21

Click here to load reader

La datation des événements

  • Upload
    daniele

  • View
    214

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: La datation des événements

LA DATATION DES ÉVÉNEMENTS Danièle Van de Velde Armand Colin | Langue française 2013/3 - n°179pages 49 à 68

ISSN 0023-8368

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-langue-francaise-2013-3-page-49.htm

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Van de Velde Danièle, « La datation des événements »,

Langue française, 2013/3 n°179, p. 49-68. DOI : 10.3917/lf.179.0049

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Distribution électronique Cairn.info pour Armand Colin.

© Armand Colin. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites desconditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votreétablissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière quece soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur enFrance. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

1 / 1

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ity o

f Gro

ning

en -

-

129.

125.

6.1

- 07

/05/

2014

14h

19. ©

Arm

and

Col

in

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversity of Groningen - - 129.125.6.1 - 07/05/2014 14h19. ©

Arm

and Colin

Page 2: La datation des événements

Danièle Van de VeldeUniversité de Lille 3 & Laboratoire ‘Savoirs, Textes et Langage’ (SLT – CNRS UMR 8163)

La datation des événements

La thèse centrale de ce travail sera que dater 1 consiste toujours à faire coïnciderdeux points : le point en quoi consiste l’événement lui-même et un autre qui estdénoté par le nom d’un laps de temps appartenant au calendrier, lequel peutêtre soit lui-même visé comme un point, soit interprété comme le laps de tempscontenant le point avec lequel l’événement coïncide.

Pour un événement, être situé dans le temps ne peut être qu’occuper uneposition déterminée par rapport à d’autres événements, de même que pour unobjet physique, être situé dans l’espace ne peut être qu’être situé par rapportà d’autres objets. Si cette thèse, que nous admettrons sans discussion, maisqui a pour elle beaucoup d’avocats (et qui correspond à la théorie dite « B »de J. Mc Taggart, sur laquelle de nombreux philosophes tombent d’accord) estacceptée, elle entraîne ou suppose que les dates elles aussi participent, d’unecertaine façon, de la nature des événements : être daté signifie en effet entretenirune relation de simultanéité avec d’autres événements partageant la même date.Simplement une date a, sur tous les autres repères événementiels possibles, lasupériorité de l’objectivité puisqu’elle appartient à un monde que les hommesont en commun. Il est donc essentiel à la possibilité d’une histoire objective queles événements puissent être datés.

Je montrerai d’abord que dates et événements ont en commun la propriété depouvoir être (traités comme) des points, même si la notion de ponctualité sembleà première vue contradictoire avec le fait que, d’une part, les noms qui entrentdans les adverbiaux de datation dénotent pratiquement tous des laps de tempset que, d’autre part, les événements reposent, pour une grande partie d’entreeux, sur des procès non ponctuels.

1. Je ne m’intéresse ici qu’à la datation « absolue », décrochée, du moins en apparence, de tout repère déictique.

LANGUE FRANÇAISE 179 rticle on linerticle on line 49

“LF_179” (Col. : RevueLangueFrançaise) — 2013/11/17 — 21:52 — page 49 — #49✐

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ity o

f Gro

ning

en -

-

129.

125.

6.1

- 07

/05/

2014

14h

19. ©

Arm

and

Col

in

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversity of Groningen - - 129.125.6.1 - 07/05/2014 14h19. ©

Arm

and Colin

Page 3: La datation des événements

L’expression du temps à travers l’espace : entités, relations et formes

Je montrerai ensuite que la datation peut s’effectuer par une date à propre-ment parler ou par un autre événement, la raison de cette équivalence étantjustement dans la parenté profonde entre dates et événements, les premièresn’étant rien d’autre que des étendues de temps entre des événements, étenduesqui elles aussi peuvent être visées comme des points.

Enfin, les limitations à la possibilité de dater un événement par un autrerévéleront que l’espace est tout autant que le temps une propriété d’essence desévénements.

Toutes les considérations qui vont suivre sont guidées par l’idée directriceselon laquelle il y a, dans l’usage ordinaire d’une langue comme le français, unecertaine conception des événements, des faits et autres notions associées, commecelle de date, que l’on cherche à dégager, mais non à valider ou invalider.

1. LA PONCTUALITÉ DES ÉVÉNEMENTS

1.1. Conditions aspectuelles de l’événementialité

Je distinguerai soigneusement ici les événements des situations et des faits.J’appelle « fait », en conformité avec l’usage, un événement ou une situationavérés, sans prendre position sur la question ontologique débattue parmi lesphilosophes, de savoir si les faits sont « genuinely in the world » ou pas.

Un fait ne se produit pas, il est le cas, et quoique l’on puisse dire qu’il s’estproduit un événement surprenant, on ne peut pas en dire autant d’un fait, mêmesi l’événement surprenant, une fois qu’il s’est produit, constitue désormais unfait. Ce qui complique un peu l’enquête linguistique c’est que, en français entout cas, la même expression peut dénoter un événement ou un fait. Mais ellen’entre pas dans les mêmes contextes selon qu’elle dénote l’un ou l’autre.

Le concept d’événement que j’adopte ici oppose événements à situations :ces dernières sont des états de choses (avérés ou non), tandis que les événe-ments constituent des changements survenant dans une situation donnée, etdéterminant le passage de cette situation à une autre. Tout « fait » suppose unévénement ou une situation avérés, établis. Prenons par exemple les phrasessuivantes :

(1) Dans les jours qui suivirent la fuite du roi à Varennes, il devint clair que lamonarchie avait vécu

(2) Les députés eurent rapidement connaissance de la fuite du roi à Varennes

elles contiennent toutes les deux le nominal la fuite du roi à Varennes qui dénoteun événement en (1) et un fait en (2). De même, dans (3) et (4), les deux groupesnominaux sujets dénotent respectivement une situation et un fait :

(3) L’opposition des Girondins aux Jacobins sur cette question pouvait encoreêtre évitée

50

“LF_179” (Col. : RevueLangueFrançaise) — 2013/11/17 — 21:52 — page 50 — #50✐

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ity o

f Gro

ning

en -

-

129.

125.

6.1

- 07

/05/

2014

14h

19. ©

Arm

and

Col

in

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversity of Groningen - - 129.125.6.1 - 07/05/2014 14h19. ©

Arm

and Colin

Page 4: La datation des événements

La datation des événements

(4) L’opposition des Girondins aux Jacobins sur cette question commençait àêtre connue

Puisque les faits sont, comme l’a bien montré Z. Vendler, hors du temps, ils nepeuvent ni survenir ni durer, à la différence des événements et des situations surlesquels pourtant ils sont en quelque sorte fondés.

