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198 BALANCED SCORECARDS : DÉMARCHE DE CONSTRUCTION Utiliser le balanced scorecard comme un outil de management stratégique : le cas Sodexho Fondée en 1966 par Pierre Bellon à Marseille, Sodexho Alliance est aujour- d'hui, avec 308 000 collaborateurs répartis dans plus de 70 pays et un chiffre d'affaires consolidé de 11,5 milliards d'euros, un des leaders mondiaux de la restauration et des services. Ses activités couvrent principalement la restau- ration collective (santé, entreprises, administrations, éducation, etc. : n° 1 mondial) ainsi que les Chèques-Restaurant et cartes de service (n° 2 mon- dial). Sodexho s'est organisée autour de ses segments d'activité correspondant à un marché précis : Grands Comptes, Restauration Inter Entreprise, Col- lectivités territoriales, Établissements d'enseignement, Entreprises privées, Administration, Personnes âgées, Personnes handicapées, Hôpitaux, Cli- niques, Défense, Grands Comptes publics et Prisons. La délégation est his- toriquement très forte dans le groupe. Les entités, qui sont chacune res- ponsable d'un ou de plusieurs segments joints, ont longtemps eu une très forte liberté de décision et de gestion sur leur marché. Cette situation a tendance à évoluer aujourd'hui, comme nous le verrons, le projet BSC mené par l'entité centrale, Sodexho France jouant un rôle important. Les expériences de balanced scorecard que nous allons présenter concer- nent deux entités, les segments « Hôpitaux Cliniques » et « Grands Comptes », ainsi que l'entité centrale, Sodexho France. Elles suivent la chronologie avec laquelle ces projets ont été menés au sein du groupe. Chaque expérience sera traitée en trois temps : contexte et objectifs du BSC, description de l'outil mis en œuvre, conclusion sur les points mar- quants du projet. Enfin, nous terminerons ce chapitre par une réflexion sur le rôle du BSC et les différents stades de maturité de cet outil que l'on peut rencontrer dans les organisations. Première expérience de BSC : le segment Sodexho « Hôpitaux Cliniques » Le premier projet BSC du groupe Sodexho a été initié en 2001 sous l'im- pulsion de Yann Coléou, alors directeur de l'entité « Hôpitaux Cliniques » 9 tableaux_bord_2005_chap09 19/10/05 18:08 Page 198

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Utiliser le balancedscorecard comme un outilde management stratégique :le cas Sodexho

Fondée en 1966 par Pierre Bellon à Marseille, Sodexho Alliance est aujour-d'hui, avec 308 000 collaborateurs répartis dans plus de 70 pays et un chiffred'affaires consolidé de 11,5 milliards d'euros, un des leaders mondiaux de larestauration et des services. Ses activités couvrent principalement la restau-ration collective (santé, entreprises, administrations, éducation, etc. : n° 1mondial) ainsi que les Chèques-Restaurant et cartes de service (n° 2 mon-dial).Sodexho s'est organisée autour de ses segments d'activité correspondantà un marché précis : Grands Comptes, Restauration Inter Entreprise, Col-lectivités territoriales, Établissements d'enseignement, Entreprises privées,Administration, Personnes âgées, Personnes handicapées, Hôpitaux, Cli-niques, Défense, Grands Comptes publics et Prisons. La délégation est his-toriquement très forte dans le groupe. Les entités, qui sont chacune res-ponsable d'un ou de plusieurs segments joints, ont longtemps eu une trèsforte liberté de décision et de gestion sur leur marché. Cette situation atendance à évoluer aujourd'hui, comme nous le verrons, le projet BSCmené par l'entité centrale, Sodexho France jouant un rôle important.Les expériences de balanced scorecard que nous allons présenter concer-nent deux entités, les segments « Hôpitaux Cliniques » et « GrandsComptes », ainsi que l'entité centrale, Sodexho France. Elles suivent lachronologie avec laquelle ces projets ont été menés au sein du groupe.Chaque expérience sera traitée en trois temps : contexte et objectifs duBSC, description de l'outil mis en œuvre, conclusion sur les points mar-quants du projet.Enfin, nous terminerons ce chapitre par une réflexion sur le rôle du BSCet les différents stades de maturité de cet outil que l'on peut rencontrerdans les organisations.

Première expérience de BSC : le segment Sodexho« Hôpitaux Cliniques »

Le premier projet BSC du groupe Sodexho a été initié en 2001 sous l'im-pulsion de Yann Coléou, alors directeur de l'entité « Hôpitaux Cliniques »

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(Sodexho HC). Bien que rentable, la division se trouvait alors confrontée àun environnement difficile dans son cœur de métier, la restauration. Ceprojet BSC, premier à être mis en œuvre dans le groupe, a été initié dansle cadre du plan et s'est ainsi inscrit dès le départ dans une orientationrésolument stratégique.

Contexte et objectifs

Le secteur des hôpitaux et cliniques connaît depuis quelques années enFrance des évolutions importantes, qui ont naturellement un impact surl'ensemble des entreprises fournisseurs de services pour ces organisa-tions. En 2001, Sodexho HC s'est trouvée confrontée à une baisse de sonmarché de la restauration, s'expliquant notamment par les facteurs sui-vants : réduction du nombre de lits en hôpitaux et cliniques, plus faibledurée moyenne de séjour des patients, augmentation de la pression desorganismes hospitaliers sur les prix des prestations de leurs fournisseurs. Confrontée à cette menace, l'entreprise a décidé d'engager un processusde réorientation stratégique visant à positionner l'entreprise sur de nou-veaux métiers et dont l'objectif était à terme de transformer l'offre initiale derestauration en un partenariat multiservices. En 2001, Sodexho HC avait déjàinitié ce mouvement en assurant pour certains de ses clients une assis-tance technique dans le domaine du nettoyage (principalement sous laforme de supervision d'équipes du personnel hospitalier) ; il s'agissait deprolonger et d'accentuer cette évolution afin de pouvoir proposer auxclients, outre la restauration, des prestations concernant l'accueil, le net-toyage, la gestion de boutiques, la maintenance technique, etc. La stratégiemultiservices est un enjeu essentiel pour Sodexho et ce concept estaujourd'hui décliné dans les différents segments du groupe. Concernant « Hôpitaux Cliniques », cette stratégie peut être décriteselon trois axes.

Une stratégie multiciblesAu-delà du patient hospitalisé, Sodexho souhaite intégrer l'ensemble desacteurs dans son offre, à savoir les visiteurs se rendant dans l'établisse-ment (famille, amis), l'équipe médicale (médecins, infirmières, soignants)et l'équipe administrative de l'hôpital ou de la clinique. Chacun de cestypes de clientèle a des attentes spécifiques, concernant non seulement larestauration, mais aussi le cadre de vie, la possibilité d'effectuer certainsachats à l'hôpital, etc. L'hôpital ou la clinique est vu non seulementcomme un lieu de soin mais aussi comme un lieu de vie.

