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Dante Alighieri (1265-1321). Dante Alighieri. La Divine Comédie. Le Purgatoire. Texte italien. Traduction nouvelle et notes de L. Espinasse-Mongenet. T. 1. T. 2. 1932. 1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le domaine public provenant des collections de la BnF.Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 : *La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source. *La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produits élaborés ou de fourniture de service. Cliquer ici pour accéder aux tarifs et à la licence 2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques. 3/ Quelques contenus sont soumis à un régime de réutilisation particulier. Il s'agit : *des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés, sauf dans le cadre de la copie privée, sans l'autorisation préalable du titulaire des droits. *des reproductions de documents conservés dans les bibliothèques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont signalés par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothèque municipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invité à s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de réutilisation. 4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est le producteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle. 5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont régies par la loi française. En cas de réutilisation prévue dans un autre pays, il appartient à chaque utilisateur de vérifier la conformité de son projet avec le droit de ce pays. 6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions d'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment en matière de propriété intellectuelle. En cas de non respect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prévue par la loi du 17 juillet 1978. 7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute définition, contacter [email protected].

La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

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Dante Alighieri (1265-1321). Dante Alighieri. La Divine Comédie. Le Purgatoire. Texte italien. Traduction nouvelle et notes de L. Espinasse-Mongenet. T. 1. T. 2. 1932.

1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le domaine public provenant des collections de laBnF.Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 :  *La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source.  *La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produitsélaborés ou de fourniture de service. Cliquer ici pour accéder aux tarifs et à la licence 2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques. 3/ Quelques contenus sont soumis à un régime de réutilisation particulier. Il s'agit :  *des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés, sauf dans le cadre de la copie privée, sansl'autorisation préalable du titulaire des droits.  *des reproductions de documents conservés dans les bibliothèques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont signalés par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothèquemunicipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invité à s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de réutilisation. 4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est le producteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle. 5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont régies par la loi française. En cas de réutilisation prévue dans un autre pays, il appartient à chaque utilisateurde vérifier la conformité de son projet avec le droit de ce pays. 6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions d'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment en matière de propriété intellectuelle. En cas de nonrespect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prévue par la loi du 17 juillet 1978. 7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute définition, contacter [email protected].

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LEPURGATOIRE

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PURGATORIO

CANTO XIX — CAMO XXXI11

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PURGATORIO

CANTO XIX

1 Nell'ora che non puo il calor diurne

intepidar piVi il freddo dclla Luna,vinto da terra o talor da Saiurno,

4 quando i geomanli lor maggior forluna

vcegiono in oriente innanzi all'albavusurfer per via che poco le sla bruna,

i. Vers le malin : — C'est l'aube, peut-être quatre heures dumatin, — « l'heure où l'on rêve le vrai ». (V. Enf., XXVI, 7; Purg.,IX, 11 et suiv.)

1. Lorsque s'est éteinte la chaleur donnée à la terre durant le jourpar les rayons du soleil ; lorsqu'elle ne peut plus lutter, et que dominel'influence de la lune dont les anciens croyaient qu'elle rayonnait lefroid.

La Luna. non è fredda in se; ma è effettiva di freddo coi raggi delSole che percuotono in essa, et ella li ri flotte giuso ; e la reflessioneche viene di su giù cagiona freddo, corne quella che è di giù su cagionacaldo, e perb la Luna. la notte raffredda l'aire e la terra, e lo Solela mattina incomincia a scaldare l'aire e la terra in tanto, che cacciavia la freddura infine a tersa, e poi scalda infine a la sera... Sicchèrimane caldo l'aire e la terra infine a mezza notte... Passata mezzanotte... incomincia lo freddo, e quanto pih s'approssima a la mattina

più crescie... (Com. Fr. da Buti.)3. Parce que de sa nature la terre est froide.Sicchè, passata mezza notte, mette fuora la sua freddezza et

aiuta la freddezza de la Luna; e cosi è vinto lo caldo da la freddurade la I.una per l'aiitto de la terra. (F. daButi.)

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LE PURGATOIRE

CHANT XIX

uatriènie Gyre : La négligence. Le rêve symbolique de Dante. L'Angedu zèle. L'Ascension des poètes au cinquième Gyre : L'avarice et la

prodigalité.—

Cinquième Gyre : Le Pape Adrien V, Alagia.

i A celle heure où la chaleur du jour ne peutplus tiédir la fraîcheur de la Lune,vaincue qu'elle a été par la terre el quelquefois par Saturne,

4 quand les Géomantiens leur signe de majeure fortunevoient dans l'Orient, avant l'aube,

surgir par un chemin qui peu de temps devanl eux reste obscur,

Tant qu'à Saturne : les anciens le croyaient aussi générateur defroid; dans le vers qui nous occupe, Salurne vient accroître encore lefroid lorsqu'il règne.

Hoc metuens, coeli menses et sidéra sen'a :Frigida Saturni sese quo Stella receptet.

(Virgile, Georg., lib. I, v. 335, G.)4. Les Géomantiens : des devins qui affirmaient pouvoir prédire

l'avenir à l'aide de certain points jetés au hasard sur le sol ou surquelque parchemin, el desquels, en les réunissant par des traitsnombreux el en rapprochant ces mêmes traits des constellationsrégnantes, ils liraient des horoscopes; le signe de la « Fortunemajeure », c'était pour eux une disposition de leurs points semblableà celle des étoiles de la seconde moitié de la constellation de l'Am-phore unies a celles de la première moitié de la constellation desPoissons.

5. En rappelant ceci à cette place, Dante a voulu encore nous dési-: gner le lever du jour, car si l'on se tourne vers l'Orient, c'est à cette

époque de l'année, le moment où l'on peutvoir à l'horizon l'Amphore: déjà élevée et la première partie des Poissons qui la suivent, donnantî ainsi le signe indiqué.1

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4 PUHGAT0RIO. CANTO X!X.

7 mi vennc in sogno una femmina, balba,

negli occhi guercia, e sovra i piè distorta,con le man' monche, e di colore scialba.

10 Io la mirava; e, corne il sol conforta

le freddc membra che la notte aggrava,cosi lo seuardo mio le facca scorta

i3 la lingua, e poscia tutta la drizzava

in poco d'ora, e lo smarrito volto,come amor vuol, cosi le colorava.

16 Poi ch'ella avea il parlar cosi disciolto,cominciava a cantar si, che con penada lei avrei mio intento rivolto.

rg « lo son, cantava, io son dolcc sirena

che i marinari in mezzo mar dismago ;tanto son di piacere a sentir picna.

-. Voici l'apparition de la femme qui balbutie et de qui le regardn'est pas droit. Elle sera le symbole de l'avarice, de Ja gourmandiseet de la luxure. Le poêle a déjà traité des quatre péchés ou vicescapitaux de l'esprit, selon que les désigne saint Grégoire ; il va main-tenant traiter des péchés ou vices capitaux de la chair que cettefemme préligure.

Dicit ergo poeta : Lnafcmraina balba; hoc respicit avaritiam quaenon loquititr clarc cl aperte, sed implicite et dolosc; gulam, quiaebrietas facit linguam grossam, ita ut non possit articulate loqui;luxuriant, quae facit homincm adulari, lingerc et multa fingerc falso ;negli occhi guercia : hoc facit avaritia. quia avants non videt reetc,nimia cupiditatc caecus tant hahendi, quant retinendi; hoc facitgtila, quae reddit oculos lippicntes et visuni dcstrttit; luxuria multofortins, r/uia offuscat oculos corporales et intellectualcs, et quiddeceat non videt ullus amans..., etc. (Bftnv. de Iniola.)

Dante a pu prendre l'idée première d'une telle vision dans le livredes Proverbes où l'on trouve au chapitre vu, v. 6-ia, une femme fortressemblante à celle-ci :

De fenestra enim domus meac per cancellos prospexi. Et videoparvulos, considero vecordem jttvcncm, qui transit per plateam juxtaangulum, et prope viam domus illius, graditur. In ohscuro, adves-perascentr die... Et eccc occurrit illi millier ornatu meretricio, prae-parata ad capiendas animas : garrula, cl vaga. Quietis impatiens,

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I.E PURGATOIRE. CHANTXIX.

ïr en songe m'apparut une femme balbutiante,

jj aux yeux louches, ployée sur ses pieds tordus,

l les mains mutilées et le teint blême.

io Je la considérais, et, comme le soleil réconforte

les membres glacés que la nuit alourdit,

pareillement mon regard rendait l'agilité à

i?) sa langue et puis faisait se redresser tout son êlre

en peu d'instants, et son pâle visage,comme le veut l'amour, ainsi se colorait.

iG Dès qu'elle eut de la sorte son parler délié,elle commença de chanter si bien, qu'avec peine

j'aurais détourné d'elle mon attention.

9 — «Je suis », chantait-elle, « je suis la douce sirène

qui fait perdre la raison aux mariniers, dans le milieu de la meri si grand est le plaisir que j'impose à qui m'entend.

nec païens in domo consistere pedibus suis, nunc foris, nunc in pla-teis, nunc juxta angulos insidians.

Cf. Xénophon, Mémorables, II, cap. i :Lorsqu'Hercule adolescent croit voir venir à lui deux femmes,

l'une belle d'une pure et noble beauté, l'autre séduisante, le regardhardi'et les joues peintes, symbolej du vice et de la vertu, et qu'illui faut choisir.

io. Il sole tutte le cose col suo calove vivifica. (Convivio, Trait. III,cap. XII.)

il. L'imagination de l'homme embellit et orne les faux biens quiforment l'objet de sa convoitise ; voici pour le symbole.

Suivant le sens littéral, nulle description plus belle de la puissanced'un regard aimant : Sous le regard de celui qui aime, l'oojet aimése pare do joie et de beauté.

iq. Il faut peu de temps à la passion pour s'emparer d'une âme.i5. Selon que le veut Amour :Avvenne poi che avunque questa donna mi vedea si facea d'un a

vista pietosa e d'un color pallido, quasi Acome d'amore : onde moitefiate mi ricordava délia mia nobilissima donna, che disimile coloremi si mostrava. (Vita Nova, §3j.)

io. ...àÀXaTê SstprjvE;Àivup5jj8£XYpo'J3iv_àLoSjji)(j.sv«ièv Xstaâm

« Mais les syrènes assises dans les prairies charment par leurschants harmonieux. » (Odyssée, XII, 44-5.)

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PURGATOJUO. —- CANTO XIX.

22 Io volsi Ulisse ciel suo cammin vagocol canto mio ; e quai meco s'ausa

rado se n' parte, si tutto l'appago ».

a a Ancor non era sua bocca richiusa-,

quando una donna apparve santa e presta

lunghesso me per far colei eonfusa.

u8 « O Virgilio, o Virgilio, chi è questa? »,

fieramente diceva. Ed ei venla

con gli occhi fitli pure in quella onesta;

3i l'altra prendeva, e dinnanzi l'apriaf'endendo i drappi, e mostravami il ventre.

Quel mi svegliô col puzzo che n' uscia.

34 Io mossi gli occhi ; e il buon Virgilio : « Almen tre

i-i. Attaché par ses compagnons au mât de son navire, suivant leconseil de Circé, Ulysse avait écouté le chant des syrènes ; et il avaitfait signe du sourcil à ses rameurs, de qui les oreilles étaient gar-dées par la cire pétrie de ses mains et amollie au soleil, de le délierafin qu'il allât à elles; mais eux; fermes et constants, s'étaient penchésplus fort sur les rames et deux d'entre eux étaient venus le lier plusétroitement :

..."iîç cpâaav Uïcal foca xâXXtu,ov*aù-;àp labv y.f.o7]0sX'<{XOU![J.EV!U,Xuaat T' ixéXsuovÉtaipouç,<3oepÛCTcv£u3ToeÇojv-ot BèjcpoîîEOo'vTs;Êpîoaov.AiTÎza S' Kvaiâvie; IlepipjSriç EùpuXo-/6; "

rcXsîoaïJJ.'Iv Ssâjidïai oiov ixaXXovTCKICÇEUV.[Odyssée, XII, 19a et suiv.)

La syrène peut donc bien chanter ici qu'elle détourna Ulysse dusouci de son chemin.

Au Mystère d'Ulysse, de Charles Maurras, quand, à la premièrepage, l'Aurore jette ses (leurs :

« Et d'or l'île basse où languit la syrène :Si le vent l'y conduit, si le courant l'y traîne,Ulysse a consenti que son coeur soit tentéDu prix de la sagesse ou de la volupté. »

Ou peut-être Dante, réunissant en un seul, dans sa fiction, les piègesamoureux tendus au roi d'Itaqùe, fait-il allusion à la victoire rem-

portée sur lui par Circé la magicienne qui l'éloigna vraiment de sonchemin pendant une année. (Cf. Enfer, XXYI, v. go et suiv.)

Ou encore songe-l-il à Calypso, la nymphe divine, fille d'Atlas, qui

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LE PUUfiATOIHE. CHAM' XIX.

22 J'arrêtai Ulysse, en sa course vagabonde,K par mon chant; et celui qui s'accoutume à vivre auprès de moi

f' rarement me quitte, tant je le comble en ses désirs. »

UJ Sa bouche ne s'était point encore refermée

quand une Dame apparut, sainte et diligente,à mon côté, pour la confondre.

28 — « O Virgile, Virgile, qui est celle-ci?... »

disait-elle, impérieuse : et lui, s'approchait,ses yeux fixés seulement sur l'honnête Dame. '

3i Et elle se saisissait de l'autre et lui ouvrait sa robe par devant,fendant les draperies, et m'en faisait voir le ventre :

et tant de pestilence sortait de là que j'en fus réveillé.

34 J'ouvris les yeux : et le doux Virgile : « — Au moins trois

retint Ulysse beaucoup plus longtemps : la syrène étant restéel'image la plus accoutumée et comme le modèle de la tentatrice, decelle qui sait se faire aimer.

Ï4- H n'est point facile à l'homme de s'éloigner des faux bienslorsqu'il s'y est une fois abandonné.

26. Le symbole de la raison : le désir de l'homme avait embellide tous les charmes la femme balbutiante, la raison arrive et arrachele voile de ces enchantements.

Bene vocat istam Dominam, ubi illam vocaverat fantulam, quiaratio débet dominari et passio famulari. (Benv. de Imola.)

3o. Et sic vide quod oculus Iiantis in carni positus respiciebattantum cum delectatione illam primant lubricam, sed oculus Virgi-lii sine carne respiciebat istam secicndam cum veneratione; Ma enimvidebàtur pulchra et amabilis, ista vero rigida sed venerabilis.(Benv. de Imola.)

3'2. Ecce ego congregabo omnes amatores tuos, quibus commistaes; et omnes quos dilexisti, cum universis quos oderas : et congre-gabo eos super te undique, et nudabo ignominiam tuant coram eis,et videbunt omnetn turpitudinem iuam. (lizéchiel, xvi, 3?.)

Et denudabunt te vestimentis tais, et tollent vasa gloriae tuae.(Ezéchiel, xxm, u6.)

34. Yoici la lumière : Virgile insiste afin que Dante s'éveille, il fautavancer.

Emitte lucem tuant et veritatem tuant : Ipsa me deduxerunt etàdâuxerunt in montem sanctum tuumetin tabernacida tua. (PsaumeXLII,v. 3.)

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VL'RGATORIO. CANTO XIX.

voci t'ho messe, dicea : surgi e vicni;

troviam la porta pcr la quai tu entre ».

3 7 Su mi levai ; e tutti eran già pienidell'alto di i giron' del saero monte,

ed andavam col sol nuovo aile reni.

4o Seguendo lui, portava la mia fronte

corne colui chc 1' ha di pensier' carca,

ehe fa di se un mezzo arco di ponte ;

43 quand'io udi' « Venite : qui si varca »

parlare in modo soave e benigno,

quai non si sente in questa mortal marca.

46 Con l'aie aperte, che parean di cigno,volseci in su colui che si parlonne,tra' due pareti del duro macigno,

4p Mosse le penne poi e ventilonne,

qui lugent affermando esser beati,oh'avran di consolai' l'anime donne.

à'y. « Che liai?, ohé pure in vêr la terra guati »,

3^. Le soleil s'est levé.Illuminons tu mirabiliter a montibus aeternis. (Psaume LXXV,V. 5.)3g. Les deux poètes marchent toujours à main droite.

Et deducet te mirabiliter dextera tua.(Messe des Saintes Femmes au Graduel pendant le temps Pascal.)Tenuisti manum dexteram meam et in voluntate tua deduxisti me.

(Psaume LXXII,̂ 4.)Il allaient maintenant vers l'Occident et le soleil se levait derrière

eux.41 .-.E sospirando, pensoso venia,

Per non veder la gente, a capo chino.

(Vita nuova, § 9.)4-2. Boccace, dans son histoire de Dante, dit que celui-ci, durant

sou âge mûr, avait coutume de marcher courbé dans une attitudegrave et douce.

Questo nostro poeta... poi che alla matura età fa pervenuto, andb

alquanto eurvetto, e era suo andare grave e mansueto. (Boccace,Vita di Dante, §8.)

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I.F. ptnc.vroiRE. CHANTXIX.

| fois je t'ai appelé », disait-il, « lève-toi et viens;

| trouvons la porte par où tu dois entrer. »

$37 Je me remis debout; et, déjà, ils étaient tout inondés

fi de l'éclat du jour, les degrés de la Montagne Sacrée;et nous allions avec le jeune Soleil dans les reins.

4o Et moi, suivant mon Maître, je portais le front

comme celui qui l'a tout chargé de pensées"'et se courbe, à la façon d'une demi arche de pont;

43 quand j'entendis : « Venez, c'est ici que l'on passe. »

i Et la voix avait une inflexion si suave et miséricordieuse

qu'on n'en entend point de pareille en cette région mortelle.

;46 Avec ses ailes ouvertes et qui semblaient d'un cygne,il nous dirigea vers le haut, celui qui nous avait parlé,entre les deux parois de la dure roche.

49 Puis il agita ses plumes et nous purifia de leur vent;affirmant que bienheureux sont ceux qui pleurent,

I car leurs âmes recevront d'abondantes consolations.

j2 — « Qu'as-tu à ne regarder que vers la terre? »

47. L'ange désigne de l'aile les marches taillées dans la roche quiconduiront les poètes à la corniche au-dessus.

49. Du vent de son aile, l'ange efface sur le front de Dante l'em-preinte du péché de négligence.

50. La troisième Béatitude :« Bienheureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés. »Beati qui lugent quoniam ipsi consolabuntur. (Evang. .saint

Mathieu, v, 5.)Spiritus Domini super me... Aut consolarer omnes lugentes. (Isaïe.

LXI,ï.)Cette troisième Béatitude convient bien aux âmes des négligents

que nous avons vus, au vers 99 du chant XVIII, se hâter en pleurantpour racheter l'ancienne froideur de leur coeur tardif.

31. Gomme d'autres fois, Virgile 11déjà pénétré la pensée deDante ; il sait de quel rêve ou vision son esprit reste saisi. 11l'inter-roge cependant, voulant toujours, avec cette noble douceur qui enfait le modèle des maîtres, recevoir de lui le don de sa confiance,

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10 PLRGATOIUO. CANTO XIX.

la guida mia mcomiuoiô a dirmi,

poeo ambedue dall'angel sormontati,

JJ Ed io : « Cou lanla suspizion fa irmi

novella vision ch'a se mi picgasi, ch'io non posso dal pensai' partirmi ».

J8 « Vedesli, disse, queU'antiea stregache sola sopra noi omai si piagne;vedesli corne l'uom da lei si slega.

61 Bastiti ; e batti a terra le ealeagne ;

gli. occhi rivolgi al lôgoro che giralo Ilege Eterno con le rote magne » !

64 Quale il faleon, che prima ai piè si mira,indi si volgë al grido, e si prolende

per lo disio del paslo che là il tira;

67 lai mi feo'io; c tal, quanto si fende

la roccia per dar via a chi va suso,n'andai infino ove il cerchiar si prende.

70 Com'io nel quinto giro fui dischiuso,vidi gente per esso che piangea,"iacendo a terra Lutta volta in <j'iuso.

58. Dès le Paradis terrestre, le charme trompeur des faux bienségara nos premiers parents; et la sorcière, dans les vieilles légendes,est toujours représentée comme préparant ses maléfices à l'aide dusang le plus pur.

Streghe dicono i semplici che sono vccchie le quali si tramutano invarie forme d'animali, et dipoi succiono il sangue a bambini. Laondechiama questa falsa félicita strega, perche ci succia gli spiriti ed isensi. (Crisl. Landino.)

5g. Dans les cercles qui restent à parcourir, les derniers, les plusélevés sur la montagne mystique où sont châtiées l'avarice, la gour-mandise et la luxure.

60. L'homme se délivre de tels appétits en découvrant par l'effetde la grâce la vile réalité de leur objet.

63. Les sphères célestes.64. Dante emprunte son image à la vénerie du moyen âge où le

faucon était très employé. Il le prend ici au moment où, droit sur le

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LE PUIWJATOIRE. CHANTXIX. I I

commença de me dire mon Guide,

quand nous eûmes tous deux gravi un peu d'espace au-dessus de

[l'endroit où se tenait l'ange.5J Et moi : — « En si grande suspicion me fait aller

une vision récente, qui vers elle me pliesi fort que je n'en puis distraire ma pensée. »

58 — «Tu as vu », dit-il, «l'antique enchanteresse

qui, seule, fut la cause des larmes qu'on pleure désormais au-dessus

tu as vu comment l'homme s'en libère. [de nous;

bi Que cela te suffise, el frappe la terre de tes talons,

lève les yeux vers l'appât que fait mouvoir autour de nous

le Roi Eternel avec ses sphères sublimes... ! »

64 Pareil au faucon, qui, d'abord, regarde à ses serres,

puis se tourne au cri du chasseur, se dresse et se tend en avanl,dans son désir de la pâture qui l'attire par là,

67 tel je me fis moi-même et tel, aussi loin que se fend

la roche pour livrer accès à qui veut monter,

je m'en allai, jusqu'à l'endroit où l'on reprend la roule infléchie.

70 Dès que je me retrouvai libre dans le cinquième cercle,

je vis, là, des Ombres qui pleuraient,gisantes sur le sol et le visage tourné contre terre.

poing du chasseur, il regarde ses serres, comme impatient de lesôter de leur appui pour un vol fécond. Alors le chasseur lui faitentendre le cri connu ; l'oiseau se tend et part, rempli d'ardeur, à lapoursuite de la proie dont il aura ce qui lui en revient pour sonrepas. Car il y avait la part du faucon que le chasseur ne manquaitpas de prélever sur chaque pièce conquise.

66. En haut, où est la proie.69. Jusqu'à la nouvelle corniche, laquelle formera ici le cinquième

cercle du mont mystique.7a. Ce sont les avares : n'ayant pas su élever leur amour vers les

biens supérieurs, ils gisent par terre, le visage contre le sol, lespieds et les mains liés afin de marquer qu'ils ne surent point employerleur activité à de bonnes oeuvres. Ils pleurent leur attachement passéaux richesses humaines, en se redisant la parole du Psalmiste :

Adhaesit pavimento anima mea : « Mon âme est attachée à la pous-sière. » (Psaume cvm, a5) (Daleth.)

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19. l'tnfiATOKIO. CANTO\\K.

j'i Adhaesit pavimento anima mea

senti' dir lor eon si alti sospiri,che la parola a pena s'intendea.

j(i « O cletti di Dio, H oui soflYiri

e giuslizia e sporanza fan men duri,

drizzate noi verso gli alti saliri » !

J9 « Se voi venite dal giacer sicuri

e voleté trovar la via piu tosto,le vostre destre sien sempre di furi ».

82 Cosi pregô il poeta, e si risposto

poeo dinnanzi a noi ne f'u ; perch'ionel parlare avvisai l'altro nascosto;

85 e volsi gli ocehi allora al sisrnor mio :

ond'egli m'assenti eon lieto"cenno

oio che ehiedea la vista del dislo.

88 Poi ch'io potei di me l'are a mio senno,trassirni sopra quella ereatura

le eui parole pria notar mi fenno,

91 dieendo : « Spirto, in eui pianger matura

quel senza il quale a Dio tornar non puossi,sosta un poco per me tua maggior cura.

94 Chi fosti, e perché volti avetc i dossi

7~. Mais la parole qui suit, dans le psaume que rappellent iciceux qui furent avares : Vivifiai me secundum verbum tuum (Vivifie-moi selon ta parole), est mie prière parfaite qui enlève l'âme jus-qu'au plus haut espoir; elle renferme un cri fervent vers toutes lesrichesses éternelles; el sur la montagne sainte, si les coeurs despénitents adhèrent encore au sol par un juste châtiment, leur espritest déjà ravi par la certitude de la Vision béalifique, seule véritablefortune.

;g. Celui qui parle est le pape Adrien V. 11eroit s'adresser à desâmes déjà sur la voie de la purification; c'est pourquoi il leur dit :« Si vous n'avez nulle avaricu à expier ici »

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LE PURGATOIRE. CHANTXIX.

-3 — Âdhxsit pavimenlo anima rnea...

leur entendis-je dire, avec de si profonds soupirsque la parole à peine se pouvait comprendre.

-6 — « O élus de Dieu, dont les souffrances

par la Justice et l'Espoir sont failes'moins dures,

dirigez-nous vers les marches qui s'élèvent plus haut... '. i>

-9 — « Si vous venez, assurés de n'avoir point à rester ici gisants,et que vous vouliez trouver voire voie plus tôt,

gardez à voire droite toujours le bord extérieur de la mon-

tagne... »82 Ainsi pria le Poète, et ainsi lui fut-il répondu

un peu en avant de nous : ce qui fut cause

que je découvris, au son de sa voix, cet autre qui était caché.

Sa Et je tournai les yeux vers les yeux de mon seigneur :et lui, alors, donna son assentiment, d'un geste favorable,à ce qu'implorait mon visage de désir.

88 Dès que je Jus libre d'agir selon mon gré,je courus vers celle créature

que ses paroles m'avaient d'abord révélée,

rji en disant : — « Esprit en qui les pleurs mûrissentle fruit sans lequel à Dieu on ne peut revenir,donne trêve, un instant, pour moi, à ton plus grand souci.

i")4 Qui tu fus, et pourquoi vous avez vos épaules tournées

H.j. C'est seulement par le point prect^ il où vieil! la voix, queDante devine parmi les ombres celle qui lui a parlé, car les figuressont cachées ; d'un regard il implore de Virgile In permission deparler à son tour; Virgile répond de même : nulle parole n'estéchangée ici, par respect pour ceux qui entendent et ne peuventvoir.

Q'i. Le repentir, la purification de l'amc par la pénitence.Et sanctimoniam, sine qua nemo videbit fleum. (Saint Paul aux

Hébreux, su, i.J.)

Page 26: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

l4 t'L'UGATOMO. —: CA*TO XIX.

al su mi di', e se viioi- ch'io t'impetrioosa di là ond'io vivendo mossi ».

97 Ed egli a me : « Perché i nostri dircLri

rivolga il cielo a se saprai; ma primascias rjttod ego fui successor Pétri.

IOO lu Ira Sicsli'i c Chiaveri si adima

ilna (iumana bella, c del suo nome

lo titol del mio sangue l'a sua cima.

roli Un mesc c poco piû prova' io como

pesa il gran manlo a chi dal fango il guarda,elle piuma sembran lutte l'allie some.

io(i La mia conversione, oimè!, fu larda;

ma, corne l'atto lui roman pastore,eosi scopersi la vita bugiarda :

i)j. « Ton plus grand souci » ; le souci de se purifier) de se rap-procher de Dieu par la juste expiation soufferte avec le zèle d uncoeur qu'afflige non la souffrance présente mais l'erreur d'autrefois.

99. C'est Oltolmono Fieschi, de la noble famille des comtes de

Lavagua de Gènes, et neveu du pape Innocent IV. En 1264, il vint en

Angleterre comme légal de Clément IV. Elevé au Saint-Siège le12 juillet 1276, sous le titre d'Adrien V, il n'y demeura qu'un moiset quelques jours cl mourut à Viterbe le 18 août.

On rapporte de lui qu'il ne songea guère toute sa vie qu'à amasserdes richesses en vue d'une élection papale qu'il désirait vivement et

qui lui vint en effet; élection dont il ne'put, comme nous l'avonsvu, jouir que fort peu de temps. D'ailleurs, le même chroniqueurajoute que, à peine élu au suprême pontificat, son esprit se trouvatout changé : il vit entre ses mains non une heureuse autorité maisla plus grande des responsabilités. Tout ce qu'il avait réuni de bienslui parut vain et funeste, et il délesta aussitôt ce qui avait été sonvice.

De même, Serravalle, dans son Commentaire :Hic Adrianus papa V, dum fuit cardinalis et in niinoribus consti-

lutus, fuit avarissimus, avaritia plcnus, et semper congregavit, divi-tias composait, necpoterat satiari. Tandemfactas papa, videns quodplus non poterat ascendere, nec adhuc erat saluratus divitiis, peni-tuit eum tanti sceleris, et totaliter conversus ad Deum, disposaitcontemnere divitias, et milita fecit sibi argumenta, ad contem-nenrlum munditm, divitias et pompas ciusdem, et in tali conversionecito moriebatitr.

Page 27: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

LE PUJIGAT0I11E. CHANTXIX. K)

vers le haut, dis-le moi, et, encore, si tu veux que je t'obtienne

quelque chose sur terre d'où je partis vivant. »

(i- Et lui à moi : — « La raison pour laquelle ce sont nos épaules

que le Ciel tourne devers soi, tu la sauras, mais premièrement :

• Scias qiiocl ego fui successoi- Pelri.

00 Entre Siestri et Chiaveri descend

un beau fleuve au cours rapide, et du nom de ce llcuvc

le titre de ceux de mon sang couronne son cimier,

?oo Un mois, et un peu plus, j'éprouvai ce que

1 pèse le grand manteau à qui le doit préserver de la fange,\ car plume semble tout autre fardeau.

06 Ma conversion, hélas! fut tardive :

mais comme je fus fait Pasteur Romain,alors je découvris combien la vie est menteuse :

Adrien V, pour se déclarer au poète, emploie le langage de 1 Eglise,suivant que le font les papes en leurs actes officiels. C'est en mêmetemps par humilité, puisqu'il est ici, en ce lieu de purification, retenupour un péché si mal assorti à son âme sacerdotale, par respect aussipour l'insigne charge dont il avait été durant quelques jours revêtu.

100. Siestri : Seslri di Levante, petite ville maritime de la Lignrio,à l'est de Gênes.

Chiaveri, ou Chiavari, autre petite ville de la côte ligurienne,remarquable par sa cathédrale où l'on voit les peintures de Carboneet par son autre église « la Madonua dcll' Orto » — la Vierge aujardin — qui renferme de véritables trésors d'art.

ioi. La Lavagna : torrent qui descend de l'Apennin à la mer : lesFieschi, ancêtres d'Adrien V, prirent de lui leur litre de comte de laLavagna. C'est donc au nom de ce fleuve qu'était attaché le titre decomte, et de là les Fieschi tirèrent le droit d'entourer d'une couronnecomlale le cimier de leur heaume, selon les lois héraldiques. De cenom leur vint leur plus grand lustre.

108. La vie du monde : une seule chose ne trompe point : « Cher-cher Dieu elle servir, le reste n'est que .surcroit. »

Les promesses des faux biens sont fallacieuses comme les fauxbiens eux-mêmes, voilà ce que dit l'âme.

Sur les richesses : V. au Convivio, Tratt. IV, cap. xu :La imperfezione délie ricchezze non solamente nel loro indisercto

avvenimento si pub comprend ère, ma eziandio nel pericoloso loroaccrescimento ; e perb in cib che. pià si pub vedere di loro difetto,solo di questo fa menzione il testo, dicendo quelle, quantunque col-

Page 28: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

l6 PL'HGATOfilO. CAXÎO XIX.

iog vidi che li non si quetava il cofe,ne piû salir poteasi in quella vita.

Pcr ohc cli questa in me s'accese amore.

11 a Fino a quel punto misera e partilada Dio anima fui, del tutto avara.

Or, corne vedi, qui ne son punita.V

115 Quel che avarizia fa, qui si diehiara

in purgazion dell'anime converse :

e nulla pena il monte ha più amai'a.

118 Si corne l'occhio nostro non s'adersc

in alto, fisso aile cose terrene ;cosi giustizia qui a terra il merse.

lelte, non solamcnte non quietarc, ma dare più setc c renderc altrui

più difettivo e insufficiente...Promcttono le false traditrici scnipre, in certo numéro adunaic,

renderc il raunatore pieno d'ogni appagamento, e con questa pro-messione condtlcono l'umana volontà in vizio d'avarizia. E pcrquesto le chiama JSoezio, in quello di Consolazione (lib. II) perico*(ose, dicendo : « Oimè ! chi fit quel primo che li pesi dell'oro coperto,c le piètre che si voleano asconderc, preziosi pericoli cavàP »

Promcttono le false traditrici, se hen si gùarda, di tôrre ognisetc c ogni mancanza, e apportai' saziamento e bastanza; e questofanno nel principio a ciascuno uomo, questa promissionc in certa

quantité di loro accrescimento affermanao ; c poichc quivi sono adu-natc, in loco di saziamento c di refrigerio, danno c recano setc dirasso fehricante intollerabilc : c in loco di bastanza, recano nuoiotermine cioc maggior quantità a desiderio ; e con questo paurd csollecitudine grande sopra l'acquisto.

109. En «ne si grande élévation.Locutus sum in corde mco, dicens : Ecce magnus cfjectus''sum,\et

praecessi omnes sapientia, qui fuerunt ante me in Jérusalem; etmens mea contemplata est multa sapienter, et didici.

Dcdique cor meum ut scirem prudentiam atquc doctrinam, erro-resque et stultitiam; et agnos-i quod in his quoqttc esset labor, etafflictio spiritus. (Eeclésiasle, 1, 16-17.)

« Seigneur... car vous nous avez fait pour vous et notre coeur esttoujours dans l'agitation et dans le trouble jusqu'à ce qu'il soit aupoint de ne chercher son repos qu'en vous. » (Saint Augustin, Confcs.,I. Trad. des Pères Bénédictins. 1

Page 29: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

LE PURGATOIRE. CHANTXIX.

oi) je connus qu'il n'y avait pas en elle de repos pour le coeur,et qu'on ne pouvait point, en cette vie-là, s'élever plus haut.

C'est pourquoi en moi s'alluma l'amour de celle-ci.

ia Jusqu'à ce moment, misérable et séparéede Dieu avait été monàme, toute vouée à l'avarice.

Or, comme tu le vois, j'en suis ici puni.

.10 Le mal de l'avarice, en ce lieu, apparaît clairement

dans l'expiation des âmes converties,et nulle peine sur le Mont n'est plus anière.

18 De même que notre oeil ne s'éleva pointvers le Ciel, fixé qu'il était sur les choses terrestres,de même, ici, Justice en terre le plonge.

ii2. « Misérable » : c est-à-dirc privé de In paix véritable qui estle seul véritable trésor.

117. Toute âme pénitente, éprise d'amour pour Dieu, juge sa fautela plus grave de toutes; et le châtiaient qui est toujours intellectueld'abord, au Purgatoire, et lui rappelle sans cesse cette faute, à causede cela même lui semble le plus douloureux de tous.

Adrien V veut aussi laisser entendre du châtiment des avares qu'ilest le plus douloureux de ce fait que par tous les autres cerclesnous voyons les âmes, bien que toujours tourmentées par la mémoirede leur péché, avoir d'elles-mêmes une activité qui va à l'encontre dece que fut celui-ci : ce qui peut bien paraître un adoucissement.Tandis qu'ici, cloués à terre et sans même pouvoir lever les yeux auciel dans leur oraison repentante, les avares eu sont réduits àregarderie sol, devenus eux-mêmes l'image souffrante de ce que futdans le passé, pour eux, la vie.

C'est aussi, dans la pensée du poète, que — l'avarice ne laissantnulle place à la générosité qui est la première forme humaine de lacharité et dont on peut retrouver quelques traces même eu d'autrespéchés — les avares ne sauraient bénéficier d'aucun allégement surInmontagne sainte, vibrante d'amour de la base à son faîte.

Il est donc juste que le coeur des avares adhère à la terre.Nolite thesaurizare vobis thesauros in terra, ubi aerugo et tinea

demolitur, et ubi fures effodiunt et /urantur.Thesaurizate autem vobis thesauros in caelo, ubi neque aerugo,

neque tinea demolitur, et ubi fures non effodiunt, nec furantur.Ubienim est thésaurus tuus, ibi est et cor tuttm. (Saint Mathieu,

vi, 19, 20, 21.)LE PVROATOIHE. II. 2

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l8 PURGATORIO. C.WTO XIX.

i 21 Corne avarizia spense a ciascun bene

lo nostro amore, onde operar perdési,eosi giustizia qui stretti ne tiene,

124 ne' piedi e nelle man' legati e presi;e quanto fia piacer del giusto Sire,lanto staremo immobili e distesi ».

127 lo m'era inginocchiato, e volea dire;ma com' io cominciai ed ei s'accorse,solo ascoltando, del mio riverire,

i3o « Quai eagion, disse, in giû cosi ti torse? »

Ed io a lui : « Per vostra dignitatemia eoscienza dritto mi rimorse ».

133 « Drizza le gambe ; lèvati su, frate,

rispose; non errar : conservo sono

teco e eon gli altri ad una PotestaLe.

T36 Se mai quel santo evangelico suono

ehe diee Neque nubent intendesti,bon puoi veder perch' io cosi ragiono.

mi. « L'avarice fut cause que nous ne regardâmes plus vers lesvéritables biens et que toute l'activité de notre amour fut employéedans l'erreur. »

vi-x. Nam qui volunt divites fieri, incadunt in tentationem, et in

laqueum diaboli, et desideria milita inutilia, et nociva, quae mergunthomines in interitum etperdiiionem. (Saint Paul à Timothée, I-VI, 9.)

ia3. Tu qui putas manum habere te sanam, cave ne avaritiacontrahatur. (Saint Ambroise en saint Luc, I-IV. Homélie.)

i'2/|. Tune dixit rex ministris : « Ligatis manibus et peâibus ejus,mittite eum in tenebras exteiiores. » (Saint Math., xxn, i3.)

1127.Par grand respect du successeur de Pierre, Dante s'age-nouille.

i'iç|. Sciilement parce que la voix du poète s'est faite plus voisinede ses oreilles, Adrien V devine sans le voir qu'il s'est agenouillé.

Î33. Dans la vie de l'au-delà, le souverain Pontife lui-même nenomme plus les fidèles « fils » mais il leur dit « frères », obéissantà une hiérarchie supérieure, car tous ici sont considérés seulement

Page 31: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

LE PURGATOIRE. CHATs'TXIX. IQ

11 Comme l'avarice, de tout bien véritable, éteigniten nous l'amour, d'où il advint que nos oeuvres se perdirent,ainsi, en ce lieu, Justice nous tient captifs,

:4 et les pieds et les mains étroitement liés :

et autant qu'il plaira au Juste Sire,autant nous resterons immobiles et étendus. »

- Je m'étais agenouillé, et je voulais parler :

! mais, comme je commençais, il s'aperçut,I à m'entendre seulement, de ma révérence.I

. . ,jo

— « Quelle raison », dit-il, « t'a prosterné ainsi sur le sol? »Et moi à lui : — « A cause de votre dignité,

| ma conscience, lorsque j'étais debout, m'inspira du remords. »

(3 — «Redresse tes genoux, et lève-toi, Frère, »

répondit-il; «ne t'égare point: je suis un serviteur parmi les serviteurs,! avec toi et les autres, d'une même Puissance.!

|6 Si jamais cette parole Sainte de l'Évangilequi dit :— « Neque ntibent... » fut entendue de toi,bien tu peux voir pourquoi je raisonne de la sorte.

comme fils du Père Éternel cl tous frères, tous égaux. Dantesongeait évidemment à la parole inspirée qu'écrivit saint Jean dausson Apocalypse, à l'endroit,où'il veut se]]prosterner aux 'pieds del'Ange qui lui dicte sa prophétie; et que celui-ci ne le lui permet point :Et cecidi ante pedes ejus,'ut adorarem eum. Et dicit mihi : Vide nefeceris : conservus tuus sum, et fratrum tiwrum habentium testimo-niumJesu. Deum adora, (xix, 10.)... et a Saint Pierie, lorsqu'il relèvele centurion Cornélius : Surge et ego ipse homo su?7i. (Act., x, 26.)

i3y. Cum enirn, a mortuis resurrexerint, neque nubent, nequenubentur, sed sunt sicut angeli in caelis. (Saint-Marc, XII, u5.)

Et ait Mis Jésus : Filii hujui saeculi nubunt, et traduntur ad lllii'ero, qui digni habebuntur saeculo Mo, et resurrectione ex nuptias.mortuis, neque nubent, neque ducent uxores; ... aequales enimAngelissunt, et'filh sunt Dei... (Saint Luc, xx, 34, 35, 36.)Le Pape est sur terre comme l'époux de la sainte Eglise : ici, il nel'est plus : il demeure le fils et le serviteur de Dieu, comme le Poètelui-même, comme tous les fidèles et les élus.

Page 32: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

20 t>URG\T0lUO. CANTO Xli.

13t) Vattene omai : non vo' che piû t'arresti ;ché la tua stanza mio pianger disagia,col quai maturo ciô che tu dicesti.

142 Nepote ho io di là ch'ha nome Alagia,buona da se, pur che la nostra casa

non faccia lei per esemplo malvagia.

i45 E questa sola di là m'è rimasa ».

140. La seule activité possible à ces âmes est celle des larmes :aussi Adrien V, dans son fervent désir do la purilication sans laquelleil ne peut accéder à Dieu, ne veut point se distraire plus longtempsde sa douleur.

141 Les âmes jettent ici leurs larmes comme une semence dans le

champ de la douleur salutaire afin que mûrisse le bon grain et quejoyeuses soient les moissons :

Qui seminant in lacrymis, in exultatione metent.Euntes ibant et flebant, mittentes semina sua.Venientes autem venienteum exultatione, portantes manipulas suos.

(Psaume cxxv, v. 5-6.)Cf. Purg.f ch. xxxi, v. 46 : ... Il semé del piangere...14a. Alagia dei Fieschi, nièce d'Adrien V, fille de Niccolo di

Tadisio di Ugone de' Fieschi, épousa Moroello, marquis de Malas-pina, auquel elle donna trois fils : Manfredi, Luchino et Fiescho.

Ce fut auprès de Moroello Malespina que Dante, au cours de sonexil, trouva une si cordiale et déférente hospitalité. Une de sesépîtres, la troisième, lui est adressée en même temps que l'exquisecanzonc où le poète révèle son sentiment pour une belle jeune filleaperçue dans la montagne du Casentino :

... Cosi m'hai concio, Amore, in mezzo l'Alpi,Nella vallc del fiume...O montanina mia canzon, tu vai ;Forsc vedrai Fiorenza la mia terra, ...

(Au Canzoniere : canzone, VIII.)i/|3. Ista nepiis papae Adriani fuit axor marcliionis Marcelli Ma-

laspinae, qui multum honoravit eum temporc sui exilii, ut alibi dictumest; et ista domina multum complacuit tune Danti. (Benv. de Imola.)

Page 33: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

LV.PURGATOIRE. CHANTXIX. 2 1

i3q Va-t'en à présent : je neveux point que tu demeures davantage,car ta présence me distrait de ces pleurs

par lesquels je mûris le fruit que tu disais.

4a J'ai là-bas une nièce qui a nom Alagia,bonne de nature, pourvu que ceux de notre maison

par leur exemple ne la fassent point mauvaise,

4J et elle seule, là-bas, m'est restée.

Questa fu nipote d'Adviano papa, et fu moglie del marcheseMorello de Malaspini : ebbe nome la gran donna ; di gran valore edi gran bontà; et l'Auttore, che stette più tempo in l.unigiana conquesto Morello de' Malaspini, conobbe questa donna, et vidde checontinuamente faceva gran limosine, et facea dire messe et orazionidivotamente per questo suo zio ; et perb l'Auttore, corne uomo chel'udl, et vedea, et sapea la fama buona ch'ella avea, gli rende questatestimonianza. (Anonimo Fiorenlino.)

144. Adrien V fait sans doute allusion, ici, à son péché d'avaricequi devait être fréquent dans sa famille, et n'avait jusqu'à présentpoint touché le noble coeur d'Alagia.

Idest vult dicere : meos affines avaros nullus est qui curet de me,nisi neptis mea, que bene facit pro me orari. Et Ma sola in mundomichi remansit, idest de meo que bene faciet michi. (Serravalle.)

D'autre part Bcnv. de Im. semble croire qu'il fait ici allusion à lalégèreté de certaines femmes de la maison des Fieschi desquelles àaucun moment Alagia ne suivit les traces.

Et vide quod iste sacerdos loquitur honeste et caute : dicit enimquûd neptis est bona, nisi imitetur cxemplum aliarum de domo sua.Per hoc enim dat intelligi caute, quod mulieres illorum de Fliscofuerunt nobiles mereti ices; qualis, si fama non mentitur, fuit uxorPétri de liussis de Parma, strenuissimi militis. Quid dicam deIsabella uxore domini Luchini potentissimi et justissimi tyranni inLombardia... (Benv. de Imola.)

i45. Che preghi per me : imperù che niuno altro mio parente pregaper me; e se pur prega, non è esdudito . Imperb che Iddio nonesaudisce i preghi de li injusti, et elli sono tutti rei, in fuor chequesta. (F. de Buti.)

Page 34: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

CANTO XX

1 Contra miglior voler voler, mal pugna;oncle contra il piacer mio, per piacerli,trassi dell'acqua non sazia la spugna.

4 Mossimi ; e il duca mio si mosse per li

luoghi spediti pur lungo la roccia,corne si va per muro stretto ai merli ;

y ehé la gente che fonde a goccia a goccia

per gli occhi il mal che tutto il mondo occupadall'altra parte in fuor troppo s'approccia.

10 Maledetta sie tu, antica lupa,che piû che tutte l'altre bestie liai preda,

per la tua famc senza fine cupa !

i. La volonté du pape Adrien, parfaite puisqu'elle le conduit à nepas différer un instant de plus sa pénitence, lutte contre celle deDante et en triomphe.

Dante, congédié par l'âme empressée à reprendre le chemin de sapurification, s'en va à contre-coeur.

i. Dante figure son désir non satisfait, par cette comparaison del'éponge retirée de l'eau avant qu'elle n'en soit entièrement impré-gnée.

fa qui similitudine, cioè che la volontà sua era corne une spugna,

Page 35: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

CHANT XX

inqiiibme Gjre : Les avares et les prodigues. Exemples de pauvreté! et de libéralité. Hugues Capet. Les Capétiens. Exemples d'avarice.

: Le Mont tressaille d'allégresse à la libération d'une âme.

i Contre volonté meilleure, volonlé lulle mal :

ainsi, pour complaire à cette Ame, et contre mon plaisir,

je retirai de l'eau l'éponge sans qu'elle fût rassasiée.

4 Je me mis en marche, et mon Duc se mit en marche par le

passage resté libre, juste le long de la roche,comme on s'en va sur la muraille, se serrant étroitement aux

[créneaux :

7 Car les Ames en qui fond, goutte à goutte,par les larmes de leurs yeux, le mal qui occupe le monde entier,de l'autre côté trop s'approchent du bord extérieur.

io Maudite sois-tu, antique louve

qui fais proie, plus que toute autre bêle fauve,à cause de ta faim pareille à un gouffre sans fond !

e che li desidéri, ch'elli aveva di sapere altre cose da quello spirito,rimaseno non sazi, corne rimane la sougna quando si cava dall' acqua,inanti che sia tutta piena. (F. du Buti.)

8. V. Enf., VI, 74 et suivanls.

io. Enf., I, 4g et suivants, 97 et suivants.La Louve inassouvie, toujours eu désir, figure de l'Avarice.Avarus, non implebitur pecunia; Et qui amat divitias, fructum non

capiet ex eis, et hoc ergo vanitas. (Ecclésiaste, v, 9.)

Page 36: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

a4 PURGATOMO. CANTO XX.

13 0 ciel, nel cui girar par che si creda

le condizion' di quaggiû trasmutarsi,

quando verra per cui questa disceda?

16 Noi andavam con passi lenti e searsi,ed io attento all'ombre ch'io sentla

pietosamente piangere e lagnarsi;

19 e per ventura udi' « Dolce Maria! »

dinnanzi a noi chiamarcosi nel pianto,corne fa donna che in partorir sia ;

22 e seguitar : « Povera fosti tanto,

quanto veder si puô per quell'ospizioove sponesti il tuo portato santo ».

25 Seguentemente intesi : « O buon Fabrizio,con povertà volesti anzi virtute,che gran ricchezza posséder con vizio. »

i3. La croyance de ce temps était que du mouvement des ciels, etdes astres placés sur chacun d'eux suivant le système de Ptolémée,dépendaient sur terre les caractères et les événements. Dante n'ac-ceptait cette opinion que dans une certaine mesure. Il en aimait sur-tout l'ordonnance et le rythme par lesquels il pouvait en venir àcertaines pensées philosophiques, figurées en leur image.

Au Convivio : Trait. II, i/\.Délia quale induzione, quanto alla prima perfezione, cioè délia

generazione sustanziale, tutti li fllosop concordano che i cieli sonocagione.

i5. Cf. Enf., I, 101 et suiv.iG. Avec précaution, car l'espace libre était restreint, les âmes

couchées sur le sol tenant presque toute la corniche.19. Ici commencent les exemples de libéralité et de générosité,

proposés à la méditation des âmes pénitentes.21. Mulier cum parit, tristitiam habet, quia venit hora ejus; cum

autem pepererit puerum, jam non meminit pressurae propter gau-dium, quia natus est homo in mundum (Saint Jean, xvi, ai).

De même la douleur, qui paraît maintenant dans l'invocation desâmes prosternées, sera plus tard changée en joie.

L'image de la femme dolente dans l'instant qu'elle donne son fruitse retrouve encore chez le prophète Isaïe, xxiv, 17.

Page 37: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

I.E PURGATOIRE. CHANTXX. 2^>

i3 0 Ciel, dont la gyration, suivant qu'on semble le croire,décide du changement des conditions humaines,

quand donc viendra celui devant qui il faudra qu'elle fuie?

iG Nous allions à pas lents et mesurés,et moi attentif aux Ombres que j'entendais

pleurer et se plaindre pitoyablement...

19 Et, par aventure, j'entendis crier—: « Douce Marie! »

devant nous, ainsi qu'un appel dans les pleurs,comme fait une femme durant les douleurs de l'enfantement;

I'A et poursuivre : — « Pauvre tu le fus, tant,

qu'on le peut voir par l'humble crèche

où tu mis au monde le fruit sacré de tes entrailles. »

9.5 Et après j'entendis : — « O intègre Fabricius,tu préféras garder pauvreté avec vertu

que posséder grande richesse mal acquise. »

Sicut quae concipit, cum appropinquaverit ad paiium, dolens cla-mât in doloribus suis ; sic facti sumus a facie tua. Domine.

Î3. L'exemple par excellence : l'acceptation et le choix de la pau-vreté par Marie et l'Enfant divin à la crèche de Bethléem.

13. Caïûs Fabricius Luscinius : Général romain, consul en l'an 471de Rome, 28a avant J.-C, refusa les dons des Samniles auxquels ilavait fait accorder la paix et qui eussent souhaité le voir entrer dansleur parti. Deux ans plus tard, envoyé à Pyrrhus, roi d'Epire, pournégocier l'échange des prisonniers après la bataille d'Héraclée,Fabricius ne voulut point davantage accepter les présents de ceprince. Consul de nouveau en 278, il ne voulut point profiter de latrahison du médecin de Pyrrhus qui vint lui faire l'offre, pour leservir, d'empoisonner son maître. Au reste cette générosité inclinaPyrrhus à rendre tous les prisonniers et à quitter l'Italie.

Fait censeur en 27g, il chassa de l'Assemblée du Sénat P. Corné-lius Ruffinus, à cause de son luxe et de sa prodigalité.

Fabricius Luscinius mourut si pauvre que l'Etat dut se chargerde ses funérailles et doter ses filles. Dante loue encore son désinté-ressement au Convivio. Tratt. IV, 5 :

E chi diràche fosse sanza divina spirazione, Fabrizio infinita quasimoltitudine d'oro rifiutare, per non volere abbandonare sua patria ?...

Page 38: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

PURGATOHIO. CANTO XX.

a8 Queste parole m'eran si piaciutc,eh'io mi Irassi oltre per aver contezza

cli quello spirto onde parcan venute.

31 Esso parlava aneor délia larghezzache feee Niccolao aile pulcelle

per conduire ad onor lor giovinezza.

34 « O anima che lanLo ben Tavelle,dimmi chi fosti, dissi, e perché sola

lu qiiesle degne Iode rinnovelle.

?>- Non fia senza mercé la tua parola,s'io ritorno a compièr lo cammin corto

di quclla vita che al termine vola ».

4o Ed egli : « lo'1 ti dira, non per conforto

ch'io atlenda di là, ma perché tanta

grazia in te luce prima che sii morlo.

a8. Ces paroles sont agréables au poète parce qu'elles exaltentl'honnête et droite pauvreté, alors qu'il arrive de cette terre oùsont exaltées seulement les richesses d'où qu'elles proviennent.

35. Saint Nicolas, évèque de Mira en Lycie, vécut au déclin du111esiècle, et à l'aurore du ivc. De coeur doux et généreux, et sa-chant que trois jeunes filles pauvres, que leur père ne pouvait marier,faute de dot, étaient près de se perdre, Nicolas jeta secrètement parla fenêtre dans la maison où elles habitaient, durant trois nuits, toutl'argent nécessaire à l'établissement de chacune d'elles. Au Bréviaireromain, 6 décembre :

Cujus illud insigne est christianae benignitatis exemplum, quodcum ejus civis egens très filias jam nubiles in matrimonio collocarenon posset, earumque pudicitiam prostituere cogitaret ; re cognita,Nicolaus noctu per fenestram tantumpecuniae in ejus domum injecit,quantum unius virginis doti satis esset : quod cum iterum et tertiofecisset, très illae virgines honestis yiris in matrimonium datae sunt.

La générosité de saint Nicolas fut deux fois charitable, d'abordpar les sommes jetées dans la maison des trois jeunes filles pauvres,puis par le secret dont il se plut à entourer son bienfait afin qu'il nelui en fût rendu nulle reconnaissance.

Beatus Nicolaus aurum furtim in domum projiciens, vitare voluithumanum favorem. (Saint Thomas, Sum. theol., II-n, cvn, 3.)

Page 39: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

LE PURGATOIRE. CHANTXX.

8 Ces paroles m'avaient plu si fort

(rue je m'avançai pour prendre connaissance

Je l'Esprit dont elles semblaient venues.a<

i 11parlait encore des largesses

que fit Nicolas aux trois pucelles

pour mener à l'honneur leur jeunesse.

4 — a 0 Ame qui parles si bien,dis moi qui tu fus », m'éeriai-jc, « et pourquoi, seule,tu renouvelles ces dignes louanges?

j Tes paroles ne resteront point sans récompense,si je retourne accomplir le court chemin

de cette autre vie qui vole à son terme. »

o Et lui : — « Je te le dirai, non pour le réconfort

que j'en pourrais attendre de là-bas, mais parce qu'une insigneGrâce brille sur toi avant que tu ne sois mort.

35. Les âmes élèvent la voix tour à tour suivant l'impulsion de leuramour ou de leur repentir. Ici, dans cet instant, l'Ame à laquelleDante s'adresse a parlé seule et les autres l'ont écoutée, suivant hum-blement, de leur méditation, le fait édifiant qui leur est proposé. Par-faitement généreuses, désormais, elles s'abandonnent au rappel del'une d'elles dans l'expiation d'une même faute.

/|0. L'âme veut parler à Dante suivant que celui-ci le lui demande,non pour une récompense, mais seulement dans son désir d'êtregénéreuse selon qu'il plaît à Dieu, c'est-à-dire dans un esprit parfaitd'abnégation.

Cette âme est celle d'Hugues Capet qui fut couronné roi de Francedans la cathédrale de Reims en l'an 987, le 3 juillet, et mourut lea4 octobre gg6.

Il semble toutefois que Dante ait ici voulu réunir, en un seul per-sonnage, Hugues Capet et son père Hugues le Grand, duc de France,de Bourgogne et d'Aquitaine, comte de Paris et d'Orléans, véritableracine et chef de la dynastie des Capétiens, qui guida lui-même sonfils vers la couronne.

42- L'âme royale veut aussi faire honneur, autant qu'il lui est pos-sible, à une autre âme assez favorisée de Dieu pour visiter les en-ceintes mystiques, étant encore liée à sa chair mortelle.-

Page 40: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

PL'RGATOIUO. CANTO XX.

43 Io fui radiée délia mala piantachc la terra eristiana tutta aduggiaDOsi, che buon frutlo rado se ne sehianta.

4fi Ma, se Doagio, Guanto, Lilla e Bruggia

potesser, tosto ne saria vendetta ;ed io la cheggio a Lui che tutto giuggia.DO o OD

49 Chiamato fui di là Ugo Ciapetta ;di me son nati i Filippi e i Luigi

43. La plante « redoutable » certes, c'est ici le Guelfe et le Gibe-lin tout ensemble qui parle —le Guelfe par toute la passion de libertéque ces mots accusent pour la chère commune de sa ville natale et leGibelin par cette crainte de la maison de France qui effectivement, àce moment du Moyen âge, était seule à contrebalancer l'influencedes empereurs électifs du Saint-Empire, c'est-à-dire de l'Allemagne.

La politique de Dante ne pouvait être orientée du côté de la France :le Guelfe souhaitant libre sa terre Toscane ; mais connaissant queces libertés ne pouvaient être en =plus grand danger que sous lerégime de la République, il s'était tourné — faisant acte de gibelin —vers l'Empire, songeant à y annexer sa patrie, car de toutes façonsl'Empereur n'eût exercé sur celle-ci qu'un protectorat, lui offrant unesorte de Tribunal supérieur où porter les querelle des partis.

Si l'Empereur ne ^venait au secours de Florence, celle-ci pouvaittomber entre les mains du roi de France selon qu'elle y avait étéfort exposée.

Or le roi de France eût régné dans Florence et eût fait d'elle, nonune administrée de seconde main, mais bien un fief de la couronne :car la vieille maison héréditaire de France ne pouvait condescendreà une simple juridiction telle que l'eût acceptée le chef élu du Saint-Empire, et elle eût apposé sur le gonfanon de la ville ses trois fleursde lys d'or dont l'une, peut-être, en signe de privilège, y eût pris laressemblance du lys rouge.

C'est cette souveraineté possible qui effrayait le poète; et ce pas-sage que l'on aBsouvent? regardé comme une invective contre laroyauté de France en est bien plutôt le plus bel éloge, puisqu'il estle signe de sa puissance dans ce xin" siècle qui semble à plus d'unpoint de vue celui sur lequel s'appuyèrent, depuis, tous les autres ence qu'ils eurent de meilleur.

44- En l'an i3oo les Capétiens régnaient en France, à Naples, eten Espagne. La plus grande part de la terre chrétienne était « sousleur ombre ».

45. Rarement un bon fruit « se détache de la couronne », c'est-à-dire que ce que tient jla maison de France est bien tenu et que nuln'en peut détacher quelque bonne province, y cueillir un fruit à songoût.

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LE PfcnGATOiRË. CHANTXX.

43 Je fus la racine de la dure plante

qui sur toute la terre chrétienne étend son ombre redoutable,en sorte que rarement on y cueille un doux fruit :

6 Mais si Douai, Gand, Lille et Brugesl'avaient en leur, pouvoir, tôt il en serait fait vengeance,— et moi, je la demande à Celui qui juge toute chose.

'q Je fus appelé, de l'autre côté, Hugues Capet :

de moi sont nés les Philippe et les Louis

.-j(i.Il nomme les quatre premières villes des Flandres, faisantallusion à la guerre de Philippe le Bel contre les Flamands, guerreà la lin de laquelle Charles de Valois, frère de Philippe, décida Guyde Dampierre ù se livrer au roi de France ; Philippe le Bel anuexale comté au domaine de la couronne et vint le visiter JÎCUaprès, engrand équipage, accompagné de la reine.

47. Deux ans plus tard, la Flandre, surchargée d'impôts par sonGouverneur, se révolta contre la domination du roi. Ce fut le mas-sacre des Français et la bataille de Courtrai où les bourgeois fla-mands délirent l'imprudente et vaillante cavalerie française auxordres de Robert d'Artois et de Robert de Nesles ; 4-ooo éperonsdorés furent suspendus aux murs de la cathédrale de Courtrai.

48. Et c'est à ces revers que fait allusion l'àme du fondateur dela race, lorsqu'il appelle le jugement de Dieu sur son petit-fils qu'ilconsidère comme trop avide et pas assez généreux; sur le versantde la Montagne sainte, il connaît désormais ie danger de trop désirerles richesses.

5o. Fréquemment, on s'étonne que Dante n'ait point parlé denotre grand roi saint Louis. D'aucuns pensent même tirer de cesilence une preuve qu'il n'était point venu à Paris. Cela ne saurait,en vérité, en constituer une bien sérieuse, car la renommée deLouis s'étendait jusqu'aux frontières les plus éloignées. Giotto, amide Dante, le représenta avec son manteau bleu fleurdelisé dansSanta Croce de Florence, et plus tard le Ghirlandajo devait encorele peindre dans la grande salle du château de San Gimignano où,réparant une fresque plus ancienne et la jugeant trop étroite pour lagrande paroi, il y ajouta deux ligures qui furent l'une : une jeunesainte du pays, sainte Phine, et l'autre saint Louis, roi. Quoi qu'ilfri soit, le véritable motif du silence de Dante, à l'égard de saint Louis,doit certainement être cherché dans la raison exposée plus haut;toute sa politique l'éloignant de la Maison de France, il est naturelqu'il n'ait point voulu risquer d'attacher à celle-ci les coeurs et lesesprits de ses concitoyens par la présentation de la plus belle et dela plus accomplie des figures royales qui ait jamais paru à traversles siècles.

Page 42: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

PL'RGATOIUO. CANTO XX.

per cui novellamente Francia è retta.

02 Figliuol fui d'un beccaio cli Païigi.

Quando li régi antichi venncr mcno

tutli, fuor ch'un renduto in panni bigi,

;"i5 trova'mi strelto nelle mani il freno

del governo del regno, e tanta possacli nuovo acquisto, e si d'amici pieno,

58 ch'alla corona vedova promossala testa di mio figlio fu ; dal qualecominciàr di costor le sacrate ossa.

(Si Menlre che la gran dote Provenzale

5i. Nouvellement, c'csl-à-dire lorsque se fut éteinte la dynastiedes Carlovingiens.

5'2. Hugues Capet était le (ils des très puissants comtes de Paris,ducs de France issus de Robert le Fort, mais la légende le faisaittantôt descendre de Charlemagne, tantôt de saint Arnulfhe, ducd'Austrasie, plus tard évêque de Metz, en Lorraine, et tantôt d'unmarchand de boeufs parisien. Dante s'en tient ici à cette dernièrelégende fort en vogue de son temps et qui passait pour historique.

Ugo Ciapetta, corne addielro facemmo menzione, fallito il lignag-gio di Carlto Magno, fu re di Francia nelli anni di Cristo 981. QuesloUgo fu duca d'Orliens (e per alcuno si scrive, che fur sempre i suoiantichi e duchi e di grande lignaggio) figliuolo d'Ugo il Grande, cnato per madré délia serocchia d'Otto primo délia Magna, ma perli piu si dice, che l padre fu uno grande e ricco borghese di Parigistratto di nazione di huccieri, ovvero mercatante di hestie. (G. Vil-lani, IV, 4.)

53. Ne point oublier que Dante confond en un seul personnageHugues le Grand et Hugues Capet (sans doute pour montrer com-bien l'individu se mêle a la race, est uni à elle, identifié avec elle).

r>4. Lorsque Louis V, dit le Fainéant, mourut sans que la ReineBlanche, sa femme, lui eût donné d'enfant, il ne restait plus qu'undescendant des Carlovingicns : Charles, duc de Lorraine, second(ils de Louis IV, qui (it valoir ses droits au trône de France,s'appuyant, pour le conquérir, sur la Germanie. Mais la volonténationale française lui opposa Hugues Capet, fils d'Hugues le Grand,qui tenait le duché de l'Ile-de-France ; et soit qu'il eût été retenuprisonnier, soit qu'il s'en allât au cloître,—comme le dernier desMérovingiens, Chilpéric III, avec lequel Dante semble le confondre,et peut-être a dessein, —Charles de Lorraine ne régna point, en sorlcque l'image de la bure sous laquelle le poète le cache lui convient

Page 43: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

UE PURGATOIRE. CHANTXX.

par qui, en dernier lieu, la France est gouvernée.

ri Fils je fus d'un boucher de Paris;

quand les descendants des anciens rois vinrent à manquer,

tous, hormis un seul qui revêtit la bure grise des moines,

55 je me trouvai tenant, rassemblées entre mes mains, les rênes

du gouvernement du royaume, et une si grande puissancevenue par des domaines nouvellement acquis, et avec tant d'amis,

$>8 que, à la couronne en veuvage, promue* fut la tête de mon fils par lequel

commença la dynastie consacrée de ceux-ci.

' i Tant que la magnifique dot provençale

d'une façon comme de l'autre, la bure étant le vêtement de 1humilitéet du silence.

5g. Hugues Capet fit couronner son fils Robert Ier l'an 988, uu anaprès sa propre élection.

60. « La dynastie sacrée », trois fois sacrée par la noblesse dusang, du royaume et de l'onction sainte reçue dans la cathédrale deReims.

61. Mistral, dans Mireille :De vbireMoun gai reiaume de Prouvènço

Coume un claus d'arangié davans iéu s'espandi ;E sa mar bluio estalouiradoSouto si colo e si terrado,E li grand barco abandeirado,

l'oujanto à pien di vélo i ped doit Castcu d'I.(Caul. 111.)

et dans Calendal :Mai, coume uno isclo entre lis ersoApareissié la caro esterso

De la Prouvènço, coume un isclo de soûlasE cantarello e baladouiro.Despièi la Lèi fin — qui Sansottiro,E de la terro escampadouiro

Ounte crèis lou pounsire — i piano de sablas.

(Cant. IV.)Raymond Bércnger IV, comte de Provence, avait épousé Béatrix,

fille de Thomas, comte de Savoie. Ils eurent quatre filles : Margue-rite, Léonor, Léonie, Béatrix, qui toutes quatre furent reines.

Pour faire connaître le bon comte de Provence, Raymond Bérenger :

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02 PUUGATOIUO. — CANTO XX.

al sangue mio non toise la vergogna.

pooo valea, ma pur non facea maie.

64 Lî oominciô con forza e con menzogna

«... Le comte Raymond fut un noble seigneur par tout soulignage,et descendant d'une part de la maison d'Aragon et de l'autre de lamaison des comtes de Toulouse.

Par héritage, lui vint la Provence de ce côté du Rhône. Il fut un

seigneur sage et courtois et de noble vie et vertueux et fit de son

temps d'honorables choses et à sa cour fréquentèrent tous les gen-tilshommes de Provence, de France et de Catalogne à cause de sacourtoisie et de son noble état, et il composa beaucoup do coblaset de chansons provençales.

Vint à passer à sa cour un pèlerin qui revenait de Saint-Jacqueset voyant la bonté du comte Raymond il y demeura et se montra si

sage et valeureux et plut tellement au comte que celui-ci remitentre ses mains toute la conduite des affaires : ce qui ne fit pointque le pèlerin ne restât quand même simple et religieux dans sesmanières et son vêtement; et en peu de temps, par son habileté etson bon entendement, il renouvela par trois fois le revenu de sont

seigneur, maintenant toujours la cour grande et honorée. Et ayansguerre avec le comte de Toulouse au sujet des confins de leurcterres (et le comte de Toulouse était le plus grand comte du monduet avait 14 comtes sous sa seigneurie), à cause de la courtoisie dûcomte Raymond et du savoir-faire du bon pèlerin comme aussi àcause des sommes que celui-ci avait su réunir, la Provence futservie par tant de barons et de chevaliers qu'elle gagna la guerreet avec honneur. Quatre filles avait le comte et nul fils. Par le juge-ment et les soins du bon pèlerin, la première fut mariée d'abord aubon roi Louis de France, recevant une dot d'argent considérable.« Laisse-moi faire », disait au comte le pèlerin, « et que point ne tepèse le coût d'une telle alliance, que si tu maries bien la première,toutes les autres, pour la haute parenté, tu les marieras à merveilleet à moins de frais. »

Et ainsi il en arriva que, sur-le-champ, le roi d'Angleterre, pourêtre beau-frère du roi do France, prit la seconde avec fort peu de.dot. Après lui, son frère, étant élu roi des Romains, lit de mêmepour la troisième; la quatrième restant à marier, voici ce que ditle bon pèlerin : « Pour celle-ci je veux qu'il te vienue un vaillanthomme qui sera ton fils et gardera ton héritage. » Et ainsi fut fait.

Ayant trouvé Charles, comte d'Anjou, frère du roi Louis de France,il dit : « Donne-la à celui-ci car il sera le meilleur et le plus hautseigneur du monde », prophétisant ainsi de lui, et les choses si:passèrent comme il l'avait prévu.

Il advint alors que par l'envie nui gâte tout ce qu'il y a de bon.les barons de Provence accusèrent le bon pèlerin d'avoir mal gardéle trésor du comte et lui en firent demander raison.

Le valeureux pèlerin dit : « Comte, je t'ai servi longtemps et

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LE PURGATOIRE. CHANTXX. 33

n'ôta point à ceux de mon sang la vergogne,modeste était leur valeur, mais au moins, ils ne faisaient pas le mal.

Là commencèrent, par la force et la ruse,

mis d'un petit État en un grand, et de cela, par le mauvais conseilde ta gent, tu semblés peu reconnaissant : je vins dans la courpauvre pèlerin et j'ai vécu honnêtement de ton bien. Fais-moi donnerma petite mule, mon bourdon et mon escarcelle afin que je m'enaille, tel que j'y arrivai, et je te tiens quitte de tout autre présent. »

Le comte ne voulait point qu'il s'en allât, mais .à aucun prix il nevoulut demeurer, et comme il était venu il s'en alla sans que jamaisou sût de quel pays il était, ni où il s'en était retourné ; plusieurscrurent que c'était l'âme d'un élu revenu sur terre. » (D'après Gio-vanni Villani, Cronica, lib. VI, cap. xei.)

Saint Louis, par les soins de Blanche de Castille et du bonpèlerin « Romée », épousa Marguerite de Provence l'an 12.34 etl'aima de si bel amour que sa devise fut : « Dieu, France, Mar-guerite ».

L'an ia45, Charles d'Anjou épousait la soeur la plus jeune de lareine, Béatrix, et devenait l'héritier du comté de Provence.

6a. Avec le riche héritage, une légitime ambition d'exercer savaleur et d'agrandir son domaine pouvait bienvenir au jeune comte,fils de roi. D'autant plus que Villani nous rapporte encore que sajeune femme Béatrix souffrait dans son coeur de voir ses trois soeursreines et de ne l'être point.

Mais l'amertume qui se montre dans les paroles d'Hugues Capet,suivant que le fait s'exprimer le Poète, n'a rien de choquant étantdonné que sa grande âme est là expiant précisément son trop grandattachement aux biens et aux honneurs terrestres, qu'il en connaîtdonc le danger et l'inanité au regard de la vie éternelle.

63. Poco valea : n'avait point un grand poids. En effet de Robert Ierà saint Louis, la dynastie des Capétiens avait régné sur un domainerestreint, au milieu d'une féodalité très puissante.

Blanche de Castille, pendant sa régence, avait réussi à donner pluscléclat au trône en luttant contre les plus hauts barons et en résistantà leurs prétentions. Elle avait su détacher de la ligue féodaleThibault, comte de Champagne, qui lui devint tout dévoué et, parla paix imposée au comte de Toulouse, elle avait mis fin à la longueguerre des Albigeois, rattachant le Languedoc au domaine royal.

Et saint Louis continue l'oeuvre de sa mère en toute vaillance etéquité.

64. Philippe III le Hardi (1270-86) agrandit encore le domaineroyal. Fort et habile, il obtint le comté de Valois, le Poitou, l'Auver-gne, puis le royaume de Navarre.

Philippe IV le Bel réussit à enlever au roi d'Anglerre, Edouard II,les possessions que celui-ci avait encore en France et s'empara de laFlandre méridionale : merveilleuse activité nationale qu'il n'est pointétonnant de voir juger comme dangereuse par lo Guelfe passionné-

LE PURGATOIRE.— 11. 3

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34 PURGATOMO. C.VNTOXX.

la sua rapina; e poscia, per ammenda,Ponti eNormandia prese e Guascogna.

6- Carlo venne in Italia; e, per ammenda,

ment épris des libertés de sa commune et qu'effrayait pour sa patriele toujours plus grand domaine royal... Quoi de plus touchant quede mettre se6 propres jugements sur les lèvres mêmes du fondateurde la forte dynastie, puisque celui-ci, déjà proche du Ciel, seulevéritable richesse de l'âme, ne peut désormais juger que selon unemesure nouvelle des actions humaines...

65. Il j'a de l'amertume dans l'expression que le poète met sttr leslèvres d'Hugues Capet, lorsque celui-ci apprécie les conquêtes deses petits-lils. La multiplicité des territoires du monde ne donnepoint la vie éternelle. Même il arrive que les trop grandes richessesendurcissent l'âme et l'attachent par trop aux biens périssables.

« Et que sert à un homme dé gagner Je monde entier s'il vient àperdre son âme? Ou que donnera un homme en échange de sonàme? »

Quid enim prodest homini, si mundum universum lucretur, animacvero suae detrîmentum patiatur? Aut quant dabit homo commu-tationem pro anima sua? (Saint Mathieu, xvi, 26.)

Nolite tkesaurizare ivbis tkesauros in terra, ubi acrugo et tinca.demolitur, et ubi fures effodiunt et furantur.

Ihesaurizatc autem vobis thesauros in caelo. (Saint Mathieu, vi,19-QO.)

L'Ame juge du seul point de vue spirituel où la seule nation véri-table est le ciel.

Evidemment le Poète, lui, juge avec ses craintes de Florentin,libre et passionné, mais ce faisant il sauve encore le sens mystiquede ce passage, car les paroles de l'Ame sont bien celles que peutprononcer un esprit animé d'un grand espoir, dégagé de la matièreet déjà sauvé, n'ayant donc plus de regard que pour la patrieéternelle.

66. Le comté de Ponthieu, enlevé par Philippe le Bel au roi d'An-gleterre. La Normandie, conquise par Philippe Auguste en iao/j,rendue à l'Angleterre et reprise plusieurs fois, fui annexée définitive-ment à la France en 14^0. La Gascogne, enfin, ôtée plus parla finesseque par la force au roi d'Angleterre par Philippe le Bel.

67. Charles d'Anjou vint en Italie en ia65, appelé par le Pape.Le pape Urbain IV, souffrant de voir l'Eglise sans cesse vexée et

opprimée par Manfrcd — fils de Frédéric II — qui à la mort deConrad son frère, roi des Deux-Siciles, avait usurpé le trône, à Jafaveur de l'enfance où était encore Conradiû, fils et légitime héritierde celui-ci, fit prêcher contre lui la croisade en 1:261,l'année mêmede son avènement.

Manfred, en effet, avait envoyé eu incursion sur les terres du patri-moine de sainl Pierre son armée de Sarrasins, qu'il entretenait à

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LE puncvroiRE. CHANTXX. 35

leurs rapines : et puis, comme amende,

ils prirent le Ponthieu et la Normandie et la Gascogne;

Charles vint en Italie, et, comme amende,

ÎS'occra, où par ailleurs il menait une vie « épicurienne et dissolue »faisant le scandale de son temps.

.Mais cette croisade n'eut pour effet que de chasser des terrespontificales les Sarrasins et cela ne pouvait suffire à la paix del'Eglise. Ce fut alors que, sollicité d'autre part sans trêve par lesGuelfes de Toscane, adversaires de l'Empire et de tout ce quitenait à l'Empire, le pape se décida à réunir en conseil ses cardinauxafinde leur proposer d'élire, aux lieu et place de Manfred excommuniéet libertin, ennemi héréditaire de l'Eglise, un prince fidèle et fortde qui celle-ci n'eût à recevoir que des bienfaits.

Ce plan fut accepté aussitôt. Un premier choix s étant porté surAlphonse X roi de Castille et de Léon, et ce dernier n'ayant pu s'yprêter, Urbain IV dirigea ses vues vers Charles d'Anjou, « le plusvaleureux prince de son temps », disent les vieux chroniqueurs. Etle cardinal Simon del Torso partit sur-le-champ pour la France, enambassadeur. Il s'agissait pour Charles de conquérir la Sicile etNaples sur Manfred, avant que de prendre possession du royaumedont l'investiture lui était offerte.

11lui fallait pour cela l'appui de son frère saint Louis, toujoursfidèle à protéger et défendre l'Eglise. C'est pourquoi, l'appelant enconseil avec ses deux autres frères avant que de répondre au légal,Charles d'Anjou conféra longuement avec eux des projets formés parUrbain IV et ce fut sur leur assentiment qu'il accepta, fort de l'appuidu roi de France, au nom de Dieu et pour le service de l'Eglise.

Béalrix l'y poussa aussi de toutes ses forces, heureuse de devenirreine comme ses soeurs.

Ce fut ainsi que Charles d'Anjou passa en Italie en 126Î et ydevint roi de tapies et de Sicile, en même temps que le soutien del'Eglise et des Guelfes.

Cf. Giov. Villani, Cronica, lib. VII, cap. 1.Les vieux conteurs rapportent que ces événements furent annoncés

mi l'apparition d' «une comète aux rayons magnifiques et à la longuechevelure », dès le mois d'août iu6/j. (G. Villani, Cronica, lib. VI,ap. xcn.)Cette étoile brilla quatre mois, jusqu'en novembre. Et la nuitème qu'elle disparut, Urbain IV tombait malade à Pérouse, etourut : ce dont Manfred et les siens se réjouirent grandement,ensant que cela allait changer le cours des choses. Mais il n'en futîen et cinq mois plus tard un nouveau pape était élu : Clément IV

Guy de Foulques — provençal et de la ville de Saint-Gilles sur lehône, qui avant d'entrer dans les ordres avait été grand légiste auonseil du roi saint Louis.La venue de Charles d'Anjou, un peu retardée, n'en fut donc que

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S6 PURGATORIO. CANTO XX.

vittima fe' di Çorradino ; e poi

ripinse al ciel Tommaso per ammenda.

mieux accueillie par le nouveau pape qui ne pouvait que saluer d'uneamitié particulière le seigneur même de son pays.

En outre, de nombreux Guelfes avec leurs hommes d'armes, tousde haut lignage et valeureux, prièrent le pape de les faire agréer parCharles d'Anjou, ce qui fut fait, et même avec privilège puisqueClément IV accorda aux Guelfes qu'ils combattissent sous sa propreenseigne qui était de champ d'argent portant un aigle vermeil sur unserpent de sinople.

Ainsi furent déçus et en grand peine Manfred et les siens..68. Conradin, fils de Conrad, petit-fils de Frédéric II : le dernier

rejeton de la maison de Souabe. Comme les Gibelins fidèles à l'Em-pire, exilés à leur tour de Florence, souhaitaient ardemment d'yrentrer et s'étaient ligués contre elle avec les Pisans et les Siennoiset encore avec Henri, deuxième fils du roi d'Espagne et cousin deCharles d'Anjou mais son ennemi par suite de questions d'intérêts,et d'autres barons des Pouilles et de Sicile, il s'ensuivit qu'uneconjuration s'établit dont le plan reposait sur l'idée de faire revenird'Allemagne le jeune Conradin alors âgé de 16 ans et de le replacersur le trône de son père.

Durant que le roi Charles était en Toscane, un engagement eut lieuentre une partie de l'armée de Charles et celle do Conradin, auprèsde « Ponte a Valle » surl'Arno, non loin de Laterino ; ceux de Charlesayant été défaits par suite de l'imprudence de leur chef, l'ennemigagna beaucoup de terrain, et de nombreuses villes se 'soulevèrentcontre le roi Charles et entrèrent dans le parti de Conradin. Alors,Charles d'Anjou, ayant appris que Conradin se disposait à entrerdans son royaume, quitta Nocera cju'il assiégeait et vint à grandesjournées jusqu'à Aquila dans les Abruzzes où il attendit les siens.

Durant qu'il était en conseil, demandant à son peuple de lui resterfidèle, un paysan se leva du milieu de la foule et lui dit : « Ne tiensplus conseil, roi Charles; et n'évite pas de prendre peine afin que lute reposes ensuite toujours; ne fais plus demeure et va contre loi)ennemi, ne lui laisse plus prendre le champ, et nous te serons fidèleset loyaux serviteurs. »

Sur quoi, le roi frappé de la sagesse de cette harangue, sorlitaussitôt, traversa la montagne et s'en vint heurter la ruée desAllemands. Et après de grandes et diverses fortunes, la victoire luiresta dans la plaine de Tagliocozzo où il fit bâtir en reconnaissancenue abbaye. (D'après G. Villani, VII, XXVII.)

Cette victoire eut lieu la veille de la fête de saint Bartholoméapôtre, c'est-à-dire le al du mois d'août de l'an IÏG8. « El le pape, quiétait à Vitcrbe eu ce temps-là et prêchait au peuple, s'arrêta de parleret sembla ravi eu une contemplation, puis s'écria : « Les ennemis de

l'Église ont fui », alors qu'il n'en pouvait encore avoir la nouvelle;re fut une vision méritée de lui parce qu'il était un homme de 1ressainte vie. » (G. Villani. XXVI.)

Conradin et plusieurs de ses barons, afin de n'être pas faits pri-

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LE PURGATOIRE.—' CHANTXX.

fît de Conradin sa victime, et puis,il renvoya au ciel Thomas, comme amende.

sonniers en ce jour-là, s'enfuirent prônant la route de Rome etarrivèrent au bord de la mer en un lieu qui était du domaine des

Frangipani, nobles romains ; et là ils firent armer une barque sansêtre connus, pour passer en Sicile afin d'échapper à Charles d'Anjouet sachant que la Sicile était soulevée en grande partie contre sonroi : ce qui faisait croire à Conradin qu'il pourrait facilement

reprendre un trône^qui avait été celui de son père Conrad.Mais un des Frangipani, qui se trouvait dans Astura, voyant que

plusieurs hommes de cette troupe étaient Allemands et qu'il y avaitlà de grands et beaux hommes de noble aspect, et ayant appris euoutre la récente déroute de l'armée de Conradin, eut l'idée que ce

pouvait être, comme c'était en effet, des Chefs de cette même armée

qui s'enfuyaient : pensant y gagner fortune et faveur, il les fit pri-sonniers comme ils entraient en mer. Connaissant alors qu'il y avait

parmi eux Conradin, il les conduisît att roi Charles et celui-ci réunitson conseil et décida de les faire mourir. Un tribunal fut constituéqui les condamna comme traîtres à la couronne et ennemis de l'EglisePeu de jours plus tard, ils furent décapités : « le long du ruisseau

qui court près de l'Eglise des Pères du Carlnel » et il ne leur futpas fait de funérailles, car on les considéra comme excommuniés :« et leurs os furent répandus sur le sol ».

Mais le pape blâma fortement Charles d'Anjou d'en avoir agi dela sorte avec des prisonniers de guerre. Nulle sentence de mortn'aurait dû être prononcée contre eux; et l'âge de Conradin, encoredans l'adolescence puisqu'il n'avait que seize ans, faisait paraîtreune telle sentence encore plus inique.

Déjà, dans sa propre famille, le roi Charles avait été jugé sévère-ment à ce propos puisque, à peine s'achevait la lecture de la sentencede mort du jeune Conradin, Robert de Flandre, gendre du roi, frappade son estoc en sa présence lé juge qui venait de la lire, lui disantque point il n'avait droit à sentencier pareillement un aussi grand etnoble seigneur, si bien que le juge mourut sur-le-champ, et devantle roi, de l'estocade qu'il avait reçue. « Et il n'en fut pas fait parole,car Robert de Flandre était fort bien en cour et le roi lui-même etles siens estimèrent qu'il avait agi eh bon gentilhomme.» (Cron.,G. Villani, VII, ag.)

Ce fut à Naples, le -ïi août ii>68,que le jeune Conradin fut mis àmort. Avec lui s'éteignait la puissante famille de Souabe.

69. Il s'agit de saint Thomas d'Aquin : G. Villani raconte qu'unmédecin de Charles d'Anjou, contre lequel l'illustre maison Amamainod'Aquin, d'où sortait le grand Docteur de l'Eglise, s'était rebellée,empoisonna le saint, durant le voyage de celui-ci, comme il se rendait,appelé par le Pape Grégoire X, au concile de Lyon.

Mais c'est là une erreur, un faux bruit qui n'a aucun fondementet se trouve aisément démenti par les écrits mêmes de Bartholomé,disciple de saint Thomas, qui l'accompagnait en son voyage :

Vocatus ad Concilium per Dominum Gregorium, ac recedens de

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PUROATORIO. CANTOXX.

70 Tempo vegg'io, non molto dopo ancoi,che tragge un altro Carlo fuor tli Franeia,

per far eonosoer meglio e se e i suoi.

r'i Senz'arme n'esce solo, e cou la lancia

con la quai giostrô Giuda ; e quella ponta

Xeapoli, ubi degebat, et veniens in Campaniam, ibidem graviterinfirmât ur. Et quia prope locum iIIuni nullus Conventus OrdinisPraedicatorum nabebatur, declinavil ad unam solemnem Abbatiam,ijuae dicitur Fossanova, et quae Ordinis erat Cisterciensis, in quasui consanguinei Domini de Ceccano erant patroni : ibique suaaggravata est aegritudo. Vnde cum milita devotione et mentis puritateet corporis, qua semper floruit, et in Ordine viguit, quemque egoprobavi inter homines, quos umquam novi, qui suam saepe confes-sioneni audivi, et cum ipso multo tempore conversatus sum familiariministerio, ac ipsius auditor fui, ex hac luce transiit ad Ckristum.(Murât. Script., XI, 1168 sg.)

Saint Thomas mourut le 5 mars 1274 en l'abbaye cistercienne deFossa-Nova, en Campanie, et ce fut avec une grande douceur...

E quando venue alla sua fine, prendendo Corpus Domini, f'ecequesta santa orazione con grande divozione : « Ave, praetium meaeredemptionis, ave, viaticum meae peregrinationis, ave, praemiumf'uturae vitae, in cujus manus commendo animam et spiritum meum »e passa in Cristo. (G. Villani, IX, CCXVIII.)

70. Ici l'âme va parler sous forme de prophétie, car nous sommesen l'an i3oo et Hugues Capet va toucher à des événements posté-rieurs.

73. Il s'agit de Charles de Valois, frère de Philippe le Bel.Charles de Valois devait être appelé par le Pape Boniface VIII quisouhaitait l'envoyer comme pacificateur à Florence, où sévissaientles factions mettant aux prises les Guelfes Blancs et les Guelfes Noirsc'est-à-dire les partisans des Cerchi et ceux des Donati. Les GuelfesBlancs au pouvoir avaient exilé les grandes familles des GuelfesNoirs qui faisaient effort pour rentrer.

Lorsque Charles de Valois fut aux portes de Florence, les prieursdu Parti Blanc se réunirent et l'on discuta longuement pour savoirs'il fallait ou non le laisser entrer ainsi que sa suite. Mais un ambas-sadeur qu'on lui avait envoyé pour connaître ses intentions revinlcomblé de bonnes paroles, et, rassuré, le conseil des Blancs ouvritles portes au prince qui venait sans armes de la part du Pape et illui fut fait grand honneur. Or, il arriva que par la fâcheuse initia-tive de l'un des barons de sa suite, qui lit sortir une petite troupoarmée dans les rues de la ville, la confiance des Florentins fut ébran-lée ; plusieurs prirent les armes.

Les Guelfes Noirs qui veillaient aux portes, attendant que toulupaix fut faite dans le parti, entrèrent à la faveur de l'alarme. Et il yeut plus de désordre que jamais, et tout s'acheva par la ruine des

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•LE l'L'UCATOIRE.-— CHANTXX. oQ

r-o Je vois dans l'avenir un temps, point très éloigné d'aujourd'hui,

qui entraîne un autre Charles hors de Fiance

pour faire mieux connaître et lui et les siens :

-3 Sans armes il en sort et seulement avec la lance

qui fut en la joute celle de Judas, et il la pousse

Blancs et, parlant, par celle de Dante, de qui la maison fut brûléeet qui fut exilé en même temps que de nombreux gentilshommesgibelins. Ce fut ainsi que les Guelfes Blancs en vinrent à s'allier auxGibelins dans l'espoir de pouvoir rentrer en leur patrie.

Les Guelfes Blancs se crurent trahis par Charles de Valois sansqu'à vrai dire celui-ci eût pris à leur défaite une part quelconque.

La faiblesse, plus que l'astuce, fut la cause du peu de succès deson mandat. Il n'en demeure pas moins que le poète pouvait légiti-mement écrire de lui les vers si durs que nous venons de lire. Demême Dino Compagni, contemporain de Dante, dira dans ses Chro-niques :

0 buon re Luigi, che tanto temesti Iddio, ove è la fede délia realcasa di Francia, caduta per mal consiglio, non temendo vergogna ? Omalvagi consiglieri che avete il sangue di cosi alla corona fatto nonsoldato, ma assassino, imprigionando i cittadini a torto, e man-cando délia sua fede, e falsando il nome délia real casa di Fran-cia! Maestro Ruggieri, giurato alla detta casa essendo ilo al suoconvento, gli disse : « Sotto di te perisce una nobile cittâ » ; al qualerispose che niente ne sapea. (Liv. II.)

De Florence, Charles de Valois passa en Sicile pour aider soncousin, le roi Charles II, à la reprendre à Frédéric d'Aragon. Maisil ne sut point le faire, bien que ses forces fussent supérieures àcelles de Frédéric. Celui-ci décima habilement son armée par desescarmouches, de fausses fuites, un harcèlement constant, sans que,jamais, lui-même et les siens parussent en bataille rangée. En sorteque, l'an i3oa, voyant ses forces usées, Charles de Valois pactisa avecFrédéric; et il fut convenu que la paix s'établirait par le mariaged'Aliénor, fille du roi Charles II d'Anjou, avec le prince d'Aragon etque celui-ci garderait en dot la Sicile, s'engageant à la rendre auxhéritiers de Charles d'Anjou, après sa mort; engagement qui ne futpoint tenu bien qu'Aliénor fût devenue sa femme suivant la premièreclause du pacte.

De cette série d'insuccès, provint le trait ironique qui s'attacha euItalie à Charles de Valois :

Messer Carlo venne in Toscana per paciaro e lasciô il paese inguerra; e andù in Cicilia per fare guerra e reconne vergognosa pace.[Cron., G. Villani, VIII, 5o.)

74- La cause de Judas, la trahison, la traîtrise. Charles de Valoisn'avait peut-être pas en effet servi, comme il l'eût dû, le Pape quil'avait fait venir.

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40 Pl'ROATOIUO. C.WTO XX.

si, ch'a Fiorenza fa seoppiar la panoia.

76 Quindi non terra, ma peccato ed onta

guadagnerà, per se tanto più grave,

quanto più lieve simil danno conta.

79 L'altro, che già usci presodinave,

veggio vender sua figlia, e palteggiarne,

75. Et est propriissinia comparatif), quia eo tempore Florentiaevat valde corpulenta, plena civibus, in/lata superbia. Et iste Caro-lus scidit eam per rentrent, ita quod fecit inde exire irltestiha vita-lia, scilicet praecipuos cives, de quorum îiumero fuit iste praeclaruspoeta. (Benv. de îm.)

76. Allusion ail surnom de « sans terre » que Charles de Valoisavait déjà avant d'entrer en Italie et qui lui avait été donné non pardérision mais jjarce qu'il n'avait pu prendre possession de son apa-nage, resté aux mains du roi d'Angleterre.

78. Parce qu'il ne songe point à faire pénitence des péchés com-mis, qu'il les regarde comme choses légères, alors que le défaut defortune n'est rien à côté du mal que fait à l'àme un péché dont on nese repent point.

79. Charles II d'Anjou fils du roi Charles, né en ia43, mort en»3o9.

Roger de Lauria, amiral de Pierre III roi d'Aragon, était né euSicile d'où son père fut exilé par Charles d'Anjou. Violent de carac-tère, d'une indomptable énergie, il avait un coeur de pirate en mêmetemps que la science d'un grand homme de mer. Sachant le roiCharles en Provence où il avait été réunir une armée, dans l'inten-tion d'attaquer Pierre d'Aragon et de ravoir la Sicile, Lauria prit lesdevants, et le jeune prince de Salcrne étant à Naples entouré de sesbarons tant provençaux que Français, il s'en fut avec sa galère jus-que dans le port même de la ville, et de là, avec ses Catalans et sesSiciliens, il commença de crier haut mille injures contre le roiCharles, tant et si bien que le jeune prince, outré et malgré la défensepaternelle, fit armer ses navires et courut sus à Lauria. Mais sescavaliers, embarqués avec ses meilleurs hommes d'armes, plusaccoutumés à la terre qu'à la mer, n'y étaient point à leur aise etperdaient leur avantage de vaillants guerriers.

Roger de Lauria recommandant à ses compagnons de laisser fuirqui voulait hormis le vaisseau qui portait le prince, plusieurs naviresde ceux de Charles s'en retournèrent prestement; et, tout le pre-mier, celui des hommes d'armes de Sorrente qui rentrèrent aussitôtdans leur pays.

Charles fut pris par l'Amiral aragonuais qui l'emmena eu Sicile oùil demeura deux aus prisonnier.

Mais comme il était encore sur la galère de Roger de Lauria ettraité avec grand honneur, une délégation de ceux de Sorrente parut

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LE PCIIOATOIRE. CHANTXX. 41

de telle manière qu'il fait éclater le ventre de Florence.

H6 Et non point de la terre, par là, mais péché et honte

il gagnera, d'autant plus pesants pour lui

qu'il estime plus léger un semblable dommage.

70, L'autre, qui naguère sortait captif de son vaisseau,

je le vois vendre sa fille et en trafiquer

sur le navire, portant quatre corbeilles remplies des plus bellesfigues-fleurs et de fortes mesures d'or, présents destinés à l'amiralvictorieux et par quoi ils pensaient le disposer en leur faveur. Or,voyant le prince richement armé et entouré de nombreux seigneurset ne le connaissant point, ils crurent que c'était là Messer Roger deLauria et s'agenouillant devant lui ils lui offrirent leurs présents

'

lout en disant leur harangue :« Messer l'Amiral, suivant que tu l'auras à gré de la part de

ta commune de Sorrente, voici des corbeilles emplies de ligues-fleurs et des mesures entières d'or et plût à Dieu que tu eussespris le père comme tu as pris le fils et saches que nous fûmes lespremiers à nous en revenir du combat chez nous. »

Le prince Charles se mit à rire et dit à l'amiral : « Par le Saint-Dieu, ceux-ci sont bien féaux à Monseigneur le Roi. » (Trad. d'aprèsle Ch. G. Villani, XII, 93.)

80. Pierre III le Grand, roi d'Aragon, avait épousé Coustance fillede Manfred, d'où lui vinrent ses prétentions a la couronne de Sicile.A l'instigation de Jean de Procida, il accepta donc la royauté de l'îleaprès les Vêpres Siciliennes. Couronné à Palerme, il battit sur merla flotte de Charles d'Anjou et fut excommunié par le Pape Martin IVqui donna l'investiture d'Aragon à Charles do Valois, deuxième filsde Philippe le Hardi. Mais Pierre sut défendre son royaume et laflotte de Philippe le Hardi fut battue par l'amiral aragonnais, Rogerde Lauria. Pierre III mourut en iu85, relevé de l'excommunicationmais sans avoir renoncé à la Sicile. Après lui, régna son fils Al-phonse III le Magnifique qui fut reconnu roi d'Aragon et l'investi-ture en fut retirée à Charles de Valois. La paix étant faite aveccelui-ci, puis avec Frédéric son fils que les Siciliens élurent roi, nevoulant pas appartenir àCharles d'Anjou, — bien que Jacques Ill'aînédes fils d'Alphonse le Magnifique et l'héritier de sa couronne eûtcédé File à celui-ci,'—Charles d'Anjou renonça à ses prétentions surla Sicile. Revenu dans sa ville de Naples, il maria, en i3o5, sa plusjeune fille, Béatrix, presque encore une enfant, avec le Marquis d'Esté,Enzo VIII qui n'était point très âgé puisqu'il n'avait que 42 ans, maisqui l'était toutefois trop pour une aussi jeune fiancée. Dans l'orgueilqu'il éprouvait à s'allier à la famille royale, le marquis ne souhaitaitnulle dot, et reçut, avec la jeune princesse, le simple comté d'Andriadont il récompensa le roi par de si magnifiques présents que leurvaleur dépassait bien celle du fief. De là naquit le bruit que Dante

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42 PURfiATOMO. CANTOSX.

corne fan H corsar' dell'altre schiave.

8a O avarizia, che puoi tu piû farne,

poscia ch'hai lo mio sangue a te si trallo,che non si cura délia propria carne ?

85 Perché m en paia il mal futuro e il fatto,

veytrio in Alagna entrai' lo fiordaliso,DO O 'e nol vicario suo Cristo esser catto.

88 Vctïtjiolo un'altra volta esser deriso ;DO

veggio rinnovellar l'aceto e il fêle,e tra vivi ladroni essere anciso.

91 Vcggio il nuovo Pilato si crudele,

rapporte, c'est-à-dire que le roi avait fait une affaire, placé en quel-que sorte sa très jeune fille contre d'énormes intérêts. (V. Charles IIle Boiteux. — « Il Ciotto di Gerusalemme ». Paradis, XIX, 117-129.)

8i. Comme font les corsaires des jeunes filles enlevées par eux.8-j. « Le mal le plus grand et qui fait pâlir toute autre faute » : c'est

la façon dont Philippe le Bel en usa à l'égard du Pape Boniface VIII,après maintes querelles occasionnées par les efforts du roi pourassurer les droits de son pouvoir royal et ceux du Pape pour affer-mir en France les droits et les immunités de l'Eglise. A la suite denombreuses réconciliations, les choses en vinrent à une hostilité sidéclarée que Philippe le Bel songea à s'emparer du Pape pour lefaire juger en France par un concile général. Ayant fait préparer ensecret le terrain (V. Villani, VIII, 63), il décida d'envoyer au Papeson légiste Nogaret, suivi de quelques troupes, avec Sciarra Colonna,de la famille des Colonna qui avaient toujours été, dans ses propresétats, les adversaires de Boniface VIII, et soutenaient en Sicile lamaison d'Aragon contre l'investiture du Pape.

Ceux-ci entrèrent un matin de septembre de l'an i3o4 dans la petiteville d'Anagni, en Campanie, patrie de Boniface, où celui-ci, entouréde sa cour de cardinaux, prenait quelque repos dans sa maison natale.

Personne ne devait faire obstacle à leur passage; ils s'emparèrentdu château que lu Pape ne songeait point à faire garder. Dès qneBoniface fut averti que ses ennemis étaient chez lui, il ne songeaqu'à mourir en Pape : il se fit revêtir de son grand manteau pontifi-cal, prit sa tiare et les clefs symboliques; et, la Croix en mains,assis sur son trùue, il attendit. Sciarra Colonna leva sur lui songantelet de fer : si grave offense ne s'était jamais vue. Il n'en sau-rait revenir aucune responsabilité à Nogaret.

La captivité de Boniface VIII ne dura que trois jours, car le peu-ple d'Anagni, revenu de son ingratitude, courut sus à ceux qui

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LE PURGATOIRE. CHANTXX. t\î>

comme le font les corsaires de leurs esclaves.

8v. O insatiable avarice, que peux-tu faire de plus en eux,

puisque tu as si fort attiré à toi mon sang'

qu'il n'a plus souci de sa propre chair?...

85 Pour que moindre paraisse le mal futur et le mal passé,

je vois dans Anagni entrer la fleur de lys,et, en la personne de son Vicaire, le Christ être fait prisonnier.

88 Je le vois, une fois encore, livré à la dérision,

je le vois, encore abreuvé de vinaigre et de fiel,et je le vois, entre de vivants larrons, mis à mort.

91 Je vois le nouveau Pilate si cruel

tenaient le Pape prisonnier et, le délivrant, ils le conduisirent àRome.

87. Allusion aux paroles du Pape qui, lorsqu'il se vit perdu etdemanda que lui fussent apportés les insignes ornements de sacharge, s'écria : « Puisque comme Jésus-Christ, par trahison, je vaisêtre pris et qu'il me faudra mourir, au moins je veux mourir eupape. )>

88. Le Christ, offensé en la personne du successeur de Pierre,son vicaire et son représentant ici-bas :

E giunto a lui Sciarra e gli altri suoi nimici, cou villane parolelo scherniro, e arrestaron lui e la sua famiglia, che con lui eranorimasi : intra gli altri lo scherni messer Guiglielmo di Lunghereto,che per lo re di Francia aveva menato il trattato, donde era preso, eminacciollo. dicendo di menarlo legato a Leone sopra Hodano, equivi in générale concilio il farebbe disporre e condannare. (G. Vil-lani, VIII, 63.)

Qui vos audit, me audit; et qui vos spernit, me spernit. Qui autemme spernit, spernit eum qui misit me. (Év. saint Luc, x, 16.)

90. Tra vivi ladroni : ici, Guillaume de Nogaret et Sciarra Co-loima, les deux chefs de l'entreprise contre Boniface VIII : vivants,parce qu'ils ne moururent point comme ceux entre lesquels Jésusfut crucifié.

£ssere anciso : Parce que le coeur du Pape s'emplit d'une telleamertume, de tant de douleur et d'indignation, que son organisme,déjà affaibli par un âge fort avancé, ne put se remettre du troublecausé par l'événement; et Boniface VIII mourut environ un moisaprès.

91. Le poète entend désigner ici Philippe le Bel qu'il rend res-ponsable d'avoir livré le Pape aux mains des Colonna, ses enuemismortels, comme Pilate avait livré Jésus aux Juifs.

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44 PUROATOnlO. CANTOXX.

che ciô no '1 sazia; ma, senza decreto,

porta nol tcmpio le cupide velc.

94 0 Signor mio, quando sarô io lieto

a veder la vendetta, che, nascosa,fa dolcc 1' ira tua nel tuo segreto?

97 Ci6 ch'io dicea di qucll'unica Sposadello Spirito Santo, e che ti fece

92. Sans avoir étudié le procès des Templiers assez à fond pourconnaître s'ils étaient ou non coupables.

Cette défense des Templiers, présentée par Dante, a fait croire àcertains que le poète était un affilié de la secte albigeoise dont les

Templiers avaient été accusés d'avoir accepté les erreurs comme depratiquer les rites ; mais c'est là une erreur absolue : Dante futtoujours fidèle à sa foi, et en outre trop nationaliste pour s'affilierà une secte étrangère. Sa ferveur à défendre les chevaliers du Templeprovient de ceci qu'il n'en retenait que l'indéniable vaillance ëf léprofond dévouement aux Lieux saints : plus de vingt mille d'entréeux avaient donné leur vie pour la défense du Saint-Sépulcre.

93. Philippe le Bel fut accusé d'avoir détruit l'ordre religieux etmilitaire du Temple, afin de s'en approprier les immenses richesses.Mais outre que beaucoup de ces richesses disparurent avec l'ordre,étant faites de redevances particulières, et qu'une grande part enfut reversée par le roi à l'ordre similaire des Chevaliers de saint-Jean(V. Funck-Brentano, Le Moyen Age, p. 385), il y a ceci qui peut,sinon détourner le blâme de la façon dont Philippe le Bel e» agitavec les Templiers, au moins éclairer son acte d'un jour un peu plusfavorable :

L'ordre des Templiers s'était étendu rapidement dans d'extraordi-naires proportions. Ses commanderies tenaient les plus grandsdomaines de France ; et à l'étranger l'Ordre avait également desplendides possessions.

A maintes reprises, les Templiers avaient servi de banquiers auxrois. Ils constituaient donc dans l'Etat une puissance redoutable polirla Couronne, d'autant plus qu'elle se trouvait être internationale etne manquait point d'un fort prestige spirituel. Mais la hâte que mîtPhilippe le Bel â poursuivre le procès des Templiers, excluantmême le Pape de certaines décisions que lui seul aurait dû prendre,pouvait bien soulever l'indignation du poète qui ne jugeait que dudehors, et on peut suivre en ceci son sentiment sans qu'il soit besoind'y chercher des causes occultes. Voici les mêmes faits, vus etracontés par le chroniqueur Florentin G. Villani (VIII, xcii) :

// maestro del Tempio, il quale avea nome fret Giacche de' sigfiorida Mollai in Borgogna, con sessanta cavalieri frieri e gentili jiomitii...E avuto consiglio col re, il detto maestro e suoi compàgrii in sul'Isola di Parigi dinanzi alla sala del re, per Io modo degli altri

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LE PUHGATOIHE. CHANTXX. 4^

que cela ne l'assouvit point— mais, sans décret,

il largue dans le Temple ses cupides voiles.

cj4 O mon Seigneur, quand aurai-je la joiede voir la vengeance qui, cachée

clans le secret de tes conseils, fait douce ta colère?

g- Ce que je disais de cette Unique Epousede l'Esprit Saint, et qui te fit

loro frieri furono messi a martirio, ardendo il maestro a poco a poco,e sempre dicendo che la magione e loro religione cra cattotica egiusta, accomandandosi a Dio e santa Maria

... Eper molti si disse che furono morti e distrutti a torto e apeccato,e per occupare i loro béni... E lo re di Francia e suoi figliuoh ebbonopoi moite, vergogne e avversitadi, e per questo peccato, e per quellodélia presura di papa Bonifazio. (G. Villani, VIII, xcn.)

Eu i3o7, au concile de Vienne, Clément V supprima l'ordre desTempliers. Une partie de leurs biens alla aux Hospitaliers de Saint-Jean.

94. Laetabitur justus cum viderit vindictam. (Psaume LVII, H.)Sancti de poenis impiorum gaudebunt, considerando in eis divinae

jastitiae ordinem! et suam liberationem, de qua gaudebunt...In viatore est laudabile si delectetur de aliorum poenis in quantum

habent aliquid boni annexum. (Saint Th. d'Aquin, Sum. théol. Suppl.III, 94, 3.)

93. La punition : La vengeance de Dieu est la justice même, lasanction de la Loi.

96. Les desseins de Dieu sont cachés dans le secret de l'infini. Sil'homme jette aussitôt devant lui sa colère et se venge souvent àtort, DifiU)qui a l'éternité pour Lui, attend, et adoucit jusqu'à l'extrêmelimite sa juste colère, laissant au pécheur le temps de changer savolonté et de se repentir.

97. Les Ames élèvent la voix durant le jour, redisant des exemplesde générosité et de mépris pour les richesses, la générosité qui estune des formes de l'amour pouvant être considérée comme la lumièredu coeur; la nuit venue, elles redisent au contraire des exemplesd'avarice et de tous les maux qui en découlent, l'avarice aveuglanteu quelque sorte le coeur et le faisant vivre en de stériles ténèbres.

Il y aura sept exemples, le nombre même des « Fils de l'Avarice n,suivant saint Thomas (Sum. Theol., II, 118, 8). Il y aura donc desexemples de trahison : Pygmalion, — de fraude : Acham, — de par-jure :Anania et Saphira, — de fausseté : Héliodore, — d'ingratitude :Midas, — de cruauté : Polymnestor, — et de violence : Crassus.

98. Et incarnatus est de Spiritu sancto ex. Maria. Virgine...(Symbole de Nicée.)

Qui conceptus est de Spiritu sancto, natus e.r Maria Virgine.(Symbole des Apôtres.)

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46 PURGATORIO. CANTO XX.

verso me volger per alcuna chiosa,

ioo tanto è disposto a tutte nostre prece,

quanto il di dura; ma, quando s'annotta,

contrario suon prendemo in quella vece.

IOJ Xoi ripetiam Pigmalionc allotta,

oui traditore e ladro e patricidalecc la voglia sua dell'oro ghiotta ;

10G c la miseria dcll'avaro Mida

che scgui alla sua domanda ingorda,

pcr la quai sempre convien che si rida.

io(> Del folle Acam ciascun poi si ricorda,corne f'urô le spoglie, si che 1' ira

di losuè qui par ch'ancor lo morda.