De leur côté, événements et situations ont à leur tour pour fondementsrespectifs des procès et des propriétés affectant ou appartenant à des substances.Par exemple, en (5) :

(5) La fuite du roi avait pourtant été très discrète

on peut dire que la fuite du roi dénote une action accomplie par le roi de manièrediscrète – mais pas un événement, car seules les actions ont une manière d’êtreaccomplies. De même, dans (6) :

(6) L’opposition des Girondins aux Jacobins sur cette question était irréductible

le groupe nominal sujet dénote un état (l’état d’être opposé aux Jacobins) des Giron-dins, état lui-même caractérisé comme irréductible. On voit par là que situations etévénements se distinguent par les prédicats sur lesquels ils sont respectivementfondés : statifs pour les situations et dynamiques pour les événements. On peutdonc représenter les relations entre actions et états, événements et situations, etfaits, par le diagramme suivant :

Arrêtons-nous un moment sur le couple action (au sens général de procès) –événement, dont nous avons dit que le deuxième terme était fondé sur le premier.Il s’agit en réalité d’une fondation « étagée » dans laquelle on peut distinguer :– l’action/procès « pur(e) » : l’action de fuir, par exemple, dont il est question

lorsqu’on lit (Jérémie, 46,6) :

(7) « Que le plus léger ne trouve aucun salut dans la fuite »

Cette action-là est un prédicable non prédiqué, et donc une abstraction ;– l’action rapportée à un sujet comme dans « la fuite du roi », qui n’est plus

une abstraction, mais un trope, une action particularisée, dont on peut sedemander ce qui la distingue de l’événement dénoté par la même expression ;

– et enfin l’événement lui-même.

LANGUE FRANÇAISE 179 51

“LF_179” (Col. : RevueLangueFrançaise) — 2013/11/17 — 21:52 — page 51 — #51✐

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ity o

f Gro

ning

en -

-

129.

125.

6.1

- 07

/05/

2014

14h

19. ©

Arm

and

Col

in

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversity of Groningen - - 129.125.6.1 - 07/05/2014 14h19. ©

Arm

and Colin

Page 5: La datation des événements

L’expression du temps à travers l’espace : entités, relations et formes

Il semble que ce qui distingue l’action (ou plus généralement le procès) rap-portée à un sujet de l’événement, soit essentiellement une affaire de point devue : interne quand il s’agit de l’action, externe quand il s’agit de l’événement.Lorsque la fuite du roi est visée comme procès, c’est la manière de son accom-plissement qui est l’objet du discours, comme lorsque l’on dit que la fuite du roiavait été discrète ou lente. C’est alors le procès même de cette fuite-là, ou plutôtles propriétés de cette fuite-là comme procès, que l’on a en vue, et la présence dusujet de la prédication n’entre en jeu que parce qu’elle est indispensable à la par-ticularisation de l’action, elle-même indispensable pour que celle-ci puisse êtrequalifiée de « lente » ou « discrète », prédicats eux-mêmes incompatibles avecune abstraction. Lorsqu’elle est visée comme événement, c’est de sa survenuequ’il s’agit, de son occurrence comme changement intervenant dans le mondeet, en particulier, dans une ou plusieurs choses du monde, ou substances, ici enparticulier le roi : le point de vue est donc extérieur et il englobe les participantsde l’action. C’est alors que la fuite, quelle que soit sa durée, peut apparaîtrecomme ramassée sur elle-même.

Mais il ne suffit pas qu’un prédicat soit dynamique pour qu’il puisse servird’assise à un événement. Comparons à cet égard les deux phrases :

(8) La marche de la troisième armée jusqu’à la frontière s’est faite en quelquesheures

(9) La progression de la troisième armée était très lente

Dans les nominaux sujets de ces phrases se trouvent des dérivés de verbesd’activité : marcher et progresser. Cependant, seul le premier de ces sujets pourraitdénoter un événement comme le montre le contraste suivant :

(10) La marche de la troisième armée jusqu’à la frontière a eu lieu lundi(11) ??La progression de la troisième armée a eu lieu lundi

C’est que la marche est une activité susceptible de recevoir des bornes tempo-relles 2, et d’être ainsi convertie en accomplissement, ce qui n’est pas le cas de laprogression. Il y a donc au moins deux conditions aspectuelles de l’événemen-tialité : la dynamicité et la limitation, deux propriétés communes aux accom-plissements et aux achèvements, ainsi qu’aux activités pour autant qu’elles sontsusceptibles de recevoir d’une manière ou d’une autre les bornes qu’elles n’ontpas intrinsèquement, ce qui n’est pas le cas de la totalité d’entre elles.

En disant que les événements peuvent être visés comme ponctuels, nousimpliquons que leur assise est toujours elle-même assimilée à un achèvement,même lorsqu’en réalité elle est constituée par un accomplissement. En d’autres

2. Précision nécessaire car on peut dire : l’armée avait une progression particulièrement lente où l’articleun délimite, comme il le fait toujours, mais délimite un type de progression, et non une étendue temporelleoccupée par la progression.

52

“LF_179” (Col. : RevueLangueFrançaise) — 2013/11/17 — 21:52 — page 52 — #52✐

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ity o

f Gro

ning

en -

-

129.

125.

6.1

- 07

/05/

2014

14h

19. ©

Arm

and

Col

in

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversity of Groningen - - 129.125.6.1 - 07/05/2014 14h19. ©

Arm

and Colin

Page 6: La datation des événements

La datation des événements

termes, la durée interne d’un accomplissement serait, dans la visée événemen-tielle, réduite de telle manière que, comme dans le cas d’un achèvement, la borneinitiale et la borne finale coïncident. Ce que j’appelle ici « visée événementielle »est donc un point de vue sous lequel un procès d’une durée quelconque, maisbornée, apparaît comme ramassé en lui-même, si bien que sa survenue, ou venueà l’existence, son apparition si l’on veut, coïncide avec son « être survenu » – rai-son pour laquelle les verbes événementiels sont le plus souvent à un temps finidu passé et n’ont au présent ou à l’imparfait qu’une interprétation itérative.

1.2. Comment les événements peuvent être réduits à n’avoir pasd’étendue 3

Les arguments linguistiques ne manquent pas pour montrer que les événementsen tant que tels sont traités par la langue comme des achèvements, quel que soitle type aspectuel auquel appartient le verbe actif sur lequel repose la nominali-sation qui les dénote : activité, accomplissement ou achèvement.

Si on prend comme prédicats appropriés aux noms d’événements et à euxseuls (au sens où, si leur sujet est une nominalisation, celle-ci ne peut avoirqu’une interprétation événementielle, mais non processive ni factuelle), lesverbes avoir lieu, se produire, arriver, survenir, on constate qu’ils excluent tous lescompléments impliquant la durée, qu’il s’agisse de compléments compatiblesavec une durée bornée ou non :

(12) *L’événement {a eu lieu / s’est produit / est arrivé / est survenu} en troisheures / pendant trois heures

Mais dans certaines conditions, un complément dénotant une durée limitée (etpréférablement brève) peut passer, comme on sait depuis Z. Vendler que celapeut aussi être le cas après les verbes d’achèvement comme dans (13) :

(13) Je suis arrivée en trois heures à Paris

On peut en effet établir un parallélisme entre cette phrase et (14) :

(14) Le malheur est arrivé en un instant

Et il est sans doute très significatif que lorsque l’on recherche sur la toile lesoccurrences de « c’est arrivé en un instant » et de « c’est arrivé en plusieursheures », on passe de plusieurs dizaines de milliers à zéro. Une phrase comme(14) signifie donc que le temps qui a précédé la survenue du malheur, et au coursduquel celui-ci pouvait s’annoncer à certains signes, a été réduit à l’instant – ce

3. Avant d’aborder cette question, je voudrais répondre à une objection possible tirée de l’usage contemporainde événement, et dans lequel on donne ce nom à des divertissements collectifs organisés, souvent par desagences spécialisées. Si on examine les occurrences dans lesquelles le nom entre dans des contextes tels quedurera trois jours, et autres semblables, on s’aperçoit que dans l’écrasante majorité des cas il ne s’agit plusd’événements au sens événementiel, mais au sens processif où on peut dire la manifestation / le concert dureratrois jours.

