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Croyez-vous que les populations en Afrique aient été informées de l’état de dégradation de la pla- nète ? Raphaël Edou : Les populations africaines n’ont pas été informées de l’état de dégradation de l’environne- ment. Des informations sont souvent données par les ministères et les uni- versités lors des grandes confé- rences ou les journées mondiales relatives à l’environnement, mais ce n’est qu’une petite couche de la population qui est touchée. Il s’agit essentiellement des cadres des ministères de l’environnement et des ONG travaillant sur les questions des grands problèmes environnemen- taux. Ce pourcentage ne ferait même pas les 2 % de toute la population béninoise. Les Africains sont plus informés sur les questions relatives à la pollution de l’air par les gaz d’échappement des véhicules et par les déchets dans les grandes villes. Dans les milieux ruraux, il s’agit de la baisse du rendement due à la pau- vreté des sols et le manque de pâtu- rage qui permet de constater la dégradation des ressources natu- relles. Pourquoi, selon vous, y a-t-il si peu d’information à ce sujet ? La question de la dégradation de la planète est souvent perçue en Afrique comme le problème des gens qui n’ont plus faim et qui peuvent s’in- téresser à la nature. L’environnement reste un problème abstrait aux yeux de la population, sauf en ce qui concerne la gestion des déchets parce que les détritus se voient et sont souvent à l’origine de maladie. Est-ce que des mesures ont été prises par le gouvernement ? Par des associations ou des initia- tives individuelles et/ou collec- tives ? Lesquelles ? A ce niveau, le gouvernement du Bénin a créé en 1990 le ministère de l’environnement pour gérer les ques- tions environnementales. Une agence béninoise pour l’environnement a été mise en place pour faire appli- quer des lois relatives à la protection de l’environnement et ceci selon les procédures d’étude et d’évaluations des impacts. Les questions environ- nementales ont pris de l’importance surtout parce que, pour obtenir cer- tains financements, des organismes exigent des études environnemen- tales et des mesures correctives pour protéger l’environnement et les populations. Ce ministère a aussi encouragé les initiatives de gestion des déchets et la préservation de la biodiversité. Au Bénin, l’ONG Béthesda a développé des initiatives en matières de gestion des déchets, de leur réduction et recyclage comme les plastiques, les matières orga- niques, les ferrailles, les huiles usées, etc. Les lois actuelles qui régissent la décentralisation renforcent les responsabilités des communes dans la gestion des déchets urbains. DOSSIER ENVIRONNEMENT • PAGE 1 La dégradation de la planète est-elle seulement la préoccupation des pays riches ? Bénin Propos recueillis par Marie-France Berton auprès de M. Raphaël Edou (responsable de l’ONG Béthesda). Le S.E.L. enquête auprès de deux partenaires locaux et fait l’écho de l’expérience de l’un de ces partenaires au Bénin.

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Croyez-vous que les populationsen Afrique aient été informées del’état de dégradation de la pla-nète ?Raphaël Edou : Les populationsafricaines n’ont pas été informées del’état de dégradation de l’environne-ment. Des informations sont souventdonnées par les ministères et les uni-versités lors des grandes confé-rences ou les journées mondialesrelatives à l’environnement, mais cen’est qu’une petite couche de lapopulation qui est touchée. Il s’agitessentiellement des cadres desministères de l’environnement etdes ONG travaillant sur les questionsdes grands problèmes environnemen-taux. Ce pourcentage ne ferait mêmepas les 2 % de toute la populationbéninoise. Les Africains sont plusinformés sur les questions relativesà la pollution de l’air par les gazd’échappement des véhicules et parles déchets dans les grandes villes.Dans les milieux ruraux, il s’agit dela baisse du rendement due à la pau-vreté des sols et le manque de pâtu-rage qui permet de constater ladégradation des ressources natu-relles.

Pourquoi, selon vous, y a-t-il si peud’information à ce sujet ?La question de la dégradation de laplanète est souvent perçue en Afriquecomme le problème des gens quin’ont plus faim et qui peuvent s’in-téresser à la nature. L’environnementreste un problème abstrait aux yeuxde la population, sauf en ce quiconcerne la gestion des déchetsparce que les détritus se voient etsont souvent à l’origine de maladie.