11 a indi accusiam col marilo Safira ;

IOO. De tels exemples de radieuse vertu nous occupent, le jourdurant, comme la réplique à toutes nos implorations.

îoi. « Quand vient la nuit, c'est la sombre douleur des exemplescontraires qui forme le sujet de notre méditation. Alors nos voixrépètent 1 histoire des crimes dont l'avarice fut la cause. »

io3. Pygmalion, roi de Tyr, frère de Didon, tua Sichée le grandprêtre d'Hercule, son oncle et son beau-frère, pour s'emparer de sestrésors; mais Didon indignée prit la fuite avec quelques Tyriensfidèles, emportant les trésors, et Pygmalion fut déçu dans son avarice.Ce fut ainsi que Didon vint en Afrique et bâtit Byrsa, la citadelle deCartilage.

Sed regna Tyri germanus habebalPygmalion, scelere ante alios immanior omîtes.Quos inter médius venit Furor, Ille SichaeumJmpius ante aras, atque auri coecus amore,Clam, ferro incautum superat securus amorumGermanae

portantur avaviPygmalionis opes pelago ; dux femina facti.

(Enéide, liv. I, v. 338 et suiv., 363 et suiv.)104. Traître à sa soeur, voleur puisqu'il voulut prendre le trésor

de Sichée, parricide puisque Sichée était son parent et que cetteexpression s'entend fréquemment dan» le passé avec le sens pluslarge que nous lui voyons ici.

io(i. Midas, roi dePhrygic. Ayant ramené le vieux Silène à Bacchus,

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LE PURGATOIRE. CHANTXX. 4?

te tourner vers moi pour quelqu'éclaircissement,

IOO est offert comme thème à toutes nos prières,tant que le jour dure : mais, quand tombe la nuit,nos voix prennent, en échange, un ton contraire.

io3 ^ous redisons alors l'histoire de Pygmalion

que traître, voleur et parricidefit sa gourmande envie de l'or;

io() et la misère de l'avare Midas,

qui l'ut la conséquence de son avide souhait

dont il est juste que l'on rie en tout temps.

rot) Puis, chacun se rappelle Acham l'insensé,comment il enleva les dépouilles en sorte que le courroux

de Josué semble encore ici le mordre.

11•). Après, nous accusons Saphiru avec son mari ;

Midas reçoit de celui-ci la promesse que, quelque voeu qu'il formeen cet instant, il sera exaucé. Et Midas demande que tout ce qu'iltouchera se convertisse en or... Il est en ellet exaucé cl manque demourir par suite de ce souhait imprudent qui fait que les mets etles boissons vers lesquels il tend les mains se changent immédiate-ment en ce métal précieux.

io8. Ayant supplié le dieu qu'il le délivrât cb.:s suites de souabsurde voeu, Midas, dégoûté des richesses, n'aime plus que lesforêts et les champs et va vivre avec le Dieu Pan dans les antres desmontagnes où, pour avoir préféré la mélodie rustique de Pan auxsous délicats et savants de la lyre d'Apollon, celui-ci le gratifiad'oreilles d'aue par où Midas est resté risiblc dans la fable. (Ovide,Métamorphoses, livre XI, m et iv.)

iog. Acham : un Israélite qui, ayant volé quelques objets précieuxparmi les dépouilles de Jéricho, fut contraint par Josué d'enfaire l'aveu, et lapidé ainsi que toute sa famille dans la valléed'Achor :

Vere ego peccavi Domino Deo Israël et sic feci...Vidi enim inter spolia pallium. coccineum valde boniim, et dacentos

siclos argenti, regulamque auream quinquaginta siclorum... (Josué,vu, so-ai.)

na. Ananias et Saphira, sa femme, cherchèrent par avarice et pargloriole à tromper les apôtre9 : ayant vendu un champ, ils étaientmaîtres de l'argent que ce champ leur avait rapporté, suivant que ledit saint Pierre d'abord à Ananias puis wa peu plus tard à sa femme

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48 PLRGATORIO. CANTOXX.

lodiamo i calci ch'ebbe Eliodoro ;ed in infamia tutto il monte gira

IIJ Polinestor ch'ancise Polidoro.

Ultimamente ci si grida : 'Crasso,

dicci, ché il sai, di che sapore è l'oro'

i 18 Talor parla l'un alto e l'altro basso,secondo l'affezion ch'a dir ci sprona

lorsqu'elle survint. Ils n'avaient d'une part point besoin de paraîtretout donner aux apôtres ; ils pouvaient aussi tout leur donner dans\m sincère mouvement de dévotion, sans rien retenir pour eux-mêmes.Mais ils souhaitèrent paraître tout donner, et retenir en même tempsune somme concertée eutre eux. Saint Pierre reconnut leur duplicitéet leur en fit reproche; et parce qu'ils avaient manqué à l'Esprit,Ananias et Saphira moururent aux pieds même de l'Apôtre, frappésl'un et l'autre d'un châtiment voulu de Dieu (Actes des Apôtres, v,

« Quare posuisti in corde tuo hanc rem? ISon es mentit us homini bus,sed Deo. »

Audiens autem Ananias haec verba, cecidit et expiravit.Et factus est timor inagnus super omnes qui audierunt...... Factum est autem quasi horarum trium spatium, et uxor ipsius,nc.iciens quod factum fuerat, introivit.Dixit autem ei Petrus : Die mihi, mulier, si tanti agrum vendi-

distisP At ïlla dixit : Etiam, tanti.Petrus autem ad eam : Quid utique convenit vobis tentare Spiritum

Domini? Ecce pedes eorum qui sepelierunt virum tuum, ad ostium,et efferent te.

Confestim cecidit ante pedes ejus et expiravit... (Actes, v, /j-io.)113. Héliodore : l'envoyé de Séleucus IV Philopalor, roi de Syrie,vint à Jérusalem pour enlever les richesses du Temple. Mais uncheval merveilleux lui apparut, qui le chassa hors du Temple parses ruades ; et aussitôt deux jeunes hommes brillants de lumièrefurent autour de lui qui le frappèrent et puis le conduisirent augrand prêtre Onias ; celui-ci lui accorda la vie sauve sous la condi-tion qu'il irait rapporter à son roi ce qu'il avait vu et comment leDieu d'Israël savait défendre les trésors sacrés de sa Demeure.

iidem juvenes eisdem vestibus amicti, astantes, Heliodorodixerunt : Oniae sacerdoti gratias âge, nom propter eum Dominustibi vitam donavit.

Tu autem a Deo flagellatus, nuntia omnibus magnolia Dei, etpotestatem. Et his dictis, non comnaruerunt. (Macchabées, liv.'II-IIl.33-34.) . .

" '

115. Polymnestor, roi de Thrace et gendre de Priam, tua traîtreu-sement Polydore que Priam, se défiant déjà du sort de ses armes,lui avait envoyé en secret avec de grands trésors afin qu'il prît soin

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LE PUKGATOIRE. CHAST XX. 49

nous louons les ruades que reçut Héliodore ;et flétri d'infamie, tout autour de la montagne, court

i5 le nom de Polymenestor qui tua Polydore.En dernier lieu, un cri s'élève : « ô Crassus,dis-le nous, car tu le sais, de quelle saveur est l'or? »

18 Parfois, l'un de nous parle haut et l'autre à voix basse,de même que le sentiment qui nous presse de dire nous éperonne

de son enfance et lui conservât son bien. Ce fut par cupidité et ava-rice que Polymnestor tua le jeune prince, souhaitant s'emparer de sesrichesses; et iljeta^on corps dans la mer. Hécube, femme de Priamet mère de Polydore, son plus jeune enfant, aperçut le corps decelui-ci, couvert de blessures, alors que, sur le rivage, elle était venuepuiser de l'eau. Elle courut au roi de Thrace, pour venger son (ils,lui creva les yeux et le tua.

V. Virgile, Enéide, 1. III,. 19-60, et Ovide :Ut eccidit Fortuna Phrygum, capit impius ensemRex Thracum, juguloque sui defigit alumni :Et, tamquam tolli cum corpore crimina possent,Exanimem e scopulo suhjectas misil in undas.

Sic Hecube, postquam cum luctu miscuit iram,Non oblita animorum, annorum oblita suorum,Vadit ad artificem dirae Polymneslora caedis,

et digitos in perfida lamina condit...(Métamorphoses, XIII, v. 435 et suiv., 54g et suiv.)

Cf. Enfer, XXX, 10-16 et suiv.116. Crassus Marcus Licinius, patricien romain, s'enfuit en Espa-

gne au moment des proscriptions de Marius. Revenu à Rome lors dutriomphe de Scylla, il contribua à la défaite de Poutius Telesinusprés de la porte Colline et gagna, dans les nouvelles proscriptions,la plus grande fortune de son temps. Il pensait que les richessespouvaient tout obtenir; il ne se lassait pas d'en amasser, il se jugeaitinvincible du fait de sou or. Ayant pris le gouvernement de la Syrie,il voulut dépasser les exploits de ses collègues par une guerre fas-tueuse contre les Parthes. Et il s'engagea, malgré les avis de Cassiusson lieutenant et du roi d'Arménie son allié, dans les plaines de laMésopotamie. Serré de toutes parts par Surena lieutenant d'Orodes,roi des Parthes, non loin de Carrhqs, il y perdit son fils et 3o.oooRomains.

Lui-même fut mis à mprt au cours d'une entrevue qu'il avaitacceptée avec Orodes. Sa tète tranchée fut offerte au roi et l'on rap-porte que celui-ci, lui ayant fait remplir la bouche d'or liquide, dit àcette tète : « Tu fus assoiffée d'or et donc bois-en » : Aurum sitisti,auriim bibe. (Plutarquc, Crass., -i, 10, ii.j5, 3i. Cieéron, D-eoff., I,3o; II, i8-57.)

LE PURGATOIRE.— II. 4

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PURGATORIO. CANTOXX.

or a maggiore ed ora a minor passo;

121 pcrô al ben che il di ci si ragiona

dianzi non era io sol ; ma qui da pressonon alzava la voce altra persona ».

124 Noi cravam partid già da esso,e brigavam di soperchiar la strada

tanto, quanto al poter n'era permesso,

127 quand'io senti', come cosa che cada,tremar lo monte; onde mi prese un gelo

quai prender suol colui che a morte vada.

i3o Certo non si scotea si forte Delo,

pria che Latona in lei facesse il nido

a partorir li duc occhi del cielo.

133 Poi cominciô da tutte parti un gridotal, che il maestro invèr di me si feo,dicendo : « Non dubbiar, mentr'io ti guido ».

120. Ces âmes ne se meuvent point; il ne s agit donc point ici de

presser ou de ralentir le pas ; c'est une image pour désigner le plusou moins d'ardeur ou de zèle que l'àme qui parle, rapportant unexemple de générosité ou d'avarice, met à le faire entendre suivantle plus ou moins d'émotion ou d'indignation qu'il lui cause.

1-2.6.La voie restée libre le long des ombres prosternées étaitétroite : il n'était pas aisé d'y marcher.

127. Le tremblement de terre : tout le Mont tressaille et aussitôts'élève de partout le chant angélique de Noël : Gloria in excclsisDeo.

129. lllam inter caedes pallentem morte futura(Virgile, Enéide, VIII, 709.)

i3o. Délos est une des iles Cyclades, célèbre dans l'antiquité parson culte pour Apollon et Diane.

Selon la mythologie, Neptune la lit jaillir des flots afin que Latonequi fuyait, poursuivie par la fureur jalouse de Junon, pût enfintrouver un asile où mettre au monde ses deux enfants, Apollon clDiane. Et l'île, qui d'abord était flottante et allait sur les eaux à ladérive, fut rendue fixe et durable en récompense de l'abri donné audieu et a la déesse naissauts.

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LE PURGATOIRE. CHANTXX. 0 1

et nous fait aller d'un pas tantôt plus rapide et tantôt plus lent;

i c'est pourquoi, à rappeler les bonnes actions dont nous nous

[entretenons durant le jour,tout à l'heure je n'étais point seul, mais près de moi, ici,nulle autre personne n'élevait la voix. »

4 Déjà nous nous étions séparés de lui,et nous nous efforcions d'avancer sur le chemin

autant qu'il était permis à notre pouvoir,

~quand je sentis, comme quelque chose qui s'écroule,

trembler la montagne : et il m'en vint un froid glacial,semblable au froid qui saisit celui qui marche à la mort

o Certes Délos point ne se secoua si fort

avant que Latone eût fait en elle le nid

où elle enfanta les deux yeux du Ciel.

3 Puis, de toute part s'éleva une clameur

telle, que le Maître se tourna vers moi

en disant : — « N'aie point de crainte durant que je te guide. »

Ctii non diclus Ilylas puer cl ï.atoiiia Dclos.

(Virgile, Gcorg., III, (>.)Sacra mari colitur medio gratissima tell usNcreidum matri et Neptuno JEgaco :(juam pius Arcitenens, oras et littora circumErrantem, Gyaro celsa Myconoque revinr.it,Immotamr/ue coli dédit, et contemnere ventos.

[Enéide, lib. III, 7.3et suiv.)Ersul erat mundi; donec miscrata vaganlcm.Hospita tu terris erras, ego, dixit, in midis ;Instabilemque locum Delos dédit : Ma duobusFacta parens :

(Ovide, Met., VI, 189 et suiv.)1!i. Les deux yeux du ciel : Apollon et Diane : le Soleil et la

Lune. Cf. Paradis, X, 67; XXIX, 1.

'13. Cri bienheureux : mais Dante n'en peut saisir d'emblée lesen*. Et il éclate si soudain et si vibrant que Virgile, sans cesseattentif, devine que le Poète est saisi d'effroi.

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03 PLRGATORIO. CANTOXX.

136 Gloria in excelsis, tutti, Deo

dicean, per quel ch'io da vicin compresionde intender lo grido si poteo.

13t) Noi stavamo immobili e sospcsi,corne i pastor' che prima udir quel canto,fin che il tremar cessô, ed ci compièsi.

i4?- Poi ripigliammo nostro cammin santo,

guardando l'ombre che giacean per terra

lornatc già in sull'usato pianto.

i4J Nulla ignoranza mai con tanta guerrami fe' disideroso di sa père,se la memoria mia in ciô non erra,

i/|8 quanta parc'mi allor pensando avcre ;né per la frelta dimandare er' oso,né per me H potea eosa vederc.

IJI Cosi m'andava timido e pensoso.

i 30. Gloria in altissimis Deo, et in terra pax hominibus bonnevoluntatis. (Saint Luc, u, n\.)

Le cantique que chantèrent les Anges à la naissance de l'EnfantJésus, aux abords de la Crèche.

i'îcS. Parles Ombres voisines de qui il pouvait bien entendre lecri.

i3g. Incertains, — plein de doute, ne connaissant point la causedu frémissement de la montagne.

iijo. Les bergers de Bethléem, qui furent les premiers à entendrele chant des Anges, avaient eu peur d'abord, une peur sacrée : etlimuerunt timoré magno. (Luc, n, g.)

iij'-i- f-a nostra via dcl purgatorio ch' è santa, secondo la leltcra:

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LE PURGATOIRE. CHANTXX.

35 — Gloria in e.vcelsis Deo, tous

chaînaient, suivant que je le compris dès que je fus plus prèscl là d'où l'on pouvait entendre distinctement la clameur.

[)() Nous, nous restâmes immobiles et incertains.

— comme les bergers qui les premiers entendirent ce chant, —

jusqu'à ce qu'il fût achevé, et que cessât le frémissement de la

[montagne.

4^ El puis, nous reprîmes noire route sainte,

regardant à terre les Ombres gisantes

revenues déjà à leurs pleurs accoutumés.

/jii Nulle ignorance jamais, en un si anxieux combat,

ne me ht désireux de savoir,— si ma mémoire est lidèle en ceci :—

48 autant qu'il me parut alors de l'éprouver en mes réflexions ;

Toutefois, à cause de notre hâte, point je n'osais interrogerni ne pouvais par moi-même ici rien comprendre ;

5i c'est pourquoi je m'en allais, timide et pensif.

è, secondo l'allegoria, la nostra via de la penitenza ch' è sauta(F.daButi.)

i4g. Scilicet a Virgilio... quia ibant valdè velociter, cum multumstetissent in isto circula, et ista non videbatur materia levis trac-tanda in discursu.,... (Benv. de Im.)

Risponde ad una tacita obiëzione ch' altri potrebbe j'are, cioèperche non ne dimandava Virgilio ? A che risponde che, per non

impedir lasolicitudine dell' andare, non ne dimandava. (V. da Buti.)151. Et vere tempus erat non dicendi plura in isto XX capitula,

(juod continet in se tôt nobiles histonas, fabulas et sententias,(Benv. de Im.)

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CANTO XXI

i La sete natural che mai non sazia,se non con l'acqua onde la femminetta

Sammaritana domandô la grazia,

4 mi travagliava ; e pungeami la frotta

per la impacciata via rclro al mio duca;e condolcami alla giusta vendetta.

Ed ccco, si corne ne serive Liica

che Cristo apparve ai due ch'erano in via,

già surto lu or délia sepolcral buca,

i-G. Queste due prime terzine del présente canto, accennano allateorica délia Scuola Francescana intorno al sopranaturale : ed è chel ordine di natura non deve riputarsi qualche cosa di cosi compiutoin se, da trovare dentro i propri limiti una intera fînalità, m'a l'hainvece nel sopranaturale, a cui giunge per gratuito dono divin».(Comment, d Al., Div. Corn. Serravallc et Fr. liartholomeo a Colle.Min. Obs.).

Siccome (dice) il Filosofo nel principio délia prima filosofia : tuttigli uomini naturalmente desiderano di sapere. [Convivio, 1, i. VoirAristole, Met., I, i.)

i. La scienza Nell acquisto délia quale cresce sempre lo desiclerio di quella. (Conviy., IV, ri.)

x. L'eau de la vérité : l'eau miraculeuse rie laquelle parle Jésus àla Samaritaine au bord du puils de Jacob, non loin de Sichar LUSamarie.

Respondit Jésus, et dixit ei : Omnis qui bil/it ex aqua hac, sitietiterum : qui autem biberit ex aqua, quam ego dabo ei, non sitiet inaeternum : Sed aqua, quam ego dabo ei, fiet in eo fons aquaesalientis in vitam aeternam. Dicit ad eum millier : Domine, da mihi

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CHANT XXI

inqitieme Gyre : L'avarice et la prodigalité. Stace. La causedu tremblement de terre. Stace et Virgile.

i Cette soif naturelle, qui jamais ne s'apaisesi ce n'est avec l'Eau dont la jeune femmede Samarie implora le secours,

4 me travaillait, et la hâte me pressait de son aiguillonsur la route encombrée, à la suite de mon Duo ;et je compatissais à la juste Vengeance.

n Et voilà que, — de même, selon ce qu'en écrit Luc,

que le Christ apparut aux deux disciples, sur leur chemin,ressuscité déjà hors de l'abîme sépulcral,

hanc aquam, ut non sitiam : neque veniam hue haurire. (Évang. saintJean, iv, i3 et suiv.)

...Homo non est perfecte beatus, quamdiu restât sibi aliquid desi-derandum et quaerendum. (Saint Thomas, Sum. théol., I-II, 3.)

5. De nombreuses unies étaient là, gisantes, et encombraient lechemin.

Ici « vengeance» vaut « châtiment ».G. Bien que la peine soit juste et méritée, rien ne défend à un

noble coeur de compatir aux souffrances de ceux qui l'endurent.8. Les deux disciples de Jésus qui s'en allaient à Emmaùs, aprèsla Passion, ne savaient point qu'il était ressuscité.lit ecce duo ex Mis ibant ipsa die in castellum, quod erat in

spatio stadiorum sexaginta ab Jérusalem, nomine Emmaiis.Et ipsi loquebantur ad invicem de his omnibus quae acciderant.Et factum est, dum fabularentur, et secum quaererent, et ipseJésus appropinquans ibat cum illis :Oculi autem illorum tenebantur ne eum agnoscorent. (Ev. saint

Luc, xxiv, i3 et suiv.)

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56 VUItGATOHIO. CANTOXXI.

io ci apparve ua'ombra : e rétro a noi venia,

da piè guardando la turba che giace;né ci addemmo di lei, si parlo pria,

i3 dicendo : « Frati miei, Dio vi dea pace ! ».

Noi ci volgemmo subito; e Virgiliorende lui il cenno ch'a ciô si conface.

i(i Poi eomincio : « Nel beato coneilio

ti ponga in pace la verace corte

che me rilega nell'eterno esilio » !

19 « Corne! », diss'egli, e parte andavam forte,« se voi siete ombre che Dio su non degni,chi v'ha per la sua scala tanto scorte? »

y.! E il dottor mio : « Se tu riguardi i segniche questi porta e che l'angel profila,ben vedrai che coi buon' convien ch'ei regni.

10. L ombre du poète Stace : mais Dante cl Virgile, attentifs à

regarder à leurs pieds les âmes gisantes, ne la voient point d'abordet c'est l'Ombre qui la première leur adresse la parole.

i3. Le salut de Jésus aux Apôtres après sa résurrection.Pax vobis...Dixit ergo eis iterum : Pax vobis.

(Év. saint Jean, xx, 19-ïi.)Kt le précepte qu'il leur donne à tous :Intrantes autem in domum, salutate eam, dicentes : Pax haie

demui.Et si quidem fuerit domus Ma digna, veniet pax vestra super eam :

si autem non fuerit digna, pax vestra revertetur ad vos. (livaug.saint Mathieu, x, i2-i3.)

i5. Pour quelques commentateurs, Virgile rend ici le répons rituel :«JEtcum spiritu tuo » .-Par exemple, l'Anonimo Fiorentino : « E collo

spirito tuo ». La pensée de celui qui écrivit l'Ottimo Commento estplus simple ; Virgile se préoccupe seulement de rendre à l'Ombre unsalut digne de celui qu'il en a reçu; de même, Benvenuto de Imola :

Quia pari reverentia inclinavit caput illi, et resalutavit illum.16. In concilia justorum. (Ps. 1, 5.)17. La Cour céleste, la Cour de Dieu, le Juge infaillible.18. Virgile se croit exilé à jamais du Ciel, seule vraie patrie des

âmes. Voir la note du Chant IV à propos de la Vision béatifiqueaccordée aux urnes des justes de l'antiquité et de la fiction en

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I.K PURGATOIRE. CHANT XXI.

io voilà que nous apparut utie Ombre : et elle venait derrière nous,

et regardait à ses pieds la foule gisante ;

point nous ne l'avions aperçue avant qu'elle ne nous parlât,

\?> disant : — « Mes Frères, qUeBièti vous donne la paix » !

Nous nous tournâmes aussitôt, et Virgilelui rendit le salut qui convient à de telles paroles.

i(i Puis il commença : — « Dans l'assemblée des Bienheureux

qu'elle te mette en sa paix, la Cour du juge infaillible

qui me relègue en l'éternel exil. »

H) — « Comment! » dit l'Esprit (et ce pendant nous allions vite)« si vous êtes des Ombres que Là-haut, Dieu ne daigne accueillir,

qui vous a donc si loin parées degrés fait escorte ? »

ri Et mon Docte Maître : — « Si tu considères les signes

que celui-ci porte au front et que trace l'Ange,bien tu verras qu'il doit régner parmi les bons.

laquelle Dante leur fait expier leur faute par cette seule douleurqu ils sont daus l'ignorance de leur sort et que, connaissant désormaisla Divine Vérité, ils n'espèrent point cependant de jamais parvenir enSu présence. (Cf. Enfer, Chant II : « en suspens » : lo era tra colorcheson sospesi (v. \>-i).

-U. « L'Escalier de la Pénitence » : Le Mont mystique dont lechemin, sans cesse montant, mène l'àmc à Dieu.

ri. Les sept stigmates des péchés que l'Ange imprima sur le frontde Dante (Purgatoire, IX, ia) et desquels quatre sont déjà effacés. Iln'en porte donc plus que trois.

•24• Avec les élus :Tune dicet rex his qui a dextris ejus erunt : Venite, benedicti

Patris mei; possidete paratum Yobis regnum a constitutions mundi.Esurivi enim et dedistis mihi manducare ; sitivi, et dedistis mihi

bibere; hospes eram, et collegistis me; nudus, et cooperuistis me;infirmus me, in carcere eram, et venistis ad me (Ev. saint Mathieu,xxx, 34 et suiv.)

Le bon larron :Et dicebat ad Jesum : Domine, mémento mei, cum veneris in regnum

tuiim.

^Et dixit illi Jésus : Amen dico tibi : Hodie mecum eris in paradiso.(Lv. saint Luc, xm, 4a-43.)

•Sisustinebimus, et conregnabimus (Ep. saint Paul à Timolhée,", ii-ii.l

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PUBGATORIO. CANTOXXI.

20 Ma perché lei, che di e notte fila,

non gli avea iratta ancor la conocchia

che Cloto imponc a ciascuno e compila,

28 l'anima sua, ch'é tua e mia sirocchia,venendo su, non potea venir sola;

perô ch'al nostro modo non adocchia.

31 Ond'io fui tratto fuor dell'ampia golad'Inferno per mostrargli, e mostrerolli

oltre, quanto il potrà menar mia scuola.

34 Ma dinne, se tu sai, perché tai crolli

diè dianzi il monte, e perché tutti ad una

parver gridare infino ai suoi piè molli » ?

?>"j Si mi diè domandando per la cruna

25. Lachesis la Parque, que l'antiquité représentait commechargée de filer la quenouille de la destinée humaine.

27. Clothos, la plus jeune des trois Parques : celle qui dans lafable impose à la quenouille de Lachesis, lorsque naît un enfant, laquenouillée où tient toute la durée d'une vie. Chez les Anciens par-tout on retrouve « les Trois Soeurs fatidiques ». A la naissance deMéléagre, les Parques avaient jeté dans le foyer un tison, attachantà sa combustion la durée de son existence. (V. Purg.,X7i.\, 22, ij.l

Stipes erat, quem, quum partus enixa jaceretThestias, in flammam triplices posuere sorores ;Stammaque imprc.iso fatalia pollice nentes,Tempora, dixerunt, eadem lignoijue tibique,O modo note, damus (Ovide. Mét.,~~flll, .'pa.)

1-. Due atti si fanno nel mettere sopra delta rocca il pennecchio :il primo è di soprapporvelo largamenle, facendolo dall aggivaturocca a poco.a poco lambirc, e questo appella Dante imporre, l'ultraè di aggirare intorno al pennechio medesimo la mano per unirlo erestringerlo; et questo appella compilare. (P. B. Lombardi.)

28. « Parce que sortie des mains du Créateur, comme tou àme etla mienne. » (Y. Purgatoire, XVI, 85 et suiv.)

-Xonè prettn pleonasmo, ma mira a conciliare à Dante l amore diStazio. (P. B. Lombardi.)

29. N'étant point encore libérée de sa chair, l'urne de Dante ni-pouvait gravir les degrés de la montagne sans guide.-

et beatitudinem vitae aeternae, quae consistit in fruitione

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I.E PURGATOIRE. CHANTXXI. jg

a5 Mais comme la Parque qui file jour et nuit

n'avait point achevé encore pour lui la quenouillée

que Clotho impose et mesure à chacun de nous,

28 son âme, qui est soeur de ton âme et de la mienne,

montant vers ces hauts lieux ne pouvait venir seule,car ses yeux ne voient point comme les nôtres voient.

ji C'est pourquoi je fus tiré de la vaste gorgede l'Enfer, afin de lui montrer son chemin, et je le lui montrerai

plus loin, aussi loin que le pourra mener mon enseignement.

34 Mais dis-nous, si tu le sais, pourquoi de telles secousses

ont agité le Mont, il n'y a qu'un instant, et pourquoi tous, unanimes,

[les espritsont paru jeter le même cri, jusqu'à ses bases que baigne la mer? »

3- Si justement sa question passait le fil à l'aiguille

rfiVwjaspectus : ad quant virtus propria ascendere non potest, nisilumine divino adjuta. (Dante, De Monarchia, III, i5.)

Cioè a vita felice ; alla quale nullo per se è sufficiente a veniresenza l'aiuto d'alcuno Conviene essere uno quasi nocchiere(Dante, Convivio, Trat. IV, cap. iv.)

3o. Dante, âme et corps, ne pouvait avoir la vision prompte, sûreet étendue des âmes déjà libres en toutes leurs facultés.

3i. « La vaste gorge » : les Limbes, a l'entrée de l'Enfer, ne partici-pant toutefois en rien à l'Enfer si ce n'est parce que Dieu n'y estpoint.

33. Une École : celle des philosophes, les enseignements de laseule raison.

... beatitudinem scilicct hujus vitae, quae in operatione propriaevirtutis consistit, et per terrestrem Paradisum figuratttr; et beatitu-dinem vitae aeternae...

... quae per paradisum caelestem intelligi datur. Ad lias quidembeatitudines...

...per diversa média venire opportet. Nam ad primam, per philo-sophica documenta venimus, dummodo illa sequamur, secundum vir-tutes morales et intellectuales opérande.. (De Monarchia, III, xv.)

36. Jusqu'à sa base baignée dans la mer ; et les Poètes l'avaientbien pensé tant l'allégresse avait été unanime ; toutes les âmeschantaient.

37. Virgile avait si bien deviné le désir de Dante que, rien que de

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6'b PURGATORIO. CANTOXXI.

del mio disio, ehe plif coii la speràhzàsi fece la mia setc meii digitina.

4o Quoi cominciô : « Cosa non è che sanza

ordihc sehta là rëligionedélia moiitagna, o che sià fuor d'usariza.

4>5 Lihero è qui da ogni alterazionc :

di quel che il cielo in se da se riceve

esserci puote, e non d'altro, eagionc;

46 perché non pioggia, non grando, non neve,non rugiada, non brina più su cadc

che la scaletla dei tre gradi brève.

49 Nuvole spesse non paion, né rade,né eorruscar, né figlia di Taumante,

l'entendre exprimer son interrogation à l'unie survenue, celui-ci euavait ressenti uii contentement.

« La rëligione » : Les lois sacrées de la Montagne mystique.Jcnn tum relligio pavidos terrebat agrestesDira loci; jani tum silvam saxumque tremehahi.

[Enéide, VIII, 349-5o.)Fontesqùe fluviosque voco, quaeque aetheris cutiRelligio, et quae caeruleo sunt numina ponto :

(L'invocation d'Enée.— Enéide, XII, i8i--2.)Rien ne se passe sur la montagne sainte qui ne soit régi par d'im-

muables lois, lois spirituelles, lois intellectuelles, lois qui ne sontpoint celles auxquelles est soumise la Terre.

43. Ici, nulle violence des éléments, nulle perturbation.Lire le Commentaire tout entier de ce Chant dans Ozanam : le Pur-

gatoire.44- Ce ne sont point les vapeurs qui s'exhalent de la terre, et

couvrent de nuages le ciel qui les lui renvoie sous forme de pluie,de grêle ou de neige : ce ne sont point les vents. Ici, nulle tempête :les vents et l'orage, passé le seuil du Mont, n'ont plus de pouvoir.

Seule la volonté du Ciel, qui rappelle à lui ce qui vient de lui,peut être la cause de ce qui arrive sur la Montagne privilégiée. Delà, son frémissement joyeux lorsqu'une âme, ayant achevé sontemps d'expiation, la gravit pour s'en aller prendre sa piace parmi lesBienheureux. Venue de Dieu, créée par Lui et pour Lui, elle revientù Lui dans la patrie d'où elle est partie.

... la noliile anima... ella ritorna a Dio. siccome a quello porto,

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LE PURGATOIRE. CHANTXXI. 6l

de mon désir que, déjà, seulement par l'espérance,il me parut que ma soif s'apaisait un peu.

zjo L'autre commença : — « Il n'est rien que, en dehors

de l'Ordre de ses Lois Sacrées, puisse ressentir

la Montagne, ou qui n'y soit coutuniier.

43 Libre est ce lieu de toute altération terrestre :

de ce que le Giel, en lui-même, de lui-même reçoit,une émotion peut arriver ici, mais d'aucune autre cause.

46 C'est pourquoi nulle pluie, nulle grêle, nulle neige,nulle rosée, nul givre ne tombe plus haut

que le bref escalier aux trois marches.

l\[) Point n'y paraissent nuages épais ni légers,

point d'éclairs, ni celte fille de Thaumanle

ond'ella si partio quand0 venue a entvare nel mare di questa vita ; ...(Danle, Cony., XXVH1.)

4S. Passé le seuil du Purgatoire, qui est au haut de l'escalier detrois marches par où 1on y accède [Purg., IX, 76 et suiv.), il n'estplus d'altération dans le temps, rien qui vienne troubler les éléments ;tout est établi sur un plan nouveau, intellectuel et mystique où rienne subsiste des variations de la Terre.

5o. L'arc-en-ciel : Iris, Cille de Thaumanle et d'Electre (V. Hésiode,Théogonie) était, selon la Mythologie, la messagère des dieux, messa-gère qui avec sa belle écharpe descendait sur terre et remontait dansl'Olympe par la courbe parfaite de l'Arc avec lequel elle fut plus lardidentifiée.

Nuntia Junotiis varios indiiia colores, ...(Ovide, Met., I, v. a;o.)

Iri, meae, dixil, fidissima nuntia vocis,Vise soporiferam Somni velociter aulam; ...... Dixerai : iiiduitur yelamina mille colorumIris et arquaio caelum curvamine signansTccta petit jussi sub rupe latenlia régis.

(Ovide, Met., XI, v. 587-393.)Parct, et in terrain pictos dclapsa per arcus,Hersiliam jussis compellat vocibus Iris...

(Ovide, Met., XIV,' v. 838-g.)Irim di caclo misit Satitrnia JunoAudacem ad Turnum . luco titm forte parentis

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PURGATORIO. CA.NTOXXI.

che di là cangia sovente contrade.

oa Secco vapor non surge piû avante ;ch'al sommo dei tre gradi ch'io parlai,ov'ha il vicario di Pietro le piantc.

r>5 Tréma forse piû giû poeo od assai;ma per vento che in terra si nasconda,non so corne, quassù non tremô mai.

58 Trcmaci quando alcuna anima monda

sentesi, si che surga o che si mova

per salir su ; e tal grido seconda.

Pilumni Tuinus sacraia valle scdebat.Ad fjuem sic roseo Thaumantias oie locuta est.

(Enéide, IX, '2-4-)... imbrifera potitur Thaumantide Juno...

(Stace, Silves, Iiv. III, m, 8i.)ii. Sur terre, l'arc-en-ciel est toujours opposé au soleil : tantôt on

le voit ici, tantôt là; au couchant si le soleil est à l'orient, au nord s'ilest au midi, il change sans cesse de paysage.

5-2.Selon Arislote (Meta., II) les vapeurs s'élevant delà terre sontla cause de toutes les altérations de la température ici-bas, et il lesfaut distinguer suivant leurs deux qualités 'possibles, c'csl-à-direl'humidité et la sécheresse. De la vapeur humide découlent la pluie,la neige, la grêle, la rosée et le blanc gel ; de l'autre, c'est-à-dire dela vapeur sèche, plus subtile, proviennent les vents, et si son degré desécheresse est fort élevé elle peut causer aussi le tremblement deterre. Ces vapeurs ne peuvent se hausser toutefois au-dessus de latroisième des régions de l'air, c'est-à-dire de l'avant-dernicre, puis-qu'il en est compté quatre du ciel de la Lune au centre de la Terre :celle du centre de la terre même, la région tempérée, la régionfroide, et la région chaude.

Or les vapeurs ne montant point au delà des trois gradins quimènent au Purgatoire, le poète veut ici nous faire comprendre que laMontagne sainte est située aux coniins supérieurs de la régionfroide; idée qu'il exprimera de nouveau au Chant XXVIII, 97-102.

Mais ce qu'il veut surtout marquer ici, c'est le sens mystique del'éloignement où se trouve le Purgatoire de toute agitation terrestre.Ici, nulle passion à combattre, les modes n'y sont plus ceux de laTerre; si la souffrance y atteint profondément les âmes, le Purgatoiren'en demeure pas moins un lieu de délices el de sécurité, puisquel'aine y souffre en absolue conformité avec la volonté de Dieu, dans

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LE PURGATOIBE. CHANTXXI. 63

qui, là-bas, souvent change de paysage.

2 Les vapeurs sèches ne s'élèvent pas plus avant

que le haut des trois degrés que j'ai dit,où le Vicaire de Pierre tient ses pieds reposés.

5 Peut-être, par-delà, le sol tremble-t-il un peu ou davantage ;

mais, du fait de quelque vent sous terre caché,

je ne sais point comment, ces hauteurs jamais ne tremblèrent.

8 Elles tremblent, alors qu'une àme se sent purifiéesi parfaitement qu'elle se lève ou se met en mouvement

pour monter au Ciel, et ce cri que vous avez entendu l'accompagne.

la certitude de la béatitude future, et possédée du plus ferventamour. Rien ne peut plus atteindre son assurance et elle n'est plusà la merci de quelque événement que ce soit.

54- Le Vicaire de Pierre : Pierre a les clefs du Paradis cl l'AngeGardien du seuil, portier de la Montagne Sainte {Purg., IX), peutbien justement être nommé son vicaire.

55. En bas, au-dessous des trois marches, sur la plage de l'Àntc-Purgaloire : c'est-à-dire à cet endroit où l'àme qui arrive n'a pascommencé à gravir les degrés de la purification, où elle sembleencore tenir à la terre par tous ses souvenirs, non délivrée entière-ment de ce que furent ses désirs, ses joies et ses peines sur terre.(Purg., II, 115 et suiv.)

56. La croyance du Moyen âge fut que les tremblements de terreétaient dus à des vapeurs, à des souffles cachés sous terre.

5y. La Montagne sainte repose sur une base terrestre, et Stace nesait dire comment elle est exempte des perturbations auxquelles laterre est assujettie, car il y a là une grâce éminente et particulièrequi dérive non de causes naturelles voulues de Dieu dans leursprincipes, mais de la volonté immédiate de Dieu. Seule une causespirituelle peut faire sentir un frémissement sur la Montagne sainteet c'est lorsqu'une âme libérée de toute expiation, guérie parfaite-mentde tout le mal passé, sent que l'instant est venu pour elle des élancer vers son Créateur pour se réunir éternellement à.Lui.

5g. L'àme purifiée, si elle est de celles que l'expiation retinttouchées sur le sol ou assises contre la roche, « se lève » pourmonter au Ciel ; si elle est de celles qui marchent le long de la cor-niche ou courent dans la flamme, elle « se meut », quittant sontourment pour accomplir l'ascension bienheureuse.

fio. Et le chant du Gloria in excelsis Deo, entendu par les poètesun instant plus tôt, accompagne l'essor de l'âme vers Dieu.

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64 PURGATOIUO. CANTOXXI.

61 Délia mondizia il sol voler l'a prova,che, tutta libéra a mutar convento,l'aima sorprende, e di voler le giova.

6{ Prima vuol ben; ma non lascia il talento,

che divina giustizia contra voglia,come fu al peccar, pone al tormento.

6- Ed io, che son giaciuto a questa dogliacinquecento anni e più, pur mo sentiilibéra volontà di miglior soglia.

61. Une telle union existe dorénavant entre l'âme déjà élue, maisencore souffrante, et Dieu, que nul autre signe n'est nécessaire àlame délivrée que le seul vouloir absolu qu'elle ressent de monterenfin au Ciel. Jusque-là, connaissant son indignité, elle s'attache à sasouffrance et souhaite l'endurer en conformité à l'ordre de Dieu,sans essayer jamais de devancer l'heure de son bonheur, bien quelà aille désormais tout son désir. Le jour qu'elle le « veut », c'estque Dieu la délivre de sa souffrance et que sa demeure est prêteparmi les saints.

62. Du Collège des âmes souffrantes elle va monter eu celui dosâmes triomphantes.

63. La volonté de monter et de se mouvoir pour gagner les de-meures célestes surprend l'àme dans l'instant que sa purification estaccomplie, et cette volonté secondée par la permission divine l'en-traîne librement vers Dieu.

64. Avant que cette heure de sa libération ne sonne, l'âme voudraitbien voir Dieu, arriver à Lui : c'est l'inévitable souhait de l'amourque d'être réuni à son objet, mais il ne s'agit là que du premiervouloir de l'àme, c'est-à-dirç du mouvement naturel et absolu quilinclinc vers Celui de qui elle vient ; la volonté qui suit en elle cepremier vouloir cl doit former son choix définitif est conditionnéepar ses rapports avec l'Ordre Divin; c'est pourquoi par ce secondmouvement l'âme, pourtant éprise de Dieu, choisit de son libre arbi-tre la souffrance qui la relient loin de Lui plutôt que d'arriver à Luisans être revêtue de la robe nuptiale, réhabilitant ainsi sa volontéde l'erreur qu'elle fil sur terre où son choix des faux biens fut libre-ment consenti.

Aliquid dicitur voluntarium dupliciter.Uno modo voluntate absoluta : et sic nulla poena est voluniaria,

quia ex hoc est ratio poenae, quod voluntati contrariatur.Alio modo dicitur aliquid voluntarium voluntale conditionata :

siciit ustio est voluniaria propter sanitatem consequendam.

Page 77: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

LE PURGATOIRE. CHANTXXI. (>3

tii De sa purification, son seul vouloir l'ailla preuve,son vouloir qui, dès qu'elle est toute libre de changer de séjour,vient surprendre l'àme et lui obtient un heureux effet.

64 Jusqu'alors elle veut bien ; mais cela ne lui est point permis par

[l'ardeur

que la divine Justice, à l'encontre de son désir naturel,met en elle pour souffrir, telle l'ardeur qu'elle eut autrefois à pécher.

'-j Et moi qui suis demeuré gisant en ce même supplicedurant cinq cents ans et plus, tout à l'heure seulement j'ai ressenti

la libre volonté d'un seuil plus heureux.

Et sic alia poena potest esse voluntaria dupliciter : itno modo :quia per poenam aliquod bonum acquirimus; et sic ipsa voluntasassumit poenam aliquam, ut patet in satisfactione ; vel etiam quiaMe libenter eam accipit, et non vellet eam non esse, sicut acci-dit in martyrio; alio modo, quia quamvis pev poenam nullum bo-num nobis accrescat, tamen sine poena ad bonum pervenire nonpossumus, sicut patet de morte naturali; et tune voluntas nonassumit poenam, et vellet ab ea liberari; sed eam supportât et,quantum ad hoc, voluntaria dicitur. Et sic poena Purgaiorii estvoluntaria. (Saint Thomas d'Aquin, Sum. theol., III suppl. Append.ii, a.)

Placée dans la vérité, l'âme connaît que la Vision béaliliquc nese peut obtenir que par la souffrance. Ainsi elle veut la souffranceHe toute l'ardeur dont elle désire la Vision béalifique. Et ce n'estque dans l'instant de sa parfaite purification qu'elle ne peut plus nivouloir la souffrance ni aimer la ressentir, étant déjà Bienheureuseon Dieu qu'elle a enfin mérité.

65. La volonté réfléchie s'oppose dans l'expiation au vouloirabsolu : la Divine Justice permet ainsi au libre arbitre de l'àmeélue de se réhabiliter des erreurs anciennes par son actuelle etparfaite obéissance à tous les décrets émanés d'Ellc.

66. Corne la divina giustizia, quando la volontà semplicc vuoleil vizio, gli pone ail' inconlro la volontà rispettiva : cosi quandovuole innanzi al tempo uscire del purgatorio gli oppone la mede-sima volontà. (Cristof. Land.)

67. Le tourment des avares et des prodigues, au cinquième cercle.68. Stace étant mort aux environs de l'an 96 de notre ère, il en-

tend dire par là qu'il est resté douze siècles au Purgatoire ; cinq etmême un peu davantage au cercle des avares et des prodigues ;quatre et un peu davantage au cercle des négligents. (Purg., XXII,9^-) Le reste dans FAnte-Purgatoire ou même dans les premierscercles.

LE PURGATOIRE.— II. 5

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66 PURGÀTOIUO. CASIO XXI.

70 Perô sentisti il tremoto, c li pii

spiriti per lo monte render Iode

a quel Signor, che tosto su gl'invii ».

73 Cosi ne disse ; e perô che si godetanto del ber quant'è grande la sete,non saprei dir quant'ei mi fece prode.

76 E il savio duca : « Omai veggio la rete

che qui vi piglia, e corne si scalappia,

perché ci tréma, e di che congaudete.

79 Ora chi fosti piacciati ch'io sappia ;e perché tanti secoli gîaciuto

qui sei nelle parole tue mi cappia ».

82 « Nel tempo che il buon Tito, con l'aiulodel sommo Rege, vendicô le foraond'usci il sangue per Giuda venduto,

85 col nome che piû dura e più onora

72. Le tendre souhait' de Stace pour la prompte libération dor-âmes qui se réjouissent avec lui de son ascension marque ici l'amourque se portent déjà les âmes élues, mais encore souffrantes, lesunes aux autres; divine charité qui est, dans l'exil et la douleur,l'avant-goût du Ciel.

76. La volonté relative conditionnée par une autre volonté, lavolonté absolue ne saurait désirer la souffrance : la volonté relative,connaissant vers quel bien elle doit se tendre, recherche la souf-france afin de. s'en faire digne : voici le « filet » dans lequel sontprises les âmes sur la Montagne sainte.

77. Expandit rete pedibus meis, convertit me retrorsum. (Lameiil.Jérémic, Mcm, 1, L3.)

Et extendam rete meum super eum, et capietur in sagena mea.(Ezechicl, xn, IJ.)

Haec dicit Dominus Deus : Expandam super te rete meum inmultitudine populorum multorum, et extraham te in sagena mea.(Ezechiel, xxxn, 3.)

Expandam super eos rete meum; quasi volucrem coeli dctraltamcos... (Osée, vu, 12.)

Page 79: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

LÉ PtJRGATOiBE. CHANTXXI. 6-

"o Voilà pourquoi tu as senti trembler le roc et entendu les pieux

Esprits, sur la Montagne, rendre gloireau Souverain Seigneur... Puisse-t-Il bientôt les mettre sur le

[chemin du Ciel...! »

j3 Ainsi il nous parla : et parce qu'on jouitd'autant plus de boire que plus grande est la soif,

je ne saurais redire combien il me donna de contentement.

76 Et mon Sage Duc : — « Désormais je vois le filet

qui vous enserre ici, et comment il s'ouvre,la cause qui fait trembler le Mont, et pourquoi vous vous réjouissez,

[ensemble.

79 Aie pour agréable, maintenant, que je sache qui tu luscl pour quelle raison tant de siècles gisantici tu es resté? Que cela m'apparaissc bien en tes paroles. »

8y. — « Au temps où le bon Titus, avec l'aidedu Roi des Rois, vengea les plaiesd'où avait coulé le Sang vendu par Judas,

8J portant le titre qui a le plus de durée et honore le plus,

fil. En détruisant Jérusalem lan -o de notre ère.84. Les cinq plaies de ÎS'olre-Seigneur Jésus-Christ par où

s échappa le sang du divin Maître, vendu et trahi par Judas.Tune abiit UHUSde duodecim, qui dicebaiur Judas Iscariotes.

ad principes sacerdotum. Et ait ifl.is . Quid vultis milii dare, clvgo molliscum tradam? At illi constituerunt ci triginta argenteos.(Sainl Malh., xxvi, I4-I5.)

Et abiit et locittus est cum principibus sacerdotum et magislra-libus, quemadmodum illum traderet eis.

Et gavisi sunt, et pacli sunt pocuniam illi dare. (Saint Luc,xxn, /j-5.)

Et Judas Iscariotes, itnus du duodecim, abiit ad summos sa.cer-tlotes, ut proderet cum illis. Qui audientes gavisi sunt ,•et promisc-runt ci pecuniam se daturos. (Saint Marc, xiv, IO-II.)

85. Le titre qui a le plus de durée et honore le plus : celui depoète.

O saccr, et magnus salam lalior, omnia fatoEripis, et populis douas moftalibus acvum!

(Lucaiu, La Pharsalc. IX, 980 et 81.)

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68 PLRGA.T0ÎU0. CASTO XXI

era io di là, risposo quello spirlo,famoso assai, ma non con fede ancora.

88 Tanto lu dolcc mio vocale spirto,che, Tolosano, a se mi trasse Roma,dove mertai le tempie ornar di mirlo.

91 Slazio la gente ancor di là mi noma.

Gantai di Tebe e poi del grande Achille ;ma caddi in via con la seconda soma.

g4 Al mio ardor fur semé le faville.

che mi scaldàr, délia divina fiamma

onde sono allumati piu di mille;

97 dell'Eneida dico, la quai mamma

fummi, e lu m mi nulriee poetando :

senz'essa non fermai peso di dramma.

100 E, per esser vivulo di là quandovisse Virgilio, assentirei un sole

87. « J'étais encore païen », veut dire ici l'Ame. Très appréciéau Moyen âge, le noble Stace eut sa légende et ce fut qu'il avait étéchrétien en secret.

88. Curritur ad vocem jucundam, et carmen amicacThebaidos, laetam fecit quum Matins urbem,Promisitque diem. tanta dulcedine captosAfficit ilîe animos (Juvénal, Sat. VII.)

mihi parva rura, etSpiritum Graiae tenttem CamenacParca non mendax dédit, et malignumSpernerc vulgus. (Horace, liv. 11, Ode, XVI.)

8g. Stace fut de Naples. Au temps de Dante, on le confondait avecle rhéteur toulousain Lucius Statius.

Voir Ozauam, Purgatoire, p. 35r.90. Stace remporta trois fois le prix dans les jeux albains connue

poète, les jeux albains comportant d'ailleurs non seulement unconcours de poésies mais des joules équestres, des jeux chorégra-phiques et des chants.

g3. C est l'Achilléide, inachevée, qu'il désigne ici sous cetteexpression « mon second fardeau ».

94. Une étincelle partie d'un chef-d'oeuvre suffit à éveiller laflamme du génie :

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LE PURGATOIRE. CHAMTXXI. (If)

j'étais sûr terre », répondit cet esprit,« très célèbre, mais sans foi encore.

88 Si douce fut ma voix inspirée

que, Toulousain, à elle m'appela Rome

où je méritai d'orner mon front de myrthe,

gi Stace : ainsi le monde encore là-bas me nomme.

Je chantai Thèbes, et puis le grand Achille,mais je tombai sur le chemin avec mon second fardeau.

94 La semence de mon ardeur, ce furent les étincelles

qui me réchauffèrent de la divine flamme

à laquelle se sont embrasés plus de mille autres :

97 je veux dire l'Enéide —laquelle, telle une mère

fut pour moi et me fut encore nourrice en poésie ;sans elle je ne rythmai rien qui valût le poids d'une drachme.

00 Et pour avoir vécu là-bas, alors

que vivait Virgile, je consentirais à voir passer un soleil

Poca favilla gran fiamma seconda :(Paradisà, I, '4.)

cp. Vive, precor : nec tu diviriam Aerieida tenta,Sed longe sequere, et vestigia semper adora.

(Stace, Thébaïde, XII, 816.)97. « Mère » : c'est-à-dire « faisant naître en moi » la vie poé-

tique.98. <cNourrice » : « m'élevant et m'instruisanl dans l'art d'écrire

en poésie ».99. Est enim dfachma parvulum pondus, quo utuntur medici : et

bene, quoniam Statius m suo Thebaïdos semper nititur imitariEneida Vfrgilii, non solum in numéro librorum, sed etiam in omni-bus, ut non immerito sit appellatus simia Virgilii. (Benev. d'Im.)

100. Virgile était mort une soixantaine d'années avant que Stacevint au monde.

101. Le tour du soleil à travers les signes du zodiaque, c'est-à-dire l'espace d'une année.

Ce passage lut discuté et critiqué bien des fois : il est certainqu'une âme bienheureuse ne peut souhaiter quelque retard que cesoit dans l'accomplissement de sa béatitude. Mais ici, Stace parlantà des âmes en pèlerinage et rappelant le poète qu'il aimait surÇerre et la source poétique où il puisa les joies et les gloires de

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r-0 PURGA.TORIO. CANTOXXI.

piû ch'io non dcggio al mio uscir di bando ».

i a'.) Volser Virgilio a me quesLc parolecon viso che tacendo disse : « Taei. »

Ma non puô tulto la virtû che vuole;

loi) ehé riso e pianto son tanto seguaeialla passion da che ciaseun si spicea,che mon segnon voler nei piû veraci.

109 Io pur sorrisi corne l'uom ch'ammicca;

pei'ché l'ombra si tacque, e riguardommi

negli occhi, ove il semblante piû si ficca ;

lia c : « Se tanto lavoro in bene assommi,

clisse, perché la tua faccia testeso

un lampeggiar di riso dimostrommi? »

sa vie mortelle, retrouve une expression humaine pour marquerson amour et compte qu'un an de souffrance de plus lui eût étéaisé à supporter s'il avait dû être le prix du bonheur d'avoir connuVirgile, Kien de plus noble qu'une telle amitié qui fut sa sauvegardeet le mena au Mont mystique comme il le dira plus loin; et rien deplus orthodoxe, puisque la souffrance et les sacrifices de la péni-tence gagnent le ciel aux âmes sur terre comme dans le Purga-toire, à cette seule différence que l'âme, encore unie au corps, nepent sentir avec autant d'intensité que l'âme déjà délivrée du poidsde la chair, la privation où elle est nécessairement de la Visionbéatifîque : l'âme délivrée du poids de la chair est donc plus libreet clairvoyante dans ses aspirations, en même temps que plus fer-vente en sou amour pour Dieu et mieux disposée à ressentir pro-fondément la souffrance. Stace eût volontiers gagné ici, dansl'intensité plus grande de la souffrance, le mérite du sacrifice qu'ildut faire sur terre de l'impossible rencontre avec Virgile, si celle-ci eût été possible par une heureuse simultanéité de leurs existencesterrestres.

104. Virgile dans un sentiment de modestie ne veut pas que Dantele fasse connaître à l'âme qui vient de parler de lui avec de telséloges.

io5. La volonté .-Et ad declarandam islam literam fortem est primo notandum, quod

appetitus, alius est intellectivus, alius sensitivus : et sensitivus, aliusest irascibilis, alius concupiscibilis : et sic gaudium, quod ostendi-tur per risum procedit ah appetitù concupiscihili : et planctus qui

Page 83: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

LE PIRGA.TOIRE. CHANTXXI. y]

de plus que je ne dois avant que de sortir d'exil. »

o3 Ces paroles firent se tourner Virgile de mon côté

avccunregardqui, silencieusement, médisait: «Tais-toi. »

Mais la force qui veut n'a point tout en son pouvoir :

oG car le rire et les pleurs suivent d'un tel élan

la passion d'où ils jaillissent

qu'ils savent mal obéir à la volonté—surtout chez les plus sincères.

09 Je ne fis que sourire, comme l'homme qui répond d'un signe.Toutefois l'Ombre se tut et me regardadans les yeux où l'expression se manifeste le mieux.

12 Et : — « Puisses-tu mener à bien ta grande entreprise »,

dit-il, « mais pourquoi, à l'instant même, ton visage;m'a-t-il montré l'éclair fugitif d'un sourire? »

movetur per injuriant procedit ah irascibili : et ambo isti appetitussurit de potentia sensitiva, et alter sequitur alterum. Et appetitusintellectivus qui est voluntas, et per quein regidatur appetitus sensi-tivus, non seniper est potens supra sensitimm, quia non semperirascibile et concupiscibile obedit rationi, sife rationali voluntali,quae est suum fundamentum in intellectu. (Benv. d'Ini.)

10G.Ita etiam in corporalibus motibus principium est secundumnaturam. Principium autem corporalis motus est a motu cordis :unde motus cordis secundum naturam est, et non secundum volunta-tem. {Sum. Theol., I-II, xvn, g.)

108. Le rire et les pleurs suivent naturellement les mouvementsdu coeur selon que telle ou telle affection le conduit à la joie ou àla peine, et principalement chez les sincères qui n'ont pas coutumei mettre un masque sur leurs sentiments.

m nella faccia, massimamente in due luoghi adopera l'a-nima perocchè in quelli due luoghi quasi tutte e tre le nature dell'anima hanno giunsdizione, cioè negli occhi e nella bocca...

L'anima... dimostrasi negli occhi tanto manifesta che conoscer sipub la sua présente passione chi bene la mira. (Dante, Convivio, III,

112. Stace adjure Dante par le sublime voyage entrepria. Nulappel à la sincérité ne peut être plus pressant. Stace ne donne-t-ilpas trop d'importance à un sourire? Non, car ici rien ne doit avoirde place qui soit futile, c'est le règne de la vérité, et l'âme doit y êtredépouillée de toute vaine expression.

114. Un sourire bref comme l'apparition de l'éclair.

Page 84: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

y a PURGATORIO. CANTOXXI.

11 5 Or son io d'una parte e d'altra preso :

l'una mi fa tacer, l'altra seongiuraoh'io dica ; oncl'io sospiro, e sono inteso

118 dal mio maestro; e : « Non aver paura,mi disse, di parlai'; ma parla, e digli

quel ch'ei domanda con cotanta cura ».

121 Ond'io : « Forse che tu ti maravigli,antico spirto, del rider ch'io fei;ma piû d'ammirazion vo' che ti pigli :

124 questi che guida in alto gli occhi miei

è quel Virgilio dal quai tu togliestiforza a cantar degli uomini e de' Dei.

127 Se cagion altra al mio rider credesti,lasciala per non vera, ed esser credi

quelle parole che di lui dicesti ».

i3o Già si chinâva ad abbracciar li piedial mio dottor; ma egli disse : « Frate,non far, ché tu se' ombra, ed ombra vedi ».

] 33 Ed ei surgéndo : « Or puoi la quantitate

comprender dell'amor ch'a te mi scalda,

quando dismento nostra vanitate,

136 trattando l'ombre corne cosa salda ».

117. Dante ne peut mentir à Stace. Il ne veut point désobéir àVirgile : il trouve l'expression qu'il faut dans un soupir.

131. Et cecidi ante pedes ejus, ut adorarem eum. Et dicit

Page 85: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

LE TURGATOIRE. CHANTXXI. ~]'S

IJ Me voilà, à cette heure, pris de part et d'autre ;

l'un me fait taire, l'autre me conjurede parler... Alors je soupire, et je suis compris

18 de mon Maître, et : « N'aie pas peur »,

me dit-il, « de parler, mais parle, et fais-lui savoir

ce qu'il demande avec tant d'instance... »

21 Et donc moi : — « Peut-être t'étonnes-tu,

Esprit antique, de.ee sourire que j'ai laissé paraître ?

Mais je veux qu'un plus grand étonnement te saisisse.

24 Celui-ci qui dirige mes regards vers les hauteurs,c'est ce Virgile de qui tu as reçula hardiesse de chanter les hommes et les dieux.

27 Si tu as cru voir à mon rire quelqu'autre cause,

abandonne-la, elle n'est point vraie, et croisque j'ai souri seulement

aux belles paroles que tu disais de lui. »

3o Déjà il se penchait pour embrasser les piedsde mon Maître, mais celui-ci lui dit : — « Frère,ne le fais point, car tu es une Ombre et tu vois une Ombre. »

33 Et lui, se relevant : — « Tu peux à présent

comprendre l'immensité de l'amour qui pour toi m'enflamme,

puisque j'oublie que nous sommes formes vaines,

36 traitant les Ombres comme corps de chair.

mihi : Vide ne feceris : conservus tuus sum. (Apocalypse, xix, 10.)i3a. Quasi dicat : uterque nostrum est anima separata intangibi-

lis, insensibilis. (Benv. delm.)

Page 86: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

CANTO XXII

i Già cra l'angel dietro a noi rimaso,

l'angel che n'avea volti al sesto giro,avcndomi dal viso un colpo raso ;

4 e quci ch' hanno a giustizia lor disirodotto n'avea beali ; e le sue voci

con sitiunt senz'altro ciô fornîro.

"- Ed io, phi lievc che per l'altre foci,m'andava si, che senza alcun labore

seguiva in su gli spiriti veloci ;

i o quando Virgilio cominciô : « Amore

acceso di virtù sempre altro accese,

3. Dante désigne avec force sous le mot colpo, — qu'il faut bientraduire par : blessure, — les stigmates des sept péchés capitauxgravés sur son front par la pointe de l'épée de l'Ange, gardien duP urgatoire, au seuil de la Montagne mystique.

4. Quaerite ergo primum regnum Dei, et justifiant ejus, et haec orn-nia adjicientur vobis. (Saint Mathieu, vi, 33.)

5. IVe Béatitude, dans le Sermon sur la Montagne :Beati qui esuriunt et sitiunt justitiam, quoniam ipsi saturabun-

tur. (Saint Mathieu, v, 6.)6. L'Ange n'avait point chanté toute la béatitude, c'est-à-dire il

avait omis 1' « esuriunt », ceux qui ont faim — pour ne rappeler queceux qui ont soif, que le « sitiunt » — opposant la soif de la Jus-

Page 87: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

CHANT XXII

cension au sixième Gyre. La faute et la conversion de Slave,Les personnages illustres des Limbes. — Sixième Gyre : Le pèche de

gourmandise. L'Arbre Mystique. Exemples de tempérance.

i Déjà l'Ange était resté derrière nous,

l'Ange qui nous avait dirigés vers le sixième gyre,

après avoir effacé de mon front l'une de ses blessures.

4 Et ceux-là dont le désir est tourné vers la justice,il nous les avait déclarés bienheureux, et ses paroles,avec Sitiunt sans plus, les avaient célébrés.

7 Et moi, plus léger que par les autres brèches,

je m'en allais de telle sorte, que, sans aucune peine,je suivais vers le haut les Esprits rapides,

o qifand Virgile commença : — « Un amour

incendié de force vertueuse toujours en allume un autre,

lico à celle de l'or et laissant a l'Auge du cercle suivant le soin derappeler la faim. (V. Purg., XXIY, i5i et suiv.)

j. A chaque degré, guéri d'un des stigmates — ou coups — dupéché, Dante se trouve plus léger : l'âme gagne chaque fois plus depouvoir sur le corps; l'homme spirituel, après les premier com-bats, s'avance plus aisément sur le chemin qui mène à Dieu.

II. ... Awegnachè ciascuna virtù sia amabile nell' uomo, quella«'più amabile in esso ch'è più umana; e questa è la giustizia, latjuale è solamente nellaparte razionale ovvero intellettuale, cioènellavolontà. (Dante, Convivio, Tratt. I, cap. xn.)

Quello amore ch'è impreso da virtù ha tanto potere, s'elli apparedi lui alcuno segno, che gli conviene accendere nello amato amoreinverso quello che cosi prima ama. (Anonimo Fiorentino, Comm.)

Cf. Enf., Y, -ic.3.

Page 88: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

j6 PUnGAïORIO. CANTOXXII.

pur che la fiamma sua paresse fuore,

l'i Onde dall'ora che tra noi diseese

nel limbo dell' inferno Giovenale,che la tua affezion mi fe' palese,

16 mia benvoglienza inverso te fu quale

più slrinse mai di non vista persona,

si ch'or mi parran corle queste scale.

19 Ma dimmi, e corne amico mi perdonase troppa sicurtà m'allarga il freno,e corne amico omai meco ragiona,

22 corne poté trovar dentro al tuo seno

loco avarizia tra cotanto senno

di quanto per tua cura fosti pieno? »

25 Queste parole Stazio mover fenno

un poco a riso pria ; poscia rispose :

« Ogni tuo dir d'amor m'è caro cenno.

14. Les Limbes de l'Enfer : ici Dante semble, suivant saint Tho-mas (Summ. Theol., III. Supp. 69, 5-6), les distinguer des Limbes desPatriarches de l'Ancien Testament. Au Chant IV de l'Enfer il ne faitpoint cette distinction. Au reste Virgile s'exprime ici en païen, cequi ne saurait étonner puisqu'il s'adresse à une âme antique : d'autrepart, il est incertain : c'est la peine qu'il endure.

Juuius Décius Juvenalis, le satirique latin, néàAquinum enApulifvers l'an 41s,mort vers l'an i3o de notre ère, contemporain et grandadmirateur de Slace. Dante le nomme au IVe livre dé son Convivio,chap. XII, et le cite assez longuement au même livre au chapitre xxixet dans son De Monarchia, II, 3.

Et juxta Juvenalem : « Nobilitas sola est atque unica virtiis. >>19. Non comme un admirateur retenu par quelque timidité, mais

comme un ami qui se confie librement.•20. Adrien Va dit à Virgile et à Dante que, dans le lieu où il se

trouvait, s'expiait le péché d'avarice. Ils ne savent pas encore que lafaute contraire s'expie au même endroit : or le vice d'avarice né peutconvenir à un grand coeur. Dante l'écrit au Convivio :

Page 89: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

LE PURGATOIRE. CHANT XXIÎ. 77

si seulement sa flamme transparaît au dehors.

3 C'est pourquoi» dès lors que parmi nous descendit

Juvénal dans les Limbes de l'Enfer,

et qu'il m'eut l'ait connaître ton affection,

6 mon bon vouloir, en retour, fut pour toi tel,

que jamais attachement plus fort n'étreignit un coeur pour l'être

[qu'on n'a point vu,

si bien que, dorénavant, courts me paraîtront ces degrés.

g Mais dis-moi — et, comme ami, me pardonnesi trop d'assurance me libère du frein,et comme ami, désormais, parle avec moi :

a Comment en ton sein put-elle trouver

asile, l'avarice, avec la profonde sagessedont tu fus soucieux de l'emplir? »

j Ces paroles firent s'émouvoir Stace,d'abord un peu jusqu'au rire; puis il répondit :— « Tout ce que tu dis m'est un signe précieux de ton amitié.

Quclli... ianto sono pronti ad avarizia che da ogni nobiltà d'animoli rimuove. (Conviv., I, g.)

Ainsi, Virgile s'étonne que Slace ait pu être retenu par des lienspeu faits pour un poète. Il en a manifestement de l'ennui ; c'est pour-quoi il l'interroge avec tant de douceur et de précaution.

ï?\. « La sagesse, l'élévation de l'esprit que tu recherchas sanscesse par ton long effort, ton soin assidu... »

.'.G.L'étonncmcnt de Virgile, l'erreur où il ne veut point demeurer,font sourire Stace.

Fatuus in risu exaltât vocem suam; vir autem sapiens vix taciteridebit. (Ecclesiast., xxi, a3.)

Si conviene ail' uoino, a dimostrare la sua anima nell' allegrezzamoderata, moderatamente ridere con un onesta severità e con pocomovimento délie sue membra. (Conviv., III, 8.)

Ahi, mirabile riso délia mia donna... che mai non si sentia se nonàeW occhio!(Conviv., III, 8.)

Page 90: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

j8 PLRGATOIUO. CANTO XXII.

28 Veramente più volte appaion cose

che danno a dubitar falsa matera,

per le vere ragion' che sono ascose.

3 1 La tua domanda luo creder m'avvera

esser ch' io fossi avaro in l'altra vita,f'orsc per quella cerchia dov'io cra.

34 Or sappi che avarizia lu partita

troppo da me ; e qucsta dismisura

migliaia di lunari hanno punila.

3j E, se non fosse ch'io drizzai mia cura,

f|iiand'io intesi là dove tu chiame,crucciato quasi all'umana natura,

4o' Per che non reggi lu, o sacra famé

dcH'oro, l'appetito dei mortali?'

vollando senlirei le giostre grame.

43 Allor m'accorsi che troppo aprir l'ali

polean le mani a spendere ; e pente'micosi di ([uel corne degli altri mali.

,\6 Quanli risurgerau coi criniscemi

per ignoranza, che di questa pecca

j">. Vii-ltis est médium viliorum, et utrinque reduelum.

(Horace, Epitre I, XVIII, 9, à Lollius.)ïf>. Plus de ïoo ans, donc environ G.000 lunes.40. ... Quid nonmortalia pectora cogis,

Ami sacra famés ?..,(Virgile, Enéide, III, SG-îy.)

Cf. Arislole, Ethique, IV, 1.Les prodigues comme les avares ont une exécrable soif de l'or :

les uns pour le jeter sans mesure au gré de leurs éphémères plai-sirs, les autres pour le garder enfoui c'est-à-dire à l'écart de tout lebien qu'ils en pourraient faire.

4i. L'appétit : ici le vouloir; par extension, la volonté de posséderl'objet désiré.

4J. Stace veut dire que s il n'avait lu et médite le passage Hi'l'Enéide qu'il cite et qui fut le principe de son amendement, il du-

Page 91: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

LE PURGATOIRE. CHANTXXII. J9

8 A la vérité, les choses ont fréquemment une apparence

qui offre au doute un aliment trompeur

parce que les vraies causes sont cachées.

i Ta question me laisse voir que ta croyanceest que je fus avare en l'autre vie :

peut-être à cause de ce cercle où j'étais?

j Or, sache qu'avarice fut étrangère,

par trop, à mon coeur, et cet excès,(1rs milliers de lunes l'ont puni.

- Et si ce n'eût été que je redressai ma conduite

lorsque j'en vins à comprendre le passage où tu t'exclames,comme courroucé contre l'humaine nature :

o « Par quels chemins ne mènes-tu point, o exécrable faimde l'or, l'appétit des mortels? »

tournant les lourdes pierres, je sentirais le heurt des joutes infer

[nalcs.3 Alors, je m'aperçus qu'en un trop large vol

les mains pouvaient s'ouvrir, prodigues, et je me repentis,aulant de cela, comme de mes autres fautes.

G Combien ressusciteront, les cheveux rasés,à cause de leur ignorance qui, d'un tel péché,

vinit à cette heure sentir dans ILiile!- lu poids de;- unisses qu'yroulent, les uns contre les autres, par l'effort de leur poitrine, lesavares et les prodigues, et la douleur du heurt éternel de leursdeux groupes qui en viennent à chaque tour à la même rencontrecruelle. (Cf. Enfer, VII, 35.)

4'3.Les ailes des mains, les ailes des yeux (Purg., X, aï) : leuressor, leur élan à la suite de la volonté.

46. Le prodigue a, en enter, les cheveux coupés, réalisant ainsi àla lettre l'image du vieux dicton italien : Dissipato flno ai capelli :ruiné jusqu'aux cheveux.

47. Les scolastiques retiennent comme coupable cette ignorancequi pourrait être combattue par l'exercice de la raison, mise enmouvement et guidée par la volonté de mieux faire.

Manifestum est autem quod quicumque negligit haberc vcl facercid quod tenctur haberc vcl facerc, peccat peccato omissionis : undc

Page 92: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

8o PURGATORIO. CANTOXXII.

toglie il pentér vivendo, e negli estremi I

49 E sappi che la colpa che rimbecca

per dritta opposizlone alcun peccato,con esso insieme qui suo verde secca.

5 2 Perô, s'io son. ira quella gente stato

che piange l'avarizia, per purgarmi,

per lo contrario suo m'é incontrato»,

55 Or : « Quando tu cantasti le crude armi

délia doppia tristizia di Iocasta,disse il Canlor de' bucolici carmi,

58 per quel che Clio li con teco tasta

non par che ti facesse ancor fedele

la le, senza la quai ben far non basla.

propter negligentiam ignorantia eorum quae aliquis scire tenetur.est peccatum. Non autem imputatur homini ad negligentiam, si nes-ciat ea quae scire non potest : unde horum ignorantia « invincibilis »dicitur, quia studio superari non potest; et propter hoc talis igno-rantia, cum non sit voluntaria, eo quod non est in potestate nostvaeam repellere, non est peccatum. Ex quo patet quod nulla ignorantiainvincibilis est peccatum ; ignorantia autem vincibilis est peccatum.si sit eorum quae aliquis scire tenetur, non autem si sit eorum quaequis scire non tenetur. (Saint Th. d'Aquin, Summ. Theol., I-IJ, 76-2.)

5i. « Sèche son bois vert » : dépouille ici sa trop grande luxu-riance, sa croissance trop vive non combattue à temps.

55. Le combat fratricide d'Etéocle et de Polynice, /ils d'OEdipe clde Jocaste, pour le trône de Thèbes où ils devaient monter tour àUnir chacun une année. Malgré l'accord accepté par Etéocle, celui-ci,ayant régné son année ne voulut point céder sa place à son frère, cequi fut la cause de la guerre dite des Sept chefs, parce que les septrois de la Grèce y prirent pari sous la conduite d'Adraste, roid'Argos, de qui Polynice avait épousé la fille.

56. Jocaste, fille de Créon, roi de Thèbes, — femme de Laïus clmère d'OEdipe — puis, sans le savoir, femme de son propre filsauquel elle donna quatre enfants : Etéocle el Polynice, Antigone clIsniènc.

La double misère de Jocaste : Etéocle et Polynice, ces deux filsjumeaux nés de l'inceste el qui, disent les poètes, s'étaient haïs dèsle sein maternel. Double misère, double douleur, du point de vuemoral à cause de la fatale union où ils avaient trouvé leur origine, età cause de la haine mutuelle qui les conduisit au trépas.

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LE PURGATOIRE. CHANTXXII. Si

leur ôtc le repcnlir au cours de la vie et jusqu'à l'heure dernière !

g Et sache que la faute qui donne la réplique,

par opposition directe à^quelque péché,avec ce péché même, ici, sèche son bois vert.

2 Et donc, si j'ai dû demeurer parmi ces gens

qui pleurent leur avarice, afin d'y accomplir mon expiation :

pour un défaut contraire au leur, cela m'est advenu. »

o — « Or, quand tu chantas les combats cruelsdes deux fils, double affliction de Jocaste »,dit le Chantre des poèmes bucoliques,

8 « selon ce que Clio touche là, avec toi, sur sa lyre,il ne semble point qu'elle te tint déjà parmi ses fidèles,cette Foi, sans laquelle bien faire ne suffit pas?

5j. Par opposition avec la dureté du sujet de la Thébaïdc, le poèterappelle ici la douceur des Bucoliques

Molle atque facetumVirgilio annuerunt gaudentes rure Camoenac.

(Horace, Satires, liv. 1, x, 44-45-)58. Clio, la muse de l'histoire, que Stace invoque afin qu'elle lui

vienne en aide et raconte avec lui le tragique événement :Quem prius heroum, Clio, dabis?

(Stace, Thébaïde, liv. I, 41)Nunc, âge, quis stimulos et pulchrae gaudia mortisAddiderit juveni [neque enim haec absentibus unquamMens homini transmissa Deis) mentor incipe Clio,Saecula te quoniam pênes et digesta vetustas.

(Stace, thébaïde, liv. X, 6u8 et suiv.)(io. La Foi chrétienne : la douleur de Virgile, qui se croit àjamais exilé des récompenses éternelles, paraît en ce vers émouvant.

C'est sur ce doute et celle douleur qu'est construite la fictionpoétique de la Divine Comédie, concernant les justes de la gentilitéantique, car ce n'est point nécessairement que l'efficacité de laRédemption se ferait tant attendre pour eux. Rien n'oblige de croireque la descente de Jésus-Christ dans les Limbes, avant sa résurrec-tion, ait eu lieu pour la seule délivrance des justes de l'AncienneLoi. Mais ne pouvant, en toute équité, prendre leur part des peinesinfligées aux âmes des fidèles pour leur purification, d'après des loismorales qui ne pouvaient être les leurs, rien ne heurte l'esprit ni laraison dans l'opinion du Poète qui veut que leur entière justificationsoit obtenue par une longue attente des biens éternels, attente où

LE PURGATOIRE. II. o'

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PiaiGATOIUO. CANÎO XXU.

61 Se cosi è, quai sole o quai candele

ti stenebraron si, che tu drizzasti

poscia diretro al Pescator le vêle ? »

64 Ed egli a lui : « Tu prima m'inviasti

verso Parnaso a ber nelle sue grotte,c poi, appresso Dio, m'alluminasti.

6~ Facesti corne quei che va di notte,che porta il lume dietro, e se non giova,ma dopo se fa le persone dotte :

70 quando dicesti ' Secol si riunova ;

toute leur souffrance vient d'un profond amour dont ils ne croientpoint qu'il atteigne jamais 60n objet, amour sans espoir qui peutbien être considéré comme le plus grand des tourments.

La Foi nécessaire : en saint Paul, Epitre aux Hébreux, xi, 6 :Sine fîde autem impossibile est placere Deo. Credere enim opoitct

accedentem ad Deum, quia est, et inquirentibus se remunerator sit.61. « Quel soleil » : quelle inspiration divine.

« Quels flambeaux » : quels enseignements humains.63. Ambulans autem Jésus juxla mare Galilaeae, vidit duos

fratres, Simoncm, qui vocatur Petrus, et Andraeam fratrem ejus.mittentes rete in mare (erant enim piscatores).

Et ait illis : venite post me, et faciam vos fieri piscatores hominum.(Ev. saint Mathieu, iv, 18-19.)

Après la Pêche miraculeuse, dans la barque, Jésus dit à Pierreprosterné devant lui :

Noli timere : ex hoc jam komines eris capiens. (Ev. saint Luc, v, 10.)05. Le Mont Parnasse, en Grèce, à la lisière de la Phocide, non

loin de Delphes, et consacré à Apollon et aux Muses.Orné d'oliviers, de lauriers, de pins, de cyprès et de myrthes,

égayé de sources, il fut l'image constante de l'inspiration poétique.70. Virgile dans sa IVe églogue :

Ultima Cumaei venit jam carminis aetas :Magnus ab integro saeclorum nascitur ordo.Jam redit et Virgo, redeunt Saturnia régna;Jam nova progenies caelo demittitur alto.Tu modo nascenti puero, quo ferrea primumDesinet, ac toto surget gens aurea mundo,Casta, fave, Lucina : tutis jam régnât Apollo.

si qua manent sceleris vestigia nostri,Irrita perpétua solvant formidine terras.

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LE PUhGAfoiRE. CHANT xxit. 83

61 S'il eu est ainsi, quel Soleil ou quels flambeaux

te délivrèrent des ténèbres si bien, que tu dressas,

depuis, tes voiles, prenant le sillage de la barque du Pêcheur? »

64 Et lui à mon Maître : — « Toi le premier tu m'as mis sur la voie

qui mène au Parnasse afin que je boive aux sources de ses grottes,et puis, après Dieu, c'est encore toi qui me vins éclairer.

- Tu fis comme celui qui marche dans la nuit

et porte derrière lui la lumière et n'en garde rien pour lui-même,mais donne l'avertissement à ceux qui le suivent :

0 Et ce fut par le passage où tu dis : « Le Siècle se renouvelle,

Me deûm vilam accipiet, divisque videbilPcrmixtos heroas, et ipse videbitur Mis,Pacatumque reget patriis viriutibus orbem.At tibi prima, puer, nullo munuscula cultu, _Errantes hederas passim cum baccare tellus,Mixtaque ridenti colocasia fundet acantho.

Ipsae lacté domum réfèrent distenta capelineÛbera ; nec magnos metuent armenia leones.

Ipsa tibi blandos fundent cunabula flores,Occidet et serpens, et fallax herba veneniOccidet; Assyrium ndgo nascetur amomum.

(V. l\ et suiv., T. i'J cl suiv.)Dante, avec tout le Moyen âge, vit en cette IVe églogue une

inconsciente prophétie du Messie et de sa Loi. De merveilleuseslégendes, nées de celte croyance, ajoutaient encore à sa force et à sapoésie. De là, le choix de Virgile par Dante afin qu'il fût son guidespirituel jusqu'au seuil du Paradis. (V. A. Bcllessorl, Virgile, sonOVOTCet son temps. Librairie académique Perrin.)

Des analogies existent certainement avec la Prophétie d Isaïe,rhap. xi, 1-8 :

Et egredietur virga de radiée Jesse, et flos de radiée ejus ascendel.Et requiescet super eum spiritus Domini, spiritus sapientiae, et

inlellectus, spiritus consilii et forlitiidinis, spiritus scientiae, etpietatis... Et erit justifia cingulum lumhorum ejus : et fîdes cinctoriitmicnum ejus.

llabitabit lupus cum agno : et pardus cum haedo accubabit :vittilus et leo et ot'is simul morabunlur, et puer parvulus minabit cos.Yituhis et ursus pascentur; simul requiescent catuli corum : et Icoquasi bos, comeaet paleas. Et dclectabitur infans ab uberc superfovamine aspidis : et in caverna reguli, qui ablactatus fitcrit, manumsuam mittet.

Page 96: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

84 l'unGAïônio. — CAKTO xxii.

torna giustizia, e primo tempo umano,e progenie discende dal cielnuova'..

-3 Per te poeta fui, per te cristiano.

Ma perché veggi me' ciô ch'io disegno,a colorar distenderô la raano.

76 Già era il mondo tutto quanto pregnodélia vera crcdenza, seminala

per li messaggi dell'eterno regno ;

jr> e la parola tua sopra toccata

si consonava ai nuovi predicanti,ond'io a visitarli presi usata.

8n Vennermi poi parendo tanto santi,

che, quando Domizian li perseguette,senza mio lagrimar non fur lor pianti.

85 E mentre che di là per me si stetle,io li sovvenni ; e lor dritti costumi

1er dispregiarc a me tutte altre seLtc.

88 E pria ch'io conducessi i Greci ai iiunii

di Tebc poelando, ebb' io batlesmo ;

-S. Les Apôtres et les autres disciples de Jésus.8-i. La vie sainte des premiers chrétiens, apportée en preuve de la

divinité de la Foi chrétienne. (V. Origènc, Apologie du Christianismecontre Celse.)

83. Titus Flavius Doniitieii, deuxième (ils de Vespasien et doFlavia Domitillia, succéda dans l'empire à Titus Sun frère et régnade l'an 8u à l'an 96. Eusèbe dans ses Chroniques, Tertullien dans son

Apologétique, ainsi que d'autres historiens de l'Eglise rapportentcombien cruellement il persécuta les chrétiens.

84. Gaudere cum gauaentibus, f/erc cum flentihus : Idipsum invieemsentientes. (Saint Paul, aux Romains, xn, i.5-iC.)

88. Les fleuves de Thèbes : l'Ismènc et l'Asope. A la lin de sa

Thébaïde, Stace conduit l'armée des rois grecs sur les bords de cesfleuves; il veut marquer ici qu'il n'avait point encore achevé saThébaïde.

8g. La conversion au christianisme et le baptême de Stace peuventêtre ici une simple fiction poétique utile à Dante pour faire traverser

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LE PURGATOIRE. CHANT XX[1.

la Justice revient avec les premiers âges de l'humanité,

cl. une jeune race descend du Ciel. »

-;') Par toi je fus poète, par toi chrétien.

Mais afin que tu voies mieux ce que j'esquisse,

j'étendrai la main pour y ajouter la couleur.

-(i Déjà le monde tout entier portait le germe fécond

de la vraie croyance semée

par les messagers de l'éternel Royaume,

-() et ta parole que je citais tout à l'heure

s'accordait avec celle des nouveaux prédicateurs :

d'où je pris coutume à les visiter,

8y. Puis tant ils en vinrent à me paraître saints,

que, lorsque Domitien les persécuta,leurs pleurs ne coulèrent point sans que n'y fussent mêlées mes

[larmes.85 Et tout le temps que dura mon séjour sur terre,

je les secourus, et leurs moeurs si droites

me firent mépriser toutes les autres sectes.

88 Et, avant que je n'eusse conduit les Grecs aux fleuvesde Thèbes en mes vers, je reçus le Baptême.

par l'âme de ce juste les cercles mystiques du Purgatoire. Maispeut-être aussi le Poète avait-il trouvé dans l'oeuvre de Stace, qui luiétait chère, certains sentiments, certaines pensées par où ellesemblait sortir de la l'orme coutumière païenne et incliner vers lafoi nouvelle, sentiments et pensées qui y sont réellement et pouvaientbien donner naissance à l'idée d'une conversion secrète. La marchefiun juste par les demeures mystérieuses de l'au-delà fut un sujetfamilier aux écrivains du Moyen âge; on en trouve plusieursexemples.

Au reste l'opinion chère à Dante, et qu'il ne veut exprimer qu'avecménagement, c'est le salut accordé aux âmes des. antiques sages,même dans l'ordre païen, en quoi il se trouve d'accord avec saintlhomas d'Aquin, bien qu'en contradiction avec l'opinion la plusordinaire à son époque. Et peut-être faut-il chercher là, dans sondésir d'habituer les esprits à cette opinion satisfaisante, la raison desa fiction poétique du Stace chrétien, si nous devons admettre qu'ily ait eu de sa part simple fiction poétique.

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86 PURGA.TORIO. CANTOXXII.

ma por paura chiuso crislian fu'mi,

91 lungamente mostrando pagancsmo ;e questa tepidczza il quarto ccrchio

cerchiar mi fe' più ch'al quarto centesmo.

94 Tu, dunque, che levato liai il copeiohioche m'ascondeva quanto bene io dico,m entre che del salire avem soperchio,

9- dimmi dov'é Terenzio nostro antico,

Cecilio, Plauto e Varro, se lo sai ;dimmi se son dannati, edin quai vico ».

100 « Costoro, e Persio, ed io, ed altri assai,

92. Le quatrième cercle : la quatrième corniche, celle où sonlchâtiés les paresseux, les urnes de ceux qui négligèrent d'aimer Dieuet de le servir.

95. V. Purgatoire, XVIII. Les âmes des négligents courent, volentsur les ailes de l'amour autour du Mont.

94. Sed usque in hodiernum diem, cum legitur Moyses, velamen

positum est super cor eorum. Cum autem conversus fuerit ad Dominum,auferetur velamen. (Saint Paul, IIe Lpître aux Corinthiens, m, 1S-16.I

93. Puisque c'est par Virgile que Stace dit être revenu à la vraiefoi, c'est donc lui qui a été la cause de tout le bien qu'il voit et peutredire.

96. «. On pourrait se demander pour quelle raison Dante imagine icet endroit que Stace s'enquiert de Térence, de Cécilius et d'autrespoètes latins mineurs, alors qu'il ne semble point se soucier dans lemême temps d'Ovide, d'Horace et d'autres qui le précédèrentaussi et furent beaucoup plus célèbres. Mais c'est que Térence,Piaule, Cécilius et Varron, de qui la poésie n'a rien de commun aveccelle de l'auteur de la Thébaïde, représentèrent vivement, dans leurscomédies ou leurs satires, l'inutile et mauvaise vie de riches jeuneshommes, prodigues de leur argent auprès des courtisanes et parmi devils flatteurs. L'intérêt que témoigne Stace à de tels auteurs lui estcertainement dicté par une certaine gratitude envers eux qui, à lasuite de Virgile — et de toute autre façon — lui inspirèrent néan-moins l'horreur d'une fausse prodigalité. Virgile, de même, dans saréponse, rappellera à son tour Persius, maître de sévère moralestoïque, voisine presque d'un sentiment chrétien, et quelques poètesgrecs qui enseignèrent la plus parfaite droiture des moeurs, repré-sentant la^vie telle qu'elle est réellement » (D'après Giov. Feder-zoui. Corn. Div. C'om.i

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LE PURGATOIRE. CHANTXXII. 87

Mais, retenu par la peur, je fus chrétien en secret,

1 montrant encore longtemps les signes extérieurs du paganisme ;et cette tiédeur, dans le quatrième gyre,m'a fait marcher à l'entour durant plus de quatre cents ans.

4 Toi donc, qui as levé le voile

par lequel m'était caché le Bien Suprême que je dis,

pendant que ce chemin montant nous en laisse le loisir,

-1 dis-moi où est Térence, notre ancien,et Caecilius, Plaute et Varron, si tu le sais;dis-moi s'ils sont damnés, et en quelle région. »

0 — « Ceux-là, et Perse, et moi, et beaucoup d'autres »,

97. Publius Terentius Afer, poète comique latin, épris des lettresgrecques, en particulier des oeuvres de Ménandre. Né à Carthage, versl'an 190 av. J.-C, mort vers l'an 160. Enlevé tout enfant par despirates, et emmené à Rome, il est vendu comme esclave à un sénateurqui le fait élever, l'affranchit et lui donne son nom. Très jeune, ilécrit sa première comédie, qui fut jouée en l'an 58? de Rome. Six deses Comédies nous sont restées, élégantes et aiguës.

98. Cécilius, d'origine gauloise, fut aussi un poète comique. Ilmourut l'an 168 av. J.-C. Cf. Cicéron, De opt. Gen. or., I, -i, ad Att.vin, 3-io. Horace, Ep. II, 1, 59. — Piaule naquit à Sarsina versl'an a54 et mourut l'an 184 après avoir écrit un grand nombre decomédies dont vingt et une nous sont restées. Marius Terentius Var-ro, né à Rieti, l'an 116 av. J.-C. et mort fort vieux l'an 27, célèbremidil, à qui César confia le soin de constituer la bibliothèque qu'ilvoulait ouvrir au public. De son vivant il vit son buste érigé devantune bibliothèque qu'il avait fondée sur le Mont Aventin.Ce fut un hom-me éminemment moral qui écrivit entre autres choses unïraité d'Agri-culture et les Satyrae Menippeae.

A moins qu'il ne s'agisse ici de P. Terentius Varro, Atacinus,autre poète latin, né a Narbonne, vers l'an %i av. J.-C. et qui tirason surnom de la rivière d'Aude —Atax — et s'exerça dans l'épopée,la poésie didactique, l'élégie, et la satire?

99. Il est juste que le souvenir affectueux de Stace se porte versces esprits païens chez qui il trouva quelque bien et qu'il peut croireperdus à jamais.

100. Aulus Persius Flaccus, poète satirique latin, né à Volterre,en Etrurie, l'an de Rome 18G (34 de notre ère), mort en 62. Il étaitlils d'un chevalier romain. Il étudia la philosophie chez le stoïcienCornutus. Et là il eut pour condisciple le poète Lucain qui l'encon-

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88 PLRGATOIUO. CANTO XXII.

rispose il duca mio, siam, COQquel Greco

che le Muse lattàr più ch'altro mai,

io3 nel primo einghio del carcerc cieco.

Spesse fiale ragiomam del monte

che semprc ha le nutrici nostre seco.

106 Euripide v'é nosco, ed Autifonte,

Simonide, Agatone ed altri piùeGreci che "ià di lauro ornàr la fronle.o

109 Quivi si veggion délie genii lue

Anligonc, Deifile ed Argla,

ragea à la poésie. Il composa quelques satires qui eurent un grandsuccès. Virgile le nomme ici, sans doute à cause de sa pensée élevée,des senliments chaleureux qu'il laisse voir dans ses écrits et de sudroiture morale.

En dehors de tout autre dessein, il est certain que le Poète prendplaisir ici à nous conduire dans sa bibliothèque. Cette remarquevaut pour toute la Divine Comédie. Dante aima ce qu'il lut et il placeses auteurs et leurs livres dans son poème comme on plante les arbrespréférés dans son jardin.

TOI. Homère.Quia tantum débet Virgilius ffomero, quantum. Statius Virgilio,

Unde Vitruvius libro de Architectura, non solum vocat Homerumdivinum, sed quemdam deum eloqueniiae, ideo non plura dico de eo.(Benv. de Imola.)

io3. Virgile appelle les Limbes : « aveugle prison ». C'est qu'ils'y trouve renfermé et privé de la lumière de son âme, alors que soudésir éveillé le porte vers la Vision béatiflque à laquelle il pense avecdouleur ne pouvoir jamais accéder.

Quia et Christus semel pro peccatis nostris mortuus est, justus proinjustis, ut nos offerret Deo, mortificatus quidem carne, viviflcatusautem spiritu.

In quo et his qui in carcere erant spiritibus veniens praedicavit;Qui increduli faérant aliquando, quando expectabant Dei patien-

tiani in diebus Noë, cum fabricaretur arca. (I Epit. saint Pierre,m, 18 et suiv.)

Saint Pierre donc, dans sa première épître avait aussi désigné lesLimbes sous le nom de prison comme saint Jean le fait de YEnferdans son Apocalypse (xx, 7).

104. Le Mont Parnasse. La fable rapporte que les Muses nourris-saient les poètes dans leurs demeures sur le Parnasse.

106. Euripide : le troisième des grands poètes tragiques grecs :

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LE PURGATOIRE. CHANT XXII. 8()

répondit mon Duc, « nous sommes avec ce Grec,

lequel plus que tout autre jamais allaitèrent les Muscs,

OJ dans la première enceinte de l'aveugle prison.Bien des fois nous devisons de la montagneoù demeurent encore ces nourrices qui furent les nôtres.

o(i Euripide est avec nous, et Antiphon,Simonide, Agathon, et plusieurs autres

Grecs qui naguère ornèrent leur front du laurier.

09 Là se voient de tes héroïnes;

Antigonc, Deiphile et Argia,

né à Salamine, l'an 480 avant J.-C, le jour de la victoire remportéesur les Perses.

Dans toutes ses oeuvres, transjiaraît un sentiment moral d'unegrande rectitude. Socrate l'aima. Il mourut à luge de 73 ans, dansla Macédoine, où il se trouvait à la cour du roi Archelaûs. Antiphonfut aussi un poète tragique. Né à Athènes il perdit la vie à Syracuse,condamné par Denys le Tyran.

107. Simonide, poète et philosophe grec, de Julis, dans l'île deCéos, né en 558 av. J.-C, mort en 468, eut la faveur de plusieursprinces. Il chanta les athlètes et les dieux. Il passe pour avoirajouté une 8e corde à la lyre et 4 lettres à l'alphabet grec : »), to, ï, (J/.

Ses oeuvres les plus renommées : les Thrcnes, une émouvanteElégie sur Danaé et quelques Inscriptions.

Peut-être, aussi, s'agit-il ici d'un autre Simonide : Simonided'Amorgos (664 av. J.-C), ainsi désigné à la coutume bien quené dans Samos, fut un célèbre poète grec d'une haute droituremorale, lié d'amitié avec Euripide et avec Platon. Agathon : autrepoète dramatique grec, du même temps, dans Athènes.

109. Virgile va parler à Stace de quelques nobles figures de jeunesfilles et de femmes qui animent sa Thébaïde et son Achilléïde.

110. Antigone, la douce et héroïque fille d'OEdipe et de Jocaste,soeur d'Ismène charmante aussi, moins héroïque qu'Antigone, maisqui dut supporter le poids d'autant de douleurs. Si Virgile nommeAntigone avant toute autre, c'est qu'elle eut dans le monde païen lesplus hautes vertus dont se puisse enorgueillir une âme chrétienne :fille et gardienne de son père qui s'était fait aveugle de ses propresmains lorsqu'il avait connu son irrépar ble erreur, elle ne rechercherien pour elle-même si ce n'est l'austère joie des devoirs accomplis ;quoi de plus saint que la recherche qu'elle fait des corps de sesfrères Etéocle et Polynice ? Quoi de plus touchant que les consolationsattentives qu'elle prodigue à son père dans le bois sacré de Colone ?

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qO PLRGATORIO. CANTOXXII.

fd Ismene si trista conw fue.

lia Vcdesi quella chc mostrô Langla;evvi la figlia di Tiresia c Tcti;

ANTirONH :ITaTSOjiij.6v TÛO'vi îjauyia flâaiy apposai,

yepaiiv i; ylpa. afitiasâv-poyXîvaç <piX(avE;j.âv.

(Euripide, OL'dipe à Colone, 189 et suiv.)AKTIGONR:— « Mou père... ce Boin me regarde... N'aie pas peur : accorde

doucement ton pas au mien... appuie sur ma main amie ton corpsaffaibli par l'âge. »

Deiphile : fille d'Adraste, roi d'Argos, femme de Tydée roi del'antique Calydon, — un des « Sept » contre Thèbes, — et mère deDiomèdc.

Argia : soeur de Deiphile et femme de Polynice en faveur de quifut entreprise lu guerre contre Thèbes : elle fut mise à mort pouravoir, avec Antigone, enseveli le corps de son époux. Rien de plusémouvant que la rencontre des deux jeunes femmes dans la nuit, surla plaine de Thèbes, à la recherche du même corps, loraqu'Argiu'jette son voile sur son visage en même temps que sur celui de suuépoux gisant.

... Si misera es, certe lacrimas lamentaque cerno.Junge, âge, junge fidem : proies ego régis Adrasti :

(Stace, Théb., liv. XII, 377.)Deiphile, Argia : Virgile les réunit ici, parlant d'elles à leur poète,

comme celui-ci les avait réunies lui-même dans les beaux vers oùil chante l'aurore de leur destinée, le jour de leur première entrevu:;avec Tydée et Polynice :

utraque virgoArcano eçressae thalamo, mirabile visu...

(Stace, Théb., liv. I, 533-.'i,i.)III. Ismène : la soeur d'Antigone. Déjà attristée de sa naissain::'

tragique, elle voit encore mourir tous les siens et jusqu'à son fiaucc.ISMHNH :A!at SucTdcXce.var.oTOT]T'aufîiç tôç' 6(i£|j.o;0:7:000;atîôîva -Aâaov' EÇO;

(OEdipe à Colone, 17^.; et suiv.)ISMÈNE;« ... Hélas, infortunée.' comment supporterais-je encore la triste

vie, ainsi abandonnée et sans aide? »1ii. Hypsipile, fille de Thoas roi de Lemnos, qui montra aux héros

grecs la fontaine de Langia près de Némée (Y. La Thébaïde, Jiv. IX).Enlevée par trahison, elle avait été vendue à Lycurgue, roi de Xeruée,

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LE PURGATOIRE. CHANT XXII. 9I

et, Ismène, aussi triste qu'elle le fut autrefois,

s Ou y voit celle qui fit connaître la source de Langia ;là encore sont la fille de Tirésias etThétis;

qui lui confia un de ses enfants, le petit Ophelte. Dans le tempsqu'elle menait les Grecs à la fontaine, ayant laissé l'enfant endormicouché dans l'herbe, un serpent survint qui le piqua cl causa samort. (Y. Purgatoire, XXVI.)

n3. La fille de Tirésias, le devin : non pas peut-être Manto quenous avons vue aux Enfers dans la bolge où sont punis les devins(XX, 55 et suiv.), mais Daphnée, autre fille de Tirésias, qui futpoétesse : c'est là ce que disent certains commentateurs. ToutefoisStace, dans ses oeuvres, n'a parlé que de Manto (Thébaïde, liv. IV,463-484); d'autre part, le Poète en ce vers écrit : « la fille deTirésias... ». Ne serait-ce pas que dans la bolge, où sont punis lesdevins, le Poète ne s'est servi du nom de Manto que pour désignerengénéral l'audace déplorable de ceux qui veulent connaître l'avenirdont Dieu seul doit garder le secret? sans pour cela engager, en quoique ce soit, dans le châtiment, le personnage réel de la fille deTirésias laquelle, au reste, païenne, ne pouvait juger l'art divinatoirepar les mêmes lois que le Poète? D'autres commentateurs pensentque Yirgile fait se rapporter ici ces paroles non aux seuls « Limbes »mais à toute la « prison obscure » qui se pourrait entendre aussi del'Enfer dont les Limbes tiennent le haut dans le Poème. Y'irgile, privédela Vision Béatifique, souffrant dans son grand coeur de cette pri-vation, se tient pour profondément affligé, et peu davantage le sont—à son appréciation — les âmes des damnés. Cela peut évidemments entendre ainsi. Toutefois Virgile, ne nommant ici que des âmes depoètes ou de nobles femmes qu'il semble placer malgré leur exil enun lieu privilégié, cette explication semble n'avoir guère de fonde-ment.

Peut-être s'agit-il plutôt d'un de ces glorieux « repentirs de Dante »,commenous en rencontrerons bien trois ou quatre au cours de laDivineComédie, ici : à l'égard d'une âme qu'il croit avoir injustementcondamnée, ailleurs : à l'égard de quelque question scientifique outhéologique; car Dante n'hésitera jamais à reconnaître un tort si saconscience, sous l'influence d'une meilleure lumière, vient à le luifairediscerner. Je crois pour ma part que nous devons voir dans cepassage la réhabilitation de la généreuse fille de Tirésias. Dante n'apointoublié qu'il avait déjà parlé do Manto dans son Enfer : et il faitamende honorable.

Thétis, une des Néréides, s'éprit du mortel Pelée, roi des Myrnii-dons,l'épousa et devint mère d'Achille.

Rien de plus beau que l'hésitation de Thétis, la nuit, sur lafalaise retentissante, et le prompt voyage qu'elle fait jusqu'auxdemeures de Chiron où elle va chercher son fils pour le soustraire àla guerre contre Troie, l'entrée d'Achille, son enlèvement, la fuite aubord de la mer, puis l'arrivée à la cour du roi Lycomède et son dé-

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ga PURGATORIO.— CANTOXXII.

e con le suore sue Deidamia».

i i J Tacevansi ambcduc già li pocti,di nuovo attenti a riguardare intorno,liberi dal salirc e dai pareti ;

118 e già le quattro ancellc cran del giornol'imase addietro, e la quinla era al tcmo,drizzando pure in su l'ardente corno,

l :n quando il mio duca : « Io credo ch'allostremo

le destre spalle volger ci convegna,girando il monte corne lar solemo ».

10.4 Cosi l'usanza lu li nostra insegna ;e prcndemmo la via con mcn sospetto

per l'assenti-r di quell'anima degna.

137 Elli givan dinnauzi ed, io soletto

guisemcnl qui fait de lui, un apparence, une soeur des filles du roi ilpeut-être la plus belle. Tout l'épisode, dans YAchilléide de Stace. aulivre Ier :

At Thetis undisonis per noctem in rupibus adstans,Quac nato sécréta velit, quibus abdere terrisDestinet, hue, Mue, diversa mente volutat....

(AchilL, liv. I, 198.)114- Les soeurs de Déidainie, et Déidamie elle-même, fille de

Lycomède roi de Scyros ; qui aima Achille secrètement dans le tempsoù celui-ci vivait à la cour de son père auprès d'elle et de ses soeurs,déguisé lui-même en fille comme l'avait voulu sa mère qui, a causede sa grande jeunesse, souhaitait le soustraire à la guerre.

... Nec jam pulcherrima turbaeDeidamia suae, tantumque admota superboVincitur JEacide, quantum premit ipsa sorores.

(Stace, AchilL, liv. I, Go5 et suiv.)Plus tard, l'artifice tomba par la ruse d'Ulysse venu à la cour do

Lycomède, accompagné de Tydée, tels deux rois amis qui explorentles villes voisines de celle qu'ils veulent attaquer, avant d'entreprendrela guerre : Ulysse, offrant aux jeunes princesses des présents, glissaparmi les thyrses, les voiles, et les bandelettes précieuses, des armeset un bouclier étincelant. Dans ce bouclier, Achille voit se réfléchirson image efféminée, en même temps que l'aspect des armes fait bondirde désir le coeur du jeune héros, si bien qu'il se trahit. AlorsDéidamie avoue son amour à son père, les noces se célèbrent et la

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LE PtjRGAToihE. CllANT XXII. ()3

et Deidamie avec ses soeurs. »

,) Déjà ils se taisaient tous deux, les poètes,attentifs de nouveau à regarder à l'entour,libres du souci de gravir et dégagés des parois.

8 Et, déjà, quatre des servantes du jour étaient

demeurées en arrière et la cinquième, au timon du char solaire,

guidait droit vers le haut du Ciel sa pointe ardente,

).i quand mon Duc dit : — « Je crois que c'est du côté du bord,

qu'il nous faut tourner notre épaule droite,faisant le tour du Mont comme nous en avons coutume. »

24 Ainsi ce fut l'usage qui nous servit là d'enseignement ;et nous primes le chemin avec une moindre hésitation

de par l'assentiment de cette àme juste qui venait avec nous.

27 Eux s'en allaient devant, et moi, seulet,

jcime fille devient l'épouse d'Achille, la dernière nuit du séjour dujeuue héros à Scyros.

V. dans YÂchilléide la plainte louchante de Deidamie :Tune epulis consumpta dies, tandemque receptumFoedus, et intrepidos nox conscia jungit amantes.

« Adspiciamne ilerum, meque hoc in pectorc ponam,;Eacide? ...

... modo te nox una deditque,Inviditque mihi ... »

(Liv. II, a5i et suiv., •>.$•]etsuiv., -j6a-ï63.)115. Virgile et Stace sont arrivés en haut de l'escalier creusé dans

la roche. Ils allaient devant, Dante les suivait. Les voici à la 6° cor-niche. Il est environ onze heures du matin.

118. Les quatre premières heures du jour, de six heures a dixheures, avaient fini leur service; la 5e était au limon du char dusoleil, dirigeant sa pointe en haut, car le milieu du jour approchait.

"S. L'âme de Stace purifiée, en chemin vers le Ciel, ayant con-sentia suivre la direction proposée par Virgile, toute hésitation, toutecrainte de s'égarer disparaît : car une telle âme, dès l'instant de salibération, doit infailliblement marcher vers l'éternelle béatitude.

1^7. Dante se place par modestie derrière les deux poètes latins :toutefois, les suivant ici tout seul, il pensa sans doute, en écrivant cevers, que sur terre, pareillement, il était le seul parmi les poètes asuivre lotir noble trace.

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94 i>URGATORiO. CANTOXXll.

diretro, ed ascoltava i lor seraioni

ch'a poetar mi davano intelletto.

160 Ma tosto ruppe le dolci ragioniun alber che trovamnio in mezza strada,con pomi ad odorar soavi et buoni.

i33 E corne abete in alto si digradadi ramo in ramo, cosi quello in giuso,cred'io perché persona su non vada,

136 Dal lato onde il cammin nostro era chiuso

cadea dall'alta roccia un liquor chiaro,c si spandeva per le foglie suso.

lot) Li due poeti all'albcr s'appressàro;cd una voce per entro le fronde

gridô : « Di questo cibo avretc cavo » !

i4'. Poi clisse : « Phi peusava Maria onde

129. Quia Demies invita attente auscultavit et ruminaiit dictaYirgilii et Statii, et multa didicit poetare ah utroque eorum; ideonon ingratus reddit cis debitum honorent. (Benv. delmola.)

131. Un des arbres mystiques (V. le chant XXIV, n6etsuir.). Lespoètes trouveront un autre arbre et il leur sera dit qu'il provient del'arbre du Bien et du Mal que Dieu lit croître au Paradis Terrestre,en même temps que l'Arbre de Vie, représenté par celui-ci.

Produxitquc Dominus Deus de humo omne lignum pulchrum visu.ri ad rescendum suave : lignum etiam vitae in medio Paradisi.lignumque scientiae boni et mali. (Genèse, 11,g.)

L'arbre de Vie, dont les fruits ne seront donnés qu'à ceux quisortiront vainqueurs de la lutte.

Qui habet aurem, audiat quid Spiritus dicat Ecclesii : Vinccntidabo edere de ligno vitac, quod est in Paradiso Dei mei. (Saint Jean.Apocalypse, 11, 7.)

i33. L'arbre Mystique épanouit plus largement les rameaux de sacime et rétrécit ses premiers rameaux, à l'inverse du sapin, peut-éliepour marquer qu'il n'appartient qu'a Dieu et que nul ne doit y monter,

E questo, perche neuno vi possa salire su. (Oit. Com.)J3b. Du côté de la falaise.13j. La source venue d'en Haut se répandait sur les frondaisons «le

l'arbre qui l'absorbait toute, sans en laisser tomber une seule goutte.i(i. La Voix ne parle point pour les trois poètes mais pour les

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LÉ ftlRCATOtilE. — CHANT XXH. (p

en arrière, et j'écoutais leur conversation

qui me donnait l'intelligence de la poésie.

3o Mais bientôt, voici que furent rompus les doux entretiens

à cause d'un arbre que nous trouvâmes sur le milieu de notre route,

portant des fruits qui semblaient, à leur odeur, suaves et bons...

3 Et comme un sapin s'amincit, en s'élevant,de branche en branche, de même, celui-ci, en approchant du sol :

je crois que c'est afin que personne n'y monte.

6 Du côté où notre chemin était clos,une eau claire tombait de la roche élevéeet s'épandait d'en haut sur les feuilles.

9 Les deux poètes s'approchèrent de l'arbre,et une voix, parmi les frondaisons,cria — : « De ces fruits vous serez privés ! »

a Puis elle dit : — « Plus de souci avait Marie que

Ames qui péchèrent par gourmandise et se purifient dans ce cercle :elles ne recevront les fruits de l'Arbre de Vie que lorsqu'elles aurontentièrement expié leur péché. Les poètes ne voient point celui quiparle, c'est sans doute un ange, gardien de l'Arbre.

... omnia corporalia reguntur per angelos. Et hoc non solum asanctis doctoribus ponitur, sed etiam ah omnibus philosophis, quiincorporeas substantias posuerunt. (Saint Thomas d'Aquin, Sum.TheoL, I, ex, i.)

142. Aux noces de Cana, la Vierge Marie n'avait assurément pointsouci d'elle-même en ce qui concernait les mets et les vins, puisqu'elleporta son attention diligente sur ceux qui étaient lu, et que, ayant vuqu'ils manquaient de vin, elle pria Jésus de faire le miracle. Ainsielle se montre infiniment charitable.

