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© Contribution de M. Pierre André Dubois Brasserie artisanale la Choulette à Hordain, France Maître Brasseur, Président d’honoraire www.Lachoulette.com de l’Association des Amis de la Bière Les textes présentés sont extraits de la Gazette des Eswards avec l’autorisation de l’Association des Amis de la bières. Ils ont été relus et actualisés par l’auteur 1/12 LA FERMENTATION ALCOOLIQUE ET SES FILIERES Par Pierre-André DUBOIS NDR: J'ai formulé dans un numéro précédent de cette gazette, une définition de la bière suffisamment générale pour qu'elle puisse s'appliquer a toutes les bières du monde d'hier et d'aujourd'hui. Deux critères ont été retenus : Les matières premières mises en œuvre doivent, en majorité, être issue de graines de céréales (ou d'autre produits amylacés). La boisson doit avoir subi, au cours de son élaboration, une fermentation alcoolique. Le premier critère constitue le déterminant de la définition. Le second est plus général, car le processus est commun à plusieurs familles de boissons. C'est ce dernier référent – la fermentation alcoolique – qui retiendra notre attention dans cette rubrique. ALCOOLS ET ALCOOL Le terme "alcool" est ambigu. Dans une acception générique, il désigne les membres d'une grande famille de la chimie organique : alcools primaires, secondaires etc… sans oublier les "alcools supérieurs", ceux excrétés par les levures pour former le bouquet de la bière. Le langage courant n'a retenue, sous le nom d'alcool, qu'un membre de la famille bien précis : l'éthanol ou alcool éthylique ; c'est celui qui nous intéresse. La production de l'éthanol procède de deux filières. Une source moderne issue des progrès du génie chimique, génératrice d'une production d'éthanol très importante par la voie industrielle (synthèse, thermo ou biochimie) destinée notamment aux biocarburants. L'autre source – celle que nous allons décrire – c'est la voie naturelle, vieille comme le monde, celle de la Fermentation alcoolique ou éthylique. Elle génère une production considérable d'éthanol appelé aussi "alcool de bouche" car destinée – quelquefois pour le meilleur, mais souvent pour le pire – à la consommation humaine. LA GENESE DES BOISSONS FERMENTEES Dès qu'il a pu disposer de quelques récipients (estomacs ou vessies d'animaux, calebasses, écuelles creusées dans un tronc d'arbre), dès qu'il eût inventé le feu, l'homme préhistorique pu recueillir, conserver voire chauffer les liquides. Il découvre alors les premiers rudiments des techniques agro-alimentaires. En stationnant dans ces écuelles, le lait se caille et c'est l'invention des premiers fromages. En y laissant macérer le jus de quelques baies ou de quelques fruits, celui-ci mousse et acquiert un pouvoir enivrant. Et voici les premiers "vins".

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© Contribution de M. Pierre André Dubois Brasserie artisanale la Choulette à Hordain, FranceMaître Brasseur, Président d’honoraire www.Lachoulette.comde l’Association des Amis de la BièreLes textes présentés sont extraits de la Gazette des Eswardsavec l’autorisation de l’Association des Amis de la bi!ères. Ils ont été relus et actualisés par l’auteur

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LA FERMENTATION ALCOOLIQUE ET SES FILIERES

Par Pierre-André DUBOIS

NDR: J'ai formulé dans un numéro précédent de cette gazette, une définition de la bièresuffisamment générale pour qu'elle puisse s'appliquer a toutes les bières du monde d'hier etd'aujourd'hui.

Deux critères ont été retenus :•Les matières premières mises en œuvre doivent, en majorité, être issue de graines de céréales

(ou d'autre produits amylacés).•La boisson doit avoir subi, au cours de son élaboration, une fermentation alcoolique.

Le premier critère constitue le déterminant de la définition. Le second est plus général, car leprocessus est commun à plusieurs familles de boissons.C'est ce dernier référent – la fermentation alcoolique – qui retiendra notre attention danscette rubrique.

ALCOOLS ET ALCOOL

Le terme "alcool" est ambigu.

Dans une acception générique, il désigne les membres d'une grande famille de la chimieorganique : alcools primaires, secondaires etc… sans oublier les "alcools supérieurs", ceuxexcrétés par les levures pour former le bouquet de la bière. Le langage courant n'a retenue,sous le nom d'alcool, qu'un membre de la famille bien précis : l'éthanol ou alcool éthylique ;c'est celui qui nous intéresse.