Est-ce que des mesures ont étéprises par le gouvernement ? Pardes associations ou des initia-tives individuelles et/ou collec-tives ? Lesquelles ?A ce niveau, le gouvernement duBénin a créé en 1990 le ministère del’environnement pour gérer les ques-tions environnementales. Une agencebéninoise pour l’environnement aété mise en place pour faire appli-quer des lois relatives à la protection

de l’environnement et ceci selon lesprocédures d’étude et d’évaluationsdes impacts. Les questions environ-nementales ont pris de l’importancesurtout parce que, pour obtenir cer-tains financements, des organismesexigent des études environnemen-tales et des mesures correctivespour protéger l’environnement etles populations. Ce ministère a aussiencouragé les initiatives de gestiondes déchets et la préservation de labiodiversité. Au Bénin, l’ONGBéthesda a développé des initiativesen matières de gestion des déchets,de leur réduction et recyclage commeles plastiques, les matières orga-niques, les ferrailles, les huiles usées,etc. Les lois actuelles qui régissentla décentralisation renforcent lesresponsabilités des communes dansla gestion des déchets urbains.

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La dégradation de la planète est-elle seulement la préoccupationdes pays riches ?

BéninPropos recueillis par Marie-France Berton auprèsde M. Raphaël Edou (responsable de l’ONGBéthesda).

Le S.E.L. enquête auprès de deux partenaires locaux et fait l’écho de l’expériencede l’un de ces partenaires au Bénin.

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Le Sud

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Le comportement des individus a-t-ilchangé ? Pourquoi ? Comment ? Le comportement des individus a changésur des questions touchant directementà leur vie, comme le ramassage desdéchets en milieu urbain pour lesquelsles déchets sont mis dans des poubelleset un fond est payé. Ceci est un grandchangement si on sait que les déchetsétaient autrefois jetés n’importe où sansêtre traités. Le reboisement en milieu ruralest aussi un nouveau comportement.

Quelle est la réaction d’Africains quandils se rendent compte que ce sont prin-cipalement les pays du Nord qui sontles pollueurs et que maintenant il fautque tous les pays régulent leur émis-sion de GES d’après le protocole deKyoto pour faire face au réchauffementclimatique ? Les réactions en Afrique par rapport auGES n’existent qu’au niveau des discus-sions entre Etat et les négociations desfonds pour l’environnement mondial. Il ya aussi les ONG environnementales quiréagissent pour appeler à la justice entrele Nord et le Sud. Les populations engénéral ne comprennent pas ces ques-tions. Des initiatives pour la gestion desfonds pour l’environnement mondial adéveloppé des idées ou des actionsrelatives au réchauffement de la terre maisaussi relatives à la gestion des gaz desclimatiseurs et des réfrigérateurs respon-sables du trou dans la couche d’ozone.

Si vous aviez accès aux énergiesrenouvelables, croyez-vous que lapopulation s’y adapterait ?Les énergies renouvelables seront un suc-cès si elles sont accessibles et effi-caces et à un moindre coût. Il faudrait quedes techniques simples permettent rapi-dement leur mise en place et leur main-tenance.

Que faudrait-il faire, selon vous, pouréviter la déforestation et préserver lesforêts ?Pour éviter la déforestation, il faudraitencourager la bonne gestion des sols parla matière organique et une formation desagriculteurs à faire des choix de culturesdont les impacts sont moins nocifs pourles sols. Par exemple, la culture ducoton est désastreuse pour les sols. Il fau-drait trouver aussi des alternatives pour

le feu de cuisine. Mais la population allantcroissant, elle exigera aussi plus de res-sources disponibles de manière durable.Il faut également promouvoir les tech-niques agricoles qui renforcent la produc-tivité du sol et aussi acheter les produitsagricoles aux justes valeurs, pour per-mettre aux paysans d’avoir le minimumpour sa survie.

Parlez-nous de votre expérience auBénin en matière de gestion de l’en-vironnement ? Alors que je commençais l’université, ily avait assez de jachères dans mon vil-lage et les paysans pouvaient facilementdisposer d’une grande superficie pour leurménage. Aujourd’hui cela a complètement

changé : les terres cultivables sont rareset certains sont obligés de quitter le vil-lage pour rechercher de nouvelles sur-faces. Les pollutions par les déchetsn’étaient pas visibles comme maintenantde même que la pollution de l’air.