Au chant XIII 0 elle avait déjà été offerte en exemple pour celtedouce charité. En même temps, elle donne ici l'exemple de la plusparfaite tempérance, puisque ce n'est point, au cours d'un festin, celuiqui pense à se bien servir qui s'aperçoit de ce que n'ont point sesvoisins.

Et die tertia nupiiae factae sunt in Cana Galilaeac : et crat malcrJesu ibi.

Vocatus est autem et Jésus, et discipuli ejus ad nuplias.Et déficiente vino dicit mater Jesu ad eum : Vinum non liaient.

(livang. saint Jean, u, i-3.)

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96 PLRGATORiO. CANTOXXII.

fosser le uozze orrevoli ed intcre,ch'alla sua bocca, ch'or per voi risponde ».

i45 E : « Le Romane antiohe per lor bere

contente fur on d'acqua ». E : « Daniello

dispregiô cibo, ed acquistô savere.

i48 Lo secol primo quant'oro fu bello :

fe' saporose con famé, le ghiande,e nèttare con sete ogni ruscello.

1o 1 Mêle e locuste furon le vivande

che nutriro il Batista nel diserto ;

perch'egli è glorioso, e tanto grande

154 Quanto per l'Evangeliov'è aperto ».

i45. Les matrones de la grande époque romaine ne buvaient quede l'eau.

Unde secundum Valerium Maximum mulieres apud Romanos anti-quitus non bibebant vinum (Saint Thomas d'Aquin, Sum. Theol., 11-II, CXLIX,4.)

146. Daniel le Prophète, qui fut emmené en captivité à Babyloucau nombre de ces enfants de race royale ou de familles nobles, beauxet intelligents, que Nabuchodonosor avait donné l'ordre de choisirparmi les jeunes Israélites pour qu'ils le servissent dans son palais etqu'ils y fussent instruits dans les lettres de la langue chaldéenne.

Le roi leur avait assigné une part quotidienne des mets et des vinsde sa propre table. Mais Daniel n'en voulut point prendre, et demandaseulement dos légumes à manger et de l'eau à boire. Le chef des

eunuques du palais ne voulut point le lui accorder, dans la crainteque la mine du jeune homme ne vint à y perdre son juvénile éclat et

que le roi, s'en apercevant, lui fît couper la tète à lui-même. AlorsDaniel demanda qu'on le mît à l'épreuve, et l'épreuve lui ayant étéfavorable il en fut fait suivant son désir. La faveur du jeune Danielfut grande auprès de Nabuchodonosor à cause de son art à devineret à expliquer les songes. (Livre de Daniel, 1-11.)

Cogitavi in corde meo abstrahere a vino carnem meatn, ut animummeum transferrem ad sapientiam. (Ecclésiaste, 11, 3.)

148. L'Age d'Or :O bella età de l'oro... (Tasse, Aminta, Act. I, Se. 11Choeur.)

Aurea, quae perhibent, illo sub rege fuerunt,Saecula : sic placida populos in pace regebat!

(Virgile, Enéide, liv. VIII, 3u4 et s.)î/ji). Contentique cibis, nullo cogente, creatis,

Arbuieos foetus, montanaque fraga le'gebànt,

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LE PURGATOIRE. — CHANTxxn. ç)y

les noces fussent honorables et ne manquant de rien,

que de sa propre bouche qui, à cette heure, pour vous intercède. »

5 Et:— «Les Romaines antiques, pour se désaltérer,se contentèrent d'eau ; et Daniel

méprisa les nourritures et acquit le savoir.

8 Le premier siècle fut beau autant que l'or :

la faim douait de saveur les glands du chêne,et la soif faisait un nectar de chaque ruisseau.

i Du miel et des sauterelles furent les mets

qui nourrirent Jean-Baptiste dans le désert :

c'est pourquoi il est glorieux, et si grand,

4 tel que vous le fait connaître l'Evangile. »

Comaque, et in duris haerentia mora rubetis,Et quae deciderant patula Jovis arbore glandes.

(Ovide, Met., I, io3 et suiv:)i")0. Le nectar : la boisson des dieux.

Flumina jam lactis, jam flumina nectaris ibani;Flàvaque de viridi stillabant ilice niella.

(Ovide, Met., I, IIÏ.)11étauchoit sa soif au bord d'une Fontaine,Sans autre lasse que sa main :Et lors que la chaleur estoit trop violente,11 trouvoit une Ombre vivanteSous les feuillages d'un vieux Pin.

(Boëce, Consol. Phil., liv. II, poésie V.Traduction du Père Régnier, chanoine.)

15u. Ipse aulem Joannes habebat vestimentum depilis camelorum,et zonam pclliceam circa lumbos suos : esca autem ejus erat locustaùet mel sylvestre. (Ev. saint Matthieu, m, 4.\

... et locustas, et mel sylvestre edebat. (Év. saint Marc, i, 6.)Sur le fait de manger des sauterelles. Voir : Lévit, xi, -i-i. Cf.

Pline, Hist.nat., XI, 29.i5i. De la bouche mémo du Seigneur :Amen dico vobis, non surrexit inter natos mulierum major Joannc

Raptista. (Evang. saint Matthieu, xi, 11.)Dico enim vobis : Major inter natos mulierum prophela Joanne

Htiptisla nemo est. (Evang. saint Luc, vu, 28.)Saint Jean-Baptiste le Précurseur, si grand par sou austérité, devait

lire sacrifié par Hérode à la demande d'Hérodiade, après que laMiede celle-ci, Salomé, eût dansé devant le roi au cours diu.n_J'cstin,luisant ainsi de Jean la victime de l'intempérance du nijîjçei-' ; ?N.

LE PURGATOIRE.— H. / ;?'" i c\1 ~ ' . .. '. -:.)

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CANTO XXUl

i Menlre che gli occhi per la fronda verde

ficcava io cosi, corne far suolc

chi dietro aU'ueeellin sua vita perde,

4 lo pii'i che padre mi dicea : « Figliuole,vienne oramai, ché il tempo clie c'è imposlo

piû utilmente compartir si vuole ».

7 Io volsi il viso e il passo non men tosto

appresso ai savi, che parlavan sie,che l'andar mi l'acean di nullo costo.

io Ecl ecco piangere e canlar s'udie

' 3. Dante regardait fixement dans l'arbre pour essayer d'y découvrirqui avait parlé, à la façon du chasseur qui poursuit l'oiseau,

et è notàhile che l'uccellatore perde sua vita, andando di rietoalli uccellini, che perde lo tempo che in più utile cosa si vorrebbespendere ; che non è utile à nulla la vita dell' uccellatore se non ala gola ; e perd meritevolmente la riprende qui. (F. da Buti.)

Cioè Virgilio lo quala tiene qui luogo ai maestro ; e veramentelo maestro è più che padre : imperb che dal padre riceviamo Vcs-scre, e dal maestro lo hene essere ; sicchè tanto è più tenuto lo dis-cepulo al maestro che al padre, quanto è più lo hene essere chel'essere. (F. da Buti.)

9. A la suite de Virgile et de Slacc, qui ont un si bel entretien,le Poète, comme entraîné par un pouvoir d'incantation, gravit sanspeine la montagne. La route semble aisée à qui marche auprès d'unami et d'un maître.

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CHANT XXIU

Sixième Gyre : La gourmandise. L'aspect de ceux qui péchèrent parla gorge. Forese Donati. Nella. Le reproche aux Dames de Florence.

I Durant que par les verles branches nies veux

je fixais, ainsi que le l'ait à la coutume

| l'homme qui perd son temps à la chasse des petits oiseaux,

4 celui qui lut pour moi plus qu'un père me disait : — « Mon Fils,viens, désormais, car le temps qui nous est accordéveut être plus utilement réparti. »

7 Je tournai mes regards, et, non moins vite, mes pas,vers les Sages qui parlaient de telle sorte

que la marche auprès d'eux ne me coûtait nul effort.

io Et voici qu'on entendit pleurer et chanter :

Cornes facundus in via pro vehîculo est. (Publius Syrus.)Io vi portera gran parte délia via, cite ad andare abbiamo, a ca-

vu'llo, con una délie belle novelle del mondo. (Bocc, Décam-, Vf, i.)io. Voici les âmes de ceux qui péchèrent par une intempérante

gourmandise. Le repentir les fait pleurer mais ils chantent leurespoir, certains d'être purifiés par la grâce de Dieu et d'arriver jus-qu'à Lui. Leur bouche, qui s'ouvrit trop facilement au plaisir desavourer mets et boissons recherchées, est ici fermée aux beauxfruits de l'arbre mystique et à l'eau fraîche qui le couvre de sarosée; elle ne s'ouvrira que pour la louange divine.

Au psaume Miserere :Domine, labia mea aperies ; et os meuni annuntiabit laudem tuam.

(P8..L, I7.)Ces âmes sont exaucées ; dans leur souffrance consentie, elles sont

heureuses de chanter les louanges de Dieu, de Qui elles connaissentdésormais la miséricorde.

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IOO Pt'RGATORIU. CANTOXXIII.

Labia niea, Domine, per modo

. tal, che diletto e doglia parturie.

i3 « O clolce padre, chc è quel ch'i' odo? »

comincia' io; ed egli : « Ombre che vanno,forsc di lor dovcr solvendo il nodo ».

16 Si corne i peregrin' pensosi fanno,

giugnendo per cammin gente non nota,che si volgono ad essa e non ristanno;

19 cosi direlro a noi, piii tosto mota,venendo e trapassando, ci ammiravad'animé turba tacita e devota.

22 Negli occhi era ciascuna oseura e cava,

pallida nella faccia, e tanto scema,che dall'ossa la pelle s'informava*

2.) Non credo che cosi a bucca cstfemaErisiton si fosse fatto secco

ii. Le chant des âmes inspire de la joie, si leurs pleurs causentde la peine.

i3. Dante ne voyait pas encore les âmes.i(i. Magnifique image et bien à sa place ici : car ceux qui viennent,

ayant été adonnés aux excès de la table d'où dérivent à l'ordinairetrop de libertés, soit dans la tenue, soit dans le langage, se doiventici d'apparaître pensifs, vraiment tels que de pieux pèlerins sur lechemin du sanctuaire, et mesurés dans leurs actes et leurs paroles.

17. Les âmes se dirigent vers la droite comme les poètes, maiselles vont plus vite : ainsi elles les rejoignent et passent à leurcôté.

ii. Dante a dit plus haut que ces âmes chantaient; à présent ellesse taisent : c'est que ces âmes ne chantent que lorsqu'elles passentsous l'arbre mystique; elles étaient sous l'arbre lorsque le Poètequi l'avait déjà dépassé les entendait

Le reste de leur trajet, elles le font en silence pour marquer uneopposition entre la gaité trop loquace d'un bon convive après unbanquet de choix et le recueillement qui sied A une âme désormaislibre des appétits de la chair, à une âme qui ne veut plus rienconnaître d'elle-même si ce n'est qu'elle est faite à. l'image de Dieu.

falso cib... che piangessero cioè c cantasscro quelle animesolidamente per tutta la strada. Mainb, solamcnte cosi facevan esse

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LE PbHO.VrOIRE. CHANTXXIIT. IOI

— « Labia mea Domine... » sur un mode

tel, qu'il faisait naître joie cl deuil.

\A — « 0 doux Père, qu'est-ce que j'entends? »,

eommençai-je, et lui : ^^ « Des Ombres qui vont

peut-être se libérant des noeuds de leur dette. »

(G Comme le font les pèlerins pensifs

qui joignent en chemin des passants inconnus,et se tournent vers eux et point ne s'arrêtent,

19 ainsi, derrière nous, mais d'un pas plus rapide,venant et nous dépassant, nous regardait avec étonnement

une troupe d'Ames silencieuses et pieuses.

:>;>. Chacune d'elles avait les yeux éteints et creusés;

pâles elles apparaissaient en leur visage, et tellement amaigriesque la peau suivait la forme des os.

yj Je ne crois pas qu'à ce point et jusqu'à l'écorce extrême

Ercsiclithon se fût fait sec,

quando nell' aggirarsi pe' l balzo pervenivano ai misteriosi albeii.Essendo adunque i ire poeti passati oltre il divisato albero, ma nondi molto, poterono perciù sentire cifi che ivi le retrowegnenti animesi dicêssero. (P. B. Lombardi.)

Voir même chant V, 67, XXIV, io(j et suiv.14. Pelli meae, consumptis carnibus, adhaesit os meuin; et dere-

licta sunt tantummodo labia circa dentés meos. (Job. xix, ao.)flenigrata est super carbones faciès eorum, et non sunt cogniti

in plateis : adhaesit cutis eorum ossibus : aruit, et facta est quasilignum. (Lament. Jérémie, cap. iv, Helh.)

Pellis nostra quasi clibanus cxusta est a facie tempestatum[amis. (Jérémie, Orat. v. 10.)

a5. Èuccia estrema : l'extrême pelure d'un fruit, l'extrême écorced'un arbre : plus que la peau et les os.

u6. Eresichthon — fils d'uu roi de Thessalie — ayant voulu dé-truire un bois sacré dédié à Cérès, en fut puni par une faim insatia-ble : d'où il s'ensuivit que tout son bien y passa et qu'il vendit jus-qu'à sa fille; puis n'ayant plus rien il dévora ses propres membres.

Lenis adhuc somnus placidis Erisichthona pennisMulcebat : petit Me dapes sub imagine somni;Oraque vana movet, dentemque in dente fatigat ;Exercetque cibo delusum guttur inani ;

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IOa PLJRGATORIO. CANTOXXIU.

per digiunar, quando più n'ebbe tema.

9.8 Io dicea fra me stesso pcnsando : « Ecco

la gente che perde Gerusalemme,

quando Miria nel figlio diè di becco » !

3i Parean l'occhiaie anella senza gemme.Chi nel viso degli uomini legge, 'o/no',ben avria quivi eonoseiuto l'emme.

34 Chi erederebbe che l'odor d'un pornosi governasse, generando brama,e quel d'un' acqua, non sappiendo eomo?

37 Già era in ammirar che si gli affama,

per la cagione ancor non manifesta* di lor magrezza e di lor trista squama ;

4o ed ecco del profondo délia testa

volse a me gli occhi un'ombra, c guardo fiso,

poi gridô forte : « Quai grazia m'è questa? »

Proque epulis tenues nequicquam dévorât auras.Ut vero est expulsa quies, finit ardor edendi,Perque avidas fauces, immensaque viscera régnât.

(Ovide, Met., VIII, 8i3 et suiv.)Vis tamen Ma malipostquam consumpserat omnemMateriam, dederatque gravi nova pabula morbo,Ipse SILOSartus lacérer divellere morsuCoepit, et infelix minuendo corpus] alcbat.

(Ovide, Met., VIII, 873 et suiv.)•29. Les Juifs, durant le siège de Jérusalem par Titus, souffrirent

les plus terribles atteintes de la faim. Cf. Joseph Flavius, Bell.Jud., VI, 3.

Ce fut le dernier acte du peuple d'Israël avant la dispersion.3o. Une femme israélite, Myriam, tua son petit enfant qu'elle ne

pouvait plus nourrir et se sustenta de lui.JYêlquale assedio i Giudei vennono a tanta nécessita che, corne

dice l'Auttore, una nobile donna nome Miria, che avea uno suodileltissimo figliuolo. venutogli mono ogni vivanda a lei et a lui.Vuccise et arrostio, corne scrive Josefo (Anonimo Fiorentino.)

ii. Si enfoncée en était la pupille, qu'on la voyait à peine.3Ï. Dante cite une opinion émise au Moyen âge par quelques pré-

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LE PURGATOIRE. CHANTXXIII. I o3

par le jeune, même lorsqu'il trembla le plus des affres de la faim.

•S Je disais, réfléchissant en moi-même : « Voici

un peuple pareil à celui qui perdit Jérusalem,

quand Myriam porta la dent sur son propre fils ! »

3i L'orbite de leurs yeux semblait un anneau sans gemme.Tels qui veulent lire sur le visage des hommes « homo »

bien auraient reconnu ici la lettre « M ».

34 Qui pourrait croire que l'odeur d'un fruit

réduit des êtres à ce point, en faisant naître leur désir,et pareillement la fraîcheur d'une source, si l'on ne sait comment?

,'37 Déjà je m'émerveillais, songeant à ce qui les pouvaittant affamer,

4 car point encore ne se laissait entrevoir la cause

:: de leur maigreur et de leur triste peau racornie.

/}o Et voici que, du profond de sa tête,vers moi une Ombre tourna ses yeux, et me regarda fixement;

puis cria fort : — « Quelle grâce m'est faite ! »

dicateurs mystiques, et qui était que Dieu avait inscrit sur le visagede l'Homme ces deux mots « Homo Dei ». L' « M » y était formédu nez et des sourcils ; l'extrême maigreur qui accuse tous les traitsdevait, ici, faire paraître le signe plus nettement.

Dice alcuno che nel viso di ciascuno uomo si puo leggere « HomoDei » in questo modo : uno delli orecchi è l'H et l'altro orecchio perl'altro verso rivolto è unoD, l'occhio e uno O, il naso colle cigliaèunoM, la bocca è uno I (Anonimo Fiorentino.)

3/|. Allusion à ce que le Poète va apprendre de Forese Donati.37. Mais Dante ne savait point encore comment les âmes en arri-

vaient à une semblable apparence de maigreur.4'i. La grâce de revoir en ce lieu un tel ami, si cher sur terre.

Cette âme est celle de Forese Donati, surnommé Bieci Novello,l'ami, le concitoyen, le compagnon habituel et l'allié de Dante. C'estle fils de Messer Simone Donati, le frère de Corso Donati (CvonicaDino Campagni, II, Purgat., XXIV, 8i et suiv.). et de Piccarda(Purgat., XXIY, 10 et suiv.; Paradis, III, 34 et suiv.) De la mêmefamille que Gemma Donati qui fut la femme de l'Alighieri. ForeseDonati, mort le 28 août 1^96, avait été à sa manière, lui aussi, unpoè'te : il avait eu avec Dante ce que les troubadours appelaient une«tenzon » c'est-à-dire une lutte, une sorte de joute de poésie légère.

Page 116: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

Iû4 PUBGATOIUO. CANTOXXIII.

43 Mai non l'avrei rioonosciuto al visa;ma nella voce sua mi fu palesccio che l'aspetlo in se avea eonquiso,

4fi Qucsta favilla lutta mi raccese

mia conoscenza alla cambiata labbia ;e ravvisai la faccia cli Foresc.

4g « Deh, non conlendere aU'asciulta seabbia,che mi scolora, pregava, la pelle,né a clifetto di carne ch'io abbia;

32 ma dimrai il ver di te, c chi son quelledue anime che là ti fanno scorta :

non rimaner che tu non mi favelle ».

55 « La l'accia tua, ch'io lagrimai già morta,mi dà di pianger mo non minor doglia,

rispos'io lui, veggendola si torta.

58 Perô mi di', per Dio, che si vi sfoglia ;non mi far dir mentr'io mi maravifflio;ché mal puô dir chi è pien d'altra voglia ».

Les six sonnets qui demeurent de cette joute en montrent bien lepeu d'élévation,

Et Guido Cavalcanti « le premier ami » n'aima point chez Dantecette phase de sa vie, trop adonnée aux plaisirs faciles, où la penséedu poète semblait gaspiller quelque peu ses plus nobles dons. Cequatrain tiré d'un sévère sonnet de Guido à Dante, dans ce tempsde l'amitié avec Forese, suffira à le faire entendre :

/' vengno l'giorno a te infinité volteE trûvati pensai- troppo vilmente,Allor mi dol de la gentil tua menteE d'assai tue virtà che ti son tolte...

Forese Donati, jouisseur, bon garçon, tout occupé de bien boireet de bien manger, uniquement fidèle aux amours passagères malgréla grâce de sa jeune femme Nella — qui l'aima pourtant toute savie — fut, comme nous le verrons plus loin, un dangereux compa-gnon pour Dante, et assurément la cause de certaines des erreursqui lui feront tenir le front si longtemps baissé devant Béatrice lprâ

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I.F. PURGATOIRE. CHANTXXIII. I o5

j Jamais je ne l'eusso reconnu à sa figure,mais clans sa voix se révéla à moi

ce ([ne son aspecL avait en soi lenu caché,

(i Cette étincelle ralluma en moi toute

la connaissance que j'avais de ces traits si changés,e! je revis la face de Forèse.

q — « De grâce ne prends pas garde à l'aride excoriation

qui me décolore la peau », implorait-il,« ni à mon aspect décharné, quel qu'il soit,

a mais dis-moi la vérité sur toi-même, et qui sont ces

doux Ames qui, là, te font escorte :

ne tarde point à me parler... »

*j — « Ta figure qu'autrefois déjà j'ai pleurée, morte,ne m'inspire pas moins de douleur et de larmes à cette heure »,lui répondis-je, « où je la vois si contractée.

'8 C'est pourquoi, dis-moi, au nom de Dieu, ce qui tant vousNe nie fais point parler durant que je m'étonne, [efFeuille?car bien dire ne peut celui qui est plein d'un autre souhait ».

du merveilleux revoir (Purg., Chant XXX). Déjà dans ses sonnets,Dante reproche à Forese sa gourmandise, gourmandise dont l'accu-sentà l'unanimité les premiers commentateurs.

5J. Les âmes ont vu déjà que Dante est vivant. Forese Douatilui demande la vérité sur sa présence et comment, vivant encore desa première vie, il est là parmi ceux que la mort a déjà déliés deleur chair.

55. Quia tempore mortis ploravevat super amicum amatum et postmortem saepe suspiraverat eum; sicut dicit Augustinus de amicosuo libro Confessionum. (Benv. de Imola.)

Dante avait pleuré son ami mort. Il est tenté de le pleurer ici —encore que son salut soit désormais assuré — à cause du pitoyableétat où il retrouve sa face autrefois joviale.

58. « Ce qui tant vous effeuille » : ce qui tant vous maigrit.Mais Dante ne peut parler de rien avant de savoir d'où pareille

maigreur vient à ces ombres, tant son esprit est avide de connaître.Forese le lui explique.

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106 PURGATORIO. CANTO XXIIJ.

61 Ed egli a me : « Dell'eterno consigliocade virtû nell'acqua c nella pian la

rimasa a dietro, ond'io si m'assottiglio.

64 Tutta esta gcnte che piangendo canta,

per seguitar la gola ollra misura,in famé e in sete qui si rifà santa.

67 Di bere c di mangiar n'accende cura

l'odor ch'esce del porno e dello sprazzoclic si distende su per la verdura.

70 E non pure una volta, questo spazzo"girando, si rinfresea nostra pena...

61. La forme intellectuelle du châtiment, telle qu'elle se rencontrepartout au Purgatoire, est ici nettement marquée par l'image : Plusn'est besoin de nourriture matérielle aux âmes élues délivrées deleur corps ; pourtant le symbole de l'Arbre mystique, couvert de sesfruits, e t de la source fraîche qui baigne ses feuilles en appelle auxsens; c'est que les biens matériels existent moins dans leur réalitéque dans le désir que l'on en a. Le désir immodéré et consenti futsur terre la faute de ces âmes. Ici, le fruit et l'onde mystique leurinspirent le même désir, mais beaucoup plus violent, jusqu'à leurfaire perdre dans la consomption toute ressemblance avec ce qu'ellesfurent naguère. C'est que l'esprit, dégagé de la chair, se rapprochede son origine et se souvient que Dieu le créa à sa ressemblance :1étendue et l'acuité de ses puissances augmentent de ce qu'il n'aplus de corps à faire mouvoir, plus de corps contre les appétitsduquel lutter. Aussi il s'élance vers ce qu'il reconnaît maintenantcomme uniquement désirable : les fruits de l'Arbre de vie, « l'eauspirituelle », qui seule désaltère, et son vol n'est vaincu que par lepoids des erreurs passées dont il connaît désormais amèrement lugravité et la vanité : erreurs qui pèsent à son amour que rien nevient plus détourner de son véritable, de son unique objet.

Plus purs à chaque tour par leur expiation plus avancée, cesesprits désirent avec une ardeur meilleure les Fruits et l'Eau. Plusaptes chaque fois à les comprendre, ils se jugent par là même pluséloignés d'eux, alors que leur désir sans cesse augmenté les enrapproche par une vertu singulière.

Dans l'antiquité, nous trouvons comme l'ébauche de l'idée duPoète, chez Ovide :

til/i, Tantale, nullaeDcpveduntur aquae, quaeque imminet, effugit arbor.

(Ovide, Métam., liv. IV, 11, 437, 58.)G-.!. Une divine séduction qui révèle mystérieusement à l'âme

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LE PUIUÎATOIHE. CHANT XX1U. 10"

Et lui à moi : — « De l'Eternel Conseil,tombe une vertu dans cette eau et dans l'arbre

laissé derrière nous, par quoi je vais ainsi m'émaeiant.

Tout ce peuple qui chante en pleurant,

pour avoir outre mesure suivi les convoitises de la gorge,dans la faim et la soif ici se refait saint.

De boire et de manger s'allume, en nous le désir,à l'odeur qui sort du fruit et au jaillissement de la source

qui s'épanche en haut sur la verdure.

Et, ce n'est point une seule fois que, par ce chemin

faisant le tour, notre peine se renouvelle...

sou véritable appel. Jésus dit à la Samaritaine, an puits :si scires donum Dei, et quis est qui dicit tibi : « Da mihi

libère » : tu forsitan petisses au eo, et dedisset tibi aquam vivant.qui autem biberit e.x aqua, quam ego dabo ei, non sitiet in

aetermim : sed aqua, quam ego dabo ei, fiet in eo fons aquaesalientis in \dtam aeternam. Dicit ad eum millier : « Domine, damihihanc aquam ; ut non sitiam, neque veniam hue haurire. » (Evang.de saint Jean, iv, 10, i3 et suiv.)

fi5. Hoc solum pertinet ad gulam, quod aliquis propter concu-piscentiam cibi delectabilis scienter excédât mensuram in edendo.(SaintThomas d'Aquin, Sum. Theol-, 11-11, 148, 1.)

06. Ils eurent faim et soif avec excès de mets et de boissons ter-restres. Ici, ils ont faim et soif des biens de l'esprit.

68. L'odeur mystique du fruit, la fraîcheur de l'eau surnaturellequi tombe sur l'arbre et y répand un délicieux parfum.

Fragrantia unguentis optimis. Oleum effusum nomen tuum : ideoadolesce/itulae dilexeruni te.

Trahe me : post te curremus in odorem unguentorum tuoium.nardus mea dédit odorem suam.

Fasciculus myrrhae dilectus meus mihi...Botrus cypri dilectus meus mihi, in vineis Engaddi...

Sicut malus inter ligna silvarum, sic dilectus meus intev filios.Util)timbra illius, quem desideraveram, sedi; et fructus ejus dulcisgutturi meo.

Fulcite me floribus, stipule me malts : quia amore langueo. (Can-tique des Cantiques, I. -x, '>, 11, ia, i3; n, 3, S.)

71- Les âmes parcourent sans trêve autour du Mont la mêmeooruiche, passant à chaque tour sous l'Arbre mystique et pleurant,et chantant, et désirant chaque fois avec la même douleur, la mêmejoie, un désir accru.

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I08 PL'RGATOnin. CAN'TOXXIII.

io tlieo pcna, e dovrci dir sollazzo;

^3 vhé quella voglia all'arborc ci mena

cho menô Cristo lieto a dire ' Eli ',

quando ne libéré con la sua vena ».

y(] Ed io a lui : « Forese, da quel di

ncl quai mulasti niondo a miglior vita

cinqu'anni non son voki insino a qui.

79 Se prima fu la possa in te finita

7a. La joie des âmes pénitentes : si une âme joint sa volonté àcelle de Dieu dans une parfaite conformité de vue, la Vie éternellepeut commencer pour elle dès ce monde. Ifaec est rectitudo cordis,ut auis voluntatem suam voluntati divinae conformet. (St Augustinin Psalm. xxxn, Conc. I.) Bien mieux ici, où les âmes ont déjàaccédé à plus de connaissance. Ce n'est donc point seulement aveela douceur, avec le calme qui conviennent à des âmes de qui le salutest déjà assuré, qu'elles supportent leurs souffrances : ce ne sérailpoint assez pour elles qui ont connu déjà les effets de la miséri-corde divine ; il leur faut davantage ; elles aiment et désirent leurtourment. Elles y sont heureuses parce qu'elles en reconnaissentla profonde justice et l'utilité, et qu'elles y sont animées de l'espoirglorieux et sûr vers la réalisation duquel il les conduit :* Gloriamur in tiihulationibus. (Ep. Saint Paul aux Romains,v, 3.)

Illi qui sunt in Purgatorio, sciant se non posse pervenire ad glo-riam, nisi prius puniantur : ergo volunt puniri. (Saint Thomasd'Aquin, Sum. Theol., III, Suppl. Quest. j'i, a.)

Et voici ce que dit sainte Catherine de Gênes, qui eut la plusbelle vision concernant l'état des âmes sauvées mais souffrant encoreles peines de leur purification :

Non credo che si possa trovare contentezza da comparais uquella d'un anima del Purgatorio, eccetto quella de'santi nel l'ara-diso. (Sainte Catherine de Gènes, c, a.)

j'i. Le souhait des âmes est d'unir de plus en plus leur volontéà la volonté de Dieu. Lorsque le désir les ramène à l'Arbre de Vie,leur marche à l'entour du Mont est volontairement hâtive, ellesrecherchent d'elles-mêmes leur souffrance, par quoi celle-ci estvolontaire; de même elle est nécessaire parce que voulue de Dieu. I

Jésus au Jardin des Oliviers disait à son Père : « Mon Père, s'il |est possible, que ce calice s'éloigne de moi. » Toute sa part hu-maine, telle qu'il l'avait voulu prendre et porter par amour pournous, défaillait devant l'atroce martyre qu'elle devait souffrir; ellecriait d'elle-même vers Pieu, se séparant ici de la part divine dansl'excès voulu et accepté de sa douleur. Puis, Jésus dit dans sa

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LE PURGATOIRE. CHANTXX11I. IOt)

Je dis « peine » et devrais dire « joie »,

car le désir, qui nous ramène à l'arbre,

est le même qui mena le Christ heureux, jusqu'à crier « Eli... »

quand il nous délivra par le sang de ses veines ».

Et moi à lui : — « Forese, depuis ce jouroù lu échangeas la vie du monde contre une vie meilleure,

cinq ans ne se sont pas écoulés jusqu'à présent.

Si d'abord, en toi, s'éteignit le pouvoir

prière : « Que votre volonté soit faite et non la mienne. » Son corpsvraiment humain offrait ainsi son sacrifice à la part divine. Or, lavolontéde Dieu et celle du Christ n'étaient qu'une seule et mêmevolontéde toute éternité, comme dans cet instant et toujours. Seulela forme humaine revêtue par le Sauveur et chargée de tous lespéchés du monde — bieu qu'elle demeurât elle-même l'infinie pureté— créait la différence à cet instant suprême, différence voulue,acceptée et reconnue explicitement par Lui dans ce lieu de sa pre-mière offrande, alors qu'il sait et qu'il est seul à savoir sur terrel'holocauste qu'il sera domain devant tout le peuple à l'heuremarquée par Lui.

Tiens meus, Deus meus, respice in me; quare me dereliquistii'hnge a salutc mea verba delictorum meorum... (Psm. xxi, a.)

Et hora nona exclamant Jésus voce magna, dicens : Eloï, Eloï;lamma sabacthani, Quod est interpretatum : Deus meus, Deusmeus, ut quid develiquisti me.'(Ev. Saint Marc, xv, 34.)

Eloï qui signifie en hébreu : « Mon Dieu ». Le Poète rappelle icile moment le plus terrible de la Passion du Sauveur, lorsque duhaut de la Croix Jésus-Çhrist s'écrie : « Mon Dieu, mon Dieu,pourquoi m'avez-vous abandonné ! » Et Jésus, «heureux », redisaitiçs paroles désolées, comme dernier acte de son humanité. Auda-cieux et magnifique langage du Poète — d'ailleurs parfaitementllioologique —par lequel il montre Jéstis triomphant sur la Croix,dans l'instant que va s'accomplir, par la mort, la séparation de sanature humaine, victime insigne, et de sa nature divine, libre etconsentante. Tout le mystère du rachat des âmes

Par la sublime évocation de Jésus sur la Croix, Dante exalte etmagnifie l'état des âmes au cours de leur expiation sur le MontMystique.

"8. Forese Donati mourut en effet le J8 août 1296, et, suivant lauction poétique, c'est au printemps de l'an i3oo que Dante leretrouve sur la 6e corniche du Purgatoire.

"9- Dante sait que Forese ne songea point a faire pénitence deses fautes avant les derniers jours de sa vie :

E queste cose sa bene l'Autorc per la conversazionc continova

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110 l'LRGATOIlIO. CANTOXXIII.

di peccar piû, che sorvenisse Fora

del buon dolor ch'a Dio ne rimarita,

S'A. corne se' m quassù venato ancora?

Io ti eredea trovar laggiû di sotto

dovc tempo per tempo si ristora ».

8.1 Qnd'egli a me : « Si tosto m'ha condotto

a ber lo dolce assenzio de' martiri

la Nella mia ! Col suo pianger dirolto,

88 con suoi preghi devoti e cou sospiritratto m'ha délia costa ovc s'aspetta,c libcralo m'ha degli altiï giri.

rj i Tant'è a Dio piû cara e piû dilettala vcdovella mia, che tanto amai,

(juanto in bene operare è piû soletta;

y4 ché la Barbagia di Sardigna assainelle féminine sue è più pudica.

ch'elli aveva col detto Forese; ed esso Autore fit quegli che, peramore che aveva in lui e familiaritade, lo indusse alla confessionc :e' confessossi a Dio anzi l'ultimo fine. (Ott. Com.)

83. Il semble au Poète que Forese devrait être plus bas, là oùle temps se paye par le temps, dans l'Ante-Purgatoire où doiventattendre leur heure ceux qui remirent toujours à plus tard leurpénitence sur terre. (Purg., IV, i3o et suiv. ; XI, 127 et suiv.)

86. L'absinthe est amère comme le tourment : mais doux paraîtaussi le tourment à l'âme aimante.

87. Xeïla, diminutif de Giovanella. Au temps de la joute poétiqueentre Forese et Dante, celui-ci avait écrit un de ses Sonnets sur lemalheur de la pauvre Nella, aimante et souvent abandonnée, tristeet sans cesse transie : « Per difetto ch'ella sente al nido... ». LePoète, par l'éloge superbe de la jeune femme qu'il fait ici, semblevouloir effacer ce que sa verve de jadis l'avait incliné à rimer paie-ment sur sa peine imméritée.

88. Forese parle d'elle ici avec une tendresse profonde, songeantqu'elle fut et demeure le meilleur de ses biens, puisque par ellesi; sont abrégés les jours de l'attente et la durée dos peines encou-rues sur les ressauts précédents.

89. L'Ante-Purgatoire : La première ceinture de la montagne où

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LE ptnuAToiiOE. — CHANTXXIII. 1 1 i

de pécher davantage, avant que ne survint l'heure

de la bonne douleur qui à Dieu nous unit à nouveau,

8?, comment es-tu venu si haut? Encore

je croyais te trouver là-bas, au-dessous,en un lieu où le temps par le temps se restaure. »

»

85 Et lui à moi : — « Si je fus amené aussi vite

à boire la douce absinthe des tourments,c'est grâce à ma Nella bien-aimée. Par ses abondantes larmes,

88 par ses dévotes prières et ses soupirs,elle m'a enlevé à la côte où l'on attend,cl elle m'a libéré des autres gyres.

fji Elle est à Dieu d'autant plus précieuse et chère,ma jeune veuve que j'ai tant aimée,

qu'elle est plus seulette à bien faire :

i)4 car la Barbagia de Sardaigne, beaucoup mieux

en ses femmes garde la pudeur,

attendent ceux qui ont différé jusqu'à la fin de s'amender et de fairepénitence.

90. Les cinq premiers ressauts : dans les fameux Sonnets de lajoute, Dante reprochait à Forese non seulement sa gourmandise maisencore son orgueil et sa prodigalité.

92. Dante marque bien dans ce vers son souci d'effacer l'impressionqu'avait pu faire son Sonnet satirique.

94. Invective contre les femmes florentines que Dante déclare pluseffrontées et moins pudiques que les femmes de la Barbagia de Sar-daigne, lieu sauvage et perdu dont saint Grégoire pouvait écrire aucours d'une de ses Epîtres (III, 26-27) clne ^es habitants vivaientcomme des bêtes sans raison.

Montanea est altissima in insula Ma, in qua habitat gens silvestvissine lege, sine religione vera quae dicitur remansisse ibi, quandoinsida fuit vecuperata de manibus barbarorum de Africa, quorummulieres sunt nimis lubricae et impudicae, permittentibus viris. Nampro colore et prava consuetudine vadunt indutae panno lineo albo,excollatae ita, ut pstendant pectus et ubera (Benv. de Imola.)

La Barbagia : cette partie de la Sardaigne naguère habitée par lesMaures do la Barbarie qui s'y étaient réfugiés au temps de l'invasiondes Vandales dans l'Afrique Septentrionale.

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112 PLIIGATORIU. CANTOXX1J1.

che la Barbagia dov'io la lasciai.

g~ O dolce frate, che vuoi tu ch'io dioa?

tempo futuro m'è gin nel eospetto,cui non sarà quest'cra molto antica,

loo nel quai sarà in pcrgamo interdetto

aile sfacciate donne florentine

l'andar mostrando oon le poppe il peltoi

ioj Quai barbare fur mai, quai Saracine,oui bisognasse, per farle ir coperte,o spiritali o altre discipline?

106 Ma se le svergognale fosser certc

di quel che il ciel veloce loro ammanna,

96 Florence, où Forese en mourant laissait Nella sa jeuneveuve. Et peut-être, en particulier, sa propre famille, où sembleavoir fleuri plus de promptitude à suivre le bon plaisir que non pasla vertu ou le devoir, si bien que, parlant de Corso Donati et de sespartisans, Dante écrira au Paradis, III, 106 : Uomini a mal pià chea ben usi Toutefois Gemma Donali, la femme de Dante, quiappartenait à cette même famille, paraît avoir été fort sérieuse etn'avoir pris aucune part aux désordres des siens et de sa cité.Lorsque Dante écrivait ces lignes, Gemma Donati, d'ailleurs, n'étaitplus jeune et, femme d'exilé, ne paraissait certainement point dansles fêles mondaines où les Florentines affichaient leurs plus auda-cieuses coquetteries.

98. L'annonce des peines qui frapperont Florence après le passagede Charles do A'alois.

100. Il fut défendu publiquement du haut de la chaire, dans leséglises, aux dames florentines de se décolleter autant qu'elles avaientaccoutumé en ce temps là de le faire.

io3. Questo dice in infamia e vituperio délie dette donne; dicendoche il primo atto e il pih popolesco e volgare délia onestade déliafemmina, è il tenere coperte quelle membra che la natura richiedeche sieno chiusc; e perà quello che è naturale, in ogni luogo e unomedesimo. Onde dice : le Barbare, le quali sono si partite da' nostricostumi, e le Saracine, che sono cosi date alla lussuria, che dovunquela volontà giugne, qiùvi per l'Alcorano di Maometto si dee soddisfarcalla lussuria, si vanno coperte le mammelle e' l petto; e voi, chedovetc vivere per leggc Romana, arrête bisogno d'esscre scomunicatc

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LE PURGATOIRE. CHANTXXIII. Il3

que non pas la Barbarie où je la laissai.

q- 0 mon doux Frère, que te dirai-jc encore?

Un temps futur est déjà devant mes yeux,dont l'heure présente n'est point très éloignée,

oo un temps où du haut de la chaire il sera interdit

aux effrontées dames Florentines

de s'en aller montrant leur sein nu.

o3 Quelle femme barbare y eut-il jamais, quelle Sarrasine

à qui il fallut, pour la faire s'en aller couverte,des sanctions spirituelles ou d'autres rigueurs?

06 Mais si les éhontées étaient averties

de ce que le Ciel promptement leur préparc,

c piuvicate (publicale) in piazza. E dice, che bisognerà non solamenteil comandamento dcl Diocesano, ma ancora che il Commune facciasua legge proibitiva. (Otlim. Corn.)

io5. Il est à croire que ce ne fut poinl une croisade de prédicationdirigée contre l'indécence des modes féminines ; mais du haut de lachaire, sans doute, furent lues les ordonnances disciplinaires com-portant des sanctions canoniques émanées de l'évèque et proba-blement même appuyées du Conseil des prieurs de la Seigneurie.

107. Les malheurs que leur réserve un temps très prochain. Passé1an i3oo, Florence semble en effet frappée d'un sort : les luttes departi reprennent de plus belle au dedans et au dehors, Guelfes etGibelins, Blancs et Noirs, Guelfes blancs exilés se liguant avec lesGibelins contre les Guelfes noirs restés au gouvernement de la ville ;d'autres sortes de revers et d'aUliclions Ce ne furent durant uuelongue période qu'inondations, meurtres, incendies, vols, exilsl(V. G. Villani, VIII, 4g- Dino Compagni. Croniche. — Isidoro deLungo : i Bianchi ei Neri, éd. Ulr. Hoepli, Milan.)

Une recrudescence de haines, d'ambitions injustes, suivirent àFlorence le passage de Charles de Valois, venu pourtant de la partdu Pape pour y apporter la paix (i'3oi); mais il ne sut y voir clairdans l'enchevêtrement des opinions et des intérêts des partis, et dutencore porter le poids d'une aggravation du désordre causée par'imprudence de quelques seigneurs de sa suite. En i3oa, Folcicri daCalvoli di Romagna « uomo féroce c crudelc », élu podestat deFlorence, fait prendre et mettre a mort plusieurs citoyens du partides Blancs restés dans la ville et portant les plus grands noms.

LE PURGATOIHE. II. 8

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114 PliRGATORIO. CAISTOXXIII

già per urlare avrian le bocche aperte;

ioj) ché, se l'antiveder qui non m'inganna,

prima fien triste che le guance impelicolui che mo si consola con nanna.

I la Deh, frate, or fa che piû non mi ti celi !

vedi che non pur io, ma questa gentetutta rimira là dove il sol veli ».

II J Perch'io a lui : « Se ti riduci a mente

quai fosti meco, e quale io teco fui,ancor fia grave il memorar présente.

(G. Villani, VIII, Sg.) En i3o3 c'est la guerre civile suivie de ladisette (G. Villani, VIII, 68).

Aux calendes de mai de cette même année, c'est l'écroulement dupont de la Carraia, un jour de fête où de nombreux Florentinsregardaient de là sur l'Arno une parodie de l'Enfer; il s'agissaitd'une représentation grotesque qu'eu faisaient sur des barques « ceuxdu bourg de San Friano » qui avaient convié la foule par un hérautannonçant que « quiconque voulait connaître ce qui se passe en l'autremonde n'avait qu'à se trouver sur le pont de la Carraia en tempsvoulu » ; et le pont, qui était alors de bois, se rompit et beaucoup degens furent noyés.....

Sicchè il giuoco da beffe avvenne col vero, e com era ito ilbando, molti per morte riandarono a sapere novelle dell'altro mondo,con grande pianto e dolore a tutta la cittade e fu questo segnodel futuro danno, che in corlo tempo dovea venire alla nostra cittadeper lo soperchio délie peccata de' cittadini (G. Villani, VIII, 70.)

En i3o4, c'est l'incendie allumé par « ser Neri Abati » dans Ortosan Michèle : « incendie de la Tramonlana », ainsi appelé parce quele vent soufflait avec violence ce jour-là — « traeva forte » — si bienque le feu dévora un grand nombre de palais, de tours et de maisonsavec tous leurs trésors et les plus précieuses marchandises (G. Vil-lani, VIII, 71), ce qui causa la ruine de la noble famille des Cavalcantiet leur exil.

Eu août I3I5, c'est la défaite de Montecatini infligée aux Florentinspar Uguccione, seigneur de Lucques et de Pise, défaite où les vieillesfamilles de Florence perdirent beaucoup des leurs, en même tempsqu'y succombait le meilleur du peuple. (G. Villani, IX, 7a.)

Dante pensa-t-il aussi au siège que l'Empereur Henri VII devaitmettre sous Florence en 1312? Il est probable que non, car lesfemmes de Florence, loin d'en pleurer, eurent tout lieu de s'en

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LE PURGATOIRE. CHANTXXIII. 110

déjà pour hurler elles auraient leur bouche ouverte...

n Car si le don de prévoir ne me trompe point en ceci,elles seront affligées avant que n'ait poil sur les joues,l'enfant qui à cette heure se console aux chansons de sa nourrice.

•y De grâce, Frère, or fais en sorte que plus tu ne te cèles à moi;vois que, non point moi seul, mais ces gens-ci,tous, nous regardons l'endroit où tu voiles les rayons du soleil ».

5 C'est pourquoi je lui dis : — « Si tu rappelles à la mémoirece que tu fus envers moi, et ce que je fus envers toi,encore le souvenir t'en sera pénible à cette heure.

montrer fières et satisfaites puisque l'empereur, ayant assiégéFlorence près d'un mois et demi, n'osa lui donner l'assaut, la voyanttropbien fermée et gardée, et s'en alla sans succès. (G. Villani, IX, 47.)

108. Et dixit Dominus : Pro eo quod elevatae sunt filiae Sion, etamhulaverunt extento collo, et nutibus oculorum ibant, et plaudebant,amhulabant pedibus suis, et composite gradu incedebant. DecalvabitDominus verticem flliarum Sion, et Dominus crinem earum nudabit.

In die Ma auferet Dominus ornamentum calceamentorum, etlunulas.

Et torques, et monilia, et armillas, et initias, et discriminalia etperisceliaas, et murenulas, et olfactoriola, et inaures, et annulas, etgemmasin fronte pendentes, et mutatoria, etpalliola, et linteamina,et acus, et spécula, et sindones, et vittas, et theristra. Et erit prosuavi odore foetor, et pro zona funiculus, et pro crispanti crine cal-ritium, et pro fascia pectorali cilicium. (Isaïe, Proph. III, 16 à a5.)

no. Et leur affliction arrivera avant que les petits enfants qu'ellesbercent aient barbe au menton.

m. La Nanna : chanson de berceau :Fa la ninna, fa la nanna,Piccinino délia mamma;Fa la nanna, fa un bel sonno

iri. « Ne me cache point comment lu es venu ici, par quellegrâce singulière ; — toi de qui le corps fait de l'ombre sous lenpleil.»

116. L'un avec l'autre, un temps, ils avaient mené une vie fortdissipée; les sonnets de la Joule en font foi, et c'est de ce temps desavie, pour toute une part, que Dante se repentira si profondémentdevantBéatrice lorsqu'elle lui en fera reproche.

17. Le souvenir de ces légèretés que Forese partagea, — oùForese lui-même l'entraîna, —lui est déjà bien douloureux.

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Il6 PLRGATORIO. CANTOXXIII.

118 Di quella vita mi volse costui

chc mi va innanzi, l'altr'ier, quando tonda

vi si mostrô la suora di colui

121 (e il sol mostrai). Costui per la profondanotte menato m'ha da' veri mord

con questa vera carne che il seconda.

124 Indi m'han tratto su li suoi eonford,salendo e rigirando la montagnache drizza voi che il mondo fece tord.

127 Tanto dice di far mi sua compagna,ch'io sarô là dove fia Béatrice :

quivi convien che senza lui rimagna.

i3o Virgilio è quesd che cosi mi dice

(e addita'lo), e quest'altro è quell'ombra

per cui scosse dianzi ogni pendice

r 33 lo vostro regno che da se lo sgombra.

118. Il assimile la vie dissipée menée avec Forese à la foretobscure : Virgile vient l'y chercher dans le temps qu'il perdait toulespoir.

119. Il y a cinq jours.132. L'Enfer .Sicut oves in inferno positi sunt; mors depascet eos. (Ps. XLVIII,15.)ia3. Dante, selon la coutume, suit Virgile. Virgile avait dit au

Chant IV de l'Enfer, vers |5 :lo sarô primo, e tu sarai secondo.I3I. Si Dante ne nomme pas ici Stace, c'est que son nom —M

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LE PURGATOIRE. CHANTXXIII. 1IT

8 De cette autre vie me détourna celui que voici

et qui va devant moi, avant-hier, quand ronde

se montrait à vous la soeur de celui-là :

i (et je montrai le Soleil). Celui que voici par la profondenuit des véritables morts m'a conduit,avec cette chair réelle en laquelle je suis ses pas.

4 De là, ses encouragements m'ont entraîné sur les hauteurs,gravissant et contournant la Montagne

qui vous fait droits, vous que le monde avait tordus.

•j II me dit qu'il restera mon compagnon jusqu'à ce

que je sois parvenu là où est Béatrice :

en ce lieu il faut que sans lui je demeure.

o Virgile est celui-là même qui me parle ainsi

(etje le désignai du doigt); et cet autre c'est l'Ombre

pour laquelle, tout à l'heure, ont tressailli en leur entier les pentes

8 de votre royaume qui lui donne l'essor.

célèbreet admiré qu'il fût sur terre — cède en cet instant son lustrehumainà la suprême consolation, à la suprême grandeur, celle del'âmequi a mérité d'entrer dans la demeure de son Dieu. La rayon-nantesainteté de cet instant de la libération d'une âme efface toutegloire humaine — ou, pour mieux dire, la rejette dans l'ombre, sibien que, ayant déclaré : celle-ci est l'âme pour laquelle le Montvientde se réjouir », Dante croit avoir tout dit :

Quidenim prodest homini, si mundum universum lucretur, animaevetosuae detrimentum patiatur? (Évang. saint Mathieu, xvi, a6.)

unum est necessarium (Evang. saint Luc, x, 4a.)

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CANTO XXIV

I Né il dir l'/ândar, né l'andar lui piû lento,

facea, ma ragionando andavam forte,si corne nave pinta da buon vento.

4 E l'ombre, che parean cpse rimorte,

per le fosse degli occhi ammirazione

traean di me, di mi'o vivere accorte.

7 Ed io, eontinuando il mio sermone,dissi : « Ella se n' va su forse piû tarda

che non farebbe, per l'altruicagione.

10 Ma dimmi, se tu sai, dov'è Piccarda ;

i. Les Poètes marchent vite tout en parlant avec animation. Chez1Ariosto, Orlando furioso. Ckant XXXI, v. 34.

Non, per andar, di ragionar lasciando,Non ai seguir, per ragionar, lor via,Vennero ai paaiglioni

i. Pour Dante, qui est vivant encore dans sa chair, la marcheparaît rapide, non pas pour les âmes.

3. Ecco ch'adduce la similitudine, che andavano fortemente cornejla nave quand'ella è spinta dal buon vento, e cosi noi ch'eravamocondutti su dal buon volere, guidati de la grazia di Dio. (Fr. da

Buti.)Le bon vent : la droite volonté aidée de la grâce.4. Les Ombres semblaient plus que mortes tant elles étaient pâles

et amaigries.

Page 131: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

CHANT XXIV

même Gyre : La gourmandise. Forese Donali. Piçcarda. Bonagiuntada Litcca. Le Pape Martin IV. Ubaldino Dalla Pila. Boni/ace.Messer Marchese. La Gentucca. Corso Donati. Le second Arbre

Mystique. Exemples d'avidité. L'Ange de l'abstinence.

i ?si la conversation ne retardait la marche, ni la marche la

mais ainsi, tout en parlant, nous allions fort, \conversation,telle une nef poussée par un bon vent.

4 Et les Ombres, qui paraissaient plus que mortes,

marquaient, par les fosses de leurs yeux, l'étonnement

qui leur venait de moi, s'étant aperçues que j'étais vivant.

7 Et moi, continuant mon discours,

je disais : — « Cette Ame s'en va peut-être plus lentement

qu'elle ne le ferait, et cela pour l'amour d'autrui ?

10 mais dis-moi, si tu le sais, où est Piçcarda;

_... arbores autumnales, infructuosae, bis mortuae, eradicatae...(Ep. cathol. de saint Jude... xn.)

8. L'âme de Stace.

9. C'est pour demeurer plus longtemps avec Virgile qu'il aime,que Stace va plus lentement :

Et sic vide quod verus amicus postponit ad tempus propriumcommodumpro amico, ut dicit philosophas IX Ethicorum... (Benv.de Impla.)

10. Piçcarda, fille de Simone Donati, soeur de Forese et de CorsoDonati, s'était faite religieuse dans le monastère de Sainte-Claire;Corso, son frère, l'enleva de son couvent par la force afin de ladonner en mariage à Rossellino délia Tosa à qui il l'avait promiset(Paradis, III, io3-io8.) .

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120 , PURGATOniO. CANTO XXIV.

dimmi s'io veggio da notar personatra qucsta gente che si mi riguarda ».

i3 « La mia sorella, che tra bella e buona

non so quai fosse piû, trionfa lieta

nell'alto Olimpo già di sua corona ».

16 Si disse prima, e poi : « Qui non si vieta

di nominar ciaseun, da eh'è si m un ta

nostra sembianza via per la dieta.

19 Quesli, c mostrô col dito, è Bonagiunta,

Bonagiunta da Lueca ; e quella faccia

di là da lui, piû che l'altre trapunta,

22 ebbe la sanla Chiesa in le sue braccia :

dal Torso fu ; e purga per digiuno

l'anguille di Bolsena e la vernaccia ».

i3. Alla domanda satisfacendo, dice Forese, che Piccarda la qualefu molto bella dcl corpo, e molto intera dell' anima, e si che non sa,se la hontade avanzù la bellezza 0 la bellezza, la bontade, già déliasua vittoria ch'ebbe contro al mondo, trionfa nel cielo. (Ou. Com.

i5. Le haut Olympe : le Ciel. L'expression païenne pour le Cielchrétien reste bien dans la forme d'humanisme en honneur au tempsde Dante.

16. En réponse à la seconde question de Dante, Forese lui indiquequelques esprits notables. Dans tout le Purgatoire il est permis denommer les âmes, et toutes sont heureuses d'être connues même aumilieu de leurs expiations, bien que celles-ci révèlent leur faute. Mais,outre que Forese ne connaît que l'usage du cercle où il se trouve,et qui est celui des gourmands, il est bien naturel qu'il énonce icique le fait de nommer les Ombres y est plus nécessaire qu'ailleurs,à cause de leur apparence si changée.

19. Bonagiunta : fils de Riecomo di Bonagiunta Orbicciani, de lafamille des Overardi de Lucques, mourut peu après l'an 1296, carau mois de décembre de cette année-là on le trouve mentionné parmiles fabriciens de l'église Saint-Michel [V. Com. Scartazzini). On ade lui de nombreuses poésies écrites selon les modes provençaux,sans aucune originalité et d'une langue dure et mal habile ; Danteparle de lui et le blâme dans son De Vulgari Eloquio, I, i3 :

... Bonagiuntam lucensem, Gallum pisanum, Minum Mocatumsenensem, et Brunetum florentinum; quorum dicta si rimari vacaverit,non curialia, sed municipalia tantum invenientur.

Page 133: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

LE PURGATOIRE. CHANTXXIV. 121

dis-moi si je vois quelqu'Ombre que je doive remarquer

parmi cette foule qui si attentivement me regarde. »

i3 • — « Ma soeur, dont toute belle et toute bonne

je ne sais dire ce qu'elle fut le plus, triomphe, heureuse

déjà de sa couronne, sur les hauteurs de l'Olympe. »

ifi Ainsi parla-t-il d'abord, et puis. — « Ici, il n'est point défendu

de nommer chacun, puisque si défaite estnotre ressemblance avec nos visages d'autrefois, à cause de la diète.

IQ Celui-ci (et il le montra du doigt), c'est Bonagiunta,Bonagiunta de Lucques. Et ce visage,au delà de lui, plus que les autres émacié,

22 eut en ses bras la Sainte Eglise :il fut de Tours, et il expie par le jeûneses anguilles de Bolsena et son vin doux. »

Iste autem fuit Bonagiunta de Urbisanis, vir honorabilis, decivitate I.ucana, luculeittus oralor in lingua materna, et facilisinventor rhythmorum, sed facilior vinorum, qui noverat autorem invita, et aliquando scripserat sibi. (Benv. de Imola.)

... Posuit tamen eum primum ante omnes, quia melius noverateum, et quia fuit maximus magister gulositatum. (Benv. de Imola.)

ai. Celui-ci, plus estimé que les autres, fut le Pape Martin IY,cardinal français, qui régna du as février 1281 au 29 mars 128$ etlaissa de lui la renommée d'un pontife magnanime et d'un saint.Sans doute, une plus grande douleur le tient ici lié, de ce fait mêmequ'il fut, malgré le défaut qu'il expie, plus désireux que tout autresur terre de plaire à Dieu, et plus élevé en dignité :

... Molto fit magnanimo e di grande cuore ne'fatti délia Chiesa,ma per se proprio e per suoi parenti nulla cuvidigia ebbe ; e quandoilfratello il venue a vedere papa, incontanente il rimandb in Franciaconpiccoli doni e colle spese, dicendo, ch' e' béni erano délia Chiesae non suoi. (G. Villani, VII, 58.)

•ia. Il fut l'Epoux de l'Eglise, c'est-à-dire son chef. Elu en considé-ration de Charles d'Anjou, roi de Naples dont plusieurs cardinauxdu conclave étaient fort amis, Martin IV garda en politique sa fidélitéà ce prince et favorisa sa couronne autant qu'il lui fut possible.

?3. Martin IV naquit d'une humble famine dans la Brie, mais ilest dit ici de Tours, parce qu'il fut trésorier en la cathédrale de cetteville.

•i4- ••• Fu molto vizioso délia gola, e fia l'altre ghiottonie nelmangiare cke' elli usava, facea torre l'anguille del lago Bolsena, e

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122 PURGATORIO. CANTO XXIV.

a a Molti altri rni nomô ad uno ad uno;e del nomar parean tutti contenu,si eh'io pcrô non vidi un atto bruno.

28 Vidi per famé a volo usar li denti

Ubaldiu dalla Pila e Bonifazio,che pastui'6 col rocco moite genti.

quelle facea annegare e morire nel vino délia vernaccia, poi fattearrosto le mangiava; ed era tanto sollicito a quel boccone checontinue- ne volea, e faceale curare e annegare nella sua caméra. Ecirca lo fatto del ventre non ebbe ne uso ne misura alcuna, e quandoelli era bene incerato, dicea : O sanctus Deus, quanta mala patimurpro Ecclesia sancta Dei! (Jacopo délia Lana.)

Et Francesco da Buti ajoute : Ergo bibamus !Faciebat coqui anguillas lacus Bolsene in vernaccia Unda

super ejus sepulcro fertur quod surit isti duo versus : Gaudent

anguillae, quia mortuus hic jacet Me. — Qui quasi morte reas esco-riabat eas. (Le Glossateur du Mont-Cassin.)

La vernaccia : vin blanc généreux et doux ; un vin pareil mûritdans l'Agenais. (Cf. Mtfr. Duchène, Cardinaux français, I, 283 etsuiv. Les Chanceliers de France, a34 et suiv.)

27. Nul ne se plaignait, nul ne laissait paraître le moindre ennuià s'entendre nommer ici par Forese, à l'inverse de ce qui s'était

passé par deux fois en Enfer (XXX, 100 et suiv. ; XXXII, 24 et suiv.) :Nous sommes ici chez les Eius.

29. Ubaldino, de la noble famille des Ubaldini, et de la branche decette famille qui tira son nom du château de la Pila, dans le Mugello,non loin de Florence. Cet Ubaldino fut le frère du cardinal Ottaviano(Enf., X, 120) et de Ugolino d'Azzo (Purg., XIV, io5) et le père de

l'archevêque Ruggieri. (Enfer, XXXIII, 14.)Ubaldin... il quale fu molto goloso, e peccù molto in volerne in

quantité oltre misura. Elli chiamava un suo castaldo, e dicea : chefa' tu fare da desinare ? E gli dicea : taie e taie cosa ; e dicea ditre o quattro imbandigioni. Ed elli sempre dicea : or fa anche ditaie e taie, e aggiungealitre, overo quattro vivande.(Jacopo délia Lana.)

... Peccù nella elezione di più diletti cibi... (Ottim. Com.)... huomo molto libérale. (Cristof. Landino.)... grande castellano et ridottato a suo tempo; et fu valente uomo.

(Anon. Fiorentino.)La 2o5e nouvelle du conteur toscan Sachetti met en scène ce

même Ubaldino délia Pila.

Bonifazio : peut-être de la Famille des Fieschi, de Gênes, quifurent comtes de Lavagna ; neveu du Pape Innocent IV ; archevêquede Ravennc dès l'an 1274 jusqu'à sa mort en I2g5.

Iste autem fuit archiepiscopus Ravennae ; de cujus gula autor audi-verat multa, aum staret Ravennae. (Benv. de Imola.)

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LE PUnfiÀTOIIiE. CHANTXXIV.

?.3 II m'en nomma beaucoup d'autres, un à un;

et tous paraissaient contents d'être nommés,si bien que je n'en vis pas un seul faire un geste d'ennui.

a8 Je vis, pressés par la faim, user leurs dents à vide,Ubaldin dalla Pila, et Boniface,

qui, sous son bâton pastoral, tint un nombreux troupeau.

Plutôt qu'un pasteur d'âmes, Boniface fut un agitateur politiqueet fort épris de luxe et de grandeur, sinon, en vérité, des bons metset des bons vins.

Benvenuto de Imola et Cristoforo Landino font de lui un prélatfrançais, également archevêque de Ravenne.

Benvenuto de Imola même n'hésite pas à déclarer que la gourman-dise est un défaut éminemment français :

Hic nominat alium magnum gulosum gallicum, qui potevat starecum papa Martino gallico ; quem bene ponit hic, quia Gallici suntamici gulae et vini, et quia praelati maxime lahorant morbo gulae.(Benv. de Imola.)

h'Anonimo Fiorentino fait de Boniface le fils d'TJbaldino délia Pilaauprès de qui il est nommé ici.

De Serravalle :Aliqui dicunt, quod iste Bonifacius fuit filius istius Ubaldini, et

fuit pulchevrimus lusor ad schaccos. Sed, ut vidi in una Cronica deRavenna, iste Bonifacius fuit francigena.

Ij'Ottimo Commenta en fait un si grand gourmand que nul de sontemps ne le dépassa :

... ogni uomo di quello tempo si lascib dietro; e con certi vantaggimise in pastura dighiottornie moite genti; ed a loro mise meglio tavoladi neuno altro.

5o. Il rocco : la houlette, le bâton pastoral, peut-être, tout parti-culièrement, la crosse de l'archevêque de Ravenne, qui, an lieu d'êtrerecourbée à son extrémité, s'achevait en un ornement de la formed'une petite tour, fort ressemblante a celle du jeu d'échecs. L'ar-chevêque de Ravenne avait un diocèse fort étendu et plusieurs évê-ques suffragants ; toutefois sur ces derniers mots : moite genti etsur cet autrepasturà, Dante a-t-il voulu jouer quelque peu, car pastu-rare signifie à la fois paître les agneaux au sons évangélique, selonque Jésus dit à Pierre :

...Pasce agnos meos.Pasce oves meas. (Evang. saint Jean, xxi, 15-i7.)

et, au sens matériel, simplement : « nourrir ». Et le « nombre desgens » qu'il eut dans sa dépendance peut bien s'entendre aussi desa cour, des familiers, fort nombreux, dont il était entouré et qu'ilfaisait vivre largement, dressant pour eux de bons repas bien or-donnés, ce qui serait une explication suffisante de tout ce que disentles vieux commentateurs cités plus haut.

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124 PliRGATOBIO. CANTOXXIV,

3i Vidi messer Marchese, ch'ebbc spaziogià di berc a Forli cou mcn secchezza,e si lu tal che non si senti sazio.

34 Ma, corne l'a chi guarda, c poi fa prezza

più d'un che d'altro, fe' io a quel da Lucca,die piû parea di me aver contezza.

?>y Ei mormorava; e non so che «Gentucca»

senliva io là ov'ei sentia la piagadélia giustizia che si li pilucca.

4o « O anima, diss' io, che par' si vagadi parlar-meco, fa si ch'io t'intenda,e te e me col tuo parlare appaga ».

43 « Femmina è nata, c non porta ancor benda,

Si. « Vidi messer Marchese... » :Hic ultimo poëta nominat alium virum potentem ; et transit de

Ravenna Forlivium, ubi sunt meliores potatores et meliora vina.Iste fuit nobilis miles de Argugliosis de Forlivio, pater dominaeLaetae, quae fuit mater domini Bernardini dePolenta, qui fuit domi-JIUSRavennatum. Fuit iste vir curialis etplacidus multum. Vnde cumsemel adjuraret pincernam suum, ut sibi diceret, quid diceretur deeo, et illo respondente trépide : «Domine, dicitur, quod numquam facitis nisi bibere » ; dixit ridenter : « Et quare numquam dicunt, quodsemper sitio »? (Benv. de Imola.)

i'i. ... Scilicet, bibitor... Et hic nota quod, sicut eleganter dicitPlinius, haec nécessitas sequitur hoc vitium, ut bibendi consuetudoaugeat aviditatem, quanta plus biherint tanto magis sitiunt... (Benv.de Imola.)

S/). Dante devait naturellement ressentir plus d'intérêt pour Bona-giunta qui fut à sa manière un fervent du Gay Scavoir.

35. Bonagiunta, qui, lui aussi, souhaite mieux connaître Dante...iy. Gentucca, la jeune femme de Lucques. Sur les lèvres blessées

de désir de Bonagiunta, Dante surprend ce nom ; il veut en savoirle sens et Bonagiunta le lui déclare : une jeune femme de ce nomsaura lui faire aimer sa ville de Lucques malgré le mal que plu-sieurs en disent. Cette jeune femme, Gentucca Morla degli Antel-minelli Allucinghi, mariée à Bonaccorso Fondora, était en 1317,époque où le Poète alla à Lucques, dans toute la fraîcheur de sajeunesse. Toutefois il est clair que l'amour de Dante pour cette jeunefemme fut un amour parfaitement pur, tout idéal; il avait déjà une

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LE PURGATOIRE. CHANT XXIV. I 20

31 Je vis Messer Marchese qui eut tout le loisir

de boire, autrefois, à Forli, d'un gosier moins sec,

et fut si bon buveur qu'il ne se trouva jamais rassasié.

34 Mais comme fait l'homme qui observe et accorde ensuite

[plus d'estime

à l'un qu'à l'autre, pareillement je fis pour celui de Lucca

qui semblait le mieux me connaître.

i-j II murmurait; et je ne sais de quelle « Gentucca »

j'entendais le nom sur ses lèvres, là même où il ressentait l'affliction

voulue par la Justice Divine qui si fort les épuise.

40 — « O Ame », dis-je, « qui parais si désireuse

de t'entretenir avec moi, fais en sorte que je t'entende,

et, l'un et l'autre, satisfais-nous par tes paroles. »

43 — « Une femme est née, et point ne porte encore bandeau »,

cinquantaine d'années lorsqu'il vint à Lucques, et il n eût point faitmention ici, dans le lieu même de la purification,d'un amour si peuque ce fût sensuel et qui n'aurait pu d'ailleurs se prêter à la pro-phétie d'une âme sauvée.

... e cosi era avvenuto... che iautore essendo a Lucca non po-tendo stare in Fiorensa, puose amore ad una gentil donna chiamatamadonna Gentucca, che cra di Rossimpelo, per la virtà grande etonestà che era in lei, non per altro amore...

... e lo innamorare di quella da Lucca fa per li suoi belli costumi c

per la sua virtà, la quale piaceva a lui siccome ail' omo virtuoso.(F. daButi.)

Il est fort probable que cette jeune femme sut montrer à Dante1amabilité et l'affection filiale qui pouvaient le loucher le plus aucours de son exil, et lui procurer même peut-être la protection dontil avait besoin dans une ville qui n'était point la sienne et qui ne pou-vait bien l'accueillir qu'autant qu'il y serait présenté par les soinsde quelque ami. Il semble au reste que l'explication de ce passage parune affection supérieure à une faiblesse passagère des sens rendeplus sensible l'agrément que le Poète dut trouver à la ville de

Lucques, agrément dont il se loue avec une joie durable ici même.43- Femmina... : Dante désigne ainsi live au Chant XXIX du

Purgatoire, vers 26, pareillement la femme vertueuse de l'antiquité :

Enf., IV, 3o. Et enfin la Vierge Marie :Cristo, flgliuolo del sovrano Iddio e Figliuolo di Maria Verginc

{femmina veramente e figlia di Giovacchino e d'Anna). (Convivio, II, 6.)Gentucca était encore enfant lors de la prophétie de Bonagiunta;

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126 PURGATORIO. CANTOXXIV.

cominciô ei, che ti far à piaeerela rnia città, corne ch'uom la riprenda.

46 Tu te n'andrai con questo antivedere.

Se nel mio mormorar prendesti errore

dichiareranti ancor le cose vere.

49 Ma di' s'io veggio qui colui che fuore

trasse le nuove rime, cominciando :

Donne che avete intelletto à' A more ».

02 Ed io a lui : « Io mi son un che, quandoamor mi spira, noto ; ed a quel modoche ditta dentro vo significando ».

55 « O frate, issa vegg'io, diss'egli, il nodo,che il Notaro, e Guittone, e me ritenne

elle n'était point mariée, et seules les femmes mariées QUles veuvesportaient le bandeau autour du front. Peut-être est-ce Gentucca queDante chanta sous le nom de la Pargoletta?

quia est innupta puella. Ista vocata est Pargoletta, de quaautor facit mentiohem infra capitule xxxi ; cujus amore captas est,dum tempore exilii sui venisset Lucam... (Benv. de Imola.)

45. Dante avait appelé Lucques un repaire de fripons, en ce quiconcerne ce qui se vend et s'achète. {Enf., XXI, 41 et suiv.) De mêmel'accent des gens de Lucques prêtait-il fréquemment à rire aux Floren-tins.

Questo dice ; imperb chë li Luccliesi sono vipresi di loro costumie del loro parlare imperb che parlano dando accento ail' ultimesillabe che non si de, tirandole à le precedenti e facendo sincope...(Fr. daButi.)

48. Il n'est point oiseux que Bonagiunta parle d'une jeune femmequi sut être compatissante à l'égard du grand Proscrit. Ce fut pourDante la consolation nécessaire et il est si touchant qu'il le dise, ici,marquant d'un tel trait sa reconnaissance, qu'elle vient émouvoir lecoeur à travers les siècles.

5o. Le dolce stil nuovo. La façon nouvelle d'écrire en poésie,c'est-à-dire sous l'impulsion d'un mouvement sincère du coeur et dela pensée, alors que jusque-là, par toute l'Italie, la poésie avait étéasservie à l'imitation de l'école sicilienne qui tenait elle-même sesconcepts des troubadours provençaux : la Dame imaginaire, l'amournon senti, l'allégorie pour elle-même, sans qu'aucun objet réel y fûtnécessairement caché, etc.. etc..

... eo quod quicquid poetantur Itali sicilianum vocatur. (Dante, DeVnlg. eloq., I, 12.)

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LE PURGATOIRE. CHANTXXIV. I 'l']

commença-t-il « qui te fera aimer

ma ville quoique si fort on en médise.

;16 Tu t'en iras avec cette prédiction.Et si ce que je murmurais t'a induit en erreur,

plus tard, les faits accomplis te le montreront bien.

zjn Mais dis si je vois ici celui-là même qui au jourfit paraître les rimes nouvelles commençant ainsi :

« Dames qui avez intelligence d'amour... »

n2 Alors, moi à lui : — « Je suis celui qui, lorsquel'amour l'inspire, écrit, et de ce même accent

dont il dicte au-dedans je vais faisant mes vers. »

55 — « 0 Frère, à présent je vois », dit-il, « le noeud

qui nous retint, le Notaire et Guittone et moi, liés

ïi. Le premier vers de la chanson de Dante :Donne, ch'avete intelletto d'amore,Io vo' con voi délia mia donna dire ;Non perch' io creda sue lau.de finire,Ma ragionar per isfogar la mente.

(I" Canzoue, Vita Nuova, §XIX.)Àvvennepoi che, passando per un cammino, lungo il quale correva

un rio molto chiaro d'onde, giunse a me tanta volontà di dire, checominciai a pensare il modo ch' io tenessi; e pensai che parlare dilei non si conveniva, se non che io parlassi a donne in seconda per-sona; e non ad ogni donna, ma solamente a coloro, che sono gen-tili... (Dante, Vita Nuova,§ XIX.)

55. Le Poète parle suivant l'inspiration de son coeur et les visionsque suscite en lui son imagination. Il dit sa propre pensée, sonpropre sentiment tels que les éveille en lui l'amour :

Allora dico che la mia lingua parlb quasi per se slessa mossa...(Vita Nuova, §XIX.)

... parole, che' l core mi disse con la lingua d'Amore... (Ibid.,«xxiv. )

56. Il notaro. Ainsi fut surnommé Jacopo da Lenlini qui fut, dansla première moitié du xm° siècle, un bon poète suivant le modeprovençal, et mourut vers l'an i^5o :

Madonna, dir vi voglio...Per fino amore vo si lietamente.

Voici les deux vers de Jacopo da Lentini que Dante cite avec degrands éloges au chapitre xn du Ier livre de son De Vulgari Elo-quio.

Guittone d'Arezzo, qu'on peut regarder comme le chef de l'école

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128 PURGATOHIO. CAXTOXXIV.

di qua dal dolce stil nuovo ch' i' odo.

58 Io veggio ben corne le vostre pennediretro al dittator se n' vanno strette,che délie nostre certo non avvenne.

61 E quai piû a riguardare oltre si mette,non vede più d'all'uno all'altro stilo ».

E, quasi contentato, si lacette.

64 Come gli augei che vernan lungo il Niloalcuna volta in aère fanno schiera,

poi volan piû in fretta e vanno in filo ;

67 cosi tutta la gente che li era,

volgendo il viso, raffrettô suo passo,e per magrezza e per voler leggiera.

"o E come l'uom che di trottare è lasso

doctrinale qui retint captive la poésie italienne jusqu'à Dante. Rarenommée, commencée peu après l'an iaîo, tint une bonne partiede cette seconde moitié du siècle. Il mourut à Florence l'an 1uçj•;.{\.Purg.,XXVI, 1*4.)

58. Les poètes du « doux style nouveau » : Dante et son ami GuidoCavalcanli. A leur suite, Lapo Gianni, Dino Frescobaldi, GiaimiAlfani, et les autres de l'école florentine.

59. L'Amour : rien de bon ne se fait sans amour, sans passionsincère : nulle émotion, pas de véritable beauté dans les oeuvres quine sont qu'un jeu d'esprit. Voilà le sens de ces paroles de Bonn-giunta.

61. « Et si bien qu'on regarde, si loin qu'on s'en aille chercher,il n'est point d'autre différence entre ce que nous écrivîmes et ceque tu écris, que celle que nous venons d'établir : lu suis do prèston sentiment, redisant fidèlement ce qu'il te dicte; et nous, nousnous en éloignâmes sans cesse, croyant qu'il n'était de poésie qu'eudehors du vrai, et ne voulant connaître celui-ci qu'au travers desartificielles fictions de l'école. »

Bonagiunta avait aimé les premières chansons de Dante qui étaientparvenues jusqu'à lui. Il est content d'avoir causé avec le jeune poètequi vient de libérer la poésie tant aimée de lui, et d'avoir fait !«lumière sur un point resté jusque-là obscur en son jugement.

G/|. Les grues :

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LE PURGATOIRE. CHANTXXIV. 12'Ç)

en-deçà de ce doux style nouveau que j'entends :

58 je vois bien comment vos plumess'en vont étroitement sur les traces dé celui qui dicte,ce qui n'advint point des nôtres ;

6i! et quoi que fasse tel qui voudrait y regarder de plus près,il ne trouvera point d'autre écart de l'un à l'autre style. »

Et comme s'il se fût donné satisfaction, il se tut.

64 Ainsi que les oiseaux qui hivernent le Ibng du' Nil

forment parfois dans l'air un bataillon,

puis volent en plus grande hàtc et vont en file,

Gj ainsi toutes les Ombres qui étaient là,

reportant leur regard sur leur chemin, hâtèrent le pas,cl par leur maigreur et par leur bon vouloir légères.

'o Et, pareil à l'homme qui, las de courir,

Avcs, ubi frigidus annusTrans pontum fugat et terris immittit apricis.

(Enéide, VI, 311-1a.)Strymona sic gelidum, bruina pellente, rclinquuntPoturae te, Nilc, grues, primoque volatu,Effingunt varias, casu monstrante, figuras.

(Lucain, La Pharsale, V, 711 et suiv.)68. Les ànics détournent leur regard du Poêle et reprennent leur

chemin, en se hâtant davantage a(!n de regagner le temps perdu :Qucmadmodum desiderat cervus ad fontes aquarum, lia desiderat

anima mea ad le, Dcus.Sitivit anima mea ad Deum forlem vivum ; quando veniam et

npparebo ante faciem Deil'Fucritnt mihi lacrjmae mcae panes die ac nocte... (Psaume XLI,

M:>'

. . .69. Leur volonté est unie à la volonté de Dieu : elles aiment leur

tourment parce qu'il les rapproche de Lui et qu'il est le signe à lafoisde sa justice et de sa miséricorde à leur égard.

70. Trottare pour correre : courir. De Boccacc, Décaméron,Journée II, nouvelle II, quand le marchand, volé et laissé sans vête-mentsur la neige, cherche un abri :

... sospinto dalla freddura, troitando, si dirizzb verso caslelGuiglielmo...

LE PCB.0AT0IRE.— II, g

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IJQ PCRGATORIO. CANTOXXlV.

lascia andar li compagni, e si passeggiafin che si sfoghi l'affollar del casso ;

^3 si lasciô trapassar la santa greggîaForese, e rétro meco se n' veniva,dicendo : « Quando fia ch'io ti riveggia? »

76 « Non so, risposi lui, quant'io mi viva;ma già non fia il tornar mio tanto tosto,ch'io non sia col voler prima alla riva ;

79 perô che il loco, u' fui a viver posto,di giorno in giorno piû di beii si spolpa,ed a trista ruina par disposto ».

82 « Or va, diss'ei, ché quei che piû n'ha colpavegg 'io a coda d'una bestia trattoou

71. A sou loisir, seul et lentement.-p. Affolai- : de même « affolement », de follis soufflet : le grand

mouvement d'une poitrine haletante qui aspire l'air.Aridus e lasso veniebat anhelitus ore.

(Ovide, Métam., X, v. 663.)78. Dante a assez souffert : il souffre encore et sans cesse des

maux de sa patrie, il ne souhaite point vivre plus longtemps, a(iude n'en pas voir la ruine qu'il prévoit.

Certains remarquent q.ue Dante ne dit ppint qu'il ne reviendra pasici, dans ce cercle même où Forese l'a précédé : ils en infèrent quepeut-être le Poète avait aussi à se reprocher quelques peccadillesde gourmandise. Mais il est évident que ce passage concerne le Pur-

gatoire tout entier, la Montagne Sainte prise dans son ensemble.82. Forese prédit alors sous forme d'énigme la lin tragique de

Corso Donati, son frère, qui fut le chef de la noblesse du parti desNoirs et un des principaux agitateurs dont Florence eut à déplorerl'action. V. G. Yillani, Cronica, VIII, 8, 3g, 42 et 68. Sur la mort deCorso Donati v. même livre, cap. xc.vi.

Corne fa morto il nobile e grande ciltadino di Firenzc, messerCorso de' Donati.

L'an i.'3o8, accusé de trahison vis-à-vis du peuple et, en moinsd'une heure, jugé et condamné comme rebelle et traître à la Commune,Corso Donati, comptant sur l'aide de son beau-père Uguccione délia

Faggiuola, se barricada dans sa demeure, et, entouré de plusieursamis se défendit aussi longtemps qu'il lui fut possible. Mais lesecours espéré ne vint point; beaucoup l'abandonnèrent et force luifut de s'enfuir. Rejoint et pris, il se laissa tomber de cheval, et unsoldat le voyant sans force lui perça la gorge d'un coup de lance.

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LE PURGATOIRE. CHANTXXIV. 131

laisse ses compagnons s'en aller en avant et marche doucement

jusqu'à ce que soit calmée sa poitrine haletante,

•'i de même, il laissa passer la sainte troupe,Forèse, et derrière moi, il s'en venait,disant : — « Quand sera-ce que je te reverrai? »

j6— «Je ne sais», lui répondis-je, « combien de temps je vivrai,

mais certes mon retour ne sera pas si prompt

que je ne sois déjà par mon désir sur votre rive,

J9 parce que le lieu, où je fus mis pour vivre,de jour en jour davantage de tout bien se dépouilleet semble destiné à une ruine lamentable. »

82 — « Or, va », dit-il, « car celui qui est là le plus en faute,

je le vois traîné à la queue d'une bête

Ainsi le trouvèrent des moines d'une abbaye voisine ; et si certainsdisent qu'ils le trouvèrent mort, il en est d'autres qui affirment qu'ilsl'emportèrent vivant et qu'il mourut à l'abbaye, après s'être récon-cilié avec Dieu par leurs soins :

Messer Corso tuito solo andandosene, fu giunto e preso sopra aHovezzano da certi Catalani a cavallo, e menandolne preso a Firenze,corne fu di costa a San-Salvi, pregando quegli che'l menavano, epromettendo loro molta moneta se lo scampassono, i detti volendolopure menare a Firenze siccom'era loro imposto da signori, messerCorso per paura di venire aile mani de' su.oi nemici e d'esseregiustiziato dal popolo, essendo compreso forte di gotte nelle mani cne' piedi, si lascib cadere da cavallo. I detti Catalani veggendoloin terra, l'uno di loro gli diede d'une lancia per la gola d'uno colpomortale, e lasciaronlo per morto; i monaci del detto monistero il nejioriaro nella badia, e chi disse che innanzi che morisse si rimisenelle mani di loro in luogo di penitenzia, e chi disse che il trovarmorto, e l'altra mattina fu soppellito in San-Salvi con piccolo onorec poca gente, per tetna del comune. Questo messer Corso Donatifude' pià savi, e valente cavalière, e il più hello parlatore, c il megliopratico, e di maggiore nominanza, e di grande ardire e imprese cli(il suo tempo fosse in Italia, e hello cavalière di sua persona egrazioso... (G. Villani, Cronica, VIII, 96.)

83. Suivant d'autres chroniques, Corso Donati, s'étant laissé tomberde cheval, aurait été traîné un instant par son cheval même; et, lecroyant mort, ceux qui le gardaient l'auraient attaché à la queue del'animal et traîné ainsi jusqu'à la porte du couvent. Bien des légendesfurent créées sur la mort de ce personnage qui avait joué un sigrand rôle dans les testes et les désordres de Florence.

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102 punu.vronio. — CANTOXXIV.

invèr la valle ove mai non si scolpa.

85 La bcstia ad ogni passo va più ratio

crescendo scmpre, infin ch'ella il pcrcuote,e lascia il corpo vilmenle disfatto.

88 Non hanno molto a volgcr (|uellc ruote

(c drizzô gli occhi al ciel) ch'a te fia chiaro

cio chc il mio dir più dichiarar non puote.

yi Tu ti rimani ornai, chc il tempo è caro

in queslo regno si, ch'io pcrdo troppovenendo tcco si a paro a paro ».

cj4 Quai esce alcuna voila di galoppolo cavalier di schiera che cavalchi,e va per farsi onor del primo intoppo;

97 tal si parti da noi con maggior' valehi :

ed io rimasi in via con esso i due

chc fur del mondo si grau maliscalchi.

ioo E quundo innanzi a noi si entralo lue,

chc gli occhi nriei si lèro a lui scguaci,corne la mente aile parole sue,

ioo panermi i raini gravidi e vivaci

S.i. Corso Donali est traîné vers Florence « uù mille faute imputern est pardouucc, même si elle un fut poiut commise, et Daule lesavait. » (D'après Belti.)

Mais Florence est ici l'image de l'Enfer.8). Le cheval, qu'excite et qu'effraye le poids qu'il traîne, va de

plus en plus vite, à l'image du destin qui semble accroître sonallure à la fin de la vie et dont la hâte est implacable.

88. Les Sphères célestes n'auront point à poursuivre longtempsleur course, qui marque les jours et les années, avant que tout cecin'arrive.

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LE PUHGATOIRE. CHANTXXIV. i33

vers la vallée où jamais la faute n'oblient merci.

8J À chaque pas la bêle va plus vite,

hâtant toujours sa course, jusqu'à ce qu'elle le frapperi laisse là son corps misérablement abattu.

88 Elles n'ont point longtemps à tourner, les Sphères

(et il leva les yeux au ciel), avant que ne s'éclairent pour toi

ces faits que mes dires ne le peuvent découvrir davantage.

i)i Toi maintenant, reste en arrière; car précieux est le tempsen ce royaume, tellement, que j'en perds tropm'en venant ainsi avec toi, d'un pas égal an tien. »

9'j Tel, parfois, sort du rang au galople cavalier d'arme, sur son cheval,et s'avance pour se donner l'honneur du premier choc :

9j tel, il s'éloigna de nous, franchissant plus d'espace;et moi, je demeurai sur le chemin avec les deux Sages

qui furent, pour le monde, des chefs de si grande valeur.

oo Et, quand, devant nous, il se fut tant éloignéque mes yeux ne le pouvaient plus suivre, si ce n'est confusément,comme l'avait pu faire mon intelligence pour ses paroles,

O'J m'apparurent les rameaux lourds et vivaces

91. « Demeure à présent avec Ion escorte,.. »

98. Avec Virgile et Stuce.

99. Maliscalchi : maréchaux : a ici le sens île « maîtres émineuls »,«conducteurs de la pensée ».

101. Les jeux du Poète ne voient plus que confusément Forese quis est éloigné très vite pour regagner le temps perdu, de même quew pensée du Poète n'a pu suivre tout a l'heure que confusément 1Ksens de la prédiction qui lui a été faite touchant la mort de CorsuDonati.

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1^4 I'URGATORIO. CANTOXXIV.

d'un altro porno, c non mollo lontani,

per esscr pure allora volto in laci.

106 Vidi ffente sott'esso alzar le mani

c gridar non so che verso le fronde,

quasi bramosi fantolini e vani

loç) che pregano; e il pregato non rispondc,ma per far esser ben la voglia acuta,tien alto lor disio e no '1 naseonde.

11a Poi si parti si corne ricreduta ;e noi vcnimmo al grande arbore adesso

che lanti preghi c làgrime rifiuta.

lia « Trapassate oltre senza farvi presso !

Legno è piû su che fu morso da Eva ;e questa pianta si levô da esso ».

118 Si tra le frasche non so chi diceva ;

per che Virgilio e Stazio ed io, ristretti,oltre andavam dal lato che si leva.

121 « Ricordivi, dicea, de' maledetti

io<j. Le second Arbre mystique : issu de l'Arbre de la connaissancedu Bien et du Mal, qui croissait au milieu du Paradis terrestre.

io5. L'arbre était proche, mais il avait été caché jusque-là au Poulepar la courbe de la paroi rocheuse.

106. Les âmes tendent leurs mains vers les fruits de la connaissancedu Bien suprême, mais il n'est pas temps encore pour elles de lesrecevoir.

108. Les âmes comparées à de petits enfants : peut-être parce queleur vice ne fut point des plus graves et que leur appétit erroné futen eux tel qu'apparaît le désir chez les petits enfants, c'est-à-diresans l'impulsion d'une véritable malice.

115. De ligno autem scientiae boni et rnali ne comedas; in quo-cumque enim die comederis ex eo, morte morieris. (Genèse, 11, 17.)

116. A l'autre Arbre, le premier cri de la voix entendue avait été

pour rappeler la tempérance de Marie; ici le premier cri rappelle la

gourmandise d'Eve. De même que les Pères de l'Eglise aimèrent à

opposer Marie à Eve, de même ici Dante :Due mense son poste innanzi ail' immaginazione e al pensiero de'

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I.K PCnfiATOtRE. CHANTXX[V. I ?y~>

d'un autre Arbre — et point très lointains

car je venais à peine de contourner ici la Montagne,

IÛ6 Je vis des Ombres, dessous, lever leurs mains

et crier je ne sais quoi vers le feuillage,comme des petits enfants désireux et vains

lû() qui implorent, et celui qu'ils implorent point ne répond,mais pour que leur convoitise se fasse plus aiguëtient élevé l'objot de leur envie et ne le cacbe point.

112 Puis, ces Ombres s'en furent, comme déçues,et nous vînmes alors au grand Arbre

qui à tant de prières et. de larmes se refuse.

iif! — « Passez outre sans vous approcher!Plus haut, il est un arbre auquel Eve a mordu,et celui que voici a germé de cet autre. »

118 Ainsi, parmi les branches, parlait je ne sais qui.C'est pourquoi Virgile et Stace et moi-même, serrés l'un à l'autre,nous passâmes au delà, marchant du côté où le parvis s'élève.

lai — « Qu'il vous souvienne », disait la voix, « de ces maudits

penitenti : l'una in Eden, tra Verbe e i flori che poco stante doveanocangiarsi in triboli e spine; l'altra in Cana, fra l'idrie delV acquainfeconda ch' era per tramutarsi nel i'ino vivifico. Vedesi Eva eAdamo ail' una. Maria e Gesù ail' allra; là Eva, che dall' alberovietato trae e versa ne' petti umani il succo onde s'avvelena ogniliell' affetto ; qui Maria, che da Colui il quale ha detto : « lo son lavite » trae il snno che restaura e santifica l'amore; là cominciatal' oi-adélia câduta, qui accelerata V ora del risorgimento del génèreumano. (Perez, Cerchi, 2Ï6.)

117. Cet arbre est un rejeton de l'Arbre de la science du Bien et duMal sous lequel fut donnée par Dieu la première loi d'abstinence,sous lequel cette même loi fut violée.

118. Un ange, sans doute.ng. « Nous allions, bien serrés l'un à l'autre, tout contre la paroi,car le chemin est peu large, l'Arbre en tient tout le milieu et nous

voulions obéir au précepte donné par la voix et ne point nous enapprocher. »

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l3() PUItfiATOIUO. CANTOXXIV.

nei nuvoli formait chc, salolli,Teseo combattêr co' doppi pctli ;

ia4 c degli Ebici eh'al ber si mostrâr molli,

pcr chc non gli ebbe Gedeon compagni,

quando vèr Madian diseese i colli ».

ia~ Si, aooostati ail'un de' duc vivagni,

passammo, udcndo colpc délia gola,

seguite già da miseri guadagni.

i3o Poi, rallargati per la strada sola,ben mille passi e piû ci portammo oltrc,

contemplando ciascun senza parola.

i33 « Chc andate pensando si voi sol' tre? »,

i'i'j. Les Centaures, d'après la mythologie, étaient les fils de laXue et d'Ixion.

... Nubigenasque ferox ...(Ovide, Métam., XII, an.)

Les plus célèbres : Pholos, Apharée, Nessus, Chiron, Eurython...i>.'i. La double poitrine d'homme et de cheval; allusion au combat

que Thésée soutint contre les Centaures qui, invités par les Lapithesaux noces de Pirithoiis et d'Hippodamie, s'enivrèrent et tentèrentd'enlever la jeune épouse avec les autres femmes. Mais ils furentvaincus par Thésée et les siens, et tués pour la plupart :

... felicem diximus MaConjuge Pirithoum : quod paene fefellimus omen.Nam tibi, saevorum saevissime CentaurorumEuryte, quant vino pectus, tant virgine visaArdet ; et ebrietas geminata libidine régnât.Protinus eversae turbant convivia mensae;Haptaturque comis per vint nova nupta prehensis ;Eurytus tiippodamen, alii, quant quisque probabant,Aut poterant, rapiunt; captaeque erat urbis imago,Femmeo clamore sonat domits . ...

(Ovide, Met., XII, 217-2*6.)Bacchus et ad culpam causas dédit : Me furentesCentaures letho domuit, Iihoctiimque, Pholumque,Et magno Ilylaeum Lapithis cratère minantem,

(Virgile, Géorgiques, II, 455 et suiv.)At ne quis modici transiliat mimera Liberi,Çentaurea monet cum Lapithis rixa super mero

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I.F. rURfiATOIBE. CHANT XXIV. l?>~

on<'endi'és des nuages, qui dans leur ivresse

combattirent Thésée avec leur poitrine à la double nature;

ia4 et de ces Hébreux qui ne surent résister à leur envie de boire,

ce qui fut cause que Gédéon point ne les garda en son armée

lorsqu'il descendit les collines vers Madian. »

\<>- Ainsi, pressés contre l'un des deux bords,

nous passâmes, écoutant le rappel de péchés de la gorge,suivis naguère de déplorables gains.

i3o Puis, arrivés au large sur la route libre,

bien de «nille pas et plus nous nous avançâmes,

méditant en nous-mêmes, chacun, et sans rien dire.

i%\ — « Qu'allez-vous donc, ainsi pensant, vous trois seuls? »

Debellata;(Horace, Odes, I, xvm, 7-9.)

ii:\. Lorsque Gédéon cherchait des guerriers forts et endurants

pour marcher avec lui contre les Madianites, et qu'il avait appelé alui les jeunes hommes d'Israël, plusieurs d'entre eux ayant soif se

jetèrent par terre pour boire a même le fleuve. Et ceux-ci, Dieuno les voulut point dans l'armée de Gédéon; ils furent renvoyés chezeux et n'eurent aucune part à la victoire qui s'ensuivit, tandis queceux qui avaient pris l'eau dans leurs mains et posément l'avaientportée à la bouche, suivirent le chef et, vainqueurs de Madian,enlevèrent le camp des ennemis.

Dixitque Dominus ad Gedeon : Adliuc populus multtt.i est, duccou ad aquas, et ibi probabo illos ;...

Clinique descendisset populus ad aquas, dixit Dominus ad Ge-deon : Qui lingua lambuerint aquas, sicut soient canes lambere,separabis eos seorsum ; qui autan eurvatis genibus biberint, inaltéra parte erunt,..

Et ait Dominus ad Gedeon : in trecentis viris qui lambueruntaquas, liberabo vos, et tradam in manu tua Madian ; omnis autenileliqua multitudo revertatur in locum suum, (Juges, vu, 4-3-7.l

i'i6. Le camp des Madianites était en bas, dans la vallée.i3o. Le chemin avait été divisé en deux par l'Arbre ; ici, l'Arbre

Jépassé, il redevenait unique : sola, — la route était libre.133. La voix de l'Ange de l'Abstinence qui va faire monter les

poètes au cercle suivant et effacer dans le vent de ses ailes le sixième Pque Dante a sur le front.

Page 150: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

i 3S ptincATOiuo. — c.wro x\iv.

subita voce disse ; ond'io mi scossi,corne fan bestie spaventate e poltre.

136 Di'izzai la testa per veder chi fossi ;e giammai non si videro in fornace

vctiï o metalli si lucenti e rossi,

I3Q com'io vidi un che dicea : « S'a voi piacem on tare in su, qui si convien dar volta :

quinci si va chi vuolc andar per pace ».

i4a L'aspetto suo m'avea la vista tolta;

per ch'io mi volsi indietro a' miei dottori,com'uom che va secondo ch'egli ascolta.

14^J E quale, annunziatriee degli albori,l'aura di maggio movesi ed olezza,lutta impregnata dall'erba e dai fiori :

148 tal mi sentii un vento dar per mezza

la fronte ; e ben senti' mover la piuma,

138. Les animaux de la vision d'Ézechiel, scintillant comme l'ai-rain dans la flamme :

Pedes eorum, pedes recti, et planta pedis eorum quasi plantapedis vituli, et scintillae quasi aspectus aeris candentis. (Ezechiel,'' 7-) ,Et 1Ange de la vision de Daniel :

Et levavi oculos meos, et vidi; et ecce vir unus vestitus lineis, etrenés ejus accincti aaro obrizo ;

Et corpus ejus quasi chrrsolithus, et faciès ejus velut speciesfulguris, et oculi ejus ut lampas ardens ; et brachia ejus, et quaedeorsum sunt usque ad pedes, quasi species aeris candentis, etvox sermonum ejus ut vos multitudinis. (Daniel, x, 5-6.)

Et la figure du Sauveur, dans la vision apoealytique de saint Jean :Caput autem ejus et capilli erant candidi tamquam lana allia,

et tamquam nix ; et oculi ejus tamquam flamma ignis ;Et pedes ejus, similes aurichalco, sicut in camino ardenti...Et hahebat in dextera sua stellas septem... (Apocalypse, 1, 14-

I5-I0.)Ici, rossi doit valoir robbi, vieux mot qui veut dire brillant, doré ;

à rapprocher de l'espagnol rubio qui veut dire blond.)3g. « S'il vous plaît »... L'ange sait que les Poètes souhaitent

Page 151: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

LE lTIUIATOinF.. CHANT XXTV. l3()

Jil nue voix soudaine; d'où il arriva que je tressaillis

comme font les bêtes ombrageuses, effrayées.

i36 Je levai la tête pour voir qui avait parlé :

et jamais ne se virent en la fournaise

verreries ou métaux aussi étineelants et vermeils

\'k) que la figure que je vis et qui disait : — « S'il vous plaîtde monter plus haut, c'est par ici qu'il faut tourner;

par ici s'en vient celui qui veut trouver la Paix. »

14a Son aspect avait ébloui mes yeux;c'est ainsi que je pris le tournant derrière mes Maîtres,comme l'homme qui va selon qu'il est guidé par l'ouïe.

i/jj Et, telle l'annonciatrice des premières lueurs d'aurore,la brise de Mai, souffle et embaume,toute imprégnée des senteurs de l'herbe et des fleurs,

\$ telle, je sentis une haleine me frapper parle milieu

du front, et j'entendis bien le battement de l'aile

entier, cela est certain, même nécessaire : toutefois le choix de bienfaire doit provenir de la libre volonté de l'àme, et c'est afin de lemarquer ici, que l'ange s'exprime de la sorte.

Questo flnge, perche il ben fare de essere da la propria volontà.(!•'. da Buli.)

14' « par ici passe celui qui veut aller dans la Paix », lapaix suprême, l'éternelle béatitude.

142. L'éblouissement que causent aux yeux mortels de Dante cesvisages d'anges, à travers tout le Purgatoire.

i43. N'y voyant plus a cause de la trop grande lumière qui émanede la créature céleste, Dante va, à la suite de ses maîtres, vers "lavoix qui a parlé, guidé seulement par le sens de l'ouïe.

i45. Vuoïe dire che, innanzi che si liet'i l'alba, comincia a trarreuno venticello, che si chiama aura, et questa aura, cib è questoventicello, che si lieva da' fiori et dall'erbe odorifere, rende odoreet soavità. (Anonimo Fiorentino.)

Au chant YII (5) de la Jérusalem délivrée de Torquato ïasso,lorsqu'Hermiuie se réveille dans la forêt :

Non si dettb finchè garrir gli augelliNon senti lieti e salutar gli albûriE mormorare il fiume e gli arboscelli,E con V onda scherzar l'aura e co' fiori...

Page 152: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

i/îo punr.ATORio. — CANTOXXIV.

che fe' sentir d'ambrosia l'orezza.

i5i E senti' dir : « Beati oui alluma

tanto di grazia, che l'amor del gustonel petto lor ti'oppo disir non fuma,

i L>4 esuriendo sempre quanto è giusto » !

i5o. La nymphe Cyrène verse sur son fils l'ambroisie qui ttuilaugmenter sa beauté et ses forces :

Haec ait, liquidum ambrosiae diffundit odorem,Quo totum nati corpus perduxit; at MiDulcis compositis spiravit crinibus aura,Atque hahilis membris venit vigor...

(Virgile, Géorgiques, IV, 4i5 et suiv.)Vénus, parfumée d'ambroisie, s'éloigne de sou fils Enée :

Dixit, et avertens rosea cervice refulsit,Ambrosiaeque comae divinum vertice odorem

Spiravere{Enéide, I, 40a et suiv.)

Et dicta est ambrosia quasi aurosia : aurosis enim graece dici-tur cibus vel esca...

Quis nunc non videat quantum similitudo sit propria quia angé-lus mine ventilando propinat coelestem escam autori, qua pasceretur aliter quam isti gulosi odore pomi et aquae, quo ita crucian-tur amare (Benv. de Imola.)

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LE PURGATOIRE. CHANTXXIV. I 4 f

qui répandu dans l'air un parfum d'ambroisie.

151 Et j'entendis ces mots : — « Bienheureux ceux en qui brille

une grâce si forte que le souci du goûtne vient point, par trop de convoitise, obscurcir leur coeur,

104 et qui n'ont faim, toujours, que de juste mesure! »

i5i. Lange adapte la forme des Béatitude? évangéliques à ren-seignement des âruee pénitentes qui sont dans ce lieu.

i5'2. Le souci de la gourmandise.154 «'N'ayant faim qu'autant qu'il le faut pour soutenir la vie »,

Dante élève ici l'amonition, paraphrasant la 4e béatitude du SermonMirla Montagne :

Beati qui esuriunt et sitiunt justitiam; quoniam ipsi saturabun-tur. (Evang. saint Mathieu, v, 6.)

Mais alors que celte faim et cette soif du Sermon sur la Montagnen'ont trait qu'à l'esprit, Dante les transpose dans le monde sensible,pur la base de l'image évangélique,

L'apôtre saint Paul, dans sa première Epitre aux Corinthiens,reprend ceux-ci dans leur façon de célébrer les agapes chrétiennes.Il blâme ceux qui mangent et boivent égoïstement, ne songeant qu'àeux et sans s'astreindre a une juste mesure.

Vnusquisque enim suant coenam praesum.it ad manducandum. Ela.lius quidem csurit, alius autem ebrius est. (Ep. aux Corinthiens,XI,'21.1

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CANTO XXV

t Gra era onde il salir non volea storpio,ché il sole avea lo cerchio di meriggelasciato al Tauro, e la notte allô Scorpio ;

4 per che, corne fa l'uom che non s'affige,ma vassi alla via sua, checché gli appaia,se di bisogno stimolo il trafigge;

7 cosi enlrammo noi per la callaia,uno innanzi altro, prendendo la scalache per artezza i salitor' dispaia.

10 E quale il eicognin che leva l'ala

per voglia di volare, e non s'attenta

i. Il est déjà ua peu plus de deux heures de l'après-midi. Il fautse hâter. Les poètes mcmleul au cycle des luxurieux, qui est leseptième et le dernier.

i. Le méridien : le plus grand des cercles de la sphère céleste.celui qui passe par les pôles et s'élève au zénith, celui que le soleiltouche à midi.

î. Les deux signes opposés du zodiaque : le Taureau et le Scor-pion. Sur 1hémisphère que parcourait dans cet instant le soleil, l'é-tait la constellation du Taureau qui occupait le milieu du ciel, déjàdépassé par lui : sur l'autre hémisphère, où régnait la nuit, c étaitcelle du Scorpion.

C'est toujours par l'évocation des astres que Daute nous fait con-naître l'heure qu'il est durant son voyage mystique. Il ne la précise

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CHANT XXV

Ascension au septième Gyre. Théorie de la génération de l'homme.

Corps aériens que l'âme rayonne autour d'elle après la mort.— Septième Gyre : la luxure. Exemples de chasteté.

i C'était l'heure où notre ascension ne devait plus souffrir de retard,car le cercle méridien, abandonné du Soleil,'avait été laissé au Taureau — et la nuit le cédait au Scorpion.

4 C'est pourquoi, comme fait l'homme qui point ne s'arrête

mais s'en va droit par son chemin, quoi qu'il y puisse rencontrer,si l'aiguillon de la faim ou de la fatigue le transperce,

"j ainsi nous entrâmes dans le couloir de roche,l'un devant l'autre, prenant l'escalierdont l'étroitesse ne permet point qu'on le gravisse à deux.

io Et tel le petit de la cigogne, qui bat de l'aile

dans son envie de voler et ne se risque point

pas autrement. Et rien ne saurait émouvoir davantage que Je mou-vement régulier et continuel des astres autour du Mont commeautour de la terre lointaine où le Poète va revenir.

... ita quod quota hora diei erat ibi, tota hora iwclis cral hic.(Benv. de Imola.)

8. Primo Virgilius, secundo Statuts, tertio Dantes : nec poterant' transire omnes simul propter angustiam loci... (Benv. delm.)il. ... Volucrum sic turba recentum

Quum reducem longo prospe.xit in aelhere matrem.Ire cupit contra, summaque e margine nidiExtat Mans : jamjamque cadat, ni pectore totoObstet aperta parens, et amantibus increpet alis.

(Stace, Thébaïdc, liv. X, v. .(58 et suiv.)

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I 44 PIÏRGATUBfO. CANTOÀXV.

d'abbandonar lo nido, e giû la cala;

i3 lai era io con voglia accesa e spentadi domandar, venendo infino all'atlo

che fa colui ch'a dicer s'argomenta.

16 Non lasciô, per l'andar chc fosse ratto,lo dolce padre mio, ma disse : « Scocca

l'areo del dir che infino al ferro liai tratto ».

t() Allor sicuramenlc aprii la bocca,e cominciai : « Corne si pu6 far magrolà dove l'uopo di nutrir non tocca? »

22 « Se t'ammentassi corne Melcagrosi consumô al consumar d'un stizzo,

i3. Dante a un ardent désir d'interrompre son maître; toutefoi?son ardeur semble se tempérer par la crainte qu'il a de lui paraîtreimportun.

t5. 11 va jusqu'au mouvement des lèvres et n'ose point arlicul'-i'sa question.

18. Lorsque l'arc est fortement tendu, le fer de la flèche posé furla corde touche le haut de sa courbe.

Quasi dicat : audacter .solve linguam et cmiltc verbum, quod j»mIraxisli usque ad dentés.

Et est propria mctap/iora : verbum enim lève volai ut sagitta irrr-vocabiliter, et pénétrât usque ad intima cordis. (Benv. de 1111.)

11. « De remarquables analogies se rencontrent d'abord entre le-opinions indiennes et celles du poète florentin...

« Telle est l'opinion de Dante d'après laquelle les àmes détachée-,par la mort, du corps qu'elles habitaient sont revêtues d'un corp*aérien. Cette hypothèse plusieurs fois renouvelée daus la philoso-phie chrétienne et empruntée au paganisme, ne se trouve nulle partavec des développements plus complets et des traits de ressem-blance pins constants que dans le système de l'Inde...

D'autres fois la rencontre a lieu, mais c'est une lutte ; les idées orien-tales se représentent à la pensée du poète chrétien, mais pour êtrecombattues. » (Ozanam, Dante et la philosophie catholique au XHlr siè-cle, partie III, ch. 1.)

•23. Lorsque naquit Méléagrc (v. Coin. Purg., XXI, a;), fils d'OEiié'1roi de Calydon el de la reine Alinéa, les trois Parques jetant dans laflamme du foyer un tison et tournant le fuseau de la destinée d:;

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LE puncvrotRE. — CHANTXXV. l45

à abandonner le nid et la replie,

i3 tel j'étais, moi, en mon désir, allumé tour à tour et éteint,

d'interroger; si bien que j'en arrivais au mouvement des lèvres,

que fait celui qui se prépare à parler.

16 Si rapide que fût la marche, point il ne laissa,mon doux Père, de me dire : — « Libère

l'arc de tes paroles que tu as tendu jusqu'au fer! »

ly Alors, sans plus de crainte, j'ouvris la bouche,et je commençai : — « Comment peut-on maigrir ainsi,là où l'on n'est plus touché du besoin de se nourrir? »

22 — « Si tu te rappelais comment Méléagrcse consuma dans le même temps que se consumait un tison,

1enfant, l'une d'elles avait dit ; « A la durée de ce tison est attachéela durée de ta vie, ô nouveau-né. » Et Althéa, ayant soigneusementretiré du feu le tison, l'avait éteint, et gardé en un lieu secret dupalais. Mais lorsque Méléagre, devenu jeune homme, eut tué lesanglier féroce envoyé dans les champs de Calydon par Diane, —jalouse que nul honneur ne lui eût été rendu en ces lieux, alorsque les. autels des autres dieux avaient reçu des sacrifices, — sesdeuxoncles, frères d'Althéa, ne voulurent point permettre qu'il enoffrit les dépouilles à Atalante, la jeune vierge chasseresse queMclcngrc aimait, et lui contestèrent le droit que lui donnait savictoire, retenant qu'à eux seuls était due l'offrande du monstre.Cequi fut cause que Méléagre, plein de fureur, les tua l'un et l'autre.

Sa mère, plus fidèle à la race des siens qu'à son amour maternel,voulantvenger sur l'heure ses frères, courut chercher le tison ma-gique et le jeta dans la flamme afin que se consumât avec lui la vieîleMéléagre. Après quoi, saisie par l'horreur de son crime, elle setua elle-même d'un coup de poignard.