Une offre multiservicesPour répondre aux attentes des différentes cibles, Sodexho veut propo-ser une offre globale, intégrant aux côtés de la restauration les fonctionsd'accueil, de gestion de boutiques et de distributeurs, la distribution desjournaux dans les chambres des patients, le nettoyage standard deslocaux ou celui plus spécialisé des appareils médicaux et des salles d'opé-

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ration, la maintenance, etc. Concernant le patient, une attention spéci-fique est accordée à ses attentes non médicales (loisirs, salle de travail).

Un contrat de valeurs partagées avec l'hôpital ou la cliniqueLa relation proposée par Sodexho Hôpitaux Cliniques aux établissementsde soin se définit autour de valeurs partagées : convivialité des environne-ments, qualité de la vie, sécurité, définition de services adaptés à chaquecontexte particulier. En pratique, l'objectif est de positionner Sodexhocomme un partenaire de son client hôpital ou clinique, susceptible de l'ai-der dans sa stratégie et sa relation avec le client. Compte tenu des enjeux, la participation, l'adhésion et l'implication del'ensemble des membres du comité de direction (une douzaine de per-sonnes, intégrant aux côtés des responsables fonctionnels du siège, lesdirecteurs de région) était impérative. Il s'agissait en effet non seulementde définir une stratégie cible mais d'étudier les conditions de mise enœuvre de cette stratégie. Celles-ci semblaient a priori difficiles à réunir,car Sodexho HC voulait s'engager dans de nouveaux métiers, pour les-quels les processus étaient encore mal définis et qu'elle n'était pas sûred'avoir les compétences de gérer.

Description du BSC HC : objectifs et chaîne de causalité

La nouvelle stratégie de Sodexho HC pouvait s'incarner en une phrase : « Être la référence sur le marché hospitalier français et à l'interne chezSodexho ». Il s'agissait tout à la fois de s'affirmer comme leader incontestédans ce secteur d'activité et d'être le fer de lance de la nouvelle stratégiemultiservices du groupe. C'est ce principe directeur qui a conduit l'en-semble de la définition du BSC dont nous allons maintenant décrire lesgrandes lignes, selon les quatre perspectives de Kaplan et Norton. Nousmettrons l'accent sur les objectifs et la chaîne de causalité.

Perspective actionnairesLa réflexion sur la nouvelle stratégie a conduit à identifier 3 objectifs dansla perspective financière.

Objectifs actionnaires Description

A1 – Accroître notre leadership Plus précisément, l’objectif a été défini de la façon sui-en accélérant la croissance interne vante : « Accélérer la croissance en améliorant le taux de d’au moins 10 % par an fidélisation client et en développant des offres en hôtellerie

hospitalière. Développer une image d’entreprise de services innovante, spécialisée Santé, avec une position de leader incontestée en parts de marché sur les différents métiers »

A2 – Générer plus de cash-flow L’augmentation du cash-flow concerne tout à la fois le choix et la limitation des investissements, la réductiondes délais de règlements et la maîtrise des stocks

A3 – Augmenter la profitabilité d’au La profitabilité globale est recherchée, d’une part via lemoins 15 % (sous-objectif de A2) développement de services à haute valeur ajoutée et,

d’autre part, via la maîtrise des coûts. En pratique, chaque segment et chaque offre de services devra défi-nir ses propres objectifs de profitabilité

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Perspective clientsLes objectifs clients ont été définis en dissociant les secteurs privé (cli-niques) et public (hôpitaux) et en identifiant différentes cibles de clientèle(le patient et le personnel de l'organisme de soin). Ils sont volontairementexprimés selon le point de vue des attentes de la cible visée et liés auxobjectifs financiers par une chaîne de causalité.

Objectifs clients Description

C1 – Secteur privé : Je veux un parte- Pour le secteur privé, l’attente principale vis-à-vis d’unnaire qui assure la qualité de service partenaire est d’assurer une excellente qualité de service.dans mon établissement L’offre doit donc être sur-mesure et créer une valeur

ajoutée pour les clients (patients et leur entourage)

C2 – Secteur public : Je veux la Pour le secteur public, le risque zéro, le respect dessécurité et la maîtrise de mes budgets, la simplification de la gestion interne et la approvisionnements sécurité sont les facteurs déterminants

C3 – Patient : Je veux un séjour de En situation de soin, le patient a besoin d’éléments quiqualité facilitent et humanisent son séjour (qualité de la prise en

charge, confort, palette de services dans laquelle il peutopérer un véritable choix)

C4 – Personnel de l’établissement : Pour le personnel de l’hôpital ou de la clinique, le pres-Je veux des moments de détente tataire multiservices peut contribuer à la qualité de viede qualité dans l’environnement de travail (convivialité des espaces,

services accessibles, gamme de prix bien étudiée)

En termes de causalité, ces quatre objectifs clients jouent sur les objectifsfinanciers : A1 (Leadership) et A3 (Profitabilité).

Perspective processusÀ partir des objectifs des perspectives actionnaires et clients, une dizained'objectifs clés relatifs à la perspective processus ont été définis (dontune partie est reprise dans le tableau ci-après). Ils sont individuellementliés dans une chaîne de causalité à d'autres objectifs, appartenant auxperspectives actionnaires, clients et/ou processus.

Objectifs Description Chaîne de causalité processus (impact sur les autres

objectifs)P1 – Vendre notre offre Définir l’offre multiservices, C1 – Objectif client secteur« Hôtellerie hospitalière » identifier les compétences, privé

accompagner les équipes sur C3 et C4 – Objectifs client/le terrain dans le déploiement patient et personnel hospitalier

P2 – Capter les opportuni- Travailler sur l’adaptation de C2 – Objectif client secteurtés dans le secteur public l’offre au secteur public, en public

tenant compte de la spécificitédes attentes

P3 – Développer une Mettre en place des interlocu- P1 – Vente de l’offreapproche Grands Comptes teurs dédiés, créer une offre P2 – Opportunités dans secteur

et un marketing spécifiques public

P4 – Passer nos révisions Analyser les performances A3 – Augmenter la profitabilitéde prix avec des indicateurs de pro- C1 et C2 – Objectifs clients

ductivité et de rentabilité ; secteurs public et privéproposer des contrepartieséquilibrées au client

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Objectifs Description Chaîne de causalité processus (impact sur les autres

objectifs)P5 – Maîtriser les risques Gérer les risques opération- A3 – Augmenter la profitabilité

nels (sécurité alimentaire), C1 et C2 – Objectifs clientsfonctionnels et privés secteurs public et privé

P6 – Industrialiser nos pro- Formaliser les processus, P5 – Maîtrise des risquescessus normaliser, simplifier la ges-

tion opérationnelle

Perspective apprentissage organisationnelQuatre objectifs ont été définis dans cette perspective. L'équipe de direc-tion de Sodexho HC considérait à juste titre que le facteur humain jouaitun rôle stratégique dans cette phase de réorientation de la stratégie et demise en œuvre de nouvelles compétences. On retrouve cette préoccupa-tion dans les trois premiers objectifs organisationnels.