LANGUE FRANÇAISE 179 53

“LF_179” (Col. : RevueLangueFrançaise) — 2013/11/17 — 21:52 — page 53 — #53✐

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ity o

f Gro

ning

en -

-

129.

125.

6.1

- 07

/05/

2014

14h

19. ©

Arm

and

Col

in

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversity of Groningen - - 129.125.6.1 - 07/05/2014 14h19. ©

Arm

and Colin

Page 7: La datation des événements

L’expression du temps à travers l’espace : entités, relations et formes

qui confirme le caractère ponctuel de l’événement en tant que tel. Il est vrai quel’on trouve aussi des phrases telles que :

(15) La mort est survenue en quelques heures

Mais celle-ci doit également s’interpréter par référence au temps écoulé entre lespremiers signes annonciateurs de la mort et sa survenue elle-même. Les verbesspécifiquement événementiels ont donc toutes les caractéristiques de verbesd’achèvement ou, plus exactement, de verbes existentiels d’achèvements, ce quiimplique que leurs sujets eux-mêmes soient des achèvements. Se produire, parexemple, c’est « venir à l’existence » s’agissant d’un achèvement ou d’un procèsque son aspect rend assimilable à un achèvement : départ ou mort, mais aussibataille, guerre, guérison, révolution... Ainsi, même si une bataille dure réellementdeux journées entières, la visée événementielle d’une bataille en annule la durée,si bien que l’on ne dira pas :

(16) *La bataille s’est produite en deux journées entières

Et inversement, quoique l’on puisse situer un événement pendant une bataille, caralors la bataille n’est pas visée comme événement mais comme procès (ce quej’ai appelé « action »), en un point duquel on situe un événement, on ne peut pasdire (17), mais seulement (18) :

(17) *La mort du général survint pendant cet événement(18) La mort du général survint pendant ces événements / pendant la bataille

car dans le premier cas la pluralité crée un espace temporel et, dans le second, labataille n’est pas visée comme événement, mais comme accomplissement.

2. LES DATES AUSSI PEUVENT ÊTRE DES POINTS

2.1. Qu’est-ce que dater ?

Dans la littérature sur le temps, la notion de « point » est implicitement admisecomme fondamentale : que les points pris en compte soient au nombre de deux,temps de l’événement, temps de l’énonciation, ou de trois si on ajoute le « pointde référence » (Reichenbach 1947, et autres ensuite), on ne voit en général pasd’objection à réduire par exemple l’énonciation, qui pourtant, quelle qu’elle soit,prend du temps, à un point, ni à établir des relations d’ordre entre ce « point »et celui de l’événement, ou le point de référence. Mais curieusement, on hésitegénéralement à admettre qu’un nom comme jour, mois, année, puisse dénoter unlaps de temps visé comme un point (alors que l’on semble l’admettre pour heure ;voir Haspelmath 1997).

54

“LF_179” (Col. : RevueLangueFrançaise) — 2013/11/17 — 21:52 — page 54 — #54✐

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ity o

f Gro

ning

en -

-

129.

125.

6.1

- 07

/05/

2014

14h

19. ©

Arm

and

Col

in

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversity of Groningen - - 129.125.6.1 - 07/05/2014 14h19. ©

Arm

and Colin

Page 8: La datation des événements

La datation des événements

Nous soutiendrons ici que les dates fonctionnent soit directement commepoints de repère, soit comme étendues temporelles incluant de tels points. Pre-nons n’importe quelle date prototypique utilisée pour dater un événement histo-rique :

(19) Le couronnement de François 1er eut lieu le vingt-cinq janvier 1515

Cette expression réfère à un jour particulier d’une année déterminée, et ce jourest lui-même déterminé par son rang dans la succession des jours d’un mois del’année en question, lequel mois est à son tour le premier des mois de cette année.La date met donc en jeu trois types de laps de temps : jour, mois, année. Les deuxpremiers sont récurrents et se succèdent en cycles : les jours se répètent d’unesemaine à l’autre, les mois d’une année à l’autre. Mais les années se succèdentlinéairement : on peut seulement à partir d’elles passer à une granularité plusgrossière qui les rassemble par « paquets » de cent : les siècles. Une précisionplus grande est possible, quand du jour on précise l’heure. Mais naturellement,le point est aussi abstrait dans le temps que dans l’espace, et la date la plusprécise, à la seconde près, n’est encore qu’une approximation susceptible de sepoursuivre à l’infini.

Lorsque l’on dit qu’une date est un point, on ne peut donc pas vouloirdire qu’elle est « réellement » ponctuelle, puisque cette expression constitueune contradiction dans les termes. On veut dire simplement qu’en datant unévénement on cherche à faire coïncider la représentation d’un procès vidé de sadurée avec un laps de temps d’une étendue aussi grande ou aussi petite qu’onvoudra, mais borné, comme le comporte d’ailleurs la notion de « laps », et dontles deux bornes peuvent être ou ne pas être visées comme confondues. En effet,si les événements en tant que tels sont toujours, comme on a essayé de le montrer,visés comme ponctuels, les dates peuvent être soit simplement assimilées à despoints, soit visées comme des suites (bornées) de points, des segments de temps,sur lesquels les événements peuvent prendre place.

Si on revient à la phrase (19), elle implique (20) :

(20) Le couronnement de François 1er eut lieu en janvier 1515

Mais (19) et (20) peuvent se dire aussi respectivement :

(21) Le couronnement de François 1er eut lieu un jour de janvier 1515(22) Le couronnement de François 1er eu lieu au mois de janvier 1515

Dans ces deux derniers cas, le jour et le mois sont considérés dans leur étendue,et le couronnement a pris place en un point quelconque situé dans cette étendue,le rapport entre l’événement et la date étant alors un rapport d’inclusion; en(19) et (20), le jour et le mois sont réduits à deux points, et l’événement est visécomme coïncidant avec l’un ou l’autre.

LANGUE FRANÇAISE 179 55

“LF_179” (Col. : RevueLangueFrançaise) — 2013/11/17 — 21:52 — page 55 — #55✐

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ity o

f Gro

ning

en -

-

129.

125.

6.1

- 07

/05/

2014

14h

19. ©

Arm

and

Col

in

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversity of Groningen - - 129.125.6.1 - 07/05/2014 14h19. ©

Arm

and Colin

Page 9: La datation des événements

L’expression du temps à travers l’espace : entités, relations et formes

2.2. Dater consiste à faire coïncider deux points

Dater consiste donc, en général, à faire coïncider deux points, dont l’un, déjàrepéré, sert de repère pour situer l’autre dans le temps. Le point de repère peutêtre directement dénoté par la date, ou inclus comme point indéterminé dansle laps de temps dénoté par la date. Dans le premier cas, celui que j’appelledatation au sens propre, les traces linguistiques du caractère ponctuel de la datesont nombreuses.

