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le dilettante la faute à mick jagger cyril montana Extrait de la publication

La Faute à Mick Jagger… · Mick. Ë moiti accroupi sur mon petit tabouret en plastique bleu, je lui ai r pondu que, oui, oui, cÕ tait bien elle. Ah bon dÕac-cord alors. Elle

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le dilettante

la faute

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La Faute à Mick Jagger

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DU MÊME AUTEUR

Malabar trip,Le Dilettante, (J’ai lu, ).

Carla on my mind,Le Dilettante, (J’ai lu, ).

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Cyril Montana

La Faute à Mick Jagger

le dilettante, rue Racine

Paris e

le dilettante, rue Racine

Paris e

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© le dilettante, ISBN ----

Couverture : Praline

978-2-84263-382-0

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À Kirana,Anggun et Grégoune.Ainsi qu’à Sara Oudin pour sa très précieuse bienveillance.

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Ce n’était pas que la porte était bloquée,mais juste que j’étais tellement mal que jen’arrivais plus à sortir. J’étais coincé dansune cabine téléphonique. J’avais posé mongros sac noir à mes pieds, celui qui n’a pas derembourrage au niveau de la sangle et quiscie l’épaule quand il est bourré à bloc,comme c’est souvent le cas. Parce que je nepeux pas partir sans emporter ma maisonavec moi, même pour un week-end. Je suisbordélique, j’entasse à la va-vite. Je ne saispas plier mes affaires. Quand j’essaie dem’appliquer, il y a toujours un moment où jemets le sac à l’envers pour vérifier que j’aimis le nombre exact de caleçons et de chaus-

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settes, bien pris de l’aspirine et puis les bonsbouquins. J’étais donc coincé dans ma cagede verre et j’avais chaud. J’ai appelé Édouard,je savais qu’il était en week-end chez des amisà deux cents kilomètres de là, à Limoges.Édouard, c’est mon ami, je peux toujourscompter sur lui. On se ressemble, on est tousles deux des hypersensibles. C’est fatigantd’être un hypersensible, tout nous touchetrès fort. Dès que je l’ai eu au bout du fil, jelui ai expliqué que j’étais venu à Niort pourvoir ma mère chez qui j’étais censé dormir.Mais que là, voilà, à neuf heures du soir, jeme tapais une belle crise d’angoisse avecl’impression d’être nulle part et l’envie dedégager fissa. Il m’a dit ok bouge pas j’arrive.Il y avait déjà facile trois mois que je medisais qu’il fallait que j’aille la voir, ma mère.Ça fait partie des devoirs d’un fils. Ça m’aretourné le bide quand elle a commencé àme balancer ses histoires de la tête de MickJagger qui était entrée dans la sienne etqu’elle souffrait parce qu’elle était plusgrosse. Elle m’avait aussi demandé si j’étaisbien sûr que c’était elle qui me parlait. Hein

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dis-moi, c’est moi qui te parle là ou c’estMick. À moitié accroupi sur mon petittabouret en plastique bleu, je lui ai réponduque, oui, oui, c’était bien elle. Ah bon d’ac-cord alors. Elle m’avait aussi demandé si jecontinuais à manger du jambon et si ça neme semblait pas bizarre de manger l’esprit ducochon. Puis, elle s’était mise à parler touteseule en riant nerveusement. C’était incom-préhensible, il était question d’influencestélépathiques avec des gens qui l’obligeaientà dire des choses à leur place, des individustrès négatifs qui s’étaient regroupés à Niortpour nuire aux autres. Après deux ou troisheures passées avec elle, je me suis mis àflipper sec à l’idée de dormir là-bas. Ellem’avait pourtant très gentiment préparé unlit dans la pièce qu’elle réservait pour sagymnastique, avec des nattes au sol, des élas-tiques pour s’étirer les bras et des posters deyoga aux murs. Elle n’a pas du tout comprisquand je lui ai dit que je voulais partir. Il fautque tu comprennes que ça m’a fait plaisir dete voir, mais que là je peux pas, trop pour moiet je vais rentrer à Paris maintenant. Elle m’a