Objectifs apprentissage Descriptionorganisationnel

O1 – Développer nos compétences Associé à cet objectif, un projet de définition des compé-managériales et commerciales et tences requises et d’identification des expertises et desacquérir des expertises techniques experts a été initié

O2 – Réaffirmer les valeurs de À l’appui de cet objectif, un plan d’action « valeursSodexho sur le terrain (sous- Sodexho Hôpitaux Cliniques » a été défini, assorti d’unobjectif de O1 et O3) projet internet et messagerie, d’un plan de communica-

tion et de la mise en œuvre d’une nouvelle politique dedélégation

O3 – Attirer, développer et retenir Il s’agissait ici de définir de nouvelles filières de recrute-les talents (sous-objectif de O1) ment, d’améliorer la gestion des carrières, de redéfinir

les processus de formation et de réfléchir aux facteursde motivation du personnel

O4 – Mettre en œuvre des outils Le quatrième objectif de cette perspective organisation-de gestion prévisionnelle et opéra- nelle concerne quant à lui les outils de suivi informatiquerionnelle simples et fiables jugés trop compliqués, peu fiables et de ce fait peu ou

mal utilisés sur les sites opérationnels

Les objectifs de cette dernière perspective sont transversaux. En termesde chaîne de causalité, Sodexho HC n'a donc pas cherché à les lier defaçon individuelle à des objectifs précis des trois autres perspectives ; ilforment en fait un « socle global » jouant sur la performance de l'en-semble du segment d'activité.

Bilan et points forts du projet BSC HC

Tout au long du projet, Sodexho HC a suivi une méthodologie extrême-ment rigoureuse (1). Une trace écrite des différentes étapes de la pro-gression du projet a été conservée et des verbatim des réunions d'élabo-ration de la carte stratégique ont été réalisés. Par ailleurs, deux bilansd'évaluation du projet ont été menés successivement par le comité de

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(1) Nous remercions Sodexho, ainsi que le cabinet Nexance, qui nous ont donné accès aux documents du projet, d’où sont extraits,en particulier, les citations utilisées dans cette section. La même méthodologie a été utilisée pour les deux autres expériences de BSCprésentées dans ce chapitre.

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direction en 2003 et en 2004, soit respectivement après deux ans et troisans de fonctionnement. L'ensemble de ces éléments nous permet d'aller plus loin que la simpledescription de l'outil pour étudier comment le projet BSC s'est intégrédans le processus de management de Sodexho HC. Au delà de son rôled'outil de mesure de la performance, le BSC apparaît dans cet exemplecomme un véritable dispositif de pilotage. C'est cette dimension que nous allons maintenant étudier, au travers desdifférents rôles joués par le BSC dans le processus de management del'entité : clarification de la stratégie, implication et fédération de l'équipedirigeante, pilotage de projets opérationnels de transformation de l'entre-prise.

Le BSC comme outil d'aide à la conduite du changement stratégiqueInitiée dans un contexte de crise en 2001, la démarche BSC s'est immé-diatement heurtée à la difficulté majeure que constituait l'incertitude surl'évolution stratégique du segment. Tout en reconnaissant que l'entre-prise ne pouvait à l'avenir se contenter de se maintenir sur son marchétraditionnel (la restauration), les choix d'évolution et leur faisabilité appa-raissaient incertains. Les questions clés à l'origine du projet concernaient tout à la fois lagamme de nouveaux services à développer et la capacité des équipes etde l'organisation à vendre et à gérer ces nouveaux domaines d'activité.

Le rôle majeur de la démarche BSC a été à cet égard de clarifier et dedécliner la nouvelle intention stratégique : « transformer l'offre initiale derestauration en un partenariat multiservices ».

➟ Le cadre méthodologique fourni par les 4 perspectives de Kaplan etNorton a permis de segmenter et d'organiser la réflexion stratégique, enidentifiant de façon systématique les objectifs clés en termes financiers,clients, processus et apprentissage organisationnel.

➟ L'analyse des chaînes de causalité, notamment pour les objectifs de laperspective processus, a conduit à approfondir et concrétiser la réflexionsur les moyens de mise en œuvre de la stratégie.

➟ Le projet BSC est devenu un exercice répété de discussion straté-gique, qui a conduit à requestionner l'ensemble des ressorts du métier del'activité. Ce rôle de support de la discussion stratégique a été souligné àplusieurs reprises lors des bilans d'évaluation du BSC : « On travaille deplus en plus naturellement sur notre stratégie. On y travaille toute l'an-née. C'est intégré » ; « Le BSC... est là pour définir la stratégie et com-ment on va la développer » ; « C'est structurant et nous apporte un lan-gage commun. Cela nous oblige, sur des problèmes stratégiques, àrechercher en permanence des points d'accroche ».

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Le BSC comme outil d'implication et de fédération de l'équipe dedirectionPour pouvoir transformer en profondeur l'orientation stratégique deSodexho HC, il était essentiel que l'ensemble des responsables (siège del'entité et directions régionales) soient impliqués dans la démarche. Cetteimplication s'est jouée au sein du comité de direction, qui a porté le pro-jet BSC et en a défini le contenu. Au démarrage du projet BSC chez Sodexho HC, les membres de l'équipede direction (siège de l'entité et directeurs régionaux) avaient l'habitudede se réunir régulièrement au sein du comité de direction. Cependant, lefonctionnement de ce comité à ce stade semblait mal adapté : l'ordre dujour était principalement animé par le directeur général et les fonction-nels (directeurs financier, du marketing et des ressources humaines), lesdirecteurs opérationnels des différentes régions se limitant généralementà un rôle d'écoute des messages émis par le siège. L'apport majeur du BSC a été de fédérer les membres du comité dedirection autour d'un projet commun et d'une méthodologie structurée.Le BSC s'est ainsi « invité » régulièrement à l'ordre du jour du comité dedirection, jusqu'à en devenir le fil conducteur. Tous les membres ducomité – y compris les directeurs régionaux jusqu'alors en retrait – ontpris en charge en commun les différentes étapes de la démarche : brains-torming sur les enjeux stratégiques, discussion et choix des objectifs etdes indicateurs, identification des projets d'accompagnement. Le projetBSC a ainsi permis à chacun des membres du comité de direction de sor-tir des limites de ses strictes responsabilités fonctionnelles ou opération-nelles, pour s'impliquer dans la définition d'une vision commune et trans-versale de l'activité. Un véritable esprit d'équipe s'est instauré au sein du groupe de direction,favorisé par le choix d'affecter les responsabilités sur les objectifs du BSCindépendamment des fonctions (chaque membre du comité de directionprend en charge la responsabilité d'objectifs appartenant à différentesperspectives, et qui sortent de son champ habituel d'activité).Les bilans menés en 2003 et 2004 sont révélateurs à ce sujet : lesmembres du comité de direction parlent du BSC comme « d'un langagecommun », « d'un outil de management intégré » ; de façon encore plusprécise, ils indiquent que « l'ensemble du comité a travaillé dans l'espritBSC. Cela permet de nous tenir intéressés par une participation active del'ensemble du groupe ».Le projet BSC a ainsi joué un rôle moteur quant à l'implication de l'équipedirigeante dans un projet stratégique commun. Il ne semble en revanche pass'être diffusé directement auprès des opérationnels des directions régio-nales. Dans le second bilan mené en 2004, le constat est que « la démarcheBSC n'est pas déclinée au niveau d'en dessous ». Certains directeurs régio-naux ont cependant choisi de l'utiliser : « chez moi, j'ai nommé des gens res-ponsables transversalement sur des objectifs » ou encore « cela me sert àtravailler de façon plus dynamique et à échanger les bonnes pratiques »,mais le processus n'a pas été mené de façon systématique.