En français, les principaux moyens d’introduire une date sont soit un groupenominal sans préposition (ou avec préposition zéro, je ne prendrai pas positiondans ce débat), soit un groupe prépositionnel introduit par à ou par en ; lamention du jour du mois comme dans (19) se fait sans préposition explicite,la mention du mois et de l’année par en, celle de l’heure, du siècle ou du nompropre des fêtes appartenant au calendrier par à (voir Haspelmath pour uneperspective translinguistique).

Ce que j’appelle ici « date au sens propre » consiste, comme j’ai essayé de lemontrer ailleurs, en noms propres de temps tels que lundi, janvier, mais aussi1515, 25 janvier, Noël... Deux ensembles de faits viennent à l’appui de l’idée queces noms dénotent des points et pas des laps de temps.

En premier lieu, les prépositions qui les introduisent : celles-ci n’impliquentpas (absence de préposition ou préposition ∅, à) ou pas nécessairement (en)l’inclusion temporelle et, d’une manière générale, elles sont parmi les plus« abstraites » (Cadiot 1997) ou « incolores » (Spang-Hanssen 1963) qui soient.On a essayé dans divers travaux sur la localisation temporelle de trouver uneraison à la distribution de ces trois cas entre les divers noms de localisation(Honeste 1997 ; José 2002), mais le travail de M. Haspelmath (1997) portantsur un nombre considérable de langues fait apparaître que la distribution del’absence de préposition, par exemple, est très variable d’une langue à l’autre,et que les regroupements de noms que l’on peut établir sur la base de leurcombinaison avec une même préposition le sont tout autant. Je me contenteraidonc de supposer que ce qu’il y a de commun à tous les cas est justementl’absence d’inclusion et la relation très abstraite de coïncidence entre deux entitéselles-mêmes abstraites : des points. Même en, qui semble la moins éloignée del’idée d’inclusion, a en français un emploi au moins qui en fait la prépositionpar excellence de la coïncidence ponctuelle, et qui est son emploi en géométrie.La géométrisation « spontanée » de la représentation du temps telle qu’elle estexprimée dans la langue par la datation des événements semble en effet trouverune confirmation dans l’usage systématique, pour la datation des événementsen français, de la préposition en. Cette préposition est celle qui est toujoursutilisée en géométrie, devant le nom commun point aussi bien que devant ce quel’on peut appeler les noms propres de points : A, B, C... comme le montrent lesexemples suivants, pris au hasard parmi des milliers d’autres :

(23) « Si une fonction est continue en un point, elle est nécessairement définie »

56

“LF_179” (Col. : RevueLangueFrançaise) — 2013/11/17 — 21:52 — page 56 — #56✐

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ity o

f Gro

ning

en -

-

129.

125.

6.1

- 07

/05/

2014

14h

19. ©

Arm

and

Col

in

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversity of Groningen - - 129.125.6.1 - 07/05/2014 14h19. ©

Arm

and Colin

Page 10: La datation des événements

La datation des événements

(24) « Construire les cercles de centre O et O’, de rayons différents, qui se croisenten A et B »

Un autre ensemble de faits, complémentaire du premier, appuie l’idée d’uneponctualité de la date au moins dans certains de ses emplois : il s’agit de l’im-possibilité d’utiliser toute autre préposition, en particulier toute prépositionimpliquant l’inclusion, devant les noms de datation examinés supra et que jeconsidère comme noms propres (Van de Velde 2000) : noms de jours, de mois etd’années. D’où les contrastes suivants 4 :

(25) Cela s’est passé le (lundi) 28 avril 1789 / *durant le (lundi) 28 avril 1789(26) Cela s’est passé en janvier 1789 / *pendant janvier 1789(27) Cela s’est passé en 1789 / *au cours de 1789

L’usage de telles prépositions requiert devant la date le nom commun d’un lapsde temps que la date vient déterminer :

(28) Cela s’est passé {dans / durant / pendant / au cours de} la journée dulundi 28 avril 1789

(29) Cela s’est passé {durant / pendant / au cours du} mois de janvier 1789(30) Cela s’est passé {durant / pendant / au cours de} l’année 1789

La grande différence entre les deux manières de dater – par une date au senspropre (25-27) ou par une expression définie dont le nom tête est un nomcommun de temps recevant une date comme complément restrictif (28-30) –est que, dans un cas, le point du temps où se situe l’événement est dénotédirectement et bien défini ; dans l’autre, il est situé dans un laps de temps défini,mais sa position précise à l’intérieur de ce laps de temps reste indéterminée.

2.3. Les dates et les événements fournissent deux points de vue pour lerepérage temporel des événements

Nous venons de voir qu’une date peut être visée comme un point, dont onaffirme qu’il coïncide avec cet autre point qu’est l’événement dont on parle, c’estle point de vue « lointain » ; et qu’elle peut aussi être visée d’un point de vueplus rapproché sous l’angle duquel elle grossit et apparaît comme une duréebornée à l’intérieur de laquelle se trouve le point indéterminé qui coïncide avecl’événement dont on parle. Or, cela n’est pas vrai seulement des dates au sensétroit, mais aussi des événements, pour autant qu’ils servent à en dater d’autres.Comparons les deux phrases :

(31) Pierre est sorti du coma à ma première visite à l’hôpital(32) Pierre est sorti du coma pendant ma première visite à l’hôpital

4. Les contrastes soulignés ici font écho à la distinction établie par Berthonneau (1989) entre « repères » et« espaces de temps ».

LANGUE FRANÇAISE 179 57

“LF_179” (Col. : RevueLangueFrançaise) — 2013/11/17 — 21:52 — page 57 — #57✐

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ity o

f Gro

ning

en -

-

129.

125.

6.1

- 07

/05/

2014

14h

19. ©

Arm

and

Col

in

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversity of Groningen - - 129.125.6.1 - 07/05/2014 14h19. ©

Arm

and Colin

Page 11: La datation des événements

L’expression du temps à travers l’espace : entités, relations et formes

Dans la première, ma première visite à l’hôpital dénote un événement, et la pré-position à n’a pas du tout le sens inclusif de pendant ou de durant : elle ne faitqu’indiquer la coïncidence entre l’événement « sortie de Pierre du coma » et unautre. Dans la seconde, cette même expression ne dénote plus un événementponctuel, mais un procès envisagé dans sa durée, et l’événement « sortie ducoma » est situé en un point non déterminé de cette durée.

Tout se passe donc comme si l’objectif à travers lequel nous voyons l’his-toire pouvait effectuer des travellings arrière suffisamment longs pour qu’uneinvasion ou une visite (d’une durée pour l’une de quelques mois et pour l’autrede quelques heures, par exemple, mais toutes deux réduites à des points) coïn-cide parfaitement avec un autre point : année concentrée en un instant ou visitevidée de sa durée. Mais comme si nous pouvions aussi librement choisir uneautre perspective où les moments qui datent un événement restent ponctuels,abstraits et indéterminés, ou plutôt déterminés seulement par leur appartenanceà un segment temporel à l’intérieur duquel ils prennent place – que celui-ci soitconstitué par un intervalle entre deux événements cosmiques – si on admet poursimplifier que nos mois sont lunaires (au cours du mois de mai 1815) ou par ledébut et la fin d’un unique procès (pendant mon dernier voyage), durée elle-mêmebornée par deux achèvements : dans le cas de mon dernier voyage, mon départ etmon retour.