« Me miseram ! maie vincetis ,•sed vincite, fiatrcs ;Dummodo, quae dedero vobis solatia, vosquoIpsa sequar. » Dixit, dextraque aversa trementiVunereum torrem medios conjecit in ignés.Âut dédit, aut visas gemitus est ille dédisseStipes; et im'ilis correptus ab ignibus arsit.

lnscius, atque absens flamma Meleagros in illaUritur; et caecis torreri viscera sentitIgnibus; al magnos superat nvtutc dolorcs.

LE PURGATOIRE.— II. 10

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I/jt) PURGATORIO. CANTOXXV.

non fora, disse, qucslo a te si agro ;

a5 e se pensassi corne al voslro guizzo

guizza dentro allô specchio vostra image,ciô che par duro ti parrebbe vizzo.

9.8 Ma perché dentro a tuo voler t'adage,ecco qui Stazio; ed io lui chiamo, e pregoche sia or sanator délie tue piage ».

3i « Se la veduta eterna gli dislego,

rispose Stazio, là dove tu sie,

discolpi me non potert'io far niego ».

34 Poi cominciô : « Se le parole mie,

figlio, la mente tua guarda e riceve,lume ti fieno al « corne » che tu die.

Quod tamen ignavo cadat, et sine sanguine, leto,Moeret ; ...

(Ovide, Met., VIII, 4>v. 809 et suiv.)crescunt ignisque dolorque ;

Languescuntque iterum; simul est exstinctus uterque.(Ovide, Met., VIII, 4, v. 5-12-5-Ï5,)

Par l'exemple de Méléagre, Virgile veut montrer à Dante commentl'homme peut non seulement maigrir, mais encore se consumerentièrement, pour toute autre cause que la faim naturelle non satis-faite, soumis qu'il est à une puissance supérieure dont les dérrelsrestent mystérieux.

Scriptum est : Non in solo pane vivit honw, sed in omni verbo quoiprocedit de oreDei. (Saint Mathieu, îv, 6.)

25. Egli alza ad or ad or la mano, e spdaLa debole mia vita esto perverso,Che disteso a riversoMi tiene in terra d'ogni guizzo slanco.

(Dante, Canzon., IX, v. 43.)Guizzo .Mouvement bref et qui glisse. Quelque rapide que soit le

mouvement, la glace le reflète. Ici les corps aériens, dont sont revê-tues les âmes, sont comme le miroir d'elles-mêmes. Leur visageéruacié, plein de désir et de souffrance, est le reflet de l'âme, ardcnlcen son amour et en son repentir parce qu'elle connaît le Bien vers

qui elle va, le mal dont elle est encore alourdie, et qu'elle s'extiMiucde son seul désir et du regret de ses erreurs passées,

ïfi. Et quamvis subito, quovis in tempore, quamque

Page 159: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

LE PURGATOIRE. CHANTXXV. 147

ceci, dit-il, point ne te serait si difficile à comprendre.

Ï>5 Et si tu pensais comment à votre moindre mouvement

se meut aussi votre image au miroir,ce qui te semble ardu te semblerait facile,

28 Mais pour qu'en ceci tu pénètres à ta guise,voilà près de nous Stace, et c'est lui que j'appelle et prieafin qu'il soit à l'instant le guérisseur de tes perplexités.

3i — « Si j'ouvre devant lui la vision éternelle »,

répondit Stace, « en cet endroit, alors que tu y es toi-même,

que mon excuse soit que je ne te puis rien refuser. »

34 Puis il commença : — « Si mes paroles,mon Fils, sont reçues et gardées en la mémoire,elles te seront lumière pour éclairer la question que tu poses.

lèvres

Hem contra spéculum ponas. apparat imago.(Lucrèce, lier, nat., IV, 156 et suiv.)

29. Il semble que Danle aurait pu aussi bien mettre sur les lèvresde Virgile que sur celles de Stace la dissertation qui va suivre, con-cernant la génération de l'homme.

Elle eût été certes à sa place dans renseignement d'un païen commedanscelui d'un chrétien; — puisque Dante, selon une opinion fort suivieau Moyen âge, fait du poète Stace un chrétien, — mais s'il porte sonchoix sur celui-ci c'est que la création et l'infusion de l'âme sont dela doctrine chrétienne, et n'eussent pu être exposées par Virgile.

30, Le doute est une plaie de l'âme : seul le don de la Vérité peutguérir une telle plaie.

3i. La vision des choses éternellement vraies d'où dépend tout ceque Dante rencontre ici, et jusqu'à la peine particulière des âmesexténuées de la sixième corniche du Mont mystique, sous l'arbre dcVic.

)i. Stace, grand admirateur de Virgile,' s'excuse de prendre laparole devant lui qui est « le grand fleuve d'éloquence » (Dante,Enfer., I, 80.) Il ne le fera que pour lui obéir.

La déférence que Danle prend soin de prodiguer partout à ceuxqui furent les maîtres de sa pensée est un des traits les plus tou-chants de son ouvrage.

35. Fili mi, si susceperis sermones meos... Tune intelliges... (Pro-verbes, M, i-5.)

Et dans l'explication delà parabole du Semeur :Qui vero in terrant bonam seminatus est, hic est qui audit verbum,

etintelligit et fructum affert... (Evang. saint Mathieu, xm, >').)

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i4° pbitG.vronio. — CANTO xxv.

3j Sangue perfetto che mai non si beve

clall'assetate vene, e si rimane,

quasi alimento che di mensa levé,

4o prende nel cuore a lutte membra umane

virtute inf'ormativa, corne quelloche a farsi quelle per le vene vane.

43 Ancor digesto, scende ov'è piii bello

lacer che dire; e quindi poscia geme

sopr'altrui sangue in natural vasello.

46 Ivi s'accoglie l'uno e l'altro insieme,l'un disposto a patire, e l'altro a fare

per lo perfetto loco onde si preme ;

49 e, giunto lui, comincia ad operare,

coagulando prima, e poi avviva

ciô che per sua maleria fe' constare.

02 Anima fatla la virtute alliva,

'}-. Sanguinis qui digestionc quadam estpraeparatus ad concen-tum, quasi purior et perfeciior alio sanguine... (Saint Th. d'Aquin.Sum. TkeoL, III, xxxi, 5,)

.jo. Le coeur de l'homme, considéré ici par Dante, non seulementcomme l'organe qui préside à la circulation du sang, mais encorecomme le signe de l'inclination affective qui dirige l'amour, le lieumême de « cette concupiscence qui lie l'àme au corps par des lienssi tendres cl si violents » selon la parole de Bossuel.

41. E perb dico che quando l'umano seme cade net suo recettacoh,cioc nella matrice, esso porta seco la vertu dclV anima generativa,la vertu delcielo. e la vertu degli alimenti legata, cioè la complcs-sione del seme. Esso matiira e dispone la materia alla vertu forma-iiva, la qualc diede l'anima générante... (Convivio. Trait. IV, cap. xxi.)

i\'{. Foemina ad conceptionem prolis materiam ministrat,... ex qtianaturaliter corpus prolis formatur. (Saint Th. d'Aquin, Sum. Theol.III, XXXII,4-)

47. In gencratione auleni distinguitur operalio agentis et pniien-tis. Vndc rchnquilur quod tota virtus activa sit ex parte maris, pas-sio autem. cv parte foeminae. (Saint Th. d'Aquin, Sum. TkeoL, I".xxx11,.i. |

Page 161: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

LF. PURGATOIRE. CHANTXXV. 149

31 -——

7 Un sang parfait, qui jamais n'est absorbé

par les veines altérées et reste

tel un aliment qu'on relève de la table,

/jo prend au coeur de l'homme, en prévision de tous membres

une vertu capable de les former, comme étant celui [humains,

dont l'impulsion, par les veines, tend à créer l'être nouveau,

jj3 Filtré encore, il descend en un lieu qu'il est plus beau

île taire que de nommer, et, de là ensuite il s'épanchesur le sangd'autrui, en son vase naturel,

<jfi Là, l'un et l'autre se joignent ensemble,l'un disposé à souffrir l'action et l'autre à l'accomplir,

grâce au lieu parfait de son jaillissement,

^9 Et, dès son ai rivée, il commence son oeuvre,

coagulant d'abord, et puis avivant

ce qu'il a recherché pour sa matière,

h L'action de la semence fait paraître alors une âme,

48. Le lieu parfait de son jaillissement :Le coeur de l'homme où s'épure le sang, et se prépare l'inclina-

tion; ou encore le sein maternel où l'être prend vie ; ou, peut-être,l'hommelui-même d'où provient le principe actif et que Dieu créa euun noble état de perfection. Ici les commentateurs sont partagés.Dante, sans doute, pour évoquer ces trois idées en un seul vers, l'avoulumystérieux : de là son ambiguïté.

5o. Nonne sicut lac mulsisti me, et sicut caseum me coagulasti?(Liv.de Job, x, 10.)

Decemmensium tempore coagulatus sum in sanguine, ex seminehominis, et delectamento somni cohveniente (Lib. Sapientiae, vu, 2.)

5i. Formatio corporis fit per potentiam generativam, non ejus quigeneratur, sed ipsius generantis, ex semine, in quo operatur visformativa ab animapatris derivata. (Saint Th. d'Aquin, Sum. Theol.,III, 33, 1. Cf. Aristote, Phys., II, a5.)

5i. L'ànie végétative : c'est-à-dire le principe élémentaire de la vie,tel qu'il se trouve dans la plante. La [semence jetée germe d'abordeu son lieu comme la plante (Cf. Saint Th. d'Aquin, Sum. Theol., I,118,1.)

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l5o PURGATOIUO. CANTOXXV.

quai d'una piatita, in tanto différente,che questa è in via e quella è già a riva,

55 tanto opra poi, che già si move e sente,corne fungo marino ; ed indi imprendead organar le posse ond'è scmente.

58 Or si spiega, figliuolo, or si distende

la virtû ch'è dal cuor del générante,dove natura a tutte membra intende.

(li Ma, corne d'animal divenga fante,non vedi tu antor : quest'è tal punto

5/j. La plante, ne devant pas avoir d'autre mode d'existence quela vie végétative, est arrivée à son point de perfection alors que lavie végétative chez l'être humain n'est que le premier pas. Il s'élèveraensuite à la vie sensitive ou animale, la devant encore à celui qui l'aengendré. Et enfin il accédera à la vie intellective qui sera sonaccomplissement et lui viendra de l'âme spirituelle et raisonnablequi ne peut émaner que de Dieu seul.

Siccomedice Aristotile, nel secondo «.d'eWAnima», vivere è l'essèredelli viventi ; e perciocchè vivere è per molti modi, siccome nelle fiantevegetare, negh animali vegetare e sentire e muovere, negli tiominivegetare, sentire, muovere e ragionare ovvero intendere... [Convivio,Tratt. IV, 7.)

56. Sans doute une anémone de mer ou une méduse, chez qui lesorganes sont peu distincts mais qui se meut et sent.

57. Les cinq sens : la vertu active du germe commence au tempsmarqué à former les puissances de l'être qui arrive à la vie, c'est-à-dire : la vue, l'odorat, l'ouïe, etc., qui s'épanouiront à leur heure.

5g. La vertu naturelle que Dieu a mise au coeur du père et qui va,suivant son destin, organiser chaque membre de l'être nouveau.

61. Animal : Dante désigne ainsi l'embryon humain tel qu'il estavant que Dieu ne lui ait infusé l'âme raisonnable, créée par Luipour en être la forme spirituelle.

... cioè coloro dirizzare intendo, ne' quali alcuno lumetto di ragione.per buona loro natura, vive ancora; chè degli altri tanto è da curare,quanta di bruti amimali. (Dante, Conv., IV, 7.)

Et il dira de l'enfant lorsqu'il a reçu son âme, d'où le privilègede la pensée et de la parole : « Fante », selon le sens latin : êtreparlant.

... Nam eoruni quae sunt omnium, soli homini datum est ioqui.cum solum sibi necessarium fuit. (Dante, De Vulg. eloq., I, %.)

6J. Le mystère de l'âme intellective et raisonnable et de sou infu-

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LE PURGATOIRE. CHANTXXV. l5l

telle celle d'une plante, différente en ceci toutefois

que l'une est en chemin tandis que l'autre est arrivée déjà à

[son terme ;

ï5 puis, si fort elle travaille que déjà l'être nouveau se meut et sent

à la façon de l'anémone marine : et alors, elle commence

d'organiser les puissances dont elle est le germe,

iiS Tantôt elle se dilate, ô mon fils, tantôt elle s'étire,cette vertu venue du coeur du père :

elle court où nature prend soin de former chaque membre...

6i Mais, comment de simple animal elle deviendra être pensant,tu ne le peux voir encore : et c'est là une difficulté telle

sion dans le corps de l'enfant a préoccupé de tout temps les plusnobles esprits.

Chez Aristote : « AeraEtociSe rav voOvJJ.6VOVSupaGsvÈKEiaiÉvaizo! 8eïovEÎvai(iiSvov... » (I1EPI ZÛQN TENESEÛS, B, T.)

« Il demeure que seul l'esprit d'intelligence vient du dehors,et que seul il est divin. » (Tr. de la Génération, II, 3.)

Chez les Pères de l'Eglise, trois sont les voies parcourues pourachever de l'éclairer : avec Origène, c'est la doctrine de Platon,concernant la préexistence des âmes, qui sert de base. Origène, élevédans les doctrines néo-platoniciennes de l'école d'Alexandrie, enseignaque, créées toutes ensemble par Dieu dès le commencement, lesâmes vont s'incarnant dans les corps, au fur et à mesure, comme enexil, et en punition des péchés dont elles portent déjà les stigmates ;de là l'inégalité des destinées : les unes heureuses et les autresmalheureuses — proposition condamnée par l'Eglise comme héré-

tique.Quod est secundum errorem Origenis, qui posuit animas incorpo-

rari propter poenam peccati. (Saint Th. d'Aquin, Sum. TheoL, I,CKVIII,3.)

Avec Lactance et saint Augustin, les Scolastiques enseignèrentau contraire que chaque âme est créée de Dieu, sans intermédiaire,dans l'instant de la conception, et vient s'unir au corps, — suivant lesuns tout de suite, suivant les autres un peu plus lard. C'est la doctrineacceptée par l'Eglise, celle que soutient saint Thomas et que Dantesuit ici pas à pas.

Animae non sunt creatae ante corpova, sed simul creantur cum

corporibus et infunduntur. (Saint Th. d'Aquin, I, cxvm, 3.)— Dieu ne s'arrête point de créer :

Pater meus usque modo operatur. (Ev. Saint Jean, v, 17.)Selon Tertullien, l'âme et le corps commencent d'exister en même

temps et dans l'acte même de celui qui engendre, le corps de celui-

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102 PUROATORIO. CWTO XXV.

che pi 11savio di te fe' già errante ;

CJ4 si che per sua dottrina fc' disgiuntodall'anima il possibile intelletto,

perché da lui non vide organo assunto.

67 Apri alla verità che viene il petto :

e sappi che, si tosto corne al feto

l'articulai" del cerebro è perfetto,

ci donnant l'être à un nouveau corps ; et son âme, en temps quemédiatrice choisie par Dieu, engendrant une âme nouvelle. (Cf. Ter-tullien, De Anima, XIX, 27.)

Mais ici encore l'erreur apparaît, car Dieu ne saurait employerd'intermédiaire pour créer une substance immatérielle, non sujette àla mort.

Et cum sit immaterialis substantia, nonpotest causari per genern-tionem, sed solumper creationem a Deo. Ponere ergo animam intel-lectivam a générante causari, nihil est aliud quant ponere eam nonsubsistentem, et per consequens corrumpi eam cum corpore.

Et ideo haereticum est dicere quod anima intellectiva traducaturcum semine. (Saint Th. d'Aquin, Sum. Theol., I, cxvm, 2. Cf. Saint Th.d'Aquin, Sum. Phil. cont. Gent. (De substantiis intellectibus et deunione animae et corporis.)

63. Dans son Commentaire d'Aristote (V. Enf., IV, i44)>Averrhoè»,poussant à l'extrême la doctrine Aristotélicienne, sépara entièrementles deux virtualités de l'âme humaine, déclarant qu'elles constituaientdeux âmes distinctes ; une individuelle, seulement sensitive et unie àl'être humain en tant que forme substantielle, mais sans le distinguertoutefois spécifiquement de l'animal puisqu'elle ne peut être quepérissable et n'a pas par elle-même l'entendement; l'autre intellectiveet éternelle, une pour tous, entièrement séparée de la matière etsubsistant par elle-même ; intelligence universelle qui éclaire touthomme par participation et qui « au moins par manière d'assistancedevient comme la forme de tout le genre humain ».

Contre cette erreur, voir Sum. Cont. Gent., Saint Th. d'Aquiu,Sum. Theol., I, 76-1, 2; 79-5, 10; 87-1; 88-1; 117-1; 118-2; I-II-5O-4, 5, etc.

Certains commentateurs pensent que le philosophe désigné ici estAristote lui-même. Toutefois, au Convivio(Trait. IV, ai), à l'endroit oùDante passe en revue les divers enseignements des philosophes con-cernant l'âme, et les repousse comme erronés, Dante écrit :

Non secondo quelle procedere si conviene, ma seconda l'opinioned'Aristotile e delli Peripatetici...

65. L'intellect possible ou patient (V. Aristote, De Anima, III) etl'intellect agent ou actif. (Saint Thomas, Sum- Theol-, I, LXXIX,3, ettous les scolastiques.)

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I.E PUBfiATOIRE. CHANTXXV. I 53

que déjà elle a jeté dans l'erreur un plus sage que toi,

| si bien qu'en sa doctrine il a séparéde l'aine l'Intellect possible,

parce qu'il ne sut trouver dans l'être un organe qui lui fût assigné,

» Ouvre ton coeur à la vérité qui vient :

et sache que, aussitôt que dans le foetus

l'articulation du cerveau est achevée,

L'intellect possible contient en puissance tout l'univers. Au coursde celte vie, quelques parcelles pussent à l'acte par l'opération de1intellect agent.

In principio sumiis intelligentes solum in potenlia, postmodumautem efficimur intelligentes in actu. (Saint Thomas d'Aquin, Sum.Theol., I, LXXIX,-i.)

Mais ces deux virtualités existent dans l'âme et non au dehorsd'elle et ne font qu'une seule âme, étant nécessaires l'une à l'autreet indivisibles.

Quoniam nihil quod est in potentia reducitur ad actum, nisi peraliquod eus actu, necéssum est in anima praeter intellectum possi-bilemquo anima «omitia fieri » potest, constituere intellectum agen-tem quo a omnia potest facere », et intelligibilia potentia ad actumdeducere (Saint Thomas d'Aquin, Sum. Theol., I, LXXIX,3.)

Le rôle de l'intellect agent est d'éclairer et d'abstraire, au lieuque le rôle de l'intellect possible est de saisir et de connaître.

A ce vers, en quelques codex, on trouve .intelletto passiiile :l'intellect passif ou patient : ce qui, d'ailleurs, tout en changeant1expression ne change en rien le sens du vers :

Il passibile intelletto, cioè intelletto umano lo quale si chiamapassibile, in quanto è eccitato e commosso a fare l'operazione sua dete cose apprese per li sentimenti. (Com. de Franc, da Buti.)

Toutefois au Convivio nous trouvons : lo intelletto possibile, ilqualepotenzialmente in se adduce tutte le forme universali... (Dante,Conv.,IV, ai.)

fiG.Cioè non yidde che nel corpo umano fusse nessuno organodeputato propriamente a lo intelletto, corne è l'orecchio ad udire, liocchia vedere, e cosi delli altri sentimenti. (Com. di Franc, da Buti.)

G7.Ici ce n'est plus la vérité telle que peut la rejoindre la raisonhumaine; ce n'est plus l'enseignement des philosophes que Stace vadonner à Dante : c'est une vérité que doit éclairer la lumière de laFoiappuyée sur la Révélation. C'est pourquoi il en appelle au coeurduPoète, car il faut aimer pour croire, et la Foi ne peut que suivrele mouvement de la volonté vers le bien de son choix. 11ne s'agitplus seulement de jjrêter ici l'intelligence mais encore tout le bonvouloirde l'âme.

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[54 puncATomo. — CANTOXXV.

70 lo Motor Primo a lui si volge licto

sovra tant' arte di natura, c spira

spirito nuovo, di virtû repleto,

j'i che eiô che trova attivo quivi tira

in sua sustanzia, e fassi un 'aima sola,ehe vive e sente, e se in se rigira.

7<> E perché meno ammiri la parola,

guarda il calor del sol che si fa vino,giunlo aU'umor che dalla vite cola!

79 E quando Laehesis non ha piû lino,solvesi dalla carne, ed in virtute

ne porta seco e l'umano e il divino :

70. Dieu. (Voir saint Thomas d'Aquin, Sum. Theol., I,. cv, J.)Virlus primi motoris est virtus inflnita.

Sur la joie du Créateur :Laetabitur Dominus in operibus suis. (Ps. cm, 3i.)Lieto, heureux, plein de joie. A vrai dire ce mot délicieux est

intraduisible en français : il implique une paix ineffable et le douxsourire. Dans ce sourire de Dieu à sa créature nouvelle, le Poète arenfermé tout le mystère de la création des âmes, de leur union avecles corps, et de l'amour, souvent ignoré d'elles-mêmes, qu'ellesgardent pour les demeures éternelles.

Le corps humain, chef-d'oeuvre de la nature mise en mouvementpar Dieu :

Quoddam instrumentum Dei moventis. (Saint Th. d'Aquin, Sum.Theol., I-II, 6-1.)

Et inspiravit in faciem ejus spiraculum vitae. (Genèse, 11,7.)Et ailleurs, au Livre de la Sagesse, quand l'homme frivole

oublie ses origines :Quoniam ignoravit qui se finecit, et qui inspiravit Mi animant quae

operatur, et qui insufflavit ci spiritum vitalem. (xv, 11.)72. L'âme nouvelle, intellective, raisonnable, douée d'une force

immortelle.73. Celle-ci domine aussitôt et s'assujettit les principes végétatifs

et sensitifs qu'elle trouve déjà en action.74. Elle les attire à elle et les absorbe, elle en devient le sens

véritable, âme unique douée de trois puissances primordiales.75. Sic ergo dicendum, quod eadem numéro est anima in nomine,

sensitiva et intellectiva et nutritiva

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LE PUBGATOIItE. CHANTXXV. I 55

-o Celui qui au commencement mit en mouvement toute chose

[vers lui se tourne, joyeux,et se penche sur un si bel ouvrage de la nature, et y souffle

un esprit nouveau, plein de force,

~'i qui s'empare de tout ce qu'il trouve là d'actif

et l'attire en sa substance, et il se forme alors une àme unique

qui vit et ressent, et prend conscience d'elle-même.

j6 Et pour que ces paroles t'étonnent moins,considère la chaude vertu du Soleil qui se fait vin

lorsqu'elle s'unit à la sève qui coule de la vigne.

79 Et quand Lachesis n'a plus de lin à sa quenouille,l'âme se délivre de la chair et, en sa force souveraine,

emporte avec elle et ce qu'elle a d'humain et ce qu'elle a de divin.

Ad tertium dicendum, ejuod prius embrio habet animant quae estsensitiva tantum. Qua ahlata, advenit perfectior anima quae estsimul sensitiva et intellectlva... (Saint Thomas d'Aquin, Sum. Theol.,I, LXXVI,3. V. Purg., IV, 5-6.)

76. L'âme vit et sent et, réfléchissant sur elle-même, prendconscience de sa propre existence et de ses facultés.

77. Sur le raisin qui mûrit au soleil :... Gemma... a qua oriens uva sese ostendlt : quae et succo terrae

et calore solls augescens primo est peracerba gustatu, deinde matu-rata dulcescit. (Cicéron, de Senect., XV.)

79. Lorsque la vie est finie. — Lachesis : celle des Parques qui filela quenouille symbolique portant le fil des jours dévolus à chacun.

80. Stace expose en quelle condition l'àme existe après qu'elle aquitté le corps entré dans la mort :

En quittant celui-ci, elle a emporté « toutes ses facultés humaineset"divines ». Les premières, telles les puissances de vitalité, néces-saires à la part organique qu'elle animait de son action dans le composéhumain, elle ne les a plus que virtuellement, car elles ne lui sont plusutiles.

Les secondes au contraire, ses facultés intellectuelles purementspirituelles, par quoi elle est à la ressemblance de Dieu, prennentune vigueur nouvelle, un essor qui leur vient précisément de cequ'elles ne sont plus gênées par le poids du corps périssable et partout ce qu'il avait nécessairement de circonscrit. (V. Saint Thomasd'Aquin, De Qualltate anlmae ex- entis a corpore. Suppl. LXX,art. 11.)

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l56 PURGATORIO. CANTOXXV.

8a L'altrc potenze lutte quante mute :

memoj'ia, intelligenza e volontade

in atto molto piû che prima acute.

85 Senz'arrestarsi, per se stessa eade

mirabilmente all'una délie rive :

quivi conosee prima le sue strade.

88 Tosto che luogo H la circonscrive,la virtû formativa raggia intorno,cosi e quanto nelle membra vive ;

91 e corne l'aer, quand'è ben piorno,

per l'altrui raggio che in se si riflette,di diversi eolor diventa adorno;

94 cosi l'aer vicin quivi si mette

in quella forma che in lui suggella,virtualmente, l'aima che ristette;

<)- e simigliante poi alla fiaemmlla,che segue il foco là 'vunque si muta,

segue allô spirto sua forma novella.

84 Cioè sottili : imperb che ànno memoria sensa dimentiga-zione, intelligenzia sensa difetto, e volontù ferma et invariabile.(Corn, di Franc, da Buti.)

85. Surgite et ite quia nonhabetishic requiem. (Prophète Miehée, 11,I0->

L'âme séparée du corps ne fait point demeure ici-bas ; elle vad'elle-même, par une impulsion divine, au lieu de son jugement.

Dans la fiction dantesque, c'est à l'embouchure du Tibre (V.Purg., II) ou au bord de î'Achéron (V. Enf., III) suivant qu'elle setrouve, ou non, en la grâce de Dieu.

Sur le sort des âmes après la mort (V. Saint Thomas d'Aquia,Supp., LXXIX, 1 : De loco animarum post mortem.)

87. De là, l'âme accourt par « ses chemins » à son destin éternel.88. Staee dévoile à Dante le mode d'existence des « ombres »,

c'est-à-dire des corps aériens qu'il voit à l'entour des âmes et parlesquels il peut connaître leurs sentiments.

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LÉ i'UIKJAToiRE. CHANT XXV. 1JJ

§2 Les autres puissances font silence, toutes :

mémoire, intelligence et volonté

deviennent, en leur action, bien plus subtiles qu'auparavant.

85 Sans s'arrêter, l'amc tombe d'elle-même,

merveilleusement, sur l'une des deux rives :

à cet instant, d'abord, elle connaît ses chemins.

88 Dès qu'un espace déterminé, là, vient la circonscrire,sa faculté formelle rayonne à son entour,en qualité et quantité pareilles à celles qu'elle eut dans ses

[membres vivants.

91 Et, comme l'air, lorsqu'il est bien chargé de pluie,sous les rayons du soleil qui en lui se réfléchissent,se montre orné de diverses couleurs,

94 de même, ici, l'air avoisinant se modèle

en cette même forme que lui impose comme un sceau,

par sa puissance virtuelle, l'àme qui arrive et demeure.

9; Et, semblable, après: à la petite flamme

qui suit le feu où qu'on le porte,cette forme nouvelle suit l'Esprit d'où elle est émanée.

,91. Velut aspectum ai eus, cum fucrit in nube in die pluviae.(Kzechiel 1, u8.)

92. Par le soleil. Ainsi Stace explique au Poète la présence descorps aériens : sous l'action de l'àme, ils se forment, comme l'arc-cn-ciel sous l'action du soleil.

95. La faculté formelle : la puissance informante de l'àme rayonneautour d'elle l'apparence de son corps ancien. Deux colonnes parfaitesrestées debout commandent encore le temple détruit et semblentexiger de l'espace à leur entour qu'il se plie à en rendre l'image

96. En ceci Dante va à l'encontre de saint Thomas qui déclare :tnima separata a corporc non habet aliquod corpus (Saint Thomasil'Aquin, Sum. Theol., Supp. LXIX, 1; LXX, i-3), se rapprochant deClément d'Alexandrie et d'Origène. Mais on ne saurait lui en faireun grief, car il est clair qu'il ne fait point ici de doctrine et n'a envuc que de soutenir sa fiction poétique.

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IC>8 PURGATOlUo. CANl'O XXV.

ioo Perô che quindi ha poscia sua paruta,è chiamat'ombra ; e quindi organa poiciascun sentire infino alla veduta.

io3 Quindi parliamo, e quindi ridiam noi,

quindi facciam le lagrime e i sospiriche per lo monte aver sentiti puoi.

106 Secondo che ci affliggono i disiri

e gli altri affetti l'ombra si figura :

e questa è la cagion di che tu miri ».

109 E già venuto all'ultima tortura

s'era per noi, e.volto alla man destra;ed eravamo attenti ad altra cura.

I 12 Quivi la ripa fiamma in fuor balestra,e la cornice spira fiato in suso

che la riflette e via da lei séquestra ;

II 5 onde ir ne convenia dal .lato schiuso

IO'J. L'organe de la vue, le plus complexe, le plus délicat, leregard où l'âme se révèle :

Gli occhi e'I dolec riso, per bella similitudine si possono appellarelialconi deWanima ; perocché quivi, avvegnachè quasi vêlala.

spesse voile si dimostra. (Dante, Conv., III, 8.)io3. Dante s'inspire, pour sa fiction, de Virgile : le voyage d'iïnée

parmi les Ombres. (V. Enéide, liv. VI, v. 261 jusqu'à la fin.)io5. Hinc metuunt cupiuntque; dolent gaudentque...

[Enéide, liv. VI, v. i33.)108. L «Ombre » reflète tous les mouvements de l'âme : désir, joie.

souffrance ; c'est ainsi que, sans cesse modelées par la ferveur del'âme, les Ombres sont exténuées comme le seraient des corps véri-tables soumis a la faim. L'immense et impossible désir qu'ont lesâmes des fruits de l'Arbre de vie et de 1onde rafraîchissante quis'écoule sur sa cime cause donc leur épuisement. De là, l'étonncmentde Dante et le discours que Stacc lui fait, chemin faisant.

iog. Les poètes arrivent au septième et dernier tour de la Montagnesainte, celui où sont purifiés dans une ardente flamme, image deleurs transports passés, ceux qui s'abandonnèrent aux amour-"sensuelles. La, Dante verra « ceux qui sont heureux dans la flamme »

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LE i'UncAToinE. — CHANTXXV. IJÇ)

100 Et parce qu'elle a retrouvé alors son apparence,elle est appelée « Ombre » et dès lors elle donne un organeà chacun de ses sens et jusqu'à celui de la vue.

io3 C'est ainsi que nous parlons, ainsi que nous rions ;c'est ainsi que nous formons les larmes et les soupirs

que tu peux avoir entendus sur les pentes de la Montagne.

106 Selon que nous pressent les désirs

et les autres affections, l'Ombre l'exprime :

et voilà la cause de ce qui t'étonne. »

109 Et déjà l'arrivée à cette ultime courbe du chemin

s'était pour nous effectuée, et nous avions tourné à main droite,et nous donnions notre attention à un autre souci.

11a Ici, le flanc de la Montagne darde au dehors des flammes,

et, du fond du ravin, souffle vers le haut un vent

qui les rejette en arrière et les éloigne du bord :

n5 en sorte qu'il nous fallait marcher sur le côté découvert,

suivant que son guide Virgile le lui avait promis au départ. (Y. Enf-,I, v. 138 et suiv.)

Tortura : courbe, tournant du chemin. Au Convivio Daute écrira :Il cammino, che altri sanza scorta ha saputo tcnerc, qucsto

scôrto erra, e tortisce per li pruni e per le ruine, ed alla pariedovedee non va... (Conv., Trait. IV, 7.)

Idest, ad introitum ultimi circuli ad summitatem scalae et nuncintraturi ipsum circulum incipiebant torquere et flectere viam; ideotalem deflexionem appellat « torturant». (Benv. de Iniola.)

Un grand nombre de commentateurs, toutefois, prennent ce mot detortura au sens de tourment, d'expiation; ce qui est acceptablequoiqu'on ne trouve ce mot nulle part avec celte signification, autemps de Dante.

111. Il fallait prendre garde à la flamme qui arrivait bien près.11ne restait ici au Poète qu'un étroit sentier tout à fait sur le bord dela corniche.

112. La flamme sort impétueusement de la roche et couvrirait toutle chemin, si un vent venu d'en bas ne soufflait assez fort pour lafaire se replier sur elle-même.

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1Ô0 PURGATOtUO. CAM'O XXV.

ad uno ad uno; ed io temeva il foco

quinci, e quindi temea cadere in giuso.

i 18 Lo Duca mio dicca : « Per questo loco

si vuol tenere agli occhi slretto il freno,

perô ch'errar potrebbesi per poco ».

121 Suminae Deus cletnentiae nel seno

del grande ardore allora udii cantando,che di volger mi fc' caler non me no ;

124 e vidi spirti per la fiamma andando;

per ch'io guardava ai loro ed a' miei passi,eompartendo la vista a quando a quando.

12" Appresso il fine eh'a quell'inno fassi

gridavano alto : Virum non cognosco!

116. Les poètes allaient tous trois l'un après l'autre sur le sentierexigu; et Dante craignait le feu sur son côté gauche et l'abîme surson côté droit, car ils avaient tourné à droite, comme toujours surle Mont mystique.

11g. Il est bon ici de ne pas laisser son regard vagabonder çà et là.Le sens caché est que l'amour, entrant ordinairement dans le coeur

par les yeux, il faut veiller sur ceux-ci.... Oculi sunt in amore duces. (Properce, Elégies, II, 13).121. L'hymne que chantent ici les âmes est sans doute celle qui se

trouve à l'office des matines du samedi et commence par ces mot? :Summac parens cletnentiae...Il s'y trouve effectivement ce passage qui peut leur convenir :Lumbos, jeeurque morbidum— Flammis adure congruis—Accincti

ut artus excubent. — Luxu remoto pessimo.Dante a bien pu changer un mot au commencement de l'hymne,

afin que son vers chantât mieux à son gré, sans que pour cela ilfaille écarter l'idée que c'est bien cette hymne que redisaient lesâmes.

Cependant il y a une autre hymne commençant par les mots :Summae Deus démens, qui se chante le jour de la fête de Notre-Dame des Sept Douleurs. Tout ce que dut souffrir la bienheureuseVierge Marie y est rappelé, en même temps que les plaies de Jésusd'où jaillit avec son sang la surhumaine pitié du coeur de sa Mère ;et celle-là aussi, hymne du plus grand et du plus pur amour, pouvaitconvenir à ces âmes expiant le tort d'avoir mal compris, sur terre,où était le véritable chemin de l'amour et d'avoir méconnu souorigine et sa lin.

Page 173: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

LE PURGATOIRE. CHANTXXV. l6l

un à un — et moi, je craignais le feu

par ici; et par là, je craignais de tomber clans l'abîme.

i8 Et mon Duc disait : — « En cet endroit,

il faut tenir le frein serré à ses yeux,

parce qu'on s'y pourrait perdre pour le moindre oubli. »

21 « Summae Deus clementiae » du sein

du grand brasier j'entendis chanter alors,ce qui m'inspira un égal désir de me tourner ;

2<( et je vis des Esprits s'en allant par la flamme ;en sorte que je prenais souci de leurs pas et des miens,

partageant mes regards entre eux et moi, de temps à autre.

ar Après la conclusion que l'on donne à cette hymne,ils criaient avec force : Virum non cognosco!

Toutefois l'insistance des âmes dans la reprise de l'hymne désignéepar Dante porte bien à croire que c'est l'hymne des matines dusamedi; car c'est dans celle-là que se trouve l'invocation pressantedes âmes à Dieu pour la guérison du mal dont elles furent atteintes.

Il y aurait bien, quelques vers plus loin, le rappel de l'insignepureté de la Vierge qui donnerait aussi quelque raison de croire quec'est l'hymne des Sept-Douleurs à laquelle Dante a pensé en cetteplace...

IÏ3. La belle hymne des voix pieuses inspire à Dante un soucide voir les âmes qui chantent, au moins aussi grand que celui qu'ila de ne pas tomber.

128. Aussitôt l'hymne finie, les âmes redisant à haute voix desexemples de chasteté : le premier c'est la réponse même que fit laVierge à l'Archange annonciateur :

Et ait Angélus ei : Ne timeas, Maria, invenisti enim gratiam apudDeum;

Ecce concipies in utero, et paries Filium et vocahis nomen ejusJesum...

Dixit autem Maria ad Angelum : Quomodo flet istud quoniamvirum non cognosco P

Et respondens Angélus dixit ei : Spiritus sanctus superveniet inte, et virtus Altissimi obumbrabit tibi. Ideoqûe et quod nascetur exte Sanctum, vocabitur Filius Dei. (Ev. saint Lue, 1, 3o, 35.)

Maria castissima fuit per virginitatem; ipsa enim est Maria, dequa dicitur : dixit autem Maria ad Angelum : Virum non cognosco.(SaintBonavent. Spec. B. Virg. leç. IV.)

LE PURGATOIRE. II. II

Page 174: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

1()2 PURGATORIO. CANTOXXV.

Indi ricomiuciavan l'inno bassi.

i3o Finitolo, anco gridavano : ' Al boseo

si tenne Diana, ed Elice caccionne,elle di Venere avea sentito il tpsco '.

133 Indi al cantar tornavano; indi donne

gridavano e mariti che fur casti,corne virtude e matrimonio imponne.

i36 E queslo modo credo che lor basti

per tutto il tempo che il foco gli abbrucia

con tal cura conviene e con tai pasti

13g che la piaga da sezzo si ricucia.

i3o. Suivant la coutume du Poète, après l'épisode sacre vient

l'épisode tiré de la fable. Ici c'est l'extrême délicatesse de Diane ne

pouvant souffrir la présence près d'elle d'Hélix, une de ses nymphes,dès qu'elle s'aperçoit que celle-ci, vaincue par l'amour, s'est abandonnée aux plaisirs de "Vénus.

131. Hélix ou Calisto, fille de Lycaon. roi d'Arcadie. nymphe pré-férée do Diane chasseresse, se reposant un jour seule dans la foré!.la tête appuyée sur son carquois, esl3urprise par Jupiter qui, charmé

par sa beauté, prend pour l'obtenir l'apparence de Diane elle-même,Ayant ainsi attiré sa confiance, il la fait sienne et puis remonte dan'

l'Olympe.La nymphe rejoint ses compagnes, mais ne peut cacher les traces

de ses amours : tout les révèle, ses regards craintifs, sa rougeur;et son hésitation, enfin, à ôter sa tuuique, lorsque Diane propose àses nymphes d'entrer dans le clair ruisseau, la trahit. Alors Diau'\

qui jusque-là en avait fait sa jeune compagne de prédilection, lachasse loin d'elle et l'exile à jamais.

« ... Procul est, ait, arbiter omuis :jYuda superfusis tinguamus corpora lymphis. »Pavrhasis erubuit« I procul hinc, dixit, nec sacros pollue fontes ! »

(Ovide, Met., II, 457 et suiv.)Plus tard, à la naissance de son fils, la jalouse Junon change la

nymphe Hélix en ourse; mais le maître des dieux l'enlève ainsi quel'enfant et en fait deux constellations que l'on voit dans le cielnocturne. (Voir Paradis, XXXI, 3'2, 33.)

i32. Le « poison de Vénus », l'initiation a la luxure.133. 0 castitate, flore

Che te sostienc amorc...(l'"ra Jacoponc da Todi, Elog. délia Castità)

Page 175: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

LE PURGATOiriE. CHAST XXV. 163

Et puis ils reprenaient l'hymne humblement à voix basse.

t3o L'ayant terminée, ils criaient encore : « Au bois

se tint Diane — et elle en chassa Hélix

qui avait goûté au poison de Vénus. »

1,15 Puis ils revenaient à leur chant; puis ce furent des épouses

qu'ils proclamèrent et des époux, qui furent chastes,suivant que la vertu et les lois du mariage l'imposent.

i36 Et je crois que ce mode leur suffit

pour tout le temps que le feu les tient en son ardeur.

Par un tel remède et par de tels aliments il convient

i3g que leur plaie, la dernière, se cicatrise.

D'amor mou castitatz.« D'Amour vient chasteté. »

(Guilhem do Montanhagolchevalier provençal cl troubadour, XIII°siècle.)

i34- Demum istae animae laudabant viros et muliercs et omnesconiugatos qui vixerant in fide thori, sictit est vivendum. (Serrovalle.)

1)8. Con lai cura . Par le régime du feu.(Soncotai pasti : par les aliments de leur pénitence, c'est-à-dire

par la répétition persévérante de l'hymne et les exemples édifiants.

1U9.Da sezzo, pour certains commentateurs, signilie : « à la fin » ;puurd'autres, — Ben. de Imola, Fr. da Buti, Serravallc par exemple, —(la sezzo a trait au dernier péché capital, et donc le sens du versserait : « il faut bien que cette dernière plaie guérisse. »

Les cercles montants de l'expiation s'achèvent en fait sur celui-ciqui est le 7e et que les poètes vont parcourir avant que d'arriver auseuil du Paradis Terrestre.

Pour le père B. Lombardi, cette expression marque la dernièreîles plaies que l'Auge Portier du Purgatoire inscrivit sur le front deDante, pour y mettre en quelque sorte le sceau des sept péchéscapitaux dont le Mont mystique guérit les âmes.

Effectivement, celui de la luxure est le dernier, car Dante n'apoint suivi la classification des péchés telle que la présente saintThomas, mais bien celle préférée par saint Bonaventure.

Dieu veut que toute trace du péché soit effacée : il faut donc, quela plaie ouverte par le péché, à la fin, soit guérie, « recousue ».

Et est conveniens métaphore- : sicut enim medicus suit plagammagnam, et aliqua.ndo urit illam igné ne pittrescat, ita acternusmédiats peccatum htxuriae hic purgat per ignem ne pariât saniem.(Bcnv. de Imola.)

Page 176: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

CJNTO xxn

I Mentre che si per l'orlo, uno innanzi altro,ce n'andavamo, e spesso il buon maestro

diceva : « Gitarda! giovi ch'io ti scaltro ! »,

4 feriami il sole in sull'omcro destro,che già, raggiando, tullo FoccideoLe

mu Lava in bianeo aspelto di cilestro ;

j cd io l'acea con l'ombra piû rovenle

parer la (lamina ; c pure a lanto indizio

vidi molt'ombrc, andando, poner mcnle.

i o Quesla Ai la cagion che diede inizio

loro a parlai* di me ; e coniinciàrsi

a dire : « Colui non par corpo fittizio ».

i',\ Foi verso me, quanto polcvan farsi

4- Celait environ cinq heures de l'après-midi : le soleil qui commen-çait de décliner frappait. Dante sur l'épaule droite. Du côté gauchoil y avait la flamme expiatoire, et l'ombre de Dante, projetée sur laflamme, faisait paraître son éclat plus rouge et étonnait les Ames endécelant la présence certaine d'un corps matériel.

(3. Les rayons du soleil, par leur intensité, donnaient au ciel, ducoté de l'occident, l'éblouissante blancheur du cristal, lui faisantperdre dans la vibration de tant de lumière sa couleur bleue.

... .Si che il Sole facea la plaga occidentale tutta bianca, imper»che di suo colore e l'acre cilestro ; e quando il Sole è senza nitvole,

Page 177: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

CHANT XXFI

Septième Gyre : La luxure. Ceux qui cédèrent aux passions amoureuses.

Exemples de luxure. Gaido Guinizelli. Arnaud Daniel.

1 Durant que le long du bord, ainsi, l'un devant l'autre

nous nous en allions, souvent mon bon Maître

disait : — « Prends garde ! et que mes avertissements te soient

[profitables. »

4 Le soleil me frappait l'épaule droite,

et, déjà, sous son rayonnement, par tout l'occident

se changeait en blancheur l'aspect du ciel azuré.

n Et moi, à cause de mon ombre, je faisais plus ardente

sembler la flamme — et seulement sur un tel indice

je vis de nombreux Esprits, tout en marchant, fixer leur attention.

io Ce fut là l'occasion qui les incita d'abord

à parler de moi — et ils commencèrent

de se dire l'un à l'autre : — « Celui-ci ne paraît point un corps[aérien. »

i3 Puis, vers moi, autant qu'ils pouvaient s'avancer,

si h l/iancheggia pcr la lucc de' suoi razzi... (Auonimo Kiorentino.)9. Les Ames marchent dans la flamme.12. Comme chaque fois, c'est à l'opacité du corps de Danle que

los Ames découvrent la merveille. Leurs ombres purement fictiveslaissent les rayons du soleil passer librement à travers leur appa-rence, mais le corps vivant, venu de la terre, crée à la lumière unobstacle inusité.

i3. Les Ames se rapprochent autant qu'elles le peuvent du Poète,en prenant bien garde toutefois de ne point sorlir de la flamme, afinque leur expiation — volontaire, en même temps que voulue dePieu, — ne souffre pas un seul instant d'interruption.

Page 178: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

)6fi PURGATORIO. CANTOXXVI.

oerti si feron, semprc cou riguardodi non usoir dovc non fossero arsi.

iG « 0 tu chc vai, non per esser piû tardo,ma forse reverente, agli altri dopo,

rispondi a me che in sele ed in foco ardo !

19 Né solo a me la tua riposta è uopo;ohé tutti questi n'hanno maggior sete

che d'acqua fredda Indo o Etidpo.

2a Dinne com'è che l'ai di te pareteal sol, corne se tu non fossi ancora

di morte cntrato dentro dalla rete » ?

H5 Si mi parlava un d'essi; ed io mi fora

già manifesto, s'io non fossi atteso

ad altra novità ch'apparve allora ;

jti. En foco l'amor mi mise...

Foco cl'amor mi misel'angelo amorosello...(Fra Jacopone da ïodi, // Combattimento.)

19. L'Ombre qui parle a soif de savoir le mystère. Une serait pointjuste de croire que c'est pure curiosité de sa part : cela conviendraitpeu à son état déjà si près d'être parfait; mais son zèle de savoirprovient de deux causes : la première c'est le souhait naturel qu'ellel'orme de reconnaître l'infinie bonté de Dieu dans toutes les manifes-tations qui lui en sont accessibles ; la seconde, c'est l'espoir trèsdoux de hâter sa réunion certaine à son Créateur par les prièresqu'elle espère obtenir d'une âme destinée à revenir sur terre. Unefois de plus, le rappel de la Communion des saints vient mêler aupoème son émotion mystique. L'Ombre invoque le Poète par le l'euqui la purille et la soif qu'elle ressent de sa réponse.

20 Pater Abraham... Mittc Lazarum, ut intingal extremumcligiti sut in aquam, ut refrigeret linguam meam, quia crucior in hacflamma. (Saint Luc, xvi, 24.)

Beus, Deus meus, ad te de luce vigilo :Sitivit in te anima mea... (Ps. LXII, 1-2.)Aqua frigida anima sitienti, et nuntius bonus de terra longinquu.

« Comme l'eau fraîche à l'âme altérée ainsi la bonne nouvelle venantAune terre lointaine. » (Proverbes, xxv, a5.)

ai. L'Ombre, par cette image, veut faire connaître l'ardente qualitéde son désir et de celui des âmes qui l'entourent.

Page 179: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

I.F. Pl'IUMTOinr.. — CIUNT XXVI. ifl-

certains s'avancèrent, ayant grand soin toujoursde ne point sortir du lieu où ils brillaient.

l(j — « 0 toi, qui vas, non que tu sois plus tardif,mais par déférence peut-être, derrière les autres,

réponds-moi, à moi qui arde dans la soif el le feu !

iq Et ce n'est point seulement à moi que ta réponse est nécessaire,car tous ceux-ci en ont soif plus grande

que, d'eau fraîche, l'Hindou ou l'Ethiopien.

2.2 Dis-nous comment il se peut que tu fasses de toi-même obstacleaux rayons du soleil, comme si tu n'étais point encoreentré dans le filet de la mort? »

as Ainsi me parlait l'un d'eux : et moi, je me seraisdès lors fait connaître, si je n'eusse donné mon attentionà une autre chose nouvelle qui m'apparut dans ce moment.

Idest aviditatem bibendi vevba tua. (B. de Ira.)India è cosi confinata : India è nelle parti d'Asia dinominata

dal fiume Indo, ch'esce di monte Caucaso : dalla parte d'occidente edu mezzo di è mare infino alla parte del Sole. India dura dallemontagne di Media infino al mare Mediterano ; ha in se V miliaterre bene popolalc : ha tre grandissimi fiumi Ganges, Indo, Ipano.Gumbardi sono gli ultimi popoli 'd'India. Avri moite provincie, selveet àlbori che pa/ono toccare i nuvoli ; el paradiso terrestre... Duesono l'Etiopie ; l'una è orientale chiamata Etiopia Indica ; l'altraoccidentale appellata Tingitema, nella quale nascono i minori ele-fanti. Etiopia è dirietro a Egitlo, dove per soperchio calore del Solegli uomini e le féminine sono neri; et perb dice l'Auttorc che gliuomini abitanti in India et in Itiopia, per lo calore del Sole, hannobisogno d'acqua fredda... (An. Fioronlino.)

x.\. Mors enim piscatur in magno mari mortalium, et omnia gêneraanimantium capit. (Benv. do Imola.)

J5. Le poète Guido Guinizelli

>.j. Ce qui relient l'attention de Dante, c'est une troupe nouvelled'àmes qui arrivent de l'autre côté, comme venant à la rencontre decelles auprès desquelles il marche.

Dans la première, sont les âmes de ceux qui s'abandonnèrent tropi l'Aphrodite terrestre, tout en demeurant dans la loi naturelle ; dansla seconde les am.es de ceux qui tombèrent dans le même péché, maisen s'affranchissant encore de la loi naturelle.

Page 180: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

168 PUHGATOIUO. CANTOXXVI.

28 ché per lo mezzo del cammino acceso

venne gente col viso incontro a questa,la quai mi fece a rimirar sospeso.

31 Li veggio d'ogni parte farsi prestaciascun'ombra; e baeiarsi una con una,senza restai', contente a brève festa.

34 Cosi per entro loro schiera bruna

s'ammuaa l'una eon l'altra formica,forse a spiar lor via e lor fortuna.

37 Tosto che parton l'aeeoglienza arnica,

prima che il primo passo li traseorra,

sopraggridar ciascuna s'affatica,

4o la nuova gente( Soddoma e Gomorra

'!

e l'altra ' Nella vacca entra Pasife,

perché il torello a sua lussuria corra'

!

3Î. Selon le conseil des Apôtres Pierre et Paul. — En saint Paul:Salutate invicem in osculo sancto.Salutate fratres omnes in osculo sancto. (Ep. ad Rom., xvi, 16;

I Corinth., xvi, 120; II Corinth., xifi, 12; Thessalon., x, 26 et enSaint Pierre : Ier Épître, v, 14.)

33. In improperium nefariae coniunctionis, quant in seculo pere-gerunt, sicut poeta glossabit se infra... (Benv. de Im.)

Le baiser paisible et rapide qui s'adresse au coeur et non auxsens, le baiser fraternel des âmes qui sont ravies dans la souffranceet désormais accessibles au pur amour, parce qu'elles vont versDieu qui en est l'origine et la fin.

Le chaste baiser de paix qu'échangent les âmes entre elles setrouve ici en opposition aux coupables baisers donnés et reçusautrefois, baisers dont le souvenir les blesse encore douloureusement.

34. Ac veluti ingénient formicae farris acervumQuum populant, Mentis memores, tectoque reponunt ;It nigrum campis agmen, praedamque per herbus,Connectant calle angusto ;

(Virgile, Enéide, IV, 40-2et suiv.)3G. Quae tune earunt conversatio ? quant diligens cum obviis quae-

dam collocatio atquepercontalio ? (Pline, Hist. nat., II.)40. Clamor Sodomorum et Gomonhae multiplicatus est, et pecca-

tum eorum aggravatum est nimis. Descendant et videbo, utrum cla-morent qui venit ad me, opère compleverint : an non est ita, utsciant.

Page 181: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

LE PURGATOIRE. CHANT XXVI. 169

28 Car, par le milieu du chemin embrasé,

vinrent des Ombres à la rencontre de celles-ci.

qui me firent, à les regarder, demeurer en suspens.

3i Là je vois, de part et d'autre, se hâter

chacune des Ombres, et s'embrasser entre elles,sans s'arrêter, contentes d'une aussi brève fêle.

34 Ainsi, sur le sentier où va leur légion brune,les fourmis s'approchent l'une de l'autre, tête contre tète,

peut-être pour s'informer de leur chemin ou de leur fortune.

3y Aussitôt que les Ombres se séparent après l'accueil amical,avant qu'elles n'aient achevé encore le premier pas,chacune s'efforce de crier le plus haut qu'elle peut,

4o les nouvelles venues : « Sodome et Gomorrhe » !

et les autres : « Pasiphaé entra dans les flancs de la génisseafin que le taureau accoure à sa luxure! ».

Igitur Dominus pluit super ^Sodomam et Gomorrham sulphuv etignem a Domino de coelo;

Et subvertit'civitates lias, et omnem circa regionem, universoshabitatoresjirbium et cuncta terrae [virentia. (Genèse, xvm, '20-21;xix, ii4-'-*5.)

Et ces'deux villes furent détruites"par^ le feu ainsi que tous leurshabitants, à cause de leurs péchés. Loth seul étant juste trouvagrâce devant Dieu et put s'enfuir avec les siens.

Le dernier soir, les gens de Sodome-attroupés devant la maisonde Lolh ne réclamaient-ils pas, pour en user à leur gré, les deuxbeaux jeunes hommes qu'ils avaient vu~entrer"chez lui et qui n'étaientautres que les anges envoyés de Dieu'pour le sauver?

Vocaveruntque Lot, et dixerunt ei : Vbi sunt viri qui introierunt adte nocte? educ illos hue, ut cognoscamus eos.

Egressus ad eos Lot, post tergunioccludens ostium, ait : Nolite,quaeso, fratres mei, nolite malum hoc'lfacere. (Genèse, xix, 5-6-7.)

Qua die autem exiit Lot a Sodomis, pluit ignem, et sulphur decoelo, et omnes perdidit. (Saint Luc, xvn, 29.)

4i. Pasiphaé, fille d'Apollon et de la nymphe Perseis, femme deNinus, roi de Crète. Aphrodite lui inspira de l'amour pour un jeunetaureau blanc ; et Pasiphaé, afin d'attirer à son désir ce sauvageamant, fit faire par Dédale une génisse en bois d'érable et s'y cacha.

li'orte sub umbrosis nemorosae vallibus Idae,Candidus, urmenti gloria, taurus erat,

Page 182: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

1^0 PURGATOUIO. CA.NTOXXVI.

4>) Poi corne gru ch'alle montagne Ri le

volasser parte, e parte in ver l'arène,

questc del giel, quelle del sole schife;

46 l'una gente se n' va, l'altra se n' viene,e tornan lagrimando ai primi canli,ed al gridar che piû lor si eonviene.

49 E raecostàrsi a me, corne davanti,essi medesmi ehe m'avean pregato,attend ad ascoltar nei lor sembianti.

5a Io, che due volte avea visto lor grato,incominciai : « O anime sicure

d'aver, quando che sia, di pace stato,

55 non son rimase acerbe né mature

le membra mie di là, ma son qui, meco,

Signatus termi inter cornua nigro...(Ovide, Ars Am., I, ^89 etsuiv.)

Uxorem quondam magni Minois, ut aiunt.Corrupit torvi candida forma bovis.

(Properce, lib. II. Elcgia XXXII.)/(3. Les anciens plaçaient ces monts Riphée au nord delà Scythii-;

peut-être étaieut-ce les Carpathes'Mundus, ut ad Scylhiam Mhipaeasque arduus arcesConsurgil, premitur Libyac devexus in Auslros.

(Virgile, Géoig., lib. I, i.-io.)Et, dans la IVe Géorgique, à l'endroit de la tristesse d'Orpln'e

errant dans la froide région :« Nulla Venus, non ulli animum flexere hymenaei ;Solus Hyperboreas glacies, Tanaimque nivalem,Arvaque Rhiphaeis nunquam viduata pruinisLustrabat »

(5i6 et suiv.)Dante nomme ici les monts Riphée pour désigner poétiquement un

lieu septentrional.44. Les sables du désert de Lybie brûlés de soleil, par opposition

aux monts septentrionaux.Sur le vol des oiseaux migrateurs fuyant l'Auster :

Page 183: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

LE PURGATOIRE. CHANTXXVI. ITI

,(3 Puis, comme des oiseaux migrateurs dont vers les monts Riphéeune part s'envolerait, durant que l'autre s'en irait vers les sables,eeux-oi fuyant le gel et ceux-là le soleil,

/jfi un des deux groupes s'en va, l'autre s'en vient,et ils reprennent, avec, des larmes, leurs premiers chants

et le cri qui le mieux convient à leur état.

(JO Et ils se rapprochèrent de moi, comme tout à l'heure,ceux-là mêmes qui m'avaient prié,attentifs à m'écouter suivant que le révélait leur attitude.

"M Moi, qui deux fois avais vu leur désir

je commençai : — « O âmes assurées

d'arriver, en quelque temps que ce soit, à la paix éternelle,

53 ni en leur verdeur, ni en leur maturité, point ils ne sont restés

là-bas, mes membres, mais ils sont ici avec moi

quales sub nuhibus atrisStrymoniae dant signa grues, atque aethera traitantCum sonitu, fugiuntque Notos clamore secundo.

(Virgile, Enéide, X, '264et suiv.)45. Les oiseaux migrateurs ne vont point vers le gel, si ce n'est

lescorneilles qui s'en retournent l'été dans les montagnes. Si Danteenfait ici l'hypothèse c'est afin d'y fonder sa belle image.

46. Les âmes qui expient le péché de Sodome et de Gomorrhe s'é-loignent; les autres poursuivent leur roule qui est la même que celle(lespoètes.

5/|. Quand que ce soit, tôt ou tard...56. Nain ad. naturam speciei pertinet id quod significat diffinitio :

diffinitio autem in rébus naturalibus non significat formam tantum,serf formam et materiam. Unde materia est pars speciei in rébusnaturalibus ; non quidem materia signata, qùae estprincipium indi-viduationis, sed materia communis. Sicut enim de ratione hujushominisest quod sit exhac anima et his carnibus et lus ossibus, itade ratione hominis est quod sit ex anima et carnibus et ossibus;oportet enim de substantia speciei esse quicquid est communiterde substantia omnium individuorum sub specie contentorum Mani-festum est quod homo non est anima tantum, sed aliquid compositumM anima et corpore. (Saint Th. d'Aquin, Sum. Theol., I, 75-4.)

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I"2 PURGA.T0RIO. CANTOXXVI

col sangue suo c con le suc giunture.

58 Quinci su vo per non esser piû cieco :

Donna è di sopra che n'acquista graziaper che il mortal pe'l vostro mondo reco.

fil Ma, se la vostra maggior voglia saziatosto divenga, si che il ciel v'alberghich'è pien d'amore e piû ampio si spazia,

64 ditemi, acciô che ancor carte ne verghi,chi siete voi, e chi è quella turbache se ne va diretro ai vostri terghi »?

67 Non altrimenti stupido si turbalo montanaro e rimirando ammuta,

quando rozzo e salvatico s' inurba,

5y. Les Ames rayonnent un corps immatériel autour d'elles, leurforce d'individuation fait se modeler l'air à leur entour à la ressem-blance du corps autrefois informé par elles. Mais Dante est ici lecomposé humain dans sa perfection et n'a point laissé son corpsmortel au seuil de l'éternité.

58. En saint Pierre, II 1?Épître. Lorsque l'apôtre exhorte les chré-tiens à joindre à leur foi les vertus de science, de patience et de tem-pérance avec celles de la piété et de la charité :

Haec enim si vobiscum adsint et superent, non vacuos, nec sinefructu vos constituent in Domini nostri Jesu Christi cognitione.

Cui enim non praesto sunt haec, caecus est, et manu tentans, obli-vioneme accipiens purgationis veterum suorum delictorum. (SaintPierre, 11, 1, 8-9.)

59. La Vierge Marie : Béatrice a dit à Dante au chant II de l'En-fer : « Donna è gentil nel ciel, che si compiange... » Une noble dameest au ciel qui a pitié...

63. Dante souhaite à ces âmes amoureuses l'Empyrée et la demeurecéleste la plus élevée, celle qui repose au-dessus des ciels stellaireset les enveloppe, celle où rayonne le plus d'amour divin réfléchidans toutes les âmes des élus.

Ubi caritas et amor, Deus ibi est. (Versets du Jeudi Saint, quandl'Ëvêque lave les pieds aux XII pauvres.)

E questo quieto e paciflco cielo è lo luogo di quella Somma Deilàche se sola compiutamente vede. Questo è lo luogo degli spiriti beau,secondo che la santa Chiesa vuole, che non pub dire menzogna sed

Page 185: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

LE PURGATOIRE. CHANTXXVI. 1^3

de même que leur sang etleurs jointures.

'8 Je monte par ici pour n'être plus aveugle.Là-haut est une Dame qui m'en acquiert la grâce,etc'est comme cela que je porte parmi vous ce quej'ai de mortel.

'i Mais — et que puisse votre désir suprême

s'accomplir bientôt, afin qu'il soit votre demeure, le Ciel

qui est plein d'amour, celui-là qui, plus ample, embrasse plus

[d'espace!—

4 dites-moi — afin que je l'inscrive encore sur mes feuillets, —

qui vous êtes, et quelle est cette troupe

qui s'en va derrière vous dans un sens opposé? »

6; Point autrement ne se trouble, et demeure stupide,le montagnard et, regardant autour de lui, reste muet,

lorsque, rude et ombrageux, il entre dans la ville,

aneoAristotile pare cib sentira, chi bene lo ntende, nel primo diCieloe Mondo. Questo è il sovrano edificio del Mondo, nel qualetutto il mondo s'inchiude, e di fuori dal quale nulla è : ed esso nonè in luogo, ma formata fu solo nella prima Mente, la quale li GrecidiconoProtonoe. Questo è quella magnificenza, délia quale parla ilSalmista quando dice a Dio : « Levata è la magnificenza tua sopralicieli. » (Dante, Convivio, Trait. II, cap. iv).

64. Dante offre sans cesse aux âmes les suffrages des vivants, affir-mantchaque fois le lien touchant qui unit l'Eglise militante à l'Eglisesouffrante.

67. ... Che lo stupore è uno stordimento d'animo per grandi emaravigliose cose vedere 0 udire, 0 per alcun modo sentire ; che inquanto paiono grandi, fanno reverente a se quello che le sente ; inquanto paiono mirabili, fanno voglioso di sapere di quelle quellochele sente. (Dante, Conv., Tratt. IV, cap. xxv.j

08. ... Licet enim possit intelligi de quolibet montant) primo ve-mciite ad urbem, tamen specialiter poeta intelligit de montant» habi-tante in alpibus Florentiae, qui prima vice qua venit Florehtiamvidensexcelsa palatia, homines civiles, mirabiles sirènes, non satia-tur visu, et videns tôt niimquam visa obstupescit : hune actum videratpoeta aliquando in ipsa patria sua. Sicut ergo montant miranturfidélitésprimo Florentiam florentcm, ita nunc isti mirantur videntesprimo civem florentinum Florentissimum adhuc viventem. (Benv. deImola.)

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1"4 PLRGATUHIO, CAXTCIXXVI.

-o che ciascun'ombra fece iu sua paruta;ma poi che furon di stupore scarche,lo quai negli alti cor' tosto s'attuta,

j3 « Beato te, che délie nostre marche,ricominciô colei che pria m'inchiese,

per viver meglio esperienza imbarche !

~6 La gente, che non vien Con noi, offese

di ciô perche già César, trionfando,'

regina'

contra se chiamar s'intese;

J9 pero si parton' Soddoma

'gridando,

rimproverando a se, com'hai udito ;ed aiutan l'arsura vergognando.

82 "Sostro peccato f'u ennaf'rodito ;ma perché non servammo umana legge,

seguendo corne bestie l'appetilo,

7'j. A la différence du fruste paysan, les Aines reviennent tôt deleur stupéfaction — comme il convient à de grands coeurs affermis.

74. Celle-ci est l'ombre de Guido Guinizelli, le poète de l'amour.77. La faute des Sodomites. Suétone raconte que César, dans le

temps de son adolescence, lorsqu'il combattait en Asie, avait étéfortement lié avec ?ucomède, roi de Bithynie, ce qui plus lard, aucours d'un triomphe, l'avait fait saluer par quelques soldats dunom de « Reiue » et surnommer par Bibulus, consul en même tempsque lui, « La Reine de Bithynic ». Le poète s est souvenu sans douteici d'avoir lu dans Suélone la chanson osée que chantaient, parmid'autres de même sorte, suivant la coutume, les soldats romainsdurant le Triomphe des Gaules. (V. Suélone, Vita Caesar.)

V. Benvcnulo de Imola :... Cum autem Caesar post omnia bella fini ta ageret suos tritim-

phos qui fueiunt quinque, in primo Gallico qui fuit gloriosior caeteris,milites sequentes currum triumphalcm de consuetudine cantanlescarmina joculariter clamabant : « Gallias Caesar subegit, NicomedesCaesarem... »

Ecce Caesar mine triumphat, qui subegit Gallias;Nicomedes non triumphat, qui subegit Caesarem.

(Cf. Suétone, Vita Caesar., 49.)SÎ. L Ombre dit que le péché de la théorie à laquelle elle appartient

ne viola pas au moins les lois de la nature puisqu'il ne fit que réunir1homme à la femme ; et pour marquer celte union, elle emprunte

Page 187: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

LE PURGATOIRE. CHANTXXVI. I J,5

-o que ne le fit chaque Ombre en toute son apparence;mais, lorsqu'elles eurent vaincu la stupeur

qui dans les coeurs magnanimes tôt s'efface :

-3 — « Bienheureux es-tu, toi qui passant par nos contrées »,

recommença celle qui m'avait interrogé d'abord,— « te charges d'expérience, afin de vivre meilleur!

"(j Ces gens, qui ne viennent point avec nous, commirent l'offense;'icause de laquelle, autrefois, César en son triomphes'entendit jeter à la face le nom de « reine ».

-/) C'est pourquoi ils s'en vont criant : « Sodome »,se faisant à eux-mêmes reproche, comme tu l'as entendu :

et ils aident par la honte à la brûlure des flammes.

8a Notre péché à nous fut hermaphrodite;mais parce que nous n'observâmes point l'humaine loi,suivant nos appétitscomme des bêles,

l'image tirée de la fable du jeune Hermaphrodite que la naïade Sal-niacis désira à cause de sa beauté, comme il se baignait dans le lac,cl qu'elle poursuivit malgré ses dédains jusque dans l'onde clairequ'elle avait mission de garder. Et le jeune homme y demeuracaptif, car la naïade, animée de colère et d'amour, obtint des dieuxsur le champ d'être unie a lui et que leurs deux corps demeurassentconfondus en un seul pour toujours.

Vota suos kabucre Deos ; nanCmixta duoruniCorpora junguntur ; faciesque inducitur MisUna : valut si quis conducta cortice ramosCrescendo jungi, pariterque adolcsccrc cernai.Hic ubi cojnpiexu coieruni membra tenaci,JVecduojsunt

(Ovide, Mét.^YX, 3yj etsuiv.)Le péché de ceux-ci fui setilemcnl d'avoir cédé à leurs appétits

naturels, sans égard à la Loi que^ Dierv_adresse à la raison del'homme'et à sa volonté.

Peccatum luxuriae consistit in hoc'l quod aliquis\ non secundumrectam rationem delectationc venerea utitur. Quod quidem contingitdupliciter : uno modo secundum materiam in qua hujusmodi delec-tationem quaerit : alio modo secundum quod materia débita exis-tence non observantur aliac debitae conditiones. (Saint Thomasd'Aquin, Sum. Tlicol., II-II, ci.iv, i.)

Page 188: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

îjb pt.hGAïonio. — CANTOxxvi.

85 in obbrobrio di noi, per noi si legge,

quando partiamci, il nome di colei

che s'imbestiô nell'imbestiate schegge.

88 Or sai nostri atti, e di che l'ummo rei :

se forse a nome vuoi saper chi semo,

tempo è da dire, e noifsaprei.

91 Farotti ben di me volere scemo :

son Guido Guinizelli; e già mi purgo,

per ben dolermi prima ch'allo stremo ».

94 Quali nella Iristizia di Licurgo

84. La loi donnée à l'homme doué de raison, par opposition avecles animaux qui n'ont que l'instinct.

Onde quando si dice : luomo vivere,"si dee'inlendere, iuomousare la ragione; che sua spezial vita, ed atto délia sua piànobile parte." E perb chi dalla ragione si parte te usa pur la partesensitiva, non vive uomo, ma vive hestia ; siccome dice quello eccel-lentissimo Boezio : « Asino vive ». (Dante, Conv., Tratt. II, cap. vm.)

.., Cosi corne uomini sono vilissimi e bestiali, cosi\uomini sononobilissimi e divini. (Dante, Conv., Tratt. IV, 20.)

Homo, cum in honore esset, non intellexit; comparatus est jumentisinsipientihus et similis factus est illis. (Psal. XLVIII.,UI.)

... sine ratione humana. (Benv. de Imola)Ecco per questo si cerlifica quello che è ditto di sopra, cio'e che

si fatti peccatori sono stati in cib bestiali che anno fatto corne lehostie che non osservano matrimonio ne parentado (Franc, daBuli.)

8G. Pasiphaé, femme de Minos, roi de Crète, éprise d'un jeunetaureau. Elle fut durant tout le Moyen âge l'exemple et l'image detoute femme sans'pudeur cédant iVson bon plaisir.

Contra elata mari respondet Gnosia tellus :Hic crudelis amor tauri, suppostaque furtoPasiphaé, mixtumque'genus, prolesque biformisMinolaurus inest, Veneris monumenta nefandae.

(Virgile, Enéide, lib. VI, 23 et suiv.)90. Les âmes étaient nombreuses. La journée inclinait déjà vers

le soir.cji. Guido di Guinizzello de' Principi, de Bologne, poète célèbre

du xmc siècle, écrivit en langue'vulgaire et peut être nommé leprécurseur et le premier écrivain de l'école « du dolce stil nuovo ».Arévers l'an i-58.-jà Bologne, il mourut en exil à Vérone en 1^76. Sesïi poésies et ses chansons sont pour la plupart amoureuses.

Dante les aima et il les cite en son Convivio. Lorsqu'il parlera de

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LE PURGATOIItE. CIIAST XXVI. I ~-

85 en opprobe de nous, par nous-mêmes, est publié,

lorsque nous reprenons la route, le nom de celle-là

qui se fit bète dans le simulacre de la bête.

88 Désormais lu sais nos actions et de quoi nous fûmes coupables.Si peut-être par nos noms tu souhaites savoir qui nous fûmes,le Lemps manque pour le dire et je ne le saurais.

91 Toutefois, je calmerai ton désir en ce qui me concerne :

Je suis Guido Guinizelli, et déjà je me purifie,

pour m'être bien repenti avant mes derniers jours. »

94 Tels, dans l'instant de la fureur de Lycurgue,

la noblesse, qu'il regarde comme un don de Dieu auquel il fautune âme bien disposée, il écrira :

Siccome se una pietra margarita è maie disposta, ovvcvo imper-fetta, la virtù celestiale ricevere non pub, siccome disse quel nobileGuido Guinizzelli in una sua canzone che comincia :

Al cor gentil ripava sempre Amor. [Conv., Trait. IY, cap. xx.)Voici les vers de Guinizelli, où se trouve l'image de la pierre

précieuse :Fuoco d'amore in gentil'cor s'apprendeCorne virtude in pietra preziosa,Chè dalla slella valor non discendeAnzi che il sol la faccia gentil cosa ;Poi che n'ha tratto fuore,Per la sua forza il sol cio che g\i è vile,La Stella i da valore.

Et encore, au De Vulgari Eloquio :Trilingues ergo doctores in multis conveniunt, et maxime in hoc

vocahulo, quod est Amor.Dom. Guido Guinizelli :

jVèfe amor, prima che gentil corc,JVècor gentil, prima ch'amor, natura.

(Lib. I, cap. ix.)Maximus Guido Guinicelli, Guido Ghiselerius, etc.. qui doctores

fuerunt illustres, et vulgarium discretione repleti;...Maximus Guido .-« Madonna, il fermo core... » (Lib. I, cap. xv.)g3. S'il avait tardé jusqu'à la fin a se repentir, il serait eucore

sur la plage de l'Ante-Purgatoire et n'aurait pu être admis sitôt auxcercles purificateurs. Tel est le seus de ce vers.

94. Il s'agit ici d'Hypsipile, fille de Thoas, roi de Lemnos, exiléeet esclave dans le palais de Lycurgue, roi de Nemée. (V. Purg., XXII,ira.] Ayant un instant laissé le petit enfant de celui-ci qui lui étaitconfié: Ophelte, —plus lard Archemore, qui veut dire le prédéces-

LE PURGATOIRE. II. 11

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Ij8 PUtlGATOHIO. CANTOXXVI.

si fèr due figli a riveder la madré;tal mi fec'io, ma non a tanto insurgo,

97 quaud'i' odo nomar se stesso il padremio e degli altri miei miglior' che mai

rime d'amore usâr dolci e leggiadrc.

ioo E, senza udire e dir, pensoso andai,

lunga fiata rimirando lui ;

né, per lo foco, in là più m'appressai.

io3 Poi ehc di riguardar pasciuto fui,lutto m'offersi prontp al suo servigiocon l'affermar chc fa credere altrui.

106 Ed egli a me : « Tu lasci lai vestigio,

per quel ch'i' odo, in me, e tanto chiaro,ehc Lete no '1 puô tôrre né far bigio.

109 Ma, se le tue parole or ver giuràro,

seur dans la mort, — couché sur l'herbe dans la forêt de Neméc,pour guider les princes de l'armée d'Adrastc jusqu'à la fontaine deLangia, un serpent s'approcha de l'enfant, pendant qu'elle était ab-sente, et le piqua durant son sommeil. Au retour, la malheureuseHypsipile le retrouva sans vie.

Lycurgue, apprenant de sa femme, la reine Eurydice, ce malheur,courut plein de colère à la recherche d'Hypsipile pour la livrer aubourreau. Il n'avait point cru à sa naissance royale, et même, ycroyant, il ne l'eût point épargnée dans l'égarement de son regret siles deux fils d'Hypsipile, venus avec l'armée grecque pour revoirleur mère, ne s'étaient jetés dans ses bras lorsqu'elle apparut,révélant bien ici la vérité de son origine. Et leur impulsion tendreet joyeuse lui sauva la vie.

per tcla, manusqueIrruerunt, matremque avidis complexibus amboDiripiunt fentes, alternaque pectora mutant...

(Stace, Tkébafac, liv. V, v. 720 et suiv.)De même, Dante eut souhaité se jeter dans les bras de Guido

Guiuizelli.9-. « Père » qui veut dire ici à la fois maître et devancier. Dante

réserve de coutume ce nom à Virgile. Dans tout le cours de son

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LE I'LhGATOinE. CHANTXXVI. I JCJ

deux fils reconnaissant leur mère s'élancèrent vers elle,tel je m'élançai, mais non avec autant d'impétuosité,

y- lorsque j'entendis se nommer lui-même ce père

qui fut le mien, et celui des autres meilleurs que moi qui jamaisaient fait usage des rimes d'amour, douces et tendres.

IOO Et sans rien ouïr et sans parler, je m'en allai pensif,

longtemps, ne sachant que le regarder;

cependant, à cause du feu, je ne m'approchai point davantage.

io3 Après que je me fus rassasié de le voir,

je m'offris, tout prêt à le servir,de ce ton bien affirmé qui impose confiance à autrui.

106 Et lui à moi : — «Tu laisses une iracesi profondeen moi, par tout ce que j'entends, et si claire,

qu'il ne se peut que le Lé thé l'efface ou la vienne obscurcir.

ioy Mais, si tes paroles tout à l'heure m'ont juré le vrai,

oeuvre, on ne le trouve offert en dehors de lui, qu'ici, à cet autrepoète : c'est pourquoi il prend une plus grande valeur et montrebien le goût vif et profond, et l'admiration que Dante eut pour l'artde Guinizelli, qui, vraiment, annonce le sien, en ce qui regarde les« ballades » et les Canzoni.

98. A noter l'humble douceur du Poète : il ne peut sincèrementconsidérer d'autres poètes comme meilleurs que lui-même; il veutpourtant prendre ici ce ton inusité à cause de l'élévation où il setrouve sur le plan spirituel. Du point de vue mystique, il achève deparcourir les étapes de la vie purgative car le voilà parvenu à ladernière corniche du Purgatoire. Il y a encore ceci, c'est que surson front la cicatrice de l'orgueil, avant même celle des autrespéchés capitaux, fut effacée par l'aile de l'Ange.

99. Non satis est pulchra esse poemata : dulcia sunto.(Horace, Art Poétique, v. 99.)

100. Et sederant cum eo in terra septem diebus et septem nocii-bus, et nemo loquebatur ci verbum; videbant enini dolorem essevehementem. (Liv. de Job, n, 13.)

107. Tout ce qu'avait dit Dante sur sa présence en ce lieu, impli-quait une grâce divine singulière.

108. Les eaux du Léthé qui donnent l'oubli.

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l8o l'L'RUATORlO. CANTOXXVI.

dimmi : ohe è cagion per che dimostri

nel dire e nel guardar d'avermi caro? ».

112 Ed io a lui : « Li dolei deLti vostri,

che, quanto durera l'uso moderno,laranno cari aricora i loro inchiostri ».

115 « 0 frate, disse, qucsti ch'io ti scerno

col dito, (ed addito un spirto innanzi),fu miglior fabbrô del parlar materno.

118 Versi d'amore e prose di romanzi

soverchiô tutti : e lascia dir gli stolti

che quel di Lemosi crcdon che avanzi.

i a i A voce piû ch'al ver drizzan li volti ;e cosi ferman sua opinione,

prima ch'arte o ragion per lor s'ascolti.

11ï. L'usage d'écrire eu langue vulgaire.Anciennement nul poète n'écrivait en langue vulgaire : toute com-

position littéraire était faite en latin :... Che anticamente non erano dicitori d'Amore inlingua volgare.

anzi erano dicitori d'Amore certi poeti in lingua latina : Ira noi,dico... E non è molto numéro d'anni passato, che apparirono primaquesti poeti volgari... (Dante, Vita Nuova, XXV.)

ii.'i. Une exquise Canzone de Guido Guinizelli :Al cor gentil ripara sempre Amore,Corne alla selva augello alla verdura;jVèfu Amore anzi che gentil core...

11G. Arnaud Daniel, le troubadour provençal.îao. Girault ou Gérald de Borneilh, bon poète et troubadour de

langue d'Oc, naquit a Excideuil en Limousin et fleurit vers la fin duxii° siècle et vers le commencement du xmc. Il introduisit dans lalyrique provençale des modes nouveaux et mérita le jiom de maîtredu Gay Scavoir. Dante cite Girault de Borneilh au commencementde son De Vulg. Eloq. lorsqu'il parle de l'accord des trois idiomesd' «oc », d' «oïl » et de « si » sur le mot Amour : « Si m sentis fizchamies — Per ver encusar Amor. » (Lib. I, ix.)

Il le cite encore lorsqu'il parle des sujets principaux qui doiventauimer la poésie, c'est-à-dire « les armes, l'amour et la droiture ouloyauté » :

'irmorum, prolntas, amoris accensio, et directio voluntatis. Circaquae sola, si hene recolimus, illustres viros invenimus vulgariterpoetasse; scilicetBertramum de Bornio, arma; Arnaldum Danielcm,

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LE PURGATOIRE. CHANTXXVI. 18 I

dis-moi : quelle est la cause pour laquelle tu démontres,en tes dires et tes regards, que je te suis si cher ? »

H?. Et moi à lui : — « Vos doux vers,

qui tant que durera le langage moderneferont aimer encore les encres dpnt ils furent écrits... »

11L> — « 0 frère », dit-il, « celui-ci que je te désignedu doigt... (et il indiqua un Esprit en avant de lui)fut meilleur ouvrier en sa langue maternelle.

11S Vers d'amour et proses de romans,il n'en est point qu'il ne surpasse; et laisse dire les sots

qui croient celui de Limoges plus fort que lui :

iai au bruit plutôt qu'au vrai ils dressent l'oreille,et voilà comment ils arrêtent leur opinion,avant que l'art ou la raison soient par eux écoutés;

amorem; Gerardum de Bornello, rectitudinem ; Cinum pistoriensem,amorem; amicus ejus, rectitudinem...

Amicus ejus : c'est ainsi que le Poète se désigne lui-même commechantre de la loyauté.

De Gérard de Borneilh : « Per solatz revelhar, — Que ses tropendormitz. » (Dante, de Vulg. Eloq., lib. II, cap. n.)

« Pour réveiller le plaisir qui s'est trop endormi... »Au chapitre v du même livre, Dante cite comme exemple de per-

fection ce beau vers du même troubadour :Ara auzirets encabalitz chantars.

« Maintenant vous entendrez des chants plus parfaits. »Et, plus loin, au chapitre vi, il rappelle encore un vers d'une

chanson de G. de Borneilh :Hoc solum illustres cantiones inveniuniur contextae, ut Gerardus :« Si per mon Sobre-Totz no fos... »« Si ce ne fut pour ma dame aimée au-dessus de toutes choses... »lai. Non sequeris turbam ad faciendum malum nec in judicio

plurimorum acquiesces sententiae, ut a vero dévies. (Exode, xxm, a.)122. « C'est pourquoi le Tragique a raison de s'écrier par la

bouche d'Andromaque : « O gloire dont l'éclat charme les yeux desHommes. Que souvent tu nous fais plus grands que nous ne sommes. »Car plusieurs n'ont-ils pas acquis beaucoup d'estime par les accla-mations du peuple ignorant? »

(Consol. phil. de Boèce. Liv. III prose, trad. par le P. Nicol.Régnier, chan. rég. de la Congrég. de France et prieur de Brique-maut M.DC.LXXV.)

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l82 PURGA.TORI0. CANTOXXVf.

124 Cosi fêr molti antichi di Guittone,di grido in grido pur lui dando pregio,fin che l'ha vinto il ver cou piû persone.

127 Or, se tu hai si ampio privilegio,che licito ti sia l'andarc al chiostro

nel quale è Cristo abate del collegio,

i'io fagli per me un dir di paternostro,

\->'\. Guillone, souvent appelé Fra Guittone, né à Arezzo auxenvirons de i'2'io, mort en 1294à Florence dans le temps qu'il yfondait le monastère « degli Angioli ». Ce fut surtout à Florence qu'ilvécut, mais aussi en d'autres villes de Toscane, et à Bologne où il futinscrit au nombre des « Chevaliers de Marie, Vierge Glorieuse »,confrérie reconnue et approuvée par le pape Urbain IV comme uuordre religieux et militaire. Malheureusement cette confrérie perditvite son noble caractère, si bien que ses derniers membres méritèrentd'être surnommés fratres gaudentes. (Y. Enf., XXIII, 102.)

Son oeuvre consiste principalement en chansons morales, enballades et en sonnets, pour la plupart sur des sujets de convention,qui jouirent en leur temps d'une grande renommée. Dante n'aimapoint sa poésie, pour ce qu'elle eut de formel, de doctrinal et deplébéien :. Désistant ergo ignorantiae sectatores Guidonem aretinum et quos-clam alios extollentes, nunquam in vocabulis atque constructionsdesuetos plebescere. (De vulg. Eloq., II, vi.)

Frate Guittone d'Arezzo fu antico e valente dicitore in rima, et fecemoite canzone morali et sonetti et ballate, et al suo tempo avanzbogni alto trovatore; et dura tanto la fama antica, che, ben che poi nefossono di quelli che dicessono meglio di lui, conte fu notaro Jacopoda Lcntino, Ser Buonagiunta Orbiciani da Lucca, messer GuidoGuinizelli da Bologna, pur la fama di frate Guittone tenea il campo,influe a tanto che'l vero fu ennosciuto di quelli che dissono meglio dilui. (Anonimo Fiorentino.)

rj5. De l'un à l'autre, sans plus de réflexion, les gens répètentl'éloge de l'art de Guittone.

F siccome colui ch'è cieco degli occhi sensibili va sempre, secondoche gli altri, giudicando'il maie e'I bene; cosi quelli ch'è cieco dellume délia discrezionc, sempre va nel suo guidicio secondo il grido, 0diriiio 0 falso che sia. (Convivio, I-11.)

A propos d'Arnaud Daniel et de Guittone, Vellutello. dans soucommentaire, observe que Pétrarque redit la même chose que Dante,eu 'jon triomphe d'Amour :

Fcco Dante e Béatrice; ecco Selvaggia ;Ecco Cin da Pistoia ; Guitton d'Arezzo,Che di non esser primo par ch'ira aggia.

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LE PURGATOIRE. CHANTXXVI. 183

124 ainsi firent-ils nombreux,, autrefois, pour Guittone,de cri en cri, ne donnant qu'à lui la louange,jusqu'à ce qu'enfin la vérité en triomphât par plusieurs bouches,

127 Or, puisque tu as uii si ample privilège

qu'il t'est permis de t'en aller au cloître

où le Christ est l'abbé du Couvent,

l3o fais-lui, pour moi, l'oraison d'un « Pater Noster »,

Fra tutti il primo Amaldo Daniello,Gran maestro d'amor...

(Pétrarque, Trionfo d'Amore, cap. iv.)128. Cioè a la chiusura lieta de' beati; cioè in paradiso lo quale è

ehiusura de' beati, corne lo chiostro è de' religiosi chiusura consola-toria e refrigeratoria. (F. da Buti.)

l'ig. Imperà che corne l'Abbate è padre e signore dei monaci, cosiChristo via maggiormente è padre e signore de' beati (F. du Buti.)

i3o. Arnault Daniel est parmi les troubadours provençaux celuiqui eut le plus de souci de l'excellence de la forme. Il se plut auxrythmes rares et difficiles, il inventa la Sextine, pièce lyrique fortdélicate, aux stances non divisées avec des rimes à retour, que Danteimita en langue italienne et Pétrarque après lui. Arnault Danielapparut au xue siècle mais il semble avoir vécu jusqu'à l'aurore duxme. Son oeuvre n'est point uniquement lyrique et provençale, ilcomposa aussi des romans de chevalerie en langue d'oïl, en proserythmée, un sur le preux Renaud, un autre sur la reine Guenièvre etLancelot — et ce dernier, suivant quelques commentateurs, fut celui-làmême que Dante désigne comme le « Gallehaut » des deux amants,dans l'épisode de Paolo et de Francesca da Rimini. (Y. Enf., Chant V.)

Dante, qui aime beaucoup le provençal, parle bien souvent destroubadours, mais parmi eux il est certain qu'il préféra Arnault Danielà cause de la perfection que celui-ci voulut en ses vers, de ses luttesavec le rythme et de ses recherches afin de le mieux modeler ; etaussi parce qu'il se plia à exprimer des pensées, des sentiments etdes images choisies, loin de toute"vulgarité. Il le cite en plusieursendroits de son De S'ulg.Eloq., d'abord au liv. II, chap. 11,comme lechantre de l'Amour : ... Amaldum Danielum, amorem...et il donne de lui ce beau vers :

L'aura amara fais broils blancuts clarzir.« Le vent froid fait s'éclaircir les ramures aux bois. >>Et au chapitre vi, parmi les plus illustres chansons, il en indique

une d'Arnault Daniel :Sols sui qui sai lo sobrafan, que m'sortz,

, « Seul je connais l'immense douleur qui monte en moi. »Plus loin, au chapitre x, lorsqu'il parle de la chanson à l'orme

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184 runGATomo. — CATSTOSXVI.

quanto bisogpa a noi di questo monde,ove poter peccar non é piû nostro ».

133 Poi, forsc per dar loco altrui secondo,che presso avea, disparye per lo foco,corne per l'aequa pesce andando al fondo.

136 lo mi feci al mostrato innanzi un poco ;e dissi che al sup nome il mio disire

apparecchiava grazioso loco.

I3Q Ei cominciô liberamcnte a dire :« Tan m'abelUs vostre cortes deinan,ch'ieu no me puesc ni-m voill a vos cobrire.ci

i/}2 Ieu sui Arnaut, quep.lor e vau cantan;consiros vei la passada folor,e vei jauzen lo jorn qu'esper, denan.

i45 Ara us prec,per aquella valor

que vos guida al som d'esta escalina,sovenha vos a temps de ma dolorl »

148 Poi s'ascose nel foco che gli affina.

simple ou répétée et qu'il se cite lui-même avec le vers qui commencela première sextine de son Canzoniere, c'est à la suite d'ArnaultDaniel :

... Et hujusmodi stantiae usus est fere in omnibus caniionibus suisArnaldus Danielis : et nos eum secuti sumus cum diximus :

Al poco giorno, ed al gran cerchio d'ombra-..Et au chapitre xm, au sujet de la relation des rimes, il cite encore

Arnault Daniel :Si m'fas amors, de joi donar tan larga...

« Si l'amour me voulait faire largesse assez pour me donner lajoie... »

El enfin, ce passage de sa Divine Comédie que Dante écrit en pro-vençal afin de mieux faire sentir son admiration et sa fervente amitiépour le troubadour.

C'est ce passage que Dante écrivit pour lui, en provençal, qui futla cause de la grande renommée qu'eut Arnault Daniel en Italie àpartir du xive siècle.

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LE PURGATOIRE. CHANTXXVI. I 85

autant qu'il nous en faut, à nous, en ce monde

où nous n'avons plus le pouvoir de pécher. »

133 Puis, peut-être pour laisser place à quelqu'autre

qui venait après lui, il disparut dans le feu,comme le poisson qui plonge au fond de l'eau.

i3u Je m'avançai un peu, jusqu'à celui qui m'avait été désigné,et je lui dis que mon désir, à son nom,

apprêtait une place de choix.

i3g Et il commença, sans se faire prier davantage, à dire :— « Tant m'est agréable votre courtoise demande,

que je ne puis ni ne veux me celer à vous.

14a Je suis Arnault, qui pleure, et vais chantant :

contrit, je vois ma folie passée,et je vois devant moi, joyeux, la joie que j'espère.

i45 Or, je vous prie, par cette vaillance

qui vous guide au sommet de ces degrés,

qu'il vous souvienne, en temps propice, de ma douleur! »

148 Puis il se perdit parmi les flammes qui purifient.

Et Pétrarque, au Triomphe d'Amour, à l'endroit de son cortège oùil place les poètes de langue provençale, tracera encore pour luitrois vers parmi ses plus beaux :

Fra tutti il primo, Arnaldo Daniello,Gran maestro d'amor; ch'alla sua terraAncor fa onor col suo dir novo e bello.

(Cap. iv, v. 40 et suiv.)I3I. Et ne nos inducas in tentationem, sed libéra nos a malo.Cette dernière prière contenue dans le Pater n'est plus utile aux

âmes du Purgatoire : elles sont déjà élues, elles n'ont plus le pouvoirni la crainte de pécher. (V. ch. xi, v. 22 et suiv.)

. i35. Ecco che adduce propria similitudine : l'acqua è trasparentesicchè si vede in essa quil che v'è, e cosi la fiamma del fuoeo è tras-parente che si vede in essa quil che v'è; e corne lopescio non si vedeperlo profondarsi ne l'acqua, cosi quell anima per lo profondarsine la fiamma. (F. da Buti.)

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CANTO xxvn

I Si corne quando i primi raggi vibra

là dove il suo Fattore il sangue sparse,cadendo Ibero sotto l'ai ta Libra,

4 e l'onde in Gange da nona riarse,si stava il sole; onde il giorno se n'giva,

quando l'angel di Dio lieto ci appar9e,

y Fuor délia fiamma stava in sulla riva,

i. Le soleil est à présent près de son déclin, il louche la ligned'horizon, et c'est l'instant où il va frapper de ses premiers rayonsla cime du Calvaire qui domine Jérusalem.

•i. Notre Seigneur Jésus-Christ, qui mourut pour nous sur leCalvaire :

In principio erat Verbum et Verhum erat apud Dcum, et Deus eratVerbum.

Hoc erat in principio apud Deum,Omnia per ipsum facta sunt; et sine ipso factnm est niliil quod

fuctum est. (Evang. saint Jean, i, i-3.)Creare convertit Deo secitndum suum esse, quod est ejus essentia,

quae est conununis tribus personis : unde creare non est propriumalicui personae, sed commune loti Trinitati. (Saint Thomas d'Aquin,Sum. Theol., I, 45-6.)

3. L'Ebre, le fleuve d'Espagne qui sort des Pyrénées et coule àtravers l'Aragon et la Catalogne.

Le Poète veut nous dire qu'il est ici près de six heures du soir etque, pendant que le soleil se couche à l'horizon du Mont Mystique,et que ses premiers rayons paraissent sur la cime du Calvaire, il estminuit sur l'Ebre qui coule, sous le signe de la Balance, vers la

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CHANT XXFI1

Septième Gyre : La luxure. L'Ange de la pureté. Le passage à

travers la famine. L'Ascension au Paradis terrestre. Les dernières

paroles de Virgile.

i Comme lorsqu'il darde ses premiers rayonslà où son Créateur répandit son sang,— dans le temps que l'Èbre tombe sous les hautes Balances,

4 et que l'onde du Gange s'embrase à l'heure de none, —

ainsi se tenait le soleil : et donc le jour s'en allait

quand l'ange de Dieu, plein de joie, nous apparut.

7 Hors de la flamme, sur le rivage, il était debout,

Méditerranée, et raidi sur le Gange ; car Dante place ces deux fleuvesà égale distance de Jérusalem, faisant de l'un et de l'autre lesextrêmes confins de notre hémisphère à l'Occident et à l'Orient. Lesoleil entre dans la constellation de la Balance, à l'équinoxed'automne. A l'équinoxe du printemps, celle constellation règne avecla nuit.

Sur les eaux du Gange, c'est le plus fort du soleil, le milieu dujour; le Poète nous le fait connaître par les « nones » qui sont l'unedes sept parties de l'Office divin : celle qui se récite entre midi etune heure.

Lo cerchio che nel mezzo di questi s'intende, si è quella parte delcielo, sotto l quale si gira il sole quanda va coll'Arietc e colla l.ibra.(Convivio, III, 5.)

E perô sappia ciascuno, che la dhitta noua sempre dee sonare nelcominciamento délia settima ora del di. (Convivio, IV, i3.)

Si Dante nous parle ainsi, c'est qu'il songe à l'heure qu'il est surla terre lointaine, aux jours qui mesurent les existences, lui qui estde l'autre côté.

0. Ita dico vobis, gaudium erit coram angelis Dei super uno pecca-tore poenitentiam agente. (Evang. saint Luc, xv,. IO.I

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188 PURGATOIUO. CANTOXXVII.

e cantava : Beati mundo corde !

in voce assai piû che la nostra viva.

10 Poscia :-« Piû non si va, se pria non morde,Anime santé, il foco : entrate in esso,ed al cantar di Jà non siate sorde! »,

i3 ci disse, corne noi gli fùmmp presso;

percli'io diyenni tal, quando lo intesi,

quai è colui che nella fossa è messo.

16 In sulle man' çommesse mi protesi,guardando il foco e imaginando forteumani corpi già yeduti accesi,

19 Volsersi verso me le buone Scorte,e Virgjlio mi disse : « Figliupl mio,

qui puô esser tormento, ma non morte,

32 Ricordati, ricordad!.. E se io

sovr'esso Gerion ti guidai salvo,che far6 ora, presso piû a Dio?

a5 Credi per certo che, se dentro all'alvo

8. Dans le Sermon sur la Montagne, le Sermon des Béatitudes :Beati mundo corde, quoniam ipsi Deum videbunt. (Evang. saint

Mathieu, v, 8.)10. Si per cordis munditiam libidinis flamma non eoùstinguitur,

incassum quaelibet virtutes oriuntur. (Gregorio Magno, Moral.,XXI, 9.)

12. Au delà du feu, î\ y a un autre ange qui chante, et il exhorteles âmes nouvelles-venues à écouter son chant qui est comme unappel et à se laisser guider par ses accents.

14. Dante pâlit de peur. Sa chair mortelle est faible : sa confianceintellectuelle, gênée par ce qu'elle porte encore de la terre, ne peuttout d'un coup s'élever jusqu'au sublime abandon qu'il lui faut ici.

19. Les deux poètes : Virgile et Stace. Virgile, le Guide de tousles instants ; Stace, que l'ardente charité des Elus a fait demeurerauprès des Pèlerins,

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LE PL1RGATOIHE. CHANTXXVII. 189

et chantait : « Bienheureux ceux qui ont le coeur pur ! »

d'une voix bien plus claire et sonore que la nôtre.

10 Puis : a On ne va pas plus loin, si d'abord on ne souffre

de ce feu, ô âmes saintes —entrez-y, [morsure

et ne soyez point sourdes au chant de l'autre bord ! »

i3 Ainsi il parla, comme nous arrivions près de lui.

Ce fut pourquoi je devins, à l'entendre,

pareil à celui qui est mis en sa fosse.

16 Par-dessus mes mains croisées je me penchai,

regardant le feu — et je me représentais avec force

des corps humains que j'avais vus autrefois brûler.

19 Mes bons Guides se tournèrent vers moi,et Virgile me dit : — « Mon fils,ici tu peux trouver de la douleur, mais non la mort.

22 Souviens-toi,-souviens-loi, ...et si, moi,sur le monstre Géryon je t'ai conduit sain et sauf,

que ne ferai-je, à cette heure, plus près de Dieu?

ao Tiens pour certain que si, dans le sein

ai. Par la qualité mystique du Feu Purificateur qui, loin de donnerla mort, dispose l'âme au plus haut épanouissement de la Vie.

22. Que de fois Virgile a sauvé Dante à travers les cercles del'Enfer! Est-ce de cela qu'il veut parler? Ou plutôt ne serait-ce pasdes fautes anciennes de Dante qui, cédant à ses passions, ne fut pasexempt des faiblesses de la chair que le feu ici efface? La réticencede Virgile qui ne fait que prononcer deux fois : Souviens-toi, sou-viens-toi inclinerait à le croire, car il ne va rappeler, et commeen second lieu, qu'une seule de leurs aventures périlleuses dansl'Enfer.

•J3. Géryon « le monstre à ligure de juste et à queue tortueuse ».

(V. Enf., XVII, 3i et suiv.)24. Quasi dicat longe melius, idest : si traxi te de inferno per

omnia gênera fraudium, quanto magis nunc te purgatum per omniagênera vitiorum eruam de igné purgatorii? (Benv. de Imola.)

Page 202: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

I90 PiiftG.vtonto. — CANTOxxvii.

di questa fiamma stessi ben mill'anni,non ti potrebbe far d'un capel calvo.

28 E se tu credi forse ch'io t'inganni,fatti vêr lei, e fatti far eredenza

con le lue mani al lembo de' tuoi panni.

3 1 Pon' giu omai, pon' giù ogni lemenza :

volgiti in qua, e vieni oltre sicuro. »

Ed io pur fermo, e conlro a eoscienza.

34 Quando mi vide slar pur fermo e duro,lurbato un poco, disse : « Or vedi, figlio :

tra Béatrice e te è questo muro ».

3 7 Corne al nome di Tisbe aperse il ciglio

i~. Nonne duo passeres assc veneuni? et anus ex Mis non cadetsuper terrant sine pâtre vestro.

Vcstri aulem capilli capitis omîtes numerati sunt.Nolite ergo timere : multis passcribus meliorcs estis vos. (Évang.

saint Mathieu, x, 29-31.)Et capillus de capite vestro non peribit. (Evang. saint Luc, xxi, 18.)De même, dans l'Exhortation de saint Paul sur le navire, en mer,

avant le lever du jour.Propter quod rogo vos accipere cibum pro salute vestra; quia

nullius vestrum capillus de capite peribit. (Actus Apost., xxvn, 3/j.)33. « N'endurcissez point vos coeurs lorsque vous entendrez la

voix de l'Agneau. »Hodie si vocemejus audieritis, nolite obdurare corda vestra. (Ps.

de David, xciv, v. 8. Cf. Ep. saint Paul aux Hébreux, m, "-8.)3;j. [Ile qui in suo sensu persévérât, rigidus et « durits » per simi-

litudinem vocatur. (Saint Th. d'Aquin, Sum. Theol., III. Sup. I-I.)35. Virgile s'étonne et souffre en lui-même de l'obstination dérai-

sonnable de son disciple. Il a comme un mouvement de colère sacrée,il se sent comme humilié et pour l'un et pour l'autre. Toutefois sontrouble est modéré comme il convient au Sage. More Sapientis(Benv. de Imola.)

36. Comme au Chaut VI de son Purgatoire, vers 4" et suiv., Virgileeu appelle à Béalrice. Il sait l'effet profond de ce nom adoré sur lecoeur de Danle; un noble amour peut ici le conseiller plus fortementque la sagesse même.

Saint Thomas n'a-l-il pas dit qu'il lui arrivait parfois de préforer\iu sentiment qui console à une vérité qui éclaire?

Quaud Virgile parle de la muraille de flammes qui est entre le

Page 203: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

LE PURGATOIRE. CHANTXXV11. tgt

de cette flamme, tu demeurais mille ans et davantage,elle ne te pourrait faire chauve d'un seul cheveu;

28 et si peut-être tu crois que je te trompe,avance-toi vers elle, et fais-en l'épreuveen y exposant, de tes deux mains, le pan de ton manteau.

3i Abandonne, désormais, abandonne toute crainte :

tourne-toi par ici, et avance d'un pas sûr. »

Et moi, toujours immobile, je résistai à ma conscience.

3;j Quand il me vit demeurer immobile et obstiné,il se troubla un peu, et dit : — « Or, vois, mon fils,entre Béatrice et toi, il n'est que ce mur. »

37 Ainsi qu'au nom de Thisbé s'ouvrirent les yeux

Poète et sa bien-aimée, Dante — par analogie — se rappellePyramc et Thisbé : car entre les deux amants un mur s'élevait aussi,mais leur amour y avait su trouver une brèche légère dont nul nes'était aperçu jusque-là et par où pouvaient passer leur tendresparoles.

Fissus erat tenui rima, quant duxerat olim,Quum fieret paries domui communis utrique :là vitium nulli per secula longa notatum,Quid non sentit amor?primi sentistis amantes,Et vocis fecistis iter; tutaeque per illudMurmure blanditiae minimo transire solcbant.

(Ovide, Met., lib. IV, v. 85 et suiv.)3~. Pyramc et Thisbé, jeunes Babyloniens, s'aimaient ardemment

contre la volonté de leurs familles. Ils avaient convenu, à travers lemur, de se retrouver sous un mûrier qui était près de la tombe duroi Ninus hors de la ville. Et Thisbé y arriva la première. Mais ayantaperçu une lionne qui achevait de dévorer sa proie et s'en venait verselle avec ses griffes toutes sanglantes, elle eut peur et s'enfuitperdant sou voile dans la hâte de sa course. Et la lionne se mit àjouer avec le voile de la jeune fille, et de ses griffes et de sa gueuleencore ensanglantées elle le déchira et y fit de grandes taches, puis,le laissant là, s'en revint à sa tanière lentement, comme Pyramearrivait sous le mûrier. Aussitôt celui-ci, voyant la lionne s'en allantrepue, et reconnaissant, dans le voile souillé qui gisait à terre, celuide sa bien-aimée, crut que celle-ci avait été tuée et dévorée par la bêlefauve; et sur-le-champ, dans son désespoir, tirant son poignard desa gaine d'ivoire, il se perça le coeur. Thisbé, revenant tôt après, letrouva étendu sur l'herbe et mourant; et s'agenouillant auprès de lui,

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IC)2 PUI1GATORIO. CAWTOXXVII.

Piramo in sulla morte, e riguardollaallor che il gelso diventô vermiglio ;

4o eosi, la mia durezza fatta solla,

mi volsi al savio Duca, udendo il nome

che nella mente sempre mi rampolla.

43 Ond'ei crollô la testa, e disse : « Corne !

Volemci star di qua? » Indi sorrise

corne al fanciul si fa ch'è vinto al pome.

4<3 Poi dentro al foco innanzi mi si mise,

pregando Stazio che venisse rétro,che pria per lunga strada ci divise.

49 Corne fui dentro, in un bogliente vetro

elle l'appela; et lui, ouvrit les yeux et la regarda, puis mourut. Lajeune fille, ne pouvant survivre à une si grande douleur, se tua dumême poignard qui avait percé le coeur de son amant. Dès cet instantet par la volonté des dieux, le mûrier, baigné du sang des amants,changea la couleur de ses fruits qui, blancs naguère, devinrentrouges comme de grosses gouttes de sang.

38. « Pyrame, responde : tua te, carissime, ThisbcNominat, exaudi; vultusque adtolle jacentes. »Ad nomen Thisbes oculos, jam morte gravatos,Pyramus erexit, visaque recondidit Ma.

(Ovide, Met., IV, vers 143-146.)3g. Arborei foetus adspergine caedis in atram

Veriuntur faciem; madefactaque sanguine radixPoeniceo tinguit pendentia mora colore.

(Ovide, Met., IV, 126-1:28.)40. Cioè di Béatrice... lo quai nome... sempre ne la mente mia si

rinnuova : perb che quanta pik l'odo ricordare, tanto maggiore desi-derio di lei mi cresce. (Franc da Buti.)

Il est bon de ne pas oublier que Béatrice, tout en demeurant luDame d'amour, représente aussi la théologie, c'est-à-diro la sciencede Dieu avec tout ce que donne la Révélation, c'est-à-dire la démarchede Dieu vers l'homme; tandis que Virgile représente la raisonhumaine dans sa plus grande puissance, c'est-à-dire tout ce que peutdonner de connaissance de Dieu la raison de l'homme, livrée à elle-même : le plus haut point de connaissance de l'homme dans sadémarche vers Dieu. N'ayant donc pas réussi par ses seuls moyensà déterminer son disciple sur le seuil de la dernière épreuve, Virgileen appelle à la Révélation divine dont Dante sera illuminé de l'autrecôté du feu.

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LE PURGATOIRE. CHANTXXVII. IÇ)3

de Pyrame, au seuil de la mort, et qu'il la regardadans le temps que les fruits du mûrier devenaient vermeils,

4o ainsi, mon obstination soudain amollie,

je me tournai vers mon sage Duc en entendant ce nom

qui dans ma pensée toujours fleurit.

43 Ce qui lui fit hocher la tète et il dit : — « Comment !

Voulons-nous rester de ce côté? » après quoi il sourit,comme on sourit à l'enfant qui est vaincu par un fruit.

46 Puis, clans le feu, devant moi, il se mit*

priant Stace qu'il eût à venir par derrière,lui qui durant un long trajet nous avait séparés.

4Q Quand je fus en ce feu, c'est dans du verre en fusion que

43. In atto, io intendo, di heffarc, c quasi dicessc : ah, ah, ho purirovata l'esca per tirarii. (P. B. Lombardi.)

45. Onde vedemo li parvoli dcsideràrc niassimàmente un porno ; cpoipik oltve procedenao, desiderare 11110uceellino... (Conviv. Trait.,IV, cap. xn.)

48. Jusqu'ici, Dante avait marché après Virgile et Stace. A pré-sent, Virgile prie Stace de passer le dernier afin que Dante soit entrelui et l'Ame nouvellement appelée au ciel. Dante entrera dans laflamme, soutenu et gardé par les deux poètes latins, point autrementque celui qui gravit un sommet difficile des Alpes entre ses deuxguides. Dante est encore faible, étant revêtu de sa chair mortelle,Virgile le sait ; s'il allait fuir en arrière, Stace serait là pour l'exhorterà reprendre le chemin. Mais Virgile lui parlera de Béatrice tout letemps de la terrible traversée, car l'amour seul peut déterminer unnoble coeur à se soumettre à une telle angoisse. Et Dante, attentif,ne songe pas un seul instant à revenir sur ses pas. Le sens mysti-que de ce passage, c'est que la dernière étape d'une conversion nepeut se faire sinon par l'amour profond de lame pour Dieu. Seul,un désir raisonnable de la connaissance de Dieu n'y suffirait point.Il faut en ce sublime pas « l'amour plus fort que la mort, l'amourpareil à des lampes ardentes, à une flamme vive... »

... quiafortis est ut mors dilectio, dura sicut infernus acmulatio ;lampades ejus, lampades ignis atque flammarum... (Cantiques desCantiques. Salomon, vm, 6.)