La production de l'éthanol procède de deux filières.Une source moderne issue des progrès du génie chimique, génératrice d'une production

d'éthanol très importante par la voie industrielle (synthèse, thermo ou biochimie) destinéenotamment aux biocarburants.

L'autre source – celle que nous allons décrire – c'est la voie naturelle, vieille comme lemonde, celle de la Fermentation alcoolique ou éthylique. Elle génère une productionconsidérable d'éthanol appelé aussi "alcool de bouche" car destinée – quelquefois pour lemeilleur, mais souvent pour le pire – à la consommation humaine.

LA GENESE DES BOISSONS FERMENTEES

Dès qu'il a pu disposer de quelques récipients (estomacs ou vessies d'animaux,calebasses, écuelles creusées dans un tronc d'arbre), dès qu'il eût inventé le feu, l'hommepréhistorique pu recueillir, conserver voire chauffer les liquides. Il découvre alors lespremiers rudiments des techniques agro-alimentaires.

En stationnant dans ces écuelles, le lait se caille et c'est l'invention des premiersfromages. En y laissant macérer le jus de quelques baies ou de quelques fruits, celui-cimousse et acquiert un pouvoir enivrant. Et voici les premiers "vins".

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Devenu apprenti cuisinier, l'homme (ou plutôt la femme) broie des graines avec ses dents,mélange des écorces, des feuilles et des racines, mitonne d'étranges soupes et de drôles detisanes. Or certaines de ces décoctions, elles aussi, se couvrent d'écume et procurentd'étranges sensations …Et voici les première "bières".

ANECDOTELa bière des primitifsCertaines infusions ou décoctions de graines fermentaient bien, d'autres pas. Il a fallu

beaucoup d'expériences empiriques pour en découvrir les raisons et s'apercevoir que lesgraines germées fermentaient mieux. Les techniques du maltage n'ont été appréhendéesqu'à la fin de la préhistoire.

Par contre, l'homme primitif découvrit rapidement que les graines broyées à la dent –technique utilisée avant le pilon – fermentaient dans de bonnes conditions.

Il a fallut attendre le XIXe siècle pour découvrir dans la salive une amylase (enzymesaccharifiante) : la Ptyaline.

Cette technique, qui consiste à mâchonner les graines, à les recracher dans une jarre, àdiluer à l'eau tiède et à laisser fermenter, est l'apanage des bières primitives. Elle existeencore de nos jours dans quelques tribus aborigènes ou amazoniennes.

Il faut prendre conscience des progrès réalisés depuis les premières découvertes desphénomènes fermentatifs par l'"homo sapiens", du cheminement lent et empirique destechniques au cours des millénaires, puis de la brusque accélération des connaissancesscientifiques de la révolution industrielle, qui en un siècle, aboutit à la puissance et à ladiversité de nos industries de fermentation moderne.

Ces industries de fermentation appliquent toutes un process commun : la transformation,la dégradation de substances organiques par le moyen naturel d'enzymes d'originemicrobienne, bref, ce que l'on appelle communément : une fermentation.

Quelques exemples de fermentation

•La fermentation acétique Des bactéries acétiques (acétomonas-acétobacter) oxydent l'alcool pour le transformer envinaigre.

•La fermentation lactiqueDes bactéries lactiques (lactobacillus) transforme le lactose du lait en acide lactique,

provoquant la formation d'un caillé (produits laitiers fermentés, yaourts, fromages, etc.…)

•La fermentation butyriqueDes bactéries butyriques (clostridium) attaquent la pectine qui lie certaines fibres textiles

et permettent le rouissage du lin ou du chanvre.

A chaque type de fermentation, nous trouvons un milieu approprié et sélectif permettantla prolifération d'un micro-organisme déterminé. Celui-ci, grâce à la sécrétion d'enzymes biendéfinis, réalisera dans le milieu les transformations souhaitées.

Dans le cas de la fermentation éthylique, le milieu est un moût (nous étudierons plus loinles différentes façon d'élaborer un moût) et le micro-organisme est une levure. Levure quenous retrouvons comme agent de la fermentation panaire (boulangerie, biscuiterie, pâtisserieetc.)