Ces variations de la focalisation, correspondant à une granularité plus oumoins fine de la vision, n’enlèvent rien cependant à l’essentiel, qui est que ladatation au sens étroit fait correspondre chaque événement à un moment dutemps, lui-même directement dénoté par un nom temporel, heure, jour, mois,année, à valeur ponctuelle, ou compris comme inclus dans le segment que cenom dénote.

Quant à la datation au sens élargi où n’entrent pas seulement des dates maisaussi des événements « datants », elle présente elle aussi ces deux possibilités,illustrées par (31) et (32), et aussi par :

(33) La rupture entre les deux pays s’est produite à la conférence de Yalta(34) La rupture entre les deux pays s’est produite pendant la conférence de Yalta

où on voit que, si l’événement daté reste bien un événement, l’événement« datant » n’est véritablement événement que lorsqu’il est visé comme ponctuel,puisque la visée grossissante illustrée en (34), en lui rendant sa durée interne, luiôte son caractère proprement événementiel.

3. LES ÉVÉNEMENTS S’IDENTIFIENT PAR LEUR DATE

L’étroitesse du rapport entre événements et date est marquée en ceci que dansbeaucoup de cas l’identification d’un événement ne peut vraiment être achevéeque par sa date.

58

“LF_179” (Col. : RevueLangueFrançaise) — 2013/11/17 — 21:52 — page 58 — #58✐

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ity o

f Gro

ning

en -

-

129.

125.

6.1

- 07

/05/

2014

14h

19. ©

Arm

and

Col

in

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversity of Groningen - - 129.125.6.1 - 07/05/2014 14h19. ©

Arm

and Colin

Page 12: La datation des événements

La datation des événements

Nous prendrons comme structure prototypique de l’identification d’uneentité quelconque, la structure Le N de SN où c’est un complément au géni-tif qui sert de dispositif identifiant et justifie l’usage de l’article défini. Pourles substances dénotées par des noms véritables, les deux moyens les plus fré-quemment utilisés dans l’identification sont les noms de personnes ou d’autressubstances, et de lieux, comme on le voit dans les réponses aux questions en quel,qui sont des questions d’identité :

(35) Quelle maison ? – Celle de Pierre(36) Quel banc ? – Celui du jardin(37) Quel couvercle ? – Celui de la marmite

3.1. L’identification des événements par leurs participants

Il semble que nous disposions, pour identifier les événements, de moyens plusnombreux que pour les substances : pour ces dernières, c’est principalementla relation d’appartenance, ou relation partie-tout, dans toutes ses variantes,variantes locative et possessive en particulier, qui assure l’identification. Nousverrons que cette relation d’appartenance est également fondamentale pourl’identification des événements, mais il s’y en ajoute une autre, fondée sur le faitque les événements, si on les conçoit comme des changements survenant dansdes substances, ont des « participants » qui parfois suffisent à les identifier.

Prenons par exemple le dialogue :

(38) Cette révolte n’aura sans doute pas de suite – De quelle révolte parles-tu ?– De celle des Algériens

L’événement catégorisé comme « révolte » y est identifié par son agent, « lesAlgériens ». De même dans :

(39) L’invasion a eu des conséquences incalculables – Quelle invasion ? – Cellede Rome (par les barbares)

l’événement « invasion » est identifié par le patient : Rome. Le choix du partici-pant identifiant obéit à des règles complexes ; en particulier, le choix de l’agentcomme complément identifiant est très restreint mais, dans tous les cas, il est rareque l’identification puisse être achevée par la seule mention d’un participant.

De même que (35), (36) et (37) présupposent respectivement que Pierre n’aqu’une maison, que le jardin ne contient qu’un banc et que la marmite n’aqu’un couvercle, de même la réponse en (39) implique que Rome n’a subiqu’une invasion – ce que l’on sait qui est faux. D’une manière générale, tous lesévénements, y compris ceux qui sont rapportés à une substance individuelle et

LANGUE FRANÇAISE 179 59

“LF_179” (Col. : RevueLangueFrançaise) — 2013/11/17 — 21:52 — page 59 — #59✐

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ity o

f Gro

ning

en -

-

129.

125.

6.1

- 07

/05/

2014

14h

19. ©

Arm

and

Col

in

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversity of Groningen - - 129.125.6.1 - 07/05/2014 14h19. ©

Arm

and Colin

Page 13: La datation des événements

L’expression du temps à travers l’espace : entités, relations et formes

que dénote un syntagme nominal défini (« Rome » en (39), « le Vésuve » en (40))sont réitérables un nombre indéfini de fois 5 (Brandl 2000 ; Van de Velde 2005b).

(40) Cette éruption du Vésuve n’était pas la première

3.2. L’identification des événements par leur date

C’est ce caractère réitérable des événements, même particuliers, qui fait que lesseuls compléments qui puissent achever l’identification d’un événement indi-viduel sont les compléments de datation – deux événements touchant la mêmesubstance ne pouvant pas avoir lieu au même moment sans être identiques, ilssont forcément distincts s’ils ont deux dates différentes. Ainsi, à une questiontouchant la dénotation du sujet de (40), on pourra répondre par (41) :

(41) – La plus célèbre, celle de 79

qui suppose, avec quelque vraisemblance, qu’il n’y en a eu qu’une cette année-là.Mais on peut aussi, par un effet de « zoom » qui isole un point non quelconquedans le segment temporel qu’est l’année, répondre :

(42) – Celle du 24 août 79

ou encore, en étendant ce point jusqu’à en faire un segment, situer l’événementen un point, cette fois quelconque, de ce segment :

(43) – Celle de la nuit du 24 au 25 août 79

Mais la relation entre événements et dates peut aussi s’inverser, et l’identificationdes événements par leur date a pour pendant l’identification des momentsdu temps par les événements qui y prennent place – y ont lieu. Cela apparaîtd’abord dans l’usage des expressions définies comportant des noms communsgénériques de temps tels que moment suivis d’un complément identifiant, pourrépondre à des questions en quand :

(44) Quand l’explosion a-t-elle eu lieu ? – Au moment où le train est entré engare / de l’entrée du train en gare

C’est encore le cas lorsque l’on cherche à identifier un moment du temps spéci-fique tel que jour, année, mois :

(45) En quelle année sommes-nous donc allés au Mexique ? – L’année de lanaissance de Pierre

Il apparaît donc que les événements sont à la fois identifiés par des dateset identifiants, sinon pour des dates, du moins pour des moments du tempsappartenant au système de la datation, ce qui pose la question d’une éventuellecircularité inhérente à la datation.

5. À l’exception naturellement de ceux qui entraînent la disparition de l’entité qu’ils affectent : la mort deNapoléon est un événement unique, mais la destruction d’une ville ne l’est pas forcément.

60

“LF_179” (Col. : RevueLangueFrançaise) — 2013/11/17 — 21:52 — page 60 — #60✐

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ity o

f Gro

ning

en -

-

129.

125.