Quelle est la situation aujourd’hui ?La situation aujourd’hui est grave, nonseulement à cause du niveau de dégra-dation mais surtout parce que le chan-gement au niveau environnemental n’estpas perçu. Tout le monde pense que toutva bien malgré les problèmes visiblescomme la pollution de l’air dans lesgrandes villes, les déchets ou la pollu-tion des cours d’eau.

Témoignage de M. Daniel Goldschmidt (médecin au Bénin de 1987 à 1993)

En Afrique, le niveau de connaissancedes problèmes de la planète est engénéral très faible. Fin décembre

2006, nous recevions un couple (lui ancienContrôleur de la Cour des Comptes du Béninet elle employée des Impôts). Ils confondaientl’effet de serre et la destruction de lacouche d’ozone et n’avaient aucune idée dela prévention de ces effets négatifs. Les pro-blèmes d’environnement de ce type restentabstraits pour beaucoup d’Africains. Parcontre, le peuple béninois a eu à souffrir del’accumulation d’ordures dans les rues eta pu faire le lien direct avec des maladies(paludisme, diarrhées, infections, etc.). AuBénin, il n’y a pas eu à ma connaissancede grand scandale écologique commerécemment en Côte d’Ivoire. Mais rien nel’empêcherait, notamment avec la proximitédu Nigéria et le commerce d’essence encontrebande. Régulièrement, il y a desincendies de véhicules ou de maisons abri-tant des jerricanes de cette essence« Kpayo » c’est-à-dire frelatée. Le mot« kpayo » est un mot d’argot de la languegoun employée à Porto-Novo. Il signifie « letoc », « la contrefaçon ». Au Bénin, de l’es-sence kpayo, il y en a partout. Ce trafic existedepuis près de 20 ans et aurait commencéen 1987, après la mise en place du pland’ajustement structurel imposé au Bénin parla Banque Mondiale. Là où la situation politique l’a permis, les gou-vernants ont pris quelques mesures pour évi-ter que le pays ne se transforme en pou-belle mais ils n’ont guère les moyens de lesfaire respecter. Pourtant, en Afrique tout peut être recyclé

et cela n’est pas toujours une mauvaisechose : les voitures « venues d’Europe »connaissent une nouvelle vie après s’êtrerefait une beauté chez les « soudeurs », véri-tables artistes du chalumeau. Ainsi, pour cequi est des mesures touchant la consom-mation et les habitudes courantes, ellesseront respectées si les intéressés y trou-vent un revenu même minime. La raison éco-nomique reste première. L’ingéniosité desquelques programmes mis en place consistepar exemple à solliciter les femmes quiramassent le verre, les plastiques et autresmatériaux, même dégradés pour récolterégalement les piles et quelques élémentstrès polluants. Ces femmes pourront vendreà l’ONG Béthesda le fruit de leur collecteet y trouveront donc un petit bénéfice. Onaura par la même occasion supprimé lespiles... nuisibles à l’environnement.Concernant les déchets médicaux, l’abon-nement des cabinets pour assurer leurdestruction entre doucement dans lesmœurs mais cela est loin d’être la règle.

La population africaine peut s’adapter–elle ne cesse de s’adapter !– dans lamesure où elle accède à un niveau dedéveloppement qui dépasse la survie.

La question de la déforestation est sur-tout liée à l’économie orientée vers lebesoin de devises. Les politiques d’ajus-tements structurels imposées aux paysd’Afrique noire ont grandement aggravéun état de chose déjà fortement compro-mis par les pratiques culturales (le brû-lis tardif) et le besoin financier des élites...

