recueillir les fruits d’un bien dans la limite des besoins du titulaire et de sa famille. Le cantonnement et le droit d’usage ont été introduits dans les colonies françaises par le décret du 18 juin 1912 et par l’arrêté du 23 août 1912 selon trois cas précis.

56 Idem.57 D. C. DOMERGUE (1973) : Op. Cit., p. 205.58 1RR 17 SERVICE AGRICOLE : Op. Cit . 59 1RR 17 SERVICE AGRICOLE : Op. Cit .

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Selon l’arrêté n° 741 du 23 août 191260, le cantonnement intervient lorsque les populations autochtones sont dans l’incapacité d’exploiter toute l’étendue de leurs palmeraies naturelles à cause de la faiblesse de leur nombre. Ainsi l’administration coloniale peut-elle décider la réduction des palmeraies des habitants en leur octroyant une superficie contenant au moins cent palmiers productifs par adulte valide. En outre, en prévision de l’accroissement de la population, l’administration coloniale leur accorde en plus, 50 % de la surface calculée. Le reste de la palmeraie est alors déclarée patrimoine privé de la colonie. L’administration coloniale peut alors l’affermer par voie d’adjudication au profit d’exploitant privé.

Aussi, le titre VIII du décret du 18 juin 1912 autorise le gouverneur à affranchir des terrains au profit des concessionnaires moyennant un émolument qui constitue pour la population autochtone une prime à leur déguerpissement. En outre, le cantonne-ment des palmeraies au profit des huileries peut être réalisé lorsque les populations autochtones se livrent uniquement à la cueillette des fruits pour les apporter à l’usine. Dans son rapport de tournée du 12 décembre 1912, l’administrateur Coup estime que l’objectif du cantonnement des palmeraies est la préservation de l’outil économique en empêchant les habitants de faire une hécatombe effrayante des palmiers61.

Dans un courrier adressé aux administrateurs et aux commandants de cercle en août 1912, le gouverneur Angoulvant estime que le décret du 18 juin 1912 entre dans le cadre de la politique coloniale qui consiste à exploiter au maximum les ressources qu’offrent chaque colonie pour financer son développement. A cet effet, le gouver-neur Angoulvant soutient qu’: «il serait criminel de se désintéresser de ces richesses naturelles d’une valeur considérable qui se perdent sans bénéficier à personne. Il est du devoir d’une administration sage et prévoyante de (…) suppléer, par ailleurs, à l’inertie des autochtones en attendant leur réveil (….). Nous ne devons jamais perdre, le désir légitime que nous éprouvons d’augmenter les ressources budgétaires et le mouvement économique, les droits et les intérêts des indigènes»62.

En dépit de ses insuffisances, le décret du 18 juin 1912 reconnait au moins le droit de propriété des populations ivoiriennes sur les palmeraies. Le capitaine Emile Schiffer, fondateur de la société française des huileries et plantations de Côte d’Ivoire partage cette vision du décret. A cet effet, il écrit: «La légende des forêts de palmiers inexploitées et n’appartenant à personne devra être énergiquement combattue, si on veut éviter à la colonie des demandes intempestives de concessions (...). Nulle part dans la Côte d’Ivoire, le palmier n’a cru spontanément (…). Jamais je n’ai pu trou-ver la moindre parcelle pour laquelle on ne m’ait pas indiqué aussitôt un propriétaire individuel ou collectif, suivant la tribu. La propriété des palmeraies ne me paraît donc pas pouvoir être discutée; elle appartient aux indigènes»63. Mais, dans la réalité, les contrats d’Emile Schiffer ne respectent pas l’arrêté et le décret sur le cantonnement et le droit d’usage, car, elles n’accordent pas de palmeraies aux autochtones.

60 «Arrêté n°741 déterminant les conditions dans lesquelles le cantonnement de droits d’usage et de récolte des indigènes pourra être établi au profit de la colonie», in Journal officiel de la Côte d’Ivoire, n°16 du 31 août 1912, p. 487.

61 1RR 110 SERVICE AGRICOLE : Op. Cit.62 Journal officiel de la Côte d’Ivoire, Idem, p. 486.63 1RR110 SERVICE AGRICOLE : Op. Cit.

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Les contrats entre les huileries et les populations se caractérisent par le déséquilibre entre les parties contractantes. Ce déséquilibre ou cette inégalité entre les deux parties résulte du fait qu’elles ne jouissent pas des mêmes droits et devoirs devant la loi. Les Noirs sont soumis au code de l’indigénat, une loi raciste qui les présente comme des êtres inférieurs. Lorsque l’Européen a raison, il bénéficie du soutien de l’administration coloniale. Dans le cas contraire, l’affaire est envoyée en justice où la signature des habitants dans les contrats n’a pas une réelle valeur sans l’intervention de l’administration coloniale.