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fixé pendant quinze secondes sans rien dire,puis s’est remise à parler seule en regardantpar la fenêtre tout en disant que son proprefils avait été manipulé, et qu’ils étaient beau-coup plus nombreux que ce qu’on pouvaitcroire. Heureusement qu’Édouard avaitaccepté de venir me chercher aussi vite,autrement j’aurais dû prendre un traincouchettes pour rentrer à Paris et, vu l’étatdans lequel j’étais, je voulais éviter de meretrouver en pleine nuit avec cinq personnesque je ne connaissais pas empilées autour demoi. Si je dis ça, c’est à cause de ma claus-trophobie. J’étouffe. Édouard aurait très bienpu comprendre, mais je n’avais pas eu enviede développer au téléphone, je voulais justequ’il me sorte de là. De toute façon, rienqu’au son de ma voix, il avait senti que j’étaismal. Nous, les hypersensibles, on comprendtrès bien ce que c’est que d’avoir desangoisses, on ressent aussi celles des autres.Après avoir raccroché, j’ai enfin pu sortir dema cabine. Je ne peux pas dire que j’étaisvraiment bien, mais j’ai au moins pu respirernormalement. En face de la gare, il y avait

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une brasserie-tabac qui vendait des journaux.J’ai acheté Libé, et me suis mis en terrasse. Cesoir-là, il faisait bon dehors. Je ne lisais pasvraiment, c’était juste pour me donner unecontenance, oui, celle d’avoir un journalentre les mains. Deux-trois lignes et monregard se perdait sur un passant, une voiture,un arbre. C’était important pour moi d’avoirquelque chose entre les mains à ce moment-là. Je n’aurais pas pu y être qu’en sirotant unverre. D’ailleurs, ça me fascine toujours lesgens qui vont au resto tout seuls. J’en voisparfois. Je les regarde sans comprendrecomment ils peuvent supporter une chosepareille. Et le pire, c’est que ça n’a pas l’air deles déranger, je me demande à quoi ilspensent tandis qu’ils ont la bouche pleine etqu’ils ne peuvent rien faire d’autre quemâcher. À leur place, je serais tellementtendu que j’en aurais mal aux mâchoires,voire une petite douleur nerveuse au niveaudu plexus. Non, mais vraiment, à la rigueuret si j’ai horriblement faim, un McDo vitefait bien fait, tout seul, mais un vrai restau-rant, avec entrée, plat et dessert, pas possible.

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Je ne saurais pas où poser les yeux, nicomment me tenir. Et puis il y a le regard desautres, leurs discussions que j’écouterais sansen avoir l’air. Après avoir parcouru les pagessociété, et lu deux ou trois entrefilets dontun sur un bébé de trois mois retrouvé mortdans un vide-ordures, j’ai pensé à Angelica.Angie que j’aime par-dessus tout à cause desmoments géniaux qu’on passe ensemble,rares mais intenses. Quand c’est bien avecelle, c’est le paradis, je la trouve mignonne,drôle, et taquine. Elle demande de l’attentioncomme une petite fille. J’adore. Mais ça peutdégénérer d’un moment à l’autre sans véri-table mobile. Un jour, je lui avais préparé unpique-nique avec tout ce qu’elle aime, despilons de poulet, une salade de pommes deterre, une excellente crème de cassis pouraller avec le cidre, sa boisson fétiche, et puisdu champagne pour la suite. J’avais aussitraversé tout Paris pour lui ramener sondessert préféré dont je ne me souviens plusdu nom. Un genre de lait caillé libanais avecdu sucre. Elle m’en avait parlé en roulant desyeux comme s’il s’agissait d’une merveille.

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Je lui avais dit de réserver son samedi midipour un déjeuner surprise. J’avais avalé deuxpetites billes pour l’haleine. Pas des trucs àla menthe, mais des billes translucides com-posées d’huiles essentielles de persil etd’huile de graines de tournesol que j’avaleavec une gorgée d’eau. Très, très efficacecontre les odeurs d’ail, de poisson et tout cequi provoque une haleine de chacal. J’avaisemprunté la Golf bleue d’Édouard pourl’emmener sur les bords de Seine dans unpetit coin que je connaissais bien. Une demi-heure en voiture et une fois arrivés c’estcomme à la campagne avec des champs ettout ça. Pour qu’elle ne se doute de rien,j’avais tout caché dans le coffre et emballé lesbouteilles dans des journaux pour garder lefroid. J’avais pensé à tout, couverts, assiettesen carton, verres en cristal pour le standinget le tintement quand on trinque, sel, poivre,moutarde, mayo, cornichons, pain, eaugazeuse, Sopalin, et une grande nappe àcarreaux exprès pour les pique-niques. Ellen’arrêtait pas de me demander, où est-cequ’on va, hein, où est-ce qu’on va dis. Elle