4g. Percote il Sole ardente il vicin colle,E del calor che si riflette a dietroIn modo l'aria e l'arena ne holleÇhc saria troppo a far liquido il vetro.

(Ariosto, Orlando furioso, VIII, 10.)LE PURGATOIRE.— II, l3

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i()t PtllGATORiO. CANTOxxvii.

giltato mi sarei per rinfrescarmi,tan'era ivi lo incendio senza métro.

5a Lo clolcc Padre mio, pcr confortarmi,

pur di Béatrice ragionando andava,dicendo : « Gli occhi suoi giâ veder parmi ».

55 Guidavaci una voce chc cantava

di là; e noi, attend pure a lei,venimmo fuor, là ove si montava.

58 Venitc, benedicti Patris mei!

sono d'cntro ad un lume chc li cra,

Ial, chc mi vinse c guardar no '1 potei.

(! i « Lo sol se n' va, soggiunse, c vien la sera :

non v'arrestate, ma studiale il passo,mentre che l'occidcnle non s'aimera ».

54- Questi mi fece unci donna guardare,E dice : Chi veder vuol la sainte,Faccia che gli occhi d'esta donna miri...

... gli occhi di questa donna sono le sue dimostrazioni, le quaidritte ncgli occhi dello'nteletto, innamorano l'anima...

Oh dolcissimi ed inaffabili semhianti, e ruhatori suhitani déliamente umana..! Veramente in voi è la sainte, per la quale si fabeato chi vi guarda, e salvo dalla morte délia ignoranzia e dallivizii... [Conviv., Canzone Trait. II, Pr. cap. xvi.)

Dante, inconsolable de la mort de Béatrice, se met à étudier laPhilosophie ; et trouvant un allégement à ses peines dans ses ensei-gnements, il la chante en ses poésies sous les traits d'une femmeaimée, sous les traits, semble-t-il encore, de Béatrice elle-même. Etdans sa Divine Comédie, celle-ci personnifiera enfin la théologie à

laquelle il accédera plus lard et qu'il regardera dès lors, sous sestraits, comme le seul bien véritable de son intelligence et de soncoeur.

La Canzone rapportée au Convivioet expliquée par lui semble uneparaphrase de ce que Virgile lui dit ici.

... /(' occhi di Béatrice sono le ragioni soltilissime et efficacissime,e l'intelletti sottilissimi, che à/ino avuto li Teologi in considerare c

contemplare Iddio et insegnare a considerarlo e contemplarlo... (V-da Bull.)

L'altaFrontc che Dio mira da presso, chiusaEntro le palme...

(G. Carducci, perla Chiesa di Polenla.)« Pour la petite église où Dante pria, le front entre ses mains. »

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LE PURGATOIRE.— CHANTxxyii. ig5

je me serais jeté, pour me rafraîchir,tant l'incendie était ici sans mesure.

;">:>, Mon doux Père, pour me réconforter,s'en allait ne me parlant que de Béatrice

et disant: — « Ses yeux, déjà, il me semble les voir... »

a;1) Une voix nous servait de guide, qui chantait

sur l'autre bord, et nous, attentifs à cette voix seulement,nous parvînmes, hors du feu, à l'endroit où l'on pouvait gravir.

58 — « Venez, les bénis de mon Père!... »

Cet appel sonna dans une lumière qui était là,si éclatante que j'en fus ébloui et n'en pus soutenir la vue.

Gi « Le soleil s'en va », ajouta-t-ellc — « et voici venir le soir :ne vous arrêtez point, mais hâtez le pasdurant que l'Occident point encore ne s'assombrit.

55. Dans la flamme, les poètes ne pouvaient plus connaître leurdirection; ils allaient, guidés seulement par le son do la voix del'Ange qui veillait sur l'autre bord, au pied de l'escalier taillé dans lapierre vive qui conduisait au Paradis Terrestre.

Le sens mystique est, ici, que — toute forme matérielle abolie —rien ne subsiste que le son de la voix venue du ciel qui parle à l'âme,l'ouïe étant en vérité, de toutes les puissances du corps humain,celle dont le sens est le plus immatériel, le plus directement enconiact avec l'esprit.

58. Les paroles que le Christ dira aux élus le jour du Jugement :«Venez les bénis de mon Père, venez prendre possession du royaumequi vous a été préparé. »

Tune dicet rex lus qui a dextris ejus erunt : Venile, benedictiPatris mei; possidete paratum vobis regnum a constitutione mundi.(Ev. saint Mathieu, xxv, 34.)

6o. Dante est toujours ébloui par les clartés angéliques, depuisle commencement de son voyage sur le Mont Mystique; mais lalumière de l'Ange, gardien du seuil privilégié, de ce fait que nousarrivons à des demeures plus élevées, est beaucoup plus vive quecelle des Anges rencontrés jusque-là : c'est que celui-ci est déjà plusrapproché de Dieu d'où émane toute lumière.

Ci. Il n'est point dit, ici, que l'Ange efface de son aile le dernierstigmate du péché sur le front de Dante : c'est que l'ardente flammel'a déjà effacé.

63. Nous savons déjà que, la nuit venue, nul ne peut avancer sur leMontMystique, la lumière du soleil étant l'image de la Grâce sanslaquelle on no peut gagner le Ciel.

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I96 PURGATORIO. CANTOXXVII.

64 Dritta salia la via per entro il sasso

verso tal parte, ch'io toglieva i raggidinnanzi a me ciel sol, ch'era già basse

67 E di pochi scaglion' levammo i Saggi,che il sol corcar, per l'ombra che si spense,sentimmo rétro ed io e li miei saggi.

70 E pria che in tutte le sue parti immense

fosse orizzonte fatto d'un aspetto,e notte avesse tutte sue dispense,

"3 ciascun di noi d'un grado fece letto;ché la natura del monte ci affranse

la possa del salir piû, e '1 diletto.

76 Quali si fanno mminando manse

le câpre, state rapide e proterve

sopra le cime, avanli che sien pransc,

79 tacite all'ombra, mentre che il sol ferve,

guardate dal pastor, che in sulla verga

poggiato s'è e lor poggiato serve ;

8?. e quale il mandrian, che fuori alberga

lungo il peculio suo, queto pernotta,

guardando perché fiera non lo sperga;

6b. Le cote do 1Orient : 1escalier (aille dans la pierre vive mon-tait droit vers le Levant, car ici Dante nous dit qu'il avait devant luison ombre et que le soleil allait disparaître, c'est donc qu'il se cou-chait au loin juste derrière lui. L'Orient : le berceau du Soleil, tel leberceau de la vie.

68. L'ombre de Dante s'est effacée. Alors ils s'aperçoivent — luiet ses deux Sages, Virgile et Stace, — que le soleil n'est plus là.

70. Il semble que l'immensité de l'horizon se;fasse mieux"com-prendre du Poète, de ces régions élevées, qu'autrefois sur terre...

7/1. Le soleil, comme dans la vie mystique la Grâce, est indispen-sable ici pour tout avancement.

-h. Une telle conformité joint ici la volonté des Ames à celle de Dieu,

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LE PURGATOIRE. CHANTXXVII. IQ7

64 Droit s'élevait le chemin à travers le rocher :

dans une direction telle que je rompais les rayonsdu soleil par devant moi — du soleil déjà bas sur l'horizon.

Gj Et c'est à peine si nous avions franchi quelques degrés,

que déjà le soleil se couchait— selon que mon ombre qui s'éteignitnous le révéla — derrière moi et mes Sages.

70 Et, avant qu'en toutes ses parties immenses

l'horizon se fût fait d'un même aspect uni

et que la nuit y eût pris toutes ses aises,

73 chacun de nous, d'une marche, se fit un lit,car la nature de la montagne nous ôta

le pouvoir, en même temps que le délice de monter plus haut.

76 Telles se font ruminant, en leur quiétude,les chèvres —

naguère rapides et hardies

sur les cimes avant de s'être rassasiées, —

79 silencieuses à l'ombre, pendant l'ardeur du soleil,

gardées par le pâtre qui sur sa houlette

s'est appuyé et, ainsi appuyé, veille sur elles;

82 et tel le berger du nombreux troupeau, lorsqu'il gîte dehors

et passe sa nuit, paisiblement, auprès de ses bêtes,faisant bonne garde afin qu'aucun animal sauvage ne les vienne

[disperser,

que la Loi inflexible de la Montagne ôlant aux pèlerins la force decontinuer leur ascension, ils n'en ont plus le désir. Leur joie vienttoute d'obéir à la Loi, et, malgré leur hâte d'arriver aux demeurescélestes, ils n'en voudraient connaître d'autre.

77. ... neque oves haediquepetulciFloribus insultent...

(Virgile, Georgiques, lib. IV, 10-11.)79. Ipse, velut stabuli custos in montibus olim,

Vesver ubi e pastu vitulos ad tecta reducit,Auditisque lupos acuunt balatibus agni,Considit scopulo médius, numerumque recensât.

(Virgile, Georg., liv. IV, 433 et suiv.)

Page 210: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

198 punGATomo. CANTOXXVII.

85 tali eravamo tutti e tre allotta,io come capra, ed ei corne pastori,fasciati quinoi e quindi d'alta grotta.

88 Poco potea parer lidel di fuori;ma per quel poco vedev'io le stelle

di lor solere e piû chiare e maggiori.

91 Si ruminando, e si mirando in quelle,mi prese il sonno, il sonno che sovente

anzi che il falto sia sa le novelle.

94 Nell'ora, credo, che dell'oriente

prima raggiô nel monte Citerea,che di foco d'amor par sempre ardente,

97 giovane e bella in sogno mi pareadonna vedere andar per una landa

91. Conime la chèvre gardée parle pasteur, le Poète « rumine »dans sou repos, c'est-à-dire repasse dans sa mémoire les pensées,les seutiments et les sensations de la journée ; cette expressionmarque la suite de l'image.

q3. Ma, se pressa al mattin del ver si sogna...[Enf., XXVI, 7. V. Purgat., IX, 16

et suiv. Id., XIX, 5 et suiv.)94. Dante eut son rêve à l'aurore : il nous le fait savoir en prenant

pour messagère l'étoile du matin, Venus, qui se lève uu peu avantl'aube du soleil et paraît aux regards plus tôt, de même qu'il arrivesur terre si l'on se trouve sur une haute cime.

g5. Vénus, ou Cylhérée, du nom de l'île de Cylhère — aujourd'huiCerigo, île de la Méditerranée, à l'entrée du golfe de Laconie où ladéesse avait, suivant la fable, trouvé la naissance parmi les vaguesde la mer.

96. V. Purgatoire, I, 19.97. « Celle-ci, qui apparaît en rêve à Dante, c'est Lia, l'une des

filles de Labau qui — dans leur interprétation des Saintes Ecritures— fut regardée par les Pères de l'Église comme le symbole de la VieActive, de même que sa soeur Rachel fut prise comme celui de laVie Contemplative. Lia et Rachel furent les deux femmes de Jacob— le patriarche étant pris, à cet endroit, comme la figure del'hommcqui, tendant à la perfection, mène d'abord la meilleure des viesActives auprès de Lia et de ses nombreux enfants, tout eu désirantl'accomplissement d'un rêve plus élevé avec Rachel — ou la Vie Cou-

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LE PURGATOIRE.—- CHANTXXVII. 199

85 tels nous étions dans ce moment, tous les trois,moi comme les chèvres et eux comme les pasteurs,enserrés d'une part et de l'autre par de hauts rochers.

88 Bien peu de l'espace extérieur était visible, en cet endroit,mais dans ce peu qu'il en paraissait je voyais les étoiles

luire plus brillantes et plus grandes qu'à leur ordinaire,

91 Ainsi, ruminant en moi-même, et regardant les étoiles,le sommeil me prit, le sommeil qui souvent,avant que le fait ne soit, en connaît la nouvelle.

94 A l'heure, je crois bien, où du côté de l'Orient

eut rayonné d'abord sur la montagne l'étoile Cythérée

qui toujours semble embrasée du feu d'amour,

97 jeune et belle, en songe, il me parutvoir une femme s'en aller par une lande,

templative — à laquelle il accède sept ans plus lard : «in Iîachel am-

plexibus requievit. » (fi. C. com. per Giov. Federzoni.)Mais ces deux formes de vie sont représentées plus parfaitement

en Marthe et Marie, soeurs de Lazare dans la maison de qui le Sei-

gneur reçut l'hospitalité.Encore peu d'instants et Dante rencontrera à nouveau ces deux

formes de vie qui, dans sa pensée, sont offertes à tout homme par laProvidence de Dieu en quelques exemples. L'exemple sera pour lui,dès ses premiers pas dans le Paradis terrestre, Matelda, la jeunefemme cueillant des fleurs de qui Lia semble l'annonciatrice, et, plusloin, Béatrice.

Lia est féconde, dans l'Ecriture, mais elle n'y apparaît point sibelle que Matelda sur la prairie : elle le devient dans le symbole,car une activité bien employée est une source d'excellence et debeauté durables. (Lia, Rachel. Voir Genèse, xxiv, 16 et suiv. ; xxx, 17et suiv.; XLIX,3I. Sur Lia, image do la Vie Active, voir saint Gré-

goire le Grand, Homélie XIV, en Ezéchiel.)Quid per Liam nisi activa vita signatur? Quia'per Rachelem nisi

contemplativa ? In contemplatione principium, quoi ficus est, quaeri-tur- in operatione autem sub gravi necessitatum fasce laboralur.

(Saint Grégoire le Grand, Moral., VII, 28.)... Istae duae vitae signifleantur per duas uxores Jacob : Activa

quidem per Liam, Contemplativa vero per Rachelem. Et per duasmulieres quac Dominum hospitio receperunt : Contemplativa quidemper Mariam, Activa vero per Martham. (Saint Th. d'Aquin, Sum.theol., II-II, 179, !.}

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2O0 PUUCATORIO. CANÏO XXVII.

cogliendo fiori; e cantando dicea :

IOO « Sappia, qualunque il mio nome domanda,ch'io mi son Lia; e vo movendo intorno

la belle mani a farmi una ghirlanda,

io3 Per piacermi allô specchio qui m'adorno ;ma mia suora Rachel mai non si smagadal suo miraglio, e siede tutto giorno.

JO6 Ell'é de' suoi begli occhi veder vaga,

99. Les fleurs représentent les actions vertueuses. A Sienne, dansune petite église, sur la fresque d'un pilier, une Vierge, penchéesur les âmes du Purgatoire, cueille des fleurs qui sont les vertusde ces âmes.

101. Isaac, ayant appelé son fils Jacob, le bénit et l'envoya chezson oncle Laban afin qu'il choisît sa femme dans la maison de celui-ci. Et Jacob y étant venu lui demanda la main de sa fille Rachel

pour laquelle il s'était pris d'amour, lorsqu'il l'avait vue auprès dela fontaine où elle venait abreuver ses troupeaux : Nam gregem ipsapacebat. (Genèse, xxix, 9.)

Mais Laban, à la faveur du voile sous lequel, selon l'usage, secache la jeune épouse, lui donna Lia sa fille aînée au lieu de l'autre.Jacob, lorsqu'il se trouva seul avec elle, s'aperçut de la supercherie ;il en fit reproche à Laban, lui renouvelant la demande qu'il lui avaitfaite de la main de Rachel. Toutefois, et ne voulant point humilierla jeune fille, il garda Lia; mais il fut décidé que, ayant encoresecondé Laban dans ses travaux pendant sept ans, il obtiendraitalors l'objet de sa tendresse. Et ainsi fut fait. (Genèse, xxix, xxx.)

iO'i. ... Significano l'opère, li atti virtuosi li quali, corne fiori vari,fanno corona di loda e di gloria a chi li coglie e ponseli in capo ;cioè in su lo suo intelletto. (F. daButi.)

io3. Cf. l'Allégorie de la Philosophie, lorsque celle-ci s'enchantedu Vrai qui luit dans son regard :per ch'ella di se stessa s'innamora.(Conviv., Tratt. IV, Canzone.)

Perocchè essa pZlosofia, che è... amoroso uso di sapienzia, semedesima riguarda quando apparisce la bellezza degli occhi suoi alei. (Conviv., Tratt. IV, cap. 11.)

E cosl appare che la nostra beatitudine, questa félicita di cui si

parla, prima trovare polemo imperfetta nella vita attiva, cioè nelle

operazioni délie morali vertu, e poi quasi perfetta nelle operazionidélie intellcttuali; le quali due operazioni sono vie spedite e dirittis-sime a menare alla somma beatitudine, la quale qui non si puoteavère, corne appare per quello che detto è. (Conviv., Tratt. IV, cap.XXII.)

Lorsque Lia regardera dans son miroir — en Dieu — les oeuvres

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LE PURGATOIRE. CHANTXXVII. 201

cueillant des fleurs; et, chantant, elle disait ;

ioo « Qu'il sache, celui-là qui voudrait connaître mon nom

que je suis Lia, et je vais mouvant à mon entour

mes belles mains, pour me tresser une guirlande.

IOJ Afin de me plaire au miroir, ici je me pare;mais ma soeur Rachel ne se désenchante jamaisde s'y mirer, et y demeure assise tout le jour.

iob' Elle est désireuse d'y regarder ses beaux yeux

de ses mains, elle se réjouira en elle-même parce qu'elles auront étéutiles et bonnes.

104. Lia fut très féconde : mais c'est Rachel qui fui la mieux aimée.Rachel représente ici l'union de l'âme avec Dieu et le parfait amourde l'âme qui a atteint sa fin. Au delà de cet amour réalisé, il n'estjplus de lieu pour le désir, en sorte que, s'identifiant avec son objetéternellement, l'âme contemplant son amour se contemple elle-mêmedans ses joies infinies.

io5. Et huic erat soror nomine Maria, quae etiam sedens secuspedes Domini, audiebat verbum illius.

Martha autem satagebat circa frequens ministerium : quae stetitet ait : Domine non est tibi curae, quod soror mea reliquit me solamministrare ? die ergo illi, ut me adjuvel.

Et respondens dixit illi Dominas : Martha, Martha, sollicita es,et turbaris erga plurima.

Porro unum est necessarium. Maria optimam partent elegit, quaenon auferetur ah ea. (Ev. saint Luc, x, 39-42.)

106. Les yeux de Rachel s'enchantent à rechercher sans cesse eneux-mêmes leur propre lumière qui est la lumière participée deDieu, et elle n'a plus d'autre souci.

Vita hominis convenienter dividitur per activant et contemplativam.(Saint Th. d'Aquin, Sum. Theol., II-II, 179, 1.)

Divisio ista datur de vita humana ; quae quidem atlenditur secun-dum intellectum. Intellectus autem dividitur per activum et contem-plativum; quia finis intellectivae cognitionis, vel est ipsa cognitioveritatis quod pertinet ad intellectum contemplativam vel est aliquaexterior actio quod pertinet ad intellectum practicum sive activum.(Sum. Theol., II-II, 179, a.)

Deum diligere secundum se est magis meritorium quant diligereproximum... Vita autem contemplativa directe et immédiate pertinetad dilectionem Dei... Vita autem activa directius ordinatur addilectionem proximi... Et ideo ex suo génère contemplativa vita estmajoris meriti quam activa... (Sum. Theol., II-II, 18a, a.)

La contemplativa, la quale è più eccellente e più divina...E perche questa vita è più divina, e quanto la cosa è più divina,

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202 PUnGATORIO.— CANTOXXVII.

com'io dell'adornarmi con le mani :lei lo vedere, e me l'oprare appaga ».

109 E già per gli splendori antelucani

ehe tanto ai peregrin' surgon piû grati,quanto, tornando, albergan m en lontani,

112 le ténèbre fuggian da tutti i lad,e il sonno mio con esse ; ond'io leva'mi,

veggendo i gran maestri già levati.

115 « Quel dolee pome, che per tanti ramicercando va la cura dei mortali,

oggi porrà in pace le tue fami » ;

118 Virgilio inverso me queste cotali

è più di Dio simigliante, manifesto è che questa vita è da Dio piùamata ; e s'ella è più amata, più le è la sua beatanza stata larga...(Dante, Conviv., Tratt. II, cap. v.)

109. Gli splendori antelucani : nul mot français ne peut traduirecelui-ci qui est admirable et signifie la pointe d'aube — la lueur quiprécède le lever du jour. — En langue d'oc il en est un et de mêmeen provençal : à Punlo d'aubo.

...Et tanquam gutta roris antelucani quae descendit in terrain.(Liv. de la Sagesse, xi, a3.)

III. L'aube joyeuse du dernier matin que le voyageur voit luirehors de son pays alors que, de retour, il en est déjà tout proche.

Onde quanto la cosa disiderata più s'appropinqua al desiderante,tanto il desiderio è maggiore (Conviv., III, 10.)

Omne diligibile tanto magis diligitur, quanto propinquius estdiligenti. (De Monarcliia, lib. I, p. i3.)

Dante était tout près du Paradis terrestre qui fut assigné ùl'homme comme son berceau et sa patrie; et il approche aussi duCiel qui est sa vraie patrie, la patrie éternelle de son âme.

114- Les maîtres : Virgile et Slace.n5. Le doux fruit que les mortels vont cherchant anxieusement

sur toute branche : le Bonheur; le seul véritable Bien qui peut lelexir donner dans la mesure où l'âme le désire, c'est Dieu.

Dante est désormais non loin de Béatrice : colle-ci le mène à Dieu :E perocchb Iddio è principio délie nostre anime e fattore di

quelle simili a se, siccojn'è scritto : « Facciamo l'uomo ad inimaginea simiglianza nostra » ; essa anima massimamente desidera tornarea quello. E siccome peregrino che va per una via per la quale mainon fu, che ogni casa che da lungi vede crcde che sia l'albergo, e

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LE PURGATOIRE. CHANTXXVII. 3o3

comme moi de me parer de mes mains ;dans la contemplation se satisfait son désir, et le mien dans l'action. »

109 Et déjà, sous les lueurs de prim'aube,

qui surgissent d'autant plus chères aux pèlerins

qu'ils ont pris leur gîte plus près de la patrie où ils reviennent,

112 les ténèbres fuyaient de tous côtéset mon sommeil avec elles; alors je me levai,

voyant mes nobles maîtres déjà debout,

115 — « Ce doux fruit, que sur tant de rameauxs'en va cherchant l'inquiétude des mortels,

apaisera aujourd'hui ta faim et ta soif. »

118 Virgile, tourné vers moi, ces grandes

non trovando cib essere, dirizza la credenza ail' altra, e cosi dicasa in casa, tanto che ail albergo viene; cosi l'anima nostra, incon-tanente che nel nuovo e mai non fatto cammino di questa vita entra,dirizza gli occhi al termine del suo sommo bene, e perb qualunque.cosa vede, che paia avère in se alcun bene, crede che sia esso. liperché la sua conoscenza prima è imperfetta, per non essere sperta,ne dottrinata, piccioli béni le paiono grandi ; e perb da quellicomincia prima a desiderare. Onde vedemo li parvoli desideraremassimamenle un porno; e poi, pià oltre procedendo, desiderare unouccellino, e poi pià oltre desiderare bello vestimento ; e poi il cavallo ;epoi una donna; e poi richezza... (Dante, Conviv.,Tratt. IV, cap. xn.)

« Alors ayant tenu les yeux quelque temps baissés, et s'estanltoute recueillie en elle-mesme, elle poursuivit ainsi son discours :

« Les Hommes choisissent à la vérité des chemins différens, selonla diversité de leurs inclinations et de leurs desseins ; mais ilscherchent tous une mesme chose, et ils se proposent une mesmefin, à sçavoir la Béatitude : Or la Béatitude est un bien dont lapossession ne nous laisse plus rien à désirer, un Bien qu'on doitnommer la source de tout Bien, et qui ne sçaurait mériter ce titresans comprendre tous les autres Biens, puisque s'il ne les compre-noit pas tous on auroit encore quelque chose à souhaiter en lepossédant; il est donc certain que la Béatitude est un estât parfaitdans lequel tous les Biens se rencontrent en mesme temps.

« C'est elle, comme nous avons dit, que tous les Hommes s'efforcentd'acquérir par des moyens différens, parce qu'ils ont un désir natu-rel d\i véritable Bien, et que s'ils ne l'obtiennent pas, cela vient del'erreur de leur entendement, qui, ne pouvant discerner le vray biend'avec le faux bien, les détourne du bon chemin, et les fait égarer

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204 PURGATORIO. CANTOXXVII.

parole usô ; e mai non luro strenno

che fosser di piacere a queste eguali.

iai Tanto voler sopra voler mi venne

dell'esser su, eh'ad ogni passo poial volo mi sentia erescer le penne.

I a 4 Corne la scala tutta sotto noi

fu corsa, e fummo in sul grado superno,in me fiecô Virgilio gli occhi suoi,

127 c disse : « Il temporal fuoeo e l'eterno

veduto hai, figlio ; e sei venuto in partedov'io per me piû oltre non discerne

dans la poursuite de la Béatitude. » (Boé'ce, Cous, phil., liv, III, pr.11.Trad. par le P. Nicolas Régnier, ch. rég. delà Congr. de France,et Prieur de Briquemaut, 1676.)

119. Idest, mimera, quae « mantiae » appellantur; unde olimromani imperatores dabant strennas militibus, ut saepe patet apudSuetonium. Ideo bene poetac nostro qui tam strenue militaveratdebebatur strenna. (Benv. de Imqla.)

ii"i. La prophétie de Virgile, concernant la Montagne, est désor-mais accomplie. (V. Purg., IV, 88 et suiv.)

... quanda ella ti parrà soave... Allor sarai al fin d'esto sentiero.IJG. Le dernier regard de Virgile : il va s'en aller...127. Le feu temporaire du Purgatoire et le feu éternel de l'Enfer.Quia poena damnaiorum est aeterna, ut dicitur, Matth.. xxv :

« Ibunt hi in ignem aeternum. » Sed purgatorius ignis est temporalis,ut Magister dicil.. (Cf. saint Thomas d'Aquin, Hum. Theol., Suppl.Quant, LXIX,art. VIII.)

128. Les poètes sont arrivés au seuil du Paradis terrestre. Ici,Virgile, qui représente tout ce que peut atteindre par elle-même laraison humaine, s'efface. La Révélation devient nécessaire pourpasser au delà. Par les lumières de la Foi, Dante saura se guiderjusqu'à Béatrice — et celle-ci qui représente la Théologie, la sciencede Dieu, viendra à sa rencontre pour le conduire plus haut.

12g. Du point de vue mystique, si les ressauts de la Montagnesainte figurent la vie purgative, le Paradis terrestre représente lavie illuminative ; les deux étapes de l'âme « in via » qui précè-dent la vie unitive ou parfaite en Dieu. Il faut ici un choix absolude l'âme ; c'est pourquoi Virgile dira à Dante : « Va par tes propresmoyens où il te plaira. » Le signe que l'âme est prête à passer leseuil de la vie illuminative, c'est qu'elle ira vers ce seuil commevers celui d'une demeure bien connue, et sans hésitation.

Le Paradis terrestre, jusqu'où Virgile arrive, toutefois, signifieaussi dans le poème le bonheur, la sérénité, que l'homme peut

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LE PUIIGATOIHE. CHANTXXVII. 200

paroles me fit entendre. Et jamais je ne reçus d'étrennes

qui fussent comparables à celles-ci, par le plaisir que j'en eus.

121 Un tel désir vint encore fortifier mon désir

d'être en haut, qu'ensuite, à chaque pas,

pour prendre mon vol je me sentais croître des ailes.

124 Lorsque tout l'escalier au-dessous de nouseut passé, et que nous en fûmes venus à la dernière marche,

Virgile fixa sur moi ses yeux

127 et dit : — « Le feu temporaire et l'autre qui est éternel

tu lésas vus, mon Fils, et tu es arrivé en un lieu

où, de moi-même, je ne peux discerner plus avant.

acquérir sur terre par la pratique des vertus inorales, intellectuelleset politiques, et l'accomplissement de son devoir à quoi le plient lesenseignements philosophiques en même temps que l'aide d'un bongouvernement : c'est ainsi que Virgile a eu le pouvoir d'y préparerson disciple en le conduisant d'abord à travers les cercles inférieursd'où il l'a sauvé, puis sur le versant de la Montagne dont il a pugagner avec lui la cime.

... Homo soins in entibus tenet médium corruptibilium cl incor-ruptibilium...

Et sicut inter omnia entia solus incorruptibilitatem et corruptibi-htatem participât : sic solus inter omnia entia, in duo ultima ordi-netur •

quorum altcrum sit finis ejus, prout corruptibilis, alterumvero, prout incorruptibilis. Duos igilur fines Providentiel illa inenar-rabilis homini proposait intendendos, beatitudinem scilicet hujtisvitae, quae in operatione propriae virtulis consistit, et per terres-trem paradisum figuratur ; et beatitudinem vitae aelernac, quaeconsistit in fruitione divini aspectus : ad quam virtus propriaascendere non potesl, nisi lumine divino adjuta quae per paradisumcoeleslem intelligi datur. Ad lias qu'idem beatitudines, velul addis'ersas conclusiones, per diversa média venire oportet. Aram adprimant, per philosophica documenta venimus, dummodo illa sequa-mur secundum virilités morales et intellectuelles operando. Ad secun-dum vero, per elocumenta spiritualia, quae humanam rationemtranscendunt, dummodo illa sequamur secundum virtutes theologicasoperando, Fidcm scilicet, Spcm et Chariteitem...

Propterquod opus fuit homini duplici directivo, secundum dupli-cem fincm : scilicet summo pontifice, qui secundum revelata huma-num genus perduceret ad vitam aeternam ; et imperatore, qui secun-dum philosophica documenta genus humanum ad temporalem félici-taient dirigeret. (De Monarchia, lib. III, p. xv.)

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P.oG PUUGATORIO. CANTOXXVit.

i3o Tralto l'ho qui con ingegrio e con arte;lo tuo piacere ornai prendi per duce :

fuor sei dell'erte vie, fuor sei dell'artc.

i\Và Vedi là il sol che in fronte ti riluce;vedi l'erbetla, i fiori e gli arbuscelliche qui la terra sol da se produce.

IJ6 Mentrc che vegnan lieli gli occhi belli

i3o. Scilicet, rationibus et persuasionilius, quac possunt haberiper ariem acquisitam ingenio humano ;... (Benv. de Imola.)

Cf. Purg., cli. xvm, 4'>et suiv.I3I. Deus ah initio constituât homîncm et reliquit illum in manu

consilii sui. (Ecclésiaslc, xv, 14.)i33. Le Poète avait le soleil couchant aux épaules, la veille au

soir lorsque lui et ses maîtres durent abandonner l'ascension desmarches taillées dans le roc. Sur l'une de ces marches ils firenthalte pendant la nuit; ce n'est donc que le matin suivant qu'ils arri-vent au sommet, le soleil levant frappe alors le front de Dante —voilà le sens littéral.

Suivant le sens figuré, Dieu est le soleil de l'esprit, la suprêmeclarté de l'intelligence :

« Il sol che tutto il mondo gira. » Qui è da sapere che siccome trattando di sensibile cosa, per cosa insensibile si tratta convenevol-m'ente : cosi di cosa intelligibile per cosa non intelligibile trattaresiconviene ,•e poi siccome nella littérale si parla cominciando dal solecorporale e sensibile; cosi ora è da ragionara per lo sole spiritualee inintelligibile, ch' è Iddio. Nullo sensibile in tutto' l mondo è piàdegno di farsi esempio di Dio, che ' l sole, lo quale di sensibile lucese prima e poi tutti i corpi celestiali e elementali allumina; cosiIddio se prima con luce intellettuale allumina, e poi le celestiali el'altre intelligibili. Il sole tutte le cose, col suo calor vivifica...cosi Iddio tutte le cose vivifica in bontà... (Convivio, Tratt. III,cap. XII.)

Sur le front de Dante, désormais, les sept Péchés sont effacés; ilest prêt à recevoir la grâce, il peut être illuminé des rayons de Dieu.

Per via teologica si pub dire che poichè la Somma Deità, cio'eIddio, vede apparecchiata la sua creatura a ricevere del suo bene-ficio, tanto largamente in quella ne mette, quanto apparecchiata èa riceverne. (Convivio,Tratt. IV, cap. xxi.)

\jQ déclin du soleil, puis son lever signifient aussi l'abandon dela vie ancienne, sous le joug des passions qui mènent à la mort, etl'entrée dans la vie nouvelle, toute spirituelle et qui ne finira point.

i3/j. « L'hcrbette, les fleurs, les arbrisseaux, tout ce qui constituece lieu charmant a son sens figuré; l'hcrbette y représente les

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LE PURGATOIRE. CHANTXXVII. 20?

i3o Je t'ai mené jusqu'ici par les forces du génie et de l'art;

prends désormais pour guide ta volonté heureuse :

tu es hors des chemins difficiles, hors des angoisses.

133 Vois devant toi le soleil qui reluit sur ton front,

vois l'herbe nouvelle, les fleurs et les jeunes arbres

que la terre produit ici d'elle-même.

136 Jusqu'à ce que viennent, emplis de joie, les beaux veux

humbles vies bien obéissantes clans ce monde, sans corruption, etnécessaires à son rythme parfait; les fleurs y sont tous les actesvertueux d'une vie bien ordonnée et bien dirigée; elles arbrisseauxsont les institutions qui aident et protègent la bonne générationhumaine à faire le bien.

« An sens littéral, ce sont les beaux ornements que Dieu donna auParadis terrestre, le monde dans son état de perfection quand ille créa; et c'est pourquoi herbette, fleurs et arbrisseaux n'y sontpoint nés de quelque semence jetée par la main de l'homme,mais bien tels qu ils y furent dès le commencement, par une créationdirecte. » (V. Coin, de Giov. Federzoni.)

Tulit ergo Dominus Deus homineni, et posuit eum in paradiso volup-tatis... (Genèse, n, i5.)

i35. Cf. L'ûgc d'or.

Ipsa quoque immunis, rastroque intacla, nec ullisSaucia vomeribus, per se dabat omnia tellus ;Ver erat aeternum, placidiquc tepentibus auris

Mulcebant Zephyri natos sine semine flores.Mox etiam fruges tellus inarata ferebat,•Nec renovatus agev gravidis canebat aristis.

(Ovide, Met., I, § >., IOI, ioa, 107 et suiv.)Certes Dieu avait mis l'homme dans le Paradis Terrestre afin

qu'il eu prîtsoin :« ... utoperaretur etcustodiret illum » (Gen., 11,i5).Mais ce travail n'était point pénible avant le péché : il ne faisait qued'affirmer tout au contraire la royauté de l'homme, car tout se pliaitaisément à lui complaire. Ce n'était que joie de s'occuper d'un aussibeaii jardin tout ensemencé, plein d'arbres, de fruits et de fleurs.C'est l'avis dos Scolasliques :

Nec tamenilla operatio esset laboriosa, sicitt post peccatum ; sedfuisset jucunda propter experienliam virtutis naturae. Custodia etiamMa non esset contra invasorem; sed esset ad hoc quod homo sibiParadisum custodiret, ne ipsum peccando amitteret. Et hoc totum inbonum hominis cedebat. Et sic paradisus ordinatur ad bonum hominis,et non é converse. (Saint Th. d'Aquin, Sian. Theol., I, cn,-3.)

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208 PljRGATOIUO. CANTOXXVII.

che lagrimando a te venir mi fenno,seder ti puoi e puoi andar tra elli.

i3g i\on aspettar mio dir piû né mio cenno :

libero, dritto e sano è tuo arbitrio,e fallo fora non fare a suo senno :

142 per ch'io te sopra te corono e mitrio. »

137. Virgile se souvient que lorsque Béatrice est venue le chercher,elle avait les yeux pleins de larmes...

Gli oecki lucenti lagrimatido volsc.{Enf., II, 116.)

138. « Tu peux t'asseoir, prendre du repos... »Comme Rachel à son miroir, comme Marie aux pieds de Jésus,

c'est la Vie Contemplative.« Tu peux marcher parmi les fleurs. »C'est la Vie Active, comme Lia qui se tresse des guirlandes,

comme Marthe qui servait Jésus à Bélhanie.i3g. Bientôt Virgile prononcera ses dernières paroles. Il ne s'en

va pas encore — il ne s'en ira que lorsqu'aura paru Béatrice —mais il ne donnera plus à Dante aucune indication; il sera ici soncompagnon silencieux, non pas un guide.

Omnia tempus habent, 'et 'suis spatiis transeunt universel subcoelo...

... Tempus tacendi, et tempus loquendi. (Ecclésiaste, m, 1 et 7.)140. Libre : dans la Vérité. L'Apôtre écrivait: « Veritas liberabil

vos. »La verità... la quale è... signore : e ben è signore, chè'a lei dispo-

sata l'anima è donna, e altrimenti è serva fuori d'ogni liberté...(Conviv., Trait. IV, cap. 11.)

Droit : dans la Justice qui est la onzième des vertus morales.[.a undecima si è giustizia, la quale ordina noi ad amare e operarc

dirittura in tutte cose... (Conviv., Tratt. IV, cap. xvn.)Sain : c'est-à-dire pur désormais de toute faute, délivré des ombres

du péché.

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LE PURGATOIRE. CHANTXXVII. 20C)

dont les larmes me firent accourir à ton aide,tu peux t'asseoir et tu peux aller par ces jardins.

i3q N'attends plus mon conseil, ni un signe de moi :

libre, droit et sain est ton arbitre,et ce serait erreur de ne point agir selon son choix :

142 c'est pourquoi je te fais souverain de toi-même parla couronne

[et la mitre. »

i4a. Virgile dit à Danle : Je le fais désormais maître de tesactions : je te donne la seigneurie de toi-même.

Quasi dicat : facio te super te regem et dominum. (Bcnv. de Imola.)« Par la couronne et la mitre... »La couronne et la milre étaient au Moyen âge les deux symboles

du pouvoir absolu, cl le Pape imposait l'une et l'autre à l'Empereurle jour de son sacre. Ainsi les couronnes impériales et royales setrouveraient-elles confondues en cette « mitra » ou « mitera », ferméecomme une sorte de tiare et que venaient entourer et orner lesfleurons de la couronne royale (V. Federzoni).

Du point de vue mystique, Danle, désormais sorti de la vie purga-tive, entre dans la vie illuminative. Et si la raison humaine et lesvertus morales ont pu jusqu'ici le guider, désormais seule la grâcede Dieu va le conduire par les clartés successives qui seront accor-dées à son âme— Béatrice se faisant sa médiatrice —jusqu'à ce qu'ilparvienne enfin à la vie unilive, qui est celle des Bienheureux jouis-sant au ciel de la Vision béatifique.

Le dernier regard, les dernières paroles de Virgile à celui qu'ilregarde comme son disciple, et qu'il a appelé souvent son fils, sontempreintes d'une solennité infiniment touchante dans leur concision :car nous savons que Virgile se croit exclu du bienfait delà Rédemp-tion et que, entrevoyant tant de lumière sur ce seuil où il laisseDante, il croit qu'il va tout à l'heure le quitter pour toujours... Mais,fidèle à obéir a la volonté du Dieu qu'il a connu trop tard, il ne ditrien de son regret, et son silence est bien celui qui convient au Sage,c'est-à-dire l'expression la plus haute du sentiment humain disciplinépar la raison la mieux exercée.

LE PURGATOIRE.— n. 14

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CANTO xxrm

i Vago già di cercar dentro e dintorno

la divina fores ta spessa e viva,

ch'agli occhi temperava il nuovo giorno,

4 scnza piû aspeltar, lasciai la riva

prcndcndo la campagna lento lento

su per lo suol che d'ogni parte oliva.

7 Un'aura dolec, senza mutamenlo

avère in se, mi feria per la fronte

non di piû colpo che soave vento ;

10 per cui le fronde, tremolando pronte,

i. C'est le matin du sixième jour du voyage symbolique, le .'Jomarsde l'an i3oo. Les poètes arrivent au Paradis Terrestre : Dante suitfidèlement saint Thomas dans sa description du beau Jardin perdu.

•i. La forêt plantée par Dieu :Plantaverat aittem Dominus Deits Paradisum voluptatis a principio.

(Genèse, n, 8.)La belle forêt comblée d'herbes, de (leurs, d'arbres cl d'arbris-

seaux, la forêt vivace, toujours verdoyante, toujours fleurie, et quine connaît pas d'hiver.

[\. La riva : le bord, le seuil du jardin, l'orée du jardin.Dante va sur la parole de Virgile, sans attendre d'autre conseil,

conduit par son désir qui est d'accord avec sa bonne volonté.

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CHANT XXFIII

Le Paradis terrestre. Le fleuve Léthè. La jeune femme seuletle.

L'origine de l'eau et du vent dans la divine forêt. La conditionde ce lieu privilégié.

i Désireux déjà de connaître au dedans et àl'entourla divine forêt, épaisse et vivace,

qui tempérait à mes yeux la lumière du jour nouveau,

4 sans plus attendre, je m'éloignai dé la lisière,

gagnant la campagne, à pas très lents,sur un sol qui de toutes parts embaumait.

~ Une haleine douce, dont aucune altérationne venait troubler la constance, me frappait au frontd'un coup qui n'était pas plus fort que celui d'une brise suave;

io à son souffle, les frondaisons frémissantes, et dociles,

6. Il va lentement : tout est enchantement autour de lui, et ils'essaie pour la première (ois à un tel bonheur qu'il semble vouloirs'y attarder. Le sol respire par tant de fleurs que tout est parfum.Ici rien ne meurt, nulle fleur ne se fane, nulle feuille ne se pourrit.

7. L'air y est toujours suave et les altérations du temps n'y ontpoint de part, au contraire de ce qui arrive sur la terre où les ventssoufflent en tempête et où les nuages troublent trop souvent l'atmos-phère. Pourtant le monde mystique est fondé sur le sol terrestre :le symbole est ici que lorsque l'ordre surnaturel se propose à notreâme, si haut qu'il veuille la conduire, loin de le dédaigner, il s'appuiesur l'ordre naturel.

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ai a runu.vroiuo. — CAMTOXXVIII.

lutte quante piegavano alla parteu' la prim'ombra gitta il santo monte :

i3 non perô dal lor esser dritto spartetanto, che gli augelletti per le cime

lasciasser d'operare ogni lor arte ;

16 ma con piena letizia Fore prime,cantando, ricevièno intra le foglieche tenevan bordone aile sue rime ;

19 tal, quai di ramo in ramo si raccoglie

per la pineta, in sul lito di Chiassi,

quand'Eolo Scirocco fuor discioglie.

11. Une brise légère souffle du Levant; clic semble naître du solet fait s'incliner les ramures sur l'Occident oit le Mont, à cette pre-mière heure du matin, projette son ombre. Au figuré, elle est lesouffle de Dieu qui donne le mouvement à toutes choses et impose àchacune d'elles son rythme.

14. Et ce rythme est si tendre, si bien concerté, que les petitsoiseaux peuvent sans efïroi, sur le balancement des branches,« exercer leurs arts », c'est-à-dire voleter, chanter et jouer entreeux à leur coutume. Jamais ne fut peinte une plus belle image desplus belles heures du matin

16. De Pétrarque, lorsqu'il croit entendre Madonna Laura au bois.Parmi d'udirla, udendo i rami e l'oreE le frondi 0 gli augei lagnarsi, e l'acqucMormorando fuggir per l'erba verde.

(Souetlo, CXXIV, in Vita di Madonna Laura.)18. La brise faisait bruire les rameaux, et sur cette basse continue

chantaient les oiseaux, comme des voix accompagnées de violoncelleset de contre-basses.

Les « rimes » des oiseaux, leurs poèmes naturels, leurs chants,ig. De même, le bruit du vent lorsqu'il va par les ramures dans

la pinède de Ravenne :Qualia succinctis, ubi trux. insibilat Etiras,Murmura pinetis fiunt; aut qualia fluctusAequorci faciunt, si quis procul audial illos.

(Ovide, Met., XV, Go3et suiv.)no. Chiassi : cité-forte, à l'endroit où les Romains avaient fondé

le célèbre port de Ravenne que la voie Césarienne réunissait à laville de ce nom. 11n'est plus, à celte place, que la superbe basiliquede Saint-Appollinaire, « in Classe », auprès de laquelle s'éleva, dansle passé, une noble abbaye où vécurent d'abord des Moines del'observance de saint Benoît venus du Mont-Cassin et plus lard desCamaldules. Tout ce littoral avec la Pinède Ravcnnate, la mer, la

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LE PURGATOIRE. CHANTXXVIII. 2l3

autant qu'il y en avait, s'inclinaient toutes vers le côté

où la Sainte Montagne jette d'abord son ombre :

l'i non toutefois qu'elles s'inclinassent

assez fort pour que les oiselets, sur leurs cimes,dussent laisser de s'employer à chacun de leurs arts,

iti mais, avec une pleine joie, aux premières heures du jourils faisaient accueil, en chantant parmi les feuilles

qui tenaient le faux bourdon à leurs refrains;

19 tel, de branche en branche, augmente le bruissement

à travers la pinède, sur le rivage de Chiassi,

quand Eole déchaîne le sirocco.

basilique fut, durant son exil, la dernière consolation de Danle. quele Seigneur de Ravenne, Guido Novello, avait recueilli.

Lorsqu'il chante, en ses tercets, le Paradis terrestre, les oiseaux,les eaux claires et mystérieuses, les Heurs et les herbes, les arbreset les arbrisseaux, avec tant d'amour, le Poète avait sûrement dansla mémoire son pays florentin, — et sous les yeux la jjinède deRavenne. Il ne semble pas possible que ce passage de son oeuvre aitété écrit ailleurs que deliors, et autrement rythmé que par le ventlui-même dans les Branches et le mouvement de l'Adriatique.

ai. Eole : dans la fable, le roi des vents, qui les tient captifs en sescavernes d'Eolie et les déchaîne quand il lui plaît :

Hic vasto rex Aeolus antroLuctantes s:entos tempestatesque sonorasImperio premit, ac vinclis et carcere frenat.Illi indignantes magno cum murmure montis,Circum claustra fremunt. Celsa sedet Aeolus arce,Sceptra tenens

(Virgile, Enéide, liv. I, v. 5J et suiv.)Le sirocco est le vent du sud-est.« Quand le sirocco souffle d^enlre le Levant et le Midi, les bran-

chée de la Pinède Ravennale, plantée sur les bords de l'Adriatique,se plient vers l'Occident, murmurant avec douceur et dans unesorte de rythme et de frémissement égal et constant qui est le propredes pins, à cause de leur forme presque aplanie sur le haut et àcause de la qualité de leur frondaison faite d'aiguilles rigides etfines. Ainsi les oiseaux, nullement effrayés quand s'éveilla ce mur-mure qui ne courbe point le tronc des arbres ni leurs grosses bran-ches lisses et fortes, chantent plus joyeux sur les cimes devenuessonores comme s'ils y étaient réunis et conviés pour un heureuxtournoi de voix et de mélodies. » (D'après Conrado Ricci, L'ultimorifugio di Dante Alighieri.)

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21 4 PURGATORIO. CA.NTOXXVIÎÎ.

22 Già m'avean trasportato i lenti passidentro alla selva antica tanto, ch'io

non potea rivedere ond'io m'entrassi ;

25 ed ccco piû andar mi toise un rio

che invêr sinislra con sue picciole onde

piegava l'erba che in sua riva uscio.

28 Tutte l'acque che son di qua piû monde

parrieno avère in se mistura alcuna

verso di quella, che nulla nasconde,

31 avvegna che si mova bruna bruna

sotto l'ombra perpétua, che mai

raggiar non lascia sole ivi né luna.

34 Coi piè ristetd, c con gli occhi passaidi là dal fiumicello, per mirare

la gran varïazion dei freschi mai.

37 E là m'apparve, si com'egli apparesubitamente cosa che disvia

per maraviglia tutt'altro pensare,

i§. Le premier fleuve : le Léthé.Dante a pris évidemment dans la Genèse, avec l'idée des beaux

arbres, celle des fleuves du Paradis terrestre :Pvoduxitque Dominus Deus de humo omne lignum pulchrum

visu, et ad vescendum suave : lignum etiam vitae in medio paradisi,lignumque scientiae boni et mali.

Et fluvius egrediebatur de loco voluptatis ad irrigandum para-disum, qui inde dividitur in quatuor capita. (Genèse, cap. 11,9-10.)Mais dans la Genèse, de la source unique sortent quatre fleuves. Ilse pourrait que Dante se soit inspiré de la vieille légende musul-mane du Jardin de Délices où ne coulent que deux fleuves, et c'est àla mythologie grecque qu'il en a emprunté les noms.

27. Et tennis fugiens per gramina rivus(Virgile, Géorgiques, liv. IV, v. 19.)

3i les claires eaux courantes dans l'ombre de la pinèdeRavennate.

i-i. Vuli dicere quod tanta est ibi densitas arborum, quod exconnexione ramorum radii solis vel lunae penetrare non possunt.(Benv. de Imola.)

Page 227: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

LE PURGATOIRE. CHANTXXVIII. 215

22 Déjà, mes pas lents m'avaient transportési loin dans l'antique forêt qu'ilne m'était plus possible de voir par où j'avais pu entrer.

25 Et voici que je fus arrêté, en mon chemin, par un ruisseau

qui, vers la gauche, de ses ondes légèresfaisait plier l'herbe croissant sur ses bords.

28 Toutes les eaux qui sont de ce côté, sur terre, parmi les plussembleraient avoir en soi quelqu'alliage [limpides,

auprès de celle-ci dont la transparence ne cache rien,

3i encore qu'elle glisse, toute assombrie,sous une ombre perpétuelle qui jamaisne laisse rayonner en ce lieu le soleil ni la lune.

34 Toutefois si mes pieds durent s'arrêter, je passai du regard

par-delà le ruisseau pour admirer

la grande variété des mais fleuris.

3^ Et là m'apparut, comme il arrive qu'apparaissesoudainement quelque chose qui met en fuite

par l'émerveillement tout autre penser,

3G. Les « niais » : les jolies branches nouvelles que l'on piaulaitautrefois en terre, le premier jour du mois de mai, pour danser àl'entour en chantant « la Maggiolata » ou chanson de mai, à Flo-rence; ou bien encore, au même temps, les rameaux fleuris dont lesjeunes hommes ornaient la fenêtre et le seuil de leur belle, enToscane, dans l'Ombrie, la Ligurie et les Romagnes. Vieille coutumedont il reste encore quelque chose là-bas.

38. E qui è da notare che, siccome dice Boezio nella sua Conso-lazione « ogni subito mutamento di cose non avviene senza alcunodiscorrimento d'animo. » (Convivio, Trat. II, cap. 11.)

« Il est vrai... qu'un soudain changement ne peut arriver sanscauser quelque émotion dans l'esprit. » (Consolât, phil. de Boë'ce,livre II, prose I, trad. par le Père Nicolas Reynier Ch. R., de laCong. de France.)

Pien d'un vago pensier, che mi desviaDa tutti gli altri, e fammi al mondo ir solo...

(Pétrarque, Sonnet in Vita, CXVII.)

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2l6 PURGATOIUO. CANTOXXVIII.

4o una donna solelta, che si giacantanclo ecl iscegliendo fior da fiove,ond'era pinta tutta la sua via.

43 « Dell, bella donna, cli'ai raggi d'amore

4o. La plus pure et la plus charmante représentation de la VieActive, telle qu'elle peut s'exercer dans le voisinage de Dieu.

Quando praeparabat coelos aderam; quand0 certa lege, et gyrovallabat abyssos :

Quando aethcra firmabat sursum, et librabat fontes aquarum.Quando circumdabat mari terminum suum, et legem ponebat

aquis, ne transirent fines suos ; quando appendebat fundamentaterrae

Cum eo eram cuncta componens ; et delectabar per singulos dies,ludens coram eo omni tempore; ludens in orbe terrarum; et deliciaemeae esse cum filiis hominum.

Nunc ergo, fûii, audite me; Beati qui custodiunt vias meas. (Pro-verbes (de la Sagesse), vin, 27-32.)

En songe, Lia avait annoncé celle-ci au Poète, de même quel'Ancien Testament annonce le Nouveau.

43. Deh bella donna : Il semble que Dante se soit plu aentourer de mystère cette graciense jeune femme qui va dans laprairie cueillant des fleurs, comme celle de la vieille ballade ita-lienne :

Era tutta soleta,In un prato d'amore,Fior giva cogliendo

C'est une belle jeune femme et elle est toute seule au bois, commela bergère que chante Guido Cavalcanti :

Er' adornata di tutto piacere;D'amor la saluiai...... Sola, sola per lo bosco gia...

(Bal. IV.)Mais cette jeune femme qui chante seulette au bois mystique, qui

est-elle? A-t-elle existé dans sa grâce juvénile ou n'est-elle que pureallégorie?

Dante n'a point coutume de nous présenter des êtres imaginaires :il ne nous présente que des personnages réels, ayant véritablementvécu ou qui à tout le moins furent animés de la vie fictive des mythesque consacrèrent les poètes anciens. Jusqu'ici, nul personnage quisoit entièrement d'imagination : pourquoi la jeune femme — à la-quelle il donnera tout a l'heure un nom, Matelda, des lèvres mêmesde Béatrice (v. 119, chant XXXIII) — ne serait-elle point, elle aussicomme les autres, un personnage réel? S'il ne nous dit rien d'elle,ici, c'est sans doute qu'il veut qu'elle se révèle d'elle-même par sesactions, suivant le concept que nous trouvons dans ces deux versd'un des sonnets de sa Vita À'uova (2e sonnet du § VIII), sonnet qu'il

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LE PURGATOIRE. CHANTXXVIII. 21-7

4o une Dame, seulette, qui s'en allait

chantant et choisissant de fleur en fleur les plus belles

parmi celles dont s'émaillait tout son chemin.

43 — « Oh! belle Dame qui aux rayons d'amour

écrivit justement pour déplorer la mort d'une des jeunes amies deBéatrice.

Pià non 10' discovrir quai Donna sia,Che per le propriété sue conosciute.

C'est pourquoi Matelda, n'ayant pas lieu d'être une créature ima-ginaire, fut très discutée et enfin désignée par les commentateurs lesplus récents comme étant fort probablement une des jeunes femmesou jeunes filles que nous voyons passer dans la Vita Nuova : soitcelle dont nous venons de parler et qui mourut toute jeune — (etc'est celle-ci que je choisis car nous sommes sûrs, Dante lui-mêmenous l'ayant dit, qu'elle était morte avant l'an i3oo, et qu'elleapparaît bien dans la Vita Nuova telle que nous la retrouvons ici,gaie et charmante, innocente, une amie de Béatrice que le Poètesemble reconnaître) :

... fu piacere del Signore degli angeli di chiamare alla fita gloriauna donna giovane e di gentile aspetto molto... Allora, ricoïdandomiche già l'avea veduta fare compagnia a quella gentilissima, non poteisostenere alquante lagrime; anzi piangendo mi proposi di direalquante parole délia sua morte in guiderdone di ciù, che alcuna fiatal'avea veduta con la mia donna :

Piangete, amanti, poichè piange Amore,Udendo quai cagion lui fa plorare...

Perché villana morte in gentil coreHa messo il suo crudele adoperare...

( Vita Nuova, § VIII. Prose eticr Sonnet, 1-2, 5-6.)

— soit cette autre qui eut pitié du Poète après la mort de Béatrice, etl'aima silencieusement; mais de celle-ci, nous ne savons point si elleétait morte déjà en l'an i3oo, et même quelque raison incline a croirequ'elle ne l'était point :

Poi per alquanto tempo,... in parte nella quale mi ricordava delpassato tempo, molto stava pensoso, e con dolorosi pensamenti tantoche me faceano parère di fuori d'una vista di terrihile sbigottimento.Ond'io, accorgendomi del mio travagliare, levai gli occhi per vederes'al tri me vedesse ; e vidi una gentil donna giovane e bella molto, laquale da una fenestra mi riguardava molto pietosamente quant'allavista ; sicchè tutta la pietade pareva in lei accolta.

Videra gli occhi miei quanta pietateEra apparita in la vosira figura.

Allor m'accorsi che voipensavate

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3l8 PURGATORIO. CANTOAXVIII.

ti scaldi, s'io vo' credere ai sembianti,che soglion esser testimon' del core,

La qualità délia mia vita oscura...

Io dicea poscia nelV anima trista:Ben è con quella donna quello amore,Lo quai mi face andar cosi piangendo.

(Vita Nuova, Prose et Sonnet. XXXVI.)Àvvennepoi che ovunque questa donna mi vedea, si facea d'una

vista pietosa e d'un color pallido, quasi corne d'amore; onde moitefiate mi ricordava délia mio nobilissima Donna, che di simile coloremi si mostraya...

E certo moite volte nonpotendo lagrimare ne disfogare la mia tris-tizia, io andava per vedere questa pietosa donna,...

Color d'Amore, e di pielà sembianti,Non preser mai cosi mirahilmenteViso di donna...

(Vita Nuova, Prose et Sonnet, XXXVI.)— ou peut-être, aussi, celle dont l'aimable présence protégea long-temps le secret des amours de Dante, celle qu'il vit à un Sermon« en l'honneur de la Vierge », assise non loin de Béatrice et qu'ilappelle la Donna dello Schermo; jeune femme à laquelle il s'était,nous dit-il, si bien attaché qu'il ressentit, lorsqu'elle quitta Florence,plus de peine qu'il n'eût pensé.

Toutefois, celle-ci, mariée, ne saurait être comparée à Proserpinelors de son enlèvement, et il y a peu d'apparence que Dante l'eûtchoisie pour un si grand rôle, elle qu'il dessine en son livre commen'étant point exempte d'\me coquetterie bien féminine, peu en rap-port avec le virginal symbole instauré ici.

Un giorno avvenne, che questa Gentilissima sedea in parte, oves'udiano parole délia Regma délia gloria, ed io era in luogo, dalquale vedea la mia heatitudine : e nel mezzo di lei e di me, per laretta linea, sedea una gentile donna di molto piacevole aspetto, laquale mi mirava spesse volte, maravigliandosi del mio sguardare,che parea che sopra lei terminasse ; onde molti s'accorsero del suomirare...

Ed immantinente pensai fare di questa gentile donna schermo déliaveritade...

Conquesta donna mi celai alquanti mesi ed anni......La donna, con la quale io avea tanto tempo celata la mia volontà,

convenue che si partisse délia sopradetta cittade, e andasse in paeselontano : per che io, quasi shigottilo délia bella difesa che mi eravenuta meno, assai me ne disconfortaipiù che io medesimo non avreicreduto dinanzi...

O foi, che per la via d'Amor passate,Altcndete, e guardaieS'egli è dolore alcun, quanto il mio grave...

(Vita Nuova, prose des §§V et VII,Canz. du§ VII.)

Par contre, presque tous les anciens commentateurs (F. da Butij

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LE PURGATOIRE. CHANTXXVIII. 2IC)

te réchauffes, si j'en veux croire les traits de ton visage,suivant qu'ils sont, à la coutume, le témoignage du coeur,

Cristof. Landino, etc.) —au moins le plus grand nombre— vou-lurent trouver ici la comtesse Mathilde de Toscane :

Questa fa la confessa Matelda proba, saggia et virtuosa, la qualeellipone perla vita attiva. (An. Florentine)

La comtesse Mathilde de Toscane fut une grande bienfaitrice del'Eglise, ce qui inclina Benvenuto de Imola à voir en elle, plutôtqu'une image de la Vie Active, une personnification de l'amour, de lasollicitude, du zèle de l'Eglise à l'égard des âmes :

Haec est ergo comitissa Mathildis, quae devota filia Pétri promettre Ecclesia semper de hostibus triumphavit : Ista ergo proptercxcellentiam suae virtutis inducitur hic, ut doceat et ostendat animaspurgatas ascensuras ad coelam, oporiere transire per ecclesiam Deimilitantem mediante balneatione duarum aquarum quae hic inve-niuntur. (Ben. de Imola.)

Toutefois il semblerait bien singulier que Daute l'eût mise à cetteplace de choix, car elle fut toujours du parti du Pape dans la que-relle des Investitures et l'ennemie constante de l'Empire que Dante,gibelin, jugeait nécessaire (V. de Monarchia); en outre elle fondapour une grande part la puissance temporelle du Saint-Siège queDante considérait comme dangereuse pour l'Eglise elle-même etcontre laquelle il ne cessait de s'élever.

Mais il y a encore autre chose. Dante, au cours de tout son voyagemystique, veut voir ceux qu'il rencontre, à l'âge exactement où lessurprit la mort : or la comtesse Mathilde mourut fort âgée et nesaurait être représentée ici par une toute jeune femme.

Il en est qui ont cru voir, dans celte gracieuse figure, sainte Ma-thilde qui fut la femme d'Henri Ier l'Oiseleur et la mère de l'Empe-reur Othon le Grand. Mais celle-ci, encore, mourut fort âgée, et enplus elle aima surtout la Vie Contemplative, donnant toutes sesfaveurs aux Ordres religieux de la plus haute observance pour qui ellelit bâtir de nombreux monastères : or, l'opinion généralement reçueet que nous avons déjà donnée, c'est que Matelda, qui chante eucueillant des fleurs et s'avance dans la prairie d'un pas dansant, estl'apparition réelle de la Vie Active que le songe de Lia n'avait faitque d'annoncer (Chant XXVII.)

Per essa è certo che il poeta intende la Vita Attiva, chi poi ella sisia, è difficile, di risaperlo... (P. B. Lombardi.)

Enfin, je cite, pour ne rien laisser dans l'ombre, que certainsmêmes pensèrent y découvrir une religieuse allemande : Matelda deHackenbourg ou Matelda de Magdebourg qui, toutes deux, écrivi-rent en langue germanique des visions où se trouvait décrite la Mon-tagne de la Pénitence avec, à son sommet, le Paradis terrestre.Mais, au Moyen âge, de telles descriptions ne furent point rareset Dante probablement ne connut point celles-ci qui ne pouvaientguère avoir passé en Italie au temps où il composait son poème.

45. Lo viso mostra lo color del core...[Vita Nuova. Son. X.)

Cose appariscon, nello suo aspetto,

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220 PCRCATOHIO. CANTOXXVIII.

46 vegnati voglia di trarreti avanti,cliss'io a lei, verso quesla riviera,tanto ch'io possa intender che tu canti !

49 Tu mi fai rimembrar dove e quai era

Proserpina ncl tempo che perdettela madré lei, ed ella primavera ».

D2 Corne si volge con le pianle slrette

a terra ed intra se donna che balli,c piede innanzi piedc a pena mette,

55 volsesi in sui vermiçdi ed in sui giallifioretti verso me, non altrimenti

Che mostvan de' placer del paradiso ;Dico negli occhi e nel suo dolce riso,Che le vi reca anior coin' a suo loco.

[Convivio, Canzone. Tratt. III.)Dico adunque che poichè è aperta la sentenzia... nella quale quella

Donna e commendata dalla parte dell anima... lo commendo leidalla parte del corpo, e dico che nel suo aspetto appariscono cose lequali dimostrano de' piaceri, e intra gli attri di que' di paradiso.(Convivio, Tratt. III, cap. vm.)

4g. Par la grâce du pré émaillé de (leurs, par l'action de cueillirdes fleurs, par l'ombre des arbres, l'eau courante... et par la jeunesse.

« lïaud procul Hennaeis lacus est a moenibus altae,jYomincPergus, aquae : non ilto plttra CaystrosCarmina cycnorum labentibus audit in midis.Silva coronat aquas, cingens latus omne ; suisqueFrondibus, ut vélo, Phoeheos submovct ictus.Frigora dant rami, Tyrios humus humida flores,Perpctuum ver est : quo dum Proserpina lucoI.udit, et aut violas, aut candida liha carpit;Dumque puellari studio calathosque sinumqueImplet, et aequales certat superare legendo. »

(Ovide, Met., liv. V, vers 385 etsuiv.)5o. Proserpine, 1111ede Cérès et de Jupiter, cueillait des (leurs

avec ses compagnes dans une prairie de Sicile, quand Pluton, roi desEnfers, blessé d'amour pour elle par les soins de Vénus qui voulutasservir à son empire même le Dieu des ombres, y parut soudain etenleva la jeune (Ole sur un char attelé des noirs coursiers del'Erèbe :

Paene simitl visa est, dilectaque, raptaque Diti :

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LE PURGATOIRE. CHANTXXVIII. 22l

,{6 que te vienne le souhait de te porter plus avant »,lui dis-je, « près de cette rivière,assez pour que je puisse entendre ce que tu chantes... !

49 Tu évoques, à mon souvenir, en quel lieu et quelle était

Proserpinc, dans le temps qu'elle fut perdue

pour sa mère et que perdu pour elle-même fut le printemps. »

02 De même que tourne, ses pieds pressantle sol et joints, une femme qui danse,en s'avançant à peine et d'un pas contenu,

55 elle se tourna parmi les vermeilles et les jaunesfleurettes, vers moi, toute pareille

Usque adeo pvoperatur amor ' Dea territa mocsloEt matrem, et comités, sed matrem saepius, oreClamai...

(Ovide, Met., liv. V, vers 3g5 et suiv.)5i. Ce jour-là, Cérès perdit la jeune 1111equi devait désormais

régner sur l'empire des Morts ; etla jeune fille perdit « le Printemps » :ces fleurs qu'elle avait cueillies, car, lors du rapt, la robe légère dela jeune fille s'élant déchirée, toutes les fleurs qu'elle y avait misestombèrent et furent dispersées ; et dans son malheur même et malgréson effroi, la simple jeune fille, nous dit Ovide, en avait ressenti ungrand regret :

...et, ut summa vestem laiiiaral ab ora,Collecti flores tunicis eccidere remissis :

Tantaque simplicilas puerilibus adfuit annis,Haec quoque virgineum movit jactura dolorem.

(Ovide, Met., vers 3g8 et suiv.)Quelques commentateurs pensent que ce passage signifie que la

jeune fille dut perdre à jamais le printemps de la douce vallée d'Enuaen Trinacrie, lumineux, plein de chants d'oiseaux, lorsque le roi del'Averne l'enleva pour la faire vivre désormais dans ses silencieuseset sombres demeures. Toutefois les vers d'Ovide semblent bienrévéler clairement son sens véritable : d'autant plus que Dante(au XXXe Chant de son Paradis, v. 03) dira encore « Primavera »pour « fleur » nommant « printemps » l'ensemble des fleurs dontcette saison est bien le règne.

55. En dehors même de leur réalité littérale, les Heurs rouges etjaune d'or, qui émaillent la prairie sur laquelle va la jeune femme aupas dansant, sont encore le s\-mbolc de l'amour et de la pxireté :Tardante charité, l'or pur.

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222 PURGATOHIO. CA.NTOXXVIII.

che vergine che gli occhi onesti avvalli ;

58 e fece i prieghi miei esser contenu,si appressanclo se che il dolce suono

veniva a me co' suoi intendimenti.

61 Tosto che lu là dove l'erbc sono

bagnale già dall'onde del bel fiume,di levai- gli occhi suoi mi fece dono.

64 Non credo che splendesse tanto lume

sotto le ciglia a Venere, trafitta

dal figlio fuor di tutto suo costume.

67 Ella ridea dall'altra riva dritta

5y. Ainsi s'avançaient les filles d'Àdraste, roi d'Argos : « la belleArgie, et Déiphyle son égale en beauté », le jour que devait èlrccélébré leur hymen avec les deux princes étrangers :

Ibant insignes vultuque habituque verendoCandida purpureum fusae super ora ruboremDejectaeque gênas : tacite subit ille supremusVirginitatis amor, prhnaeque modestia culpaeConfundit vultus...

(Stace, Thébaïde, lib. II, v. a3o et suiv.)Cf. Le Chapitre xxv du ConvU'io, concernant la grâce qui vient à

la jeunesse delà douceur, de la modestie, d'une courtoisie simple etaimable :

... Che l'ordine débita délie noslre niembra rende un piacere non sodi che armonia mirabile, ...

E cosi dicere che la nobile natura lo suo corpo abbellisca e facciaconto e accorto, non è altro dire, se non che Vacconcia a perfezioned'ordine : e queste altre cose che ragionate sono, appare essere neces-sarie ail' adolescenza, le quali la nobile anima, cioè la nobile natura,ad essa primamente intende, siccome cosa che, corne detto è, dalladivina Providenzia è seminata... (Conrivio, Trait. IV, cap. xxv.)

64. L'Amour donnant un baiser à sa mère, celle-ci fut par hasardblessée légèrement au coeur par une flèche qui sortait à demi de son

-carquois : dans le premier instant, l'atteinte ne lui parut pas trèsprofonde, mais tôt après il fallut que Vénus s'éprît d'Adonis :

Namque pharetratus dum dat puer oscula matri,Inscius exstanti destrinxit arundinc pectus.

Capta t'iri forma non jam Cythereia curâtLitora; ...

Page 235: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

LE PURGATOIRE. CHANT XXVIII. 2a3

à une vierge qui tient ses chastes yeux baissés ;

58 et elle donna contentement à mes prières,en s'approchant si bien que le doux chant

venait à moi et que j'en pouvais entendre le sens.

61 Aussitôt qu'elle fut là où les herbes sont

baignées déjà par les ondes de la belle rivière,elle me fit ce don de lever les yeux.

64 Je ne crois point que tant de lumière ait resplendisous les cils de Vénus lorsqu'elle fut blessée

des traits de son fils, hors de toute coutume.

67 Elle riait, droite sur l'autre rive,

Abstinet et coelo : coelo praefertur Adonis.

(Ovide, Met., lib. X, 5a5 et suiv.)C6. Ce n'est point la coutume de l'Amour que de blesser les

coeurs de ses flèches sans le vouloir.G7. La jeune femme rit :'« Il semble bien que Dante ait voulu

mettre toute la grâce,v toute la beauté et tout le charme féminin danscette douce jeune femme qu'il place ici à l'entrée du Paradis Terres-tre. Il la revêt de toutes les séductions : elle est jeune commeProserpine, belle et tendre comme Yénus, elle apparaît ornée à lafois de noblesse et de simplicité. Elle rit et se montre heureuse.Elle baisse les paupières, cependant, afin de laisser connaître sonexquise modestie. Elle cueille des fleurs, plus gracieuse encore queles fleurs qu'elle assemble. Elle chante : et le mythe des Sirèneslaisse bien voir quel charme le chant ajoute à la beauté d'une femme.Sadémarche semble rythmée comme une danse, — et nulle part commedans les divers mouvements de la danse ne se font jour la souplesse etle parfait équilibre d'un jeune corps. Enfin, suprême attrait, ellelaisse deviner qu'elle aime... » (Cf. Lectura Dantis, d'après Graf.)

Tout en symbolisant la Vie Active, telle qu'elle peut s'exercerprès de Dieu, n'est-elle pas encore ici l'image de l'être humain à sonaurore, orné de toutes ses puissances que la faute n'est point encorevenue affaiblir ni détourner de leur véritable voie? Et si complète-ment en harmonie avec le magnifique jardin qu'elle en devient lenécessaire complément, ne réalisc-t-ellc pas le rêve parfait du Créa-teur etne doit-elle pas faire connaître à Dante l'insondable profondeurdes trésors perdus par le péché, afin que, brisé d'un plus grandregret, d'un plus vif repentir, en même temps que saisi d'une plusvive flamme d'amour, il devienne enfin digne de s'élever vers le Ciel?

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224 PURGATOMO. CANTOXXVIII;

traendo piû color' con le sue mani,che l'alta terra senza semé gitta.

yo Tre passi ci facea il fiume lontani ;ma Ellesponto, là 've passô Serse,ancora freno a tutti orgogli umani,

7 3 piû odio da Leandro non sofferse,

per mareggiare intra Sesto ed Abido,che quel da me perché allor non s'aperse.

68. Elle ne cesse point de former sa gerbe de fleurs, avec desfleurs de toutes teintes, avec toutes les fleurs réunies et semées dela main de Dieu même, car là, la saison est toujours heureuse, tou-

jours égale et féconde — comme dans l'Age d'Or des poètes grecset latins :

Hic ver purpureum : varios hic flumina circumFundit humus flores...

(Virgile, Bucoliques, Egl. IX, 40-41-)70. Comme un rappel des trois degrés du Chant IX qui donnent

l'accès au Purgatoire (v. 106), il y a ici trois pas encore à franchir

pour entrer véritablement dans le Paradis terrestre : ces trois pas, cesont les trois états de la pénitence : humble confession d'abord, puissincère contrition, enfin satisfaction parfaite.

71. L'Hellespont :le détroit des Dardanelles. Xerxès, fils de Dariusroi des Perses et qui lui succéda l'an 485 avant Jésus-Christ, passal'Hellespont cinq ans plus tard sur deux ponts de bateaux avec touteson armée pour aller porter la guerre aux Grecs ; vaincu à Salaminc,il dut le repasser, en fuite, dans une pauvre barque de pêcheurs,laissant ainsi un exemple sévère des funestes conséquences de la

présomption et du faux orgueil.Xerces Darii filius et rex in Persis, cum tanta gentium multitudinc

mundum invasit, cum tanta potentia, ut transitum maris, Asiam ait

Europa dirimentis, inter Seston et Ahydon, ponte superaverit... [DeMonarchia, II, 9.)

jï. Taies fama canit tumidum super aequora. XercemConstruxisse vias, multum quum pontibus ausus,Europamquc Asin, Sestonque admovit Abydo,Incessitque fretum rapidi super Hcllesponli,Non Eurum zephyrumque timens; quum vêla, ratesqueIn médium deferret Athon. Sic ora profundiArctantur casu nemorum.

(Lucain, Pharsale, II, 673 et suiv.)73. L'Hellespont, haï de Léandre parce qu'il le séparait d'Héro.

Léandre, jeune homme grec d'Abydos, aimait la jeune Héro, fille dela Thrace, habitant Sestos sur la rive opposée. Toutes les nuits, il

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LE PURGATOinE. CHANTXXVJli. 223

triant de ses mains les fleurs aux couleurs diverses

que cette terre privilégiée fait naître sans êlre ensemencée.

jo De trois pas le fleuve nous séparait :

mais l'Hellespont, à l'endroit où le passa Xerxès,— ce qui devrait servir de frein encore aux orgueils de l'homme, —

-3 ne souffrit point une plus forte haine de la part de Léandre,en faisant ondoyer ses vagues marines entre Sestos et Abydos,

que ce ruisseau ne la souffrit de ma part parce qu'alors il ne

[s'ouvrit point.

traversait le détroit à la nage pour aller la retrouver, guidé à traversles flots par une lampe que la jeune fille posait au haut d'une tour.Mais lorsque la tempête agitait la mer, Léandre ne pouvait traverserle détroit : de là, sa haine. Une nuit, comme la mer restait houleusetrop longtemps au gré de ses désirs, et que au loin brillait la petiteclarté de la lampe qui lui semblait un appel de l'impatiente Héro, ilse jeta dans les vagues tumultueuses pour essayer d'arriver jusqu'àelle et se noya.

74- Ergo ego te nunquam, nisi cum volet unda tenebo,Et me felicem nulla videbit hiems

Cumquae minus flrmum nil sit, quant ventus et unda,In ventis et aqua spes mea et semper erit?

Aestus adhuc tamen est...(Ovide, Iléroïdes, Ep. XVIII de Léandre à Héro.)

veni.Longa mora est nobis omnis, quae gaudia differt.

Aut ego cum cara de te nutrice susurro,

Aut mare prospiciens, odioso concita ventoCorripio verbis aequora paene tuis; ...

(Ovide, Héroïdes, Ep. XIX d'Héro à Léandre.)

75. La mer Rouge s'était ouverte devant les Israélites, à la sortied'Egypte : Dixitque Dominus ad Moysen... « Tu autem éleva virgamtuam, et extende maman tuam super mare, et divide illud... » Et in-gressi sunt filii Israël per médium sicci maris... (Exode, xiv, i5-22.)

Le Jourdain s'était ouvert devant le peuple de Dieu, entrant dansla Terre Promise :

Steterunt aquae descendentes in loco uno, et ad instar montisintumescentes apparebant procul, ... quae autem inferiores erant inmare Solitudinis descenderunt, usquequo omnino deflcerent... etsacerdotes qui portabantarcam foederis Domini, stabant super siccamhumum in medio Jordanis accincti, omnisque populus per arentemalveum transibat. (Josué, m, 16-17.)

LE PURGATOIRE.— II. l5

Page 238: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

220 PUHGAT0RI0. CANTOXXVIII.

76 « Voi siete nuovi, e forse perch' io rido,cominciô ella, in questo loco eletto

all'umana natura per suo nido,

79 maravigliando tienvi alcun sospetto ;ma lu ce rende il salmo Delectasti,che puote disnebbiar vostro intelletto.

82 E tu che sei dinnanzi e mi pregasli,di' s'altro vuoi udir ; ch'io venni prestaad ogni tua question tanto che basti ».

85 « L'acqua, diss'io, e il suon délia foresta

impugna dentro a me novella fede

di cosa ch'io udi' contraria a questa ».

88 Ond'ella : « lo dicérô corne procèdeper sua cagion ci6 che ammirar ti face, .

78. Le nid : la demeure naturelle que Dieu avait préparée àl'homme, de même que l'oiseau aimant prépare un nid à ses petits.

79. Cum risus non videatur laudabilis in mulicre perfecta etiamin loco perfecto. (Benv. de Imola.)

Peut-être les poètes pouvaient-ils s'étonner de voir la jeune fillerire en ce lieu de délices, perdu par la faute d'Adam et d'Eve?

80. Quia delectasti me, Domine, in factura tua : et in operibusmanuum tuarum exultabo. Quam magnificata sunt opéra tua, Domine !(Ps. xci, 5-6.)

Matelda semble dire : «Tu m'as comblée d'allégresse en ta créature,ô Seigneur, et j'exulterai parmi les ouvrages de tes mains... » Lajeune fille qui cueille des fleurs est l'àme innocente de qui l'activitéest toute soumise aux désirs de Dieu. Et l'àme innocente se plaîtà tout ce qui est de Lui.

S'il est triste, ce souvenir de la faute originelle par laquellel'homme a perdu son premier état de bonheur, le mystère de la Ré-demption dont il devient la cause ne doit-il point exalter l'àme aimante,qui se voit aimée, jusqu'aux plus hautes profondeurs de la joie? Biensemble le permettre le cri audacieux de saint Augustin, qui se reditdans l'Eglise chaque année à la bénédiction du cierge pascal, leSamedi-Saint, à l'Office du matin : O certe necessarium Adae pecca-tum, quod Christi morte delectum est! O felix culpa, quae talem actantum meruit habere Redemptorem!

81. Ici, Dante a passé devant Virgile. Il s'est avancé seul le longde la rive pour appeler la jeune fille qu'il semble reconnaître.

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LE PURGATOIRE. CHANTXXVIII. 22J

j6— « Vous êtes nouveaux venus, et peut-être, parce que je vais,

commença-t-elle, « par ce lieu élu [riant »,

pour être le nid de l'humaine nature,

jg quelque doute vous retient-il dans l'étonnement;mais une clarté jaillit du psaume : « Delectasti... »

qui peut éclairer votre intelligence.

82 Et loi, qui es en avant et m'as priée,dis si tu en veux apprendre davantage, car je suis venue, prêleà répondre à chacune de tes questions, jusqu'à ce que ce soit

[assez. »

85 — « L'eau », dis-je, « elle bruissement de la forêt

combattent au dedans de moi la croyance récente

en une chose que j'ai entendue, contraire à ce que je vois. »

88 El elle : — « Je le dirai comment procèded'une cause qui lui est propre ce qui te fait t'étonner;

83. « Je vins... », dil la jeune fille : ce n'est doue point son officecoulumicr que de plonger dans les eaux mystiques les âmes : elleest venue envoyée par Béatrice à la rencontre de Dante, « son fidèle ».Si Dante parle, ainsi qu'il le fait, de tant de faveurs à lui accordées,comme à saint Paul, comme à Enée, ce n'est point orgueil de sa part ;mais il voyait son époque comme décisive dans l'histoire de l'Egliseet du monde; et il sentait en lui un esprit prophétique venu d'En-Iiautpar lequel il était contraint de parler pour le bien des âmes ell'ordre temporel. De là, son humble acceptation de toutes les mer-veilles faites en sa faveur, depuis son entrée aux cercles inférieursjusqu'à son élévation à l'Empyrée. Il ne se voit, en tant dedouleurs comme en tant de gloire, que comme le messager choisi deDieu, éprouvé et récompensé par Lui au gré de Sa volonté divine.

86. Dante avait appris de Stace que la Montagne sainte n'avaitaucune participation aux altérations de l'atmosphère. Ni vent, nipluie, ni neige, ni rosée n'y arrivaient de la terre lointaine. Etpourtant, ici, le Poète voit couler l'eau abondante de la rivière surla berge de laquelle il se tient, et il entend le murmure du ventdans les branches. Alors il doute et ne sait que penser.

89. Comment une cause toute particulière anime ici le vent etcomment prend sa source l'eau symbolique :

Quapropter quaerere utrum de jure factum sit aliquid, licet aliaverba sint, nihil tamen aliud quaeritur, quant utrum factum sitsecundum quod Deus vult. (Dante, De Monarchia, II, u.)

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aa8 runcAïoiuo. — CANTOXXVIII.

e purgherô la nebbia che ti fiede.

91 Lo sommo Ben, che solo Esso a se piace,fece l'uom buono e a bene, e questo loco

diede perarra a lui d'el.erna pace.

94 Per sua diffalta qui dimorô poco ;

per sua diffalta in pianto ed in afFanno

cambiô onesto riso e dolce gioco.

97 Perché il turbar che sotto da se fanno

Fesalazion' dell'acqua e délia terra,

che, quanto posson, dietro al calor vanno,

100 all'uomo non facesse alcuna guerra,

questo monte salio vèr lo ciel tanto ;e libero n'è d'indi ove si serra.

io3 Or, perché in circuilo tutlo quanto

91. Le Souverain Bien, — Dieu, — qui, étant infiniment parfait, ne

peut se complaire qu'en Lui-même, toutes les créatures devant Luiétant nécessairement finies et imparfaites.

Ecce qui serviunt ei, non sunt stabiîes, et in angelis suis reperiipravitatem. (Job, îv, 18.)

Et cocli non sunt mundi in conspeetu ejus. [Ibid., xv, ID.)Ecce luna etiam non splendet, et stellae non sunt mundac in

conspeetu ejus. (Ibid., xxv, 5.)cf'i. Et creavit Deus honiinem ad imaginem sua/H : ad imagincm

Dei creavit illum...Viditque Deus cuncla quae fecerat : et erant t'aide bona. (Genèse,

cap. 1, -i-j, 3i.)<j5. Et dixit Dominus Deus, ad mulierem : Quare hoc fecisti?...

In dolore paries filios, et sub yiripotestate eris...Adae vero dixit : Quia audisti vocem uxoris tuae, et comedisti de

ligno, ex quo praeceperam tibi ne comederes, maledicta terra, in

opère tuo; in laboribus comedes ex ea cunctis diebus vitae tuae.Spinas et tribulos germinabit tibi, et comedes herbam terrae.In sudore vultus lui vesceris pane, donec revertaris in terrain de

qua sumptus es; quia pulvis es, et in puh'erem reverteris. (Genèse,m, i3, 16, 17, 18, 19.)

96. « Onesto riso » : qualis crat risus Malhildispaulo ante, « c dolce

giuoco » idest, delectationcm. (Bcnv. de Imola.)

Page 241: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

LE PURGATOIRE. CHANTXXVIII. 220)

et je chasserai la nuée qui te blesse.

qi Le Souverain Bien —qui en Lui Seul met Sa complaisance,

créa l'homme bon et incliné au bien, et ce séjourlui fut donné comme arrhes d'une éternelle paix.

g4 Par sa faute, ici, l'homme demeura peu de temps;

par sa faute, en pleurs et en angoissesil changea le rire honnête et le doux jeu.

g- Afin que les perturbations que causent par elles-mêmes dans lesles exhalaisons de l'eau et de la terre, [régions inférieures

qui autant qu'elles le peuvent tendent vers la chaleur,

ioo ne fissent point la guerre à l'homme,ce Mont s'élança haut, vers le Ciel ;et donc il en est libéré, dès l'endroit où il se clôt.

io3 Mais, parce que, à son entour, toute la masse

99. Les exhalaisons de la terre et des eaux, attirées par lesrégions les plus chaudes et les plus raréfiées de l'air, y forment descourants d'où naissent des vents et des tempêtes. Voilà ce qu'a ditStace précédemment.

100 Damascenus (lib. II, Orth. fid., cap. xi) dicit de paradiso,quoi est « divina regio, et digna ejus qui secundum imaginem Deitvat, conversatio... »

quia (ut Damascenus ubi sup. dicit) est locus « temperato ettenuissimo et purissimo aère cirùumfulgens, plantis sempev floridiscomatus. » (Saint Th. d'Aquïn, Su?n. Theol., P. I, q. en, a. a.)

101. Le Mont Mystique s'élève dans le ciel, très haut au-dessusde la terre, symbole de l'homme qui, en son premier état d'inno-cence, était beaucoup au-dessus de ce qu'il devint par la faute origi-nelle.

102. Le Mont est libre de toute altération de l'atmosphère à partirde son seuil où l'Ange garde la porte mystique : Stace l'avait déjàdit.

io3. Ici, la jeune fille explique à Dante que le vent qu'il entenddans les branches est produit non par des courants contrairesformés dans l'atmosphère, mais par le mouvement des ciels tournantde l'Orient à l'Occident, à l'exemple et sous l'impulsion du PremierMobile, tout autour du haut sommet : les anciens croyaient que lesciels, au nombre de neuf, tournaient autour de la terre immobile.

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2?)0 PURGATORIO. CANTOXXVIII.

l'aer si volge con la prima volta,se non gli è rotto il cerchio d'alcun canto,

106 in questa altezza, che tutta è disciolta

nell'aer vivo, tal moto percuotee fa sonar la selva perch'è folta ;

109 e la percossa pianta lanto puote,che délia sua virtute l'aura imprégna,e quella poi, girando, intorno scuote;

112 e l'altra terra, secondo ch'è degna

per se e per suo ciel, concepe e figliadi diverse virtû diverse legna.

II5 Non parrebbe di là poi maraviglia,udito questo, quando alcuna piantasenza semé palese vi s'appiglia.

118 E saper dei che la campagna santa

ove lu sei, d'ogni semenza è piena,e frulto ha in se che di là non si schianta.

io5. Sur terre donc, le circuit de l'air agité par le mouvementtoujours égal des ciels peut être brisé soit par les vapeurs contrairescomme il vient d'être dit, soit par la présence de quelque autreobstacle, la cime d'une haute montagne par exemple : voilà ce quepense le Poète. Ici, rien de cela : le Mont est si bien hors de touteproportion terrestre qu'il se mêle librement au mouvement des cielssupérieurs et bénéficie du mouvement régulier de ceux-ci, à l'approchedu ciel Empyrée. L'image mystique : Dieu créa son jardin ù l'abride tout changement et de toute altération afin que l'homme, à qui ille destinait, pût y lire Son empreinte et y retrouver partout un refletde Lui.

Nolite itaque errare, fratres mei dilectissimi. Omne dalitm

optimum, et omne donum perfectum desursum est, descendons aPâtre luminum, apud qucm non est transmutatio nec s'icissitudinisohumbratio. (Ep. cath. de saint Jacques, 1, 16, 17.)

Mais cela peut s'entendre encore ainsi : les fruits, les fleurs, l'arbreobéissant, parfaits dans l'atmosphère parfaite, tels qu'eût été l'hommesans la désobéissance.

107. « L'éther » : l'air infiniment pur, vivifié par le mouvementdes sphères.

ioy. Si privilégiées et puissantes sont les fleurs du ParadisTerrestre qu'elles imprègnent l'air qui les frappe de leur semence;

Page 243: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

I.E PURGATOIRE. CHANTXXVIII. 2J[

de l'air vire suivant le mouvement de la première voûte célestesi son cercle n'est brisé d'aucun côté,

106 sur cette hauteur qui s'élève, libre,dans l'éther, ce mouvement de l'air frappela forêt et la fait sonner parce qu'elle est épaisse,

109 Et l'arbre frémissant a ce pouvoir

d'imprégner l'air de sa vertu féconde

que l'air, ensuite, en tournant, secoue tout à l'entour;

112 et l'autre terre, selon qu'elle en est digne

par ses aptitudes ou son climat, conçoit et enfantede diverses forces séminales des arbres différents.

1il) Point cela ne paraîtrait, là-bas, merveille,ceci étant connu, lorsque quelque plantesans semence apparente prend racine dans le sol.

118 Et il convient que tu saches que la campagne sainte

où tu es de toutes semences est remplie,et qu'elle garde en elle un fruit qui là-bas point ne se récolte.

et l'air, poursuivant son mouvement circulaire, va souffler sur la terreet répand celle-ci tout à l'entour : ainsi les hommes voient paraîtredes fleurs nouvelles dont ils ne savent point de quel pollen ellessont nées et ils s'étonnent. Et c'est qu'ils ne savent point la valeurde l'air qui leur arrive et qui est l'image vivante du souffle de Dieu.

112. « L'autre terre » : la nôtre.iiio. Ici, quelques anciens commentateurs veulent voir une allusion

aux fruits de l'Arbre de vie qui croissait au Paradis Terrestre etdont la vertu était de prolonger éternellement l'existence.

Produxitque Dominus Deus de humo omne lignum pulchrum visu,et ad vescendum suave : lignum etiam vitae in medio paradisi...(Genèse, 11,9.)

... Vincenti dabo edere de ligno vitae, quod est in Paradiso Deimei... (Apocalypse, 11,7.)

Beati qui lavant stolas in sanguine Agni, ut sit potestas eorum inligno vitae. (Apocalypse, xxn, i4-)

Serravalle voit ici un sens un peu différent ; le fruit de pure vertu,plus parfait que les fruits qui émanent des âmes que loucha le péchéoriginel.

Quasi moraliter dicat : Alius fructus fit ab homine virtuoso, quamab Mo qui est involutus in vitiis.

Ce passage peut donc bien s'entendre ainsi : le fruit de l'arbre

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232 PURGATORIO. CANTOXXVIII.

121 L'aequa che Vedi non; surge di vena

che ristori vapor che gel converta,corne fiume ch'acquista e perde lena ;

124 nia esce di fontana salda e certa

che tanlo dal voler di Dio riprende,

quant'ella versa da due parti aperta,

127 Da questa parte, con virtû discende

elle toglie altrui memoria del peccato ;dall'altra d'ogni ben fatto la rende.

i3o Quinci Letè; cosi daH'altro lato

Eunoè si chiama : e non adopra,se quinci ê quindi pria non è gustato.

i33 A tutt'altri sapori esto è di sopra.Ed avvegna ch'assai possa esser sazia

la sete tùa^ per ch'iô piû non ti scopra,

i36 darotti un corollario ancor per grazia;

obéissant, parfait dans l'atmosphère parfaite. De tels fruits ne secueillent point sur terre.

121. Dante ne peut comprendre comment il y a de l'eau dans leParadis Terrestre, puisque nulle pluie n'y tombe jamais, que jamaisnuage ne s'y forme.

122. Les vapeurs condensées par le froid : Cf. Purgatoire, cap. v,v. 10g. — Aristote, De générât, et corrupt., lib. II, cap. iv. —

Sénèque, Quaest. Nat., ;III, 3. — De Dante au Convivio:...qui non si procédé per nëéessaria dimostrazione siccome sarebbe

a dire se il freddô è gëherativo dell'acqua, se noi vedemo i nuvoli...(Tratt. IV, cap. xvm.)

\i!\. Dante voit au Paradis Terrestre deux fleuves, formés d'uneseule et même source qui jaillit sous le regard de Dieu et se diviseen deux branches. Leurs eaux ne sont point inconstantes mais tou-jours semblables dans leur qualité et leur quantité.

i'i5. Nul moyen naturel ne les alimente, mais seulement le vou-loir du Créateur qui leur accorde à chaque instant ce qu'ils perdenten leur course à travers le Jardin.

128. Le Léthé, le fleuve de l'oubli, qui, dans la mythologie grec-que, coulait au milieu de l'Averne. Ici le Léthé fait oublier à l'âmepurifiée tout le mal : ayant donc été trempée dans s.-eseaux lors-

Page 245: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

LE PURGATOIRE. CHANTXXVIII. y.33

121 L'eau que tu vois ne jaillit point d'une veine

qu'alimentent les vapeurs condensées par le froid,à la façon d'un fleuve qui acquiert et perd sa force,

124 mais elle jaillit d'une source inaltérable et sûre,

qui dans la volonté de Dieu prend son renouveau autant qu'il lui

pour couler, ouverte, sur deux versants. [en faut

127 De ce côté, elle descend portant la vertu

qui ôte à l'homme le souvenir de son péché;de l'autre, elle va, lui rendant la mémoire de tout le bien qu'il a

[fait.i3o Par ici, Léthé, comme, de l'autre côté,

Eunoë, elle se nomme; et elle n'agit pointsi elle n'est ici et puis là-bas, d'abord, goûtée.

l33 La saveur de cette eau dépasse toute autre saveur.

Et, quoiqu'elle puisse être assez rassasiée

ta soif, si même je ne t'en révélais pas davantage,

i36 je veux te donner un corollaire encore, par grâce :

qu'elle s'en est rendue digne par les expiations subies et acceptées,elle n'aura plus avec le Mal aucun lien, fût-ce celui de la Mémoire.

iïg. Le fleuve Eunoé, c'est-à-dire, en grec, du bon souvenir, del'heureuse mémoire.

Celui-ci est particulièrement délectable, car il ramène au souve-nir de l'âme tout le bien qu'elle a fait et tout le bien qu'elle aconnu.

Et sic vide quod duo sunt necessaria homini tendenti ad felicita-tem : primo oolivio mali, ita quod amplius non veniat in meniem ejuspeccare ; secundo memoria boni, quae non permittat ipsum ampliuspeccare. (Benv. de Imola.)

Le sens mystique : pour arriver à Dieu, il est nécessaire quel'homme délaisse entièrement le Mal et ne veuille plus connaître quele Bien.

i3'2. Les deux eaux lustrales : oubli du Mal, souvenir du Bien,sont nécessaires à l'état parfait de l'âme — mais elle ne peut y accéderque dans l'ordre préétabli : c'est par un ordre rigoureux que l'âmeaccède à la Vie Mystique.

135. « Ta soif » : ton désir de savoir...136. « Je veux, me répondit-elle, imiter les Géomètres qui adjou-

tent toujours à leurs Démonstrations ce qu'ils appellent Corollaire,

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a34 PUHfiATORIO. CANTOXXVIII.

né credo che il mio dir ti sia men caro,se oltre promision teco si spazia,

139 Quelli che anticamente poetârol'età dell'oro e suo stato felice

f'orse in Parnaso esto loco sognàro.

i4a Qui fu innocente l'umana radiée;

qui primavera sempre ed ogni frutto;nèttare è questo di che ciascun dice ».

i45 Io mi rivolsi addietro allora tutto

a' miei poeti; e vidi che con riso

udito avevan l'ultimo costrutto.

148 Poi alla bella donna tornai 1' viso.

et je suivray leur exemple eu vous donnant quelque chose de plusque je ne suis obligée. » (Consolations philosophiques. Boëce, trad.du père Nicolas Régnier.)

Corollarium appellatur ultima conclusio, quae datur post aliasquasi conclusio conclusionum, sic dictum a corolla, idest, parvacorona quasi coronarium, quia datur disputantibus in proemium.(Benv. de Imola.)

Dante n'a point demandé ce qui va suivre, et la jeune fille le luidit « gracieusement » ayant le souci de lui être agréable ainsi qu'àVirgile qui l'accompagne. Puisqu'elle est venue comme messagèrede Béatrice, elle sait comment Dante est arrivé jusqu'ici et quel estcelui qui fut son guide sage et dévoué, par tous les cercles de ladouleur et sur la Montagne mystique.

i3g. Le poète souvent prophète, ses fictions poétique atteignantle vrai : c'est une pensée chère à Dante. Et peut-être, dans leursrêves, les poètes païens puisèrent-ils vraiment, à la source de quel-que ancienne tradition altérée par le temps mais non encore entière-

Page 247: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

LE PURGATOIRE. CHANTXXVIII. 235

et je ne crois point que ma parole te soit moins chère

si je prolonge avec loi mon entretien au delà de ce que j'ai promis.

139 Ceux qui, aux temps anciens, chantèrent

l'âge d'or et son heureux état,

peut-être, au Parnasse, rêvèrent-ils de ce lieu.

j42 Ici, la tige humaine s'élevait innocente,

ici, c'est le printemps, toujours, toutes Heurs et tous fruits,et voici ce nectar dont chacun parle. »

i45 Alors, je me retournai de tout mon élan

vers mes Poètes, et je vis que, d'un visage riant,ils avaient écouté l'ultime phrase.

148 Puis, sur la belle Dame, je reportai mes yeux.

ment effacée, la notion d'un premier élat de perfection de l'hommeignorant de tout mal, dans un jardin de délices au milieu de la plusdouce saison.

iijï. Adam et Eve :

i/|3. Ver erat aeternumFlumina jam lactis, jam flumina nectaris ibant:

Flavaque de viridi stillabant ilice mella.(Ovide, Métam., I, 107, m-112.)

Virgile voit l'Age d'Or sous le consulat de Pollion.Lire aux Bucoliques la IVe Eglogue, celle que le Moyen âge con-

sidéra comme prophétique, au sens chrétien.

146. Dante regarde ses poètes et il les voit tout souriants, pleinsde joie de ce qu'ils viennent d'entendre : leurs chants, rappelés parla belle jeune fille qui, dans un si noble lieu, relie leur inspiration àla Vérité où reposent leur espoir et leur désir désormais clair-

voyants.

Page 248: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

CANTO XXIX

i Cantando corne donna innamorata,continué col fin di sue parole :

Beati, quorum tecta sunt peccata!

4 E, comciiinfc che si givan sole

per le selvatiche ombre, disiando

quai di veder, quai di fuggir lo sole,

7 allor si mosse contra il fiume, andando

su per la riva, ed io pari di lei

i. La pastorella de Guido Cavalcanti, dans la Ballade IV, chante

pareillement et semble aussi énamourée : Cantava corne fosse' namo-rata.

i. Dante a regardé ses poètes; mais la jeune fille ne s'est pointtue durant qu'il se tournait vers eux : elle finissait à peine de parlerqu'elle s'est mise à chanter, achevant ainsi le sens de ce qu'elle venaitde dire. Elle chante comme une femme « énamourée » c'est-à-dired'une voix tendre et vibrante. Et, en vérité, c'est bien l'amour quianime ses accents, à la pensée de la miséricorde de Dieu.

Beati quorum remissae sunt iniquitates : et quorum tecta sunt

peccata. (Psaume de David, xxxi, i.)Ce psaume, un des premiers de la Pénitence, est bien à sa place

ici, car tout à l'heure Dante sera pardonné de toutes ses fautes, etbienheureux dans la vision de Béatrice qui lui apporte déjà le refletdu Paradis.

Beati, quorum remissae sunt iniquitates, et quorum tecta suntpeccata, etc. ; lo quale è uno dei salmi penitenziari, del quale presel'autore de la ditta parte che venia a la sua rima; e viene questosalmo a proposito de la materia : imperb che l'autore era per pas-

Page 249: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

CHANT XXIX

Le Paradis terrestre. Au long des rives du Lé thé. La procès-sion mystique. Triomphe- de l'Eglise.

i Chantant comme une femme énamourée,

après qu'elle eut prononcé ces paroles, elle continua :

Beati, quorum tecta sunt peccata !

4 Et, à la façon des nymphes qui s'en allaient seules

sous l'ombre des bois, désireuses,celle-ci de fuir, celle-là dé voir le soleil,

7 elle se mit alors en chemin, remontant le cours du fleuve;le long de la berge, et moi, de pair avec elle, je marchais,

sare lo flume che tollie la memoria del peccato. (Franc, da Buti.)Dans le fait, l'Alighieri place son voyage mystique en l'an i3oo

qui fut un des « Anni Santi » c'est-à-dire « Jubilaires » célébrés àRome tous les vingt-cinq ans : 1' «Anno Santo », au cours duquel uneindulgence plénière est accordée à tous les pèlerins venus avec foi etdans un esprit d'humble repentir.

Après les Béatitudes du Sermon sur la Montagne, voici cette der-nière Béatitude, prise chez le Psalmiste, et qui semble en devenirici comme la couronne.

4- Mateida, gracieuse et lulélaire comme les nymphes.... Nymphasque sorores,

Ccntum quae silvas, centum quae flumina servant.(Virgile, Géorgiques, IV, 38-2-3.)

Dante se souvient des naïades, nymphes qui gardent les sourceset s'en vont le long des eaux, parles endroits ensoleillés, — et encoredes Oréades, nymphes des montagnes qui recherchent l'ombre desbois.

7. La jeune fille remonte le courant du fleuve. Sur l'autre rive,Dante attentif suit ses pas.

Page 250: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

238 PURGATOIUO. CANTOXXIX.

picciol passo con picciol seguitando.

10 Non eran cento tra i suoi passi e i miei,

quando le ripe igualmente diêr volta

per modo, ch'a levante mi rendei.

i3 Né ancor fu cosi nostra via mol ta,

quando la donna tulta a me si torse,dicendo : « Frate mio, guarda, ed ascolta ! ».

iti Ed ccco un lustro subito trascorse

da tutle parti per la gran foresta,

tal, che di balenar mi mise in forse.

if) Ma, perché il balenar corne vién resta,e quel, durando, piû e piû splendeva,nel mio pensai- dicea : « Che cosa è questa? »

22 Ed una melodia dolce corrcva

per l'aer luminoso ; onde buon zelomi le' riprender l'ardimcnto d'Eva,

9. ... Dextrae se parvus JuinsImplicuit, sequiiurque patrem non passibus aequis.

(Virgile, Enéide, II, 72-4.)Le petit Iule donne la main à son père en le suivant d'un pas non

égal au sien : mais Dante accorde son pas au pas de la jeune fille.16. La clarté miraculeuse des sept candélabres : l'inaltérable éclat

des sept dons du Saint-Esprit.18. Hic primum noya lux oculis effulsit, et ingens

Visus ab Aurora coelum transcurrerc nimbus,Idaeiquc chori.

(Virgile, Enéide, liv. IX, noet suiv.)ai. Voici la célèbre vision Dantesque inspirée par ;la vision

d'E/.échiel et par l'Apocalypse de saint Jean; ,vision pleine d'un Sensmystique et historique, où le Poète contemple d'abord les étapes dela Révélation, puis la fondation de l'Eglise par le Rédempteur, lesluttes de celle-ci sous sa forme militante, et son triomphe. Toute lasubstance de la Foi repasse devant la pensée du Poète dans cet instantoù il revient de ses erreurs ; il en est ébloui et la grande image semblefaire vivre devant lui les Livres Saints, les Prophètes, les Vertusnécessaires, le Char Sacré de l'Eglise. Une figuration de la doublenature du Messie — humaine et divine — parait, conduisant le Char.

Page 251: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

LE PUHGATOtHE. CHANTXXIX. 239

mesurant mes pas sur ses pas délicats.

io Nous n'avions point fait encore cent pas à nous deux,

quand les rives, également, s'infléchirent,en sorte que je me dirigeai vers le Levant.

i3 Et donc point davantage ne s'était prolongé ainsi notre chemin

lorsque la Dame se tourna toute vers moi,disant : — « Mon Frère, regarde et écoute... »

i(i Et voici qu'une clarté soudaine parcourutde tous côtés la grande forêt,telle que je doutai si ce n'était point un éclair.

io Mais parce que l'éclair à peine paru s'efface,et que cette clarté durable resplendissait de plus en plus,

je me disais en ma pensée;— « Qu'est ceci? »

T.I Et une douce mélodie courait

dans l'air lumineux, si bien qu'un zèle sincère

me fit blâmer la hardiesse d'Eve

L'Aigle, qui représente le Pouvoir Impérial, se lient perché surl'Arbre de la science du Bien et du Mal d'où est issue la majesté desa magistrature.

L'histoire vivante, toujours agissante : Cf. les sculptures animéesau ch. x du Purgatoire.

ri. Le chaut des vingt-quatre vieillards.i!\. Le Poète ressent une envie véhémente de reprocher I'IEve sa

faute, car, baigné d'ineffables délices, il ne peut comprendre qu'elle,qui les avait reçues sans avoir, pour les gagner, à livrer de combat,elle se soit résignée si tôt à les perdre pour satisfaire une vaine curio-sité :

... Respondit millier : ...«... De fructu vero ligni, quod est in medio paradisi, praecepit nobis

T)eusne comederemus, et ne tangeremiis illud, no forte moriamur. »Bixit autem serpens ad mulierem : « Nequaquam morte moriemini :

« Scit enim Deus quod in quoeumque die comederetis ex eo, aperien-tur oculi vestri; et eritis sicut dii, scientes bonum et malum. »

Vidit igitur mulier quod bonum esset lignum ad vescendum, et pul-chrum oculis, asoectuque delectabile ; et tulit de fructu illius, et corne-dit, deditque viro suo... (Genèse, ch. m, a-3 et suiv.)

Sans la faute d'Eve, pense le Poète, il aurait joui lui-même de

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240 PUnGATORIO. CANTOxxiX.

a5 che, là dovc ubbidia la terra e il cielo,

femmina, sola, e pur testé formata,non sofferse di star sotto alcun vélo ;

28 sotto il quai se devota fosse stata,avrei quelle ineffabili delizie

sentite prima, e piû lunga fiata.

3i Mentr'io m'andava, tra tante primiziedell'eterno piacer, tutto sospeso,e disioso ancora a piû letizie,

34 dinnanzi a noi, tal, quai un foco acceso

ci si fe' l'aer, sotto i verdi rami;e il dolce suon per canto era già inteso.

i~ O sacrosante Vergini, se fami,

toutes ces merveilles dès le temps de sa naissance et longuemenl,au lieu de n'y être que comme un pèlerin...

S'il en appelle à Eve, c'est que ce fut elle qui écouta le serpentdans le Jardin; Adam ne vint qu'ensuite, et s'il goûta du fruit ce fuide la main d'Eve, en sorte que saint Paul écrira :

Et Adam non est seductus ; millier autem seducta in praevarica-lione fuit (IrcEp. à Timolhée, 11, i4-)

De même, saint Augusliu, saint Thomas d'Aquin, saint Bonaven-lure :

De culpa vero primorum parentum smit haec tenenda :... Scdicet quod millier assentiens tentationi diabolicae, appeiil

scientiam et excellentiam ad modum Dei;Appétit nihilominus experiri suavitatem ligni vetiti, et eamdem

incidit in transgressionem mandati :Nec his contenta, afferendo fructum ligni vetiti, induxit virum, qui

nolens suas delicias contrisiare, mulierem non corripuit, sed potiusconsensam praebuit maie suadenti et oblalum pomum gustando effec-tus est transgressor divini praecepti... (Saint Bonaventure, Brevilo-quii, III, 3.)

26. Eve, faible et toute jeune, seule dans toute la création, osedésobéir.

i7- Le voile : Eve ne connaissait point le goût du fruit défenduet n'en avait point souci jusqu'à ce que le discours du Serpent nefût venu le mettre en valeur à ses yeux. Alors seulement elles'aperçut de son ignorance et voulut en soulever le voile.

In statu primae conditionis hominis, vel angeli, non erat obscuritas

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LE PURGATOIRE. CHANTXXlX. 241

au qui, là où obéissaient et la terre et le ciel,

seule, et femme, et depuis peu d'instants créée,ne put souffrir de demeurer sous le secret d'aucun voile,

9.8 sous ce voile où, si elle y fût restée déférente,

j'aurais, en ces ineffables délices,vécu plus tôt et plus longtemps.

3i Durant que je m'en allais parmi les magnifiques prémicesde l'éternel plaisir, tout ravi,et désirant encore des joies nouvelles,

34 devant nous, semblable à un feu ardent

se fit l'air, sous les verts rameaux ;et le doux son, déjà, se révélait un chant.

3y — Oh! Vierges sacrées et saintes, si la faim,

culpae velpoenae ; inerat tamen intellectui hominis et angeli quaedamobscuritas naturalis... (Saint Th. d'Aquin, Sum. TheoL, II-II, 5-i.)

29. Sospeso égale ici en « grande stupeur ».3'i. Chè lo stupore è uno stordimento d'animo, per grandi e mera-

vigliosecose vedere, 0 udire; oper alcun modo sentire ; che in quantopaiono grandi, fanno reverente a se quello che le sente; in quantopaiono mirabili, fanno voglioso di sapere di quelle quello che lesente. (Dante, Conv. Tratt. IV, cap. xxv.)