6.1

- 07

/05/

2014

14h

19. ©

Arm

and

Col

in

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversity of Groningen - - 129.125.6.1 - 07/05/2014 14h19. ©

Arm

and Colin

Page 14: La datation des événements

La datation des événements

3.3. Événements cosmiques, événements historiques

En fait, lorsque l’on identifie un moment du temps générique ou spécifiquepar un événement appartenant à l’histoire, naturelle ou humaine, on choisitpour ce faire un événement dont la date est elle-même connue des participantsdu discours par son nom individuel : 1990, par exemple, pour l’année de lanaissance de Pierre. Dater un événement, c’est donc toujours faire coïncider sonoccurrence avec un événement cosmique objectivement repérable 6. Ainsi, levingt-cinquième jour du premier mois d’une année déterminée comme « 1515 »est l’espace compris entre le lever et le coucher du soleil du premier cyclelunaire après le solstice d’hiver du mille cinq cent quinzième cycle annuelaprès la naissance du Christ. C’est là que l’on voit que seule la cyclicité desévénements cosmiques permet la construction d’un temps objectif puisque,par leur régularité et leur récurrence, ces événements permettent d’éviter larégression à l’infini dans laquelle on serait entraîné si on voulait situer lesévénements historiques uniquement les uns par rapport aux autres, et touspar rapport au moment de l’énonciation. Il est vrai que les cycles annuels sesuccèdent les uns aux autres linéairement et ne peuvent, par conséquent, êtreidentifiés que par leur position respective les uns par rapport aux autres – d’oùla nécessité de déterminer une « année zéro », dans notre culture celle de lanaissance du Christ, identifiée par un événement mémorable et repérée en réalitéà reculons, par référence à l’année zéro véritable, qui est celle de l’énonciationdu discours. Cependant, celle-ci est un repère dont l’objectivité, en dépit desapparences, est assurée par le fait que l’on peut le rapporter au temps cycliquequi est fondamentalement un temps commun (moyennant de légères variationsselon l’espace).

On voit donc que, en dépit de la dissymétrie entre les événements qui datent(de nature cosmique) et ceux qui sont datés (de nature historique), ce sont desentités de même nature, à savoir des événements, qui sont à la fois constitutivesdu temps et localisées en lui.

La situation semble donc bien être la même que celle qui, toutes choses étantégales par ailleurs, caractérise le rapport des choses à l’espace : les choses selocalisent dans l’espace en relation avec d’autres choses et, plus spécialement,avec un ensemble privilégié de choses qui appartiennent à la géographie et quisont à l’espace ce que les événements cosmiques sont au temps. C’est ce qui faitdire à un philosophe du langage comme Z. Vendler que les choses ont un rapportdirect à l’espace et indirect au temps, et inversement pour les événements, quiauraient un rapport direct au temps et indirect à l’espace – ce qui implique queles entités spatiales aussi bien que temporelles appartiennent à deux sphères

6. Je ne tiens pas compte ici du problème de l’articulation des expressions linguistiques de localisationtemporelle qui apparaissent dans le discours avec ce que Gagnon & Bras (1995) appellent « the representationof time at a more abstract level related to world knowledge » : cette question se pose en particulier dansl’analyse du discours, pour résoudre des problèmes d’anaphore temporelle qui ne sont pas pris en considérationici.

LANGUE FRANÇAISE 179 61

“LF_179” (Col. : RevueLangueFrançaise) — 2013/11/17 — 21:52 — page 61 — #61✐

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ity o

f Gro

ning

en -

-

129.

125.

6.1

- 07

/05/

2014

14h

19. ©

Arm

and

Col

in

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversity of Groningen - - 129.125.6.1 - 07/05/2014 14h19. ©

Arm

and Colin

Page 15: La datation des événements

L’expression du temps à travers l’espace : entités, relations et formes

séparées, dans lesquelles elles n’entretiennent de relations directes qu’avecdes entités de même nature qu’elles. C’est cette conclusion que je voudraismaintenant mettre en question.

4. LES ÉVÉNEMENTS S’IDENTIFIENT AUTANT PAR LEUR LIEU QUEPAR LEUR DATE

Les événements ont un rapport nécessaire à l’espace dans la mesure où ilss’identifient par leurs participants, lesquels sont, en tant que substances, dansl’espace. Ainsi la mort de Napoléon, en tant que changement d’état d’uneentité est-elle liée au lieu où se trouve cette entité au moment où se produitle changement. Mais on peut arguer que c’est Napoléon qui est prioritairement,ou directement, dans l’espace, et que sa mort ne l’est qu’à travers lui. Mêmelorsqu’il arrive que l’un des participants d’un événement soit lui-même un lieu,comme dans (46) :

(46) L’invasion de la Pologne par l’Allemagne fut l’événement déclencheur de laguerre

on peut dire que ce n’est pas comme lieu, mais comme patient, que la Polognefournit un moyen d’identifier une invasion. C’est pourquoi, le rapport desévénements à l’espace est généralement considéré comme nécessaire, certes,mais indirect.

Mais on peut aussi trouver dans l’usage ordinaire du langage de nombreusestournures impliquant une vision des événements qui les assimile pratiquementà des substances, directement localisées dans l’espace.

4.1. Prédicats existentiels propres aux événements

Les prédicats existentiels du français constituent deux ensembles non entière-ment disjoints, selon qu’ils posent l’existence de substances ou d’événements.Pour les premières, on a principalement être mais aussi, avec d’autres conditionsd’emploi, exister, et avec d’autres conditions encore, y avoir. Pour les seconds,la variété est plus grande : avoir lieu, arriver, se produire, survenir, parmi les plusfréquents, et également y avoir, lequel appartient donc aux deux ensembles, plusrarement être :

(47) Le mariage / le concert est à cinq heures

Sans doute pour des raisons de structure syntaxique, avoir lieu ne permet pas deformer des énoncés proprement existentiels (impersonnels, avec sujet indéfini),mais peut seulement introduire un prédicat à la manière d’une copule dans unénoncé de type catégorique comme (48) :

(48) L’explosion a eu lieu à onze heures précises

62

“LF_179” (Col. : RevueLangueFrançaise) — 2013/11/17 — 21:52 — page 62 — #62✐

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ity o

f Gro

ning

en -

-

129.

125.

6.1

- 07

/05/

2014

14h

19. ©

Arm

and

Col

in

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversity of Groningen - - 129.125.6.1 - 07/05/2014 14h19. ©

Arm

and Colin

Page 16: La datation des événements

La datation des événements

Cet usage copulatif est propre aussi aux autres verbes existentiels qui attribuentune localisation temporelle à un événement déterminé. Ainsi, dans les phrases(49-51) l’usage de ces verbes est-il parallèle à celui du verbe être ou de l’une deses variantes en contexte locatif : se trouver par exemple, comme dans (52-53) :

(49) L’affrontement s’est produit hier(50) L’accident est arrivé à trois heures du matin(51) La mort est survenue cette nuit(52) Pierre est dans sa chambre(53) Ce tableau se trouvait jadis à Montefiore

En français moderne, les phrases locatives existentielles, phrases impersonnellesà sujet indéfini, imposent à la place de être, y avoir :

(54) Il y avait des amis chez moi(55) Il y avait à Montefiore un retable de Crivelli

Or, y avoir permet aussi la formation de phrases existentielles de localisationtemporelle comme :

(56) Il y a eu un attentat spectaculaire le 11 septembre(57) Il y a eu beaucoup de départs en vacances, hier

On peut faire l’hypothèse (Van de Velde 2005a) que les phrases existentiellesquelles qu’elles soient sont toujours des énoncés de localisation, dans lesquelsl’existence d’une entité (abstraite ou concrète) est posée par le biais de sonappartenance à un ensemble, si bien que les phrases (55) et (57) peuvent recevoirrespectivement comme paraphrases :

(58) Parmi les choses localisables à Montefiore il y avait un retable de Crivelli(59) Parmi les événements localisables hier il y a eu beaucoup de départs

Ce sont respectivement les choses de Montefiore et les événements d’hier quicontiennent « un retable de Crivelli » et « beaucoup de départs en vacances », etleur donnent l’existence. Il semble donc que, parallèlement au fait que c’est sonappartenance à un ensemble de choses qui permet de poser l’existence d’unechose particulière, ce soit son appartenance à un ensemble d’événements quipermette de poser l’existence d’un événement particulier.