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était nerveuse et c’est quand j’ai pris letunnel qui menait vers l’autoroute qu’elles’est complètement fermée en croisant lesbras et en tournant la tête sur le côté sansdire un mot. Quand je me suis garé sur leparking, elle tirait la tronche. Elle n’était pascontente, et disait que je ne l’avais pas pré-venue que nous allions si loin, et qu’ellen’aimait pas ça. J’ai eu beau essayer de luiexpliquer qu’une surprise n’en était juste-ment plus une lorsqu’on la dévoilait, rien nela déridait. Blocage. Pendant que j’installaisla nappe et tout le reste, elle est restée deboutà regarder ailleurs les bras croisés. Grossepression dans l’air. Je nous ai servi un verremais elle n’en a pas voulu. J’avais juste envieque ça s’arrête et qu’elle vienne s’asseoir enface de moi pour qu’on déguste ces délicieuxpilons de poulet que j’avais sortis pour l’ap-pâter. Je lui disais qu’on s’en foutait, on s’enfout, que c’était pas grave, c’est pas grave, etque maintenant qu’on était là, fallait enprofiter, ben oui, maintenant qu’on est là.Mais elle est partie se poser sur un banc àvingt mètres. Je ne savais plus quoi faire, je

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n’osais pas commencer sans elle, ni boire uncoup tout seul, c’est pas drôle, et puis ce n’estpas fait pour ça un pique-nique normale-ment. Elle a dû revenir au bout de dixminutes à cause d’un type qui passait etrepassait devant elle en la regardant detravers. Elle a eu peur. Je lui ai demandé uneénième fois de venir s’asseoir. Et je ne saispas ce qui m’a pris mais face à son entête-ment, je me suis énervé en disant que j’auraisdû l’emmener au KFC place de Clichy, etque là, au moins, elle aurait été bien, bordelde merde. Et puis des larmes ont coulé lelong de mes joues, c’était trop tout ça, fautpas oublier que je suis un hypersensible etque je tiens, je tiens, mais au bout d’unmoment je finis par craquer. J’ai donc chialéen disant que je me demandais pourquoi jeme faisais chier comme ça pour elle, maispourquoi, pourquoi, pourquoi je passais tantde temps à me casser la tête pour un résultataussi lamentable. Silence. Je regardais monjean. Elle m’a alors tendu deux petites fleursqu’elle venait de cueillir et qu’elle avaitenroulées d’un brin d’herbe avec un nœud

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en guise d’attache. Deux minuscules mar-guerites que j’ai, par la suite, conservéesdans un bouquin. Ça se voyait qu’elle venaitde réaliser que c’était n’importe quoi toutça. On a enfin pu manger. Pour que je luipardonne, elle a dit qu’elle s’excusait et queça allait bien se passer. Promis, juré. Elle s’esteffectivement calmée, puis on a pris desphotos de nous avec nos portables en train denous embrasser sous le soleil qui passait dansles branches des arbres et maculait nosvisages de taches de lumière clairsemées.

Ça, c’est Angelica.

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du mien. Il n’y avait pas moyen d’insister etc’est la mort dans l’âme que Simon l’a laissés’en aller sans broncher. Au moment duréveil, Simon a fondu en larmes, tout cela luiavait paru tellement réel qu’il était main-tenant persuadé que ce n’était pas qu’unrêve, et que son père avait choisi ce moyenpour venir lui dire qu’il était et serait toujourslà pour lui. Et même s’il est fort possible quece soit son inconscient qui cherchait àadoucir la violence du décès de son père ense racontant des histoires d’immortalité, ilétait rassuré par la simple pensée que cetteidée d’éternité existait.

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Il fallait que je sois sincère avec Lucile,mais je n’avais pas non plus envie d’y allertrop fort en lui disant toute la vérité. Je lui aiproposé d’aller boire un verre en fin dejournée. En arrivant devant son porche, j’aitapé son code 5A24, euh non, 2475A. J’étaisnerveux, elle l’a senti et m’a demandé sij’étais bien sûr que ça allait, si c’était elle quise faisait une parano ou s’il y avait bien unproblème. Non, non, ça va. On est alléss’asseoir à la terrasse d’un troquet à l’anglede sa rue. Elle me regardait de traverscomme si elle cherchait des indices dans monregard. Nous avons commandé un Cocatranche pour moi et un café pour elle. Je ne

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