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En revanche, le projet BSC a réussi chez Sodexho HC à fédérer l'en-semble de l'organisation, en deçà du groupe des dirigeants, au travers desplans d'action (projets opérationnels) initiés au cours du projet.

Le BSC comme outil de pilotage des projets opérationnelsL'un des aspects les plus intéressants de l'expérience de BSC chezSodexho HC est le rôle essentiel des projets opérationnels. Ceux-ci, aux-quels Kaplan et Norton font référence sous le terme d'initiatives (cf. cha-pitre 7), sont souvent négligés dans l'exposé de la méthodologie du BSC.L'accent est le plus souvent mis sur les 4 perspectives et sur la carte stra-tégique (chaîne de causalité des objectifs), ce qui peut donner l'impres-sion que l'outil se limite à l'identification des objectifs et des indicateurs(1). L'expérience Sodexho HC nous permet néanmoins de rappeler l'ap-port majeur que peuvent constituer les projets opérationnels à ladémarche BSC.Dès le démarrage du projet BSC dans la division HC, il était clair qu'unenjeu essentiel était d'initier le processus de transformation stratégique del'organisation. La définition de la nouvelle stratégie devait s'accompagnerd'une mise en œuvre opérationnelle la plus rapide possible. Il s'agissaittout à la fois d'identifier et d'initier les nouveaux processus nécessaires àla réorientation, alors même que les membres du comité de direction seposaient différentes questions : sommes-nous aujourd'hui capables defaire ces nouveaux métiers ? Quelles compétences opérationnellesdevons-nous acquérir, comment devons-nous faire, quels peuvent être lesprincipes directeurs de nos actions et de notre organisation dans cesnouveaux métiers ?Cette motivation s'est traduite très tôt dans le projet BSC par l'identifica-tion systématique de projets opérationnels concernant les perspectives « processus » et « apprentissage organisationnel ». Le contenu exact duBSC chez Sodexho HC peut ainsi être défini comme suit :– perspective financière et clients : objectifs, indicateurs ;– perspective processus et apprentissage organisationnel : objectifs, indi-cateurs et projets.Nous allons prendre deux exemples, un dans chacune des perspectivesprocessus et apprentissage organisationnel, pour illustrer ce point.

Objectifs Indicateurs ProjetsP6 – Industrialiser nos CA/Heures travaillées Passage à l’ISOprocessus Taux de mise en œuvre des Refonte du reporting

plannings de production sursite Taux d’application des menus

…/…

(1) Dans la démarche OVAR, les initiatives trouvent leur correspondance dans la notion de plan d’action. Celle-ci est explicitementplacée au cœur du processus d’élaboration des tableaux de bord.

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O2 – Réaffirmer les valeurs % de sites ayant affiché Plan d’actions « valeurs SHC »de Sodexho sur le terrain « publiquement » les valeurs - expliciter les valeurs

de la filiale - concevoir un livret accueil interne- distribuer des « cartes management »Mise en place d’une politique dedélégation

% d’utilisateurs intranet actifs Projet internet et messagerieDéfinir le plan de communica-tion hospitalisation privée ethospitalisation publique

Les projets initiés dans le cadre du BSC sont le prolongement opération-nel du travail effectué sur la carte stratégique. Chaque projet a étéaffecté à un responsable, qui rend compte aux membres du comité dedirection de son avancement. L'apport majeur des projets est deconduire le changement en profondeur dans toute l'organisation. Le BSCdépasse ainsi son rôle d'outil de mesure de la performance pour devenirun outil de pilotage opérationnel.

Le bilan du BSC chez Sodexho HC : l'impact sur les performancesConcernant la performance de l'entité, le premier bilan mené en 2003montre tout à la fois un succès spectaculaire sur des enjeux stratégiques(notamment la mise en œuvre de l'offre « hospitalité globale », dont lesrésultats ont été rapides et tangibles) mais aussi la difficulté d'opération-naliser en un délai assez court (à peine deux ans) une nouvelle stratégieambitieuse et génératrice de multiples changements dans l'organisation.Tous les objectifs énoncés n'ont pas été atteints, certains demandent àêtre redéfinis, sur d'autres le travail a à peine démarré. Ce constatmontre que, malgré son caractère synthétique, le BSC définit bien enprofondeur la performance de l'entreprise, dans sa globalité et sous sesdifférents aspects. Utilisé ici comme outil de transformation, il a en faitjoué le rôle de « plan stratégique » pour l'organisation dont les effets nesont que partiellement mesurables à court ou moyen terme.En revanche, le bilan montre également que le BSC a introduit une com-plexité nouvelle tant au niveau du reporting que du management (notam-ment du fait de la conduite de projets transversaux), que les résultats desindicateurs ne sont pas toujours mesurés, que la focalisation vers la stra-tégie induite par l'outil ne doit pas faire oublier le suivi opérationnel àcourt terme et que la méthode doit être mieux déclinée au niveau descomités des directions régionales pour porter son plein effet.Au vu du second bilan, mené en 2004, on peut considérer que Sodexho HCa atteint une très bonne maturité sur la démarche BSC. Des résultatsconcrets ont été obtenus, et l'entreprise s'est réellement transformée danscette démarche. De nouvelles problématiques apparaissent, comme lerisque de « banalisation » de la démarche après quatre ans de fonctionne-ment, l'évolution en continu de l'outil, le déploiement toujours difficile dansles directions régionales, l'approfondissement du travail sur certains objec-tifs, la cohérence avec le groupe.

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207UTILISER LE BALANCED SCORECARD COMME UN OUTIL DE MANAGEMENT STRATÉGIQUE

Initié dans un contexte de crise, le BSC apparaît dans cet exemple du seg-ment Sodexho HC comme un outil de support à la transformation straté-gique. L'objectif de redéfinition de la stratégie a été atteint en rendantcelle-ci visible et en la plaçant au cœur des réunions du comité de direc-tion de façon concrète au travers de la définition en commun des objec-tifs. La transformation de l'entreprise s'est quant à elle opérée par le biaisdes nombreux projets qui ont systématiquement accompagné les objectifsdes perspectives processus et apprentissage organisationnel.