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Quelques rappels de microbiologie vont nous permettre de mieux appréhender la place deslevures dans le monde des infiniment petits et aussi les modes de multiplication et denutrition de ces organismes.

LA DECOUVERTE DES MICROBES

Depuis longtemps, des philosophes, des érudits avaient soupçonnés l'existence d'une viecachée, invisible à l'œil nu, notamment dans ce qu'on appelait : "les ferments".

Mais c'est bien connu on ne croit que ce que l'on voit, et pour voir, il fallut attendre lesprogrès de l'optique.

A la fin du 17e siècle, le hollandais Anton VAN LEEUWENHOEK (1632-1723) bricole unassemblage de loupes – un embryon de microscope – et constate l'existence "d'animalcules,de bâtonnets " semblant doués de vie dans l'eau croupie et dans une infusion de foin. Il voitmême des "globules" dans une bière en fermentation.

Le microscope se perfectionne peu à peu et permet au français CAIGNARD DE LA TOUR(1777-1859) vers 1830 de suggérer une origine microbienne des fermentations.

Puis vient le génial PASTEUR (1822-1895) dont les études sur les fermentations, lespréconisation en matière d'hygiène, d'asepsie, la mise au point de la vaccination, de lapasteurisation, de la stérilisation furent des éléments révolutionnaires et déterminant dansl'élaboration de la microbiologie moderne.

ESSAI DE CLASSIFICATION DES MICRO-ORGANISMES

On peut classer les micro-organismes, appelés aussi microbes, en prenant comme critèreleurs relations avec l'homme. On distinguera alors :

•les indifférents : ni bon, ni mauvais, ni utiles, ni nuisibles. Ce sont les plus nombreux.•les nuisibles ou pathogènes, vecteurs de maladies contagieuses parfois mortelles.•les bons, les utiles indispensables à la vie de l'homme et de la nature. Auxiliaires discrets, mais

efficaces de l'agriculteur. Ils participent au cycle de l'azote et à la fertilisation des sols. Ilssont aussi des outils diligents au service de la médecine (médicaments, vaccins,antibiotiques) et des agents actifs dans la lutte contre la pollution, le traitement des déchetset des effluents.

Enfin dans le domaine qui nous intéresse, les bons microbes sont les artisansfondamentaux des biotechniques fermentatives.

On peut aussi – autre forme de classification – situer les micro-organismes dansl'organigramme des êtres vivants.

La vie est apparue, sur cette planète, il y a environ 3000 millions d'années sous la formede simples cellules microscopiques dépourvues de noyau. Depuis l'évolution a constammentcomplexifié les organismes vivants. Il sont regroupés en deux règnes : animal et végétal.

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REPERESLes règnes végétal et animal

Le règne animal comprend les êtres les plus évolués, doués de mobilité et de sensibilité.Ils possèdent des organes spécialisés : les systèmes (nerveux, digestif, circulatoire)

Le règne végétal est moins évolué. Ni mobiles, ni sensibles, ne possédant pas de"systèmes"; les végétaux doivent trouver leur énergie et (synthétiser les corps chimiques ouorganiques au moyen de la lumière par photosynthèse, appelée aussi assimilationchlorophyllienne.

Moins évolués encore, incapable d'assurer la photosynthèse, il existe à la marge, cequ'on appelle parfois le règne fongique : celui des champignons. Ils subsistent en parasitantd'autres végétaux.

On imagine la difficulté de faire entrer les micro-organismes dans cette classification des"règnes". Une solution a été proposée au 19ème siècle par HAECKEL. Il les regroupe dans lerègne des protistes en distinguant ceux dont les cellules possèdent un noyau : leseucaryotes et ceux qui en sont dépourvues: les procaryotes.

Les protistes peuvent être uni ou pluricellulaires.

Dans l'univers des fermentations, nous rencontrons :•des bactéries : protistes procaryotes (sans noyau). Elles se reproduisent par division de la

cellule. La possibilité qu'ont certaines bactéries de se déplacer par contraction de flagellesles fait quelquefois assimiler au règne animal.

des moisissures : protistes eucaryotes (avec noyau) généralement pluricellulaires. Elles fontpartie comme les levures du règne des fongiques, celui des champignons. Malgré leurincapacité d'effectuer la photosynthèse, les champignons sont souvent assimilés au règnevégétal. Les moisissures se distinguent des levures par leur structure mycélienne. Leursappareils végétatifs forment des ramifications nombreuses, des filaments appelés mycéliumou thalle dont la taille est souvent perceptible à l'œil nu.