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Le Sud

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Selon vous, quel est le niveau d’infor-mation des pays africains sur l’état dedégradation de la planète ?Yaovi AMETODZI : Nous croyons qu’ungrand nombre de la population africainen’est pas informé de cette réalité dedégradation de notre planète terre. Toutporte même à croire qu’un nombreimportant de l’élite africaine n’est pas tota-lement imbibé de cette réalité concrète.Les rares informations véhiculées à cepropos sont souvent faites à travers leslivres, les chaînes de télévisions, lesradios et la presse écrite qui n’atteignentpas les populations à la base (majoritai-rement rurales, analphabètes et représen-tant environ 80 % de la population totaleafricaine). Pour pallier ce problème,ADSPE s’est donné la tâche de sensibi-liser les populations (urbaines, maisaussi rurales) sur les causes, les consé-quences et les mesures à prendre afin delimiter la dégradation continue de notreplanète.

Quel est le contenu de votre sensibi-lisation auprès des populations ?

Les causes et conséquences du phéno-mène Deux facteurs essentiels expliquent l’étatde la dégradation de la planète. Il s’agitde : • La pollution de l’environnement (pro-

voquée par les Gaz à Effet de Serre,les déchets toxiques et autres)

• La déforestation (causée par l’abattageanarchique des arbres, les feux debrousses, …)

Ces deux facteurs réunis entraînentcomme conséquence l’avancée dudésert, l’élévation de la température, lafonte des glaces, l’élévation du niveau dela mer, l’érosion côtière, la disparition desespèces végétales et animales, la baissede la pluviométrie avec pour corollaire l’ac-centuation de la famine (en Asie et sur-tout en Afrique).

Les mesures à prendreIl s’agit de régénérer la forêt par lereboisement, d’éviter les feux de brousseset le braconnage des animaux, d’encou-rager l’élevage (volaille, caprin, …), de pro-téger les sols contre l’érosion, d’éviter lesurpâturage, de limiter l’émission degaz à effet de serre, d’éviter l’abattageanarchique des arbres, d’encourager lagestion rationnelle des ordures tantindustrielles que ménagères, d’encou-rager le compostage, de substituerl’énergie des bois de chauffe et de char-bon de bois par d’autres formes d’éner-gie renouvelable. Toutes ces mesures neseront possibles que lorsque tout un cha-cun de nous aura pour devise : « Unepopulation saine dans un environne-ment sain ».

Les gouvernements africains ont-ilspris des mesures ?Oui, certaines mesures ont été prises parles gouvernements africains. Ceci setraduit par la signature du protocole deKyoto, la ratification de la conventioncadre des Nations Unies sur les chan-gements climatiques et d’autres conven-tions par bon nombre des chefs d’Etatsafricains. En dehors de ces conventionsinternationales, les gouvernants afri-

cains ont adopté des politiques internesvisant à protéger leur écosystème ou leurbiotope1. N’ayant pas les moyens (finan-ciers et matériels) de leur politique, cesaccords et conventions sont demeurésinefficaces. Pour compenser, il fautcompter sur les initiatives individuelles,collectives et associatives (ONG).Toutefois, beaucoup d’efforts restent àaccomplir dans ce domaine.

Quelles sont les associations sur le ter-rain et quels genres d’initiatives ont vule jour ?Sur le terrain, en dehors de notre asso-ciation « Action pour le DéveloppementSocial et la Protection de l’Environnement(ADSPE), il y a entre autres l’Associationles Amis de la Terre et l’AssociationNature et Environnement … Du point devue individuel, certaines personnes enprennent conscience et plantent desarbres tout en évitant les feux de brousseset tout autre comportement qui puisseporter préjudice à l’environnement.D’autre part, certaines collectivités localess’organisent pour instituer des journéesde l’arbre, rendre propre leurs quartiersou leurs villages. La volonté y est, maisles moyens manquent.

TogoPropos recueillis par Marie-France Berton auprès de M.Yaovi AMETODZI (responsable de l’ADSPE-Togo – Action pour leDéveloppement Social et la Protection de l’Environnement), à Lomé.

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Le Sud

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Avez-vous senti un changement dansles comportements ?Oui, les individus changent progressive-ment de comportement, mais à pas detortue. Car ils expriment leur volonté d’agirmais sont contraints par les moyensfinanciers et matériels.

Comment cela se traduit-il ?Des gens affluent chaque jour dansnotre bureau, sollicitant des jeunes plantspour le reboisement. De même, descoups de fil nous parviennent pour nousencourager moralement dans notre luttecontre la dégradation de la planète. Desétablissements scolaires nous sollici-tent pour faire passer nos messages desensibilisation sur la dégradation del’environnement au profit de leurs élèves.En ce qui concerne notre projet de pré-collecte des ordures ménagères, des vil-lageo is commencent à prendreconscience des dangers liés aux déchetssitués à proximité de leurs habitations etadoptent un comportement décent.