4.2. Le lieu comme propriété des événements

Et pourtant, contrairement à ce que dit, entre autres, Z. Vendler, et ce que pourraitfaire penser le parallélisme entre (55-57) et (58-59), il n’y a pas simplementsymétrie inverse entre événements et choses concernant leurs rapports respectifsà l’espace et au temps.

LANGUE FRANÇAISE 179 63

“LF_179” (Col. : RevueLangueFrançaise) — 2013/11/17 — 21:52 — page 63 — #63✐

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ity o

f Gro

ning

en -

-

129.

125.

6.1

- 07

/05/

2014

14h

19. ©

Arm

and

Col

in

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversity of Groningen - - 129.125.6.1 - 07/05/2014 14h19. ©

Arm

and Colin

Page 17: La datation des événements

L’expression du temps à travers l’espace : entités, relations et formes

4.2.1. L’identification des événements par le lieu

Pour Z. Vendler (1967), les événements ont un rapport direct avec le tempset indirect avec l’espace, alors que les objets sont directement dans l’espace etindirectement dans le temps. Mais si tout dans la langue confirme la partie decette affirmation concernant les objets, ce n’est pas le cas de celle qui concerneles événements. En effet, une phrase existentielle qui localise une substancedirectement dans le temps est totalement inacceptable, ce que n’est pas unephrase qui localise directement un événement dans l’espace, comme le montrele contraste :

(60) Il y a eu un attentat à Bagdad(61) *Il y avait une table en juin

Inversement, l’identification d’un moment du temps ne peut se faire que par unévénement, alors que l’identification d’un lieu 7 peut se faire par un objet ou parun événement :

(62) Il paraît qu’il y avait une mare à l’endroit de ma maison(63) C’est ainsi que je suis revenu à l’endroit de ma naissance(64) C’est arrivé l’année de ma naissance / *de ma maison

Ce premier ensemble de faits est déjà en lui-même assez démonstratif du faitqu’un événement a bien un rapport direct avec l’espace.

Il doit être complété par des faits parallèles concernant la possibilité d’avoirdes compléments locatifs identifiants pour les événements, mais pas de com-pléments temporels identifiants pour les choses. Ainsi a-t-on, correspondantrespectivement à (60) et (61) :

(65) L’attentat de Bagdad a eu lieu à l’aube(66) *Les chaises de juin ne sont pas confortables

– où on voit qu’un complément génitif de localisation spatiale est possible pourun événement, alors qu’un complément génitif de localisation temporelle ne l’estpas pour une substance.

Nous comparerons pour en finir avec ce point, les deux phrases :

(67) L’attentat a eu lieu à Ispahan le 12 juin(68) Ce tableau était à Montefiore en 1780

Il est clair que, dans les deux cas, le verbe est une simple copule puisquel’existence d’un référent du sujet est présupposée, mais il y a entre les deuxcette différence qu’en (67) la copule introduit deux attributs comme lorsque l’ondit :

7. Mais (voir Huyghe 2009), il y a une forte tendance des noms généraux de lieu à se spécialiser dansl’identification des choses ou des événements : ainsi lieu sélectionne-t-il de préférence des événements.

64

“LF_179” (Col. : RevueLangueFrançaise) — 2013/11/17 — 21:52 — page 64 — #64✐

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ity o

f Gro

ning

en -

-

129.

125.

6.1

- 07

/05/

2014

14h

19. ©

Arm

and

Col

in

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversity of Groningen - - 129.125.6.1 - 07/05/2014 14h19. ©

Arm

and Colin

Page 18: La datation des événements

La datation des événements

(69) Pierre est dans sa chambre en train de travailler

On peut en donner comme preuve le fait qu’aucun des deux groupes qui suiventle verbe ne peut normalement [voir (67-68)] être déplacé en tête de phrase maisque, dans certaines conditions (voir (69-70) où on a un événement répétable etune énumération contrastive), ils le peuvent aussi bien l’un que l’autre :

(70) ??Le 12 juin, l’attentat a eu lieu à Ispahan(71) ??À Ispahan, l’attentat a eu lieu le 12 juin(72) Le 2 juin, le concert aura lieu à Caen et le 10 à Rouen(73) À Caen le concert aura lieu le 2 juin et à Rouen le 10

Or, il en va très différemment avec la phrase (68), puisque si l’on peut bien dire :

(74) En 1780, ce tableau était à Montefiore

on ne peut pas déplacer le prédicat de localisation spatiale avec la même facilité,précisément parce que c’est un prédicat, qui en tant que groupe verbal de laphrase, constitue ce qui est « attribué » au sujet, alors que le groupe temporel estun circonstanciel, situé hors du groupe verbal.

Enfin, de même que l’on peut à partir d’une identification par le lieu formerdes métonymies telles que :

(75) Un (tissu de) Damas ; le (vin de) Bordeaux

on peut en faire autant avec les événements et leur lieu d’occurrence et dire :

(76) (la bataille de) Waterloo / (la conférence de) Yalta

expressions dans lesquelles le lieu d’occurrence suffit à identifier un événement,comme peut aussi le faire sa date :

(77) (la révolution de) 1789 / (la révolution d’) Octobre

4.2.2. Les restrictions à la datation d’un événement par un autre

Nous nous proposons de compléter cette démonstration par d’autres faitsconcernant les restrictions que connaît la datation des événements par d’autres.Soient les phrases :

(78) L’affrontement entre ma sœur et ma cousine a eu lieu à la mort de notregrand-mère

(79) L’explosion s’est produite à l’arrivée de mon train en gare

Dans la seconde, on comprendra normalement que l’explosion en question s’estproduite dans ou à proximité de la gare dont on parle, mais cette phrase nepourrait pas avoir une interprétation dans laquelle l’explosion serait celle desTwin Towers et la gare l’une des gares de Paris – même si de fait les deuxévénements s’étaient produits au même moment. Par ailleurs, il serait bizarre dedater un événement historique de la manière suivante :

LANGUE FRANÇAISE 179 65

“LF_179” (Col. : RevueLangueFrançaise) — 2013/11/17 — 21:52 — page 65 — #65✐

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ity o

f Gro

ning

en -

-

129.

125.