Ce qui porte à croire qu’ils ne peuvent pas gagner le procès en cours. Ainsi les conflits qui surviennent après les contrats sont le plus souvent trancher en faveur de la SHPCI sans que les habitants n’aient un droit de recours. Or, la duplicité, l’abus de pouvoir et la mauvaise foi font le plus souvent bon ménage dans ces contrats. Les Européens exploitent au mieux la naïveté des habitants qui sont d’ailleurs anal-phabètes. Cette expropriation des terres suscitent parfois le mécontentement des habitants, d’où la naissance de nombreux conflits fonciers.

2- La naissance des conflits fonciers.

La mauvaise interprétation ou l’incompréhension des conventions entre les huileries et les habitants suscitent de nombreux conflits. Dans le cercle du Bas-Sassandra, les habitants qui ont perdu la totalité de leur terre après la signature des conventions avec la SHPCI protestent en qualifiant l’expropriation d’injuste64. Le moindre différend est mis à profit pour renouveler leur requête en vue de retrouver leurs terres. Par exemple, à l’annonce de la mort du capitaine Schiffer en 1918 en France, ils réclament la rétrocession de leurs palmeraies.

En fait, l’occupation des palmeraies par la SHPCI a plongé la population autochtone dans la misère et dans la souffrance, car elles n’ont aucune terre pour cultiver leurs vivriers. Dans un courrier que les habitants du Bas-Sassandra adressent au procureur le 22 août 1918, elles expriment leur désarroi en ces termes : «Au nom de notre administrateur Février, nous avons vendu à la société 19 lots de palmeraies aux prix de 6.000 francs par an. A la fin de la première année de travail, la société ne nous avait payé que 3.570 francs. Deux, trois, quatre années sont écoulées, nous ne recevons rien pour les 19 lots de palmiers que nous lui avons donné, la société s’est emparée de toutes nos palmeraies. Nous ne possé-dons aucune palmeraie pour fabriquer l’huile avec laquelle nous gagnons de l’argent pour payer notre impôt, nos amendes ; nous n’avons pas de terrain pour cultiver, nous vivons au milieu de la pauvreté, nous mourons de faim. Nous partons même chercher du bois, les grimpeurs de la société disent que nous volons ; ils nous frappent (…). Nous souffrons de tous les mots»65.

Ces habitants sont soutenus dans leur combat par l’administrateur Liurette qui estime que les contrats signés en 1910 violent le décret sur le régime forestier du 18 juin 1912. Alors, il autorise les autochtones à cultiver le vivrier dans les palmeraies de la SHPCI sans le consentement de la société. Cette dernière sollicite l’arbitrage de l’avocat Jean-Clément à Grand-Bassm pour résoudre le litige. Mais, la persistance du conflit oblige l’administrateur Liurette à proposer une solution intermédiaire qui est le déguerpissement des habitants de Grand-Drewin. Ceux-ci seront installés dans la palmeraie comprise entre Niéga et Victory66.64 Idem.65 1RR 17 SERVICE AGRICOLE : Op. Cit.66 Confère la carte n°2.

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Dans le cercle des lagunes, des conflits similaires ont existé entre les populations autochtones et les huileries. Les habitants d’Abatta dans la région de Bingerville, très révoltés, contestent en 1919 le droit de propriété du colon Drevet, fondateur de la société des huileries et des plantations de Bingerville. Le chef de village, dans des propos très virulents, s’indigne contre l’occupation des palmeraies en disant : «De quel droit t’installes-tu sur cette terre ? Tu ne l’as pas apporté sur ta tête en traversant la mer»67. Pour éviter tout débordement, l’administration coloniale s’engage dans la résolution des différents conflits fonciers. La résolution des conflits entre les huileries et les habitants a été possible grâce à l’intervention de l’administration coloniale. La plupart de ces conflits ont été soumis à l’arbitrage du tribunal. Dans le cercle du Bas-Sassandra, l’administrateur exige la délimitation des palmeraies de la S.H.P.C.I pour permettre aux habitants d’en bénéficier selon les dispositions du décret du 18 juin 191268. La carte ci-dessous indique les possessions de la société en 1913 ainsi que la partie concédée aux habitants

Ce dernier diligente une enquête69 dont les résultats ont révélé que sur les 650 hectares de terrains laissés aux habitants, 200 hectares sont sans valeur et 450 hec-tares peuvent produire du vivrier. En outre, seul 150 hectares sur les 450 hectares sont faiblement peuplés de palmiers à huile. Alors qu’il aurait fallu céder aux habitants 1.550 hectares ou 70.000 palmiers à huile. Avec ces résultats, l’administrateur Liurette exige l’abandon par la SHPCI, de ses droits de récolte sur au moins 600 hectares au niveau du littoral. Il lui propose également de récupérer la surface rétrocédée aux habitants sur le littoral70 au nord de ses palmeraies. Cette décision de l’administrateur du cercle du Bas-Sassandra a été acceptée par la SHPCI grâce à l’intervention du gouverneur Maurice Lapalud en 1919.