Deuxième expérience de BSC : la filiale Grands Comptes

Le second segment auquel nous nous sommes intéressés est la filialeGrands Comptes et RIE (Restaurants Inter Entreprises). Comme pour lafiliale HC, son métier traditionnel est la restauration, mais il s'adresse ausecteur des grandes entreprises, Sodexho fournissant des solutions pourla restauration des employés sur leur lieu de travail. Cette activité estainsi directement confrontée à la concurrence de la restauration com-merciale, c'est-à-dire des restaurants extérieurs.

Contexte et objectifs

Le contexte dans lequel le projet BSC a été mené pour la filiale GC pré-sente à la fois des similitudes et des différences importantes par rapport àl'expérience menée dans la filiale HC. Comme pour cette dernière, le projet démarra à l'initiative de M. Coléou,qui prend la direction de la filiale GC en 2001, soit deux ans après ledémarrage de l'expérience chez HC. Une autre similitude importante avecle secteur de la santé est la volonté de la filiale GC de se décentrer duseul métier de la restauration pour évoluer vers le multiservices.Mais le contexte de démarrage des deux projets BSC présente aussi des dif-férences sensibles. La filiale HC se trouvait confrontée à un marché en muta-tion profonde où les contours d'un nouveau métier – le multiservices –étaient en cours de définition. Il s'agissait d'être le premier à construire,vendre et assurer cette nouvelle offre afin de rester le prestataire de réfé-rence sur le marché. La filiale GC quant à elle se trouvait confrontée à ladifficulté d'aborder un marché mature, déjà fortement sous-traité etoccupé par des experts sur chacun des métiers.Ceci constitue une seconde différence importante entre les deux projets.Alors que la filiale HC avait initié son projet BSC dans un contexte éco-nomique relativement favorable, la filiale GC se trouve au contraire ensituation particulièrement difficile. En 2002, les plans ne sont pas réalisésdepuis deux ans, le chiffre d'affaires et les résultats baissent. Le marchéest en forte contraction. L'évolution des comportements alimentaires setraduit par une plus grande déstructuration des repas et donc par unebaisse générale de consommation, bien que ce facteur soit difficilement

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mesurable. Les concurrents traditionnels (Compass, Avenance) prati-quent une guerre des prix particulièrement agressive afin de conquérirdes parts de marché, mettant en péril l'ensemble du secteur. Les trans-formations du marché font également apparaître de nouvelles menacesconcurrentielles : ainsi, une évolution de Sodexho vers des servicesautres que la restauration ferait émerger des concurrents déjà position-nés sur ces segments ; de même, les Facility managers comme Dalkia ouFaceo, qui offrent aux entreprises des formules globales de gestion deleurs bâtiments et jouent la carte de l'interlocuteur unique, risquent des'interposer entre Sodexho et ses clients habituels.Ce contexte à la fois instable et risqué est dans l'ensemble favorable auchangement. La crise et l'arrivée d'un nouveau dirigeant sont autant defacteurs stimulant le renouveau des pratiques de gestion. Les prises deposition fortes, quoique risquées, de certains concurrents obligent l'en-treprise à se positionner de façon claire. L'exemple du secteur de lasanté, qui sort de l'expérience la tête haute, tant en volume qu'en termesde marge, et ce malgré un marché en récession, offre des perspectivesoptimistes. Le projet BSC est lancé lors du séminaire de rentrée de septembre 2002,auquel participent les membres du comité de direction, et dont l'objectifest d'établir un diagnostic collectif de la situation. La première faiblessemise en évidence est l'absence d'une stratégie claire au niveau de l'équipede direction. Le nouveau dirigeant est encore peu familiarisé avec les par-ticularités du secteur, et l'équipe existante est tiraillée entre des visionsdisparates. Le navire n'a donc pas de cap clair et commun, son identitéest floue. Cette carence a des répercussions importantes au sein de l'organisation. Enl'absence de stratégie d'ensemble, les managers de terrain sont eux-mêmesdépourvus d'objectifs clairs et se sentent « abandonnés » à leurs logiqueslocales. Il y a peu de communication dans la filiale. Ceci est d'autant moinsbien vécu que les managers sont à la fois compétents et motivés. Parailleurs et de façon corollaire, les outils de gestion se révèlent de fait peuciblés et peu opérationnels, les managers les perçoivent comme desnormes administratives contraignantes et peu utiles à la prise de décision.Les objectifs assignés au projet BSC apparaissent donc clairement.Comme pour la filiale HC, il s'agit d'adapter l'entreprise à un environne-ment en pleine mutation, aux transformations significatives des attentesdu marché. Mais de façon plus radicale, il s'agit surtout de construire unestratégie claire et commune et de la déployer au sein de l'organisation,c'est-à-dire de faire évoluer les modes de management de l'entreprise.Les enjeux sont d'autant plus forts qu'il s'agit d'une question de survie del'entreprise, qui doit absolument retrouver le chemin de la croissance etde la rentabilité. « Il est urgent de clarifier la stratégie, de fédérer etmotiver les équipes autour d'objectifs clairs et atteignables ».

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Description du BSC GC

Dans la progression méthodologique, le point de départ consista à établirla carte stratégique, c'est-à-dire l'énoncé des objectifs globaux et de leurdéclinaison en sous-objectifs au sein des quatre perspectives du balancedscorecard, reliés à la stratégie d'ensemble par des relations de cause àeffet clairement identifiées. Cette première phase permit dans un secondtemps de structurer le choix des indicateurs et la sélection de projetsautour de chacun des objectifs ainsi définis.Afin d'alléger la lecture, nous ne reproduisons pas ci-dessous l'exhausti-vité des objectifs et indicateurs retenus dans le BSC de la filiale, mais met-tons l'accent sur des exemples qui illustrent le passage des objectifs géné-raux aux indicateurs et projets.

Perspective actionnairesSodexho est détenue en majorité par son actionnaire fondateur, PierreBellon, ce qui lui confère une structure financière particulière, notammenten termes de possibilités d'investissement. De façon générale, l'entreprisesouhaite conserver son image de « valeur sûre » pour les actionnaires.Pour restaurer cette perception de solidité, plusieurs sous-objectifs appa-raissent incontournables. À court terme, l'entreprise doit générer plus decash-flow, afin de garantir sa pérennité. Pour cela, plusieurs leviers d'ac-tion ont été identifiés, parmi lesquels la réduction des délais de règlementdes clients. Les indicateurs retenus sur cet objectif et leur fréquence demesure sont les suivants.