•des levures. Nous allons les étudier plus profondément ci-après.

LA LEVURE – DESCRIPTION

La levure est un protiste eucaryote généralement unicellulaire appartenant au règnefongique (champignons).

On devrait dire "levures" au pluriel car les espèces de levures sont nombreuses etdiverses; nous étudierons, ici celle qui nous est particulièrement chère : la levure dite "debière" (Saccharomyces cerevisiae).

Il s'agit d'une cellule de forme ovoïde. Nous avons l'habitude d'en voir la représentation encoupe; il faut l'imaginer dans l'espace, semblable à un œuf, un très petit œuf … d'unedimension de 8 à 10 m ou micromètre (1/millionième de mètre ou 1/1000e de millimètre).

Il faut plus d'une centaine de cellules accolées pour faire un millimètre, et dans ungramme existe environ 9 milliards de cellules.

Une cellule de levure est constituée par :- une membrane double: la paroi cellulaire qui protège la cellule contre les agressions

extérieures; à l'intérieur la membrane cellulaire semi-perméable, elle permet, par osmose,des échanges sélectifs avec le milieu ambiant.

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- le cytoplasme liquide, siège de l'activité métabolique de la cellule, comprenant souventdes inclusions cytoplasmiques telles que :- les vacuoles qui emmagasinent les réserves de nutriments.- les ribosomes qui aident à synthétiser des protéines.- les mitochondries qui produisent l'énergie cellulaire aux dépens des sucres.

- le noyau, indispensable, il règle l'activité de la cellule et porte le code génétique(génome).

LA LEVURE – SA REPRODUCTION

Le mode de reproduction sexué : la fusion de deux cellules spécialisées dites "gamètes",l'une mâle, l'autre femelle – habituel et normal pour l'ensemble des êtres vivants – est rarechez les protistes. Certains procaryotes (bactéries) ne le possèdent même pas. Ils sereproduisent d'une façon plus simple, non sexuée, par division d'une cellule (mère) en deuxcellules (filles) identiques.

Les levures possèdent deux modes de reproduction :•sexuée (rare); c'est une solution de défense, de survie.

Lorsque les levures sont dans de mauvaises conditions de nutrition ou de milieu, ellesémettent des spores extrêmement résistantes qui vont "sommeiller" jusqu'au retour demeilleures circonstances.

Deux spores "germeront" alors, elles se rassembleront pour former une cellule normale.Ce type de reproduction provoqué artificiellement est utilisé dans les laboratoires

spécialisés qui croisent les souches et créent de nouvelles races de levures.

•non sexuée (habituelle) par division cellulaire, dite bourgeonnement. C'est le mode normal,celui qui s'opère tous les jours, dans les levureries, les fournils de nos boulangeries et, biensûr, dans les cuves de fermentation du brasseur.

Lorsque la levure est en bonnes conditions, dans un bon milieu nutritif (moût), le noyaud'une cellule (mère), se duplique, migre vers la paroi qui enfle et forme un bourgeon. Un desdeux noyaux y émigre. Le bourgeon se sépare et nous avons deux cellules identiques (mèreet fille).

Mais un petit dessin vaut mieux qu'un long discours.

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LA LEVURE – SA NUTRITION

On appelle moût (du latin mustum), un liquide contenant en son sein, en quantitésuffisante, les nutriments indispensables à la vie de la levure. On appelle nutriment, lesaliments simples qui peuvent être assimilés directement par un organisme sans modificationd'ordre digestif.

Le moûtest un milieu spécifique et sélectif. Il doit permettre une bonne multiplication descellules suivie d'une fermentation active.

REPERESComposition de la levure

Analyse qualitative et quantitative d'un échantillon de levurematières sèches : 32 % eau : 68%dont sur mat. Sèches soit sur mat. humides

glucides 46 % glucides 15 % protides 43 % protides 13 %

lipides 3 % lipides 1 %minéral etc … 8 % minéral etc … 3 %

De la composition de la levure telle qu'elle apparaît ci-dessus, on peut en déduire lesbesoins nutritifs des cellules et déjà appréhender la composition d'un moût convenablementélaboré.