67 1RR 79 SERVICE AGRICOLE : Op. Cit. 68 1RR 17 SERVICE AGRICOLE : Op. Cit .69 1RR 17 SERVICE AGRICOLE : Op. Cit .70 Idem.

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Dans le cercle des Lagunes, le tribunal d’Abidjan, siégeant en audience, condamne Necker à verser une indemnité de 1.865 francs aux populations Mbatto. Cette somme constitue une prime de dédommagement à leur déguerpissement71. Une autre indem-nité fixée à 100 francs par famille lui a été imposée par l’administrateur de Grand-Bas-sam pour les habitants d’Affoutou qui vivent dans sa concession. Quant à Blachon, le gouverneur tranche en sa faveur en accusant même les habitants d’avoir refusé de livrer leurs récoltes à son huilerie en 1914. Pour le gouverneur Angoulvant : «C’est commettre un véritable crime contre l’avenir de la colonie que de laisser des palmeraies immenses inexploitées, non pas seulement parce que l’indigène est paresseux mais, parce que même laborieux, il n’avait pas assez de bras pour les mettre en valeur»72.

Pour mettre fin à ces nombreux conflits, le gouverneur Angoulvant exige aux huileries, le respect des dispositions prévues par le décret du 18 juin 1912 et l’arrêté du 23 août 1912 dans la rédaction des contrats d’achat des palmeraies. Ces contrats doivent être conclus selon les règles coutumières. En outre, sa signature se fait obligatoirement en présence d’un notaire et des témoins avant d’être confirmer par l’administrateur du cercle. De même, il impose un certains nombre de règles com-munes que tous les contrats doivent respecter. Ces règles sont :

«1- Les chefs et les notables peuvent passer des contrats au nom de la collectivité qu’il représentent qu’après l’accord de leurs administrés ; 2-Le contrat n’engage qu’une collectivité, un seul village; 3-Le contrat doit contenir tous les renseignements sur la superficie des palmeraies à affermer ; 4-Les villages ne peuvent affermer que les 2/3 de leurs palmeraies et non la totalité ; 5-La durée d’affermage ne doit pas excéder 20 ans ; 6-Les engagements de louage de main d’œuvre ne pouvaient pas être insérés dans les contrats d’affermage, les salaires ne doivent pas figurés comme invariable»73.

Malgré l’achat des palmeraies, l’administration coloniale exige aux habitants la livraison de leur récolte aux huileries.

3- La création des premières plantations de palmier à huile

L’un des aspects positifs de l’implantation des huileries en Côte d’Ivoire est la modernisation de la filière oléagineuse. Cette modernisation se caractérise par la création de deux types de plantations de palmiers à huile à savoir les palmeraies naturelles aménagées et les plantations de palmiers à huile sélectionnés.

En réalité la question de l’aménagement et de l’entretien des palmeraies a constitué une véritable préoccupation pour l’administration coloniale. Elle est inscrite dans le cahier des charges des huileries. A cet effet, elle figure dans les contrats d’achat signés entre la S.H.P.C.I et les habitants de Grand-Drewin74. Dans le cercle des lagunes, l’inspecteur Bourgine a même menacé les habitants de Locodjoro en 1919 de leur retirer la propriété de leurs palmeraies s’ils ne les entretiennent pas75.

71 1RR 87 SERVICE AGRICOLE : Op. Cit. 72 Idem.73 Ibidem.74 1RR 17 SERVICE AGRICOLE : Op. cit.75 1RR 108 SERVICE AGRICOLE : Rapports annuels portant sur les cultures agricoles : café, cacao,

palmier à huile, coton, cocotiers, cola, caoutchouc, karité kopack et sur le commerce des bétails dans les cercles des lagunes, Agnéby, N’zi-Comoé, Baoulé, 1911-1920.