Objectifs Indicateurs FréquenceA4 – Générer plus de cash-flow LGO du segment M

Retour sur investissement SFormation des cadres sur la LGO et/ou BFR S

Sodexho doit également se développer, afin de démontrer sa capacité àmaîtriser l'évolution de son marché et lutter contre les stratégies d'ex-pansion de ses concurrents. Compte tenu de la contraction du marché,ce développement peut être assuré par l'élargissement de l'activité tradi-tionnelle de restauration (food) à des services complémentaires (club,room services, etc.). Mais surtout, il exige une diversification vers le multi-services, dont le potentiel est nettement plus important. Celle-ci permetau client de se repositionner sur son cœur de métier, à Sodexho de lefidéliser par l'élargissement de la prestation et d'améliorer les marges carles prix ne sont pas aussi faibles que sur le marché de la restauration. L'entreprise doit enfin restaurer ses marges, afin d'assurer une rentabilitésuffisante à ses apporteurs de capitaux et de financer la croissance.

Perspective clientsLes clients de Sodexho sont à la fois les grandes entreprises et les restau-rants interentreprises. Indirectement, les consommateurs eux-mêmessont des clients potentiels, car le prix des repas leur est en partie réper-

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cuté. Selon l'analyse, les clients « entreprise » souhaitent externaliserleurs services pour en diminuer le coût et se recentrer sur leur cœur demétier. Ils attendent un prestataire de services multiples, parmi lesquels larestauration. La reconnaissance d'un savoir-faire, une image profession-nelle et innovante apparaissent comme des leviers essentiels pour queSodexho soit considérée comme incontournable. Les clients « salariés »attendent des services facilitateurs de leur vie au travail, comme la rapi-dité, la flexibilité, la qualité.

Objectifs Indicateurs FréquenceC1 – Les clients veulent un pres- % de sites avec synthèses écrites sur les Mtataire capable, grâce à ses offres attentes du clientde services, de contribuer au Nombre de propositions commerciales Mquotidien à l’amélioration de faites aux clients décideurs (niveauleur compétitivité comité de direction)

Taux de satisfaction enquête client ATaux de satisfaction global salariés du client A

Perspective processus internesTreize processus internes ont été définis, que l'on peut regrouper entrois grandes catégories : acquérir plus de rigueur dans la gestion opéra-tionnelle et le déploiement des règles communes (IP1 à 6), améliorer lanégociation avec les clients existants (IP 7 à 9), développer une offrestructurée dans le multiservices (IP 10 à 13). Nous avons extrait unexemple dans chacune des catégories.

Objectifs Indicateurs FréquenceIP1 – Garantir le respect des % de procédures mises à jour incluant Mprocédures un indicateur de suivi

% de procédures expliquées et déployées MIP9 – Réaliser le plein potentiel Nb de propositions commerciales sites Msur chacun des sites faites sur des services non occupés par

SodexhoScoring par site du marché potentiel de Tchaque siteCA par résident T

IP10 – Concevoir, normer, Nb de briques d’offres finalisées, testées, Mdiffuser et mettre en œuvre des disponibles pour être mises en œuvre et offres différenciantes et rentables dont le potentiel a été identifiédestinées aux clients GC : central, % des sites formés aux nouvelles offres Mlocal et convives (pour la vente et le déploiement)

Nb de signatures d’une offre spécifique Mpar rapport à un potentiel identifié

Perspective apprentissage organisationnelCette catégorie comprend en premier lieu des objectifs liés à l'améliorationdes compétences des salariés Sodexho, notamment sur le multiservices, audéveloppement d'une culture d'entreprise et d'un climat de travail positif.Un objectif a également été intégré pour surveiller la mise en œuvre de lanouvelle organisation, qui prévoit une structuration régionale, un renfor-cement des fonctions de support, la réduction du nombre de niveaux hié-rarchiques.

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Le dernier objectif concerne la performance des outils informatiques, quel'on veut à la fois plus simples, plus communicants et au service des utili-sateurs.

Objectifs Indicateurs FréquencePL11 – Développer les compé- Nb de formations dispensées sur les Ttences managériales, commer- nouveaux servicesciales et techniques Nb de qualifications créées (formation T

et recrutement)

La phase d'élaboration du BSC fut suivie d'une phase d'organisation de samise en œuvre, afin de favoriser l'intégration de l'outil au sein des proces-sus de management de Sodexho.Trois types de responsabilités furent créés. Des responsables d'objectifsfurent nommés au sein de l'équipe de direction, leur rôle étant de propo-ser des valeurs cibles pour chaque indicateur, de stimuler l'organisationsur l'atteinte de l'objectif (sans pouvoir hiérarchique particulier), d'appré-cier régulièrement les résultats de façon qualitative, de s'interroger sur lapertinence du maintien de l'objectif. Des responsables d'indicateurs furentchoisis, cette fois au sein du management intermédiaire, afin d'alimenterles données nécessaires dans les délais prévus, de procéder au chiffrage del'indicateur et de proposer des recommandations au responsable d'objec-tif. Des responsables de projet enfin furent chargés du suivi des projetsengagés, avec mission d'en référer aux responsables d'objectifs.Par ailleurs, les comités de direction furent restructurés totalementautour des objectifs définis dans le BSC. Afin de faciliter le changement,un agenda progressif fut fixé et un coach BSC nommé en relais du cabinetde conseil externe Nexance, afin de coordonner les différents acteurs etde surveiller le déroulement correct des opérations.

Analyse et bilan du BSC GC

Du fait de la similitude de contexte et de méthodologie, certains desrôles joués par le BSC dans la filiale HC se retrouvent également dans lafiliale GC. Mais l'expérience de cette dernière permet de mettre enlumière certains points complémentaires intéressants.

Le BSC comme outil de structuration plutôt qu’une liste d'indicateursL'un des points frappants du projet BSC est la relative disproportionentre le travail de définition des indicateurs et la phase amont d'élabora-tion de la carte stratégique. Elle apparaît par exemple dans la différencede volume des verbatim de réunions (142 pages pour la session dite « deconsolidation » consacrée à la carte stratégique, pour 30 pages pour lasession de mise en œuvre explicitant les indicateurs). Ceci peut semblerparadoxal si on se rapporte aux approches les plus fréquentes du BSC,qui présentent celui-ci avant tout comme une liste d'indicateurs.Certes, dans la filiale GC, les indicateurs présentent des caractéristiquesintéressantes. Par exemple, la réflexion sur les fréquences adaptées à