33. Dante sait qu'il va voir Béatrice qu'il n'a cessé d'aimer et par lasollicitude de qui il a échappé aux trois bêtes sauvages dans la forêtobscure (Enf., I). Il sait qu'elle lui apportera le reflet de la lumièrecéleste.

35. La clarté se rapproche; il la voit grandir sous les branches,se faire plus ardente, tels certains couchers de soleil enflammés.

36. Les doux sons entendus plus loin s'harmonisent et se rythmenten un chant

3y. Dante invoque les Muses comme ailleurs, déjà. Il les appelleà lui et les nomme « saintes », faisant d'elles comme une personnifi-cation de l'inspiration poétique sous sa forme la plus noble.

De même le Tasse :O Musa, tu che di caduchi alloriNon circondi la fronte in ElicojiaMa su nel cielo infra i beatiHai di stelle immortali aurea çorona...

(lerusalemme liberata, I, n.)LE PUBGATOIRE— II. 16

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242 PURGA.T0RIO. CANTOXXIX.

freddi, o vigilie mai per voi soffersi,

cagion mi sprona ch'io mercé ne chiami.

4o Or convien ch'Elicona per me versi,

ed Urania m'aiuti col suo coro

forti cose a pensar mettere in versi.

43 Poco piû oltre sette alberi d'oro

falsava nel parère il lungo tratto

del mezzo ch'era ancor tra noi e loro ;

46 ma quando fui si presso di lor fatto,che l'obbietto comun, che il senso inganna,non perdea per distanza alcun suo atto,

49 la virtû che a ragion discorso ammanna

38. Oh quanic noiti furono, che gli occhi dell altre persone chiusidormendo si posavano, che li miei îiell' abitacolo del mio amorc

fissamente miravano .'(Dante, Convivio, Trat. III, cap. 1.)chè per affaticare lo viso molto a studio di leggerc, in tanio

débilitai gli spiriti visivi, che le stelle mi parea.no tutte d'alcunoalhore ombrate (Dante, Convivio, Trat. 111, cap. ix.)

40. L'Hélicon : mont de la Grèce, sur les confins de la Phocideet de la Béotie. Il était consacre aux Muses. Là se trouvaient lesfontaines Hippocrène et Aganippc, et c'est de l'Hélicon que des-cendait le fleuve dont les eaux passaient pour inspirer les poètes.

Pandite nunc Helicona, deae, cantusque movete.(Virgile, Enéide, liv. VII, v. 641.)

41. Uranie préside, dans la Mythologie, à la connaissance de toutce qui touche aux astres et à la voûte céleste.

4a. Perb se le mie rime avran difetto,

Di cib si biasmi il dehole intelletto,E'I parlar nostro che non ha valoreT)i ritrar tutto cib che dice amore.

(Dante, Convivio, Canzone del Tratt. III.)33. Les sept candélabres que Dante prend de loin pour des arbres

d'or.Faciès et lucernas septem, et pones eas super candelabrum, ni

luceant ex adverso de aura purissimo. (Exode, xxv, 3^-38. Cf.Nombres, vin, .1-4.)

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LE PURGATOIRE.— CHANTxxix. 240

le froid et les veilles, je les ai pour vous soufferts jamais,l'occasion me presse d'en demander ma récompense.

4o II faut à présent que l'Hélicon me livre ses sources,et qu'Uranie, avec le choeur qu'elle mène, me vienne en aide,afin que je puisse enfermer dans le rythme du vers des choses

[dont le mystère effraie la pensée.

43 Un peu plus loin voici sept arbres d'or,à ce qu'il paraissait dans l'illusion du long espacequi demeurait encore entre eux et nous.

46 Mais, quand je me fus avancé si près d'eux

que l'objetqui affecte plus d'un sens et égare le sentiment

cessait de perdre par l'éloignement aucune de ses qualités,

<J9 la faculté, qui permet à la raison de connaître et de dire,

Et conversas vidi septem candelabra aurea. (Apocalypse de saint.lean, 1, 12.)

El de throno procedebant fulgura, et voces et tonitrua; cl seplemlampades ardentes ante thronum, qui sunt septem spiritus Dei.(Apocalypse, îv, 5.)

Les sept candélabres représentent, dans la pensée de Dante, nonseulement les Sept Dons mais encore l'assistance constante du Saint-Esprit.

Spiritus Domini... spiritus sapientiae, et intellectu; spiritusconsilii, et fortitudinis ; spiritus scientiae, et pietatis. Et replcbitcum spiritus timoris Domini. (Isaïe, cap. ix, -i, 3.)

47. Le sensilis commune des scolastiqucs, l'objet qui peut être perçupar plusieurs sens : la vue et le toucher, la vue cl l'ouïe. Ici, leregard de Dante, trompé par la vive clarté et l'éloignement, avaitpris les candélabres pour des arbres ; de plus près, l'objet se délinit ets offre avec toutes ses qualités, sa forme réelle, son épaisseur, samatière, tel que les mains de Dante pourraient en éprouver lepoids. (Cf. Arislote, De An., II, 6.)

'19. La première démarche de l'intellect, qui consiste à percevoirpar le regard l'objet, démarche inséparable de cette autre qui enporte l'image à la raison où il peut être connu et discuté.

Lp piit bello ramo che dalla radicc razionale consurga si è ladiscrezione. Che siccome dice Tommaso sopra al prologo dell' Etica,conoscere Vordine d'una cosa ad altra, è proprio alto di ragionc; equesta è discrezione. (Conviv., Trat. IV, cap. nu.)

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9.44 PtRGATORIO. CANTOXXIX.

siccom' elli eran candelabri apprese,e nelle voci del cantare ' Osanna

'!

f)2 Di sopra fiammeggiava il bello arnese

piû chiaro assai che luna per sereno

di mezza notte nel suo mezzo mese.

55 Io mi rivolsi d'ammirazion picnoal buon Virgilio ; ed esso mi risposecon vista carca di stupor non meno.

58 Indi rendei l'aspetto all'alte cosc,che si moveano incontro a noi si tardi,che foran vinte da novelle spose.

6i La donna mi sgrido : « Perché pur ardi

si nell'affetto délie vive luci,e ciô che vien diretro a lor non guardi? »

64 Genti vid'io allor, com'a lor duci,

5o. Hosannah : mol hébreu qui veut dire : « Sauve-moi, de grâce,aide-moi ! » et qu'il ne faudrait point confondre avec le « Salve ! » latinqui n'est qu'une forme de salut. Les voix des Vieillards implorent icipour les âmes, comme à l'entrée de Jésus à Jérusalem, lorsque lesJuifs espéraient voir se reformer par Lui le royaume de Sion.

Clamabant, dicentes : « Hosanna filio David, Benedictus quivenit in nomine Domini : hosanna in altissimis ! » (Evang. saint Ma-thieu, xxi, g.)

El qui praeibant, et qui sequebanlur, clamabant, dicentesHosanna. (Evang. saint Marc, xi, g.)

Dante, dans la Vita Nuova, § XXIII, raconte qu'il a vu en songeBéatrice voler au ciel sur une petite nuée infiniment blanche,entourée d'anges qui chantaient \'Hosannah.

e pareami vedere moltitudine di angeli, i quali tornassero insuso ed avesscro dinanzi loro ttna nebuletta bianchissima : e pareamiche questi angeli cantassero gloriosamente ; c le parole del lorocanto mi parea che fossero queste : « Osanna in excelsis »

53. Le Poète, en deux vers, évoque la plus vive clarté lunaire : lalune dans son plein, par une nuit sereine, à minuit, c'est-à-direlorsque les vapeurs qui ont pu s'élever à son aurore se sont dissipées.

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LE PURGATOIRE. CHANTXXIX. 245

m'apprit que c'étaient là des candélabres

et que les voix chantaient : Hosanna !

02 Ces beaux luminaires flamboyaient par en haut

d'une flamme plus claire que la lune dans un ciel serein

de minuit, au temps qu'elle est ronde.

55 Je me retournai, plein d'admiration,vers le bon Virgile, et il me réponditd'un regard chargé d'une stupeur non moindre que la mienne.

58 Puis je reportai les yeux sur les hautes visions

qui s'avançaient à notre rencontre, si lentes

que de nouvelles épousées les eussent gagnées de vitesse,..

6i La Dame me fit reproche : — « Pourquoi ne donnes-tu ta faveur,et si fort, qu'il l'amour de ces vives lumières,et ne regardes-tu point ce qui vient après elles?»

64 Je vis alors des personnages dont elles semblaient être les guides

5j. L'étonné ment de Virgile n'est pas moindre que celui de Dante,car, selon ce qu'il a dit à son disciple au Chant XXYII, v. 129, saraison ne peut ici suffire. De lui-même il ne sait plus rien, il fautconstamment que la Révélation intervienne.

Co. Dans la campagne Toscane, comme aussi sur le littoral deRavenne et dans plusieurs provinces de l'Italie, une vieille coutumedigne et charmante voulait que les jeunes épousées, entourées deleurs compagnes, se rendissent à la maison de leur nouvel époux àpas menus et très lents. Rapprocher de cette image la noble démarcheet l'attitude calme des jeunes femmes sur les fresques et les tableauxdes peintres italiens de Giolto au Ghirlandaio, de Botticelli et Leo-nardo da Vinci à Luini

61. Malelda fait reproche à Dante de ce que son regard s'attacheseulement aux clartés des candélabres d'or. De même au Paradis,Chant XXIII, vers 7 et suiv., Béatrice lui fera le même reprochelorsqu'il tiendra son regard uniquement fixé sur elle, sur son visageilluminé des clartés du ciel, sans chercher à voir autre chose. Partoutnoxis trouverons Dante aimant la lumière de grand amour.

64. Les vingt-quatre vieillards; ils suivent les lumières, confiants)comme on suit un bon guide;

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246 PURGATORIO. CANTOXXIX.

venire appresso, vestite di bianco;e tal candor di qua giammai non fuci,

67 L'acqua splendeva dal sinistro fianco,e rendea a me la mia sinistra costa,s'io riguardava in lei, corne spccchio aneo.

70 Quand'io dalla mia riva ebbi tal posta,ehe solo il fiume mi facea distante,

per veder meglio ai passi diedi sosta ;

^3 e vidi le fiammelle andar davante,lasciando dietro a se l'aer dipinto,e di tratti pennelli avean sembiante ;

05. Vêtus de robes blanches, comme, dans l'Apocalypse de saintJean, ceux qui sont assis sur les trônes :

Et in circuitu sedis sedilia viginti quatuor ; et super thronos vigintiquatuor seniores sedentes, circumamicti vestimentis albis, et in capi-tibus eorum coronae aureae. (Apocalypse saint Jean, iv, 4-)

(ifi. Patriarches et Prophètes représentent ici les vingt-quatrelivres de l'Ancien Testament, tel qu'en établit le compte saint Jérômedans son Prologus Galeatus lorsqu'il écrit :

ac per hoc esse priscae legis libros viginti quatuor : quos suhnuméro viginto quatuor seniorum Apocalypsi Joannis iyiducit ado-rantes Agnum

Ils sont aussi comme les précurseurs, comme ceux qui crurent à laparole de Dieu, attendant sans défaillance le Messie qui leur avaitété promis. Car c'est ici le cortège de la Foi, dont le blanc est lacouleur symbolique. Le blanc dont ils sont revêtus semble au Poèteplus éclatant que tout autre, il n'en peut exister sur terre d'aussiéclatant. C'est que la pureté de leur foi fut immense et que nulleblancheur aussi pure ne peut être vue sur terre où tout est renfermésous le péché originel.

« A vrai dire toutes les choses visibles ne sont que les signes del'invisible Dante reproduit toutes les traditions de l'art chrétien.A Rome, dans les mosaïques de Sainte-Praxède, on voit l'agueau surl'autel, les sept candélabres, les quatre animaux, les vingt-quatrevieillards; au portail de Moissac, les griffons affrontés, le Christ,les quatre animaux, les vieillards. » (Ozanam, Purgatoire, Commen-taire.)

G7. L'eau du ruisseau mystique brille du reflet des cierges. Ellereprésente la grâce de Dieu de qui elle émane directement et ellereçoit toute son efficacité des sept dons de l'Espril-Saint qui sontfigurés par les sept candélabres.

68. Dante qui chemine le long du ruisseau, allant toujours vers sa

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LE PURGATOIRE. CHANTXXIX. 247

venir à leur suite, vêtus de blanc— et une candeur aussi éclatante jamais ne fut ici-bas.

67 Vers la gauche, l'eau brillait,me livrant le reflet de mon flanc gauche,si je regardais en elle, comme l'eût fait un miroir.

70 Lorsque j'eus gagné, sur la rive où j'étais, une position telle

que, seul, le fleuve me faisait distant,

pour mieux voir, je fis trêve de mes pas ;

73 et je vis les flambeaux s'en aller en avant,laissant derrière eux l'air nuancé,comme d'un peintre qui eût laissé traîner ses pinceaux;

droite et sur la même rive, l'a donc à sa gauche et il y voit se réflé-chir son image de ce côté comme en un miroir : dans l'Ecriture, lecôté droit représente le côté des Élus ; le côté privilégié.

Dixit Dominus, Domino mea, sede a dextris meis. (Psaume cix, v. 1.)Inter oves locum praesta.Et ab hoedis me séquestra,Statuens in parte dextra.(Prose pour le jour des Morts, Dies irae.)

Si Dante regarde son image dans l'eau, il s'y voit donc encorechargé de ses erreurs.

Le côté gauche signifie aussi la vie présente alors que le côtédroit symbolise la vie éternelle :

Homélie de saint Grégoire, pape : Quid namque per sinistram, nisivita praesens ; quid vero per dexteram, nisi perpétua vita designatur ?(ïe Leçon du Dimanche de Pâques.)

Or Dante est encore dans la vie présente et n'a point passé le seuiléternel.

y4- noctisque per umbramFlammarion longos a tergo albescere tractus.

(Virgile, Géorgiques, liv. I, vers 366-3^^.)Nocturnasque faces coeli sublime volantisNonne vides longos flammarum ducere tractus ?

(Lucrèce, De Nat. lier., II, 207.)Les flambeaux laissent après eux dans l'air un sillage, comme

parfois les étoiles filantes, une traînée de lumière colorée, pareilleà de longs oriflammes tendus en arrière. « Pennelli, pennoncelli »en langage de mer, ce sont les flammes qu'arborent à leur mât lesnavires de guerre. L'image est vraie car le vent marin fait souventse tendre horizontalement les flammes placées en haut des mâts.

Le «pennon », en France, fut au Moyen âge l'étroit étendard auxcouleurs de l'écu que chaque chevalier portail au haut de sa lance

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248 Pi'KG.vronio. —- CÂNTOXXIX.

76 si che li sopra rimanea distinto

di sette liste, tutte in quei colori

onde fa l'arco il sole, e Délia il cinto.

79 Questi ostendali dietro eran maggioriche la mia vista; e, quanto al mio avviso,dieci passi distavan quei di fuori.

8a Sotto cosi bel ciel, eom'io diviso,

ventiquatt.ro seniori a due a duc

coronati venian di fiordaliso.

lorsqu'il entrait en lice dans les tournois. Ici encore le mou ementdii galop des chevaux faisait se tendre droit en arrière la soie légère.De là, aussi, l'image de Dante.

77. Le sillage lumineux des candélabres se compose des septcouleurs de l'arc-en-ciel : encore le symbole des sept dons del'Esprit Saint; c'est ici l'Effet de ces dons qui régnera sur tout lecortège de la Foi et, par delà, jusqu'au « siècle éternel » si loindans la durée que l'oeil de Dante n'en voit point le terme. Les septdons de l'Esprit Saint : Sagesse, Intelligence, Conseil, Force, Science,Piété et Crainte de Dieu.

Per via teologica si pub dire, che poichè la somma deità, cioèIddio, vede apparecchiata la sua creatura a ricevere del suo benefîcio,tanto largamente in quella ne mette, quanto apparecchiata è ariceverne. E perocchè da ineffabile carità vengono questi doni, e ladivina carita sia appropiala allô Spirito Santo, quindi è che chia-mati sono doni di Spii-ito Santo, h quali, secondochè li distingueIsaia profeta, sono sette, cioè : sapienza, intelletto, consiglio,fortezza, scienza, pietà e timor di Dio. Oh huone biade ! e huona emirabile sementa... ! (Dante, Convivio, Tratt. IV, cap. xxi.)

78. Velut aspectum arcus cum fuerit in nube, in diae pluviae.(Ezechiel, 1, Ï8.)

Le soleil forme les couleurs de l'arc-en-ciel en réfléchissant sesrayons dans les nuées lorsqu'elles sont saturées de pluie; et Délia,la lune — que Dante appelle ici de ce nom à cause de Diane quinaquit à Delos et dont elle fut l'image dans l'antiquité — forme demême avec les vapeurs humides le halo dont il arrive qu'elles'entoure, surtout par des nuits chaudes.

79. Si les étendards lumineux, formés par le sillage des cierges,s'en vont plus loin que ne peut atteindre la vue du Poète, c'est queles dons de l'Esprit-Saint illuminent l'Eglise à des profondeurs

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LE PURGATOIRE. CHANTXXIX. 249

76 en sorte qu'en haut demeuraient distinctement

sept banderoles, colorées toutes de ces couleurs

dont le soleil fait son arc et Délia sa ceinture.

70, Ces oriflammes s'étendaient en arrière, plus loin

que ma vue, et, autant que j'en pouvais juger,les deux qui formaient les extrémités se trouvaient éloignées de

[dix pas l'une de l'autre.

8a Sous ce ciel si beau que je viens de dire,

vingt-quatre Vieillards, deux par deux,s'en venaient, couronnés de fleurs de lis.

insondables; et l'illumineront ainsi jusqu'à la fin des temps, jusqu'audernier jour :

De die autem Ma et hora nemo scit, neque Angeli coelorum, nisisolus Pater. (Ev. saint Mathieu, xxiv, '±6.)

Ostendali : les étendards :Ostendalia enim appellantur in mundo signa imperatoris, quac

ostenduntur quando vadit in expeditionem, et ista sunt signa summiimperatoris qui veniebat cum suo exercitu. (Benv. de Imola.)

81. Entre les traits lumineux qui forment le bord des étendards,la distance semble de dix pas. Ces dix pas ont paru à beaucoup decommentateurs les dix commandements de Dieu sous lesquels soutrenfermés les dons du Saint-Esprit, car ne peut en ressentir lesbienfaits que l'âme on état de grâce; toutefois, pour d'autres, etc'est vers cette opinion que j'incline, ces dix pas signifient la perfec-tion accomplie des dons de l'Esprit Saint : le X étant un nombreparfait en lui-même, c'est-à-dire contenant en lui tous ceux qui leprécèdent et dont tous ceux qui le suivent ne peuvent en aucunefaçon se passer.

... conciossiacosachè dal dieci in su non si vada se non esso diecialtèrando cogli altri nove, e con se stesso ;... (Dante, Convivio. Tratt.II, cap. xv.)

82. « Sous le ciel si beau... ». Sous la clarté des étendards mysti-ques.

84. Les Vieillards sont couronnés de fleurs de lys. Encore unsymbole de la pureté de leur foi, mais en même temps celui de lamajesté royale. La fleur de lys, qui est celle de la couronne deSaint-Louis, celle du royaume de France qui tint la suzeraineté detout le moyen âge, devient à1cause de cela même le signe nécessaireinvoqué sur toute royauté. C'est ainsi que Dante la pose au front deceux qui régnèrent, dans l'attente du Messie, sur le peuple que Dieus'était choisi.

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2D0 PURG.VTOJUO. CA.NTOXXIX.

85 Tutti cantavan : « Benedetta tue

nelle figlie d'Adamo, e benedette

sieno in eterno le bellezze tue! ».

88 Poscia che i fiori e Paître fresche erbette,a rimpetto di me dall'altra sponda,libère fur da quelle genti dette,

91 si corne luce luce in ciel seconda,vennero appresso lor quattro animali,

85. La Salutation Angélique. Rien de plus touchant que d'entendrele vénérable cortège de ceux qui se transmirent l'un à l'autre,jusqu'à la venue du Christ, le flambeau de leur croyance en Lui.chanter à la louange de Marie, — la jeune Vierge née de la Maisonde David et en qui devait s'incarner le Sauveur du Monde, — les

paroles mêmes de l'Archange Gabriel, le jour de l'Annonciation :... Et ingressus Angélus ad eam dixit : Ave, gratia plena ; Dominus

tecum; Benedieta tu in mulieribus.Puis celles de sainte Elisabeth sur la montagne, lorsqu'elle salua

Marie qui la venait visiter :... Elisabeth... exclamavit voce magna, et dixit : Benedieta tu

inter mulieres... (Ev. saint Luc, 1, 28, 41-4^-)Mais le Poète, fidèle serviteur de la Sainte Vierge et pieusement

épris de toutes ses grâces, ajoute ici aux précédentes salutationsl'éloge de ses divines beautés : merveilleuses perfections spirituelleset corporelles qui, de toute éternité, la firent aimer de Dieu et choisirpar Lui pour être celle de qui son Verbe devait naître sur terre, laCréature privilégiée sur qui ne pouvait, fut-ce un instant, reposerle péché originel.

Totapulchra es, Maria, et macula originalis non est in te. (Antiennea la Vierge.)

88. Les fleurs et les herbes courbées sous les pas des vieillardsvêtus de blanc; sans doute aussi prisonnières de leurs robes véné-rables ou des pans de leurs manteaux. Plus tard Pétrarque reprendrala même idée lorsqu'il se souviendra do Laura, debout, appuyée àun arbre, dans le pré au bord des eaux fraîches :

Erba e fior, che la gonnaLeggiadra ricoverse...

(Canzone XI, in Vita di M. Laura.)91. Afin de marquer l'ordre parfait avec lequel procédait le

cortège, Dante ne pouvait mieux faire que d'en chercher l'imagedans le mouvement des astres. C'est ainsi qu'il nous dit : « Telleune étoile au ciel suit une étoile »

9'j. Cf. La vision du prophète Ezéchiel : les quatre animaux qu'ilvoit auprès du fleuve du Kebhaar :

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LE PURGATOIRE. CHANTXXIX. 2^1

83 Tous chantaient : — « Bénie sois-tu,entre toutes les filles d'Adam, et bénies

soient éternellement tes beautés ! »

88 Lorsque les fleurs et les autres fraîches herbes,en face de moi, sur l'autre bergefurent [redevenues libres du passage de ces élus,

cji de même qu'un astre dans le ciel à un astre succède,

après ceux-ci vinrent quatre animaux,

Et in medio ejus similitudo quatuor animalium : et hic aspectuseorum, similitudo hominis in eis.

Quatuor faciès uni, et quatuorpennae uni. (Ezéchiel, i, 5-6; id., x,i'i-ao.)

Mais les animaux du Poète n'ont qu'une seule face et six ailescomme les quatres animaux de l'Apocalypse de saint Jean (Y.Apocalypse, iv, 6-8.)

Les quatre animaux représentent ici les quatre Evangiles —non pasles quatre Evangélistes mais les quatre Evangiles — : ordinairementcelui de saint Jean est représenté par un aigle, celui de saint Lucpar un boeuf, celui de saint Marc par un lion et celui de saint Mathieupar un animal à face humaine. L'éternelle verdure dont ils sont couron-nés est celle du laurier qui jamais ne varie et symbolise ici l'infiniedurée et l'inaltérabilité de la foi chrétienne et de la doctrine de Jésus.

Leurs ailes signifient la protection tutélaire des lois venues deDieu à l'ombre desquelles les âmes fidèles goûtent la sécurité.

... Et in velamento alarum tuarum exultabo. (Psaume XLII, V. 8.Sub timbra alarum tuarum protège me. (Graduel de la Messe du

xedimanche ap. la Pentecôte. Ps. xvi, g.)Or il n'y avait que quatre lois du temps du prophète Ezéchiel : la

loi naturelle, la loi morale, la loi mosaïque et la loi prophétique. Delà, quatre ailes seulement aux animaux Symboliques. Dans l'Apoca-lypse, comme ici, il y en a six, car aux lois précédentes sont venuesse joindre la loi évangélique et la loi apostolique ou de l'Eglise.

Ces ailes ocellées ne laissent rien passer d'inaperçu : elles sontvigilantes, et là est le sens des yeux dont elles sont recouvertes.Certains commentateurs anciens et modernes pensent que ces ailessignifient la rapidité miraculeuse avec laquelle l'Evangile fut annoncépar toute la terre Cf. la promptitude, la puissance des ailes desanges messagers du Seigneur :

... Angeli... potentes virtute, qui facitis verbum ejus, ad audiendams'ocem sermonum ejus. (Extrait de la Messe pour le jour de l'appari-tion de saint Michel.)

D'autres commentateurs croient que, divisées en trois paires, cesailes marquent le rappel des temps : le passé, le présent et l'avenir,ou encore la hauteur du vol évangélique.

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25a PURGATORIO. CANTOXXIX.

coronati ciascuii di verde fronda.

g4 Ognuno era pennuto di sei ali,le penne piene d'occhi; e gli occhi d'Argo,se fossel vivi, sarébber eotali.

97 A descriver lor forme piû non spargorime, lettor; ch'altra spesa mi strignctanto, che a questa non posso esser largo.

ioo Ma leggi Ezeehiel, che li dipignecorne li vide dalla fredda partevenir con vento, con nube e côn igné;

io3 e quai li troverai nélle sue carte,tali eran quivi, salvo ch'alle penneGiovanni è meco, e da lui si diparte,

106 Lo spazio dentro a lor quattro contenne

un carro, in su due ruote, trionfale,

g5. ... stantibus coram quatuor ànimalibus, oculatis et rétro, et ante,idest in praeteritum et in futurum respicientibus... (Saint Jérôme,Prologus Galeatus.)

96. Jupiter ayant aimé la nymphe lo, fille du fleuve Inachus, dansles bois de Lyrcée et contraint de la changer promptement en unegénisse blanche pour la soustraire aux fureurs jalouses dé Junon,celle-ci, à qui la beauté de la génisse laissait des soupçons, la confiaà la garde d'Argus fils d'Arestor, monstre dont cent yeux couronnaientla tête. Mais le maître des dieux, touché des gémissements de lanymphe douloureuse, envoie Mercure à son secours et celui-ci,déguisé en berger, portant son caducée en guise de houlette, vaguidant ses chèvres et jouant de la flûte vers les pâturages où lemonstre garde la génisse blanche ; aussitôt Argus, charmé, faitasseoir auprès de lui le jeune berger et lui demande l'histoire decet instrument nouveau dont il joue. Alors Mercure endort tous sesyeux en lui contant longuement l'histoire de la naïade Syrinx, puisle tue et délivre ainsi lo qui reprend sa forme première, ne gardantde la génisse que son aimable blancheur.

.-.. vultus capit Ma priores :Fitque quod ante fuit;De bave nil superest formae nisi candor in Ma.

(Ovide, Met., liv. I, vm, 758 et suiv.)De même que les yeux d'Argus dans la fable, ceux qui ornent les

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LE PURGATOIRE.— CHANTXXIX. 233

couronnés chacun de vert feuillage.

g4 Chacun d'eux était empenné de six ailes

dont lesplumes étaient toutes couvertes d'yeux ;etlesyeuxd'Àrgus,s'ils vivaient encore, leur seraient en tout semblables.

97 Pour décrire leur forme, point davantage je ne prodigueraimes rimes, lecteur, car une autre dépense me pressesi fort que je ne puis pour celle-ci faire largesse.

ioo Mais lis Ezéchiel qui les dépeint,tels qu'il les vit des froides régionsvenir avec le vent, les nuées et le feu ;

io3 et, comme tu les trouveras en son livre,

pareils ils étaient ici, sauf pour ce qui est des ailes

où Jean est avec moi et se sépare de lui.

106 L'espace qu'ils laissaient entre eux quatre contenait

un char triomphal, à deux roues,

ailes des quatre animaux sont en continuelle vigilance. Mais lesyeux d'Argus sont fermés par la mort et ne furent même jamaisvivants : telle la fable éphémère et non agissante, alors que l'Evan-gile durable conduit les âmes à l'éternité.

ioo. Ezéchiel :Et vidi, et ecce ventus tuvbinis veniebat ab aquilone : et nubcs magna,

et ignis involvens, et splendor in circuitu ejus : et de medio ejusquasi species electri, id est, de medio ignis :

Et in medio ejus similitude quatuor animalium... (Ezéchiel, chap.i, 4-5.)

loi. Du côté de l'aquilon.107. Le char de l'Eglise catholique, apostolique et romaine.Ses deux roues semblent le rappel des roues de pierre précieuse

qui accompagnent les quatre animaux dans la vision d'Ezéchiel.... Apparuit rota una super terrant juxta animalia...... Et aspeclus rotarum, et opus earum, quasi visio maris... (Ezé-

chiel, 1, I5-I6.)Les deux roues du Char peuvent signifier bien des choses :

d'abord l'Ancien et le Nouveau Testament sur lesquels est édifiée1Eglise ; puis les deux ordres de son clergé qui l'un et l'autre lasoutiennent : ordre régulier et ordre séculier, le premier plus parti-culièrement contemplatif, d'où il symbolise ici la Vie Mystique sinécessaire à la marche surnaturelle de l'Eglise; le second consacré à

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9.54 FtillGÀTOIliO. CÀNTOiXIX.

ch'al collo d'un Grifon tirato venne.

109 Ed esso tendea su l'una e l'altr'alc

tra la mezzana e le tre e tre liste,

si ch'a nulla, fendendo, facea maie.

112 Tanto salivan, che non eran viste.

Le membra d'oro avea quanto era uccello,e bianche l'altre, di vermiglio miste.

la Vie Active, formerait encore le symbole de celle-ci en ce qu'elle ade plus saint, c'est-à-dire la célébration de l'Office divin pour lepeuple, l'administration des sacrements, les secours spirituels ettemporels portés aux pauvres et aux mourants, l'instruction reli-gieuse, tout ce qui concerne la sauvegarde des fidèles « qui ont suivila barque de Pierre. » Elles peuvent encore signifier les deux Eglisesgrecque et latine réunies sous le pontificat unique du Pape ; alors leChar serait surtout la figure du Saint Siège apostolique.

Dans l'Ecriture nous retrouvons le Char de Dieu :Currus Dei décent millibus multiplex, millialaetantium... (Psaume

LXVII,v. 18.)Puis le Char de feu où le prophète Elie est enlevé au Ciel :... ecce currus igneus, et equi ignei... et ascendit Elias per turlii-

nem in coelum... (IVe Livre des Rois, 11,11.)108. Le Griffon représente — dans l'image du Poète •—le Christ

fondateur de l'Eglise. Le Griffon mène le Char par l'effort de soncou, de même que Jésus reconquit le Ciel pour nous, en portant saCroix sur ses épaules, et donna à l'Eglise, par son sacrifice, l'im-pulsion d'où elle a pris son essor, essor qui ne se ralentira pointet conduira sa marche triomphale jusqu'à la fin des temps. Le Poèteva nous dire que le Griffon d'or est à la fois aigle et lion, ses deuxnatures se confondent en une seule à la hauteur du coeur : ainsi, lePoète, sous le voile déférent de l'image, évoque le mystère ineffabledes deux natures de l'Homme-Dieu : nature divine, nature humaine,parfaitement unies dans la personne du Verbe divin fait chair.

109. Des ailes :

Scapulis suis obumbrabit tibi : et sub pennis ejus sperabis.(Psaume xc, v. 4.)

110. Les ailes du Griffon sont tendues en l'air, cl vont si hautque l'oeil ne peut les suivre. Elles traversent, en s'élevant, lesétendards colorés à l'endroit de la quatrième couleur du prismequi est le vert, symbole de l'espérance. En même temps, cette qua-trième banderole symbolise le quatrième don de l'Esprit Saint qui

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LE PURGATOIRE. CHANTXXIX. 200

qui s'avançait, attelé au cou d'un Griffon;

109 et ce Griffon tendait en haut l'une et l'autre de ses ailes

entre la banderole médiane et les autres qu'il avait trois par trois

[de chaque côté,en sorte que, n'en fendant aucune, il ne portait nul dommage.

112 Si haut elles s'élevaient qu'on les perdait de vue ;ses membres, en tout ce qu'il avait de l'oiseau, étaient d'or,et blancs étaient les autres, mêlés de vermillon.

est le don de Force, lequel contient en soi la constance, le zèle etla fermeté :

Lo quarto dono si è di fortitudine, il qualc s oppone ail' accidia.(Anonimo Fiorentino.)

Les ailes du Griffon signifient l'amour transcendant de Jésus pourl'homme; de même que les ailes, l'Amour du Christ pour nouss'élève de terre et monte au Ciel où il va s'épanouir dans l'Infini quel'oeil humain ne peut connaître.

Oblatus est quia ipse voluit. (Isaïe.)m. Le choix de la quatrième banderole, aux deux côtés de

laquelle s'exaltent les ailes, signifie que toute l'espérance de l'âmeest fondée sur l'amour de Jésus et que ce même Amour accueille,soutient et comprend en lui le don de Force.

IIÏ. Jésus est en même temps sur terre et dans le ciel où leregard mortel ne peut atteindre.

Et nemo ascendit in coelum, nisi qui descendit de coelo, Filiushominis, qui est in coelo. (Ev. saint Jean, ni, i3.)

113. L'or — qui forme toute la partie supérieure du Griffon, latête, le cou et les ailes — signifie la perfection divine. Toute cettepartie a la forme de l'aigle, l'oiseau royal, celui dont le vol planele plus haut. Le reste du corps, les pieds qui le portent sur le solmarquent la nature humaine ; cette partie est en forme de lion, elleapparaît d'une blancheur éclatante teintée de rouge, comme le Bien-Aimé du Cantique des Cantiques. Et le rouge signifie le sang quicoula pour la rédemption des âmes pendant la Passion.

Le blanc signifie l'insigne pureté :Asperges me hysopo et mundabor, lavabis me et super nivem

dealhabor. (Psaume L, Miserere, v. 8.)... Ilpone bianco et misto col rosso a discrivere l'umanità, che poi

fh tinta di vermiglio col sangue cli egli sparse nella sua passione.(Anonimo Fiorentino.)

114- Le Bien-Aimé du Cantique des Cantiques :nilectus meus candidus et rubicundus, electus ex millibus.Caput ejus aitrum optimum .-... (Cant. des Cant., V, 10-11.)

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256 PURGATORIO. CANTOXXIX.

115 Non che Roma di carro cosi bello

rallegrasse AfFricano, ovvero Àugusto ;ma quel del Sol saria pover con ello;

118 quel del Sol, che sviando fu combusto,

per l'orazione délia Terra devota,

quando fu Giove arcanamente giusto.

121 Tre donne in giro, dalla destra rota,venian danzando : l'una tanto rossa,ch'a pena fora dentro al fuoco nota ;

124 l'altr'era, corne se le carni e l'ossa

fossero state di smeraldo fatte ;la terza parea neve testé mossa :

11S. Publius Scipion l'Africain, après avoir vaincu Annibal, neréjouit point Rome avec un char aussi beau lors de son triomphe,non plus qu'Octave Auguste lorsqu'il y passa à la tête de ses troischars :

Curules triumphos très egit, Dalmatieum, Actiacum, Alexandri-num ; continuo triduo omnes. (Suétone, Vit. Aug-, XXII.)

At Caesar triplici invectus Romana triumpho,Moenia, Dis Italis votum immortale sacrabat.

(Yirgile, Enéide, liv. VIII, v. 714-15.)118. Le char du Soleil, lorsque le téméraire Phaéton l'égara

si près de la terre qu'il se vit lui-même gagné par le feu.... nec tantos sustinet aestus :

Ferventesque auras, velut e fornace profunda,Ore trahit, currusque suos candescere sentit.

(Ovide, Met., liv. II, v. aa8 et suiv.Cf. Enf., XVII, 106; Purgat., IV, 72.)

119. Alors la Terre supplia pieusement le Maître des dieux etcelui-ci, balançant son tonnerre, le lança contre l'imprudent.

...Et dextra libratum. fulmen ah aure-Misit in aurigam

Sparsaque sunt late laceri vestigia currus.(Ovide, Met., liv. II, v. 3u et suiv.)

Le « mystère » de la justice de Jupiter dans le mythe est expli-qué de différentes façons : Dante a-t-il le souci de faire une remon-trance au Souverain Pontife qui, dans ce temps, semblait s'arrogertrop de droits temporels au détriment de ses droits et de ses devoirsspirituels, tel Phaéton usurpant un rôle qui n'était point fait pourlui? (D'après G. Federzoni. Gom. à la D. G.)

Ou est-ce pour marquer que la justice de Dieu, dépassant la

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LE P-ÙRGATOIUË. CHAXTXXIX. 20^

no Non seulement.ee n'est point d'un char si beau que Rome

lut réjouie par Scipion l'Africain ou même Auguste,mais le char même du Soleil serait pauvre au regard de celui-ci,

118 le char du Soleil, qui, s'écartant de sa route, lut brûlé par la

à la supplication de la Terre pieuse, [foudre,

quand Jupiter fut juste en son mystérieux jugement.

121 Trois femmes, formant la ronde auprès de la roue droite,s'en venaient, dansant; l'une si rouge

qu'à peine aurait-on pu la distinguer dans l'ardeur d'un feu ;

u4 l'autre était comme si ses chairs et ses os

eussent été faits d'émeraude;la troisième ressemblait à de la neige nouvellement tombée.

durée et les hommes, peut punir dans le fils l'erreur du père sanscesser de demeurer équitable:

1 Phaéton ne ful-il pas victime de lacoupable condescendance de Phébus son père ?

Cià è quelli giudizii di Dio vengono segreti, et in taie modo chegli uomini non possono riparave. (An. Fiorentino.)

Le P. B. Lombardi pense simplement qu'il y a là un exemplepour les présomptueux :

... secondo la segretezza e profondità del suo consiglio, chiosanod'accordo il Volpi, e il Venturi. A me piacerebbe di spiegare arca-namente per misteriosamenle o sia per significativamente ; a dino-tare che Giovc con taie gastigo voile significato a' mortali il dannoche arreca la presunxione. (P. B. Lombardi, Com.)

121. Les trois vertus théologales : la Foi, l'Espérance et laCharité. Elles forment une ronde hiératique près de la roue droitedu Char — comme fleurissant en leur plus parfaite expression dansla Vie Contemplative, puisqu'elles ont Dieu seul pour objet.

122. La Charité, c'est-à-dire l'Amour allant à Dieu, son BienVéritable, et se répandant par Lui et en Lui sur les créatures. Lerouge est dans le langage mystique des couleurs, si observé auMoyen âge, le symbole de l'Amour.

123. Nul feu plus ardent que celui d'un amour sincère.I2S. Le vert symbolise l'Espérance — parce que chaque année

fidèlement le printemps fait reverdir la nature, les branches desarbres qui semblaient mortes, les champs et les prés qui semblaientà jamais désolés.

liG. Le blanc symbolise la Foi : la Foi ne souffre pas d'ombres :elle est infiniment pure, et veut baigner dans la clarté.

L'image de la neige nouvellement tombée : de même que ses flo-cons descendent du ciel, de même la Foi est un don de Dieu.

LE PURGATOIRE. II. 17

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2.)8 PUKGATOIUO. CANTOXXIX.

127 ed or parevan dalla bianca tratte,or dalla rossa ; e dal canto di questal'altre togliean l'andare e tarde e ralte.

13o Dalla sinistra quattro facean festa

in porpora vestite, dietro al modo

d'una di lor ch'avca tre occhi in testa.

127. Déjà les Anciens revêtaient de blanc la Fidélité :... albo rara Fides.,.Velata panno...

(Horace, Odes, I, xxxv, 21-12.)128. C'est tantôt la jeune fille en blanc — la Foi — qui mène la

danse, tantôt la jeune fille en rouge — la Charité— car l'Espérancene peut aller sans la Foi et l'Amour, et il faut nécessairement qu'ellesoit guidée par ses deux compagnes. Si le rythme se fait parfoisplus pressé, parfois plus lent, c'est à l'imitation de ce qui se passedans l'Ame lorsqu'elle sent plus ou moins de ferveur.

1:29. Mais c'est la Charité qui rythme la danse par son chant,comme étant la plus parfaite, celle qui anime les autres « celle quidemeure ».

Saint Paul aux Corinthiens :.S'i linguis hominum loquar, et angelorum, charitatem aiitern non

habeam, factus suni velut aes sonans, aut cymbalum tinniens...Charitas... omnia, crédit, omnia spevat... Charitas numquam exci-

dit; sive prophetiae evacuabuntur, sive linguae cessabunt, sivescientia destruetur.

Nunc autem manent Fides, Spes, Charitas, tria haec, Major au-tem horum est charitas. (Ir0 Epilre, xm, v. 1, 7, 8, i3.)

La Foi ne sera plus nécessaire aux âmes comblées de la Visionbéalifique. L'Espérance n'aura plus lieu d'être, lorsque le désir serapleinement satisfait, lorsque le bonheur de l'âme élue n'aura nullealtération à craindre et ne connaîtra plus de limites dans l'instantéternel.

Sur l'excellence de la Charité : Saint Paul aux Ephésicns :Scire etiam supereminentem scientiae charitatem Christi, ut im-

pleamini in oninem plenitudincm I)ei. (Ch. m, 19.)La première Epîlre de saint Jean :... Charitas ex Deo est. Et omnis qui diligit, ex Deo natus est, et

cognoscit Veum.Qui non diligit, non novit Deum ,•quoniam Deus charitas est.... Deus charitas est; et qui manet in charitatc, in Deo manet,

et Deus in eo. (Chap. iv, v. 7-8, 16.)Saint Thomas d'Aquin :... Charitas est mater omnium virtutum et radix, in quantum est

omnium virtutum forma. (Sum. Theol-, I-II, LXII,/j.)A la question LXV, 4, saint Thomas cite saint Augustin : « Nullus

crédit nisi volons », et il écrit : Sed charitas est in voluntatc, sicut

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LE PURGATOIRE. CHANTXXIX. 2i}p,

\v. Et tantôt elles paraissaient menées par la blanche

tantôt par la rouge— et sur le chant de celle-ci

les autres empruntaient le rythme de leur marche, lente parfois,

[parfois rapide.i3o A la roue gauche, quatre autres faisaient fête,

vêtues de pourpre, réglant leur jeusur l'une d'elles dont la tête portait trois yeux.

perfectio ejus .., Ergo fides non potest esse sine charitate... Demême pour 1Espérance : « Spes sine amore esse non potest. »Âmor autem est charitas;... Ergo spes non potest esse sine cha-ritate.

i3o. Quatre autres jeunes femmes dansent près de la roue droitedu Char. Ce sont les vertus principales ou cardinales : Prudence,Justice, Tempérance et Force. Mais la Prudence est la plus élevéeen dignité. (V. saint Th. d'Aquin, Sum. Theol., I-II, LXI, I.)

I3I . Leurs robes de pourpre signifient leur noblesse (en héraldi-que, la pourpre, couleur royale), et encore qu'elles sont informéespar la Charité de qui cette couleur est l'emblème. (Voir saint Th.d'Aquin, Sum!. Theol., I-II, LXV,Ï-3.)

i3a. C'est la Prudence qui, n'ayant à faire qu'à la raison, est con-sidérée comme la plus noble de qui les autres dépendent, à quielles doivent obéir. (V. saint Th. d'Aquin, Sum. Theol., I-II, LXV,a.)

Si elle a trois yeux au front, c'est qu'elle doit se souvenir deschoses passées pour bien ordonner les choses présentes et prévoirles choses futures qu'elle doit préparer :

... imde est una sola virtus in eis dirigens, scilicet prudentia.(Saint Th. d'Aquin, Sum Theol., I-II, LX,I.)

Sur la Prudence guidant le choeur des vertus principales et desautres vertus pour le bonheur de la vie, Dante écrit au Convivio :

Bene si porte prudenza, cioè senno, per molti essere morale vertu ;ma Aristotile dinumera quella intra le intellettuali, avvegnachè essasia conducitrice délie morali vertu, e mostri la via per che elle sicompongono e sanza quella essere non possono. Veramente è dasapere che noi potemo avère in questa vita due félicita, secondo duediversi cammini buoni e ottinii che a cib ne menano : l'una è ta vitaattiva, e l'altra lo contemplativa... (Convivio, Trait. IV, cap. xvn.)

Conviensi adunque essere prudente, cioè savio : e a cib essere sirichiede buona memoria délie vedute cose, e buona conoscenza déliepresenli, e buona provvedenza délie future.

... Se ben si mira, dalla prudenzia vengono i buoni consigli, iquali conducono se ed altri a buon fine nellc umane cose e opera-zioni. (Dante, Conviv-, Trait. IV, cap. xxvn.)

Une ballade de Malteo Frescobaldi chanle la Prudence aux li-oinregards :

Prudenza fale che sia voslra guida,Che con tre occhi tre tempi governa.

(Rime del sec. XIV. Giosuè Carducci.)

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a6o PURGATORIO. CAKTOXXIX.

133 Appresso tutto il pertrallato nodo,vidi due vecchi in abito dispari,ma pari in atto ed onesto e sodo.

136 L'un si mostrava alcun de' famigliaridi quel sommo Ippocràte, che natura

agli animali fe' ch'ell'ha piû cari ;

i3t) mostrava l'allro la contraria cura,con una spada lucicla cd acula,tal, che di qua daî rio mi fe' paura.

i33. Il nodo, le noeud : les ligures de la danse où se mêlent et s'en-lacent les jeunes femmes : le lien qui unit les vertus entre ellesselon qu'elles sont appelées chacune à leur tour à agir selon lesrègles de la prudence, au cours des circonstances de la vie.

i34. Ces deux vieillards — vêtus de blanc l'un et l'autre comme lespremiers, mais différant toutefois par la forme de leur vêtement, —personnilient les Actes des Apôtres et les Epîtres de saint Paul : ilsviennent ici après les quatre Evangiles, tenant leur place dans le cor-tège de la Foi comme dans le Temps.

A l'époque de Dante, souvent l'habit indiquait la profession ou lerang dans l'ordre social.

i36. C'est saint Luc qui écrivit les Actes : il fut médecin; c'estainsi que le Poète joint à la représentation des Actes le symbole deleur auteur en ce vieillard qui paraît tel un disciple d'Hippocrate, ouHippocrate lui-même : Hippocrate pratiqua les vertus morales. Parsa longue étude attentive, et comme inspirée, de l'homme, il eudevint le bienfaiteur.

137. Hippocrate : le célèbre médecin grec fondateur de la sciencemédicale, né dans l'île de Cos l'an 460 avant Jésus-Christ; il vécutplus de cent ans; il écrivit des livres qui restent admirables, ses« Aphorismes » sont pleins de vraies connaissances pratiques, enmême temps que d'une philosophie très élevée : c'est pourquoi Danteprend soin de le rappeler à propos de saint Luc.

Il l'a rencontré dans les Limbes où les âmes des Justes de la Gen-tilité, selon sa fiction poétique, sont « en suspens »; et le fait del'évoquer encore ici confirme ce que nous avons déjà dit de l'opinionde Dante, concernant le salut des Justes de la Gentilité. (Cf. Purg., I,3I; IV, 36, 37.)

Aperiens autem Petrus os suum dixit : « In veritate comperi, quianon est personarum acceptor Deus. Sed in omni gente, qui timet Ëumet operatur justitiam acceptas est illi. »... Quia et innationes gratiaSpiritus Sancti effusa est. (Actes des Apôtres, x, 35, 36, 45.)

Les Actes marchent du même pas que les Epîtres de saint Paul :c'est parce que le Poète se souvient que saint Luc fut souvent lefidèle compagnon de saint Paul :

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LE PURGATOIRE. CHANTXXIX. 261

]?i?> A la suite des groupes entrelacés que je viens de décrire,

je vis deux hommes âgés, à l'habit dissemblable,

mais pareils en leur attitude digne et forme.

l'ili L'un d'eux paraissait être un disciplede ce grand Hippocrate que Nature

Ht en faveur de l'être animé qui lui est le plus cher.

i3i) L'autre laissait voir un souci contraire,

ayant en niain une épée luisante et acérée

telle que, de ce côté de la rivière, elle me fît peur.

Lucas est mecum soins. (Saint Paul, IIe Ep. à Timothéc, iv, 11.)Salutat vos Lucas, medicus charissimus... (Saint Paul, Ep. aux

Colossiens, îv, i/j.)138. Pour l'homme : « Nature fit » le merveilleux génie d'Hippo-

crate; qui trouva l'art de soigner el de guérir, l'art humain parexcellence.

Ciascuno e certo che la natura umana è pevfettissima di tutte lealtre nature di quaggiù : e questo mitlo niega , e Aristotilc l'afferma,ijuando dice nel ditodecimo « degli Animali » che l'uomo è perfettis-simo di tutti gli animali. [Convivio, Trait. II, cap. 11.)

Onde l'anima umana, ch' è forma nobilissima di queste che sottoil cielo sono generate, più riceve délia natura divina, che alcun'altra. (Convivio, Trait. III, cap. 11.)

13g. L'autre vieillard symbolise les Epîtres de saint Paul. Il vaavec l'épée nue en main, tel qu'on représente souvent saint Paul lui-même, car son éloquence et ses écrits furent à la fois forts, aigus elbrillants comme une lame d'épée ; de même' enlrait-il dans les coeurscomme y entre l'épée bien affilée.

Et galeam salutis assumite, et gladium spiritus [quod est verhumïïei.) (Epît. de saint Paul aux Ephésiens, vi, 17.)

Vivus est enim sermo Dei, et efficax, et penetrabilior omni gladioancipiti el pertingens usque ad divisionem animae ac spiritus.(Saint Paul aux Hébreux, iv, i2-i3.)

Ce fut aussi par l'épée, comme citoyen romain, que Paul reçut lamort, le jour de son martyre. Portant l'épée, ce second vieillardsemble vouloir ouvrir quelque blessure alors que le premier, telHippocrate, semble vouloir seulement guérir...

141. Dante n'a point passé le Léthé encore : il n'a pas oublié lesfautes qu'il a commises durant sa vie, et l'effroi de l'épée nue —la parole de Dieu — entre les mains du vieillard qui représente lesEpîtres de Paul, pleines d'enseignements que le Poète souhaiteraita cette heure avoir suivis, lui fait peur comme l'arme même de laJustice divine devant laquelle il sait qu'il va paraître.

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a6a puRr.ATonio. — CANTOXXIX.

l4?- Poi vidi quattro in tunile paru ta ;e cliretro da tutti un veglio solovenir dormendo, con la faccia arguta.

i45 E questi sette col primaio stiiolo

erano abituati ; ma di giglid'intorno al capo non facean brolo,

T48 anzi di rose e d'altri fior' vermigli :

giurato avria poco lontano aspettoche tutti ardesser di sopra da'oigli.

I5I E quando il carro a me fu a rimpetto,

142. Ceux-ci représentent les deux Epitres de saint Pierre, l'Epî-tre catholique de saint Jacques, les trois Epîtres de saint Jean etl'Epître de saint Jude.

« En humble vêtement », c'est que, auprès des quatorze épîtres dePaul, l'oeuvre épistolaire des autres Apôtres forme un bien moinsgros volume.

144. Le vieillard qui dort, c'est l'Apocalypse : saint Jean l'écrivittrès vieux selon ce que rapporte la tradition; de là l'image. S'il vaseul, c'est que l'Apocalypse est le seul livre prophétique duNouveauTestament. S'il dort, c'est qu'il va rêvant à la vision de Pathmos,absorbé en elle.

Si son visage revêt une expression aiguë, c'est qu'il cherche àcomprendre et à exprimer ce qui ne peut être compris, ce qui ne peutêtre exprimé ; c'est aussi qu'il a l'intelligence des choses vraies etcachées. Or ces choses ne peuvent être révélées que par des imagestelles qu'on en voit dans le sommeil, et il contemple, attentif et extasiéen lui-même, ce qu'il lui est donné de connaître.

Videmus nttnc per spéculum in aenigmate ; tune autem f'acie adfaciem. (I1'1'Epître de saint Paul aux Corinthieus, xm, 11.)

146. Ces sejjt derniers sont, comme les vingt-quatre vieillards quisuivent les sept candélabres, vêtus de blanc ; toujours la candidelivrée de la Foi. (Cf. Ep. de saint Paul aux Hébreux, xi, 1, i, ''>.)

147. Mais ce n'est plus de lys que ceux-ci se couronnent : c'est deroses et d'autres fleurs vermeilles qui resplendissent comme du feu,et ceci pour marquer que si, seule, la majesté de Jéhovah était con-nue des livres inspirés de l'Ancien Testament, dans ceux du Nou-veau Testament rejaillit à toute page l'insondable charité de Jésus —la bonne nouvelle que les portes du Ciel se sont rouvertes — l'ap-pel universel qui fait se hâter les Apôtres par toutes les voies versles Gentils afin de leur porteries paroles de vie et de vérité.

Ignem veni mittere in terrain, et quid volo nisi ut accendatur?(Evang. saint Lue, xn, 49.)

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LE PURGATOIRE. CHANTXXIX. ?.()3

i/\'i Puis, j'en vis encore quatre autres d'humble apparence,et, derrière le cortège, un vieillard, seul,

qui s'en venait dormant, avec un visage vif et subtil.

I/J;J Et ces sept derniers, semblables à ceux du premier groupese montraient en leur vêtement, si ce n'est que des lis,autour de leur tête, point ne formaient guirlande,

148 mais bien des roses et d'autres fleurs vermeilles;on eût juré, à les voir d'un peu loin,

qu'ils "étaient couronnés de flammes au-dessus des sourcils.

I5I Et quand le char fut juste en face de moi,

Le mot de « brollo » a le sens de guirlande en même temps que dehaie fleurie formant l'enclos d'un jardin, d'un champ ; il se retrouveencore en Toscane où bien des villages ont des noms qui en dériventet qui leur viennent justement de ce que leurs murs d'enceinte n'é-taient que de haies couvertes de fleurs au printemps : à peu de choseprès, le même sens à Bologne, suivant l'ancien commentaire de Ser-ravalle :

Sed de liliis super caput non faciebant brolum : « brolus » Bono-nie dicitur giardinum, ubi sunt midti fructus sed hic dicitur sertumvel corona, quam proprie solebant portare Sancti.

i4g- L'éclat des roses et des fleurs vermeilles est tel que, pourqui les eût regardées d'un peu loin, ces derniers vernis eussent sem-blé couronnés de feu : ceux-ci ont sur le front la flamme de l'EspritSaint qui descendit sur les Apôtres réunis au Cénacle le jour de laPentecôte. (Cf. Actes des Apôtres, n, 3-/j.)

i5o. Cf. Virgile, Enéide, %,-IJO-JI.Dansâla bataille, le casque d'Enée jetait des éclairs, son bouclier

semblait de feu :Ardet apex capiti, cristisque e vertice flaminaFunditur, et vastos umbo vomit aureus ignés.

I5I. Vult dicere anctor, quod Deus prestitit ei tantam gratiam,quod Me exercitus se firmaret, ut ipse posset bene videre mysteriaEcclesie, et ut posset indicare postea aliis. (Serravalle.)

Et per hoc notât tacite quod Deus fecit sibi tantam gratiam, quodipse viderit ista, ut describeret aliis videnda et cognoscenda. (Benv.de Imola.)

Dante est la, comme la brebis égarée qui voit venir à lui le BonPasteur. Quand le Bon Pasteur trouve sa brebis, il ne va pas plusloin : ainsi le Char qui représente l'Eglise de Dieu, maternelle auxpécheurs, s'arrête devant Dante et ne va pas plus loin.

En saint Luc, la parabole du Bon Pasteur :Et ait ad illos parabolam istam dicens :

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i64 PLRGATORIO. CANÏO XXIX.

un luon s'udi; e quelle genti degne

parvero avcv l'andar più interdelto,

IJ4 fcrmandos' ivi con le prime insegne.

Qui ex vobis homo, qui habet centum oves : et si perdiderit unamex illis, nonne dimittit nonaginta novem in deserto, et vadit adillam quae perierat, donec inventât eam?

Et cum invenerit eam, imponit in humeros suos gaudens.,. (xi, i,A, 5.)

i5a. Le tonnerre : une voix du ciel exprimant la puissance, la solennité de l'instant.

153. L'Eglise ne passe point insensible devant le pécheur repen-tant :

Dico vobis, quod ita gaudium erit in coelo super uno peccatorepoenitentiamagente, quant super nonaginta novemjustis, qui non indi-gent poenitentia.

...Ita dico vobis, gaudium erit coram angelis Dei super uno pecca-tore poenitentiam agente. (L'En-fant Prodigue. Ev. saint Luc, xv, 7-

La joie du père de famille, lorsque de son seuil il voit revenir ;\lui l'enfant prodigue et qu'il court au-devant de lui pour l'embrasserplus tôt.

Cum autem adhuc longe esset, vidit illum pater ipsius, et miseri-cordia motus est, et accurrens cecidit super collum ejus, et osculatusest eum. (Ev. saint Luc, xv, 20.)

i54- Toute la magnificence du don divin, la Révélation, l'Amour,

Page 277: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

LE l'L'RGATOIRE. CHANTXXJX. a65

un tonnerre se fit entendre, et cette vénérable théorie

parut ne pouvoir avancer davantage, de par une interdiction,

iS'i et s'arrêta en ce lieu, avec les oriflammes qui avaient passé

[d'abord,

l'autorité spirituelle du cortège de la Foi qui entoure et porte leChar de l'Eglise, tout cela vient au-devant du Poète qui représenteici le chrétien pour le bien de qui tout cela fut fait et demeure. Orla vision dantesque, à y bien regarder, suit en toutes ses parties leplan des églises telles qu'on les construisait au Moyen âge, en formede croix latine : d'abord la ligne des candélabres qui forment la base dela croix : puis, la double et longue théorie formée par les vingt-quatrevieillards marchant deux à deux qui en forment la hampe et vontjusqu'au coeur de la croix, c'est-à-dire à sa partie centrale, où paraîtle triomphe de l'Eglise ayant à sa droite et à sa gauche, auprès desi-oues du Char, les deux groupes dansant qui en marquent les bras :le transept, enfin, la cime de la croix, telle l'abside formée par lesdeux vieillards suivis des quatre autres plus humbles et du dernier

qui semble en sommeil.Le cortège marche vers l'Occident en sorte que le chevet de la

croix, de même que le chevet des églises, se trouve tourné versl'Orient.

Ce sont les candélabres qui s'arrêtent d'abord, les « premièresEnseignes », les premiers oriflammes.

Scilicet, luminaribus tjuae ostendehant viam omnibus. (Beuv. deIipola.)

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CANTO XXX

I Quando il Settentrion dcl primo ciolo,che né occaso mai seppe né orto,né d'altra nebbia che di colpa vélo,

4 e che faceva li ciascuno accortodi suo dover, corne il phi basso face

quai timon gira per venire a porto,

y fermo s'affisse, la gente verace,venuta prima tra il Grifone ed esso,

i. « Septentrion »': Le Poète appelle de ce nom — qui est celui de laconstellation de la Petite Ourse — les sept candélabres, image desdons du Saint-Esprit, à la lumière desquels marche la procession.Heureuse similitude, car de même que le navigateur en mer règle sacourse sur cette constellation dont l'une des étoiles est l'EtoilePolaire, les âmes élues vont droit vers le Ciel, guidées par la lumièrede l'Esprit Saint rayonnant ses sept Dons du Haut du ciel le plusélevé, c'est-à-dire de l'Empyrée, demeure de la Sainte Trinité. Voicice que chante l'Eglise, le jour de la Pentecôte :

Veni, lumen cordium... 0 Lux beatissima,... Da tuis fidelibus — In te confidentibus —Sacrum septenarium.

(Prose chantée à la Messe.)Veni, Creator Spiritus... Altissimi donum Dei...Fons vivus, ignis, caritas,...Tu septiformis munere... Tu rite promissumPatris... Infunde amorem cordibus...Ductore sic te praevio, Vitemus omne noxium.

(Hymne des Vêpres.)i. Les éternelles lumière du Saint-Esprit ne connurent et ne con-naîtront ni aurore ni crépuscule.

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CHANT XXX

Le Paradis terrestre. L'Apparition de Béatrice,

Virgile s'en va. Les reproches de Béatrice à Dante.

i Quand les sept étoiles de ce Septentrion du ciel primordial,qui jamais ne connurent de lever ni de déclinni d'autre nuage que le voile de la faute originelle,

4 et qui, là, faisaient chacun clairvoyantde son devoir, — comme le Septentrion du ciel terrestre le fait

pour celui qui infléchit le timon du gouvernail afin d'entrer au port,—

n quand ces sept étoiles s'arrêtèrent, les personnages véridiques,qui venaient en avant entre elles et le Griffon,

3. Seule, l'âme coupable se sépare de leur grâce par ses péchés :ses péchés sont comme un voile, un nuage qui l'exile des divinesclartés :

Vuol Dire l'Auttofe che quello Septentrione, cib è i setle doni déliaSpirito Santo, stanno luciai et chiari et appariscenti a quelle persaneche sono senza colpa, ciô è senza peccato, et a quelli che sono inpeccato sta ascoso, velalo, et nol discerne, imperà chè la colpa gli enuvolo et vélo... (Anonimo Fiorentino.)

5. De même qu'au Paradis Terrestre la procession mystique vaguidée par les lumières de l'Esprit Saint, de même sur mer, ici-bas,le timonier sait de quel côté guider son navire pour rentrer au port,lorsqu'il a regardé l'Etoile Polaire.

y. Les vingt-quatre vieillards qui symbolisent les livres de l'AncienTestament, inspirés de Dieu, véridiques par excellence, s'arrêtent,eux qui marchaient à leur rang, c'est-à-dire entre le Septentrion del'Esprit et le Griffon hiératique. En eux, se déroule toute l'histoirede la Création et du peuple de Dieu, les prophéties, la vie des Pa-triarches, tout ce qui préfigure et annonce la venue du Messie, for-mant comme le récit anticipé de sa vie et de sa mort, jusqu'à sonavènement, et qui constitue par son ensemble les bases historiques dela foi chrétienne.

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268 l'UIlfiAÏOniO. CA>'TOXXX.

al earro volso se, corne a sua pace.

10 Ed. un di loro, quasi dal ciel messo,

Veni, sponsa, de Libano ! cantando,

gridô tro voltc, c tutti gH altri appresso.

i3 Quali i beati al novissimo bando

surgoran presti ognun di sua caverna,la rivcstita vooo alleluiando,

16 cotali, in sulla divina basterna,si levàr cento, ad vocem tanti senis,

9. L'insigne collège dos Vieillards se tourne vers le Char qui est lafiguration de l'Eglise, comme vers sa fin et vers sa récompense. Quoifut, en effet, le but de l'Ancien Testament? Tout entier il va vers lavenue du Messie, il l'appelle, il affirme qu'il viendra et prépare sesvoies. L'Eglise éternelle que fonde le Sauveur doit donc être lofruit de sa fidélité ; militante sur la terre, souffrante aux degrés de laMontagne de purification et triomphante déjà sur ce seuil du Ciel oùnous voici parvenus.

L'âme ne rencontre sa paix que lorsqu'elle a rempli sa mission,atteint son but : alors, comme les figures symboliques des vingt-quatre Vieillards, elle regarde la tâche accomplie et se repose avecjoie.

... cib che si feçe nel vecchio testamento si fece a fine di costituircla Santa Chiesa, e Cristo a quel fine venue... (F. de Buti.)

10. « L'un d'eux» : celui qui représente le Cantique des Cantiques,peut-être le roi Salomon lui-même; il appelle l'Epouse : au Convivio,Dante identifie l'Epouse du Cantique avec la Science de Dieu, laThéologie :

... Di costei dice Salomone : « Sessanta sono le regine, e ottantal'amiche concubine ; e délie ancelle adolescenti non è numéro; unit èla colomba mia e la perfetta mia. » Tutte scienze chiama regine, cdrude, e ancelle ; e questa chiama colomba, perché è sanza macola dilite, e questa chiama perfetta, perche perfettamente ne fa il Verovedere, nel quale si cheta l'anima nostra. (Conv. Trait. II, cap.'xv.)Or Béatrice, qui va venir, est le signe de la Théologie.

i5. Le Vieillard redit trois fois son appel, comme au Cantique :Veni de Libano sponsa mea, veni de Libano, veni... (Cantique des

Cantiques, iv, 8.)i3. Et tune parebit signum Filii hominis in coelo...Et mittet Angelos suos cum tuba, et voce magna; et congregabunt

electos ejus a quatuor ventis, a summis coelorum usque ad terminaseorum. (Evang. saint Mathieu, xxiv, 3o-3t.)

De mémo que les élus, le jour du Jugement dernier se lèveront eu

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LE PURGATOIRE. CHANTXXX. 26c)

se tournèrent vers le char comme vers le repos de leur coeur.

10 Et l'un d'eux, pareil à un envoyé du Ciel,chanta : Veni, sponsa, de Libano!

Trois fois il cria son appel, et tous les autres après lui.

i3 Tels les bienheureux au dernier jugementse lèveront, agiles, chacun de son tombeau,de leur voix réincarnée chantant alléluia,

16 tels sur la divine litière

ils se levèrent plus de cent, à la voix de l'aUguste vieillard,

grande hâte de leur tombeau pour répondre à l'appel de la Trompettesuprême, de même ici à l'appel du Vieillard apparaissent des Angesjetant des fleurs.

Tuba mirum spargens sonum.,.

(DIESIRAE.)i5. Credo... carnis resurrectionem, vitam aetemam. (Symbole des

Apôtres.)Et expecto resurrectionem mortuorum et vitam aetemam. (Symbole

de Nicée.)Les élus, pleins de joie, feront fête à leur corps retrouvé et lui

chanteront l'Alléluia comme l'Eglise, au temps de Piques, pour la ré-surrection du Sauveur. Réunis à leur chair glorieuse, ayant atleiutdésormais leur éternelle perfection selon le dessein de Dieu, qui litl'homme âme et corps, les élus se hâteront vers leur Créateur.

Alleluiando... idest, cum gaudio cantando alléluia, quod nomenhebraïeum sonat secundum unam expositionem : « Salvum me fac,Domine! » quod bene competit ipsis ; et dicit « la vocerivestita » scilicet,a corpore, quasi dicat, resumptis organis corporalibus, ita quod tunecrit perfectior. (Benv. de Imola.)

D'autres manuscrits donnent à ce vers une forme assez différente :la rivestita carne alleviando

dont le sens n'aurait d'autre valeur que de mieux accentuer la hàleavec laquelle les âmes dans leur chair ressuscitée, tout allégée parsa gloire nouvelle, se rendent à l'appel de l'Ange.

16. Basterna : du grec paaTâî'jj, soulever, mettre en mouvement :une voiture ou litière fermée, portée par deux mules, qui chez lesRomains servait aux plus nobles matrones :

Ciù è carro adorno di preziosi drappi et dilicati. (A. Fiorentino.)17. « A la voix d'un si noble vieillard. » Dante l'écrit en latin, afin

de donner plus de solennité à l'acte de celui qui appelle, et de marqueren même temps une déférence plus consentie dans l'acte de ceux quilui répondent.

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2-0 PUUGATOIUO. CAXTOXXX.

ministri e messaggier' di vita eterna.

iç) Tutti dicean, : Benedictus qui venis !

e, fior' gittando di sopra e d'intorno,Manibus o date lilia plenis!

9.?. Io vidi già nel oominciar del giornola parte oriental tutta rosata,e l'altro ciel di bel sereno adorno,

?.j e la faccia del sol naseere ombrata

si, che, per temperanza di vapori,l'oechio la sostenea Iunga fiata;

28 cosi dentro una nuvola di fiori

che dalle mani angeliehe saliva,e rioadeva in giû dentro e di fuori,

3 i sopra eandido vel einta d'oliva,

18. Le « Messager » : "ÀYY=ÀOÇ.Les anges sont les ministres deDieu qui vont remplir ses ordres :

Benedicite Domino, omnes angcli ejus : potcntes virtuie, facientesverbum illius, ad audiendam vocemsermonum ejus.

Benedicite Domino, omnes virtutes ejus : ministri ejus qui facilisvoluntatem ejus. (Ps. en, uo-ai.)

Domine, Deus meus... Qui facis angelos tuos, spiiitus : et minisirosluos, ignem urentem...(Ve. cm, 4.)

19. « Sois béni, toi qui viens »Lorsque Jésus entra daus Jérusalem, les Juifs venant au-devant

de Lui, l'acclamèrent en disant : « Que béni soit Celui qui vienl aunom du Seigneur » (Ev. saint Mathieu, xxi, g.)

De même en saint Marc, xi, 10. En saint Luc, xix, 38, et en saintJean, xn, i3, paroles dont l'annonce avait été faite exactement parle Psalmiste dans le Psaume cxvn, v. '26 : Benedictus qui venit innomine Domini.

Mais ici, Dante ne songe point à rappeler ces paroles; les angesles adressent à celui qui vient, non au Griffon hiératique déjàprésent : ils les adressent à Dante.

Dans sa parabole de la brebis perdue, Noire-Seigneur ne nousdil-il point qu'il y aura plus de joie au Ciel pour un seul pécheurqui fait pénitence que pour quatre-vingt-dix-neuf Justes? (Evang.saint Luc, xv, 7.)

Dante, égaré dans la foret obscure, enlevé au péril par la vigilancede Béatrice, par la haute miséricorde de la Vierge Marie, se présente

Page 283: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

LE PURGATOIRE. CHANTXXX. r>.rjI

ministres et messagers de la vie éternelle.

m Tous disaient : — « Sois béni, toi qui viens! »

et, jetant des fleurs sur le char et à Fentour :— « Oh! à pleines mains, donnez des lis! »

22 J'ai vu parfois, à l'aube du jour,tout l'Orient couleur de rose

durant quel le ciel, de l'autre côté, s'ornait de bel azitr;

M et la face du Soleil naître, atténuée

par la douceur de brumes légères, en sorle quel'oeil en pouvait soutenir longuement l'éclat;

28 ainsi dans un nuage de fleurs,

qui s'élevait des mains angéliqueset retombait hors du char et au dedans,

3i la tête ceinte d'olivier sur son voile candide,

enfin au seuil du Paradis : il y apparaît tel limage de l'homme

pécheur après son expiation, et les anges l'acclament.Sans doute le Poète a-t-il pensé que le latin, — langue liturgique

de l'Eglise —, et un style aulique convenaient mieux ici pour mar-quer la ferveur heureuse dont les créatures célestes étaient transpor-tées.

'n. Lorsqu'Anchise, parmi les Ombres, évoque le jeune héros desa race que la mort ravira trop tôt :

Manibus date lilia plenis.(Enéide, liv. VI, v. 883.)

u3. ut solet aer

Purpureus fiai, rjiiuinprimum Aurora movetur.(Ovide, Met., VI, 47-48.)

28. Fulcite me floribus, stipate me malis, quia amore langueo.(Çant. des Canl., II, 5.)

3i. Le voile de la figure mystique est blanc, la couleur qui sym-bolise la Foi, son manteau sera vert, comme l'Espérance, et sa robede vive flamme rouge, comme la Charité. Elle arrive sous le signedes trois vertus théologales.

La première fois que Dante vit Béatrice, alors qu'il avait neuf anset elle un peu moins, elle était vêtue de couleur rouge :

Ella apparvemi vestita di nobilissimo colore, sanguigno, cintaed ornata alla guisa clic alla sua giovanissima ctade si convenia.(Vita Nuova, § a.)

Plus lard, lors d'une autre rencontre, elle était vêtue de blanc :

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ÛJÛ ptlhGATOtlio. CAÎVÏOXXX'.

donna m'apparve sotto verde manto

vestita di color di fiamma viva.

34 E lo spirito mio, che già cotanto

tempo era stato che alla sua présentanon era di stupor tremando aflranto,

3j senza degli occhi aver piû conoscenza,

per occulta virtû che da Ici mosse,d'antico amor senti la gran potenza*

4o Tosto che nella vista mi percossel'alta virtii che già m'avea trafitto

prima ch'io fuor di puerizia fosse,

43 volsimi alla sinistra col rispiltocol quale il fanlolin corre alla mamma,

quando ha paura o quando egli è afflitto,

questa mirabile donna apparve a me veslita di colore iiietn-chissimo (§ 3.) •

Au paragraphe ii, le Poète croit voir en rêve sa Dame morte : ses

compagnes lui couvrent la tête d'un voile blanc et son jeune visageest si beau ainsi, qu'il semble dire : « Je suis a qui me voit le prin-cipe de la paix. »

e pareami che donne le coprissero la testa con un bianco vélo :e pareami che la sua faccia avesse tanto aspetto d'umiltade, che.

parea che dicesse : lo sono a vedere lo principio délia pace.Au paragraphe 4°> s;> Dame étant morte, le Poète, combattu par

un nouveau désir d'amour, se souvient de Béatrice dans sa petite roberouge d'enfant. C'est alors que sa grande douleur cesse de n'être

qu'un sentiment, pour devenir encore une pensée qui ne le quitteraplus et le défendra contre toute faiblesse :

Mi parea vedere questa gloriosa Béatrice con quelle vestimentasanguigne, colle quali apparve prima agli occhi miei, e pareamigiovane in simile etade a quclla, in che prima la vidi.

Si une couronne d'olivier entoure le front de Béatrice, c'est quel'olivier est le symbole de la sagesse et de la paix.

Dans la Mythologie grecque, on voit l'olivier jaillir d'un coteaud'Athènes, par la volonté de Pallas, déesse de la sagesse et des arts

pacifiques.34. In quel punto dico veracemente che lo spirito délia vita, lo

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tt. i'thGATOIREi CHANTXXX. 9.~'i

une femme m'apparut. sous un vert manteau,vêtue d'une couleur de flamme vive.

34 Et mon esprit, qui déjà un si long

temps était resté sans qu'à sa seule présenceil eût à trembler, éperdu et ravi,

3j avant même que mes yeux en eussent plus de connaissance,touché d'une vertu secrète émanée d'elle,de l'ancien amour ressentit la grande puissance.

!\o Aussitôt que ma vue fut frappéede cette haute perfection, qui m'avait blessé autrefois

avant que je ne fusse sorti de l'enfance,

43 je me tournai vers la gauche, avec cet élan confiant

du petit enfant quand il court à sa mère

alors qu'il a peur ou qu'il est affligé,

quale dimora nella segretissima caméra dcl cuore, comincio a tremaresi fortemente, che apparia ne' menomi polsi... (Vita Nuova, § a.)

Dico che quando ella apparia da parte alcuna, per la speranzadell' ammirabilc saluto, nullo nemico mi rimanea, anzi mi giungeauna fiamma di caritade, la quale mi facea perdonare a chiunquem'avesse offeso : c chi allora m'avesse addimandato di cosa alcuna,la mia risponsione sarebbe stata solamente : «Amore », con viso vestitod'umiltà. (Vita Nuova, | 11.)

3;. Le voile candide et l'éclat de sa ligure ne permettent point auxyeux de Dante de reconnaître les traits de Béatrice. C'est par unrayonnement mystérieux, déjà senti autrefois, qu'elle va lui êtrerévélée.

Au paragraphe 14 de la Vita Nuova, Dante pense défaillir quand,dans une fête, il devine la présence de la jeune fille qu'il n'a pasencore vue. Cf. Guirlande de neuf leçons sur douze sonnets de Dante.l-i.Espinasse-Mongenet. Ed. Feuilles au Vent.

4i. Vulnerasti cor meum soror mea sponsa, vulnerasti cor meum,in uno oculorum tuorum, et in uno crine colli tut. (Canl. des Cant.,iv, 9.)

4a. A neuf ans. ( Vita Nuova, a.)43. Rispitto : du vieux provençal respicit qui veut dire : confiance-

espéranceLE PUB0AT01RE.— II. 18

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y.~4 PURG.vronio. — CANTOXXX.

46 per dicere a Virgilio : « Men che clramma

di sangue m'è rimasa che non tremi :

conosco i segni dell'antica fiamma ! »o

4t) Ma Virgilio n'avea lasciati scemi

di se, Virgilio, dolcissimo padre,

Virgilio, a cui per mia salute die'mi.

5a Né quantunque perdeo l'antica madré

valse aile guance, nette di rugiada,che, lagrimando, non tornassero adre.

55 « Dante! perché Virgilio se ne vada,non pianger anco, non pianger ancora;ohé pianger ti convien per altra spada ».

58 Quasi ammiraglio che in poppa ed in proravienc a veder la gente che ministra

per gli al tri lcgni, ed a hen far la incuora,

48. La flamme d'amour. De même que Didon lorsqu'elle eut vuEuée :

agnosco veteris vestigia flammae.(Enéide, Liv. IV, v. 'ïi.)

49. Béatrice représente la théologie, la science de Dieu. Toutesagesse humaine, — l'humaine philosophie, — disparaît devant sarévélation glorieuse. Virgile a donc fini sa tache. Il s'en va, promp-tement, sans adieu.

Il ne veut point d'effusion sensible, en cet instant solennel : tacite-ment, il impose à Dante de se faire ici un grand coeur dépouillé desvains regrets à l'usage de la terre, avant de se présenter au seuil duParadis.

50. Deux et trois fois, Dante redira le nom de Virgile, tant estgrande son affection pour lui. De même les lèvres d'Orphée expirant,mis à mort par les Bacchantes jalouses, redisent trois fois le nomd'Eurydice, durant que sa belle tête est entraînée dans le coursrapide de l'Hèbrc :

«... Eurydicen vox ipsa et frigida lingua,Ah! miseram Eurydicen! Anima fugiente, vocabat :Eurydicen toto referebant flumine ripae. »

(Virgile, Georg., IV, .VJ5et suiv.)

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LE PURGATOIRE.— CHANTXXX. 3.70

46 pour dire à Virgile : — « Moins d'une drachme

de sang ne m'est restée qui ne frémisse;

je reconnais les signes de l'ancienne flamme ! »

fy Mais Virgile nous avait laissés privéde lui, Virgile, mon très doux Père,

Virgile à qui je m'étais donné pour mon salut.

fia Et tous les trésors que perdit notre antique mèrene valurent point à empêcher que mes joues, lavées naguère de

ne s'obscurcissent à nouveau sous les larmes. [rosée,

M — « Dante! quoique Virgile s'en aille,ne pleure point, ne pleure point encore :

c'est sous le tranchant d'un autre glaive qu'il le faudra pleurer, n

58 Semblable à l'amiral qui de la poupe à la proues'en va, inspectant les hommes qui serventsur ses autres navires, et leur donne du coeur à bien faire,

5LL.Eve : Toutes les incomparables beautés du Paradis Terrestrequi furent perdues par la faute d'Eve et que le Poète voit à cetteheure, ne suffisent point à retenir les larmes dans ses yeux, tant estgrande sa douleur en perdant l'ami et le maître auquel il avait diten commençant :

Tu duca, tu signore e tu maestro !(Enfer, II, 140.)

53. Virgile avait lavé le visage de Dante, au sortir de l'Enfer, avecses deux mains ouvertes baignées dans la rosée qui emperlait encore,ù l'ombre, la prairie au pied de la montagne. (Purgatoire, I, IÏI etsuiv.)

54. Adre pour Atre : obscures, assombries par les larmes.57. Une douleur plus grande encore est réservée au Poète : les

reproches que lui adressera sa Béatrice :Vivus est enim sermo Dei, et efficax, et penetrabilior omni gladio

(incipiti (Ep. saint Paul aux Hébreux, iv, 12.)58. L'image est non seulement belle, mais encore nécessaire, en

ceci qu'elle doit montrer la bénignité en même temps que la noblesse<lel'apparition : tel l'amiral qui va, encourageant autour de lui leshommes de l'équipage au travail sur ses navires, telle ici Béatricequi n'aura de sévérité que pour Dante

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276 ptiiGÀtohio. — CÀNÎO xxx

61 in sulla sponda del carro sinistra,

quando mi volsi al suon del nome mio,che di nécessita qui si registra,

64 vidi la Donna, che pria m'appariovelata sotto l'angelica fesla,drizzar gli occhi vêr me di qua dal rio.

6j Tulto che il vel che le scendea di testa,cerchiato dalla fronde diMinerva,non la lasciasse parer manifesta,

~o regalmcnte nell'atto ancor prolervacontinué), corne colui che dice

e il piiï caldo parlar dietro si serva :

~3 « Guardami ben : ben son, ben son Béatrice

Corne degnasti d'accedere al monte?

„\on sapei tu che qui è l'uom fclice? »

61. Il y a une analogie 1res réelle entre le char cl la proue élevéed'un navire, le socle d'une victoire maritime. Le Poète le veut ainsi :ce char est la représentation de l'Eglise qui est la barque, la nef dePierre,

Si l'Apparition se tient du côté gauche du char, c'est que de cecolé-là, sur l'autre rive du fleuve, se lient le Poète.

63. Béatrice avait appelé Dante par son nom : c'est la seule foisque ce nom paraît dans tout le poème ; et Dante semble s'excuserd'avoir à l'écrire :

Parlare alcuno di se medesimo pare non licito Non .siconcède per li rettorici, alcuno di se medesimo sanza necessariacagione parlare. (Conviv. Trait. I, cap. 11.)

E dice, che di necessitade qui si scrive il nome suo, perocchèconvenue che la Donna il chiamasse per nome, per due cagioni :l'una, perché certa fosse la persona, inlra tante, alla quale dirizzavail suo sermone; l'altra, perocchè corne più addolcisce nello umanoparlare il nomare la persona per lo proprio nome, in cib che piùd'affezione si mostra ; cosipiù pugne il reprensivo, quando la personaripresa dalla riprendente è nomata. (L'Ottimo Com.)

65. L'angelica festa : la fêle des fleurs que jettent les Anges.66. Dante n'avait point encore passé le Léthé. Le Léthé coulait

entre lui et le Char Mystique.68. Le voile de Béatrice est retenu à ses tempes par la couronne

d'olivier.

Page 289: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

LE PURGATOIRE.— CHANTXXX. 277

61 ainsi, au bord du char, sur le côté gauchecomme je me tournais à l'appel de mon nom

qui, de toute nécessité, se doit inscrire ici,

64 je vis la Dame, qui m'était apparue d'abord

cachée sous les fleurs angéliques,lever les yeux vers moi, au delà du ruisseau.

67 Encore que le voile qui retombait de sa tète,ceint du feuillage cher à Minerve,ne la laissât point paraître clairement,

;o royale et sévère en son attitude,

elle continua, comme celui qui dit

et réserve pour la fin ses paroles les plus ardentes :

j3— « Regarde-moi bien : je suis bien, je suis bien Béatrice!

Comment t'es-tu cru digne d'accéder à la Montagne?Ne savais-tu pas qu'ici l'homme est bienheureux?... »

70. De même Uanle avait-il dit de la Philosophie, dans le tempsqu'il commençait d'en faire son étude préférée :

Dov' è da sapere che dal principio essa plosofia parea a me,(juanto dalla parte del suo corpo (cioé sapienzia) fiera, chè non miridea, in quanto le sue persuasioni ancora non intendea ; e disde-gnosa, chè non mi volgea l'occhio, cioè ch'io non potea vedere le suedimostrazioni. E di tutto questo il difetto era dal mio lato (Coin:,Tratt. III, cap. xv.)

72 sempre quello che massimamente dire intende lo dicitore,si dee riservare di dietro ; perocchè quello che ultimamente si dice,pià rimane nell' animo delt'uditore. (Conv., Tratt. II, cap. ix.)

74. Quis ascendet in montent Domini? aut quis stabit in locosancto ejus?

Innocens manibus et mundo corde, qui non accepit in vano animantsuam. (Ps. xxm, 3-4.)

Kgli ardi di salire al monte sperando in JJio. (An. Fiorentiuo.)75. Là-haut, seuls les élus ont leur place, ceux qui vécurent selon

la Loi divine : Dante n'est point encore un élu, il fut oublieux de bienfiespréceptes, il goûta aux joies défendues Béatrice va prononcercontre lui un véritable réquisitoire, si durement, à l'apparence, quece sera le suprême tourment du Poète, sa dernière pénitence, celledont il ressentira la douleur avec tant de véhémence et si profondé-mentque toute faute lui sera pardonnée. Tout ce que va dire Béatricel'atteindra eu plein coeur, et il ne se défendra poinl, encore qu'il

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278 rUBGATORIO.— CANTOXXX.

76 Gli occhi mi cadder giù nel chiaro fonte;

ma, veggendomi in esso, i trassi all'erba,tan ta vergogna mi grave la fronte.

79 Cosi la madré al figlio par superba,com'ella parve a me; perché d'amarp

sente il sapor dclla pietate aecrba.

8a Ella si tacque; e gli angeli cantàro

di subito In te, domine, speravi;ma oltre pedes meos non passàro.

85 Si corne neve tra le vive travi,

per lo dosso d'Italia, si congelasoffiata e stretta dalli venti Schiavi,

88 poi liquefatta in se stessa trapela,

semble bien qu'il en aurait le droit; pleiu d'humilité, il baissera lutête. L'humilité est le principe de toutes les vertus; elle est euparticulier la première disposition requise d'une âme pénitente. Surcette humilité même, Béatrice va fonder le salut de son Poète :

La Donna domanda com' elli ardi di satire al monte,conciosiacosachè qui sono li beau, del quçde numéro non è l'Autore;onde non dee mettere la mano nell' altrui biada. (Oltimo.)

77. Dante ne peut supporter la vue de son propre visage qui estencore celui du pauvre homme charnel comblé d'erreurs :

Poichè conosco ben la mia malizia,E sempre il mio peccato ho nella mente.

(Dante. Paraphrase des Psaumes de la Pénitenceau Miserere, verset 4-)

79. La mère, lorsqu'elle doit reprendre son fils, semble altière maisne l'est point au fond, ses paroles semblent sévères et pleines d'amer-tume à celui qui les entend, alors qu'elles sont un effet du plus tendreamour maternel.

83. Si Dante ne sait que répondre, les Anges répondent pour lui,par ies neuf premiers versets du psaume : « J'ai espéré en toi,Seigneur... »

In te, Domine, speravi, non confundar in aeternum ; in tua justifialibéra me. — Inclina ad me aurem tuam, accéléra ut eruas me. —JEsto mihi in Deum proteciorem, et in domum refugii, ut salvum mefacias. — Quonïam fortitudo mea.et refugium meum es tu •et propternomen tuum deduces me, et enutries me. — Eduçes me de laqueo hoe,

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LE PURGATOIRE.• CHANTXXX. 9.rÇj

76 Mes yeux se baissèrent sur la source claire,mais, voyant en elle mon image, je les tournai vers l'herbe,si fort la honte me pesa sur le front.

7g Comme la mère, grondant son fils, lui paraît altière et irritée,ainsi me parut à moi Béatrice, —

parce que d'amertumeest faite la saveur de la bonté qui châtie.

82 Elle se tut, et les anges chantèrent

aussitôt : In te Domine, spercwi;mais ils n'allèrent point au delà de pedes meos..,,

85 De même que la neige, parmi les poutres vivantes,sur l'épaule rocheuse de l'Italie, se congèle,chassée et durcie par les vents Esclavons,

88 et puis se liquéfie, se pénétrant elle-même,

quem absconderunt mihi, quoniam tu es protector meus. — In manustuas commendo spiritum nieum, redemisti me, Domine Deus veri-tatis. — Odisti observantes vanitates, supervacue. ^~ Ego autem inDomino speravi. — Exultabo, et laetabar in misoricordia tua. — Quo-niam respexisti humilitatem meam, salvasti de necessitatibus ani-mam meam. — Nec conclusisti me in manibus inimici; statuisti inloco spatioso pedes meos. (Ps. xxx, i-g.)

85. Le vive iravi : le tronc des grands arbres verdoyants où lespoutres — travi — sont en puissance :

Frascineaeque trabes...

{Enéide, liv. VI, v. 181.)Silva frequens trabibus, quant nulla ceciderat aetas.

(Ovide, Met., VIII, 329.)... utque securi.Saucia trabes ingens, ubi plaga novissima restât,Quo cadat, in dubio est...

(Ibid., X, 37a et suiv.)86. Sur la chaîne de l'Apennin.Peut-être, dans la pensée du Poète, le symbole de la neige glacée,

selon son sens anagogique, irait-il jusqu'à signifier l'oubli, et lafroideur de l'homme trop abandonné aux cupidités terrestres, àl'égard des choses de Dieu?

87. Le souffle boréal. Les vents froids, les vents du Nord, quiarrivent de l'Esclavonie sur l'Apennin,

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280 PURGATOBIO. CANTOXXX.

pur che la terra che perde ombra spiri,si che par fnoco fonder la candela;

91 cosi fui senza lagiïme e sospirianzi il cantar di que'che notan sempredietro aile note degli eterni giri :

Ç)4 nia, poi che intesi nelle dolci temprelor compatire a me, più che se detto

avesser : « Donna, perché si lo stempre? »,

97 lo giel, che m'era intorno al cor ristretto,

spirito ed acqua fessi, e con angoscia

per la bocca e per gli occhi usci del petto.

100 Ella, pur ferma in sulla detta coscia

89. « La terre où l'ombre se meurt » : la région équatoriale où, àcertaines époques, le soleil montant au zénith frappe perpendiculaire-ment les corps sur terre, en sorte que ceux-ci ne jettent d'ombred'aucun côté :

Sic quoque nil obstat Phoebo, quum cardine summoStat librata dies : truncum vix protegit arbor;Tarn brevis in médium radiis compellitur umbra!

(Lucain, La Pharsale,$i% et suiv.)Les vents brûlants d'Afrique :

Utve sub adventum spirantis lene Fa\>oniSole remollescit, quae frigore constitit unda.Sic lacrymis consumpta suis Phoebeia Byblis,VeHitur in fontem...

(Ovide, Met., liv. IX, v. 6G0et suiv.)90. ... Sicut /luit cera a facie ignis... (Ps. LXVII,3.)... Et valles scindentur sicut cera afacie ignis. (Proph. Michée, 1,4.)91. Combien douce est à Dante la compassion des Anges! Son

coeur, glacé de douleur, se fond en larmes. Le sens moral de cepassage est qu'un rayon de pitié peut sauver une ame du plusprofond désespoir.

92. Joignant leurs louanges et leurs adorations au mouvement et al'harmonie des sphères célestes, les Anges parlent a Dieu sans cesseeu leurs chants :

... I.ocutione qua angeli loquuntur Deo, laudantes ipsum et admi-rantes, semper angeli Deo loquuntur... (Saint Th. d'Aquin, Sum.Theol., I, io7-3.)

94. Peccatores... quamdiu surit in hoc mundo, in tali statu suritquod sine praejudicio divinae justitiae possunt in beatitudinemtransferri a statu miseriae etpeccati. Et ideo compassio ad eos locum

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LE PURGATOIRE. CHANTXXX. 281

pour peu que des terres où l'ombre se meurt vienne un souffle chaud,actif comme la flamme qui fait fondre le cierge,

ni de même je demeurai, sans larmes ni soupirs,

jusqu'au chant de ceux-là qui accordent leur rythmesur le rythme des Sphères éternelles.

g4 Mais après que j'eus senti en leur doux concert

la compassion qu'ils éprouvaient pour moi, et mieux que s'ils avaient

dit : « Noble Dame, pourquoi si fort l'accables-tu? »

97 la glace qui s'était prise autour de mon coeur

se fit soupirs et larmes, et, dans mon angoisse,

jaillit de ma poitrine par mes lèvres et mes yeux.

100 Elle, toujours immobile, du côté que j'ai dit,

habet et secundum electionem voluntatis (jprout Deus, angeli, et beatieis compati dicuntur, eorum salutem volendo, et secundum passionem,sicut compatiuntur eis homines boni... (Saint Th. d'Aquin, Sum.Theol., III, suppl. g4-'-«-)

98. Spirito : souffle, soupirs — acqua : les larmes.100. In su la detta coscia...

In su la destra coscia...Ces deux textes sont ici en présence : le premier, qui est le plus

fréquemment choisi, déclare que Béatrice est restée debout sur lemême côté du Char, c'est-à-dire sur le côté gauche et que c'est delà qu'elle va parler aux Anges. Le second indique qu'elle est passéede l'autre côté, c'est-à-dire du côté droit.

Le côté droit du Char mystique symbolise le Nouveau Testament,la loi du Pardon; le côté gauche, l'Ancien Testament, l'Ancienne Loiqui fut celle de l'humanité punie et non encore rachetée.

Parmi les commentateurs modernes : Federzoni, Torracca, Casini,Scartazzini, Fraticelli, Passerini, ont adopté la première forme.

Parmi les anciens : Benvenuto de Imola les cite l'une et l'autre etne se prononce pas. L'Ottimo choisit la seconde forme :

... Êssa volta alla parte diritta del carro, cioè in sul Nuovo Testa-mento, ail' angeliche piatose sustanzie disse...

De même Cristoforo Landino, et Serravalle qui écrit :Ipsa tamen firma super dextro latere currus stando, ad substan-

tias pias convertit verba sua, idest ad angelos, qui pie dicebant proauctore...

Le Père B. Lombardi se prononce en faveur de la première, touten donnant à la seconde quelque avantage d'après Yellutello « quipensa », dit-il, « faire cesser la difficulté » en expliquant que le mot« destra » trouvé en plusieurs manuscrits autorisés pourrait bien

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28-2 PURGA.TORIO. CANTOXXX.

dcl carro stando, aile sustanzie picvolse le sue parole cosi poscia :

io3 « Voi vigilate nell'eterno die,si che notte né sonno a voi non fura

passo che faccia il secol per sue vie;

106 onde la mia risposta è con piû curache m'intenda colui che di là piagne,

perché sia colpa e duol d'una misura.

109 Non pur per opra délie rote magne,che drizzan ciascun semé ad alcun finesecondo che le stelle son compagne,

112 ma per larghezza di grazie divine,che si alti vapori hanno a lor piova,che nostre viste là non van vicine,

signilier que Béatrice, tout en restant immobile sur le côté gauchedu Char, se serait tournée vers le côté droit où étaient les choeursangéliques, portant toutes ses intentions vers ceux à qui elle vaparler.

Il Vellutello prétende poter cessare l'imbroglio che bene avverteapportarsi dalla lezione « destra », con intendere, che volgendosiBéatrice aparlare agli angeli volgessesi à destra. (P. B. Lombardi.)

101. Sustanzie pie : les Anges « compatissants », parce qu'ils eurentpitié du Poète.

Substantiae aittem angelicae sunt supra intellectum nostrum...(Saint Th. d'Aquin, Sum. Theol., I, 5o-2.)

... Sustanze separate da materia, cioè Intelligenze, le quali lavolgare gente chiama angeli... (Dante, Conviv., Tratt. II, cap. v.)

io3. Crescite vero in gratia Domini nostri et SaU'atoris JesuChristi. Ipsi gloria et nunc et in diem aeternitatis. (IIe Ep. desaint Pierre, iîi, 18.)

104. Les Anges voient d'en haut, intellectuellement, toutes choses :ni nuit ni sommeil ne leur dérobent quoique ce soit de ce qui sepasse sur la terre, sur la terre soumise à la mesure du temps ; « dansle siècle » par opposition au jour éternel.

105. ... Sicut Deus per suam essentiam materialia cognoscit, itciangeli ea cognoscunt per hoc quod sunt in eis per suas intelligibilesspecies. (Saint Th. dAquin, Sum. Theol., I, 57-1.)

... sicut homo cognoscit diversis viribus çognitivis omnium rerum

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LE PUBGAT0IR1Î. CHANTXXX. a83

debout sur le char, à ces créatures de miséricorde

adressa alors ses paroles, ainsi :

io3 — « Vous, vous veillez dans le Jour éternel

en sorte que nuit ni sommeil ne vous dérobent

un seul des pas que fait le siècle par son chemin,

106 et donc, ma réponse a bien plus grand souci

d'être entendue par celui-là qui pleure sur l'autre berge,afin que sa faute et sa douleur soient d'égale mesure.

109 Non seulement par l'influence des grandes Sphères

qui dirigent chaque semence vers quelque fin,selon que les étoiles lui sont propices,

112 mais encore par l'abondance des grâces divines,rosée tombée de si hauts nuages

que notre vue n'y peut atteindre,

gênera, intellectu quidem universalia et immaterialia, sensu autemsingularia et corporalia : ita angélus per unam intellectivam virtutemutraque cognoscit... (Ibid., art. Ï.)

106. Les Anges savent quelle aventure fui celle de Dante : c'estdonc pour être entendue de lui, plus que pour répondre à leur inter-vention, que Béatrice va parler.

107. Sur l'autre rive du Léthé.109. L'influence des grands cercles planétaires : les neuf ciels, la

constellation sous laquelle Dante naquit, l'étoile qui montait à cetinstant à l'horizon, furent favorables à l'âme nouvelle, aux inclinationsde l'esprit et du corps naissant de Dante (V. Ciels et Etoiles.Purg., XVI, 73 et suiv.). Si bien qu'il parut sur'lerre merveilleuse-ment disposé aux plus hautes vertus. Mais mieux encore que cetteheureuse disposition des astres, les dons éminents qu'il avait reçuspar la grâce divine le prédestinaient à une vie parfaite...

... non solo costui fu disposto a dovere essere savio pev costel-lazioni, le quali secondo che sanno per aspetti e per coniunzione,corne nello Alchabizio d'Astrologia appare, e nel Quadripartito diTolomeo, hanno a produrre complessione atta a scienzia ; ma eziandioda larghezza e grazia spéciale dal suo Creatore... (Jacopo délia Lana.)

114- C'est dans des régions si élevées que Dieu élabore les donsde sa grâce, que les regards de la Béatrice élue et même ceux desAnges ne peuvent s'élever jusqu'à leurs mystères :

... In angelis est cognitio duplex. Vna quidem naturalis, secundum

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a84 PURCATOMO. CANTOXXX.

115 questi fu tal nella sua vita nuova

vii'tualmente, ch'ogni abito desti'o

fatto avcrebbe in lui mirabil prova.

iiS Ma tanto piû maligno e piû silvestro

si fa il terren col mal semé e non côlto,

quant'egli ha piû del buon vigor terrestro.

I a i Aleun tempo il sostenni col mio volto

mostrando gli occhi giovinetti a lui,mcco il menava in dritta parte volto.

I il\ Si tosto corne in sulla soglia fui

quant cognoscunt res tumper essentiam suam, tum etiam per speciesinnatas; et hac cognitione mysteria gratiae angeli cognoscere nonpossunt...

... Quid licet angeli beati divinam sapientiam contemplentur, nontamen eum comprehendunt : et îdeo non oportet quod cognoscantquicquid in ea latet... (Saint Th. d'Aquin, Sum. Theol., I, LVII,5.)

n5. Nella sua vita nuova... Benv. de Imola, Jacopo délia Lana, le

glossateur du Mont-Cassin, Cristoforo Landino, et la plupart descommentateurs modernes, pensent que le temps désigné ici est celuide l'enfance et de la première jeunesse de Dante.

Il en est qui comptent le temps désigné à partir du jour où lePoète commença d'aimer Béatrice. D'autres encore — l'Ottimo Com-menta, l'Anonimo Fiorentino — enseignent que ce temps fut celui oùil écrivait le livre de la Vita Nuova..

116. Virtualmente... : en puissance; par les rares facultés duesaux astres favorables et l'abondance des dons concédés à Dante pa~rla grâce de Dieu, toute vertu devait pouvoir passera l'acte et fleuriren lui...

118. La bouue terre fertile, non cultivée, se couvre de ronces etde broussailles bien plutôt qu'une terre aride.

fii. alcun tempo... : environ seize ans, tout le temps que vécutBéatrice, par l'heureuse influence qu'elle avait sur le Poète :

Y. Purg., XXX, 34.chè quand0 va per via,

Gitta ne' cor villani Amore un gelo,Per che ogni lor pensiero agghiaccia e père ;E quai soffrisse ai starla a vedereDiverria nobil cosa.osi morria :

Ancor le ha Dio per maggior grazia dato,Che non pub mal finir chi le ha parlato.

(Vit. Nuova, § XIX. Canzone.)

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LE PUHGAToiRE. CHANTXXX. 380

i io celui-ci dans la nouveauté de son âge fut tel,en puissance, que toute discipline de droiture

eût donné en lui d'admirables effets.

118 Mais d'autant plus ingrat et plus sauvagese fait un terrain ensemencé de mauvaise semence et mal cultivé,

qu'il a plus de bonne vigueur naturelle.

i?.i Durant un temps, je le soutins par mon visage :

lui laissant voir mes jeunes yeuxje le menais avec moi par les droits chemins.

124 Sitôt que je fus sur le seuil

Fuggon dinanzi a lei superhia ed ira :

Ogni dolcezza, ogni pensiero umilejXasce nel core a chi parlai- la sente.

(Ibid., § XXI. Sonnet.)îiq. ÎS'on vraiment : Dante ne s'égara point tout de suite; mais

plus d'un an avait passé depuis la mort de la gentilissima, qu'il nes'accordait point encore de regarder le doux visage d'une jeunefemme compatissante. Il est vrai que cet espace de temps semblecourt à la vue éternelle de l'Elue.

Un an après la mort de Béatrice, jour pour jour, seul dans unendroit écarté, le Poète dessinait « un ange sur certaines tablettes » enpensant à sa Béatrice. Et il y est si fort absorbé qu'il n'entendpoint venir ses amis :

In quel giorno, nel quale si compiva l'anno, chc questa donnacra fatta de' cittadini di vita eterna, io mi sedea in parte, nellaquale ricordandomi di Lei, disegnava un angelo sopra certe tavo-tette : e mentre io 7 disegnava, volsi gli occhi, e idi lungo meuomini a' quali si convenia di fare onore. E' riguardavano quelloch"io facea; e secondo che mi fu detto poi, egli erano stati già al-quanto anzi che io me naccorgessi. Quando li vidi, mi levai, e salu-tando loro dissi : Altri era teste meco, e percib pensava... (VitaNuova, § XXXV.)

Quelque temps s'écoule encore ; cl comme Dante, rêvant à sadouleur, s'en va seul, tout accablé, par la ville, voici qu'une bellejeune femme qui était à sa fenêtre le regarde en grande compassion.Lui, levant les yeux, l'aperçoit et il passe, s'éloignant de ce douxregard qui pourrait jeter un peu de consolation dans son coeur :mais ce n'est point sans faire en lui-même la réflexion que « certesle plus noble amour doit demeurer dans le coeur de si compatis-sante Dame ».

... mi partii dinanzi dagli occhi di questa genlile : e dicca poi fia

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286 PÙRGATORlO. CÀNTOXXX.

di mia seconda etade e mutai vita,

questi si toise a me, e diessi altriii.

127 Quando di carne a spirto era salita,e bellezza e virtû crésciuta m'erâ,lu' io a lui men cara e men gradita ;

i3o e volse i passi suoi per via non vera,

me medesimo : E' non pub essere, che con quella pietosa donna nonsia nobilissimo amore. (Vita Nuova, § XXXVI.)

Cominciando adunque, dico che la stella di Venere due fiate erarivolta in quello suo cerchio. che la fa parère serotina e mattutina,secondo i due diversi tempi, appresso lo trapassamento di quellaBéatrice beata, che vive in cielo con gli angioli, e in terra colla miaanima, quando quella gentil donna, di cui feci menzione nella finedélia Vita Nuova, apparve primamenie accompagnata d'Amore agliocchi miei, e prose alcuno luogo nella mia mente (Conv., II, 2.)

i-25. Béatrice mournt l'an 1290 : elle avait 24 aas e' quelquesmois. C'est à peine si elle passait le seuil du deuxième âge de savie selon la division de Dante :

dico che la umana vita si parle per quattro etadi. La primasi chiama adolescenza, cioè accrescimento di vita : la seconda sichiama gioventute, cioè età che pub giovare cioè perfezione dare;...

Délia prima nullo dubita, ma ciascuno savw s'accorda ch'elladura infino al venticinquesimo anno... (Conv., Tratt. IV, cap. xxiv.)

Mutai vita : De la vie mortelle elle passe à la vie éternelle.Au Bréviaire, la véritable naissance des Saints, c'est le jour de

leur mort,Et dans la Préface que chante l'Eglise aux messes des Défunts,

nous lisons que la vie n'est point ôtée à ceux qui meurent en Dieu,mais qu'elle est seulement transformée :

Tuis enim fidelibus. Domine, vita mutatur non tollilur126. La jeune femme compatissante qui avait regardé le Poète

par la fenêtre, avec une si grande expression de douceur, pâlitlorsqu'elle le rencontre, et il advient que son émotion plaît à Danteplus que celui-ci, dans la droiture de son âme, ne le souhaiteraitpeut-être.

Avvenne poi che ovunque quesla donna mi vedea, si facea d'unavista pietosa, d'un color pallido, quasi corne d'amore... E certomoite volte non potendo lagrimare ne disfogare là mia tristizia,io andava per vedere questa pietosa donna...

Et il fait un sonnet pour elle :Color d'amore, e di pietd sembianti,Non preser mai cosi mirabilmenteViso di donna

(Vita Nuova, § XXXVII, prose et sonnet.)In venni a (auto per la vista ai questa Donna, che li miei occhi si

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LE PUBGATOIRE. CHANTXXX. . P.87

de ma seconde existence et eus quitté ma vie mortelle,

celui que voilà se reprit à moi et se donna à d'autres.

127 Alors que je m'étais élevée de la chair à l'espritet que beauté et vertu avaient grandi en moi,

je lui devins moins chère et moins agréable.

i3o Et il s'en alla par les voies de l'erreur,

comincia.ro a dilettare troppo di vederla; onde inolté volté me riecrucciava, ed avevamene per vile assai... (Ibid., § XXXVIII.)

Recommi la vista di questa donna in si nova condizione, che moitevolte ne pensava corne di persona che troppo mi piacesse; e pensavadi lei cosi : Questa è una donna gentile, bella, giovane e savia, ed

apparita forse per volontà d'Amore, acciocchè la mia vita si riposi.E moite, volte pensava pià amorosamente, tanto che il core consentivain lui, cioè nel mio ragionare. E quando avea consentito cib, io mi

ripensava siccome dalla ragione mosso, e dicea fra me medesimo :Deh che pensiero è questo, che in cosi vile modo mi vuol consolare,e non mi lascia quasi altro pensare... !

Gentil pensiero, che parla di vui,Sen viene a dimorar meco sovente,E ragiona d'amor si dolcementeChe face consentir lo core in lui.

(Ibid., XXXIX, prose et sonnet.)L'allégorie est ici que Dante délaissa l'étude des choses divines

pour ne se plaire qu'aux sciences humaines.

1147 idest, de vita corporali ad vitam spiritualem per mortem.

(Benv. de Imola.)Quand l'esprit de Béatrice s'était élancé de sa chair vers le Ciel

qui est la demeure des Bienheureux :Et dissoluta terres tris hujus habitationis domo, aeterna in

coelis habitatio comparatur. (Préface des Défunts.)128. De la beauté périssable elle avait passé à la beauté impé-

rissable; de ses facultés humaines, liées à son corps et retenuesprisonnières en lui, elle s'était élevée au libre exercice de toutes lesforces de l'âme :

Quia anima beata separata a corpore est liberior in voluntate,ratione et memoria (Benv. de Imola.)

129. Dante n'oublia en aucun temps Béatrice : elle le sait etdonc elle dit qu'elle fut moins aimée seulement.

Le symbole est ici que Dante, bien que préférant à un certainmoment de sa vie, les éludes profanes à la théologie, n'en demeura

pas moins fidèle à sa foi.i3o. Littéralement : par le chemin de nouvelles amours, éphé-

mères et sans valeur essentielle.Le sens moral sera que le Poète, exclusivement attaché aux spé-

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2&8 PbhGATOhto. CAVfO k.%%.

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che nulla promission rendono intera.

133 Né impetrare ispirazion' mi valse,con le quali cd in sogno ed altrimenti

lo rivocai : si poco a lui ne calse.

136 Tanto giû cadde, che tutti argomentialla salute sua eran già corti,

dilations philosophiques, jugea trop longtemps qu'elles étaient àelles-mêmes leur propre lin : La via non vera...

Expandi manus meas tota die, ad populum incredulum qui gra-ditur in via non hona, post cogitationes suas. (Isaïe, LXV,2.)