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L’entretien des palmeraies consiste à les débroussailler, à renforcer les palmeraies clairsemées. Le renforcement des palmeraies clairsemées peut se faire en y plantant des jeunes palmiers ou le café et le cacao. La densité maximale recommandée par le service de l’agriculture est de 150 palmiers à l’hectare. La politique de l’aménagement vise les objectifs suivants : «faciliter l’exploitation de la palmeraie, augmenter la densité et partant à augmenter le rendement à l’unité de superficie, assurer la régénération constance de la palmeraie et maintenir une production régulière»76.

En plus de l’aménagement des palmeraies, le directeur de l’agriculture, l’inspec-teur Houard crée en 1922 la station de recherche sur le palmier à huile à la Mé. La station de la Mé est spécialisée dans la recherche de nouvelle variétés de palmiers plus productifs et la fourniture de ces nouvelles semences aux sociétés77. La création de la station expérimentale de la Mé marque le démarrage de la culture des palmiers sélectionnés en Côte d’Ivoire. Dès 1924, elle fournit 20.000 palmiers à la station agricole de Bingerville et à la société des huileries africaines de Grand-Drewin pour la création de sa palmeraie d’une superficie de 2.000 hectares à Mopoyem dans la région de Dabou78. Jusqu’en 1929, les huileries ont pu créer 2.500 hectares de plantations de palmiers sélectionnés.

Pour préserver les palmiers à huile, le gouverneur Angoulvant interdit la fabrication et la vente du vin de palme à partir du 1er février 191679. Cette interdiction est due au rapport alarmant présenté le 17 janvier 1916 en conseil d’administration par son secrétaire général, Maurice Lapalud. Ce dernier estime que, chaque année, environ 1.315.000 palmiers dont 945.000 palmiers à huile sont abattus par les Ivoiriens80. Des sanctions sévères sont prévues pour punir les contrevenants. En dépit de l’aménagement des palmeraies et surtout la création des plantations de palmiers à huile sélectionnés, il faut aussi indiquer que la présence des huileries va entraîner l’accroissement de la production de l’huile et de palmistes ainsi que la naissance de la concurrence entre elles et les maisons de commerce.

CONCLUSION

A partir de 1909, l’administration coloniale engage un processus de modernisation de l’économie oléagineuse en vulgarisant l’usage des pressoirs et des concasseurs en Côte d’Ivoire. Mais les prix d’achat élevés des pressoirs et des concasseurs n’ont pas permis à l’ensemble des habitants de s’en offrir. L’extraction traditionnelle de l’huile de palme et des palmistes est de plus en plus utilisée. Mais la volonté d’améliorer la qualité et la quantité des corps gras dérivés du palmier à huile amène l’adminis-tration coloniale à encourager la création des premières huileries privées de la Côte d’Ivoire à partir de 1912. A cet effet, deux importantes mesures à savoir le décret du 18 juin 1912 portant sur le régime forestier et l’arrêté du 23 août 1912 relatif au cantonnement des palmeraies et au droit d’usage des indigènes ont été adoptées pour faciliter leur installation.

76 1RR 110 SERVICE AGRICOLE : Op. cit.77 1RR 31 SERVICE AGRICOLE : Rapports sur la situation agricole de Bingerville, 1925.78 1RR 112 SERVICE AGRICOLE : Rapport sur la station expérimentale du palmier à huile de la Mé, 1925.79 Arrêté n°40A interdisant dans la colonie la fabrication et la circulation du vin de palme en vue de la

vente. Cf. 1RR 104 CABINET DU GOUVERNEUR : Op. cit.80 Idem.

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Mais l’économie de guerre initiée par l’administration coloniale va aider les huile-ries à développer leurs activités en Côte d’Ivoire. Cette économie de guerre impose la livraison obligatoire de la récolte des habitants aux huileries, l’expropriation des palmeraies naturelles et le recrutement de main-d’œuvre à bon marché. L’objectif est de produire suffisamment en quantité et en qualité des corps gras pour répondre à la demande sans cesse croissante du marché français. A la fin de la guerre en 1918, de nombreuses petites huileries sont créées dans le cercle des lagunes. Certaines huileries sont confrontées à des difficultés telles que les habitants qui se plaignent de plus en plus contre l’expropriation des terres et leurs conditions de vie et de tra-vail dans les palmeraies. Toutefois la crise économique de 1929 ruine les espoirs de beaucoup d’entre elles. Mais la question du développement des huileries n’a jamais été abandonnée par les autorités coloniales. Après une période d’inaction véritable de 1930 à 1941, l’administration coloniale tente de relancer la filière en créant en 1942 l’Institut de Recherche sur les Huiles et les Oléagineux (IRHO). Cet institut va prendre procession des plantations et des huileries de Grand-Drewin, la station de la Mé et la plantation de l’UTP à Dabou.

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