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chaque indicateur permet de s'extraire de la fréquence comptable men-suelle si omniprésente dans les pratiques de mesure des entreprises. Ceciprésente des avantages indéniables en termes d'allégement de l'outil BSC,puisque le nombre d'indicateurs suivis à une fréquence donnée est ainsilimité. De même, l'existence de responsables d'indicateurs permet delimiter une dérive fréquente, celle qui consiste à définir de façon théo-rique une liste « équilibrée » d'indicateurs, mais à ne suivre dans les faitsque ceux qui sont facilement mesurables (en général les indicateurs finan-ciers), faute d'un effort de collecte suffisant sur les autres. Mais ces quelques considérations mises à part, le choix des indicateurs dansla filiale GC reste somme toute assez « classique » : on observe peu d'indica-teurs sophistiqués, voire certains d'entre eux pourraient prêter à discussionquant à leur capacité à donner un reflet fidèle de l'objectif correspondant. Parexemple, le pourcentage de procédures expliquées et déployées semble unindicateur approximatif du respect des procédures, car il n'appréhende enrien l'application rigoureuse et systématique de ces règles.Cette observation ne doit cependant pas être interprétée comme unconstat de faiblesse dans le choix des indicateurs. En premier lieu, on peutrappeler que l'indicateur parfait n'existe pas, et que la recherche d'indica-teurs toujours plus fiables entraîne parfois des conséquences négatives. Parexemple, pour mieux appréhender un objectif, on peut être tenté de multi-plier le nombre d'indicateurs qui lui sont associés, mais on alourdit dans lemême temps l'information délivrée au manager et on accroît le coût du sys-tème de mesure. De même, plus un indicateur est sophistiqué, plus il peuts'avérer difficile à comprendre par ses utilisateurs et conduire à des déci-sions inopportunes. La recherche de précision a donc des limites. Mais l’ex-périence de la filiale GC nous semble surtout révéler que l'importance de ladémarche BSC est moins dans le choix des indicateurs lui-même que dans lastructuration qu'apporte l'élaboration préalable de la carte stratégique. Ainsi, comme pour la filiale HC, on peut souligner l'apport du BSCcomme aide à la conduite du changement de stratégie face à un marchéen pleine mutation. De même, apparaît clairement ici aussi le rôle fédéra-teur du BSC au sein de l'équipe de direction, auparavant tiraillée entredes points de vue disparates sur la direction à suivre. Deux autres dimen-sions structurantes peuvent être dégagées.

Le BSC comme outil de clarification et de communication de la stratégieDans le cadre d'un changement de cap important, nous l'avons vu, le BSCaide à clarifier les axes stratégiques nouveaux et contribue ainsi à réduirel'incertitude. Mais ce travail de clarification de la stratégie n'est pas néces-saire uniquement en situation de mutation. Dans la filiale GC, la confu-sion initiale sur les objectifs résultait également d'une explicitation insuffi-sante de la stratégie en période « normale ». Il ne faut en effet passous-estimer l'hétérogénéité de vues qui peut exister au sein d'une mêmeorganisation, ni l'opacité qui peut régner entre les décisions de directionet les perceptions locales.

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De ce point de vue, le BSC a joué un rôle important en termes de clarifi-cation et de communication de la stratégie. L'élaboration de la carte stra-tégique au sein du comité de direction a favorisé l'émergence d'unmodèle partagé car co-construit. La traduction de ces choix au sein d'unoutil de mesure donna une première forme de visibilité à cette stratégie.

Le BSC comme outil de décloisonnementLe BSC permet, on l'a vu, d'impliquer et de fédérer les membres ducomité de direction autour d'une stratégie commune. Ceci n'est pas sansimpact sur les modes de fonctionnement managériaux. Lors du bilan de2004, les managers insistent sur l'esprit d'équipe développé par le projetBSC. Les échanges pour l'élaboration de la carte stratégique et la restruc-turation progressive du fonctionnement du comité de direction autourdes objectifs définis ont amené les managers à dépasser le cadre de leursresponsabilités opérationnelles et à élargir leur champ de vision. Bienplus, le fait que la responsabilité des objectifs soit confiée hors deschamps de spécialisation structurels des membres du comité de directionest perçu comme une source de décloisonnement indéniable.

Bilan du BSC chez GCDeux ans après la mise en place du BSC, les résultats sont éloquents. Enpremier lieu, les indicateurs financiers affichent un redressement specta-culaire : si la croissance n'est pas au rendez-vous, l'EBIT a progressé de53 % et la trésorerie est rétablie grâce à de moindres investissementsmais aussi à une meilleure gestion des créances. La satisfaction des clientssemble également très bonne, puisque sur 97 % des sites, les clientsconsidèrent que Sodexho contribue à l'amélioration de la performancede leur entreprise. Les résultats opérationnels, quant à eux, sont plus contrastés, certainsobjectifs étant largement atteints, d'autres n'ayant peu ou pas du toutavancé. Le principal succès se situe au niveau de la qualité des services,qui a été nettement améliorée. De très bons résultats peuvent être égale-ment observés dans la gestion des contrats, l'amélioration de la factura-tion et le recouvrement des créances clients et, dans une moindremesure, sur le démarrage des sites et la communication. En revanche,certains objectifs n'ont pas pu se mettre en place dans les délais impartis :la définition des stratégies relationnelles a été freinée par d'autres projetsdéveloppés en interne, l'offre multiservices reste embryonnaire, ainsi quele développement du potentiel sur l'activité food, faute d'objectifs opéra-tionnels clairs et pragmatiques. Ces résultats peuvent apparaître paradoxaux, car on s'attendrait à ce queles indicateurs opérationnels s'améliorent avant les indicateurs financiers,puisqu'ils sont censés leur être liés par des relations de cause à effet. Enréalité, l'analyse doit être affinée selon le type d'indicateurs. Lors de l'éla-boration de la carte stratégique, une distinction avait été opérée entredifférents « thèmes d'objectifs » : une première catégorie d'objectifs étaitorientée vers l'approfondissement des compétences « traditionnelles », la

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recherche d'une plus grande rigueur dans les « basiques » ; une secondecatégorie, plus prospective, s'attachait au développement de nouveauxmétiers. Or les performances les plus tangibles s'observent surtout dansla première catégorie d'indicateurs. L'hétérogénéité des résultats s'ex-plique donc en partie par des degrés de difficulté inégaux selon les objec-tifs, le second thème exigeant un travail de remise en question et d'identi-fication de leviers d'action nouveaux, là où pour le premier thème, ils'agissait surtout d'activer des leviers déjà connus (1).

Troisième expérience de BSC : Sodexho France

Contexte et objectifs

Comme il l'avait fait précédemment dans les entités Hôpitaux Cliniqueset Grands Comptes, Yann Coléou – devenu directeur général deSodexho France – décida d'amorcer en octobre 2003 une nouvelle expé-rience BSC au niveau de l'entité France. Celle-ci soulevait des questionsd'un ordre différent. En effet, le caractère décentralisé du groupe avaittrès tôt placé l'essentiel des décisions opérationnelles et stratégiques auniveau des filiales, afin de favoriser la proximité par rapport aux clients.Le choix de management avait été de pousser au maximum la logiqued'adaptation locale aux particularités de chaque segment de clientèle. Dece fait, l'entité France fonctionnait pour l'essentiel comme une holding.Seuls les achats et la communication étaient centralisés au niveau de laFrance.Dans ce contexte, la première question qui se posa lors du projet BSCfut celle du positionnement de la stratégie groupe par rapport aux straté-gies des filiales. En effet, la délocalisation tant recherchée des stratégiesdes segments aboutissait naturellement à une multiplicité d'approches.Dans ce contexte, la stratégie de la France correspondait-elle à la sommedes stratégies locales ? Et dans l'affirmative, était-il possible de trouver undénominateur commun entre celles-ci ? De façon plus forte encore, la démarche BSC amena également le groupeà remettre en question la pertinence de son organisation. En effet, lemode de fonctionnement qui avait été mis en place n'était pas sanslimites. Si le caractère très marqué de la décentralisation avait suscité uneforte émulation au niveau des équipes locales, il avait également créé desbaronnies importantes et un cloisonnement de fait entre les pratiques desfiliales. Les synergies potentielles et les regroupements de moyens pos-sibles entre segments étaient négligés, ce qui rendait le système relative-ment coûteux. Dans un contexte où l'amélioration de la rentabilité était