« Il ne faut donc plus douter que ces chemins qui semblent vousmener à la Béatitude ne vous en détournent, et qu'ils ne peuventvous conduire au lieu que vous vous étiez promis. » (Consol. Phil. deBoëce, trad. du P. Nicolas Régnier, liv. III, pr. VIII.)

i3'i. « Ce n'est pas en ces chimères, où l'on se persuade sifaussement de trouver tout ce qu'on désire, qu'on doit établir lavéritable béatitude

« Car y a-l-il rien parrny les choses caduques et périssables quipuisse mettre l'homme dans un état si tranquille et si fortuné: 1Non,sans doute, puisqu'elles ne sont que des fausses images du vrayBien; que les Biens qu'elles semblent donner sont imparfaits, etqu'il n'est pas en leur pouvoir de vous en communiquer un solide... »(Consol. Phil. de Boëce, liv. III, p. ix.)

i33. Béatrice inspire à son Poète ses plus beaux vers, — au para-graphe XXXII de la Vita Nuova, la divine Canzone de la Mort quicommence par ces mots :

Gli occhi dolenti per pietà del corcHanno di lagrimar sofferta pena,Si che per vinti son rimasi ornai...

et s'achève par ceux-ci :Pietosa mia canzone, or va piangendo ;

E ritrova le donne e le donzcUe,A cui le tue sorelleErano usate di portai- letizia;E tu, che sei figliuola di tristizia,Vattene sconsolata a star con elle.

Elle se montre au Poète en des visions et comme en songe,lorsq\t'elle vient à lui, telle la petite fille d'autrefois avec sa mêmepetite robe rouge :

... si leva un di, quasi nell'ora di nona, una forte immaginazionein me; che mi parea vedere questa gloriosa Béatrice con quellevcstimenla sanguigne, colle quali apparve prima agli occhi niiei, c

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LE PURGATOIRE. CHANTXXX. 289

poursuivant la vision mensongère de faux biens

qui ne tiennent vraiment aucune de leurs promesses.

133 Inutiles furent les inspirations que j'implorai pour luiet par lesquelles, soit en songe soit autrement,

je le rappelai, si peu il en eut de souci.

136 II tomba si bas, que tout argumentpour son salut était déjà sans force,

pareami giovane insimile etade a quella in che prima la vidi. Alloraincominciai a pensare di lei... (Vita Nuova, § XL.)

Au paragraphe XLIII, ce sera le mystérieux ravissement où Danteprend la résolution de ne plus rien écrire de sa Dame jusqu'à cequ'il puisse lui élever le monument intellectuel qu'il juge seul digned'elle et dont il garde encore le secret : c'est l'annonce de la DivineComédie :

Sicchè, se piacere sarà di Colui, per cui tutte le cose vivono, chela mia vita per alquanti anni perseveri, spero di dire di lei quelloche mai non fa detto d'alcuna. E poi piaccia a Colui, ch'è Sire déliacortesia, che la mia anima se ne possa gire a vedere la gloria déliasua donna, cioè di quella benedetta Béatrice, che gloriosamente miranella faccia di Colui, « qui est per omnia saecula benedictus. » [VitaNuova, in fine.)

136. Tanto già cadde : Béatrice ne veut pas dire que Dante selaissa aller à des fautes contre la morale — celles-ci eussent pu êtreconnues de Virgile et corrigées par lui. Si Virgile a quitté sondisciple, c'est qu'il n'a plus rien trouvé en lui qui no fût bon, selonqu'il en pouvait connaître; il l'a proclamé seigneur et maître de lui-même, capable d'exercer désormais à bon escient son libre arbitredorénavant dirigé vers sa véritable fin. (Y. Purg., XXVII, 14a.)

Certes il ne l'eût pas fait s'il avait pensé devoir lui apprendreencore quelque chose. Si la sagesse humaine dont Virgile disposea achevé près de Dante sa tâche, c'est que la faute existant encoreen lui ne dépend point de celle-ci mais d'une sagesse plus haute etvraiment révélée de Dieu.

Il est certain que si, à la lettre, Béatrice semble reprocher àDante ses infidélités en faveur de quelque autre femme, le sensmystique de ce passage a une bien autre portée : les infidélités queBéatrice reproche à Dante furent intellectuelles ; elle veut le convaincrede l'erreur que fut en lui l'orgueil intellectuel qui l'inclina à pour-suivre l'étude des sciences profanes et de la philosophie, comme sielles eussent porté en elles-mêmes leur fin et l'accomplissement detous ses désirs. C'est le seul point sur lequel portent en réalité lesreproches de la Dame élue, en qui nous devons considérer lapersonnification de la théologie, c'est-à-dire de la Sagesse et de laScience suprêmes où s'illumine l'esprit de l'homme, à la clarté de la

LE PURGATOIRE. II. Ig

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aC)0 PURGATORIO. CANTOXXX.

fuor ohc mostrargli le perdute genti.

I3Q Per questo visitai l'uscio dei morti,ed a colui che l'ha quassû condotto

li prcghi miei, piangendo, furon porti.

14a Alto fato di Dio sarebbe rotto,

se Lctc si passasse, c tal vivanda

fosse gustata senza alcuno scotto

i45 di pentimento che lagrime spanda. »

Foi, par la Vérité révélée. Dans ce domaine, Virgile païen n'avaitplus de compétence ; c'est pourquoi il disparaît à cet endroit mêmeoù Dante ne peut plus avancer que dans la lumière de la Révélation.

Cf. Biaise Pascal : « Dieu d'Abraham, Dieu d'Isaac, Dieu de Jacobnon des philosophes et des savants. » (Ecrit trouvé dans l'habit dePascal après sa mort-.)

i38. C'est-à-dire le péché dans sa vraie nature et ses dernièresconséquences :

Quasi dicat: safoo quant inclinare animum ejus ad considerandammiseriam et infelicitatem miseronim. (Benv. de Imola.)

i3g. Béatrice s'en fut aux Limbes chercher Virgile. (Enfer, II,5-i et suiv.)

L'uscio dei morti : « le seuil, la porte des morts ». Le sens littéralest ici celui qui désigne, selon le mode païen seul connu de Virgileet des autres grands esprits retenus aux Limbes avec lui, l'entréedes Enfers, des Champs Elysées, comme de l'Erèbe, le passage fatalpar où s'en va l'esprit des morts vers son destin. Cf. Enéide, liv. VI,la descente d'Enée, accompagné de la Sybille, dans les Enfers. Lesens mystique est que ceux que Béatrice désigne par les « Morts »ce sont les damnés privés de Dieu à jamais : Dieu est le souverainBien, la Vie et la Vérité des âmes, selon la parole de Jésus :

Ego sum via et veritas et vita.« Je suis la voie, la vérité et la vie. » (Ev. saint Jean, xiv, 6.)Dans son Convivio, Trait. IV, cap. 8, Dante a écrit :...la vita / offende quella la morte, ch'é di quella privazione:

morte dice orivazione

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LE PURGATOIIIE. CHANTXXX. 2g 1

hormis de lui montrer le peuple de ceux qui sont perdus à jamais.

[3c> A cet effet, je visitai le seuil des morts

et à celui qui l'a conduit jusque sur ces hauteurs,en pleurant, je portai mes prières...

142 L'ordre suprême de Dieu serait enfreint

si l'on passait le Léthé et si d'un tel aliment

on goûtait la saveur, sans payer son écot

14,1 avec le repentir qui fait couler des larmes. »

140. Virgile.141 Les pleurs de Béatrice : l'angoisse de Béatrice, au sujet de

son ami terrestre, était si vive que ce fut avec, des larmes qu'ellepupplia Virgile d'aller à son secours :

Gli occhi lucenli Jagrimando.-- (Enf., II, 116.)ifyi. La Haute Volonté de Dieu : le Destin, selon l'ordonnance des

causes secondes, par la loi voulue de Dieu :Fatum est ordinatio secundarum causarum ad ejfectus divinitus

praevisos. Quaccumquà igitur causis secundis sitbduntur, ea suhdun-tur et fato

Fatum refertur ad voluntalcm et potestatem ï)ei, sicut adprimum principium. (Saint Th. d'Aquin, Sitm. Theol., I, 116, 4.)

« La Providence embrasse toutes choses, quelques différentes etinfinies qu'elles soient; mais le Destin distingue le mouvementparticulier des Etres, leur marque leur rang, leur donne uneforme convenable, et les distribue selon les temps; en sorte quecette disposition temporelle estant rapportée à la connaissance del'Entendement Divin, n'est rien que ce que nous appelons Providence ;et lors qu'elle est considérée dans la suite des temps et dans l'ordrequ'elle y met, nous la nommons Destin.

« Quoy que ces deux choses soient diverses, elles dépendent néant-moins l'une de l'autre, et l'ordre du Destin n'est qu'une productionde la Providence » (Consol. phil. de Boé'ce, liv. IV, pr. 6, trad. duP. Nicolas Régnier.)

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CANTO XXXÏ

i « O tu che sei di là dal fîume sacro »,

volgendo suo parlarc a me per punta,che pur per taglio m'era paruto acro,

4 ricominciô, scgucndo senza cunta :

« Di', di' se questo è vero : a tanta accusa

tua confession convicn esser congiunta ».

7 Era la mia virtù lantu confusa,che la voce si mossc, e pria si spcnse

i. Le Lélhé, fleuve d'oubli. Dans sa fiction, l'Alighieri conservele fleuve cher aux Anciens cl qui devait être la récompense desOmbres, après de longues années de tourment passées à errer dansles Enfers parmi la Nuit et le Silence, sous l'accablement du souvenirde leurs chagrins et de leurs fautes (V. Enéide, liv. VI, ;/î3 et suiv.).Ici, le Léthé sera la ligure de la première joie accordée à l'Ame quis'est purifiée sur les degrés de la Sainte Montagne : l'ayant traversé,elle ne se souviendra plus de ses fautes anciennes et cet oubli de toutmal la disposera à entrer dans la Vision Béatifiquc, car en ce lieuparfait rien d'obscur ne saurait demeurer et le souvenir même du maloterait à l'aine la clarté qu'il faut p;>ur réfléchir la lumière divine.

2. Béatrice s'adresse à Dante directement, comme elle l'avait déjàfait au Chaut précédent, dans le temps même où elle employait la

métaphore de l'épée que Dante reprend ici lorsqu'il écrit que la Dameélue l'attaque à présent de « la pointe »; car, jusque-là, les remon-trances de Béatrice avaient été faites à la troisième personne, commesi elle avait parlé aux Anges de lui absent.

3. Et déjà, de la sorte, bien dures elles avaient paru au Poète, encorequ'elles ne le touchassent, selon ce qu'il nous dit, que « de taille ».

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CHANT XXXI

Le Paradis terrestre. Les Confessions de Dante. L'immersion dans

le fleuve Lèthé, Les servantes de Béatrice. Béatrice se dévoile.

i — « 0 toi qui es par delà le fleuve sacré... »

Ce fut ainsi que> tournant vers moi la pointe de son discours

dont le tranchant déjà m'avait paru acéré,

4 elle se reprit à parler, poursuivant sans plus de retard :— « Dis, dis si cela est vrai : à une accusation aussi graveil faut que soit joint ton aveu... »

7 Mes facultés étaient en moi si confondues

que ma voix fit effort et s'éteignit avant

i\. Cunta : du latin cunctari, temporiser. Béatrice est promptecomme la grâce, comme les Anges messagers de Dieu, comme lesecours efficace et la volonté qui sait où elle va.

6. Dans la confession sacramentelle il est nécessaire que le pénitentavoue lui-même sa faute, pour en obtenir le pardon. De même icile repentir ne suffit pas, Béatrice exige l'aveu.

8. En Toscane le peuple dit encore fréquemment :La voce mi mon tra le labbra.« La voix me mourut sûr les lèvres. »De même le provençal — et le languedocien.En plusieurs passages de \'Enéide, Virgile écrit :

... et vox faucibus hâéiit...durant le récit d'Enée, lorsqu'il rencontre dans Troie dévastée l'om-bre de Creuse, Livre II, v. 774 ; lorsque, voulant cueillir quelquesbranchettes pour en orner l'autel qu'il vient d'élever, il voit saignerles arbrisseaux blessés sur la tdmbe du fils de Priam (liv. III, vers.48); et au livre IV, v. 280 après la prophétie du dieu ailé concernantle jeune Iule. Au livre XII, v. 868,1a voix expire sur les lèvres deTurnus lorsque la Furie passe auprès de lui dans le combat.

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:iÇ)4 PI;RGATORIO.— CANTOXXXI.

che clagli organi suoi fosse disehiusa.

10 Poco soffersc, poi disse : « Chc pense?

Rispondi a me ; ehé le memorie triste

in te non sono ancor dall'acqua offense ».

i ?> Confusionc e paura insieme miste

mi pinsero un tal si fuor délia bocca

al quale intender fur mestier le viste.

ifi Corne balestro frange, quando scoeea

datroppa tesa, la sua corda e l'arco,e con men foga l'asta il segno tocca;

19 si scoppia' io sott'esso grave carco,l'uori sgorgando lagrime c sospiri,e la voce allentù per lo suo varco.

2:>. Ond'ella a me : « Per entro i rniei disiri,che ti menavano ad amar lo Bene

di là dal quai non ù a che s'aspiri,

20 quai fosse attraversate, o quai catene

trovasti, per che del passare innanzi

dovessiti cosi spogliar la spene?

9. La gorge, la bouche où dort la parole et d'où elle s'élance.10. Quasi dicat : hic non est opus cogitatione, quia non habes nisi

dicere sic. (Benv. de Imola.)11. Le triste souvenir de ses erreurs passées.11. Les eaux du Léthé.ii. De même, lorsque Evaudre court au lit funèbre où repose le

jeuuo Pallas, son fils, qu'Enée lui ramène mort :haeret lacrymansque gemensque,

Et via vix tandem voci laxata dolore est...{Enéide, liv. XI, v. I5O-5I.)

•jj. l)ico adunque, che vita del mio cuore... solea essere un pensierosoas'e... questo pensiero che se ne gia spesse volte à' pie del Sire...ch'è Iddio ; cioè a dire, ch'io pensando contemplava lo regno de' beat:.{Conv., II, 8.)

e un solo calle è quello che noi mena alla nostra paceDio... il quale è nostra beatitudine somma. (Conv., IV, ua.)

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I.F. PIJRfiATWRE. CHANTXXXI. 3f)'J

que d'exhaler par sou organe aucun son.

10 Elle attendit un peu, puis elle dit: —« Que penses-tu?

Réponds-moi, car les tristes mémoires

en toi ne sont point encore effacées par les eaux de l'oubli. »

i?> La confusion et la peur, ensemble mêlées,firent monter à mes lèvres un « oui » de telle sorte

qu'il fallut le regard pour l'entendre.

16 Comme l'arbalète, quand elle se débande, brise,si elle est trop tendue, et sa corde et son arc,

et, moins fougueux, le trait s'en va toucher le but,

[9 ainsi j'éclatai sous le trop lourd fardeau,laissant jaillir au dehors et larmes et soupirs,et ma voix fut tardive en ma gorge.

22 C'est pourquoi elle médit: — «Parmi les désirs qui te venaientet te menaient à l'amour de ce Bien [de moiau delà duquel il n'en est point de désirable,

a5 quels fossés, au travers du chemin, ou quelles chaînesas-tu trouvés, pour que d'aller plus avant

tu dusses ainsi abandonner l'espérance?

•il\. Quand l'âme a obtenu Dieu, son Bien Suprême, elle ne peutdésirer nulle autre chose.

Au Livre des Psaumes, LXXII,V. i-a5.Quant bonus Israël Deus his qui recto sunt corde.... !Quid enim mihi est in coelo? et a te quid vohd super terram?« ... Le plus parfait, et le premier de tous les Biens, est en Dieu;

et comme nous avons déclaré que le souverain Bien n'est autre choseque là véritable Béatitude, il faut conclure que cette véritable Béa-titude se trouve en luy. » (Cons. phil. de Boëce, liv. III, prose 10,trad. du P. Nicolas Régnier.)

u5. A l'entrée des forteresses et des ports, au chevet des ponts,même au seuil de certaines rues, on mettait autrefois de grosseschaînes qui en devaient défendre l'accès à l'ennemi.

27. Au vers 57 de VEnfer, dans la Forêt Obscure, Dante avaitperdu l'espérance de jamais revoir les hauteurs.

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ay.6 PURGATORIO.— CANTOXXXI.

MS E quali agevolêzze, o quali avanzi

nella fronte degli al tri si mostràro

per che dovossi Ior passeggiare anzi? »

3 i Dopo la traita d'un sospiro amaro,a pena ebbi la voce che rispose ;e le labbra a fatica là formàro.

34 Piangendo dissi : « Le presenti cose

col falso lor piacer volser miei passi,tosto che il vostro viso si nascose ».

'.'fj Ed ella : « Se tacessi, o se negassiciô che confessi, non fora men nota

•jg. « Quelle vérité, quelle beauté as-tu trouvées daus la philosophieet daus les sciences profanes, et quel repos de ton esprit qui fussentau-dessus de ce que je t'offrais? »

Béatrice est ici la représentation de la Vérité révélée et elle parleau nom de la Science de Dieu que Dante îivait, durant un certaintemps, négligée.

3o. Vagheggiarli, e far con essi l'amore ; corne si suol dire degliinnamorati, i quali hanno in costume di passeggiare innanzi la casadélie amateloro. (Bernardino Daniello da Lucca.)

« ... leur faire la cour selon le mode des amoureux qui vont etviennent devant la maison de leur objet. »

C'est le sens généralement adopté. Mais Benv. de Imola pense quela Dame Elue reproche au Poète d'avoir suivi les biens fallacieux —à la lettre — ou les vaines sciences humaines —selon le symbole, —

prenant le mot « anzi » dans son sens de « au contraire, plutôt »et non dans cet autre de « devant, en avant. »

Franc, da Buti croit qu'il s'agit ici d'aller à la rencontre, « au-devant » des faux biens :

Cioè dovessipûsseggiando farti lor incontra?Et Cristof. Landino :... pei quali tu dovessi passeggiare anzi : idest procedere avanti :

et non ti partire da loro ?Ce qui a le sens de « Pourquoi allais-tu devant eux et ne te sépa-

rais-tu pas de leur service? » Car la coutume des serviteurs, en cetemps-là, était de marcher devant leur maître afin que plus sûr fûtle chemin de celui-ci et que son passage eût plus de solennité.

33. De même, voulant répondre à Vénus, sa mère, cachée soisles traits d'une vierge de Sparte, Enée soupire et ne trouve de voix

qu'au fond de sa poitrine :

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LE PURGATOIRE. CHANTXXXI. >.£)*

28 Et quels traits aimables ou quels avantagesse sont montrés sur d'autres fronts,

pour que tu dusses ainsi porter tes pas vers eux? »

3i Après avoir exhalé un soupir amer,c'est à peine si j'eus assez de voix pour faire réponse,et difficilement la formulèrent mes lèvres,

34 En pleurant je dis : — « Les choses présentes,avec leurs faux plaisirs, ont égaré mes passitôt que votre visage se fut caché. »

37 Et elle : — « Quand tu aurais tu ou nié

ce que tu confesses, elle n'en serait pas moins connue,

Suspirans, imoque italiens a pectore vocem.(Enéide, liv. I, v. 370.)

34. Les biens du monde ^—ce qui paraît au regard, ce qui flatteles sens ou l'orgueil de l'esprit, les honneurs, les plaisirs, les vainesaffirmations des sciences profanes

35. Ce fut environ un an après la mort de Béatrice que Dantecommença à chercher un soulagement dans l'élude. 11lut et aima lespoètes et les philosophes anciens, les jeux de l'astronomie et de lamathématique. Et, comblé de joies intellectuelles, exalté par desmagnificences où il ne trouvait pas d'obstacles à ses haines ni k sesamours, il parut négliger un temps sa foi chrétienne chère à la DameElue. Et ce ne fut que plus tard que l'amertume de ne pouvoiratteindre à l'appel de l'esprit et du coeur, par la seule connaissancerationnelle ou la seule beauté poétique, le jeta haletant dans la Forêtobscure et, de la, aux pieds de Béatrice, figure de la sciencedivine.

36. Le visage de Béatrice était caché dans la mort comme sous levoile de la fiction prophétique, dans la canzone de la Vita Nuova :

L'immaginar fallaceMi conclusse a veder mia donna moi ta :Et quando l'ebbi scorta,Vedea che donne la covrian d'un vélo

(Vita Nuova, Canzone XXIIL)38. Quand Dante ne l'eût point confessée, sa faute n'en eût pas

moins été connue de Dieu. Mais la confession est nécessaire au salutde l'âme, comme faisant partie de la pénitence sans laquelle il nepeut y avoir de rémission pour les péchés. (Cf. saint Th. d'Aquin,Siçm. Theol., III, suppl. VI.)

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20)8 TURGATOIUO. CANTOXXXI.

la colpa tua : cla tal Giudice sàssi.

4o Ma, quando scoppia dalla propria gotal'accusa del peccato, in nostra cor te

rivolgc se contra il taglio la ruota.

43 Tuttavia, perché me' vcrgogna portedel tuo errore, c perché altra volta

udendo le sirène sie piû forte,

46 pon' giû il scme del piangere, ed ascolta;

3g. Deus Judex justiis, fortis et patiens. (David Psaumes, vu,»•)

Deus, tu scis insipientiam meam, et delicta mea a le non suntabscondita. (Ps. LXVIII,6.)

Dominus scit cogitationes hominum... (Ps. xcm.)Domine, probasti me, et cognoristi me. — Tu cognovisti sessionem

meam et resurrectionem meam. — Intellexisti cogitationes meas delonge; semitam meam, et funiculum meum investigasti ;

Et omnes vias meas praendisti; quia non est sermo in linguamea. — Ecce Domine, tu cognovisti omnia, novissima et antiqua(Ps. CXXXVIII,v. 2, 3, 4>5.)

Dice santo Anselmo : E' tanta la justizia di Dio, che nulla minimacosa pub lasciare che non punisca 0 guiderdoni. (Fra. Giordano,XXII.)

40. Les joues rougissantes du pécheur, où s'inscrivent la honte-salutaire et le repentir qu'il a de ses fautes, disposent le Juge su-prême à l'indulgence. (Cf. saint Th. d'Aquin, Sum. Theol., III. Suppl.IX.)

-

41. In nostra corte... Auprès de la cour céleste.42. La roue de l'aiguiseur : si elle tourne dans le sens du lil de la

lame, elle rend l'épée plus coupante, mais si elle tourne en senscontraire, elle émousse la lame qui devient inofîensive.

De même, l'aveu sincère et le repentir adoucissent la justice divineet obtiennent au pénitent la rémission de ses péchés.

43. Me' vergogna : une meilleure vergogne, une plus grande honte,un regret plus profond : il y a plus de responsabilité pour la cons-cience dans un choix intellectuel que non pas dans quelques erreurssensibles. Dante avait pu craindre un instant de perdre la foi danssa douleur :

Poi vidi cose dubitose moiteNel vano immaginare, ov' io entrai ;Ed esser-mi parea non so in quai loco

(Vita Nuova. Canz. du § XXIII.)Et il est utile que plus de douleur blesse le coeur de Dante : par

sa vive douleur, il accomplira devant Dieu l'acte de « satisfaction »

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LE PURGATOIRE. CHANTXXX[. 2Q9

ta faute : du Souverain Juge elle est sue!...

./)() Mais quand éclate, sur la bouche même du pécheur,l'aveu de son péché, en notre cour de justicela meule se retourne contre le fil de l'épée,

43 Pourtant, afin que tu sois chargé d'une plus grande honte

de ton erreur, et qu'une autre fois,entendant les sirènes, tu sois plus fort,

46 taris la source de tes larmes, et écoute :

qui est une partie intégrante du sacrement de Pénitence, portantremède aux péchés passés et formant comme une défense contre lespéchés à venir :

satisfactio quae est justitiae actus poenam inferentis, estmedicina curahs peccata praeterita, et praeservans a futuris(Saint Th. d'Aquin, Sum. Theol., III. Suppl. xn, 3.

,j4 Tuo errore : « tu t'en es allé errant loin de moi, tu aslaissé la voie véritable pour suivre celle qui ne l'était point. »

Plus coupable qu'un autre est celui qui, ayant connu la véritablevoie, consent a l'abandonner:

Ma vilissimo sembra, a chi 'l ver guata,Chi avea scùrto il cammino e poscia l'erra.

(Tratt. IV. Canzone.)e per suo difetto il cammino, che altri sanza scorta lia saputo

tenere, questo scorto erra, e tortisce per li pruni e per le ruine, cdalla parte dove dee non va. (Conv., Tratt. IV, 7.)

/|5. Les Sirènes : ici, pour les faux biens intellectuels, Béatriceveut que plus amères soient les larmes de Dante afin qu'il soit mieuxpardonné. Si elle lui a reproché tout à l'heure les joies sensibles paroù il fut peut-être infidèle à sa mémoire, à présent elle va luireprocher le choix intellectuel, exclusif, qu'il a fait d'abord dosbelles-lettres et des sciences profanes :

quae incautos mergunt in medio tempestatum, idest, arteslibérales, et poetica praecipue, quae dulciter cantant et sua délecta-tione abducunt homines a sacra scriptura. (Benv, de Im.)

Mais plus sûrement lui fait-elle ici reproche de s'être plu, untemps, aux vaines philosophies qui forment leur terme d'elles-mêmeset ne s'avancent point jusqu'à Dieu, philosophies que Dante délaisserapour l'étude de la théologie. (Cf. La Guirlande de neuf Leçons surXII Sonnets de Dante, 7Xc/ejem,Espinasse-Mongenet. Edition Feuillesau Vent.)

46. Il semé del piangere; la confusion, la tristesse, la crainteles sentiments qui ensemencent le visage de larmes.

« Semence » pour « cause ».Ailleurs, Dante écrira :

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300 PUUGATORIO. CANTOXXXI.

si udirai corne in contraria partemover doveati mia carne sepolta.

49 Mai non t'appresentô natura o arte

piacer, quanto le belle membra in ch'io

ad alquanti, cioè a quelli che hanno intelletto, che son pochi,è manifesto che nobiltà umana non sia altro che semé di félicita(Conv., Trait. IV, cap. xx.)

Et dans la chanson du même traité :ad alquanti

Lo semé di félicita s'accosta,Messo da Dio nell' anima ben posta.

47. « Ainsi tu entendras comment, tout au contraire de ce que luas fait, te devait inspirer le souvenir de mes traits mortels entresdans leur sépulture. »

Dante, cherchant à se consoler dans l'étude, après la mort de Béa-trice, et épris de la Philosophie qu'il appelait sa nouvelle Dame,n'avait point trouvé tout de suite la vérité.

Ma perrocchè non subitamente nasce amore e fassi grande e vieneperfetto, ma mole alcuno tempo e nutrimento di pensieri, massima-mente là dove sono pensieri contrarii che lo' mpediscono, convenue,prima che questo nuovo amore fosse perfetto, molta battaglia intra'lpensiero del suo nutrimento e quello che gli era contrario, il qualeper quella gloriosa Béatrice tenca ancora la rûcca délia mia mente.(Conviv. Tratt. II, cap. ii.)

4g. « JEccoqui alcune terzine che hanno qualche cose di sovrana-mente bello, e che tengono del petrachesco. Si sente la fanciulla cheha amato

Il Petrarca ben di rado ha scritto dèi versi pià belli di questi :Non sono pià i versi eterei délia Vita Nuova, qui abbiamo la Béatriceumana, la bellissima fanciulla amata dal poeta.

Si arriva a dimeniicare che Béatrice è la scienza sacra e che tealtre sono le scienze profane. »

Ces paroles furent prononcées par Giosuè Carducci, durant qu'ilcommentait ce chant à l'Université de Bologne en 187!. (D'aprèsG. Federzoni.)

Natura 0 arte : il y a deux formes de beauté, la beauté natu-relle et celle que crée l'art : l'oeuvre de Dieu et, d'après celle-ci,l'oeuvre que crée l'homme.

Quella cosa dice l'uomo essere bèlla, le cai parti debitamenterispondono, perché dalla loro armonia résulta piacivierito : onde parel'uomo essere bello, quando le sue membra debitamente rispbiidono ; edicemo bello il canto, quando le voci di quello, séeondo il débitadell'arte, sono intra se rispondenii (Conv., Trait. I, cap. v.)

4g. «Nec natura nec ars ostenderunt tibi rem tatn tibi complacentem,sicut fuerunt membra mea quae tantum dilexisti, quaë sunt modo eirca

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LE PURGATOIHE. CHANTXXXI. 3oi

tu apprendras ainsi comment, en un sens tout inverse,ma chair ensevelie devait guider tes pas.

49 Jamais la nature, jamais l'art ne te présentèrentunplaisircomparableà celui que t'offraient les beauxmembres oùje

terrain sparsa » ; quia Dantes tantum delectabatur in vidcndo Bea-tricem, auni fuit viva quod ad nil aliud attendebat; ibi erat tota suadelectatio. (Serravalle.)

5o. La grande beauté de Béatrice :Angclo clama in divino intelletto,

E dice : Sire, nel mondo si vedeMeraviglia nell'atto, che procèdeT)a un' anima, che fin quassù risplende.

Dice di lei Amor : Cosa mortaleCorne esser pub si adorna e si para?

Ella è quanto di ben pub far natura;Per esempio di lei beltà si prova.

(Vita Nuova, XIX, Canzone.)Le charme de Béatrice :

Negli occhi porta la mia Donna amorc ;

Quel ch'ella par quand' un poco sovride,Non si pub dicei; ne tener a mente.Si è nuos'Omiracolo gentile.

(Vita Nuova, XXI, Sonetto.)Dicevano molti, poichè passata era :«Questanonè fcmina, anzi è uno de' bcllissimi angcli delcielo. »Ed.

altri dicevano : « Questa è una meraviglia ; che benedetto sia lo Signoreche si mirabilmente sa operare! »

lo dico ch'ella si mostrava si gentile e si piena di tutti i piaceii,che quelli che la miravano comprendevano in loro una dolcezza onestae soave tanto che ridire nol sapevano

E par che sia una cosa venutaDi cielo in terra a miracol mostrare.

Mostrasi si piacente a chi la mira,Che dà per gli occhi una dolcezza al corc

(Vita Nuova, XXVI. Prosa c Souetto.)Gli occhi dolenti per pietà del core

Hanno di lagrimar sofferta pena :

Partissi délia sua bclla personaPiena di grazia l'anima gentile

(Vita Nuova, XXXII. Canzone.)

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302 PLRGATORIO. CANTOXXXI.

rinchiusa fui e son in terra sparte.

52 E, se il sommo piacer si ti fallio

per la mia morte, quai cosa mortale

dovea poi trarre te nel suo disio?

55 Ben ti dovevi, per lo primo strale

délie cose fallaci, levar suso

diretro a me che non era più talc.

58 Non.ti dovean gravar le penne in giuso,ad aspettar piu colpi, o pargoletta,o altra vanità con si brève uso.

6i Nuovo augelletto due o tre aspetta;

5i. L'âme est renfermée dans le corps durant sa vie terrestre.telle une captive. Elle y est comme en voyage et dans une hôtellerie :à l'instant de la mort, elle s'en évade pour revenir à sa maison natale :

Rendesi dunque a Dio la nobile anima e uscirè le pare dellalbergo e ritornarc nclla propria mansione. (Corn:, Trait. IV, cap.XXVIII.)

In terra sparte « mes membres disjointe, dans la terre,devenus tels un peu de poussière » :

donec revertaris in terram de qua sumptus es; quia pulvis es.et in pulverem reverteris. (Genèse, m, ig.)

54- " Si une créature d'une aussi grande beauté telle que je fus, adû entrer dans la mort, quel autre objet mortel méritait encore deretenir tes voeux?»

55. « La première flèche des choses trompeuses » : la mort deBéatrice. Belle et parfaite, telle une créature privilégiée, —Béatricetoutefois est morte.

Cose fallaci L'uonw confidasi nel mondo fallacc, che non hanulla stahilità. (Fra Giordano, X.)

« La première flèche de la douleur » Béatrice n'est plus :Proposi difare una canzonc, nella quale piangendo ragionassi

di lei, per cui tanto dolorc era fatio distruggitore dell'anima mia.(Vita I\'nova. XXXII.)

lo dolorc,appoco appoco alla morte mi mena.

(Ihid., Canzonc.)Désormais dépouillée de ce qu'elle avait de mortel, Béatrice est

devenue une réalité éternelle.îg. Pargoletta : la jouvencelle; peut-être une jeune fille réelle.'

peut-èlre la poésie? la philosophie?Chi guarderà giammai senza paîtra

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LE PURGATOIRE. CHANTXXXI. 3o3

fus prisonnière, et qui sont à présent poussière éparse;

32 et si ce plaisir souverain te fut enlevé

par ma mort, quel objet mortel

devait pouvoir ensuite attirer ton désir?

5:7 Bien tu devais, dès la première flèche

dardée par les charmes fallacieux, t'élever plus haut

et me suivre, moi qui n'avais plus rien de tel.

58 Point ne devait alourdir tes ailes, et gêner leur essor,te laissant là dans l'attente de nouveaux traits, ni jouvencelleni quelqu'autre vanité offrant si brève joie.

6i L'oiseletnouvellementéclos laisse bien arriver deuxou trois coups,

Negli occhi d'esta bella pargoletta....?(Sonetto XXXV. Dante, // canzoniere.)

La bella pargoletta, soggetto del componimento, è la filosofia,giovine non per se stessa, ma rispetto a Dante, e seconda Vappa-renza (P. Fraticelli.)

Dans une de ses ballades, la IXe, du Canzoniere, Dante nous pré-sente une toute jeune fille, qui.dit d'elle-même :

lo mi son pargoletta bella e nuova

Per Pargolectam hic posset intelligi Poesis, quae docetur in juveniliaetate

« Non debebant te gravarepenne infra ad expectandumplures ictus,sive Pargolecta idest esset, sive aliqua vanitas sicut sunt res corrup-tibiles cum brevi usa. » (Serravalle.)

E dice, che ne quella giovane, la quale elli nelle sue Himc chiamopargoletta, ne quella Lisetta, riè quell' altra montanina, ne quella,ne quell'altra h dovevano gravare le penne délie aie in gih, tanioch'elli fosse ferito da uno simile, o quasi simile stralc. (Oltim. Com.)

pargoletta; ista fuit juvencula virgo de civitatc Lucana, cujusamore captus est aliquando post mortem Bcatvicis, Et potest intelligide scientia poetica quae maxime pulcra et delcctabilis competitjuvenilibus (Benv. de Im.)

6o lireve corne fu l'uso del sommo placer che tu avesti dime. (Fr. da Buti.)

?miaparum durât omnis gloria humana etiam quae videtur

ior (Benv. de Im.)Vanitas vanitatum, dixit Ecclesiastcs ; vanitas vanitatum, et omnia

vanitas. (Ecclésiaste, i-a.)6i. Frustra autem jacitur rcte anle oculos pennatorum. (Prov. de

Sal., i, i~.)

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3o4 PURGATORlO. CASTOXXXI.

ma dinnanzi dagli occhi dei pennutirete si spiega indarno o si saetta ».

64 Quali i fanciulli vergognando muti,con gli occhi a terra stannosi ascoltando,e se riconoscendo e ripentuti,

67 tal mi stava io; ed ella disse : « Quando

per udir sei dolente, alza la barba,c prenderai piû doglia riguardando ».

yo Con men di resistenza si dibarba

robusto cerro, o vero al nostral vento,o vero a quel délia terra di Iarba,

73 ch'io non levai al suo comando il mento ;

64 buono e ottimo segno di nobiltà è nelli pargoli e imper-fetti d'etade, quando, dopa il fallo, nel viso loro vergogna sidipinge (Conv., Trait. IV, cap. xix in Une.)

Anche è necessaria a questa età la passions délia vergogna; e perôla buona e nobile natura in questa età la mostra

Dico che per vergogna io intendo tre passioni necessarie al fonda-mento délia nostra vita buona; l'una si e slupore, l'altra si e pudore .la terza si è verecundia (Ibid., cap. xxv.)

6G a questa età è necessario d'essere reverente e desiderosodi sapere a questa età è necessario d'essere pénitente del fallo,sicchè non s'ausi a fallare. (Conv., Tratt. IV, cap. xxv.)

68. . La barba : Ici, pour le menton, car Dante, selon le modeflorentin, porte le visage rasé; mais si Béatrice emploie ce mot debarbe, o'est pour bien lui faire entendre qu'il n'est plus à l'âgeauquel sied la « vergogne » et qu'il ne convient point à un hommefait, tel que le voilà, de tenir timidement la tête baissée.

tig. « Mon visage céleste, plus beau que l'autre que tu as connu,l'inspirera un plus fervent repentir de ton oubli. »

70. dibarba Aux récits de la Table ronde, le rameau à la doubleracine qui jaillit du coeur de Tristan et de celui d'Yseult; en vieil italien :

Si nacqtie una vite, la quale avea due barce 0 vero radici, e l'unacra barbicata nel cuore di Tristano... (CXXXI.)

-ji. Il nostral ventro, le vent de chez nous, la tramontane, l'aquilon,le veut du nord ou boréal par opposition avec celui de l'autre pôle :

Che vien da tramontana verso la quai parte è l'Europa ove noisiamo (Vellutello.)

Dans 1? fable de La Fontaine, le Chêne dit au Roseau : « Toutvous est Aquilon, tout me semble zéphir » Mais voici que :

« Du bout de l'horizon, accourt avec furie

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LE PURGATOIRE. CHANTXXXI. 3û5

mais, devant les yeux des oiseaux qui ont déjà les plumes fortes,c'est en vain qu'on déploie le filet ou qu'on décoche la flèche. »

64 Pareil aux enfants vergogneux, qui se taisent

et, les yeux à terre, écoutent immobiles,reconnaissant leur faute et pris de repentir,

67 tel je me tenais moi-même. Et elle me dit : — « Dès lors

que tu t'affliges à m'entendre seulement, lève la barbe

et tu gagneras, à me regarder, plus de douleur. »

70 Avec moins de résistance s'arrache de terre

un chêne robuste, soit au souffle du vent de chez nous

soit à celui de la terre d'Iarbas,

j'i que je n'en mis à soulever le menton selon son commandement ;

Le plus terrible des enfants,Que le Nord eût portés jusque-là dans ses fiaucs.

L'arbre tient bon, le roseau plie,Le vent redouble ses efforts,Et fait si bien qu'il déracine

Celui de qui la tête au ciel était voisine,Et dont les pieds touchaient à l'empire des morts. »

•j-i. Ou le vent du Sud, le Sirocco, le vent austral qui passe surl'Afrique.

Didon, reine de Carthage, avait dédaigné l'amour de Iarbas, roi deGélulie, et de plusieurs autres chefs africains : à l'aurore, quandelle confie à sa soeur l'amour qu'elle commence à ressentir pourlinée, celle-ci lui répond :

0 luce magis dilecta sorori,Solane perpétua moerens carperc juventa?

Esto : aegram nulli quondam flexere rnariti;Non Libyae, non ante Tyro : despectus Iarbas,Ductoresque alii, quos Africa terra triumphisDives alit : placitone etiam pugnabis amori?

(Enéide, IV, v. 3i-35 et suiv.)Intende ostro, che è opposto alla, tramontana, e che nasce e spira

dalla terra di Jarba, cioè da Libia, che è quanto a noi in ostro; déliaqaal terra fu re Jarba figliuolo di Juppiter e di Garamantide ninfa,sicome descrive Virgilio : « Hic a love natus rapta Garamanthideninfa. » (Jacopo délia Lana.)

73. « Tutt 'altro invita aveva Dante sognato, alira volta, se è suoil sonetto : « Erà ne l'ora » :

M'apparve con gentil sembianti

LE PURGATOIRE.— II. iO

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3o6 PURGATORIO. CANTOXXXI.

e quando per la barba il viso chiese,ben conobbi il velen dell'argomento.

76 E corne la mia faccia si distese,

posarsi quelle prime créature

da loro aspersion l'occhio comprese ;

79 . e le mie luci, ancor poco sicure,vider Béatrice volta in sulla Fiera

ch'è sola una persona in due nature.

82 Sotto suo vélo, ed oltre la riviera,

verde, pareami piû se stessa antica

vincer, che l'altre qui, cjuand'ella c'era.

In visione, una gentil donzella.Pareami adiré in sua dolce favclla :— Atza la testa a chi ti ven davanti,Mossa a pietà de' tuoi pietosi pianti,Piena d'amore e, corne vedi, bella !

(Com. Franc. Torraca.)74- Chè altro si conviene e dire e operare a una etade, che ad

altra ; perche certi cosiumi sono idonei e laudabili a una etade, chesono sconci e biasimevoli ad altra... (Conv. Trait. I, 1.)

77. Quidam dicunt quod ante omnem creationem genili sunt angeli.(Saint Jean Damascène, De Fid. orth., II, 3.)

Hieronymus loquitur secundum sententiam doctorum graeco-rum, qui omnes hoc concorditer sentiunt, quod angeli sunt aillemundum corporeumereati. (Saint ïh. d'Aquin, Hum. Theol., I, G1-3.)

Mais peut être Dante dit-il des Anges : ces « premières créatures »,a(in de marquer leur plus grande noblesse.

unde sic creatae sunt spirituales creaturae, quod ad creaturamcorporalem aliquem ordinem habent, et toti creaturae corporalipraesident... Unde Isidorus dicitquod «sitprcmumcoelum est coelumangelorum. (Saint ïh. d'Aqiiin, Sum. Theol., I, LXI,4.)

natura angelica est nobilior quamcorporalis... (Il/id., I, LXII,I.)78. Il n'y avait donc plus, entre Dante et la Dame élue, le nuage

floral qui la lui cachait tout à l'heure mieux encore que son voile.79. Toutefois les yeux du Poète ont beaucoup pleuré; la timidité

et 1'inccrliludc y demeurent, en sorte que ce n'est point avec assu-rance qu'ils se lèveront sur Béatrice, mais tels les yeux de celui dequi le coeur tremble encore :

In quel punto dico veracemenle che lo spirito délia vita, lo qualcdimora nella segretissima caméra del cuore, comincià a tremare sifortemente che apparia ne' menomi polsi orribilmente D'allora.innanzi dico ch'Amore signoreggnio l'anima mia (Vita A'uova, § 2.)

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LÉ PURGATOIRE. CHANTXXXI. 3oj

et quand, le désignant par la barbe, elle demanda mon visage,bien je connus le venin de l'allusion.

r6 Et, lorsque j'eus relevé ma face,les anges, ces créatures premières, avaient interrompuleur aspersion de fleurs : ainsi le comprirent mes yeux.

JCJ Et mes regards, encore mal assurés,virent Béatrice tournée vers le fier Animal

qui forme une seule personne en ses deux natures.

82 Sous son voile, et au delà de la rivière

verte, elle me semblait, de sa beauté d'autrefois, plus encore

triompher qu'elle ne triomphait de la beauté des autres,

[quand elle était ici-bas.

80. Mais Béatrice regardait le Griffon mystique et non Dante;comme dédaigneuse, elle se détournait de lur.

parea a me, disdegnosa, che non mi volgea l'occhio

(Conv. Tratt. III, i5 in fine.)81 le Griffon mystique, qui est une seule personne en deux

natures, à la fois aigle et lion : l'aigle qui vole en plein ciel et lelion qui va sur terre, plus beau et plus fort que les autres animaux "

et vraiment royal : l'image hiératique du Christ, Dieu et Homme.Sur les mosaïques byzantines des premiers siècles, fréquemment onvoit paraître le Griffon.

82. Béatrice est encore voilée. Le sens allégorique c'est, ici, queDante ne peut comprendre encore la Béatrice céleste :

Elle est encore éloignée-de lui : entre elle et lui, il y a la rivièreavec tout le mystère de l'oubli réparateur auquel il n'a pas encoreaccédé : l'obstacle, c'est tout ce que Dante garde en lui d'attachessensibles avec la terre.

83. Quelques commentateurs lisent « vincer » au lieu de« verde ». L'idée reste la même. Toutefois la verte vision de larivière disparaît.

84. Vincer... Bien que lointaine et voilée Béatrice semble à Dantedépasser en beauté ce qu'elle fut autrefois d'autant, et de bien plusencore, qu'elle ne dépassait ici-bas les autres femmes :

Vede perfettamente ogni sainteChi la mia donna tra le donne vede :Quelle, che van con Ici, sono tenuteT)i bella grazia a Dio render mercede,

E sua beltate è di tanta virtute,Che nulla invidia ail' altre ne procède,Anzi le face andar seco vestuteDi gentilezza, d'amore e di fede.

(Vita Nuova, Sonetto XXVll.)

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3o8 PliRGATÔRIÔ. CANTOXXXI.

85 DFpentèr si mi punse ivi l'oftica,

che, di tutt'altre cose, quai mi torse

piû nel suo amor, piû mi si fe' nimica.

88 Tanta riconoscenzâ il cor mi morse,ch'io caddi vinto ; e quale allora femmi

saisi colei che la cagiou mi porse.

91 Poi, quando il cor di fuor virtù rendemmi,la donna ch'io avea trovata sola

sopra me vidi; e dicea : « Tiemmi ! tiemmi ! ».

94 Tratto m'avea nel fiume infino a gola,e, tirandosi me dietro, se n' giva

sopr'esso l'acqua, lieve corne spola.

85 cioè lo rimordimento de la coscienzia che cttoce, corne fal'ortica quando punge... (F. daButi.)

80. La cosa cite lo torse nel suo amore, cioè il bene minore cheattrae Dante a se, è qui modo ambiguo y ma il lorcersi nell' amorenon degno, ha pure potenza, e dice in uno perversione e sforzo.(Tommaseo.)

85. La rayonnante beauté de Béatrice éclaire soudain la consciencede Dante avec tant de force que tout le mal commis lui revient à lamémoire sous un jour si vrai qu'il ressent une haine plus vive pource qu'il a le plus aimé au temps de ses transgressions.

fu di tanta penitenza percosso c punto, che quanto ciascunacosa temporale e mondana infino allora pià l'aveva torto nel suoamore, colanlo li venue in maggiore odio ; perocchè cotanto perquella senti maggiore afflizione, perciocchè al fallo fu data corres-pondente pena : onde per non essere mai pià cosi punto, dice, seodiarle ciascuna, secondo il grado ch' eglil'amb. (Ottim. Com.)

88. Riconoscenzâ : idest recognitio erroris. (B. de Im.)go. Colei... Béatrice : par ses reproches peut-être, mais surtout

par cette beauté surnaturelle qui avait jeté dans l'àme de Dante lepremier rayon de la vérité absolue.

Le chagrin du Poète s'accroît encore de ce que Béatrice, voyanttoute chose en Dieu, connaît aussi bien, et mieux que lui-même, toutle mal qu'il a commis, et donc il peut craindre de ne point luidemeurer cher comme il le souhaite si ardemment, et sa douleur sefait si aiguë qu'il tombe comme privé de vie et ne sait plus ce qu'iladvient de lui.

91 « Quando il cuor » cioè... la virtù vitale e sensitivach'era corsa colsangue al cuore, tornb di fuori a le membra (F. daButi.)

92. Matelda ; mais Dante ne sait point encore son nom :

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LE PURGATOIRE.— CHANTXXXI. J09

85 Si fort me poignit dans cet instant l'ortie du repentir,

quej parmi toutes les choses diverses, celle qui m'avait égaréle plus loin de mon amour pour elle plus me devint ennemie.

88 Une connaissance si nette de ma faute me mordit le coeur,

que je tombai vaincu, et, ce qu'il advint alors de moi,celle-là le sait qui en fut la cause.

91 Puis, lorsque mon coeur m'eut rendu la conscience des choses,cette Dame que j'avais trouvée seule,

je lavis penchée sur moi; et elle disait:— « Tiens-toi, tiens-toi

[bien à moi ! »

94 Elle m'avait entraîné dans le fleuve jusqu'à la gorge,et, me tirant derrière elle, elle s'en allait

sur l'eau, légère comme la navette du tisserand,

Una donna soletta, che si gla.Cantando ed iscegliendo fior da flore.

(Purg., XXVIII, v. 40 et suiv.)g3. Sans doute Danle savait-il nager, et peut-être avait-il été

appelé à faire quelque sauvetage dans le fleuve Arno, ou la mer :l'exactitude de sa description le laisse croire. Cf. Enf. XVI in fine.

94- Elle entraîne Dante dans le fleuve Léthé ; elle lui en fera boiretout à l'heure : le premier pas dans la Béatitude, c'est d'oublier leserreurs passées qui pèsent en tout temps si lourd dans l'àme.

La confession de Dante suit pas à pas les étapes de la confessionsacramentelle : l'aveu, la contrition... Ici Matelda, qui est toujoursla figure de la Vie Active, assume le rôle de l'autorité sacerdotale, etl'immersion du Poète dans le fleuve mystique forme l'image de l'ab-solution.

L'autore intese che, poi ch'elli ebbe la débita contrizionedell'errore suo, Matelda, che significa l'autorità sacerdotale... l'as-solvesse : imperù che al sacerdote s'appartiene di predicare e lodarela scienzia divina, e co la sua dotirina menare lo peccatore perl'acqua de la mundazione, e co la sua autorità sacerdotale asso-herlo (F. da Buti.)

96. Bien juste, prompte et gracieuse est ici l'image tirée de lanavette du tisserand, car il faut qu'elle coure très légère et lancéed'un geste sûr parmi les fils de la trame afin de ne les point rompre.

Jacopo délia Lana prend ici spola dans le sens de barque légère :une barque de forme effilée, rapide, qui s'enfonce à peine dans l'eau,et l'image est tout aussi charmante.

Spola : è uno navilio, il quale è poco inghiottito dall' acqua. [iajc.delfa Lana.)

Benv. de Imola lit ici « scola » au lieu de « spola » et écrit ::— est enim scola, prout hic accipitur, genus navigii longunii

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3lÛ PUHGA.TORI0. CANTOXXXt.

97 Quando fui presso alla beata riva,

Asperges me si dolcemente udissi,ch' io no '1 so rimembrar, non ch' io lo scriva.

ioo La bella Donna nelle braccia aprissi;abbraeciommi la testa, e mi sommerse

ove convenne ch' io l'acqua inghiottissi.

I o3 Indi mi toise ; e bagnato m'offersedentro alla danza délie quattro belle;e ciascuna del braecio mi coperse.

106 « Noi sein qui ninfe, e nel ciel semo stelle ;

pria che Béatrice discendesse al mondo

levé, aptum ad bella navalia, et talis fuit haec millier longa, tevis,apta ad bella.

Il croit voir la vaillante jeune femme, tel un léger navire de guerreappareillé pour le combat.

Mais peut-être Matelda ne nage-t-elle point, et court : elle surl'eau, légère comme la vierge Camille, reine des Volsques, qui auraitpu voler sur les moissons sans courber les épis, ou marcher sur leseaux sans mouiller ses pieds agiles?...

Illa vel intactae segetis per s'umma volaretGramina, nec teneras cursu laesisset aristas;Vel mare per médium, fluctu suspensa lumenti,Ferret iter, celeres nec tingeret aequore plantas.

(Enéide, liv. VII, v. 808 et suiv.)Ou encore comme Circé courant vers Rhégium a travers la mer ;

Summaque decurrit pedibus super aequora siccis.(Ovide, Met., XIV, v. 5o.)

98. Asperges me hyssopo, et mundabor; lavabis me, et supernivem dealbabor.

« Vous m'arroserez avec l'hysope et je serai purifié, vous melaverez et je deviendrai plus blanc que la neige. » (Ps. L, 9. Mise-rere mei, Deus...)

... Questo Asperges... si dice quando per lo prête si gitta l'acquabenedetta sopra il confesso peccatorc, il quale elli assolve (Ottim.Com.)

102. Le sens allégorique: l'immersion avait purifié Dante a l'exté-rieur, mais il fallait qu'il bût de l'eau du fleuve mystique afin d'êtrede même purifié intérieurement, corps et âme.

104. ... poi che la dottrina et autorità sacerdotale àe mundificatoc' lavato l'omo da l'atto e dal fomite del peccato si, che l'a rendutoinnocente, cosi lavato lo mette dêntro da la dansa de le quattro

Page 323: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

LE PURGATOIRE. CHANTXXXI. •">I I

Ç)7 Quand je fus près de la rive bienheureuse,ces mots : Asperges me, se firent entendre si doucement

que je ne sais me le rappeler, bien moins encore l'écrire.

ioo La belle Dame dans ses bras ouverts

me prit la tète, et me submergeaen sorte qu'il me fallut boire l'onde.

io3 Après quoi elle me retira et, tout mouillé, m'offrità la danse des quatre belles ;et chacune me couvrit de son bras.

106 — « Ici, nous sommes nymphes et au ciel nous sommes étoiles;avant que Béatrice ne descendît au monde,

virtù cardinali, accib ch'elli vegga lo tripudio e l'allegressa loro, ecomeelle servent) a la santa theologia... (F. da Buti.)

Encore tout mouillé de l'eau lustrale, voici que Matelda offreDante à la ronde des Vertus Cardinales : c'est qu'il est apte désor-mais à en comprendre et à en suivre Je rythme. Il est juste que laVie active ait disposé l'âme parfaitement à se mouvoir selon lerythme des Vertus.

io5. Et celles-ci forment en leur danse une figure gracieuse parleurs bras élevés et joints au-dessus de lui, comme voulant le proté-ger. L'allégorie est ici que les vertus lui viendront en aide, désor-mais, de tout leur pouvoir :

imperochè l'braccio délia giustitia difende dalla iiijustitia :la prudentia dalla siultitia : la fortezza dalla timidità : la tempe-rantia dalla libidine. (Cris. Landino.)

106. Ninfe : des nymphes, au sens grec, des jeunes femmes, desfiancées. Saint Luc, dans son évangile, emploie ce mot pour désignerles jeunes femmes d'une famille (xn, 53). Le sens allégorique, c'estque les vertus émanées de Dieu sont inaltérables comme ses des-seins et d'une parfaite beauté; elles sont donc fort bien figurées parquatre formes féminines d'une grande jeunesse. En outre, sur terre,les vertus sont comme les fiancées de l'âme : au ciel, elles brillentcomme une constellation, celle-là même qui rayonne sur la figuredes sages. (Cf. Les quatre étoiles et Caton d'TJlique. Chant I,v. 2', 37 et suiv.)

107. La Justice, la Prudence, la Force et la Tempérance rayon-naient sur le monde païen, entretenant dans les âmes les plus noblesla flamme spirituelle qui devait préparer les voies au christia-nisme.

Il ne faut pas oublier que Béatrice est constamment ici le symbolede la Théologie, de la science de Dieu enseignée par son Eglise

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3l2 PIRGATOIUO. CANTOXXXI.

fummo ordinate a Ici per suc ancelle.

109 Menremti agli occhi suoi ; ma nel giocondo

lume ch'è dentro aguzzeranno i tuoi

le tre di là, che mirai! piû profondo ».

I 1>. ÇQSI cantando eominciàro ; e poial petto dcl Grifon seco menàrmi,ovc Béatrice volta stava a noi.

II 5 Dissor : « Fa' chc le yiste non risparmi :

posto l'avcm dinnanzi agli smcraldi

onde Amor già û Irasse le sue armi ».

dont les Vertus étaient les servantes, avant même son avènement.La Sagesse dit d'elle-même, dans les Proverbes de Salomon :Ab aeierno orclinata sum, et ex antiquis antcquam terra fieret.

Nondum erant abyssi, et ego jam concepta eram... (vin, a3--2/|-)108. Dans l'ordre littéral, le Poète veut nous dire que Béatrice fut

ornée de toutes les vertus et que, déjà, avant qu'elle ne vînt surterre, le Créateur, regardant sa jeune âme avec complaisance, en avaitdécidé ainsi. Au sonnet du S XXVI de la Vita Nuoya, Dante écrivait :

E par che sia una cosa venutaDi cielo in terra a miracol mostrare.

m. Les trois vertus Théologales la Foi, l'Espérance et laCharité.

... Di lassù dico, facendo relazione à Dio... onde la nostra buonafede ha sua origine, dalla quale viene la speranza del preveduto desi-derare; e per quella nasce l'operazione délia carità; per le quali trevirtà si sale a filosofare a quella Atene celestiale, dove gli stoici eperipatetici ed epicurei, per l'arte délia verità eterna, in un volereconcordevolmente concorrono. (Conv., Tratt. III, i3, 14.)

Cf. i5, même livre :Les vertus cardinales regardent les hommes, les vertus Théolo-

gales contemplent Dieu.113. Les Vertus mènent Dante à la poitrine du Griffon hiératique.

Le sens caché, c'est que, par les vertus, l'homme s'approche ducoeur de Dieu personnifié en son Verbe, à la fois Dieu et Homme.

Inprincipio erat Verbum et Verbum erat apud Deum, et Deus eratVerbum...

Et Verbum caro factum est. et habitavit in nobis... (Evaug.saint Jean, 1, v. 1-14.)

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T/E PUHGATOIHÎÏ. CHANTXXXI. 3 13

nous lui fûmes destinées pour être ses servantes.

109 Nous te mènerons devant ses yeux : mais pour pénétrer

[dans l'heureuse

Lumière dont ils rayonnent, elles feront les tiens plus lucides,ces trois autres qui sont de l'autre côté du char et dont le regard

[a plus de profondeur... »

11y. Ainsi chantant elles commencèrent et puisme menèrent avec elles à la poitrine du Griffon,et de ce côté Béatrice était tournée vers nous.

lia Elles me dirent : — « Veille à ne point épargner tes regards.Nous t'avons placé devant ces émeraudes

à travers lesquelles, autrefois, Amour te blessa de ses traits... »

Littéralement : le Poète nous fait connaître que, de cette place, etparce que Béatrice debout sur le char s'était tournée vers le Griffon,il se trouvait juste en face d'elle.

114- Les émeraudes : les yeux de Béatrice — peut-être élaient-ilsverts, ou tels ces yeux bleus qui prennent tour à tour toutes lesnuances des eaux — mais peut-être aussi, l'émeraude ne fut-ellechoisie comme image, par le Poète, que parce qu'elle est, de toutesles pierres précieuses colorées, la plus brillante, la plus transparente,celle qui se saisit le mieux de la lumière :

Nullius coloris adspectus jucundior est. (Pline, Ilist. Nat., XXXVII,5.)

n5. « N'épargne pas tes regards... ».E gli occhi di color, dov' ella luce,Ne mandan messi al cor pien di disiri,Che prendon aère e diventan sospiri.

(Conv. Tratt. III. Canzone.)... dice Aristotile nel decimo dell' Etica... che l'uomo si deetraere

aile divine cose quanto pub... [Conv. Tratt. IV, cap. xm.)117. « Par ses yeux, déjà, l'Amour t'a lancé ses flèches... ».

Negli occhi porta la mia donna Amore.(Vita Nuova, XXI. Sonetto.)

Dagli occhi délia mia donna si muoveUn lume si gentil, che dove appare,Si vedon cose, ch' uom non pub ritrarePer loro altezza e per loro esser nuove,

E da' suoi raggi sopra' l mio cor pioveTanta paura, che mi fa tremare...

(Dante, Canzionere. Sonetto XXI, v. 1 et suiv.)

Page 326: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

314 l'L'RUATORIO. CANTOXXXI.

j 18 Mille disiri più che fiamma ealdi

strinsermi gli occhi agli occhi riluccnti,che pur sopra il Grifone stavan salcli.

121 Corne in lo specchio il sol, non altrimenti

la doppia Fiera dentro vi raggiava,or con uni, or eon altri reggimenti.

ia4 Pensa, lettor, s' io mi maravigliava,

quando vedea la cosa in se star quêta,e nell' idolo suo si trasmutava.

127 Mentrc che, piena di stupore e lieta,l'anima mia gustava di quel cibo,

che, saziando di se, di se asseta,

iiy. ... Cose appariscon nello suo aspetto,Che mostran de' piacer del paradiso;Dico negli occhi e nel suo dolce riso,Che le vi reca amor com' a suo loco.

(Conv. Trait. III. Canzone.)E qui si conviene sapere che gli occhi délia sapienzia sono le sue

dimostrazioni, colle quali si vcde la verità certissimamente, e 'l suoriso sono le sue persuasioni, nette quali si dimostra la luce interioredélia sapienzia sotto alcuno velamento : e in queste due si sente quelpiacere altissimo di heatitudine, il quai è massimo hene in paradiso.Questo piacere in altra cosa di quaggiù esser non pub, se non nelguardare in questi occhi e in questo riso. (Conv. Trait. III, cap. xv.)

i'io. Ad te, Domine, levavi animant meam...Oculi mei semper ad Dominum... (Ps. xxiv, 1. IJ.)îii. Dans Ovide, les yeux ravis de la Nymphe :

... flagrant quoque lumina nymphae;Non aliter, quam quum puro nitidissimus orbeOpposita speculi referitur imagine Phoebus...

(Met., liv. IV, v. 347 et suiv.)... certi corpi, per molta chiarità di diafano avère in se mista,

tosto che 'l sole gli vede, diventano tanto luminosi, che, per multipli-camento di luce in quelli, appena discernibile è lo loro aspetto, erendono agli altri ai se grande splendore ; siccome è l'oro e alcunapietra. (Conv. Tratt. III, V, 7.)

i^3. Le céleste Griffon, l'image du Sauveur fait homme, emplis-sait de ses rayons les yeux de Béatrice; et tantôt ces rayons étaient

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tE PURGATOIRE. CHANTXXXI. 313

118 Mille désirs, plus ardents que la flamme,

joignirent étroitement mes yeux aux yeux resplendissantsqui demeuraient fixés seulement sur le Griffon.

121 Comme le Soleil en un miroir, point autrementle fier Animal à la double nature y rayonnait, réfléchitour à tour -avec tels de ses attributs ou avec tels autres.

124 Pense, lecteur, si je m'étonnais devant la merveille,

quand je voyais l'objet en soi rester immobileet varier pourtant en son image.

la- Durant que, pleine de stupeur et joyeuse,mon àme goûtait à cette nourriture

qui, en même temps qu'elle rassasie d'elle-même, d'elle-même

Tdonne encore faim et soif,

intelligibles à Dante en tant qu'émanant de sa nature humaine — figuréeparle Lion — et tantôt ils cessaient de lui être intelligibles commeplanant sur les hauteurs de sa nature divine, figurée par l'Aigle :hauteurs auxquelles Dante ne pouvait atteindre, mais dans lesquellesBéatrice était déjà ravie :

In lei discende la virtù divina,Siccome face in angelo che' l vede.

(Conv. Tratt. III. Canzone.)I2Ï. La cosa : dans le sens philosophique de « res » pour le

réel, la réalité de ce qui est.iiC. L'animal hiératique demeurait immuable en soi, unique en

ses deux formes et sans variation d'aucune sorte. Ses variationsn'apparaissaient que dans son image, reflétée par les yeux deBéatrice : l'Homme-Dieu, dans les enseignements de la théologie estproposé à l'intelligence tour à tour comme Dieu cl comme Homme.

Cf. Saint Th. d'Aquin, Sum. Theol., III, xvi, 4, 5. •>•Idolo de £Î8<oXou,dans le sens d'image, de reproduction des traits

de quelqu'un.128. Les yeux de Béatrice elles images sacrées dont ils sont emplis

se communiquent comme un aliment surnaturel a l'âme du Poète.129. Dans l'Ecclésiastique du roi Salomon, la Sagesse dit d'elle-

même :

Spiritus enim meus super mel dulcis...Qui edunt me, adhuc esurient; et qui bibunt me, adhuc sitient.

(xxiv, 27-29.)Cf. Saint Grégoire le Grand : Homélie XVI.

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3i6 pL'BOATOhïn. — CANTOkxxt.

i3o se dimostrando del piû alto tribo

negli atti, l'altrc tre si fèro avanti,danzando al loro angelico caribo.

i'5?) « Volgi, Béatrice, volgi gli occhi santi,era la lor canzone, al tuo fedele,che per vederti ha mossi passi tanti!

\'à(] Ver grazia fa noi grazia che disvele

a lui la bocca tua, si che discerna

la seconda bellezza che tu celé ».

il5t) 0 isplcndor di viva luce eterna,

i3o. Tribo du latin tribus, qui signifie : tribu, division politique oumilitaire ; ici, avec l'inflexion de grade, ordre, degré ou hiérarchie.

Les vertus théologales, par leur grâce souveraine, font bien voirleur noblesse et qu'elles appartiennent à l'ordre le plus élevé descréatures célestes :

... cioè dimostrandosi di più alla schiatta, che de le quattro virtiicardinali : imperb che intendono a maggior cose, cioè a le divine...(F. daButi.)

Quanto enim tribus Judae, de qua fuit David et de qua descenditChristus, fuit altior aliis, tanto istae très sunt altiores illis quatuor...(Beuv. de ]m.)

i'ii. Les trois jeunes femmes qui symbolisent les Vertus théolo-gales, à la droite du char :

... Negli atti : Quantum ad operaiiones earum (Benv. de Iru.)i3a. Caribo : un air de danse accompagné par les voix, un air

qu'on chante en dansant, avec un accompagnement de musique.Nel senso di Canzone a ballo sernbra usasse la voce caribo già

prima di Dante, Giacomo Pugliese. (Cfr. D'Ancona e Comparelti,Antiche rime volg., 1, 388. V. 35i. — G. A. Scartazzini.)

... danzando secondo la cadenza del loro angelico caribo, canto,carme o canzone. (P. Fraticelli.)

Le sens du mot caribo devait être bien connu autrefois, car lestrès vieux commentateurs, pour la plupart, ne s'y arrêtent point.Benv. de Imol. toutefois, le voit avec son sens de danse chantée.Franc, da Buti, lui, en fait garibo et lui donne le sens de garbo quisignifie, grâce, élégance.

133. L'imploration des Vertus : rien de plus émouvant, — au cri del'Amour, de la Foi et de l'Espérance, Béatrice ôtera son voile pourconsoler celui qui aime, croit et espère.

134. Il quivi chiamando misericordia alla donna délia cortesia, cdicendo, « Amore, aiuta il tuo fedele » m addormentai corne un par-goletto battuto lagrimando. (Vita Nunva, XII.)

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LE PURGATOIRE. CHANTXXXI. '51J

i3o se révélant comme issues d'une plus noble race

par leurs attitudes, les autres trois s'avancèrent,dansant au rythme de leur chant angélique.

i33 — « Tourne, Béatrice, tourne tes yeux saints .. »,c'était là leur chanson, « vers ton fidèle

qui, pour te voir, a fait tant de pas!

136 De grâce, accorde-nous cette grâce de dévoiler

en sa faveur ta bouche, en sorte qu'il connaisse

la seconde beauté que tu cèles. »

ôg 0 Splendeur de vivante lumière éternelle,

A ce propos, je signale — en passant— toute une critique récente,ésotérique, qui prend son point de départ dans des ouvrages anté-rieurs, de G. Pascoli.D. Gabriel Rossetti, Aroux et Péladau, critiquequi ne manque point de traits fort intéressants : V. Luigi Valli :// linguaggio segreto di Dante e dei « fedeli d'amore » (Roma, éd.Optima, IÇ)Ï8); La Chiave délia Divina Comedia. (Bologna, éd. Nie.Zanichelli) et I.'Esotérisme de Dante, par R. Guenon (Les Cahiersdu Portique).

Toutefois cette critique est inadmissible dans sou ensemble.Al tuo fedele : « Fedele d'amore » e di desiderio se non d'opera

(ïommaseo).L35. Dante vient de loin : il a traversé en Enfer les cercles de la

douleur absolue, il a gravi la Montagne Mystique...137.Les vertus chantent et supplient Béatrice qui a déjà découvert

ses yeux, de découvrir aussi sa bouche, encore cachée sous le voile.... e perocchè nella faccia, massimamente in due luoghi adopera

l'anima {perocchè in quelli due luoghi quasi tutte e tre la naturedeli anima hanno giurisdizione, cioc negh occhi e nella bocca) quellimassimamente adorna, e quivi pone lo'ntento tutto a far bello, sepuote. (Conv., ïratt. III, 8.)

L'anima;... dimostrasi nella bocca, quasi siccome colore dopovetro...

Ahi mirabile riso délia mia donna, di cui io parlo, che mai non sisentia se non dell' occhio.' [Ibid.)

i36. La première beauté : les yeux de la Dame élue, devantlesquels le choeur des Vertus Cardinales avait mené Dante ; laseconde beauté : la bouche, dont la vue lui est accordée à la prièredes Vertus théologales.

i3g. Béatrice est toute irradiée de lumière divine :Candor est enirn lucis aeternae, et spéculum sine macula Dei

majestatis, et imago bonitatis illius. (Liv. de la Sagesse, vu. u6.)

Page 330: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

3l8 PURGATORIO. CANTOXXXI.

chi pallido si fece sotto l'ombra

si di Parnaso, o bevve in sua cisterna,

i4a che non paresse avcr la mente ingombra,tentando a render te quai tu parestilà dovc armonizzando il ciel t'adombra,

i45 quando nell'aere aperto ti solvesti!

140. Le Poète, «qui a pâli dans les travaux de la poésie » et « qui a buà ses sources » c'est-à-dire qui a reçu le don du génie poétique, sifervent qu'il soit, si libre en son art, ne pourrait rendre par sesrythmes la splendeur dévoilée de la Dame élue.

142. Tout art semblerait gauche à vouloir rendre une si parfailt:beauté...

i;i4- (t Là où le ciel, en ses harmonies, s'harmonisant à ta beauté,t'entoure et te couvre... »

Adombrare : envelopper, couvrir, ombrager — au sens de pro-téger — entourer de mystère.

A rapprocher du latin .- obumbrare : L'Ange dit à Marie : ... etvirtus Altissimi obumbrabit tibi... » (Ev. Saint Luc, 1, 35.)

Quelques anciens commentateurs voient ici le rythme des ciels,portant leurs astres favorables et formant comme l'effigie, la parfaitereprésentation de toutes les sciences renfermées dans la clarté duciel suprême. Franc da Buti voit ici l'harmonie des sphères célestes :

... cantando e sonando dolcementc...De même l'Oltimo :Quasi dica, per le armonie e sonoritadi de' cieli passando...Serravalle entend, parmi les harmonies du jardin, le chant des anges

qui jetaient des fleurs, et des autres créatures célestes...Une autre interprétation, assez ancienne, prend le mot adombra

dans le sens de représenter, de rendre l'image d'une figure, et le sensdu vers devient alors :

« En ce lieu où le ciel, s'harmonisant avec le jardin de l'innocencepremière, rend à peine, malgré toute sa beauté, une image de labeauté de Béatrice, toute puisée désormais à la source divine... »

Page 331: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

LE PURGATOIRE. CHANTXX\I. 3l(J

quel poète, pâli sous l'ombragedu Parnasse par l'excès de sa ferveur, ou enivré à ses citernes,

142 qui ne semblerait dément,s'il tentait de te rendre, telle que tu m'apparus,là, où, en ses harmonies, le Ciel te couvre de sa sphère,

i4;> quand dans l'air libre tu rejetas ton voile !

Parmi les commentateurs modernes, Franc. Torraca écrit :II cielo... splendendo anch' esso pià che altrove, adombra, ritrae

lo splcndore délia viva luce eterna...P. Fraticelli ne songe qu'au mouvement des sphères célestes et à

leur symbole :Là dove il cielo, rendendo col suo aggirarsi soavissima armonia

(Purg., XXX, g3) ti adombra e II fa coperchio. Anche : Dante per lesf'erc celesti intende le scienze. [Parad., I, 4-) Or qui Béatrice èsimbolodélia scienza divina, e intorno a lei armonizzano tutte le altre.

G. Federzoni rappelle que, selon Dante, les neuf ciels repré-sentent chacun une science :

Tutte queste scienze concorrono armonicamente a formare cib chcsi pub chiamare il corpo délia Teologia; la quale percib si adombradi tutte le scienze, di tutti i cieli.

Ce serait là ce qui fait écrire à Danle, au § XXIX de sa VitaNuova, comment Béatrice peut être comparée au Is'ombre IX :

... Questo numéro fu amico di lei per dare ad intendere che nellasua gênerazione tutti c nove li mobili cieli perfettissimamente s'aveanoinsieme. Questa è una ragione di cib, ma più sotiilmente pensando, esecondo la infallibile verità questo numéro fu ella medesima...

Toutefois, on peut penser aussi que le beau ciel contient et formel'harmonie de la radieuse figure de Béatrice avec le jardin merveil-leux, les arbres, les (leurs, l'eau, dans la pure lumière inaltérable.

... armonizzando. dans le sens de Dante au Convivio :

... nulla cosa per legame musaico armonizzata si pub délia sua

loquela in altra trasmutare, sanza rompere tutta sua dolcczza earmonia. (Conv., Trait. I, 7.)

Page 332: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

CANTO XXXII

i Tanto eraa gli ocehi miei fissi ed attenclioa disbramarsi la decenne sete,che gli altri sensi m'eran tutti spenti;

4 ed essi quinci e quindi aveau paretedi non caler, cosi lo santo riso

a se traeali con l'antica rete ;

7 quando per forza mi fu volto il viso

ver la sinistra mia da quelle Dèe,

perch'io udia da loro un 'Troppo fiso !

10 E la disposizion ch'a veder èe

ncgli ocehi pur testé dal sol percossi

i. Béatrice était morte l'an 1290. Nous sommes en i3oo : il y a dixans que Dante ne l'a vue, et qu'il désire ardemment la voir.

5. Non caler N'avoir cure, n'avoir souciDe même, fréquemment, chez les poètes provençaux. Le verbe

« caler » avec un sens identique, est encore en usage en Provence,dans le Languedoc et la Gascogne.

L enchantement du sourire de Béatrice prend et retient le Poète, sifort, qu'il ne voit plus autre chose. (Cf. dans le vieux récit alle-mand Parsifal, l'enchantement des trois gouttes de sang sur la neige.)

(i. C'estbien,ici,lachère liguredela Béatrice terrestre qui s'empareà nouveau du coeur du Poète. Il semble que, dans cet instant, le

symbole abstrait qui fait d'elle la Science Souveraine s'est éloignéà tire d'ailes.

Page 333: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

CHANT XXXII

Paradis terrestre. Le char sacré. L'arbre symbolique. L'aigle, le renard

cl, le dragon. La transformation du char. La femme perdue et le

géant.

i Mes yeux étaient si attentifs, si uniquement occupésà apaiser le désir d'une soif de dix ans,

que tout autre sens, en moi, se trouvait aboli,

4 et ils étaient, pour tout le reste, comme entre des paroisd'indifférence : si fort le sourire sacré

les attirait à soi en ses anciens rets...

"quand, par force, il me fallut tourner le visage

vers ma gauche, vers ces déesses,

rappelé par un avertissement venant d'elles : — « Trop fixe est

[ton regard!... »

10 Et l'éblouissemenl, qui gène la vue et demeure

dans les yeux récemment frappés du soleil,

Le sourire de Béatrice pourrait bien cependant correspondreencore à la claire révélation de la Vérité Eternelle, longtemps cher-chée par le Poète.

8. Dee, les trois vertus théologales, considérées comme filles deDieu : au Paradis, Chant XXVIII, v. iai, Dante nommera de mêmeles Intelligences angéliques des Choeurs supérieurs.

g. Peut-être les trois Vertus voient-elles, dans le regard extasiéque Dante tient fixé sur Béatrice, un souvenir encore trop sensiblede l'amour d'autrefois?

Ou, est-ce qu'elles veulent lui faire entendre que des luttes luisont encore réservées et que la contemplation, fut-ce d'une clartédivine, ne peut encore être son lot et donc ne doit pas le détournerde regarder autour de lui?

LE PURGATOIRE. II. UI

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'S'Vi. PUHCATOIUO. CAKTOXXXIt.

senza la vista alquanto csser mi fèc;

T3 ma poi che al poco il viso riformossi,

(io dico ' al poco'

pcr rispetto al molto

sensibile oncle a l'orza mi rimossi),

16 vidi in sul braccio destro esser rivolto

lo glorioso esercilo e tornarsi

col so}e e con le sette flamme al volto.

19 Corne sotto gli scudi per salvarsi

volgesi schiera, e se gira col segno,prima che possa tutta in se mutarsi;

•}.1 qnclla milizia del céleste regnoche precedeva, tutta trapassonne

pria che piegasse il carro il primo legno.

2J Indi aile rote si tornâr le donne,e il Grifon mosse il benedetto carco,si che perô nulla penna crollonne.

«8 La bclla Donna che mi trasse al varcoe Stazio cd io seguitavam la rotache fe' l'orbita sua con minor arco.

i3. Auprès de In splendeur divine qui irradie Béatrice, la clartéoù baignent les autres figures semble faible, bien que toutes brillentd'un vif éclat

16. La procession mystique était venue vers le Couchant, au-devantde Dante : à présent il la voit qui s'en retourne vers l'Orient. Ellemarche droit au soleil, comme lui-même, précédée des sept candé-labres.

ri. Les vingt-quatre vieillards qui marchent devant le Char hiéra-tique, tels les Patriarches et les Prophètes qui peuplent les Livressaints de l'Ancienne Loi et préfigurèrent et annoncèrent le Christ clson Eglise.

24. // primo legno : le timon.25. Les quatre Vertus Cardinales qui avaient quitté la roue gauche

du Char afin d'aller quérir Dante pour le conduire aux yeux do

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LE PURGATOIRE. CHANTXXXtI. 3a3

me fit rester un peu de temps comme aveuglé ;

i3 mais, lorsque mes yeux redevinrent aptes à saisir une faible

(je dis faible, la comparant au resplendissement [lumière,

sensible, d'où, par force, je m'étais détourné)

16 je vis que, sur son aile droite, s'était repliéel'armée glorieuse, et qu'elle s'en allait,

ayant en face le soleil avec les sept flambeaux.

iy De même que, sous la protection de ses boucliers,un bataillon tourne et se reploie sur lui-même avec son étendard

avant qu'en son ensemble la troupe ait pu changer de direction,

22 ainsi cette milice du céleste royaume,

qui allait en tète, passa d'abord tout entièreavant que le char eût incliné son timon.

2) Alors, les jeunes femmes s'en revinrent aux roues,et le Griffon remit en marche son fardeau béni,sans toutefois que frémissent ses ailes.

2.8 La belle Dame, qui m'avait conduit au gué,et Staçe, et moi, nous suivions la roue

qui traçait en son orbite l'arc le plus bref;

Béatrice, et les trois Vertus Théologales qui, de même, avaient

quitté la roue droite pour venir, dansant et chantant, adjurer Béatricede dévoiler la merveille de son sourire à son fidèle, reprennent leur

place116.Béatrice, debout sur le Char hiératique•!•].Les ailes du Grillon symbolique ne trahissent nul effort de sa

part : sa force est tout intérieure :alarum suarum, quia nihil de divinitatc mutatum csd quamvis

mutaretur forma ecclesiac. (Benv. de Im.)28. Matelda, que Béatrice n'a pas encore nommée.3o. Dante était resté du côté des Vertus Théologales; il se tenait

à la roue droite du Char. La procession se repliait de ce côté-là, etdonc, la roue droite décrivait une courbe moins ouverte que la rouegauche.

Page 336: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

3a4 PtTRGATOIUO. CANTOXXXII.

3 [ Si passeggiando l'alta selva vota,

colpa di quella chc al serpente erese,

temprava i passi un'angelica nota.

34 Foi'se in tre voli tanto spazio prcsedisfrenata saetta, quanto cràmo

rimossi, quando Béatrice scese.

3j Io sentii mormorare a tutti ' Adarao!

Poi cerchiàro una pianta dispogliatadi fiori e d'altra fronda in ciascun rarao.

3a. Le Paradis terrestre eût été la demeure bienheureuse desgénérations si Eve n'eût écouté le serpent trompeur. Par sa faulc,il est désert et parcouru seulement par le cortège hiérarchique venudu Ciel et qui déjà est en chemin pour y retourner.

Crese pour credette : forme encore usitée dans l'Onibrie.3.i. De même, chez Ovide, Philémon et Baucis gravissant la mon-

tagne à la suite des Dieux :Tantum aberant summo quantum scmel ire sagittaMissa potest

(Met., VIII, 6g5, 9<i.)Dans la Thébaïde, Stace ne décrit point autrement la longueur du

la carrière où devront courir les chars des jeunes héros :finem jacet inter utrumque,

Qitale quatcv jaculo spatium, ter arundinc vincas.(Liv. VI, 353-4.)

3-. Tristement le cortège murmure à voix basse le nom d'Adam,faisant mémoire de sa désobéissance par quoi fut rompu l'équilibreheureux de la nature humaine, soumise désormais au péché originel.

38. L'arbre de la science du Bien et du Mal, où Eve cueillit lefruit défendu, croissait au milieu du Jardin des Délices. (Cf. Genèse.11, 3, iy; m, 3.)

De même au prophète Daniel (iv, 7-8), l'arbre du songe de Xabu-chodonosor :

et ecce arbor in medio terrae, et altitude- ejus nimia.Magna arbor, et fortis3g. L arbre est découronné : son fruit a été cueilli; il était reste

désolé dans le jardin désert jusqu'à ce que le Messie eût racheté leMonde, et réparé, « par le bois de sa Croix, le mal venu sur terrepar le bois de l'Arbre ».

Ipse lignum tune notavit,Damna ligni ut solveret.(Hymne pour le jour du Vendredi-Saint.)

Mais il est admis que, au sens allégorique, l'Arbre représente icil'Empire, c'est-à-dire la puissance temporelle, la monarchie univei-

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J.V. PURGATOIRE. CHANTXXXII. ?>2;j

3i et, durant que nous parcourions ainsi la haute forêt, déserte

par la faute de celle qui se fia au serpent,un chant angélique rythmait nos pas.

34 Autant d'espace, environ, qu'eût pu eu parcourir, en trois vols,une flèche libérée de la corde, voilà ce que nous en avions

franchi, quand Béatrice mit pied à terre.

3j J'entendis que tous murmuraient : « Adam! »,

puis ils entourèrent un Arbre dépouilléde fleurs et de toutes feuilles en chacune de ses branches.

selle concrétisée dans l'Empire Romain, renouvelée dans l'empire deCharlemagne et dans le Saint-Empire. C'est, avec la Puissance Spiri-tuelle, la puissance nécessaire au bien de l'homme, celle qui doitmarcher à côte de l'Eglise pour que l'homme soit guidé parfaitementvers les deux fins qui correspondent à ses deux natures : spirituelleet corporelle. Et si, au vers 36, Béatrice a quitté son char triomphal,c'est justement pour marquer de quels égards, bien que supérieurepar essence et hiérarchiquement, l'Eglise doit entourer la puissancetemporelle voulue de Dieu, pour le bon gouvernement des Etats. Etle symbole se relie parfaitement au fait, car si les hommes ontbesoin d'être contraints par des lois et des sanctions humaines danstout ce qui regarde la vie sociale, c'est parce que le péché originela jeté ses ferments mauvais dans les âmes et' que l'injustice deshommes et des peuples, que doit refréner et discipliner le pouvoirtemporel, provient de ces ferments. Sans le péché originel,' Caïnn'eût point tué Abel.

L'Arbre symbolique est, par le fait du péché, privé de tout orne-ment : voilà le sens spirituel; l'autre, c'est que, dans le temps queDante écrivait, il ne restait guère, de la juridiction impériale, qu'unsimulacre sans grande jjortée, et que justement l'Italie, où son autoritéavait pris naissance, y échappait presque toute entière, soit qu'ellefût sous la domination temporelle des Papes, soit que ses petitesrépubliques se fussent faites à elles-mêmes des lois « dont elleschangeaient de mois en mois : d' octobre à novembre » :

ch'a mezzo novembreNon giugne quel che tu d'Ottobre fili !

_ (Purg., VI, I43-.14-)Et encore, le dénuement de l'Arbre signifie que si le pouvoir

temporel ne reste pas en parfaite union avec le pouvoir spirituel, eud'autres termes si la Monarchie croit pouvoir s'éloigner de la foi euDieu et en son Christ et se sépare de l'Eglise, elle devient infécondeet ne peut vivifier ses oeuvres, non plus que ses ordonnances dontelle a ébranlé ainsi les fondements. Au temps de Dante, de longuesquerelles avaient divisé l'Empire et la Papauté.

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3a6 PURGATORIO. CÀNTOXXXII.

4o La coma sua, che tanto si dilata

piû, quanto piû è su, foi-a dagl' Indi

ne' boschi lor per altezza ammirata.

43 « Beatb sei, Grifbn, che non discindi

col becco d'èsto legno dôlee al gustô,

poscia che niai si torse il ventre quindi ».

46 Cosi d'intorno all'âfbore robusto

gridaron gli altri ; e l'Animal Binato :

40. De même que l'Arbre de la septième corniche (Purg., XXII,133-34; XXIV, io3, 104, 117), celui-ci a son sommet de plus en plusétendu à mesure qu'il s'élève. Le symbole est ici de l'intangibililésacrée de la juridiction impériale et de son agrandissement pro-gressif.

4i. Lès arbres des forêts dé l'Inde passaient pour être si hauts

que nul tir de flèche, si habile et si fort fût-il, ne pouvait en atteindrela cime :

Quos Oceano propior gerit India lucos,Extremi sinus orbis, ubi aéra vincere summumArboris haud ullae jactu potuerè sagittae?Et gens illa quidem sumptis non tarda pharetris.

(Virgile, Georg., II, 122 et suiv.)4a. La hauteur de l'Arbre signifie la noblesse de la Monarchie

voulue de Dieu.altissima nell' umaiia compagnia. (Conv., IV, 4-)

Cetftes Dante a dû songer ici, en même temps qu'à l'arbre duParadis terrestre, à celui du songe de Nabuchodonosor — ou Nebu-cadnthesar — dans le prophète Daniel :

ecce arbor in medio terrae, et altitudo ejus nimia.

Magnà arbor et fortis ; et proceritas ejus contingens coelum-aspec-tus illius erat usque ud termihos universae terrae. (Daniel, iv, 7 et

suiv.)C'est l'Arbre du Roi :Arborent quam vidisti subliment atque robustam, cujus altitudo

pertingit adcoelum et aspectus illius in omnem terrain;.....Tu es re.r, qui magnificatus es, et invaluisti; et magnitudo tua

crevit et pervenit usque ad coelum, et potestas tua in terminas uni-versae terrae. (Daniel, iv, 17, 19.)

43. Non discindi:Le Griffon ne déchire point l'Arbre symbolique, il ne le blesse

point du bec de l'Aigle, il ne l'ébranlé point avec la force du Lion.Le Christ dit à ceux qui lui présentaient la monnaie du tribut, i

l'effigie de César : « Rendez à César ce qui est à César. » (V. Evang.saint Mathieu, xxn, ao, 21.)

Lui-même voulut se soumettre ù l'autorité de l'Empire Romain« car cette autorité venait d'En-Haut ». Lorsque Pilate Tinter-

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LE PURGATOIRE.-— CHANTXXXII. 3ï>7

40 Sa ramure, qui va s'élargissant d'autant

plus qu'elle s'élève davantage, eût été, au pays même de l'Inde

et parmi les forêts de là-bas, admiré pour sa hauteur.

43 —> « Heureux es-tu, Griffon, qui ne cueilles rien,avec ton bec, de cet arbre suave au goût,car, pour l'avoir fait, douloureusement se tordirent les entrailles

[de l'homme. »/}6 Ainsi, à l'entour de l'arbre robuste,

crièrent ceux du cortège ; et l'Animal à la Double Nature :

roge et lui dit qu'il a tout pouvoir sur lui, Jésus lui répond :Non haberes pqtestatem àdversum me ullam, nisi tibi datum

esset desuper. (Evang. saint Jean, xix, 11.)Et au De Monarchia :Si ergo sub ordinario judice Christus passus non fuisset, Ma

poena punitio non fuisset : et judex ordinarius esse non poterat,nisi supra totum humanum genus juvisdictionem habens, cujn totumhumanum genus in carne Ma Christi, portantis dolores nostros [utait Proplieta) vèl sustinentis, puniretur. Et supra totum humanumgenus Tiberius Caesar, cujus ricarius erat Pilatus, jurisdictionemnon habuisset, nisi romanum imperium de jure fuisset. (Il, 11 inft'le-)

Anno àutem quintodecimo imperii Tiberii Caesaris, procurantePontio Pilato Judaeâm... (Evang. saint Luc, m, 1.)

Pilate agissait au nom de Tibère, soûs le signe de l'Aigle. Ainsil'autorité de l'Empire fut liée à l'accomplissement de la Rédemptiondu Monde où elle dut tenir un rôle nécessaire.

Pouf l'expression discindit voir au De Monarchia :... contra officium deputatum imperatori estscindere imperium...

ergo scindere imperium imperatori non licet... (Liv. III, § 10.)44- Doux semble aux lèvres le goût du fruit défendu — puis, que

d'atroces douleurs s'ensuivent ! Doux semble d'abord le pouvoirtemporel — mais combien funeste devient-il à l'usurpateur qui s'enempare hors du plan divin...

47. Adam s'élait perdu pour avoir goûté au fruit de l'Arbre. Le Grif-fon ne veut point toucher l'Arbre. Et de cela, les voix de ceux quiforment son cortège le louent.,.

Le Christ ne voulut rien des royaumes de la terre, lors de laTentation dans le désert :

..... assumpsit eum diabolus in moiitém excelsum valde : et osten-dit omnia régna mundi, et gloriam eoruin;

Et dixit ei : tiaec omnia tibidabo,....Tune dixit ei Jésus : Vade, satana (Evang. saint Mathieu, iv,

8, 9, 10.)Et durant la Passion, Jésus parlant à Pilate dit :

Regnum meum non est de hoc mundo (Evang. saint Jean,XVIII,36.)

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3?.8 punGATonio. — CAKTOXXXII.

« Si si conserva il semé d'ogni giusto »,

4g E, volto al terao eh'egli avea tirato,trasselo al piè délia vedova frasca;e quel di lei a lei lasciô legato,

5a Corne le nostre piante, quando casca

giû la graa luce raischiata con quellache raggia rétro alla céleste lasca,

53 turgide fansi, e poi si rinnovella

di suo color ciascuna, pria che il sole

giunga li suoi corsier' sott'altra Stella;

58 m en che di rose, e piû che di viole,

48. Toute chose, ainsi, demeure dans son ordre et dans sa justice.Lorsque Jésus vient à Jean, au bord du Jourdain, et lui demande

le baptême de l'eau, Jean lui répond :«... Ego a te debeo baptizari, et tu vcuis ad me? »

Respondens autem Jésus, dixit ei : « Sine modo : sic enim decetnos implere omnem justitiam » (Evang. saint Mathieu, m, i*i, i5.j

4g. Le timon du Char hiératique — figure de l'Eglise — est icile symbole du siège de Pierre.

5i. Ce qui vivifie et guide l'Eglise — sa condition même — c'estla Croix : or, une légende en faveur au Moyen âge, voulait que lebois delà Croix eût été fait d'un rejeton de l'Arbre de la science duBien et du Mal. Ainsi, la Croix sert de timon au Char de l'Eglise et,l'attachant à l'Arbre, le Griffon réunit à l'Arbre ce qui est venu delui.

De même, attache-t-il l'Eglise à l'Empire afin de montrer que la

prospérité des peuples dépend de la bonne entente des deux pou-voirs. (Cf. Com. de Leipzig, II, 738 et suiv.)

53. Au printemps54 Mêlée à celle de la constellation du Bélier qui suit, au Zo-

diaque, celle des Poissons.Dante prend ici la lasca, le gardon argenté, comme image des

Poissons ; ne serait-ce pas, comme le pense G. Federzoni, parce queles écailles du gardon brillent comme de petites étoiles?

55. Turgide fansi De même, dans la Bible, Moïse voit fleurirla verge d'Aaron :

... Turgentibus gemmis eruperant flores... (Nombres, xvn, 8.)Lorsque vient l'été, les vignes fleurissent, le froment se gonfle, sur

sa tige, plein de sa sève lactée :jam venit aestas

Page 341: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

LE PURGATOIRE. CHANTXXXII. ?)9.Ç)

— « Voilà comment se conserve la semence de toute justice, »

49 Et, ayant tourné le timon que lui-même avait tiré,

il l'amena au pied de l'arbre veuf de son feuillage

et, ce char issu de l'arbre, à l'arbre il le laissa lié.

5a Comme nos plantes, quand tombe

sur la terre la grande clarté du soleil mêlée à la clarté

de la constellation qui rayonne après celle des Poissons célestes,

55 se gonflent de bourgeons et puis se renouvellent,

chacune en sa couleur, avant que le soleil

n'attelle ses coursiers sous une autre étoile :

58 moins rose que les roses et plus violette que les violettes,

Torrida, jam laeto turgent in palmite gemmae.(Virgile, Bucoliques, Eglog. VII, 47-8-)

quumFrumeitta in yiridi stipula lactentia turgent.

[Géorgiques, I, 3I4-I5.)56. Au printemps, chaque plante fait paraître ses feuilles et ses

fleurs. Et ceci arrive, alors que le soleil est dans sa maison du Bé-

lier, jusqu'à ce qu'il entre dans celle du Taureau ;Cioè si levi la mattina sotto altro segno che sotto Ariete, cioè inanti

ehe esca à"Ariete et entri in Tauro la mattina : seconda la flzioned'Ovidio si dice lo Sole jungere li cavalli suoi a l'iugo del suo carro,li quali sono quattro, corne è stato sposto altra volta di sopra(Franc, da Buti.)

57. Giunge dans le sens d' « atteler ». Avant que le Soleil n'at-telle ses chevaux sous un autre signe : c'est-à-dire, ici, sous le

signe du Taureau. Dans le même sens, chez Virgile : « Le Soleiln'attelle point ses chevaux si loin de Carthage... »

Nec tant aversus equos Tyria Sol jungit ab urbe.[Enéide, I, 568.)

De même, Ovide :Jungere equos Titan velocibus imperat Horis.

[Met., III, II8.)58. L'Arbre, désormais renouvelé, se couvre de frondaisons qui

ont la couleur de la rose, un peu atténuée, et celle de la violette, un

peu avivée :Aureus ipse;sed in foliis, quae pluiima circumFunduntur, violae sublucet purpura nigrae.

(Virg., Géorg., IV, 27.-i-75.)Sans doute s'agit-il ici d'une couleur de pourpre : ces feuilles,

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33û PURGATOIIIO. CANTOXXXII.

colore àprehdo, s'innovô la pianta,che prima avca le ramora si sole :

61 Io non lo intesi, ne quaggiù si carita

l'inho che quellâ gente allor caritârb,né la nota soffersi tulta quanta.

64 S'io potéssi ritrar corné assonnàro

gli occhi spiëtâti, uderido di Siringa,

semblables à des fleurs, symbolisent le sang du Rédempteur quirépara le mal fait au Monde parle péché originel : vuole dimos-tràre che lo colore era sahguigno,... diventb fronduta di follie san-guigne. Per la quai cosd l'autore dà ad intendere cheperla passionedi Cristo ritornô l'umana specie a l'obedienzia ; e nel suo sangue,che sparse in su la Croce, le nostre opère virtuose ebbeno effleacia efunno accettate da Dio, le qualiprima erano insufficenti : imperà chefummo rimissi ne la sua gracia. (Franc, da Buti.)

Serravalle voit ici que l'Arbre mystique avait été dépouillé par ladésobéissance d'Adam, et que le Christ, par son obéissance, le faitrefleurir : Quia Chrisius fundavit Ecclesiam in vera obedientia, quiafactus obediens usque ad mortem— (Philipp., 11,et Joan., vi) : ideodebuil currus hic sic duci, et murmurabatur de Adam, inobediente.

Dès que le Char est attaché à l'Arbre, l'Arbre se couvre de fron-daisons nouvelles : Christus religavit illani Ecclesiam niilitantemcum sua obedientia vera Christus reposuit gèntem in graiia prima.(Serravalle.)

Quia descendi de coelo, non ut faciam volunidtem meani, sedvoluntatem ejus qui misit me. (Evang. saint Jean, vi, 38.)

Humiliavit semetipsum factus obediens usque ad mortèih, inôrtemautem crucis. (Ep. de saint Paul aux Philippiens, 11,8.)

Du point de vue allégorique, le sens serait que si l'empire pro-tège l'Eglise, s'il agit d'accord avec elle, il connaîtra une ère deprospérité par les vertus qu'elle fera fleurir et fructifier dans lasociété humaine. De même que les feuilles de l'arbre sont pourpres,pourpre est lo vêtement des Vertus Cardinales.

Pourpre était la robe de Béatrice petite fille, la première fois queDante la vit : la petite fille réelle qui allait devenir plus tard, au coeurdu Poète, la Dame idéale de toutes les vertus

Ella apparvemi vestita di nobilissimo colore, umile èd onesio,sanguigno, cinta ed ornata alla guisa che alla sua giovànissimaetade si convenia (Vita Nuova, § 2.)

Go. Ramora forme ancienne du pluriel neutre italien selon le modelutin, de même prato, pratora, campo, campora, ele

61. Dante ne peut comprendre le sens de l'hymne il ne peut

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LE PURGATOIRE. CHANTXXXII. 33 I

épanouissant sa couleur, l'arbre se couvrit de printemps,lui qui avait ses ramures, d'abord, si désolées,

61 Jamais je n'entendis, et ici-bas nul ne le chante,

l'hymne que chantèrent alors ceux qui étaient là,et je n'en supportai point la mélodie jusqu'au bout.

64 Si je pouvais retracer comment s'emplirent de sommeil

les yeux impitoyables d'Argus au récit des aventures de Syrinx,

même en supporter jusqu'au bout l'extrême douceur : paroles elmusique font défaillir les forces humaines. Sur terre on ne chaulepoint d'hymnes pareilles : c'est la Louange éternelle et parfaite,semblable à celle de l'Agneau dans l'Apocalypse.

Et cantabant quasi canticum novum et nemo poterat dicerecanticum, nisiilla centum quadraginta quatuor millia, qui empti suntde terra. (Apocalypse, xiv, 3.)

Nulle bouche ne pourrait la redire, non plus que les parolesentendues par saint Paul au troisième ciel :

Scio honiinem in ChristoQuoniam raptus est in Paradisum, et audivit arcana vevba, quae

non licet homini loqui. (II Ep. saint Paul aux Corinthiens, xn, a-4.)63. Enivré, vaincu par la douceur de l'hymne, Dante ne peut

l'entendre en entier et s'endort.Dans la très ancienne Légende de l'Arbre de la Croix, il est conté

comment Seth, troisième fils d'Adam, allant par le Paradis terrestredésormais désert, entendit autour de l'Arbre mystique le chant desAnges « si doux et si tendre, que toute humaine pensée en eût étébercée el ravie dans le sommeil ».

64. Le sommeil de Dante est aussi le repos dans la foi. La foi estun don que Dieu fait à l'âme de bonne volonté -—de même, le reposde Dante sur la montagne est voulu de Dieu. C'est pourquoi il choisitici l'image mythologique d'Argus, car Argus, de lui-même, n'eût pointsouhaité s'endormir quand Mercure, à l'instigation de Jupiter, formal'enchantement où le monstre dut succomber.

65. « Les yeux sans pitié », ceux d'Argus, l'inexorable gardien dela jeune Io, changée en génisse blanche. Mais le maître des dieux,touché de pitié, envoie vers lui Mercure soûs la figure d'un bergerqui mène son troupeau de chèvres aux accents d'un chalumeau : lesdoux sons qu'il en lire plaisent tant à Argus qu'il prie le jeune bergerde s'asseoir auprès de lui, sur la roche. Et lu, durant que le dieului raconte l'histoire de la naïade Syrinx que Pan aima pour l'avoirvue revenir du bois, son arc d'ivoire à la main, Argus, saisi parl'enchantement du récit, ferme tous ses yeux et s'endort, en sorteque le dieu le tue sans avoir achevé l'histoire de la naïade quidevint roseaux chantants :

Talia dictitrus vidit Cvlfenius omnes

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33a PL'RfiATtmio. — CANTOXXXII.

gli occhi a eut più vegghiar costô si earo,

67 corne pittor ohe con csemplo pinga,

disegnerei com'io m'addormcntai;ma quai vuol sia che l'assonnar bon finga.

70 Pcrô trascorro a quanclo mi svcgliai,e dico oh'un splendor mi squareiô il vclo

del sonno, ed un chiamar 'Surgi ! chc fai?

'

y3 Quale a veder dei fioretti del melo,chc del suo pomo gli angeli Ta ghiotti,c perpétue nozze fa nel ciclo,

76 Pietro e Giovanni e Iacopo condotti

Succubuisse oculos, adopertaque lumina somno.(Ovide, Met., I, 713-14.)

6G. Plus que ne le voulait sa nature, Argus avait dû veiller parl'ordre de Junon — et cela lui coûta la vie.

68. Le sommeil de Dante peut figurer encore le calme, la sérénitéqui proviennent de l'heureuse entente de l'autorité apostolique et del'autorité impériale, lorsque les peuples bien guidés selon leursdeux fins, sans empiétement d'aucune sorte, jouissent d'une heureuseprospérité favorable aux vertus et aux arts de la paix.

71. A l'image des trois apôtres, — Pierre, Jacques et Jean, sur lemont Thabor, avant la transfiguration de Jésus, — Dante s'endort àla cime de la Montagne mystique. Comme eux, encore, il s'éveille etvoit la splendeur symbolique du Griffon hiératique et des autresligures célestes dans le temps qu'elles reviennent à leurs demeureséternelles :

Petrus vero, et qui cum Mo erant, gravati erant somno. Et evigi-tantes viderunt majestatem ejus, et duos viros, qui stabant cum Mo.(Evang. saint Luc, ix, 3u.)

)•!. Dante se souvient ici encore de l'Evangile, car par l'Evangileseulement l'homme peut être sauvé.

Matelda, active, fidèle à l'étymologie grecque de son nom quiévoque le zèle intellectuel, Matelda, restée auprès du Poète,l'appelle et crie : ciLève-toi » Lors de sa Transfiguration, Jésuss'était approché de ses disciples que la voix de Dieu, parlant dansla nuée au-dessus de leur Maître, avait remplis d'effroi et qui étaienttombés la face contre terre :

Et accessit Jésus, et tetigit eos, dixitque eis : Surgite, et nolitrtimere. (Evang. saint Mathieu, xvn, 7.)

Page 345: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

LE PURGATOIRE. CHAKTXXXII. 333

ces yeux auxquels il coûta si cher d'avoir veillé plus que les autres,

67 tel un peintre qui peint d'après un modèle,

je retracerais comment je m'endormis;mais s'essaye qui voudra à bien représenter comment vient le

[sommeil !

70 Or donc je passe à quand je m'éveillai;et je dis qu'une clarté resplendissante déchira pour moi le voile

du sommeil, et un appel : — « Lève-toi! que fais-tu? »

r\\ Comme, à la vue des fleurs nouvelles du Pommier

qui rend les anges avides de son fruit,et célèbre, au paradis, des noces éternelles,

76 Pierre, Jacques et Jean, conduits sur la montagne

73. Les (leurs de pommier : les plus belles parmi les (leurs desarbres fruitiers, les fleurs privilégiées du Paradis Terrestre. Ici,pour les prémices des magnificences du Ciel : l'image de la grâcefaite aux trois apôtres choisis, lorsqu'il leur fut accordé de con-templer un instant, sur terre, la gloire de Jésus transfiguré, recevantainsi comme un gage des joies éternelles.

74- Jésus transfiguré. Celui-là même qui forme la joie et le désirdes Anges, Jésus dans tout 1accomplissement de son triomphe.Homme et Dieu, le Fruit par excellence dont ils ne seront jamaisrassasiés :

In quem desiderant Angeli prospieeve (Sainl Pierre,I1CEpilre, 1, i-i.)

Cf. L'Arbre élu, au Cantique des Cantiques :Sicut malus inter ligna silvarum, sic dilectus meus inter filios. Suit

timbra illius, quem desideraveram, sedi; et fructits ejus dulcisgutturi mco. (u, 3.)

75. Jésus, le Sauveur, le Verbe de Dieu, la seconde personne dela Sainte Trinité, se communique éternellement, dans le Ciel, auxAnges et aux Elus, par la Vision béalifique :

Et dixit mihi : Scribe : Beati qui ad coenam nuptiarum Agni vocatisunt (Saint Jean, Apocalypse, xix, 9.)

Simile factum est regnum coelorum homini régi, qui fecit nupliasfîlio suo. (Evang. saint Mathieu, xxn, 2.)

76. Etpost dies sex, assumit Jésus Petrum, et Jacobum, et Joannemfratrem ejus, et ducit illos in montera excelsum scorsum. Et transfi-gurais est ante eos. Et resplenduit facics ejus sicut sol : t-estimentaautem ejus facta sunt alba sicut nix. (Evang. saint Mathieu, xvn, i-i.)

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334 rutiGATonio. — CANTOXXXII.

e vinti ritornâro alla paroladalla quai furon raaggior' sonni rotti,

79 e videro scemata loro scuola,cosi di Moisè corne d'Ella,ed al Maestro suo cangiata stola;

82 tal torna' io ; e vidi quella pia

sopra me starsi, che conducitrice

fu de' miei passi lungo il fiume pria;

85 e tutto in dubbio dissi : « Ov'é Béatrice? »

Ond'ella : « Vedi lei solto la fronda

nuova sedere in sulla sua radice.

77. « Vinti )>Et audicntes discipuli ceciderunt in faciem suam,et timuerunt s<alde. (Evang. saint Mathieu, xvn, 6.)

Comme Dante par les accents de l'hymne, les Apôtres sontvaincus par la voix de Dieu, parlant dans la nuée.

78. Maggior sonni les sommeils de la mort : à la parole deJésus, Lazare sort de son tombeau :

voce magna clamavit : « Lazare, veni foras. » Et statim

prodiit qui fuerat mortuus. (Evang. saint Jean, xi, 43-4-)Jésus, rencontrant aux portes de Naïm le cortège funéraire du lils

unique de la pauvre veuve, appelle le jeune homme et celui-ci selève :

Cum auiem appropinquaret portae civitatis, ecce defunctus e/f'e-rebatur filius unions matri suae : et hacc vidua erat; et turba civi-tatis multa cum Ma.

Quam cum vidisset Dominus, misericordia motus super eam, dijcitMi : Noli flere.

Et accessit, et tetigit loculumEt ait « Adolescens, tibi dico, surge. »Et resedit qui erat mortuus, et coepit loqui. Et dédit illiim matri

suae. (Evang. saint Luc, vu, 12 et suiv.)Et la fille de Jaïre, sans attendre même l'appel de Jésus et seule-

ment parce qu'il lui prend la main, ressuscite :Et cum venisset Jésus in domum principis, et vidisset tibicines et

turbam tumiiltuantem, dicebal« Itecedite, non est enim mortua puclla, sed dormit. »Et deridebant eum.Et cum éjecta esset turba, intravit; et tenuil manum ejus. Et sur-

rexitpuclla. (Ev. saint Mathieu, ix, a3, 24, iS.)79. Les Apôtres, levant les yeux, voient Jésus seul : Elie et

Moïse, qui étaient avec lui durant sa Transfiguration, ne sont plus là.

Page 347: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

LE PURGATOIRE. CHANTXXXII. .H35

et défaillants, revinrent à eux à la parole

par laquelle furent brisés de plus profonds sommeils,

je) et virent leur collège diminuéde Moïse comme d'Elie,et le vêtement de leur Maître redevenu pareil à ce qu'il était,

8a tel, je revins à moi, et je vis la Dame de pitiésur moi inclinée, celle qui avait guidémes pas d'abord le long du fleuve;

8a et tout ému d'un doute, je dis : — « Où est Béatrice? »et elle : — « Vois, elle est sous le feuillagenouveau, assise sur la racine de l'Arbre...

80. Moïse et Elic conversaient avec Jésus durant la Transfiguration.Et ecce apparuerunt Mis Moyses et Elias citm eo loquentcs. (Ev.

saint Mathieu, xvn, 3.)Les trois Apôtres les avaient vus, et Pierre avait dit au Seigneur :« Seigneur, il fait bon être ici, dressons-y, si vous le voulez, trois

lentes : une pour vous, une pour Moïse et une pour Elie » Maisse relevant après leur prosternation, ils ne voient plus que Jésus,seul.

Levantes autem oculos suos, neminem yiderunt, nisi solum Jesum.(Ev. saint Mathieu, xvn, 8. Cf. saint Marc, ix, 7; saint Luc, ix, 36.)

81. Le vêtement de Jésus était redevenu celui de chaque jour, etJésus se tenait auprès de ses disciples comme d'ordinaire.

8a. C'est toujours Matelda.83. Matelda se lient debout près de Dante. Elle demeure partout

l'image de la Vie Active : elle est toute prête à reprendre son chemin.85. Le Poète doute si Béatrice l'a abandonné.87. Sous l'Arbre refleuri, Béatrice est assise. Béatrice, Science

sacrée, repose à la racine même de l'Arbre Mystique et sous sonombrage. — L'enseignement apostolique de l'Eglise doit être pro-tégé par l'autorité temporelle, l'Empire. — La racine de l'autoritéimpériale, ce fut Rome même : et là réside lé successeur de Pierre.

Jésus a dit à Pierre :... ta es Petrus et saper liane Petram aedificabo Ecclcsiam meam,

et portae inferi non praevalebunt adversus cam. (Evang. saint Ma-thieu, xvi, 18.)