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On classe habituellement les aliments d'origine organique en trois groupes :- les glucides ou produits sucrés (hydrates de carbone)- les protides ou matières azotées- les lipides ou matières grasses.

•Les lipidesLes quelques lipides (stérols) présents dans la levure sont synthétisés par la cellule elle-

même. Aucun apport de lipides n'est à prévoir dans le moût. Au contraire, il faut exclure lesmatières grasses qui sont de puissants anti-mousses. On s'en aperçoit sur un verreinsuffisamment dégraissé.

•Les glucides (hydrates de carbone)Ils apportent à la cellule un élément indispensable, fournisseur d'énergie, le carbone. Il

s'agit de la grande famille des sucres, des plus simples (glucose) au plus compliqués(amidon).

Les membres de cette famille sont tous constitués d'une molécule de base (ose) capablede se coupler (par liaison) avec d'autres molécules identiques pour – à la manière dewagons assemblés pour former un train – bâtir des molécules plus complexes.

Les plus longues, celles d'amidon, peuvent réunir des centaines, voire des milliers demodules de base et atteindre, regroupées en granules, une taille telle qu'elles soient visiblesà l'œil nu. Par exemple, les granules d'amidon de la pomme de terre atteignent 0,18 mm.

REPERESLES GLUCIDES

L'exposant x indique le nombre de molécules de base (oses) accolées.

(1)le maltose est dédoublé en glucose par une enzyme, l'amylase, sécrétée par la cellule.(2)plus ou moins fermentescibles selon les souches de levure.

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Ces glucides complexes ne peuvent pas franchir la membrane semi-perméable de la cellule.Seuls les sucres très simples mono/di/trisaccharides constitués d'un, deux et trois "oses"liés seront assimilables donc fermentescibles.

Les protides (matières azotées)Ils fournissent l'azote, le matériau constitutif de la cellule. Les protides sont également

formés de molécules de base : les acides aminés; on en dénombre une quarantaine. Ils selient pour former les molécules de plus en plus complexes : les peptides, polypeptides,protéines.

Ici aussi, seules, les molécules les plus simples - les acides aminés – seront assimilablespar la levure.

Le bios (sels et divers)On réunit dans ce vocable un ensemble d'éléments minéraux ou organiques

indispensables. Leur absence provoque des carences. Certains sont communs à l'ensembledes êtres vivants, d'autres plus spécifiques. Ils agissent à doses infinitésimales commebiocatalyseurs bien souvent.

Ce sont des oligo-éléments (ions de phosphore, soufre, sodium, potassium, fer,cuivre etc…), des vitamines et des facteurs de croissance non synthétisables par la levure.

Autres paramètresPour que la reproduction des cellules et la fermentation se déroulent dans de parfaites

conditions, il faut aussi que le moût présente :- une acidité convenable (PH 5 à 5,5 optimum 5,2).- une température en adéquation avec le type de levure (Pour les levures de fermentationbasse : 6 à 12 °C et 15 à 25 °C pour celles de fermentation haute).- et, enfin une teneur en oxygène dissous d'au moins 6 mgr/l.

Ce dernier point va permettre le bon déroulement de la première phase du processusfermentatif.

Ce processus s'enchaîne comme suit : phase aérobie en présence d'oxygène (phase de respiration). Les cellules se multiplient parbourgeonnement en progression logarithmique. Cette période est fortement productriced'énergie calorifique.

Glucose (100 gr) + oxygène Æ gaz carbonique + eau + 382 Kcal

phase anaérobie sans oxygène; celui-ci ayant été consommé, la levure tire son énergie entransformant les sucres simples en alcool (phase de fermentation).

Glucose (100 gr) Æ gaz carbonique + alcool + 31 Kcal

En explicitant les divers aspects de la vie d'une cellule de levure, nous avons découvertson milieu de prédilection, le moût; là où elle se trouve "bien dans sa peau" ou plutôt "biendans ses membranes !".

Il nous reste à étudier comment dans la nature, l'artisanat ou dans l'industrie, on peutobtenir un moût; bref à examiner les diverses filières de son élaboration.