Quelle est la réaction d’Africains quandils se rendent compte que ce sont prin-cipalement les pays du Nord qui sontles pollueurs et que maintenant il fautque tous les pays régulent leur émis-sion de GES d’après le protocole deKyoto pour faire face au réchauffementclimatique ? La dégradation de la planète est unrisque majeur qui conduit l’humanitétoute entière vers la dérive. Sur ce, lesAfricains n’ont d’autre choix que desuivre le protocole de Kyoto. Même s’ilssavent que le mal a pour source les paysdu Nord. Tout porterait à croire quenous sommes tous dans un même navire.S’il chavire nous serons tous victimes.Voilà ce qui a conduit les élites africainesà accepter le protocole de Kyoto.

Ecoutez ce que nous disait un jour un ins-tituteur à la retraite lors de l’une de nossensibilisations de lutte contre la dégra-dation de l’environnement : « Les Blancs savent ce qu’ils font. Ils pro-duisent des GES dangereux pour notreplanète, encouragent la déforestationpar l’achat2 de bois en Afrique. Le jouroù ça tournera mal pour notre planèteterre, ils trouveront des moyens… Nousn’avons pas de moyens. Notre seulmoyen de sauvetage est le reboisement

intensif et le respect du protocole deKyoto… Le grain de maïs n’a jamais rai-son au pays des volailles, comme le sti-pule un adage de chez nous ».

Que faudrait-il faire, selon vous, pouréviter la déforestation et préserver lesforêts ?Pour éviter la déforestation et préserverles forêts, il faut : • Accentuer la sensibilisation,• Soutenir les projets de reboisement des

plantes à croissance rapide,• Encourager l’agroforesterie,• Substituer l’énergie provenant des

bois de chauffe et de charbon pard’autres formes d’énergie,

• Lutter contre les feux de brousses etl’abattage anarchique des arbres.

De tous ces éléments précités, les plusimportants et indispensables sont lasensibilisation et le reboisement. C’estpour cette raison qu’ADSPE lance etcontinue de lancer des appels de finan-cement pour soutenir ses pro-jets de reboisement et desensibilisation.

Quelles sont vosexpériences dansle domaine del’environnement ?

En milieu urbain

Nous faisons la pré-collecte des ordures ména-gères et l’aménagement des sites dedépotoirs rendant ainsi l’environnementsain. Dans des établissements scolaires,nous sensibilisons les élèves sur lesnotions de la dégradation de la planèteet sur l’importance de la diversité biolo-gique. Voici l’extrait de contenu de l’unde nos messages à l’égard des élèveslors d’une de nos sensibilisations sur ladiversité biologique :« Selon les rapports de l’Union Mondialepour la Conservation de la Nature (UICN),un mammifère sur quatre et 12 000espèces de plantes sont menacés d’ex-tinction sur notre planète. Le sort de 28 %des 8 600 espèces d’arbres est encoretrès précaire compte tenu de la surex-ploitation des forêts et 22 % des stockshalieutiques du monde sont épuisés enraison des pressions du commerce. LaFAO, quant à elle, estime que des 1,9 mil-

liards d’hectares de forêts menacés dedégradation dans les pays en dévelop-pement (pays du Sud), 720 millions sontdes forêts tropicales présentes dans 85pays, dont le Togo, et contiennent envi-ron 50 % de toutes les espèces sauvageset 80 % des arbres de la planète… ».

En milieu rural

ADSPE organise des sensibilisations auprofit des populations rurales des préfec-tures du Moyen-Mono et du Zio. Dansle village de Tado à 180 Km au nord-estde Lomé, où se situe notre antenne derelais, nous avons planté des essences,des arbres fruitiers et former les paysansaux techniques de piquetage, de pépi-nière et de compost en collaboration avecdes groupements de paysans. Nousavons distribué dans les écoles de cer-tains villages des préfectures du Moyen-Mono et du Zio, des autocollants commesupport pour la sensibilisation.