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(1) Cette distinction entre thèmes d’objectifs nous permet également de souligner le rôle essentiel joué par les indicateurs sur lesecond thème. Certes les résultats sont moins probants à ce niveau, mais ils sont néanmoins appréciables, compte tenu de leur diffi-culté. Les indicateurs ont créé une dynamique stimulante et permis de dépasser le stade des seules intentions, ce qui aurait sansdoute été le cas en leur absence.

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affichée comme l'un des objectifs stratégiques majeurs, la question méri-tait d'être posée de façon plus rigoureuse.Ainsi, en amenant Sodexho France à expliciter sa propre stratégie et sesmoyens d'action, le BSC l'obligeait en fait à clarifier de façon plus généralela place et le rôle de l'entité France au sein de l'organisation.

Description du BSC France

Ce qui frappe immédiatement à la lecture du BSC, c'est la très forte simi-litude entre les objectifs de l'entité France et ceux des filiales, ressem-blance particulièrement marquée pour la filiale GC. En particulier sur lesdeux perspectives « processus internes » et « apprentissage organisation-nel », les trois-quarts des objectifs pointent sur les mêmes probléma-tiques.Pour cette raison, nous nous intéressons moins ici à l’outil lui-mêmequ’aux caractéristiques du projet.

Analyse et bilan du BSC Sodexho France

Deux points principaux méritent d'être soulignés dans cette expérience.

Le BSC comme outil d'apprentissageIl est fréquent de considérer qu'une qualité essentielle d'un outil decontrôle de gestion est son adaptation aux particularités du secteur et ducontexte dans lesquels il est mis en place. Par exemple, les paramètresd'une comptabilité de gestion (objets de coûts, choix des méthodes de cal-cul des coûts, choix des critères d'imputation des charges, etc.) doiventêtre choisis en cohérence avec les processus de production, toujours par-ticuliers, de l'entreprise, et non en référence à quelque norme de calculstandard. De même, un tableau de bord ou un balanced scorecard, on l'avu dans cet ouvrage, doivent être adaptés à la stratégie de l'entreprise maisaussi à sa structure : il s'agit de choisir des indicateurs cohérents avec lesobjectifs poursuivis d'une part, avec la structure de responsabilités d'autrepart, afin que chaque catégorie de managers dispose des indicateurs perti-nents qui le concernent compte tenu de ses attributions particulières.Si l'on suit ce raisonnement, la structure de responsabilités de l'entreprisedoit être clarifiée en amont de l'élaboration du BSC. Celui-ci traduit les choixde l'entreprise, et son but est de faciliter la prise de décisions opération-nelles par le manager (décisions relatives à la gestion des différents objectifstraduits dans les indicateurs), en garantissant la cohérence avec la stratégieet l'organisation. Dans ce schéma, le BSC participe essentiellement à la fonc-tion de régulation de la démarche de contrôle (voir chapitre 1), c'est-à-direau suivi des réalisations et à la mise en œuvre rapide de décisions correc-tives en cas de dérapage par rapport aux objectifs.L'expérience de Sodexho montre que la réalité est plus complexe. Ainsi,la forte similitude entre les objectifs de l'entité France et ceux des filialespeut apparaître à première vue comme un défaut dans l’organisation des

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responsabilités, puisque peu de spécificités apparaissent pour la maisonmère. Elle a abouti au contraire à un diagnostic positif : malgré leurs diffé-rences, les stratégies des filiales montrent des zones de recoupementimportantes qui traduisent une approche commune. Le projet BSC a servide révélateur de la cohérence des orientations au sein de l’organisation.Bien plus, les questions soulevées en termes d'organisation ont permisune analyse fructueuse des zones de recoupement potentielles entrefiliales. Le processus BSC a mis en évidence l'intérêt de mutualiserd'autres fonctions que les seuls départements Achats et Communication.Deux nouveaux chantiers ont été définis, l'un concernant la mutualisationde la fonction Marketing, l'autre celle des Ressources Humaines.Les stratégies et les structures des entreprises sont rarement parfaite-ment claires lors du démarrage d'un projet BSC : l'histoire de l'entreprise,ses multiples acteurs, la complexité et l'instabilité de son environnementcréent « du bruit » dans ces choix fondamentaux. Dans ces conditions,on pourrait penser que la mise en place d'un BSC est prématurée,puisque les paramètres amont ne sont pas stabilisés. Or ce que l'on observe au contraire, c'est que le projet BSC contribue àclarifier ces dimensions. L'explicitation, voire l'élaboration, de la stratégieet de la structure sont concomitantes à l'élaboration de l'outil et non préa-lables. Ce qui est mis en évidence ici est le rôle du BSC dans une logiqued'apprentissage, au-delà de la fonction de régulation. Le projet BSC estune opportunité de remise à plat et d'amélioration des choix d'organisa-tion et de stratégie.

Le BSC comme outil de convergence plus que déploiementLe second point qui mérite d'être souligné est d'ordre méthodologique.Le BSC, on l'a vu, a pour objectif de favoriser la mise en œuvre de la stra-tégie d'une entreprise. Ceci se passe au niveau global de l'organisation,puisque c'est à ce niveau que sont généralement identifiés les principauxleviers d'action collectifs qui vont permettre d'atteindre les objectifsgénéraux. Mais on insiste en général aussi pour que la stratégie soitdéployée au sein de l'organisation, afin de mettre sous tension les com-portements opérationnels des managers et assurer la convergence detoute l'organisation vers les objectifs d'ensemble. Ce concept de déploie-ment tend à assimiler la démarche d'élaboration du BSC exclusivement àun processus « top-down », dans lequel les objectifs sont fixés dans unpremier temps au niveau le plus élevé de la hiérarchie, la direction géné-rale du groupe, puis déclinés aux échelons inférieurs de façon progres-sive.Or l'expérience Sodexho témoigne d'une logique différente. Ce sontd'abord les filiales dans lesquelles le projet BSC a été mené, le BSCFrance étant réalisé dans un second temps. La stratégie globale a été éla-borée après les stratégies locales des segments, et ce avec succès. Cetteexpérience montre ainsi que la démarche est plus largement axée sur larecherche d'une certaine convergence au sein de l'entreprise plus que lestrict déploiement de la stratégie. Si la cohérence des actions engagées au

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