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LA FILIERE DES FRUITS

Après pollinisation et fécondation, l'ovule d'une fleur se transforme en graine, tandis quel'ovaire et ses organes périphériques deviennent un fruit.

Les fruits qui nous intéressent sont les fruits dits "charnus" (baies, drupes à noyau ou àpépins). Ils présentent enveloppés dans une "peau", une pulpe riche en substancesalimentaires.

La plupart des fruits charnus sont comestibles et ont contribué depuis les temps les plusanciens à l'alimentation humaine.

Les éléments nutritifs contenus dans la pulpe sont des nutriments, des aliments simples :fructose, acides aminés etc … directement assimilables par les cellules de levure.

Le jus exprimé par pression à partir des fruits charnus est un moût complet. Il fermentespontanément, dans la plupart des cas, ensemencé naturellement par des levures apportéespar le vent et qui sont restées collées sur la peau des fruits.

C'est ainsi que s'élaborent les Vins, Vin avec un grand V, appellation générique pourtoutes les boissons fermentées à base de fruits comme le Vin de raisin, de pommes (cidre)de poires (poiré) etc …

LA FILIERE DES GRAINES

Nous l'avons évoqué plus haut, l'ovule fécondé se transforme en graine, constituéed'une enveloppe protectrice et du germe ou embryon, porteur du génome. Cet embryonattendra des circonstances favorables pour se réveiller, germer et développer une nouvelleplante.

Avant de posséder des racines suffisamment développées pour puiser les alimentsdans le sol, avant de disposer d'un système végétatif (feuilles) pour tirer son énergie de lalumière par photosynthèse, le germe doit vivre en autarcie au dépens de quelques alimentsde réserves enfermés à, l'intérieur de la graine.

L'importance de cette réserve alimentaire - véritable garde-manger du grain – est trèsvariable suivant les espèces.

Les graines de céréales (blé, orge, avoine, riz, maïs, millet, sorgho etc.…)généralement de la famille des graminacées (graminées) sont particulièrement riches enaliments de réserve, de plus, leur cycle végétatif est court et les inflorescences sont érigéesen épis ce qui facilite la récolte.

Cet ensemble de qualités n'a pas échappé aux premiers cultivateurs. Les céréalesdevinrent rapidement la base de l'alimentation humaine pour le manger (pain) comme pour leboire (bière).

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Autant la filière des fruits était simple, autant la filière des graine accumule lescomplications.

La "nature" voulant stocker un maximum de réserves dans un espace minimum, arempli le "garde-manger" du grain de matières complexes : amidon, protéines à grossesmolécules etc … Elles sont de plus déshydratées.

Dieu merci, elle a disposé à côté du germe, la "clef" du garde-manger : une séried'enzymes qui permettra la dégradation, la "digestion" de ces aliments complexes ennutriments simples. A partir de ceux-ci, l'embryon pourra construire les cellules de sa tigelle(ou plumule) et de ses radicelles (petites racines).

REPERESLes enzymes (anciennement diastases)

Les enzymes sont des catalyseurs biochimiques secrétés par les êtres vivants.Chaque enzyme est spécifique; elle est spécialisée pour activer une réaction bien précise

dans des conditions bien déterminées (température, PH etc …). Elles agissent à dosesinfinitésimales.

Les amylases réalisent la saccharification du malt vers 70°C, les protéases la dégradationdes protéines vers 65°C.

Le métier du malteur : c'est, par réhumidification du grain (trempe), de réveillerl'embryon, de lui faire diffuser dans la totalité de l'albumen, les enzymes nécessaires à ladégradation de ses aliments de réserve (germination) puis d'arrêter le processus parséchage (touraillage) avant que tigelle et radicelle viennent vider le "garde-manger".

Le métier du brasseur : c'est de mettre en œuvre les enzymes – que son "ami" malteur aréussi à faire sécréter dans le grain – pour, au moment du brassage, réaliser la dégradation,la "digestion" des matières complexes de l'albumen en nutriments assimilables par la levure.Bref, le métier du brasseur c'est d'élaborer un moût à partir de graines.

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AUTRES FILIERES – BIERES ALTERNATIVES

On le découvre, l'élaboration de la bière de " l'épi au demi " est complexe. Elle nécessite unesuccession nombreuse d'opérations compliquées et coûteuses.