Pour renforcer nos capacités, ADSPE aparticipé à plusieurs séminaires de for-mation dans ce domaine. Des documentsont été également achetés dans cemême sens pour mieux mener nos sen-sibilisations. Limité par nos moyens(financiers et matériels), nous n’arrivonspas à répondre totalement aux demandesmassives (sollicitation des plants pour lereboisement…) des paysans. Beaucoupd’efforts restent à faire dans ces zonesautrefois forestières mais dévastéesaujourd’hui par la bêtise humaine (abat-tage anarchique des arbres…).

1 Milieu biologique déterminé offrant des conditionsd'habitat stables à un ensemble d'espèces animalesou végétales.2 La demande de bois en provenance des pays duNord encourage les pays pauvres à la déforesta-tion pour obtenir des devises.

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Le Sud

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Le Centre de Santé Béthesda, dans uneapproche de santé communautaire, aamorcé en 1993 un processus d’analyseet d’élaboration de démarches avec lespopulations pour améliorer leurs condi-tions de vie en milieu urbain. C’est ainsiqu’ont démarré les activités d’assainis-sement et de protection de l’environne-ment dans les quartiers autour du centrede santé.

Démarrée dans un arrondissement défa-vorisé de 40 000 habitants à Cotonou,cette expérience s’est propagée avec l’ap-pui depuis 1997 de EED (EvangelischerEntwicklungs Dienst) dans toutes lesvilles du Bénin et, en 2002, a été nomi-née meilleure pratique par Un-habitat.

Contexte de mise en œuvre du projetEn 1993, le Bénin s’efforçait de sortir dela crise profonde socioéconomique etpolitique qui l’a amené à amorcer le pro-cessus démocrat ique sui te à laConférence Nationale de 1990. Cette der-nière a permis aux forces vives de laNation de débattre de la crise et de jeterles bases d’un développement durabledu pays. La voirie, alors Service publicchargé de la salubrité, n’a pu survivre àla crise et ne disposait que de troispetits tracteurs pour collecter les orduresdans une ville qui a grandi aussi bien enespace qu’en population. Cela a eucomme conséquence le non-enlève-ment des ordures dans les quartiersentraînant la multiplication des dépotoirssauvages dans la ville.

Le centre confessionnel de santéBéthesda, créé en 1990 par des mission-naires mennonites Français, Canadienset Américains en partenariat avec lesEglises du Bénin en vue de soulager lespopulations pendant cette crise, était sub-mergé de patients (souffrant de gastro-

entérites et de diarrhées). C’est enréponse à ce problème de santé publiqueque l’initiative d’une action avec la popu-lation s’est mise en place. Aujourd’hui,le centre fonctionne avec des respon-sables et du personnel local.

A l’initiative du projetTout est parti de l’hôpital Béthesda dontles statistiques démontraient commentles mêmes personnes revenaient avec lesmêmes affections. Ce centre a alorschoisi de s’investir également dans lasanté communautaire avec un accent surla responsabilisation des populations etle partenariat avec les structurespubliques. Ainsi, au sein de l’hôpital, ila été créé un service approprié dénomméDéveloppement Communautaire etAssainissement du Milieu (DCAM) quiest devenu une direction à part entièreaprès deux ans d’activité.

Les objectifs • Organiser de façon durable un système

de ramassage des ordures dans lesquartiers de l’arrondissement de SteRita ;

• Traiter de façon écologique les déchetscollectés sur un site approprié ;

• Promouvoir des emplois pour lesjeunes ;

• Négocier un partage des responsabi-lités avec les structures publiques ;

• Renforcer la capacité des structures dedéveloppement local.

Stratégies de mise en œuvre du projetL’une des caractéristiques de ce projetest sa démarche communautaire qui aconsisté en une série de discussions avecles responsables locaux (chefs de quar-tiers, chefs d’arrondissement), les grou-pements de femmes, des jeunes, lessages, pour le choix des priorités et larépartition des tâches entre la commu-

nauté, l’ONG Béthesda, les partenairesfinanciers et les structures publiques. Uncontrat entre la communauté et l’ONG aorganisé ce partage des rôles.