6.1

- 07

/05/

2014

14h

19. ©

Arm

and

Col

in

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversity of Groningen - - 129.125.6.1 - 07/05/2014 14h19. ©

Arm

and Colin

Page 19: La datation des événements

L’expression du temps à travers l’espace : entités, relations et formes

(80) ?La première guerre mondiale a éclaté à sa naissance(81) ?L’explosion du Vésuve a eu lieu à l’entrée de Napoléon en Égypte

Cependant, ces phrases redeviennent tout à fait naturelles si l’événement« datant » est précédé de la mention d’un nom temporel dont le référent estidentifié par lui :

(82) La première guerre mondiale a éclaté le jour de sa naissance(83) L’explosion du Vésuve a eu lieu le jour de l’entrée de Napoléon en Égypte

L’hypothèse que l’on peut faire pour expliquer ces restrictions est la suivante :un événement permet d’en dater un autre « directement » (sans l’intermédiaired’un nom temporel), lorsque les deux événements, celui qui date et celui qui estdaté, ont pu prendre place dans un espace commun, ce qui est le cas en (78) et(79), mais pas en (80) et (81). La préposition à des deux premières phrases peutêtre interprétée comme signifiant au point d’espace-temps de (la mort de notre grand-mère / l’entrée de mon train en gare). On comprend du coup pourquoi l’adjonctiond’un nom temporel rétablit l’acceptabilité de (80) et (81) : ce nom sélectionne letemps comme unique paramètre d’identification, et les événements n’ont plusbesoin de partager aussi un espace commun.

On expliquera ainsi la profonde différence d’interprétation entre les deuxphrases :

(84) Son père était mort pendant la bataille de Waterloo(85) Son père était mort à la bataille de Waterloo

La première n’implique pas que la mort du père ait eu lieu sur le site même dela bataille, ce qui est une implication de la seconde : dans la première, ce n’estpas l’événement de la bataille qui date, mais un moment indéterminé situé àl’intérieur d’un laps de temps recouvrant la durée du déroulement de la bataille,visée donc comme procès, et non comme événement. Dans la seconde, deuxévénements sont présentés comme coïncidant l’un avec l’autre, et le fait quel’interprétation impose une identité de lieu entre les deux suffit à prouver que lelieu de l’événement fait partie de ses propriétés essentielles.

On ne s’étonnera pas non plus, enfin, que des expressions telles que au coucherdu soleil, au lever du jour soient compatibles avec n’importe quel événement,historique ou privé, et puissent le dater directement, puisque tous les lieuxterrestres connaissent ces événements. Il n’y a donc nul besoin d’ajouter deslocutions comme au moment de pour rendre acceptables des énoncés tels que :

(86) La bataille s’acheva au coucher du soleil(87) Les troupes se mirent en route au lever du jour

66

“LF_179” (Col. : RevueLangueFrançaise) — 2013/11/17 — 21:52 — page 66 — #66✐

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ity o

f Gro

ning

en -

-

129.

125.

6.1

- 07

/05/

2014

14h

19. ©

Arm

and

Col

in

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversity of Groningen - - 129.125.6.1 - 07/05/2014 14h19. ©

Arm

and Colin

Page 20: La datation des événements

La datation des événements

5. CONCLUSION

L’étroitesse du lien entre les événements et leur lieu d’occurrence a sans doutedes implications importantes pour ce qui est de la conception spontanée del’espace, du temps et du monde qui se manifeste dans l’usage ordinaire d’unelangue comme le français. Si les relations spatiales se définissent exclusivementcomme relations entre des choses (dont certaines sont spécifiées comme lieux),alors que les relations temporelles sont vues, pour leur part, à la fois et aussi biencomme relations entre des événements et entre des événements et des lieux, c’estque les événements ont une existence à la fois spatiale et temporelle et que, parailleurs, leur identification ne peut être réellement achevée que par la prise encompte de paramètres à la fois spatiaux et temporels, deux événements distinctspouvant se produire au même moment si ce n’est dans le même lieu. Or, il estclair qu’une telle vision a des implications ontologiques, puisqu’elle accordeaux événements une place dans le monde réel, lequel ne se définit plus dès lorsexclusivement, selon la formule kantienne, comme l’idée limite de la totalité deschoses.

Références bibliographiques

BERTHONNEAU A.-M. (1989), Composantes linguistiques de la référence temporelle. Les com-pléments de temps, du lexique à l’énoncé, Thèse de doctorat d’état de l’Université deParis VII.

BRANDL J. L. (2000), “Do Events Recur?”, in J. Higginbotham, F. Pianesi & A. C. Varzi (eds),Speaking of Events, Oxford: Oxford University Press, 95-104.

CADIOT P. (1997), Les prépositions abstraites en français, Paris : Armand Colin.

GAGNON M. & BRAS M. (1995), “Toward a Representation of Time to Process Temporal Loca-tion Adverbials”, Workshop on Spatial and Temporal Reasoning – IJCAI’95, Montreal.[http://www.professeurs.polymtl.ca/michel.gagnon/Publications/IJCAI95.ps.gz]

HASPELMATH M. (1997), From Space to Time. Temporal Adverbials in the World’s Languages,München/Newcastle: Lincom Europa.

HONESTE M.-L. (1997), « Approche cognitive de la syntaxe des compléments de temps sanspréposition en Français », Faits de Langues 9, 155-164.

HUYGHE R. (2009), Les noms généraux d’espace en français. Enquête linguistique sur la notionde lieu, Bruxelles : De Boeck/Duculot.

JOSÉ L. (2002), « Les compléments de localisation temporelle sans préposition : le cas desnoms d’unités », Cahiers Chronos 10, 119-131.

MAC TAGGART J. (1908), “The Unreality of Time“, Mind 17, 457-474.

REICHENBACH H. (1947), Elements of Symbolic Logic, New York: The Macmillan Co.

SPANG-HANSSEN E. (1963), Les prépositions incolores du français moderne, Copenhague : G.E.C.Gads Forlag.

VAN DE VELDE D. (2000), « Existe-t-il des noms propres de temps ? » Lexique 15, 35-45.

VAN DE VELDE D. (2005a), « Les interprétations partitive et existentielle des indéfinis dans lesphrases existentielles locatives », Travaux de linguistique 50, 37-52.

LANGUE FRANÇAISE 179 67

“LF_179” (Col. : RevueLangueFrançaise) — 2013/11/17 — 21:52 — page 67 — #67✐

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ity o

f Gro

ning

en -

-

129.

125.

6.1

- 07

/05/

2014

14h

19. ©

Arm

and

Col

in

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversity of Groningen - - 129.125.6.1 - 07/05/2014 14h19. ©

Arm

and Colin

Page 21: La datation des événements

L’expression du temps à travers l’espace : entités, relations et formes

VAN DE VELDE D. (2005b), Grammaire des événements, Villeneuve d’Ascq : Presses Universitairesdu Septentrion.

VENDLER Z. (1967), “Facts and Events”, Linguistics in Philosophy, Ithaca: Cornell UniversityPress, 122-146.

68

“LF_179” (Col. : RevueLangueFrançaise) — 2013/11/17 — 21:52 — page 68 — #68✐

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

Uni

vers

ity o

f Gro

ning

en -

-

129.

125.

6.1

- 07

/05/

2014

14h

19. ©

Arm

and

Col

in

Docum

ent téléchargé depuis ww

w.cairn.info - U

niversity of Groningen - - 129.125.6.1 - 07/05/2014 14h19. ©

Arm

and Colin