L'Arbre d'où vint la perdition fut vaincu par l'Arbre de la Croix.Ainsi Dieu avait-il formé le dessein « de réparer par le bois le malcausé par le bois ».

Toute la science sacrée tient dans le rayonnement de la Croix.Elle prend sa valeur sous l'ombre illuminée de la Croix.

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336 PtJtlGATOIUO. CAISÎOXXXII.

88 Vedi la compagnia elle la circonda :

gli altri dopo il Grifon se n' vanno suso

con piû dolce canzone e piû profonda ».

91 E se fu piû lo suo parlai' diffuso

non so, perô che già negli occhi m'era

quella che ad altro intender m'avea chiuso.

y4 Sola sedeasi in sulla lerra vera,corne guardia lasciata li del plaustroche legar vidi alla Biformc Fiera.

yj In cerchio le l'acevan di se claustro

le sette ninfe, con quei lumi in mano

che son sicuri d'Aquilone c d'Austro.

loo « Qui sarai lu poco tempo silvano;

88. Autour de Béatrice et comme formaut sa cour, les sept VertusCardinales et Théologales. Toute vertu vient d'En-haul, tout dou

parfait vient d En-haut.Omiic datum optimum, et omne doiium perfectum desursum csl,

descendons a Pâtre luminum (Epit. Catholique de saint Jacques,I, 17-)

Les Vcrlus tiennent dans leurs mains les sept candélabres, sym-boles des sept dons de l'Esprit-Saint. Le Griffon hiératique et lere6te de son cortège sont remontés au Ciel.

L'image est, ici, que l'enseignement de l'Eglise doit être sanscesse gardé et défendu par les Vertus et qu'il est en tout temps ins-piré de l'Esprit-Saint et réconforté par ses dons.

Jésus dit à ses disciples :Et ego rogabo Patrem, et alium paracletum dabit vobis ut mancal

vobiscum in aeternum,Spiritum vcritalis... (Evang. saint Jean, xiv, 16-17.)Cum autem venait ille Spiritus veritatis, docebit vos omnem veri-

tatem... [Ibid., xvi, i3.)8g. Les vingt-quatre vieillards, les quatre animaux mystiques et

les sept ligures qui suivaient le Char s'en vont au Ciel, à la suite duGriffon sacré :

JVunc autem Christus, resurrexit a mortuis, pvimitiae dormien-tium;

Et sicut in Adam omnes moriuntur, ita et in Christo omnes vivifi-cabuntur.

Unusquisquc autem in suo ordine,primitiae Christus, deinde ii qui

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LE PURGATOIRE. CHANTXXXII. I53~

88 Vois la compagnie qui l'environne;les autres, à la suite du Griffon, s'en vont Là-haut

avec un chant phis doux et plus profond... »

yi Et, si elle parla plus longuement,

je ne sais, parce que déjà mes yeux étaient emplisde celle pour qui à tout autre objet se fermait mon intelligence.

y4 Seule, elle était assise sur la terre nue,laissée là, telle la gardienne du Char

que j'avais vu lier par la Bête aux deux formes.

gj En cercle, elles lui faisaient d'elles-mêmes comme un cloître,les sept nymphes tenant entre leurs mains ces flambeaux

qui ne redoutent l'aquilon ni l'autan.

IOO — « Tu seras peu de temps l'hôte de cette forêt,

sunt Christi, qui in adventu ejus crediderunt. (ir 0 Ëp. saint Paul auxCorinthiens, xv, 20, -ri, 23.)

94. Béatrice, seule, sans autre escorte que les Vertus et les septClartés mystiques, se tient assise sur le sol : « In su la terra vera »ce qui signifie peut-être qu'elle est assise sur la terre nue, ou encore,et plus probablement, sur la terre très-pure du Paradis Terrestrequi demeura fidèle au Créateur, obéissante, véridique.

De l'Ottimo :la terra vera, cioè verace e ubbidiente al suo Fattore

Le sens allégorique pourra être, ici, l'humilité des premiers évè-ques de Rome successeurs de Pierre, escortés des seules vertus etdes lumières de l'Esprit-Saint. Pauvres, sans cour, ni serviteurs,mais sincères et fermes, reposant en paix sous l'Arbre de la con-naissance du Bien et du Mal.

g5., La garde du Char : Cf. le discours de saint Paul aux Anciensde l'Eglise d'Éphèse :

Attendite vobis, et universo gregi, in quo vos Spiritus sanctusposuit episcopos, regere Ecclesiam Dei, quant acquisivit sanguinesuo. (Actes des Apôtres, xx, 28.)

99. Les lumières divines ne s'éteignent point, quelque mauvaisvent qui souffle, Aquilon ou Austcr. A dessein, Dante a choisi lesVents les plus violents pour indiquer que contre les vérités immua-bles les souffles de la terre ne peuvent rien.

100. « Peu de temps, tu demeureras au Paradis Terrestre. » LeParadis Terrestre, désigné par sa forêt merveilleuse que ne bat pointl'ouragan.

LE PURGATOIRE.— II. 22

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o38 PURGATOnlO. CANTOXXXII.

c sarai meco senza fine cive

di quella Roma onde Cristo è Romano.

io3 Perô, in pro del m on do che mal vive,al carro tieni or gli occhi, e quel che vedi,ritornato di là, fa che tu scrive ».

106 Cosi Béatrice. Ed io, che tutto ai piedide' suoi comandamenti cra devoto,la mente e gli occhi, ov'clla voile, diedi.

109 Non scese mai consi veloce moto

l'oco di spessa nube, quando pioveda quel confine che piû è remoto,

112 com'io vidi calai' l'uccel di Giove

101 Juin non cstis hospites et advenue, sed estis cives sanc-lorum et domestici Dei (Ép. saint Paul aux Ephésiens, iij 19.)

îo'i. La Rome céleste, pour le Royaume des Cieux :...... onde Cristo è Romano cittadino in quanto omo, et inquanto

Iddio re e signore (Franc. daButi.)Dante prend ici Rome comme Y « Urbs » par excellence, la ville

sainte et prédestinée, et il en exalte l'honneur en nommant le Christ« Romain », parce qu'il n'est pas de plus noble patrie sur terre queRome et que la puissance romaine mérita d'être associée aux des-seins de Dieu.

Le Poète désigne ici le Paradis par la Rome céleste, à l'exempledes Pères et des docteurs de l'clglisc qui, depuis saint Jean, le dési-gnèrent par la Jérusalem céleste :

Et ego Joannes vidi sanctam civitatem Jérusalem novam, descen-dentem de coelo a Deo, paratam sicut sponsam ornatam viro suo.(Saint Jean, Apocalypse, xxi, 2.)

Prende Roma generulmente per città sauta, corne du tutti gli scrit-tori ecclesiastici si chiama, e dice ; Sarui meco cittadino eterna-mente di quella cittu santa, cioè del Paradisa, di cui è cittadinoGesù Cristo. Questo passo sombrapreso da S. Gregorio NazianzenonelV orazione funèbre di Gorgoniu, dove dice : « Dico che la patria diGorgonia fu la céleste Gerusalemme, la città invisibile, che si vedesolo coll' intente. Cristo v'è cittadino egli pure. » (Betti, cit. d'ap.Scartazzini.)

io3. Béatrice fait connaître à Dante sa mission : revenu sur terreil devra écrire ce qu'il a vu, comme une ammonition au monde oùrégnent le mal et le désordre.

io5. La Voix dit à saint Jean, daus l'île de Pathmos : Quod vides,scribe in libro... Scribe ergo quae vidisti... (Apocalypse, 1, 1i-rg.)

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LE PUhGATOIItE.— CHANTXXXII. 33g

et puis, Lu seras avec moi, pour l'éternité, citoyen,de cette Rome dont le Christ est romain.

loi) Cependant, pour venir en aide au monde qui vit dans le mal,liens à cette heure les yeux fixés sur le Char, et ce que tu vois,

lorsque tu seras revenu là-bas, fais en sorte de l'écrire. »

106 Ainsi parla Béatrice. Et moi qui, de tout mon être, aux piedsde ses commandements me tenais dévoué,

j'abandonnai mon esprit et mes yeux à ce qu'elle voulut.

109 Jamais d'un mouvement si rapide ne descendit

d'une épaisse nuée le feu du ciel, quand il tombedes profondeurs les plus reculées,

112 comme je vis fondre l'oiseau de Jupiter

De même, Celui qui était assis sur le grand trône candide : Et dixitmihi : Scribe, quia haec verba fidelissima sunt, et vera (Apoca-lypse, xxi, 5.)

107. Humilité et obéissance : le commencement de toute conver-sion sincère.

110. Rapide comme la foudre. De même, le sanglier d'Ovide :... aper... medios violentus inhostesFertur, ut excussis elisi nubibus ignés,

(Met., VIII, 338, 9.)Et Apollon, dans la Thébaïdc :

radiante per aethera saltuOcyor et patrio venit igné suisque sagittis.Ipse olim in terris, coelo vestigia durant.

(Stace, Thébaïde, VI, 386-7.)111. Quand les nues se forment dans la profondeur de l'atmos-

phère, tout près de la zone du feu, selon la croyance du Moyen âge.11a. L'oiseau de Jupiter :

Aspice bis senos laetantes agmine eyenos,Aeiheria quos lapsa plaga Jovis aies aperloTurbabat coelo...

(Virgile, Enéide, li'v. I, 3g3 et suiv.)L'Aigle_: le symbole de l'autorité impériale, qui, longtemps enne-

mie de l'Eglise naissante, se déchira elle-même en blessant celle-ci.L'acte de l'Aigle est celui-là même de Néron et dé ses successeursjusqu'à Dioclétien, qui persécutèrent l'église, de l'au 64 à l'an3iide notre ère, et frappèrent les premiers chrétiens — fleurs et fron-daisons de l'Arbre mystique — qui eussent aidé, cependant, aurenouvellement de l'Empire (Sur les dix persécutions cf. saint Au-gustin, De Civitate Dei, XVIII, 5a.)

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azJO PtillGATOlUO. CANTOXXXII.

per l'arbor giû, rompendo délia scorza,non che dei fiori e délie foglie nuove ;

i io e feri il carro di tutta sua forza,ond'ei piegô, come nave in fortuna,vin ta dall'onda, or da poggia or da orza.

118 Poseia vidi avventarsi nella cuna

del trionfal veiculo una volpe,che d'ogni pasto buon parea digiuna.

121 Ma, riprendendo lei di laide colpe,la Donna mia la volse in tan ta f'uta,

quanto sofferson l'ossa senza polpe.

iu. Mais l'Aigle fend aussi l'écoree de l'Arbre : peut-être y a-l-ilici une allusion au démembrement de l'Empire, accompli parDioclétien? (Cf. d'Ancona. Lect. Dantis). Ou eucorc au partagedéfinitif de l'Empire Romain en Empire d'Orient et Empire d'Occi-dent, à la mort de Théodose le Grand?

il5. L'Aigle blesse le Char sacré de toutes ses forces : c'estl'oeuvre violente du persécuteur.

II G. Mais le Char ploie seulement comme navire en tempête et nese rompt point. Le persécuteur se fait à lui-même plus de mal qu'iln'en a fait à l'Église. Il passera, alors que celle-ci demeure. Selonla parole du Christ à Pierre :

et portae inferi non praevalebuntadversus eam. (Evang. saint

Mathieu, xvi, 18.)In fortuna, très fréquent chez les anciens au sens de « dans la

tempête ».Guido, vorrei che tu e Lapo ed io

Fossimo presi per incantamento,E messi ad un vascel, ch'ad ogni venioPer mare andasse a voler vostro e mio ;

Sicchè fortuna, od altro tempo rioNon ci potessc dave impedimento...

(Dante, Canzonierc, Son. II)117. Vaincus sont aussi les vaisseaux d'Enée :

Jam validant Ilionei navem, jam fortis Achatae,Et qua vectus Ahas, et qua grandaevus Alethes,Vicit hiems...,.

(Enéide, liv. I, IJO et suiv.)Le Chat- hiératique, chancelant comme le navire sous l'orage,

penche tantôt sur le flanc doit, tantôt sur le flanc gauche.Poggia, —orza —poge et hource : les cordages qui retiennent le

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LE PUUOATOIRE. CHANTXXXIt. 341

sur l'Arbre, lacérant son éoorce

et non pas seulement ses fleurs et ses feuilles nouvelles;

no et, de toutes ses forces, il frappa le Char

qui plia sous le coup, comme navire en péril,vaincu par les lames, tantôt à bâbord et tantôt à tribord.

118 Puis je vis s'élancer, dans le berceau

du Char triomphal, un renard

qui d'une saine pâture semblait ne s'être jamais nourri.

121 Mais, le reprenant pour des fautes infâmes,ma Dame le mit en une fuite aussi hâtive

que le souffrirent ses os décharnés.

mât à bâbord et ù tribord; par extension, les flancs du navire.

119. Le renard maigre et rusé : figure de l'hérésie. Déjà dans laBible, le renard symbolise les faux prophètes.

... Quasi vulpes in desertis, prophetae tui Israël erant. (Ézechiel,XIII,4.)

Tels le renard de la vision dantesque, gnostiques, ariens, dona-tistes et manichéens, emplis de désirs inassouvis, essaient d'ébran-ler, dans ses bases mêmes, la vraie Foi.

120 ogni pasto buon... L'hérésiarque s'est détourné de l'ali-ment de vérité qu'est la sainte doctrine. — De même, saint Paulcompare ses enseignements ù une nourriture :

... Tamquam parvulis in Christo, lac vobispotumdedi, non e'eam...(Ire Ép. aux Corinthiens, m, 1-2.)

Perfectorum autem est solidus cibus, eorum qui pro consuetudineexercitatos habent sensus ad discretionem boni ac mali. (Ép. auxHébreux, v, 14.)

lai. Les Pères et Docteurs de l'Église luttèrent en tout tempsvictorieusement contre les hérésies, mettaut à nu la bassesse et laduplicité des fausses doctrines, et faisant-resplendir d'un plus beléclat les vérités inspirées enseignées par l'Église. (Voir par exemplesaint Augustin : Traité de la grâce et du libre-arbitre, discours con-tre les hérétiques, — la Cité de Dieu, passim.)

122. La vérité triomphe de l'erreur et la met en fuite.Futa : vieux mot que l'on retrouve en certains dialectes pour

fuga, peut-être venu par contraction du participe féminin latinfugita, de même que « fuite » en français.

123. Nulle consistance dans les fausses doctrines : elles laissentl'esprit affamé; la maigreur du renard est limage de la sécheressequi s'empare de l'esprit dus hérésiarque?.

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342 PURGATORIO. CANTOXXXII.

19.4 Poscia, per indi ond'era pria venuta,

l'aquila vidi scender giû nell'arca

dcl carro e lasoiar Ici di se pennuta.

is>7 E quai esce di cor chc si rammarca,tal voce usci del cielp; c cotai disse :

« O navicella mia, cora' mal soi carca! »

l3o Poi parve a me che la terra s'aprissetr'ambo le ruote, e vidi uscirne un dragoche per lo carro su la coda fisse ;

l'i'à e, corne vespa che ritragge l'ago,

i'i.-i. L'Aigle descend encore de l'Arbre... Ne pas oublier que l'Ar-bre, dans l'une de ses trois acceptions, signifie l'Empire.

125 L'Aigle de l'Enigme d'Ezéchiel, qui enlève la cime d'uncèdre du Liban :

... Aquila grandis magnarum alarum, loiigo membrorum ductu,plena plumis, et vavictàte, venit ad Libanum, et tulit medullamcedri. Summitatem f'rondium ejus avulsit... (Ézechiel, xvn, 3-4.)

îili. L'Aigle n'est plus le persécuteur. Il se dépouille de sesplumes pour en couvrir le Char : c'est toujours la puissance impé-riale, mais devenue fidèle et de bonne volonté.

Les plumes figurent les dons des Empereurs à l'Eglise, et toutparticulièrement la donation de Constantin au pape Silvestre Ier, quetout le Moyen-âge tenait pour certaine et que Dante n'approuvaitpoint, jugeant que le devoir de l'Empereur ne saurait être de dé-pouiller l'Empire, pour quelque cause que ce soit.

... contra officium deputatum imperatori est scindere imperitim...(Dante, De Monarchia, liv. III, io.)

Surtout dut-il juger sévèrement l'Empereur d'avoir abandonnéRome, berceau de l'Empire, ville désignée de Dieu dès le commen-cement pour en être le siège, selon qu'il s'applique à le prouverfréquemment dans ses écrits, d'autant mieux qu'une autre obligationsemblait devoir y retenir l'Empereur : celle d'y être comme leVicaire temporel du Pape, car du fait même qu'il eût assumé toutle souci des affaires politiques, aux côtés du Saint-Père, il y eûtété comme le défenseur de la pure spiritualité do l'Eglise, et de sapaix dans le temps.

i'i8. Allusion à la légende, très répandue au Moyen âge, de ladonation de Constantin, où il est rapporté qu'une voix du Ciel futentendue qui disait : « Itodie di/fusum est venenum in Ecclesia Dei ».

i'iç). « O ma nacelle... O ma nef... » : la charge funeste de la nefde l'Eglise, celaient les biens périssables, le fatal enchaînement des

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LE PURGATOIRE. CHANTXXXII. 343

ia4 Puis, par le même endroit d'où il était venu d'abord,

je vis l'Aigle descendre jusqu'en bas dans l'arche

du Char, et la laisser toute parsemée de ses plumes.

127 Et ainsi qu'elle jaillit d'un coeur qui se plaint,telle, une voix sortit du Ciel, et elle disait :— « 0 ma Nacelle, comme te voilà mal chargée! »

i3o Puis il me parut que la terre s'ouvrait

entre les deux roues, et j'en vis surgir un Dragon

qui, de sa queue levée comme un glaive, perça le Char;

133 et, à la façon de la guêpe qui retire son aiguillon,

ambitions, des cupidités éveillées, la nécessité de gouverner unEtat terrestre, l'obligation d'une vie politique

I3I. Le Dragon, inspiré de celui de l'Apocalypse :... et ecce draco magnus... draco ille magnus, serpens antiquus qui vocatur diabolus et

satanas, qui seducit universum orbem... (Saint Jean, Apocalypse, xn,

Les deux roues du Char : le clergé séculier et le clergé régulier,qui assurent la bonne marche de l'Eglise et portent son enseigne-ment aux âmes. Si le Dragon jaillit du sol entre les deux roues duChar, c'est qu'il est le « prince de ce monde », comme dit l'Ecriture,et qu'il veut séduire par ses pompes et ses oeuvres les deux ordres.

S'il perce le Char de sa queue, c'est que, comme tous ceux quiveulent nuire, il ne se soucie point de montrer son visage : il agitsournoisement, en dessous, comme il sied au mauvais esprit. •

G. A. Scartazzini cite à cette place un vieux proverbe italien, quimet parfaitement en image l'idée exprimée :

Dove il diavolo non pub mettere il capo, mette la coda.Que le Dragon dantesque soit un travestissement de Satan comme

dans la vision d'Ëzéchiel, c'est l'opinion du P. B. Lombardi, opinionsuivie par la plupart des modernes. Toutefois parmi les anciens,beaucoup — délia Lana, Benv. de Imola, Franc, da Buli, Crislof.Landino — et quelques modernes nous désignent ce dragon commeune personnification de Mahomet qui arracha un si grand nombred'âmes â la vraie Foi.

... Hi vero, qui sectas errorum introduaerunt, processerunt viacontraria ut patet in Mahumete, qui carnalium voluptatumpromissis,ad quorum desiderium carnalis concupiscentia instigat, populosillexit. (Saint Thomas d'Aquin, Sum.Phil. Contr. Genf.,liv. I, cap. vi.)

Piero di Dante voit le Dragon, tel l'Antéchrist, offrant l'appât desbiens temporels aux hommes d'Eglise, pour mener celle-ci sûre-ment à sa perdition.

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344 PURGATOIRE. CANTOXXXII.

a sé traendo la coda maligna,trasse del fondo; e gissen vago vago.

136 Quel che rimase, corne di gramignavivace terra, délia piuma, offerta

forse con intenzion sana e benigna,

i3g si ricoperse; e funne ricopertae l'una e l'altra ruota e il temo, in tanto

che piû tienc un sospir la bocca aperta.

142 Trasformato cosi, il dificio santo

mise fuor teste per le parti sue,tre sopra il temo, ed una in ciascun canto.

i4o Le prime eran cornute come bue,

i35. Le Dragon arrache une grande partie du fond même duChar et s'en va :

Gissen vago, vago... — fier et content du mal qu'il vient de faireà l'£,glise — ainsi glose le P. B. Lombardi.

... Quà e là allegro e baldanzoso del fatto colpo.Il s'en va, errant d'une folle doctrine à une autre — voilà l'opi-

nion de Cristof Landino, de Vellutello et de Piero di Dante.Andossene d'una falsa openione in un altra peggiore vagando, et

dalla legge délia virtà discese a quella délia voluttà et vani piaceriterreni. (Piero di Dante.)

Mais Serravalle déclare que le monstre s'en allait, avide de faireencore plus de mal qu'il n'en avait déjà fait.

... Et recessit vagus, idest avidus ad maie faciendum.136. Pars vero quae remansit, fuit venenata, quia pastores Eccle-

siae et viri ecclesiastici, qui remanserunt, vestierunt se illas pennasquas dimisit aquila, idest pompas dominandi et divitias, et dederuntse vitiis mandants, unde facti sunt pravi et mali. (Serravalle.)

141. Moins de temps demeure ouverte la bouche qui soupire,qu'il n'en a fallu au Char tout entier pour se couvrir des plumesde l'Aigle

L'image du soupir n'est pas oiseuse, ici, dans l'instant que l'édi-fice sacré est sur le point de passer par ses transformations apoca-lyptiques.

i4'-i idest, currus, fabricatus tôt sanctorum manibus propheta-ruin et evangelistarum. (Benv, delmola.)

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LE PURGATOIRE. CHANTXXXII. 343

ramenant à lui sa queue maligne,il en arracha une partie du fond et s'en fut, comme enivré.

l36 Ce qui en resta, — comme, de mauvaise herbe,une terre vivace — des plumes offertes

peut-être avec une intention pure et bénigne

i3o, se recouvrit, et pareillement en furent recouverles

et l'une et l'autre roues, et le timon, si vite

que, plus longtemps, un soupir retient la bouche ouverte.

142 Transformé de la sorte, l'édifice saint

fit paraître des têtes sur ses diverses parties :

trois sur le timon, et une à chacun de ses angles.

i45 Les premières étaient cornues comme boeufs;

i43. L'Édifice sacré se transforme au point de ressembler à laBête de l'Apocalypse.

Et vidi de mari bestiam ascendentem, habentem capita septem,et cornua decem,... diademata... (Apocalypse, xm, 1.)

Les sept tètes — les sept péchés capitaux :idest, septem peccata mortalia quae pullulare coeperunt in

ecclesia crescente dote... (Benv. de Imola.)144. Trois sur le timon : l'orgueil, l'envie et la colère :

idest principalibus praelatis regentibus currum : istasunt triavitia peiora et magis spiritualia, scilicet, superbia, invidia étira...(Benv. de Imola.)

Et quatre aux angles : la luxure, la gourmandise, l'avarice et laparesse :

... Idest quod quatuor erant in quatuor angulis currus, idest, inaliis praelatis sedentibus in curruper totum a quatuor plagis mundi ;et ista erant alia quatuor vitia minora et magis corporalia, scilicetaccidia, avaritia, luxuria et gula... (Benv. de Imola.)

i45. Qui procedendo nella discrizione di queste teste dice, che letre prime, ch'erano in guida del carro, cioè Superbia, Ira, ed Invi-dia, ciascuna avea due corna : a denotare, che ciascuno di questivizi ha due corone, 0 vuoli regni nel peccato . e che tanto sono mag-giori delli altri quattro, quanto, questi sono spiriiuali peccati, equelli sono corporali... (Ottimo Corn.)

Les trois premières ont deux cornes : péchés de l'esprit, elless'érigent directement contre Dieu, eu même temps qu'elles blessentle prochain.

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346 PUIIGATORIO. CANTOXXXII.

ma le quattro un sol corna avean per frontc :

simile mostro visto mai non fue.

i48 Sicura, quasi rôcca in alto monte,seder sopr'esso una puttana sciolta

m'apparve con le ciglia intorno pronte.

loi E, corne perché non gli fosse tolta,vidi di costa a lei dritto un gigante.E baciavansi insieme alcuna volta.

154 Ma perché l'occhio cupido e vagantea me rivolse, quel féroce drudola flagellô dal capo infin le piante.

ijy Poi, di sospetto pieno e d'ira crudo,disciolse il mostro ; e trassel per la selva

146. Ma l'altre quattro, ciascuna n'aveva uno in mezzo déliafrontc; a denotare uno solo regno avère ciascuno delli quattro viziche restano, Accidia, Avarizia, Lussuria, e Gola ; de' quali vizi ètrattato nella prima e nella seconda Cantica pienamente ; e perô quisi passa con asciutto piede, per fuggire fastidio. (Ottimo Gom.)

Les quatre autres —.paresse, avarice, luxure et gourmandise —n'ont qu'une seule corne au milieu du front; c'est que, n'ayant krépondre que d'un excès dans les appétits naturels, elles ne sontpoint chargées d'autant de malice.

148. Sûre d'elle, présomptueuse et bien en vue, telle la citadellesur la haute roche.

Non potest civitas abscondi supra montem posita. (Evang. saintMathieu, v, 14.)

149. In quo mundabo cor tuum, ait Dominus Deus ; cum faciasomnia haec opéra mulieris meretricis et procacis?

Quia fabricasti lupanar tuum in capite omnis viae, et excelsumtuum fecisti in omni platea. (Ézéchiel, xvi, 3o-3i.)

... Et vidi mulierem scdentem super bestiam coccineam...

... Et millier erat circumdata purpura, et coccino, et inauratariuro, et lapide pretioso, et margaritis, habe/is poculum aureum inmanu sua, plénum abominatione et immunditia fornicationis ejus.

Et in fronts ejus nomen scriptum : Mysterium. (Apocalypse, xvn,3-4-5.)

Dante, gibelin, veut marquer ici le penchant du Saint-Siège poul-ie roi de France, entre les mains duquel il le juge, un temps, tropasservi.

La femme assise sur le Char; — devenu, dans la vision fantas-

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LE PURGATOIRE. CHANTXXXII. 34/

mais les quatre autres n'avaient qu'une seule corne sur le front :

jamais on ne vit monstre semblable.

148 Sûre d'elle, telle une forteresse sur une haute montagne,une prostituée, assise sur le Char et demi-nue,

m'apparut, avec ses yeux prompts à regarder à l'entour.

lia Et, comme craignant qu'elle ne lui fût enlevée,

je vis, debout à son côté, un géant,et ils se baisaient l'un l'autre parfois :

154 mais, parce que, cupide et inconstant, l'oeil de la femme

se tourna vers moi, cet amant féroce

la flagella de la tête aux pieds.

îay Puis, plein de soupçon et cruel en sa colère,il détacha le monstre, et l'entraîna par la forêt,

lique du Poète, pareil à la bête de FApocalypse, — représente laCurie Romaine trop occupée de ses Etats temporels et faisant unepolitiqiie qui semblait dangereiise à Dante.

i5o. Les yeux prompts à regarder à l'entour : l'image des fluctua-tions du Saint-Siège dans ses alliances et ses inimitiés.

Dante avait eu à en souffrir grandement lui-même sous le pon-tificat de Boniface VIII.

i5'i. Le Géant : c'est le puissant roi de France Philippe leBel, qui s'est emparé de la volonté du Pape, et ne veut point quel'influence qu'il a su gagner lui soit enlevée.

153. Les baisers du Géant et de la courtisane : l'entente étroiteétablie entre le Roi et la Curie Romaine.

i54- Fornicatio mulieris in extollentia oculorum, et in palpebrisillius agnoscetur. (Ecclésiastique, xxvi, 12.)

Mais, un instant, la courtisane regarde Dante, personnification dela fidélité à l'Empire idéal la courtisane semble chercher unnouvel ami :

quia Bonifacius... nolebat amplius pati servitutem Philippi.(Benv. de Imola.)

156. Alors le Géant la flagelle toute. Allusion à la volte-face deBoniface VIII qui, vers la fin de sa vie, inclina du côté des forcesgibelines, ce qui lui valut, à Anagni, l'ambassade de Nogaret accom-pagné de Sciarra Colonna.

i58. Plein de soupçon et pour s'assurer de la fidélité de celle quioccupe le Char, le Géant le détache de l'Arbre et le traîne dans laforêt. Philippe de France, avec l'assentiment de Clément V, trans-féra le Siège pontifical à Avignon.

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348 PUBGATORIO. CANTOXXXII.

tanto, che sol di lei mi fece scudo

160 alla puttana ed alla nuova belva.

i5g. Si loin dans la forêt, le Géant traîne le Char devenu lemonstre « nouveau » — c'est-à-dire tel que jusque-là, nul monstresemblable n'avait existé — que Dante le perd de vue.

Quasi dicnt, quia inter me et monstrum interposita est sv/ra :

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LE PURGAÎOIItE. CHAKTXXXII. 349

si loin, que la forêt forma d'elle-même l'écran qui me cacha

160 la prostituée et la Bête monstrueuse.

nam tant a longe traxit curriim c/uod amplitts yiderc non polcram...(Bcnv. de Imola.)

160 Scilicet currum quia traxit cum supra Iihodanumin Galliam (Benv. de Imola.)

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CANTO XXXU1

i Deus, venerunt gentes, alternando,or tre or quattro, clolce salmodia,le donne incominciàro, e lagrimando.

4 E Béatrice sospirosa e pia

quelle ascoltava si fatta, che poco

più alla croce si cambiô Maria.

7 Ma poi che l'altre vergini dier loeo

i.'Le Psaltnistc déplore les ruines laissées dans Jérusalem cl dansson temple par les Chaldéens.

Deus, venerunt gentes in haereclitalem tuam, polluer tint lemplumsanctum tuum; posuerunt Jérusalem in pomorum custodiam ...(Psaume LXXVIII,I.)

Depuis longtemps, Rome est privée de l'Empereur. Voici qu'àprésent le Pape quitte aussi la Ville élue, la Ville sainte.

Ceux qui en assument désormais la conduite, le Poète les regardecomme des étrangers, puisque ce ne sont plus ceux-là désignés parDieu pour la régir...

Dante est trop sincèrement Gibelin — au sens de : lidèle au mo-

narque défenseur de la paix — et Romain — au sens de : fidèle à

l'Eglise catholique, apostolique et romaine — pour ne point consi-dérer l'absence, dans Rome, des deux pouvoirs comme « l'abomina-tion de la désolation » prédite par le prophète Daniel, ix, '.'.7(Cf. Saint Mathieu, xxiv, i5). Volontiers dirait-il avec Jérémie dansses Thrènes (i, i-4) :

Aleph. — Quomodosedet sola civitas plena populo : facta est quasiridua domina gentium, princeps provinciarum facta estsub tributo.

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CHANT XXXIll

Paradis terrestre. La prophétie de Béatrice. Le nombre D-X et V.

Ultime purification de Dante. Le fleuve Eunoë.

i — Deus, vénérant génies en choeurs alternés tantôt

de trois, tantôt de quatre voix, sur une douce psalmodie,commencèrent les jeunes femmes, en pleurant.

4 Et Béatrice, toute soupirs, et émue de pitié,les écoutait, devenue telle, que peu

davantage, au pied de la Croix, navrée apparut Marie.

7 Mais, dès que les autres vierges lui laissèrent le loisir

Beth. —-Ploram ploravit in nocte, et lacrymae ejus in maxillis ejtts ;non est qui consoletur eam ex omnibus charis ejus; omnes amiciejus spreverunt eam, et facti sunt ei inimici.

Ghimel. — Migravit Judas propter afflictionem, et multitudinemsevvitutis; habitavit inter gentes, nec invenit requiem...

Daleth. — Viae Sion lugent, eo quod non sint qui venient adsolemnitaiem...

i. Les trois premières Nymphes chantent un verset, les quatreautres chantent le suivant en forme de répons :

... Le tre diceano l'uno verso, e le quattro diceano l'altro versocon pianto e con canto. (Ottim. Com.)

Triste était le sujet de leur chant, mais douce demeurait la psalmo-die sacrée, en ce lieu d'élection.

6. Stabat Mater dolorosa,Juxta crucem lacrymosa, ...

O quain,trisiis et afflicta !...

(Prose pr. le Dimanche de la Passion.)

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002 PURGATORll). CUTI) XXXUl.

a lei di dir, levata dritta in piè,

rispose, colorata corne foeo :

i o « Modicam, et non videbitis me,et iterum, sorelle mie dilette,inodicum et vos videbitis me. »

i3 Poi le si mise innanzi tutte e sette,e dopo se, solo aceennando, mosse

me e la Donna e il savio che ristette.

16 Cosi se n' giva ; e non credo che fosse

lo decimo suo passo in terra posto,

8. Lorsque les Nymphes se sont tues, Béatrice, ardente, se lève,l'n feu sacré colore ses joues : elle parle douloureusement et commeune prophétesse agitée par l'Esprit.

De même, Lavinia à l'annonce du combat singulier de son fiancéavec Enée :

... cui plurimus ignemSubjecit rubor, et calefacta per ora cucurrit,Indum sanguineo veluti violaverit ostroSi,quis ebur, aut mixta rubent ubi lilia multaAlba rosa : taies virgo dabat qre colores.

(Enéide, XII, 65-69.)10. « Encore un peu de temps et vous ne me verrez plus — et

encore un peu de temps et vous me verrez à nouveau. »Les paroles mêmes de Jésus à ses disciples, peu de jours avant la

Passion, alors qu'il leur annonçait sa mort et sa résurrection. (Evan-gile saint Jean, xvi, 16.) _ ?

11. Le Char triomphal de l'Eglise s'est éloigné : mais bientôtrendu à sa forme première, il revièndre. Béatrice en fait l'annonceaux Vertus qu'elle nomme joyeusement et tendrement ses soeurs. LePape reviendra d'Avignon dans la ville de saint Pierre.

i3. Béatrice se met en marche : les Vertus la précèdent, tenanten leurs mains les sept luminaires spirituels. Silencieusement, ellefait signe à Dante et à Matelda de la suivre. Et pareillement à Stace,qui n'a point quitté Dante après le départ de Virgile. Voilà l'ordrenouveau du cortège.

17. Les dix pas de Béatrice : selon ce que je crois, la prédictiondes dix dizaines d'années que les Papes devaient passer à Avignon de1309 à 1377, puis, après le Grand Schisme, de 1379 à 141>-

Certes, bien souvent Dante semble touché d'un esprit prophétique.Cependant, en ce qui concerne ce passage, si même on se refuse àadmettre l'inspiration, le sens n'en demeure pas moins identique : leregard que le Poète portait assidûment sur l'horizon politique de

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tE PUÎlGATOiRE. CHANTXXXIII. 3^3

de parler,— se levant, érigée,

et le visage ardent comme flamme, elle répondit :

10 — Modicum, et non videbitis me

Et iterum, ô mes soeurs, bien-aimées!

Modicum, et vos videbitis me.

i3 Puis elle les rangea devant elle toutes les sept,et seulement par un signe elle nous fit prendre place derrière elle

à moi et à l'autre Dame, et au Sage qui était resté avec nous.

16 Ainsi elle s'en allait, et je ne crois point que fût

posé sur la terre son dixième pas,

son époque et dont nulle passion de partisan ne pouvait altérer lahautaine lucidité, suffit à expliquer, au moins, qu'il jugea que longuedevait être l'absence du Souverain Pontife ; et s'il en fixe les limites àdixdizaines d'années, sous le voile de l'allégorie, ce peut être qu'il prendle siècle seulement comme terme et expression de cette longue durée.

Le séjour des Papes à Avignon fut comparé, en Italie, à la capti-vité de Babylone. Il parut à certains —•et à Dante lui-même — que lePape y devenait en quelque sorte comme l'homme lige du puissantroi de France... Super flumina Babylonis, illic sedimus et flevimus,cam recordaremur Sion. (Psaume cxxxvi, i.)

Mais si douce était la vie dans la Provence fidèle, que la CourPontificale loin d'y répandre des larmes s'y plut si fort, que, lorsqueUrbain Y, Guillaume de Grimoard, cédant aux instances des Romains,crut de son devoir de revenir dans la ville sainte, ses cardinaux etses autres prélats n'eurent d'autre souci que de le ramener à Avignonoù il mourut en odeur de sainteté. Et c'est ici que l'annonce du Poètereprend toute sa valeur prophétique et s'avère de façon saisissante :si Urbain V n'était pas revenu en i3o7 à Rome, et s'il n'y étaitdemeuré trois ans avant de s'en retourner à Avignon, les Papesseraient restés loin de Rome, tant avant le Grand Schisme qu'après,cent ans bien comptés, et donc le dixième pas de Béatrice eût pus'achever avant qu'elle portât son regard vers Dante...

... Peut-être dans l'hésitation de ce dernier pas tiennent ces troisannées qui manquèrent à l'accomplissement du siècle que devaitdurer l'abandon de Rome par la Cour pontificale... e non credo chefosse, lo decimo suo passo in terra posto...

Le règne des Papes à Avignon a laissé en Provence de profondset vivaces souvenirs : et il ne manque point de prophéties populairesqui annoncent que l'on verra, quelque jour, le Pape reparaître dausson beau château de pierre taillée : ... Dins uno barco novo e bello-Gagno lou Rose, e reboumbello-Emé la crous de Dieu plantado au

trepadou... (Mistral, Mireille, VI. La prédiction de Taven.)LE PURGATOIRE. II. ï3

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3Ô4 PUUGATORÏO.: CANTOXXXIII.

quando eon gli occhi gli occhi mi percosse ;

19 e con tranquillo aspetto : « Vien' piû tosto,mi disse, tanto che, s' io parlo teco,ad ascoltarmi tu sie ben disposto ».

22 Si com' io lui, corn' io doveva, seco,dissemi : « Frate, perché non t'attenti

a domandarmi, ornai venendo meco? »

2J Corne a eolor che troppo reverenti

dinnanzi a' suoi maggiov' parlando sono,che non traggon la voce viva a' denli,

28 avvenne a me, che senza intero suono

incominciai : « Madonna, mia bisognavoi conoscetc, e cio che ad essa è buono ».

18. La sereine puissance des yeux de Béatrice : Danle en estcomme frappé.

ig. Béatrice n'est plus sévère, ni attristée. Tranquille et trèsdouce, elle appelle son fidèle afin qu'il vienne à son côté, si simplementque point autrement elle ne l'eût fait sur terre. Ici commence l'en-chantement du coeur du Poète, dès les premiers pas de sa promenadeauprès de Béatrice, sur les hauteurs.

ri. ... com'io doveva... Dante veut indiquer par là, que non seulementil s'approche de sa Dame avec tout le zèle de son sentiment, maisqu'il veut encore y arriver sous la loi d'une obéissance toute nouvelledont l'excellence vient de lui être révélée ; il y a plus de tendresseencore dans l'obéissance de la raison que dans l'impulsion du senti-ment.

Cum essem parvulus, loquebar ut parvulus, sapieham ut pavvulus,cogitabam ut parvulus : Quando autemfactus sum vir, evacuavi quaeerant parvuli. Videmus mina per spéculum in aenigmatc ; tune autemfade ad faciem... (I Ep. saint Paul aux Corinthiens, xin, 11-1:2.)

Lorsque Dante gravissait les degrés de la Sainte Montagne, ilsouhaitait ardemment de voir Béatrice et il croyait qu'il allait luidemander des éclaircissements surtout ce qui dépassait son entende-ment; à présent, il n'ose rien lui demander : c'est qu'il jugeait alorsavec sa conscience humaine, chargée d'obscurité et nécessairementimparfaite, et qu'il juge maintenant par les clartés surnaturelles quilui ont été accordées.

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LE PURGATOIRE. CHANTXXXIII. 355

quand elle frappa mes yeux de ses yeux;

IQ et, d'un air tranquille : — « Viens plus vite »,me dit-elle : « en sorte que, lorsque je te parlerai,lu sois tout prêt à m'entendre. »

22 Et, sitôt que je fus venu près d'elle, comme je le devais,elle me dit : — « Frère, pourquoi n'oses-tu plus

m'interroger, à cette heure où tu marches près de moi? »

2J Comme à ceux-là que trop de révérence

retient, devant leurs supérieurs, dans le temps de parler,et qui ne peuvent amener jusqu'aux dents leur parole vive,

28 semblablemcnt il m'advinl, car d'une voix incertaine

je commençai : — « Ma Dame, ce qu'il me faut

vous le savez, et aussi ce qui peut m'ètre bon. »

a4- C'est que Danle, plus éclairé, a perdu loutc jaclauce et aban-donne en lui-même son coeur à la lecture intérieure de la Dameélue.

ii. Che, siccome dicc Tommaso sopra al prologo dcll' Etica : conos-cere l'ordine d'una cosa ad altra, è proprio alto di ragione; equesta è discrezione. Uno de' più belli e dolci frutti di questo ramoè la reverenza che debbe al maggiore il minore. Onde Tullio, nelprimo degli Ufficii, parlando délia bellezza che in sull' onestà

risplendc, dice la reverenzia essere di quellaj...... Dico che reverenzia non è altro, che confessione di débita

suggezione per manifesto segno... (Convivio, Tratt. IV, 8.)27. Au IIIe chant de YOdyssée (3-2-35)Télémaque dit à Mentor :

« Je n'ai point encore l'expérience du discours des Sages, et lavergogne qui sied au plus jeune ne permet point qu'il adresse laparole, le premier, a celui qui est le plus chargé d'ans. »

« Mévxop,raïpçt'âp "ûo, nûç -r'ap jipoajtTuÇo^.ataû-fj'v;OùSi T! TTWaiOoiai ra7îeîpr]u.atnuxiyoïaiva!8ù; S'a5 vsov av8pa "fspatapov èÇep^aOat.»

Et l'Arioste devait écrire :Spesso la voce dal desio cacciataViene a Rinaldo fin presso alla bocca

... e quivi raffrenataDa cortese modestia, fuor non scocca.

(Orlando furioso, ch. XLII,98.)

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356 PURGATORIO. CANTOXXXIII.

3i Ed ella a me : « Da tema e cla vergogna

voglio che tu ornai ti disviluppe,si che non parli piû com'uom che sogna.

34 Sappi che il vaso che il serpente ruppelu e non è ; ma chi n'ha colpa creda

che vendetta di Dio non terne suppe.

3i. Ainsi Dante avait-il répondu tout à l'heure à Béatrice, lorsqu'ill'avait vue si sévère :

Confusione e paiera, insieme miste... (xxxi, i3.)33. Mais Béatrice ne veut plus cela à présent : au sens mystique,

Dante est désormais réveillé; il n'y a plus d'ombre entre son coeuret Dieu, puisque l'eau lustrale l'a entièrement lavé et que déjà les

anges, d'un coup de leurs ailes, ont effacé de son front les cica-trices du péché. Il n'est plus de ceux-là que tient encore le sommeil

auquel fait allusion saint Paul, lorsqu'il écrit :... hora est jam nos de somno surgere. Nunc enim propior est

nostra salus, quant cum credidimus. Nox praecessit, dies autem

appropinquavit. (Ép. saint Paul aux Romains, xm, 11-iu.)Le rêve qui agile l'homme endormi évolue en dehors de toute

raison : sa volonté n'est point libre de l'accepter ou de le refuser,et, s'il parle, ses paroles ne correspondent pas à une pensée.

Voilà pour le sens mystique. Le sens littéral, c'est que l'homme,qui parle en songe, parle le plus souvent confusément.

Qualia non totas peragunt in somnia voces, ...(Stace, Thébaïde, V, 543.)

Pétrarque dut se souvenir de ce passage de la Divine Comédie..lorsqu'il écrivait dans son Sonnet XXXIV, in Vita di Laura :

... e se parole fai,.Sonoimper/'ette, e quasi d'uom che sogna...

Et pareillement le Tasse, à l'endroit où le Chevalier a couru dansla forêt, lorsqu'il craint d'avoir eu peur des prestiges du magicien :

... e lien le labbra chiuse,O gli ragiona in guisa d'uom che sogna.

(Gerusalem liberata, ch. xm, 3o.)34. Le Char hiératique : le Vase d'élection. Le vase ne répond plus

à son destin, s'il n'est entier.... Allegoricamente intende che la Chiesa di Roma non sia piii

intera e perô non è vaso, che'l vaso de essere intevo, altramente nonè vaso, comme ditto è, perche non è unita insieme, ma divisa...(Franc da Buti.)

L'intégrité de l'Eglise avait paru brisée par le Dragon infernal quilui offrait, comme dans la tentation de Jésus au désert, les royaumesde la terre. (Saint Mathieu, iv, 9-10.) El encore, elle semblait ne plusdevoir être libre, hors de la Ville choisie par saint Pierre lui-mêmepour que son chef y résidât.

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LE PunGATOinE. — niAKT xxxin. 35]7

3i Et elle à moi : — « De crainte et de confusion

je veux que désormais tu sois libre,en sorte que tu ne parles plus comme un homme qui rêve.

34 Sache que la nef que rompit le serpentfut et n'est plus; mais que celui-là, qui en a la faute, croie bien

que la vengeance de Dieu ne redoute aucun leurre,

A Avignon, dans le rayonnement du roi de France, on pouvaitcraindre que le Pape ne fût plus suzerain.

35. Bestia, quant vidisti, fuit, et non est (Apocalypse, xvn, 8.)Ces paroles énigmatiques, Béatrice les emprunte à l'Apocalypse

même, mais ici, elles vont au Char sacré : le Char, dénué de sa beauté

première, et tel que le rompit le serpent, « fut et n'est plus ».Les manifestations accidentelles de l'Eglise n'affectent point sa

durée. Ses vicissitudes, ses variations dans l'ordre humain netouchent en rien sa substance surnaturelle. Elle demeure toujoursdevant Dieu « sans tache et sans rides », dans son intangible beauté,telle l'épouse idéale dont parle l'Apôtre dans sa lettre aux Ephé-siens.

... gloriosam Ecclesiam, non habentem maculam, aut rugam, aut

aliquid hujusmodi, sed ut sit sancta et immaculata. (Saint Paul, v,

Mais, si rien ne prévaut contre elle, ceux par qui elle fut blesséeou heurtée — qu'ils soient du dehors ou du dedans — restent dési-

gnés à la justice de Dieu.36. Non terne suppe...Qui intromette una usanza ch'era anticamente nelle parti di Grecia

in questo modo, se uno uccidea un altro, e elli potea andare nove dicontinui a mangiare una suppa per die suso la sepoltura del defunto,nè'l Comune ne i parenti del morto non faceano piu alcuna vendetta.

(Jacopo délia Lana.)Il Daniello bruttamente aggrava il Poeta, interpretando questa

suppa per il sacrifîzio délia Messa, che si fa di pane e vino conse-crandosi, e cosi ancora l'interpréta secondo la sua empiéta quelCalvinista rigettato dal Bellarmino; il qualeprudentemente interprétaquesta suppa conforme il Landino, Vlmolese, e il figliuolo di Dante,commentatore di suo padre [aggiungasi anche il Buti). Egli è adunqueda sapersi, che di que' tempi in Firenze vi era questa sciocca

superstizione, onde la gente si persuadera, che chi in termine dinove giorni mangiasse la suppa sopra la sepoltura dell' ucciso, dopocommesso l'omicidio, non poteva poi per vendetta di quello essereda altri ucciso. (P. B. Lombardi.)

Solevasi anticamente, chi aveva fatto alcuno omicidio, acciù chenon fosse vendetta, andare sopra la sepoltura dello usciso, et man-giarvi suso una zuppa, dicendo et sperando che poi di tal morto nonsi farebbe vendetta; et per questa cagione i parenti del morto guar-

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358 PURGATORIO. CANTOXXXIII.

3^7 Non sarà tutto tempo senza reda

l'Aquila che laseiù le penne al carro,

per che divennc mostro e poseia preda;

4o eh'io veggio eertamente, e perô il narro,a darne tempo gi.i stelle propinque,sieure d'ogni intoppo c d'ogni sbarro,

43 nel quale un cinqueeento diece e einque,

davano sopra la sepoltura nove di continui et nove notti, acciù chequesto non intervenisse. (Anonimo Fiorentino.)

Selon les vieux commentateurs il y a donc là une allusion à unevieille coutume, ou plutôt à une vieille superstition : si celui qui atué un homme parvient à manger une soupe, sur son tombeau, dansles neuf jours qui suivent la mort de celui-ci, nul n'en doit plustirer vengeance. C'est pourquoi les familles faisaient garder étroi-tement les sépultures, durant neuf jours et neuf nuits :

Onde nota, che questo è tratto da una falsa opinione, che le gentiaveano... (Ottim. Com.)

Et certes, au sens allégorique, Dieu n'a point besoin de faire garderquelque sépulture que ce soit, car nul coupable ne peut fuir sa justeveugeance : le « leurrer ».

Mais Franc. Toriaca propose un autre sens qui semble mieuxapproprié. Au lieu de donner au mol suppe le sens vulgaire de« soupe » il lit suppe pour juppa qui, dans le latin courant duxmc siècle, signifiait une sorte de cuirasse ou colle de mailles. Enfuit juppa, dans certains dialectes du nord de l'Italie, a pu donnerjubba, subba et zuppa. En langage florentin giubba : d'où Dante afort bien pu écrire à la latine iuppe ou Juppé donl le copiste, selonle mode de lire de son pays, aura fait zuppe ou même directementsuppe dans le même sens. Il n'est cuirasse ni armure, quelle qu'ellesoit, qui puisse protéger le coupable contre l'épée du Seigneur :

Si acuero ut fulgur gladium meum, et arripuerit judicium manusmea ; reddam ultionem hostibus meis, et his qui oderunt me rétribuant.(Deutéronome, xxxn, .-ji-)

De même, dans Isaïe :... inebriatus est in coelo gladius meus (xxxiv, 5.)Et dans Ezéchiel : xxi, 3, xxxm, !, 3, 6.'.iy. L'Empire ne sera point toujours privé d'un chef fidèle :... Federico di Soave, ullimo imperadore de' Romani (ultimo dico

per lispetto al tempo présente; non ostante che Ridolfo e Adolj'o eAlberto poi eletti sieno appresso la sua morte et de' suoi discen-denti) (Corwivio,Trat. IV, 3.)

Mais Rodolphe, Adolphe et Albert u étaient point venus dans Romerecevoir la couronne impériale des mains du Souverain Pontife ; etDante ne les regardait point comme légitimes. Ce ne fut qu'à l'élection

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LE PURGATOIRE. CHANTXXXIII. Sjp

3" Il ne sera point toujours sans héritier,

l'Aigle qui laissa ses plumes éparses sur le Char

par quoi celui-ci devint monstre avant que d'être proie;

^o car je vois avec certitude, et c'est pourquoi je l'annonce,des étoiles déjà proches à marquer le temps,— sûres qu'elles sont contre toute résistance et tout obstacle —

43 où, sous le nombre cinq cent dix et cinq,

d'Henri VII qu'il crut voir renaître la suprême juridiction qui for-mait tout son souhait politique.

40. Béatrice connaît toute chose dans la lumière divine. C'est ainsiqu'elle annonce l'apparition d'une constellation favorable, dont nuleffort d'ennemi ne pourra empêcher ni même gêner la triomphaleinfluence.

41. Une ère de paix, d'ordre, de prospérité dans la joie...43. Cinquecento dieci e cinque... : D. X. V., qui fait aussi DYX.

Idest, unies dux ; nam D semel positus apud arithmeticossignificat quingentos, V importât quinque, X decem, et isiae très lite-rae constituant istud nomen dux, « messo di Dio », hic est Me veltrussapiens justus, de quo lanta dixi primo capitulo Inferni (Benv.de Im.)

Le « Dux », le conducteur de peuples, réparateur de l'ordre voulu deDieu, qui saura faire refleurir, l'un près de l'autre, les deux pou-voirs : le spirituel et le temporel, et restaurer aux côtés de l'Eglisela juridiction souveraine, nécessaire ù l'équilibre du monde :

dux, missus sive nuntius Dei... (Serravalle.)Le même que Dante a désigné au premier Chant de Ylinfer, sous

la figure du Lévrier, qui chassera aux abîmes la Louve insatiable,image de tous les vices, magnifique prédiction qui comble d'espoirle grand coeur du Poète

D'autres interprétations, disposant autrement des trois nombres,veulent voir ici l'avènement d'un Christ, non celui du Sauveur dumonde « qui est entré une fois dans la vie corporelle et ne reviendraque dans sa gloire » :

Chrisfus aulem assistaispontifex futurorum bonorum, per ampliuset perfectius tabernaculum non manufactum, id est, non hujus crea-tionis ,

Neque per sanguinem hircorum aut vitalorum, sed per propriumscinguinem introivit semel in Sancla acterna redemptione. (Ép.saint Paul aux Hébreux, ix, n-ii.)

— Mais un « envoyé », celui qui doit venir, un « oint » — selon lesens du grec Xpio-côç,l'oint du Seigneur, comme dans Isaïe lorsqu'ilprédit les victoires de Cyrus, voulues de Dieu, en punition desIsraélites :

ffaec dicit Dominus christo meo Cyro, cujus apprehendi dexteram,

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36o PURGATORIO.— CANTOXXXIII,

Messo di Dio, anciderà la fuiae quel giganle che con lei delinque.

46 E lorsc che la mia narrazion buia,

quai Terni e Sfinge, men ti persuade,

ut subjiciam ante faciem ejus gentes, et dorsa regum vertam etaperiam coram eo januas, etportae non claudentur. (Isaïe, XLV,I.)

Dans l'épître que Dante adressait à l'empereur Henri VII — d'un deschâteaux du Casentino, peut-être de celui de Poppi, qui dressetoujours son inflexible profil sur sa haute colline, — au mois d'avrilde l'an I3II, citant les paroles des disciples du Précurseur à Jésus,il écrit :

« Tu es qui venturus es, an aliuin expectamus ? »Et quamvis longa sitis in dubium quae sunt cevta, propter esse

propinqua, ut adsolet, furibunda deftectat : nihilominus in te credi-mus et speramus, asseverantes te Dei ministrum, et Ecclesiae filium,et romanae gloriae promotorem... (Dante, Ép. VII.)

Plus loin, dans la même épîlre, il empruntera les paroles deSamuel à Saûl dans le ier Livre des Rois :

« Nonne quum parvulus esses in oculis tuis, caput in tribubus Israëlfactus es?

Unxitque te Dominus in regem super Israël, et misit te JDeus invia, et ait : vade et interflce peccatores Amalech. » (xv, 17-18.)

Dès les premières lignes de son épître, Dante expose le bien qu'ilattend de celui qui doit venir : la Paix, « le trésor des hommesen chemin sur terre, celui qui les dispose le mieux à gagner leroyaume du Ciel ».

C'est donc bien un libérateur qu'il attend, le fort qui saura triom-pher de la guerre et fonder dans l'ordre une ère de prospérité pourles peuples ; ce sera aussi le défenseur des justes libertés de l'Eglise,celui qui saura gouverner à ses côtés, et sauvegarder sa missiondivine par la bonne conduite des affaires temporelles

Mais le Père B. Lombardi affirme que ce ne pouvait être l'empe-reur Henri VII :

Ma non vi è poscia pericolo che per questo capitano intendesseDante l'imperatore Arrigo VII

De même que Vellutello, il croit reconnaître, dans le Dux, CanGrande délia Scala :

... eletto capitano délia lega Ghibellina, ch'è quanto a dire infavore delVAquila impériale

L'Otlimo Comento cite le prophète Daniel et croit que le Libéra-teur viendra plus tard, peut-être même vers la lin des temps :

... Sicchè dicono che in questo tempo verra uno Duca messaggiereda Dio, che tutto il mondo riducerà a Dio. E vogliono credere, chesia circa la fine del mondo, ed allegano VAutore medesimo... Altridice, ch'elli vuole dire d'uno Imperadore, che fia in quello tempo,del qualeparla Daniello quivi : « Beatus qui expectabit, et pervenerit

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LE PURGATOIRE. CHANTXXXIII. 361

paraîtra un Envoyé de Dieu, qui mettra à mort l'usurpatriceainsi que le Géant qui pèche avec elle,

46 Et peut-être que ma prédiction, obscure

autant que celles de Themis et du Sphinx, te persuade moins

[qu'il ne faudrait,

usqae ad MCCCXXXVdies... » ma l'Aulore vuole dired'alcuna granderivoluzione del Cielo significatrice di alcuno giustissimo e santissimoprincipe, il quale reformera lo stato délia Chiesa, e de'fedeli Chris-tiani.

Enfin quelques autres commentateurs, à cause de l'ordre danslequel se présentent les nombres, en font des initiales et lisent :Dominus, Christus, Victor ou Yindex, disant qu'il y a là une allusionà la venue du Sauveur, triomphant et justifié, au dernier jour.

Mais la venue du Christ, dans sa gloire au dernier jour, seracomme l'éclair qui « part de l'orient et va jusqu'à l'occident », et ellen'aura nul besoin de l'annonce d'une constellation propice. (Cf. saintMath., 24-27.)

L'ordre des nombres n'a ici nulle importance. Loin de là : nesemble-t-il pas plus juste de croire que Dante souhaite envelopperson énigme d'un voile de plus, en intervertissant leur ordre?

Quant au sens des nombres, pris dans leur valeur expressive,Dante avait pu en trouver l'exemple dans l'Apocalypse même, àl'endroit où saint Jean écrit :

aut nomen bestiae, aut numerum nominis ejus.Hic sapientia est. Qui habet intellectum, computet numerum bestiae.

Numerus enim hominis est ; et numerus ejus sexcenti sexaginta sex.(xm, 17-18.)

44- L'envoyé de Dieu tuera l'usurpatrice, celle qui prenait tout àl'heure la place de la Yérilé sur le Char hiératique.

Ucciderà ogni resia, ed ogni simonia, e simonizzatore. Dicenella Apocalypsis, poi che ha trattato délia meretrice sedente insulla bestia : « E clopo questo io viddi uno Agnolo discendente diCielo, che aveva grande podestade; e la terra è inluminata déliagloria sua ; e gridb nella fortitudine délia vocesua : Cadde la grandeBabilonia », ecc. Ed infra : « Epiagneranno se sopra lei li re déliaterra, che con lei fornicarono, ecc. ; e li mercatanti délia terra piagne-ranno sopra quella, perocchè le loro mercatanzie e merce neuno

compererà più. » (Ottim. Com.)45. Le géant : au sens littéral, chez la plupart des commentateurs,

le puissant Roi de France qui a emmené le Char de l'Église avec lui.Chez d'autres, quelque oppresseur que^ ce soit, qui tenterait de

porter la main sur les justes libertés de l'église.Au sens moral : nul pouvoir humain ne saurait être vainqueur,

durable, et bon, s'il ne s'appuie sur Dieu et ne protège son Eglise.47. Thémis, personnage mythologique, fille d'Uranus et de la

Terre et nourrice d'Apollon, rendait ses oracles à Delphes avantcelui-ci. Lorsque Deucalipn et Pyrrha, restés seuls sur la terre déso^

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362 PUIIGATORIO. CANTOXXXIII.

pcrch'a lor modo lo intelletto attuia.

49 Ma tosto fien li falti le Naiàdc

che solvcranno questo enigma forte,scnza danno di pécore o di biade.

5a Tu nota; e si corne da me son porte,

lée par le déluge, s'eu viennent jusqu'à elle, afin d'avoir une réponsesur le point de savoir comment repeupler la terre, ïhémis leurrépond :

« Ossaque post tergum magnae jactate parentis. »(Ovide, Met., I, 383.)

Au lieu de leur dire tout simplement de ramasser à terre descailloux et de les jeter derrière eux; si bien que Deucalion et Pyrrhavont réfléchir longtemps avant que de comprendre :

Obstupuere diu

Interea repetunt caecis obscurci latebris,Verba datae sortis secum, inter seque volutant.

(Ovide, Met., I, 384, 388-89.)Un alto monte ne va quivi aile stelle con due capi, il quale ha nome

Parnaso. In questo luogo arriva con piccola navicetla Deucalionecon la sua moglie Pirra; perocchè tutte l'altre cose avea coperte ilmare; qui adorano le Ninfe Choricide, le Deitadi de' monti, e Themiche dà risposte de' fati... (Ott. Com.)

Sfinge : la Sphinge ou le Sphinx, être fabuleux au visage defemme, et féroce en ses coutumes — né de Typhon et d'Echidna,fille du Slyx, — envoyé selon les uns par Junon, selon les autres parMars, pour exercer une vengeance contre les Thébains, désolait laroute de Delphes à Thèbes, proposant, à ceux qui passaient, desénigmes obscures et jetant à la mer ceux qui ne les devinaient point.Ce fut ainsi que les Thébains en vinrent ù offrir la main de la reineJocasle et le trône à celui qui les délivrerait d'un pareil fléau. OEdipedevina l'énigme proposée et le monstre, fou de rage, s'enfuit et seperdit dans les Ilots.

Dans l'imprécation du roi aveugle à Tisiphone :si Sphingos iniquae

Callidus ambages te praemonstrante resolvi(Stace, Thébaïde, I, 66-7.)

Problema autem crut laie : Die mihi quid sit animal quod primoincedit quatuor pedibus, deinde duobus, postea tribus et ultimoquatuor? Quae verba Oedipus interpretatus est de homine : et solvcnsquaestionem interfecit monstrum. (Benv. de Im.)

Edippo disse, che era l'uomo ; il quale in sua infanzia andava diprima con le mani e con li piedi; poi s'ergeva alla banca, ed andavaco' piedi, sostenendosi con l'una mano ; poi ch' era ne' suoi membri

f'ortificato ; andava diritio in piede, sopravvenendo la vecchiezza, si

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LE PURGATOIBE. CHANTXXXIII. 363

parce que, suivantleur mode, elle enveloppe d'ombre l'intelligence.

/jç) Mais tôt, les faits, dénonciateurs d'eux-mêmes, tiendront lieu

et éclairciront cette énigme difficile, [ici des Naïades

sans dommage pour les brebis ni les moissons.

5a Toi, note ; et, de même qu'elles te sont dites par moi,

poggiava ad uno bastone; e poteva venire a tanto senio, che portavadue bastoni, sicché andava in quattro. (Ottim. Coin.)

48. attuia, peut-être pour attura, — idest obturât et obscurat.(Benv. de Imola.)

Mais peut-être aussi dans le sens d' « enfoncer », de <cporter auloin dans l'intime de la pensée », selon le sens du verbe populairelanguedocien « tuter » qui signifie « aller chercher le grillon dansle fond de sa retraite...? » Peut-être encore dans le sens d' « aigui-ser »?

4g. Les Naïades : allusion à ce passage d'Ovide, dans le VIIe Livredes Métamorphoses (vers 760 et suiv.) :

Carmina Najades non intellecta priorumSolvunt ingeniis et praecipitata jacebat,Immemor ambagum vates obscura suarum,Scilicet aima Themis; nec talia liquit inulta.Protinus Aoniis immissa est bellua Thebis;Cessit et exitio multis : pecorique, sibiqueliuricolae parvere feram

Dans une révision critique d'Ovide, le Hollandais, Nicolas Heinsius,érudit philosophe du xvn° siècle, a voulu lire ici au lieu de « Naïades » •« Laïades » — ce qui signifierait le fils dé Laïus et donc OEdipe —et il corrige le verbe « solvunt » et lit « solverat » — ce qui sembleévidemment acceptable et la Fable n'offrant point d'autre exemple denaïades fatidiques Mais Pausanias, le Phrygien, géographe ethistorien de la Grèce au 11esiècle après J.-C, déclare dans leicr livre de ses Béotiques qu'il y avait au pied du Citheron un antrehabité par des Nymphes qui donnaient des réponses aux arcanes duDestin. En sorte que le passage d'Ovide peut bien demeurer tel queDante l'a lu — car il n'y a pas lieu de s'étonner à ce point si le Poètea désigné les Nymphes par le nom de Naïades qui était celui desNymphes des Fontaines, à l'exemple de Virgile qui a écrit :

Quae nemora, aut qui vos saltus habuere, pueliaeNaïades...?

(Églogue X, 9-10.)Ainsi parle le Père B. Lombardi et son opinion me semble ici

l'emporter sur toute autre.5i. La bêle féroce envoyée auxThébains par Thémis, pour venger

la mort du Sphinx, dévorait leurs troupeaux et piétinait leurs récolles,(Cf. Ovide. Met., VII. -M et suiv.)

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364 PURGATOBIO. CANTOXXXIII.

eosi cjueste parole segna ai vividcl viver ch'è un correre alla morte ;

55 ed abbi a mente, quando tu le scrivi,di non celar quai liai vista la piantach'è or due volte dirubata quivi.

58 Qualunque ruba quella, o quella schianla,con bestemmia di fatto offende a Dio,che solo ail' uso suo la creô santa.

6j Per morder quella, in pena ed in disio

cinquemil'anni e piû l'anima primabramô Colui che il morso in se punio.

64 Dorme lo ingegno tuo, se non estima

54. Les vivants véritables ce sont les élus. La première vie, la vieterrestre, n'est qu'un voyage, un pèlerinage vers la mort. Sur lesapproches de la mort et le passage en l'autre vie (Cf. Conv., IV, 28),la naturale morte è quasi porto a noi di lunga navigazione

56 La di lei altezza, il modo di spandere i rami, e il dispo-gliamento in cui si trovava di flori e di frondi prima che ad essafosse legato il trionfale carro (P. B. Lombardi.)

5y. Désolé, une première fois par le péché d'Adam, l'Arbre l'estune deuxième fois par le rapt du Géant — selon Jacopo délia Lana,l'Ottimo Comento, l'Anonimo Fiorentino, le Postillateur du MontCassin, Piero di Dante, et d'autres.

Benv. de Imola pense que si la première fois ce fut Adam quidépouilla l'Arbre symbolique, c'est par l'Aigle qu'il le fut unedeuxième fois

Vellutello, Franc da Buti, Crist. Landino, le Père B. Lombardilisent que, la première fois, la désolation de l'Arbre fut accompliepar l'Aigle et, la seconde fois, par le Géant. Pour Serravalle, ce futla première fois par l'Aigle, la seconde par Philippe le Bel. Pour lecomte Francesco Trissino et quelques autres, le premier ennemi del'Arbre ce fut l'Aigle et le second le Dragon infernal.

58. Béatrice affirme ici l'inviolabilité sainte de l'Arbre.5g. Le blasphème par l'acte est plus grave encore que le blasphème

de parole : le sens est ici que quiconque porte atteinte aux privilègesde l'Arbre, touche aux desseins de Dieu.Dans l'ordre temporel, la monarchie légitime émane dé Dieu : nul

peuple ne peut se maintenir sans chef, et robéissance rendue au chefrevient à D'eu, en tant que le chef aura reçu son autorité 4e Lui :

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LE PURGATOIRE.^- CHANTXXXIII. 36O

ainsi porte ces paroles aux vivants

de cette première vie qui n'est qu'une course à la mort;

55 et aie en mémoire, quand tu les transcriras,de ne leur point celer l'état en lequel tu as vu la plante

qui est désormais deux fois pillée ici.

58 Quiconque lui ravit quelque chose, ou la déchire,offense Dieu par un blasphème de fait,

car, seulement pour son usage, Il la créa sacrée.

61 Pour y avoir mordu, clans la peine et le désir

cinq mille années et plus la première Ame

souhaita ardemment la venue de Celui qui prit sur soi d'expier

[la morsure.

64 Ton intelligence dort, si elle n'estime point

Omnis anima potestatihus sublimioribus subdita sit; non est enim

potestas nisi a Deo; quae autem sunt, a Deo ordinatae sunt.

Itaque qui résistif potestati, Dei ordinationi résistifIdeo necessitate subditi estote, non solum propter iram, sed etiam

propter conscientiam (lip. saint Paul aux Romains, xm, i-a-5.)60. Toute autorité, pour être légitime, doit venir de Dieu. On ne

peut concevoir d'autorité qui n'ait en Lui son principe. Il est louabled'obéir à l'autorité légitime jusqu'aux limites du bien. Passées ceslimites, l'autorité cesse d'être légitime en tant qu'elle se séparede Dieu et ne mérite plus l'obéissance.

61. Adam dut souffrir longtemps de la privation de Dieu, dans lesLimbes, pour avoir touché au Fruit défendu Après une longuevie de g3o ans passés dans le bannissement, loin de Dieu, lui quil'avait connu face à face au jardin des Délices, Adam dut demeurerencore plus de 4.000 ans dans les Limbes, en l'attente du Sauveur.

63. Le Christ avait pris sur lui le poids de tous les péchés dumonde, voulant qu'en Lui, et par Ses souffrances d'un prix infini, toutefaute fût effacée et le pacte d'amour, offert par Dieu à l'homme aucommencement, rétabli dans toute son excellence.

64. A la porte du Jardin des Oliviers, les Apôlres dormaient etne pouvaient comprendre, malgré les annonces que leur en avaitfaites le Maître, le grand mystère dont l'accomplissement allaitcommencer cette même nuit

Dans le même sens, chez l'Apôtre saint Paul :

Surge qui dormis,• et exsurge a mortuis, et illuminabit te Christus.(Epître aux Ephésiens, v, 14.)

Dante n'est pas encore éveillé entièrement à la lumière spirituelle ;

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366 PURGATOIUO. CANTOXXXIII.

per singular cagione essere eccelsa

lei tanto, e si travolta nella cima.

67 E, se stati non fossero acqua d'Eisali pensier' vani intorno alla tua mente,e il piacer loro un Piramo alla gelsa,

70 per tante eircostanze solamente

la giustizia di Dio, nello interdetto,

de même que les Apôtres, ce n'est point au premier appel qu'ils éveillera. Jésus était venu deux fois vers ses Apôtres. C'est ladeuxième fois seulement qu'il leur dit :

« Voici, l'heure est proche Levez-vous, allons » (SaintMathieu, xxvi.)

65. Si l'Arbre du Paradis Terrestre est devenu dans la pensée deDante le symbole de l'Empire, en tant que Monarchie universelle, —

après avoir rappelé aussi l'Arbre qui donna le bois de la Croix, —c'est qu'il fut accepté de tous temps comme la ligure de l'obéissance.

Adam désobéit à l'ordre du Créateur. Mais Jésus se fait obéissant« jusqu'à la mort et à la mort sur la Croix. »

Ckristus factus est pro nobis obediens usque ad mortem, mortematitem crucis (Verset pour le Samedi Saint à Laudes.)

Voilà pour le spirituel. Quant au temporel, nulle institution nesemble à Dante plus apte au bonheur des peuples que celle d'unEmpire équitable. L'empire par des lois sages doit maîtriser lespassions et conduire l'activité des hommes vers ses meilleures fins ;il doit assurer la paix, en abolissant les inimitiés que crée, entre lesnations, le désir de suprématie. Il est donc, sous cette forme idéale,voulu de Dieu comme l'expression de la plus grande justice en cequi concerne les affaires terrestres — et tel, vraiment, parut-il auxmains de Charlemagne.

Or, la nécessité d'un gouvernement équitable et fort s'impose à lapensée de Dante, à l'endroit même où commence, par la faute origi-nellcj le désaccord entre les appétits naturels et la mesure, d'où leslois inévitables et les sanctions nécessaires à toute société humaineprennent leur origine ; cela n'a rien que de très logique. Dès lors,le symbolisme de l'Arbre n'étonne plus l'esprit et devient l'expressionla plus claire qui pouvait être faite d'une des idées principales dupoème.

Dès le commencement, l'Ecriture nous enseigne que le Créateuravait tout renfermé sous l'obéissance. Dans la parfaite obéissancereposait la parfaite justice en même temps que l'inaltérable bonheur.

Lorsque Rébecca, connaissant par une inspiration d'En-haut lamission réservée à son fils Jacob, le substitue à Ésaii par unstratagème bien humain, pour qu'il reçoive à la place de l'aîné labénédiction de leur père Isaac, de qui les yeux ne voient plus

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LE PURGATOIRE. CHANTXXXIII. i6j

que c'est pour une raison singulière que s'élève

cet Arbre à une si noble hauteur et s'élargit ainsi vers la cime ;

6" et si, telles les eaux de l'Eisa, n'eussent été

autour de ta pensée, les idées vaines

et leur attrait, comme le sang de Pvrame obscurcissant la mûre

[blanche,~o seulement par des circonstances de celte valeur

la Justice de Dieu, en son interdiction,

(Genèse, xxvn), elle agit sous l'impulsion de l'obéissance à lavolonté divine ; et les Pères de l'iiglisc n'ont jamais hésité à regarderson acte comme louable et conforme à la parfaite justice. (Cf. saintAugustin. Brcv. rom.)

Aussi le Poète placcra-t-il Rébccca dans le Ciel le plus haut avecceux qui exercèrent parfaitement la justice (Paradis, XXXII, 10), clcela parce qu'elle sut obéir parfaitement. (V. G. Federzoni Com.)

L'Arbre est très haut : rien n'est plus haut que la parfaite obéis-sance à la volonté de Dieu.

L'Arbre a des frondaisons très étendues : Dante voudrait voir tousles peuples sous la protection de son ombrage.

S'il est très haut, peut-être est-ce encore pour mieux affirmer sonintangibilité. 11doiL demeurer hors de toute atteinte, et nul n'y doitporter la main si ce n'est à la faveur d'un droit divin.

67. L'Eisa : rivière de Toscane, aux eaux calcaires, qui durcit etpétrifie tout ce qui s'y trouve immergé. L'Eisa jaillit du versant nordde la montagne de Sienne, elle passe sur le territoire de Florence,et, longeant la route de Volterra, elle va se jeter dans l'Arno, non^loin d'Empoli et de Ponte d'Eisa :

Nisi mens tua labilis esset saxificata eo modo quo aqua Elsac.(Bcnv. de Im.)

68. Les vaines pensées : celles qui, sans pénétrer profondémentdans l'esprit, l'entourent, jour par jour, et s'en saisissent commefont les eaux de l'Eisa d'un objet posé au milieu de leur cours.

Gg. Du jet de sang jailli du coeur de Pyrame la blanche mûre estdevenue rouge. (V. Purg., XXVII, 3y et suiv.)

De même que les mûres tachées de sang, l'esprit de Dante s'esttrouvé assombri par la joie légère des vaines pensées

71. « Ce que signifie l'Arbre, dans ses diverses acceptions,depuis le premier jour où il fut défendu à l'homme d'étendre lamain vers son fruit, tout cela aurait dû te faire comprendre le justeplan de Dieu qui a instauré sur terre deux pouvoirs, dans lesquelsil a renfermé, à l'usage des hommes, son suprême pouvoir, afin deleur assurer le bénéfice de la Paix, dans l'esprit et dans le temps.

Pensée sacrée, sanctifiée de son souffle, et que l'homme, person-nifié par toi, n'a pas comprise »

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368 t>unGATOBio.— CANTOxxxiii.

conosceresti all'arbor moralmente.

73 Ma, perch' io veggio te nello intelletto

fatto di pietra, ed impietrato, tinto

si, che t'abbaglia il lume del mio detto,

76 voglio anco, se non scritto, almen dipinto,che il te ne porti dentro a te, per quelloche si reca il bordon di palma cinto. »

79 Ed io : « Si corne cera da suggello,che la figura impressa non trasmuta,

segnato è or da voi lo mio cervello.

82 Ma perché tanto sopra mia vedutavostra parola disiata vola,che piû la perde quanto piû s'aiuta? »

72. H terzo senso si chiania morale; e questo è quello che li lettorideono intentamente andare appostando per le scritture, a utilità diloro e di loro discenti : siccome appostare si pub nel Vangelio,quando Cristo salib lo monte per trasfigurarsi, che delli dodici Apos-toli, ne menu seco li tre; in che moralmente si pub intendere, cheaile secretissime cose noi dovemo avère poca compagnia. (Dante,Conv., II, 1.)

•)[\. Comme, clans Jérusalem, le visage des hommes que ne protègeplus la justice et n'anime plus la vérité.

induraverunt faciès suas supra petram (Jérémie, v, 3.)Et comme le coeur de pierre que Dieu ôtera de la poitrine des fîls

d'Israël, afin que son nom soit sanctifié parmi les nations :Et dabo vobis cor novum, et spiritum novumponam in medio vestri

et auferam cor lapideum de carne vestra, e dabo vobis cor carneum.(Ezéchiel, xxxvi, 26.)

Par les fausses méthodes et l'orgueil de la pensée, l'âme a perdusa divine souplesse par quoi elle eût été naturellement portée versDieu.

75. « Ton esprit, fait de pierre, comme touché de l'eau del'Eisa, et obscurci de fausse science, comme les mûres par le sangde Pyrame, n'est plus apte à recevoir le rayon de mes vérités »

« sicchè tu non se'atto aricevere la luce fulgida del mio misticoparlare. » (Oltim. Com.)

Page 381: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

LE PURGATOIRE. CHANTXXXIII. 36p

serait comprise de loi déjà, avec le sens moral de l'Arbre.

^3 Mais, parce que je vois en toi ton intellectdurci comme pierre, et, comme pierre, opaque,en sorte que la clarté de mon discours ne fait que t'éblouir,

76 je veux encore, si ce n'est inscrit, au moins par quelque image,que tu l'emportes au dedans de toi, en témoignage, de même

que s'en revient le pèlerin avec son bourdon enguirlandé de

[palmes. »

79 Et moi : — « Pareillement, comme la cire, creusée du sceau,

qui garde, sans l'altérer, la figure empreinte,ainsi, mon cerveau porte à jamais votre marque.

82 Mais pourquoi si haut, par delà mon regard,votre parole désirée vole-t-elle,

que, plus il se tend et s'efforce, plus il la perd de vue? »

Conduit par sa seule raison, l'homme ne peul atteindre auxvérités éternelles.

76 « sinon inscrit clairement, comme on grave une sentencedans la pierre, au moins indiqué par des couleurs »

78. Le pèlerin qui revient de Terre Sainte emporte, autour de sonbâton de voyageur, des palmes enroulées, comme une preuve de lavéracité de son voyage.

le genti, che vannoal servigio delV Altissimo...chiamansi apal-mieri » ira quanto vanno oltremare, là onde moite volte recano lapalma (Dante, Vita Nuova, § XLI.)

79 l'utilità suggella la memoria delV immagine del dono, ilquale è nutrimento delV amistà, e tanto più forte lo suggella, quantoessa c migliore (Conv., Tratt. I, 8.)

Nam occulto existente sigillo, cera impressa de Mo, quamvisocculto, tradit notitiam manifestant (De Monarchia, II, 2.)

Cf. Purg., X, /,5.81. JVecmirum, si divina voluntas per signa quaerenda est; cum

et humana extra volentem non aliter quam per signa cernatur. (DeMonarch., II, a.)

« ... Pourquoi est-ce donc, alors que je mets le plus de soin àvouloir l'entendre, que votre parole vole le plus loin de moi ? »C'est que les méthodes humaines ne sont point les méthodes divines,et la coutume de l'investigation peut gêner la promptitude de la foi.

LE PURGATOIRE. II. ï4

Page 382: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

3jO PURGATORIO. CANTOXXXIII.

85 « Perché conoschi, disse, quella scuola

ch'hai seguitata, e veggi sua dottrina

corne puô seguitar la mia parola;

88 e veggi vostra via dalla divina

distar cotanto, quanto si discorda

da terra il ciel che piû alto festina ».

91 Ond'io risposi lei : « Non mi ricorda

ch'io straniassi me giammai da voi ;né lionne coscienza che rimorda ».

94 « E se tu ricordar non te ne puoi,sorridendo rispose, or ti rammenta

corne bevesti di Letè ancoi ;

97 e, se dal i'ummo foco s'argomenta,

85. « ... C'est pour que lu connaisses bien la défaillance du savoirhumain, de l'humaine philosophie que tu as trop longtemps aimée etsuivie, comme si elle portait sa lin en elle-même »

Nous savons qu'après la mort de Béatrice, Dante avait cru trouversa consolation dans l'étude de la philosophie, sa Dame intellectuelle,qu'il célébra en de belles canzoui

acciocchè la scienza è l'ultimaperfezionc délia noslra anima,nella quale sta la nostra ultima félicita, tutti naturalmente al suodesiderio siamo suggetti. [Conv., Trait. I, 1.)

Mais là n'était point la vérité, et Dante ne s'en aperçoit que lors-qu'il se trouve égaré dans la forêt obscure [Enfer, I). C'est l'idéeéminente et comme le dénouement de la Divine Comédie : le retourde l'âme égarée — à la Foi —, dans la lumière de la Révélation.

86. Béatrice est ici la Théologie, le véritable enseignement de.Dieu. (Voir Guirlande de neuf leçons sur douze sonnets de Dante.L. Espinasse-Mongenct. IX0 Leçon.)

87 Erat lux vera quae illuminât omnem hominem venientemin hune mundum.

In mundo erat, et mundus per ipsum factus est, et mundus eumnon cognovit. (Év. saint Jean, 1, 9-10.) _

Non cognovit mundus per sapientiam Deum. (I Ép. saint Paul auxCorinthiens, 1, ai.)

8g. Non enim cogilationes meae, cogiiationes vestrae, neque viaevestrae, viae meae, dicit Dominus ;

Quia sicitt exaltantur cocli a terra, sic exaltatae sunt viae meae aviis

Page 383: La DIvine Comédie de Dante (le purgatoire)

LE PURGATOIRE. CHANTXXXIII. 3j t

85 — « C'est afin que tu connaisses, » dit-elle, « quelle école

tu as suivie, et que tu voies sa doctrine,comme elle est impuissante à suivre ma parole,

88 et que tu perçoives comment votre voie et la voie divine

sont distantes l'une de l'autre, autant que distant est

de la terre le Ciel, qui, le plus haut, se hàtc en son mouvement

[heureux. »

yi Sur quoi, je lui répondis : — « Il ne me souvient pas

que je me sois jamais éloigné de vous,et de cela point ma conscience ne me fait reproche. »

Ç)4— « Si tu ne peux donc t'en souvenir »,

répondit-elle en souriant, « rappelle-toi à présentcomment lu as bu l'eau du Léthé, tout à l'heure;

97 car si par la fumée on devine le feu,

vestris, et cogitationes meae a cogitationibus vestris. (Isaïc, LV,8-9.)Bien loin d'ici-bas sont les étoiles :

Sidéra terraUt distant, et flamma mari

(Lucain, La Pharsale, VIII, 487-)go. Le premier des ciels mobiles, selon le système de Ptolémée

— le plus élevé — celui qui se hâte le plus en son mouvement etdonne l'impulsion à tous les autres.

ga. Dante ne se souvient plus de ses anciennes écoles. Au senslittéral, c'est qu'il a bu l'eau du Léthé.

Sous le voile : c'est l'abandon complet qu'il fait de lui-même àl'état nouveau, c'est l'affirmation de son choix sentimental et intel-lectuel, la réponse définitive du coeur aussi bien que de l'esprit.

g7- L'eau du Léthé ôte seulement la mémoire du mal commis,dont l'âme était si lourdement oppressée. C'est pourquoi de cetoubli même, Béatrice va prendre l'argument par lequel elle con-vaincra Dante qu'il a véritablement erré : inutile serait l'eau duLéthé s'il n'y avait dans l'âme rien de mal à oublier. De même qu'iln'y a pas de fumée sans fexi, il ne saurait y avoir ici l'oubli sans lafaute :

Qui esemplifica a simile Béatrice che, si corne quando si vedefummo egli è notorio che quivi è fuoeo, cosi quando î'uomo per ladetta acqua è in oblivione, egli 6 notorio che prima vi fit vizio.(Anon. Fiorenlino.)

Où serait la nécessité du pardon sans la faute? De même celle del'oubli ?

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372 PURGATOIUO.— CANTOxxxiti.

cotesta oblivion chiaro conchiude

colpa nella tua voglia altrove attenta.

100 Veramente oramai saranno nude

le mie parole, quanto converrassi

quelle scovrire alla tua vista rude ».

io3 E piû corrusco, e con piû lenti passi,teneva il sole il cerehio di merigge,che qua e là, corne gli aspetti, fassi;

106 quando s'affisser, si corne s'alfiggechi va dinnanzi a gente per iscorta,se trova novilate in sue vestigge,

10g le sette donne al fin d'un'ombra smorta,

quai sotto foglie verdi e rami nigri

sopra suoi freddi rivi l'Àlpe porta.

11'i Dinnanzi ad esse Eufratès e Tigriveder mi parve uscir d'una fontana,

99. « ... Lorsque lu te faisais le fidèle de la philosophie, croyantcombler le désir de ton «rue »

100. « ... Désormais je parlerai pour loi avec plus de clarté carnovice est encore ici ton entendement... »

104. Il va être midi : le soleil est plus ardent et sa marche plussolennelle.

io5. Le méridieu change comme l'horizon sur chaque point duglobe.

10g. Les sept jeunes femmes s'arrêtent en un lieu ombreux, oùl'ombre est légère, telle qu'on la voit à l'orée d'un bois quanddéjà les frondaisons s'éclaircissent, laissant passer plus de lumièreet que celle-ci se fait verte à leur transparence.

Par l'éblouissante clarté de midi, noires paraissent les branches.110. Aestibus at mediis umbrosam exquirere vallem,

Sicubi magna Jovis antiquo robore quercusIngentes tend at ramas ; aut sicubi nigrumIlicibus crebvis sacra nemus accubet timbra.

(Virgile, Géorgiques, III, 33i et suiv.)

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I.E PURGATOIRE. CHANTXXXIII. 3^3

par cet oubli clairement on conclut

qu'il y eut faute en ta volonté, attentive à d'autres desseins.

100 Toutefois, désormais, nues seront

mes paroles, autant qu'il le faudra

pour en découvrir le sens à ta vue fruste. »

io3 Et plus éclatant, et d'une course plus lente,le soleil s'emparait du cercle méridien

qui de part et d'autre, selon les horizons, varié,

106 quand s'arrêtèrent — ainsi que s'arrête

celui qui va devant une troupe, en éclaireur,s'il trouve par ses sentiers quelque chose d'insolite —

109 les sept Dames, à la lisière d'une ombre transparente,telle que sous ses feuillages verts et ses rameaux noirs

l'Alpe en possède, au-dessus de ses froids ruisseaux.

112 Devant elles, l'Euphrate et le Tigreme sembla-t-il voir jaillir d'une même source

Et Pétrarque devait écrire dans sou Sonnet : Stiamo Amor, a vederla gloria nostra...

L'erbetta verde, e i flor di color mille,Sparsi sotto quell' elce antiqua e negra...

(CXL in Vita di Laura.)11a. L'Euphrate elle Tigre, deux des quatre fleuves qui n'ont

qu'une même source, dans l'jûden.Nomen vero fluminis terlii, Tygris : ipse vadit contra Assyrios.

Fluvius autem quartus, ipse est Euphrates... (Genèse, n, 14.)Mais Dante ne veut point désigner ici les fleuves de l'Eden. Il ne

les prend que comme image parce que, pareillement au Lélhé et àl'Eunoë symboliques, ils naissent d'une même source. Au surplus,géographiquement, les anciens croyaient que l'Euphrate et le Tigre

. qui coulent en Asie naissaient aussi d'une même source, si bienque Boëce a pu écrire en ses Consolations :

Tigris et Euphrates uno se fonte résolvantEt mox abiunctis dissociantur aquis.

(Liv. V; poésie I. )

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374 PURGATORIO. CANTOXXXIII.

e, quasi amici, dipartirsi pigri.

Ii5 « O luce, o gloria délia gente umana,che acqua è questa che qui si dispiegada un principio, e se da se lontana? »

118 Per cotai prego detto mi fu : « PregaMatelda che il ti dica ». E qui rispose,come fa ehi da colpa si dislega,

121 la bella Donna : « Questo, ed altre cosedette gli son per me ; e son sicurache l'aequa di Letè non gliel nascose ».

E Béatrice : a Forse maggior cura,125 che spesse volte la memoiïa priva,

fatt'ha la mente sua negli occhi oscura.

114- Si grande est la douceur de l'amitié, que lentement et commeà regret se séparent doux véritables amis.

115. Ainsi déjà Virgile avait-il été pris par la force el la grâce deBéatrice, lorsqu'il répondait avec tant de zèle à son appel. (Enf., II,

Béatrice porte le rayon de la plus grande beauté et de la plusgrande vérité. Par là, elle devient « la lumière et la gloire » dugenre humain. N'est-ce point à l'aide de la science théologique,l'ondée sur les vérités révélées, que l'homme a pu s'élever jusquàlaCause première, jusqu'à ses premiers effets et à la connaissance del'ordre véritable du monde?

Ici commence l'affectueuse conversation, qui ne cessera plus, deDante et de la Dame élue : entre eux il n'y a plus d'ombre. Béatriceest venue de la part de Dieu. Elle fut, dès les premières lignes dupoème, sa Messagère. Elle va conduire Dante jusqu'à Lui :

Lucerna pedibus meis verbum tmiin, et lumen semitis meis. (Psau-me cxvm, io5.)

Ego sum lux mundi; qui sequiturme non ambulatin tenebiis, sedhabebit lumen yitae. (Evang. saint Jean, vm, 12.)

Ego lux. in mundum veni; ut omnis qui crédit in me in tenebiisnon maneat. (lbid., xn, 46.)

118. Désormais, il arrivera souvent que Béatrice conseillera àDante de s'adresser aux esprits bienheureux qu'ils rencontrerontpour recevoir d'eux les réponses qu'il souhaite. Elle sait que tousseront unanimes dans la vérité, qui n'est qu'une el la même pourtous.

119. Dante, jusque-là, ne savait point le nom de la jeune femme

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LE PURGATOIRE. CHANTXXXIII. 370

et, comme deux amis, se séparer à regret.

n5 — « 0 Lumière, ô gloire de la race humaine,

quelle eau est celle-ci, qui, en ce lieu, se déploie,issue d'une origine unique, et elle-même s'éloigne d'elle-même?»

118 A cette fervente question il me fut dit : — « Prie

Matelda qu'elle te le fasse connaître. » À quoi répondit,à la façon de qui se justifie d'une faute,

121 la Belle Dame : — « Ceci et d'autres choseslui furent dites par moi, et je suis sûre

que l'eau du Léthé ne lui en a pas enlevé le souvenir. »

1^4 Et Béatrice : — « Peut-être un plus grand souci,

qui, comme cela arrive souvent, ôte toute mémoire,a-t-il obscurci la vue de sa pensée.

secourablc qu'il avait trouvée, assemblant des fleurs : c'est la pre-mière fois qu'il l'entend nommer — et par Béatrice, qui le fait trèssimplement, très affectueusement, de même que l'on nomme uneamie de longue date. Elle, qui contemple toutes choses en Dieu, nesonge point a exclure de sa joie la Vie Active — Matelda. Loin delà, il semble plus d'une fois, qu'elle veuille l'associer au bien qu'ellefait à Dante.

L'Ottimo Commenta identifie Matelda avec Lia, première ligurede la Vie Active, que le Poète nous a fait voir tressant une guir-lande pour en embellir son front, au Chant XXVII (vers IOI etsuiv.) andà con Lia

Mais Lia représentait la Vie Active dans ses heureux effets surl'dme même qui s'y adonne, tandis que Matelda représente la VieActive dans sa bienfaisante expansion.

Et encore Lia occupait ses mains à tresser une couronne, sanschercher au delà, — alors que Matelda ne compose point son bouquetde toutes fleurs, mais en fait un choix où se plaît son intelligence. Demême, elle chante et semble enivrée de son art.

122. Au chant XXVIII, 88, i44Î même Cantique.123. Certes, les eaux du Léthé n'ont pu enlever au Poète la mé-

moire des bonnes paroles de Matelda puisque la vertu de ces eauxest d'effacer seulement le mal.

124. Toutefois, Matelda n'est pas en faute : le temps que la jeunefemme parlait à Dante étant celui où il revoyait Béatrice après lalongue absence, —celui où il recevait tristement ses reproches, —celui où la procession mystique commençait de défiler devant sesregarde.

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3j(i PUIiGÀTORIO. CANTOXXXIII.

Ma vedi Eunoè, che là dériva :

menalo ad esso; e, corne tu se' usa,la tramortita sua virtû ravviva ».

i3o Com'anima gentil che non fa scusa,ma fa sua voglia délia voglia altrui,tosto ch'ell'è per segno fuor dischiusa;

cosi, poi che da essa preso fui,la bella Donna mossessi, ed a Stazio

135 donnescamente disse : « Vien' con lui ».

S'io avessi, lettor, piû lungo spazio

1:27.L'Eunoé, du grec EISVÛTJOIÇ— Eïvoia : bienveillance, présentgracieux.

Il ne suffît point pour que l'àme soit en paix et heureuse, qu'elleait oublié le mal qu'elle a commis : et Dieu le sait. Alors, par l'eaudu second fleuve insigne, voici que l'âme qui a oublié ses fautes vase souvenir du bien qu'elle a fait, ou mieux : connaître le bien

qu'elle a fait. De même qu'il est difficile à l'àme de connaître l'éten-due du mal dont elle a pu se rendre coupable, de même lui est-ildifficile de se rendre compte du bien qu'elle a pu faire et si les donsqu'elle a reçus de Dieu et les grâces qui lui ont été accordées n'ontpas été stériles en elles.

L'idée du fleuve bienveillant est tellement remplie de douceur etde pitié qu'il semble bon de s'arrêter un peu sur ses rives.

129. Dans la connaissance du bien qu'il a pu faire, Dante va puiserles forces nécessaires pour recevoir et porter sans défaillancel'immense don qui va lui être accordé : le voyage prochain à traversle Paradis.

i3o. La première noblesse de l'âme est la générosité :... l'anima gentile è piena di virtù, e cosi è piena di carità, e perb

imbasciata o richiesta a bisogno altrui non si scusa, ma adoperaquello che sa o pub... (Franc, da Buti.)

133. Matelda entraîne Dante vers le fleuve, et elle appelle Staceafin qu'il vienne aussi.

Stace qui a passé par la mort naturelle et va prendre au Ciel sademeure définitive, après avoir suivi la longue étape de sa purifica-tion, a assisté silencieux et dans le ravissement à toutes les manifes-tations du privilège accordé au Poète vivant encore de sa premièrevie. Lui, n'a plus besoin d'aide; il sait, par l'impulsion directe deson désir, désormais libre de toute erreur, ce qu'il doit faire...

Mais Matelda l'appelle cependant et c'est parce que, jusqu'à la fin,Dante veut marquer combien, même dans le bonheur, reste douce laprésence d'un ami.

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LE PURGATOIRE. CHANTXXXIII. ^>r]r]

127 Mais vois l'Eunoë qui prend son cours là-bas.

Mène-le à ses eaux et, suivant que tu en as coutume,ravive ses forces abattues. »

i3o Comme une àme généreuse qui ne se refuse point,mais fait sa volonté de la volonté d'autrui

aussitôt qu'elle lui est manifestée par quelque signe,

133 ainsi, s'étant emparée de moi,la Belle Dame se mit en chemin, et, s'adressant à Stace,de noble et courtoise manière, elle dit : « Viens avec lui, »

136 Si j'avais, lecteur, un plus long espace

i35. Donnescamente, avec une grâce toute féminime, avec gentillesse,ainsi portent la plupart des manuscrits ; quelques codex, toutefois,portent honestamente qui signifierait encore « gracieusement », maisaussi avec une dignité particulière comme dans le sonnet de la VitaNuova pour Béatrice.

Tanto gentile e tanto onesta pareLa donna mia, quand ella altrui saluta

(XXVI.)Mais le donnescamente me semble ici plus juste. Si Matelda

appelle Stace, c'est avec la grâce enjouée d'une soeur; la même élec-tion les réunit sur ce seuil élevé. Si elle l'appelle, ce n'est pointque celui-ci ait besoin de son invitation pour suivre sa glorieusedestinée, désormais toute tracée devant lui, mais elle agit ici avec la

simplicité et la gracieuse promptitude d'une jeune femme qui veutêtre aimable avec l'hôte attendu, dans l'instant de son arrivée.

L'amabilité, qui peut être considérée comme n'étant en aucun casnécessaire, n'en demeure pas moins une exquise forme de la Charitéet non des moins utiles.

i36. De même, Virgile, au dernier Chant des Géorgiques, voudraitencore chanter d'autres herbes et d'autres fleurs :

Atque equidem, extremo ni jam sub fine laborumVêla traham, et terris festinem advertere proram,Forsitan et, pingues hortos quae cura colendiOrnaret, canerem, biferiqùe rosaria Paesti;Quoque modo potis gauderent intuba rivis,Et virides apio ripae, tortusque per herbamCresceret in ventrem cucumis; nec sera comantemNarcissum, aut flexi tacuissem vimen acanthi,Pallentesque hederas, et amantes littora myrtos.

(Liv. IV, 116 et suiv.)

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Iîj8 PURGATORIO. CANTOXXXIII.

da sçrivere, io pur canterei in partelo dolce ber che mai non m'avria sazio ;

-

ma, perché piene son tutte le carte

l4o ordite a questa cantica seconda,non mi lascia più ir lo fren dell'arte.

Io ritornai dalla santissim'onda

rifatto si, corne piante novelle

rinnovellate di novella fronda,

i45 puro, e disposto a salire aile stellc.

i3^. Le Poète ne saurait tout redire : tant de douceur dépasse lesmots humains.

Il sait aussi que la plus intime source de la poésie jaillit dumystère.

i.io. L'oeuvre comparée à la toile, dont le tisserand prépared'abord la trame.

Toute une part de l'harmonie d'une oeuvre repose dans ses pro-portions...

Sed nos immensum spatiis cojifecimus aequor,Et jam tempus equûm fumantia solvere colla.

(Virgile, Géorg., II, 54i--'iï.)i.ji. « Le frein » :Lo fren delV arte, il giitsto ordine, che dee l'arte segtiire. (P.

B. Lombardi.)Dante n'oublie jamais l'ordre. Et dans l'instant de sa plus grande

élévation, il sait encore le prix de la mesure.Ce u'est pas en vain qu'il a choisi pour son long poème la forme

particulièrement belle et difficile de la terza rima. Sans doute a-t-ilvoulu y mettre son génie comme en cellule, afin de le dominer etd'en garder la seigneurie jusqu'aux endroits du plus fervent enthou-siasme. De même, avait-il préétabli que celte deuxième Cantique,comme celle qui va suivre, serait composée de trente-trois Chants,le nombre 33 contenant deux fois le nombre que Dante regardecomme sacré parce qu'il est celui de la Sainte Trinité, et que, aucours de la numération, il se retrouve toujours en lui-même. Lapensée mystique du Poète fut aussi que ce nombre prédestiné avaitété celui des années que le Sauveur passa sur terre.

La première Cantique : l'Enfer contient trente-quatre Chants : c'estque le premier y est en forme de prologue, au sens littéral ; mais, ausens mystique, c'est que l'auteur n'a point voulu renfermer sous lenombre sacré une si sombre matière d'où était exclu tout espoir derédemption.

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LE PURGATOIRE. CHANTXXXIII. 3jC)

pour écrire, je chanterais encore, bien qu'imparfaitement,le doux breuvage dont jamais je ne me serais rassasié;

139 mais, parce que sont remplis tous les feuillets

ourdis pour cette seconde Cantique,

plus loin le frein de l'art point ne me laisse aller...

142 Je m'en revins de l'Onde très sainte

tout régénéré, comme plantes au nouveau printempsrenouvelées de nouvelles frondaisons,

i45 pur, et prêt à monter aux étoiles.

D'ailleurs, cela portait le nombre total des Chants de son poèmejusqu'à cent qui est le nombre du siècle terrestre pour désigner unedurée indéfinie... Et non, et semper,' et in saecula saeculorum... Lesiècle éternel.

De même qu'aux lois du rythme et des nombres. Dante s'est encoreconformé à la loi de la symétrie ; la Divine Comédie va sous le signede la Croix, et sous le signe de l'Aigle : ses exemples et ses figures ysont pris tout à tour dans les livres inspirés et dans l'histoireprofane...

i43. Le renouveau merveilleux de l'âme. Rien de plus doux et deplus fort que ce tercet qui évoque toute la fraîche nouveauté duprintemps, la ferveur delà jeunesse, ses forces intactes, sa confiance...

... rifatto si corne piante novelle : le quali sono ben fresche e lienverdi. Onde David : « Filiitui sicut novellae olivarum... » (Crisl. Lan-dino.)

i44- De saint Paul aux Ephésiens :Renovamini autem spiritu mentis vestrae... (iv, -ïi.)i45. Puro e disposto... :Sed sufficientia nostra ex Deo est; qui et idoneos nos fecit...

(IIe Ep. de saint Paul aux Corinthiens, m, 5-G.)Aile Stelle... :... Ut mentes nostras ad coelestia desideria eiigas... (Litanies

des Saints.)Cioè al cielo nel quale sono le stelle... (Franc, da Buti.)Dante achève ses trois Cantiques par ce mot magnifique, ce mot

nombreux, incomparable, scintillant, de stelle « étoiles ».... idest, ad coelos, quasi dicat : aptus ab actione perfecta virtu-

tum ascendere ad perfectam contemplationem coelestium, cuins par-ticipes nos faciat qui poelam ipsum adhuc in carne viventemper tantarditam scalam ad se rapere aignatus est. Amen. (Benv. de lm.)

E qui flnisce la lettera co l'esposizione allegorica e morale de laseconda cantica, de la quale sia onore e gloria al nostro Signore

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38o PURGATOIUO. CAN'TOXXXIII.

Iddio Onnipotente Padre, Figliuolo e Spirito Santo, che m'a eonce~duto grazia di compierla... (Franc, da Buti.)

Io che al eospctto di tanti avversarii parlo in questo trattato, nonposso brevemente parlare : onde, se le mie disgressioni sono lunghe,

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LE PURGATOIRE. CHANTXXXIII. 381

nullo si maravigli. (Dante, Convivio, Trait. IV, 8.)

« Moi qui parle, en ce Traité, au regard de lant/$^$)SeK'Sj(j[SBs,je nele puis faire brièvement : donc, si mes digressirfWsônlTton&lfes, quenul ne s'en étonne. » /-S' ; > "H1 \&\

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TABLE DES MATIÈRES.

Pages.CHANTXIX 3

Quatrième Gyrc : la Négligence. -— Le rêve symboliquede Dante. — L'Ange du zèle. — L'ascension des poètes au

cinquième Gyre : l'Avarice et la Prodigalité. — CinquièmeGyre : le Pape Adrien V, Alagia.

CHANTXX ^3

Cinquième Gyre : les avares et les prodigues. — Exem-

ples de pauvreté et de libéralité. — Hugues Capet. — Les

Capétiens. — Exemples d'avarice. — Le monde tressaille

d'allégresse à la libération d'une amc.

CHANTXXI 55

Cinquième Gyrc : l'Avarice et la Prodigalité. — Stace. —

La cause du tremblement de terre. — Stace et Virgile.

CHANTXXII 69Ascension au sixième Gyre. — La faute cl la conversion

de Stace. — Les personnages illustres des Limbes. — Sixième

Gyre : le péché de Gourmandise. — L'Arbre mystique. —

Exemples de tempérance.

CHANTXXIII 99Sixième Gyre : la Gourmandise. — L'aspect de ceux qui

péchèrent par la gorge. — Forese Donati. — Xella. — Le

reproche aux Dames de Florence.

CHANTXXIV 119Sixième Gyre : la Gourmandise. — Forese Donati. — Pic-

carda. — Bonagiunta da Lucca. — Le Pape Martin IV. —

Ubaldino Dalla Pila. — Boniface. — Messer Marchese. —

La Gentucca. — Corso Donati. — Le second Arbre mys-tique. — Exemples d'avidité. — L'Ange de l'abstinence.

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384 TABLEDES MATIERES.

Pngcs.CHANTXXV i/,3

Ascension au septième Gyre. — Théorie de la générationde l'homme. — Corps aériens que l'âme rayonne autourd'elle après la mort. — Septième Gyre : la Luxure. — Exem-

ples de chasteté.

CHANTXXVI i65

Septième Gyre : la Luxure. — Ceux qui cédèrent aux pas-sions amoureuses. — Exemples de luxure. — Guido Guini-

gelli. — Arnauld Daniel.

CHANTXXVII 187Septième Gyre : la Luxure. — L'Ange de la pureté. — Le

passage à travers la flamme. — Au Paradis terrestre. — Lesdernières paroles de Virgile.

CHANTXXVIII 211Le Paradis terrestre. — Le fleuve Léthé. — La jeune

femme seulette. — L'origine de l'eau et du vent dans la divineforêt. — La condition de ce lieu privilégié.

CHANTXXIX i37Le Paradis terrestre. — Au long des rives du Léthé. —

La procession mystique. — Triomphe de l'Eglise.

CHANTXXX 267Le Paradis terrestre. — L'Apparition de Béatrice. — Vir-

gile s'en va. — Les reproches de Béatrice à Dante.

CHANTXXXI a93Le Paradis terrestre. — Les Confessions" de Dante. —

L'immersion dans le fleuve Lélhé. — Les servantes de Béa-

trice. — Béatrice se dévoile.

CHANTXXXII 3Ï!

Le Paradis terreotre. — Le char sacré. — L'Arbre sym-bolique. — L'aigle, le renard et le dragon. — La transfor-mation du char-; — La femme perdue et le géant.

CHANTXXXIII 35i

Le paradis terrestre. — La prophétie de Béatrice.^»--*~fc«-.nombre D-X et V. — Ultime purification de Dante,..;i~ Jje.''y\fleuve Eunoë. - /o . 1 * - \

J S ' \ 'l ' :- '

. Impriméen Franco — —TVI'CKiP.ÂniIKFIHMIX-DinOTHTC1'.—MESXIL(F.trnlî').—1932.

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î.fcî^iiH-jÊJiHnaTioeiV

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CHANT XIXQuatrième Gyre: la Négligence. - Le rêve symbolique de Dante. - L'Ange du zèle. - L'ascension des poètes au cinquième Gyre: l'Avarice et la Prodigalité. - CinquièmeGyre: le Pape Adrien V, Alagia.CHANT XXCinquième Gyre: les avares et les prodigues. - Exemples de pauvreté et de libéralité. - Hugues Capet. - Les Capétiens. - Exemples d'avarice. - Le monde tressailled'allégresse à la libération d'une âme.CHANT XXICinquième Gyre: l'Avarice et la Prodigalité. - Stace. - La cause du tremblement de terre. - Stace et Virgile.CHANT XXIIAscension au sixième Gyre. - La faute et la conversion de Stace. - Les personnages illustres des Limbes. - Sixième Gyre: le péché de Gourmandise. - L'Arbre mystique. -Exemples de tempérance.CHANT XXIIISixième Gyre: la Gourmandise. - L'aspect de ceux qui péchèrent par la gorge. - Forese Donati. - Nella. - Le reproche aux Dames de Florence.CHANT XXIVSixième Gyre: la Gourmandise. - Forese Donati. - Piccarda. - Bonagiunta da Lucca. - Le Pape Martin IV. - Ubaldino Dalla Pila. - Boniface. - Messer Marchese. - LaGentucca. - Corso Donati. - Le second Arbre mystique. - Exemples d'avidité. - L'Ange de l'abstinence.CHANT XXVAscension au septième Gyre. - Théorie de la génération de l'homme. - Corps aériens que l'âme rayonne autour d'elle après la mort. - Septième Gyre: la Luxure. - Exemplesde chasteté.CHANT XXVISeptième Gyre: la Luxure. - Ceux qui cédèrent aux passions amoureuses. - Exemples de luxure. - Guido Guinigelli. - Arnauld Daniel.CHANT XXVIISeptième Gyre: la Luxure. - L'Ange de la pureté. - Le passage à travers la flamme. - Au Paradis terrestre. - Les dernières paroles de Virgile.CHANT XXVIIILe Paradis terrestre. - Le fleuve Léthé. - La jeune femme seulette. - L'origine de l'eau et du vent dans la divine forêt. - La condition de ce lieu privilégié.CHANT XXIXLe Paradis terrestre. - Au long des rives du Léthé. - La procession mystique. - Triomphe de l'Eglise.CHANT XXXLe Paradis terrestre. - L'Apparition de Béatrice. - Virgile s'en va. - Les reproches de Béatrice à Dante.CHANT XXXILe Paradis terrestre. - Les Confessions de Dante. - L'immersion dans le fleuve Léthé. - Les servantes de Béatrice. - Béatrice se dévoile.CHANT XXXIILe Paradis terreotre. - Le char sacré. - L'Arbre symbolique. - L'aigle, le renard et le dragon. - La transformation du char. - La femme perdue et le géant.CHANT XXXIIILe paradis terrestre. - La prophétie de Béatrice. - Le nombre D-X et V. - Ultime purification de Dante. - Le fleuve Eunoë.