Cette préparation a duré 18 mois et a per-mis de mettre ensemble les efforts de lapopulation, des Ministères de la Santé,de l’Environnement et de la CoopérationFrançaise pour le Développement. Cettedémarche bien longue, complexe maisvolontaire, a rassuré tous les acteurs duprocessus pendant toutes les étapes.

Tout ce processus a abouti à l’élabora-tion d’un projet avec les financements dis-ponibles, les terrains nécessaires pour lesactions du tri ; l’obtention des autorisa-tions auprès du ministère de l’environ-nement a été négociée et les accords departenariat ont été signés avec les com-munautés et les partenaires financiers.

Education en matière de santé environ-nementaleElle a consisté en des animations sur lesthèmes liés à l’hygiène corporelle et dumilieu, et leur relation avec la santé desindividus et de la communauté toutentière. Il était expliqué de façon concrètecomment celui qui a peu de moyensfinanciers devrait travailler pour la pré-vention en vue de protéger ses maigresrevenus. En effet, les séances incitaientles habitants à la souscription à l’abon-nement au ramassage des ordures et aupaiement des frais afférents. Ces séancesétaient organisées de façon hebdoma-daire ou mensuelle dans les marchés, lesécoles et collèges, églises et maisons.

Des actions spécifiques ont accompa-gné cette sensibilisation et ont été desoccasions pour le gouvernement et lesautorités locales d’apporter leur appuipolitique et moral au projet.

Une expérience réussie de gestion et de revalorisation des déchets au Bénin Etude de cas

Le PROGRAMME ASSAINISSEMENT ET PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT (PrAPE) estune expérience d’amélioration des conditions de vie au Bénin.

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Le Sud

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Aujourd’hui, la sensibilisation continuemais est orientée sur le tri des déchetsà la source, qui a déjà touché plus de sixmille ménages.

Organisation du ramassage des orduresLe système retenu pour la gestion desordures dans les quartiers comprenait plu-sieurs étapes.• La suppression et la gestion des dépo-

toirs : Il s’agit ici de nettoyer les dépo-toirs sauvages, de veiller sur les lieuxen vue de les maintenir propres et dedisposer de nouveaux endroits où lesordures ramassées des maisons peu-vent être stockées avant d’être trans-portées sur le site final. Des plaquesd’interdiction de dépôt des ordures ontété posées et certains de ces sites ontété gardés de nuit pour empêcherque les réfractaires viennent verser lesdéchets sur ces lieux et les salir à nou-veau.

• La pré-collecte : cette phase importantede la chaîne de gestion des orduresdevrait, pour rendre le système durable,s’autofinancer et être gérée à l’échellede quartier. Le principe de l’utilisationdes charrettes tirées par des jeunes aété retenu comme moyen de collectede maison en maison. Le passage sefait deux fois par semaine contre paie-ment de 0,4 € en 1994, 0,8 € en 1995,1,6 € en 1999, et de 2,4 € par moisactuellement.

Cette activité continue avec la mise enplace d’un système de récupérationdes matières non dégradables commeles plastiques qui vont au centre derecyclage. Un effort se fait pourencourager les ménages à pratiquerle tri à la source. Environ mille maisonss’adonnent à cet exercice quoiquebien difficile. Il constitue le moyenapproprié d’une gestion correcte quiresponsabilise le producteur et facili-te le travail à la mairie, non seulementpar la réduction des coûts, d’écono-mie et d’énergie, mais aussi par lamise en avant de l’industrie de recy-clage, la maîtrise des impacts environ-nementaux et la prolongation de ladurée de vie de la décharge.

Le traitementIl consiste au tri manuel en vue de la sépa-ration des différentes composantes pourmieux maîtriser leur neutralisation. En effet,on se retrouve finalement avec des tasde divers éléments, dont la matière orga-nique qui sert à la préparation du com-post. Les autres éléments triés sontgardés jusqu’à ce que leur recyclage com-mence comme le cas des plastiques. Lesverres, les ferrailles, les plastiques, les chif-fons, les cartons, les os d’animaux, etc.constituent les parts essentielles. En cequi concerne les déchets biomédicaux,ils étaient au début mélangés aux déchetsménagers. Après un an, un incinérateurartisanal à base de briques et vulgarisépar le Ministère de la Santé a été utilisésur le site du centre de tri pour brûler cestypes de déchets dangereux. Les centresde santé de notre zone de travail ont étésensibilisés sur la séparation des déchets.Finalement, la meilleure solution de leurtraitement a été d’établir un contrat avecle centre national hospitalier et universi-taire de Cotonou qui dispose d’un maté-riel adéquat pour leur élimination.