Peut-on faire plus simple ? oui.Plusieurs méthodes réussissent à "couper au court" en évitant soit le maltage, soit le

brassage, soit les deux. Certaines méthodes sont très anciennes, d'autres résolumentmodernes.

Il s'agit de trouver des sources alternatives d'enzymes, soit naturellement, soit par la voierécente des biotechnologies.

On en parle rarement. C'est le moment de les évoquer grâce à quelques exemples :

• La bière des primitifsNous l'avons décrite plus haut dans un encadré. C'est la méthode la plus ancienne. Elle

met en œuvre une enzyme secrétée par l'homme, dans sa salive.A la bonne vôtre !

• Bières d'enzymes végétauxCertaines plantes contiennent dans leurs feuilles, tiges ou racines des enzymes. L'homme

primitif s'en servait déjà. Par exemple certains cactus contiennent dans leur sève uneenzyme similaire à la présure.

La bière de manioc des africains dont l'amidon est liquéfié et saccharifié avec desamylases extraites des racines de munkoyo (Zambie). Ces racines sont écorcées, défibrées,et ajoutées à une bouillie de manioc cuite et refroidie vers 65°C.

• Bières d'enzymes microbiensUn nombre important de "protistes" peut sécréter des enzymes proches de ceux diffusés

au maltage. Des moisissures, des bactéries et même des levures comme "Saccharomycesdiasticus" (qui fermente directement l'amidon) possèdent des enzymes capables d'effectuerles dégradations réalisées au brassage.

Deux exemples : un traditionnel, le brassage du saké; l'autre actuel, les bièresbrassées grâce à des enzymes ajoutées.

- le saké boisson traditionnelle du Japon.D'après M. GLAUBITZ Inst. ferm. de Berlin 1932, on prépare le "moto" riz bouilli à la

vapeur puis refroidi. On y ajoute le "koji", pâte de riz ensemencée naturellement par ungroupe de micro-organismes vivants en symbiose : mucor, rhizopus et surtout unemoisissure "Aspergillus orizae". Ce complexe microbien est capable de sécréter un "panel"très complet d'enzymes : maltase, invertase, protéase etc … Le "moto" est saccharifié enquelques jours à basse température.

- les enzymes ajoutéesDepuis la dernière guerre, l'industrie biochimique s'est intéressée à la production

d'enzymes qu'on ne peut qualifier d'artificiels puisque préparés à partir de micro-organismesou de végétaux.

Vers les années soixante, s'est d'ailleurs installée dans notre région, à SECLIN, une usinespécialisée "LA RAPIDASE" exploitant des brevets de la WALLERSTEIN Cie (USA). Reprisepar GIST BROCADES puis par DSM (Hollande), cette entreprise, parmi d'autres, est capabled'offrir aux brasseurs toute la batterie d'enzymes nécessaires :

Page 12: LA FERMENTATION ALCOOLIQUE ET SES FILIERES · PDF filescientifiques de la révolution industrielle, qui en un siècle, ... cellule. La possibilité qu'ont certaines bactéries de se

© Contribution de M. Pierre André Dubois Brasserie artisanale la Choulette à Hordain, FranceMaître Brasseur, Président d’honoraire www.Lachoulette.comde l’Association des Amis de la BièreLes textes présentés sont extraits de la Gazette des Eswardsavec l’autorisation de l’Association des Amis de la bi!ères. Ils ont été relus et actualisés par l’auteur

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• pour la saccharification : des amylases issues de microbes (Bacillus subtiles), de lichens et demoisissures (Aspergillus orizae et niger).

•pour la dégradation des protéines : des protéases, des peptidases (papaïne)•pour la vitalité de la levure : du "Bios" en poudre extrait de levures.

Cette adjonction d'enzymes "extérieurs" permet de porter le pourcentage de "grains crus"(non maltés) à 50 % et au-delà suivant la législation du pays.

Il permet en théorie de brasser sans malt. C'est ce qui vient d'être réalisé au NIGERIA. Cepays, dont la balance commerciale ne permet plus d'importer le moindre kilo de malt, brasseainsi des bières qui, parait-il, en valent bien d'autres !

Je n'en sais rien … "J'en ai jamais goûté !"

En attendant, je vous conseille de rester fidèle à nos bonnes et traditionnelles bièresrégionales.

Prudence est mère de sûreté !