Notre expérience sur le terrain a engendréde nouvelles activités

• DCAM a apporté son expertise dansla création et la formation du person-nel de plusieurs structures partenaires(20 au Bénin, 2 au Togo, et une auCongo) opérant dans le domaine de lapré-collecte ;

• La gestion des déchets biomédicauxest mise en place dans une trentainede centres de santé répartis sur 4 arron-dissements de la ville de Cotonou ;

• Le recyclage du plastique et du papierpermet de fabriquer respectivementdes gaines électriques et des briquettesdepuis l’année 2000 au centre Agriplas,une petite unité mise en place pour lesdites activités. Des granulés de plas-tiques y sont produits et servent à lafabrication des gaines électriques utili-sées dans la construction. Trois tonnesde granulés sont produites chaquemois et cette activité avec les efforts pourson autofinancement, deviendra uneusine gérée par des opérateurs privés ;

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• Un réseau de récupérateurs est mis enplace à cet effet dans toute la ville deCotonou pour la collecte des déchetsplastiques et de papiers ;

• Le recyclage des véhicules hors d’usages’améliore à travers la formation etl’équipement des artisans ferblantierset des forgerons de Cotonou.

Expansion dans les quartiers environnants

L’expansion de l’expérience dans lesautres quartiers de Cotonou se révèleune source de création d’emplois.

Avec une charrette (150.000 CFA envi-ron 230 €), deux jeunes peuvent déjà avoirla possibilité de gagner au moins 60.000F CFA par mois chacun. Une consciencegénérale de la salubrité est née partoutdans le pays. La vraie raison de cette mul-tiplication est que tout le monde voulaitune amélioration de la situation sanitairedans les villes.

Leçons apprises pour qu’une expériencese propage

Les enseignements de cette expériencepeuvent se résumer en ces termes.• La nature de l’expérience : elle doit

régler un problème majeur ressenti auniveau local ou national, avoir uncaractère public, dont la résolutionest vue globalement avec des idéessimples et facilement mise à jour ;

• L’initiative enrichit d’autres structureset est génératrice de revenus pour lesacteurs ;

• La bonne coopération dès le départavec les structures publiques commeprivées : les populations devront faci-lement accéder aux informations et par-ticiper aux discussions ;

• Un contexte favorable apparaît avec desrésultats visibles et convaincants ;

• Les populations vivent les bénéfices del’expérience. En réalité, aucun projetn’est un succès s’il ne profite pas à lapopulation, ce qui constitue le gage quecela va continuer.

L’expérience de ce partenaire enmatière de gestion des déchets estunique et édifiante au Bénin, et dansla sous région ouest africaine. Il a prisune part active dans la gestion desdéchets et la lutte contre la pauvretéau Bénin et en particulier dans la villede Cotonou qui produit 500 tonnes dedéchets par jour.

L’incapacité des leaders politiques àvaloriser ce qui se fait localement etrésoudre un problème pour en faire uneforce constitue l’un des maux dontsouffrent les pays africains en géné-ral. Ceci constitue le nouveau défipour influencer les décideurs à valo-riser les expériences locales en vue dessolutions durables.

Quelques exemples de questions pour vousaider à animer une discussion :

– Le réchauffement climatique et la dégradation de l’environnement sont-ils ressentis comme des problèmes majeurs pour les populations dansles pays pauvres ?

– Pourquoi ?

– Cela signifie-t-il qu’il n’y a pas de problème ?

– Y a-t-il des projets faciles à mettre en place ?

– Lesquels ?

– En quoi ces projets peuvent-ils être créateurs d’emplois et de revenus ?Expliquez…

– Quels seront les premiers résultats visibles selon le type de projets ?

– Qui seront les premiers bénéficiaires ?

– En tant que chrétiens, devons-nous nous soucier de l’environnement ?

– Pourquoi ?