5
Doctrine larcier Revue de planification patrimoniale belge et internationale 2015/2 143 La fin des biens cachés à l’étranger. Que faire alors ? Nathalie Lannoy Avocat au Barreau de Bruxelles de Wilde & associés 1. Aucune autre décennie que l’actuelle – qui n’est qu’à mi-parcours – n’a connu de changements aussi radicaux dans la mise en place de l’échange automa- tique d’informations fiscales. Des pays européens, tels le Luxembourg, la Suisse, l’Autriche, qui étaient maîtres dans le secret bancaire, se sont inclinés d’une manière totalement improbable il y a quelques années à peine. 2. La marche a été initiée aux États-Unis par l’adoption en 2010 de la loi FATCA (Foreign Account Tax Compliant Act). Cette loi oblige les banques du monde entier à coopérer avec les États-Unis dans la lutte contre l’éva- sion fiscale. Elle impose aux institutions financières des États qui ont signé un accord FATCA avec les États-Unis de rassembler des informations sur les contribuables américains (et pas uniquement sur les résidents amé- ricains) 1 ayant des comptes à l’étranger et de commu- niquer les données fiscales de ces contribuables au fisc américain, sous peine de ne plus pouvoir exercer d’ac- tivité sur le territoire américain. En septembre 2014, environ une quarantaine d’États (dont la Belgique) 2 avaient signé des accords bilatéraux avec les États-Unis pour mettre en place la législation FATCA et une soixantaine d’autres (dont les Bahamas, Hong Kong, Panama, Saint-Marin,…), quoique n’ayant pas encore signé, pouvaient être considérés comme inclus dans la liste des États signataires. 3. En Europe, le Conseil a adopté le 15 février 2011 la directive 2011/16/UE relative à la coopé- ration administrative dans le domaine fiscal 3 , qui 1. Les contribuables américains sont non seulement les citoyens américains, mais également les titulaires d’une carte de résident permanent aux États-Unis (Green card), leurs conjoint et enfants, ainsi que toute personne qui a aux États-Unis des biens ou des liens substantiels, indépendamment de sa nationalité ou résidence. 2. Afrique du Sud, Allemagne, Australie, Autriche, Belgique, Bermudes, Canada, Îles Caïmans, Chili, Costa Rica, Danemark, Estonie, Espagne, Finlande, France, Gibraltar, Guernesey, Hongrie, Honduras, Île de Man, Îles Vierges britanniques, Irlande, Israël, Italie, Jamaïque, Japon, Jersey, Liechtenstein, Luxembourg, Malte, Maurice, Mexique, Norvège, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas, Royaume-Uni, Slovénie, Suisse. 3. Qui abroge la directive 77/799/CEE concernant l’assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs. s’applique à toutes les taxes (sauf la TVA, les droits de douane et les droits d’accises, visés par d’autres textes de la législation européenne, et les cotisa- tions sociales obligatoires dues aux pays de l’Union européenne). Cette directive prévoit notamment, à partir du 1 er janvier 2015, l’échange automatique et obligatoire d’informations se rapportant aux périodes imposables à compter du 1 er janvier 2014, concernant cinq catégories de revenus et de capital que sont les revenus professionnels, les tantièmes et jetons de pré- sence, les produits d’assurance sur la vie non couverts par d’autres actes juridiques de l’Union concernant l’échange d’informations et d’autres mesures simi- laires, les pensions, la propriété et les revenus de biens immobiliers. Parmi ces cinq catégories de revenus, les États devaient en choisir trois minimum, ce qu’a fait le Luxembourg en limitant les échanges automatiques d’informations aux revenus d’employés salariés, aux tantièmes et jetons de présence, et aux pensions. Le Luxembourg avait clairement choisi trois catégories de revenus qui seraient sans impact sur l’activité des banquiers de gestion de patrimoines privés, mais les informations relatives aux produits d’assurance-vie et aux biens immobiliers peuvent être obtenues sur demande. Sous l’influence manifeste de l’évolution de l’échange automatique d’informations au niveau mondial (voy. infra), la directive 2011/16/UE a été modifiée récem- ment par une directive 2014/107/UE du 9 décembre 2014 qui contraint les États membres à échanger également automatiquement, à partir de 2017 pour les périodes d’imposition à compter du 1 er janvier 2016 4 , des renseignements sur les intérêts, dividendes et autres revenus financiers, sur les soldes de comptes au 31 décembre de chaque année et sur les produits de vente des actifs financiers détenus par des épargnants résidents d’un autre État membre de l’Union euro- 4. L’Autriche fait l’objet d’une exception. Elle devra appliquer la direc- tive 2014/107/UE pour les périodes d’imposition à partir du 1 er janvier 2017.

La fin des biens cachés à l’étranger. Que faire alors ?editionslarcier.larciergroup.com/resource/extra/...Doctrine Revue de planification patrimoniale belge et internationale

Embed Size (px)

Citation preview

Doctrine

larcier

Revu

e de

pla

nific

atio

n pa

trim

onia

le b

elge

et i

nter

natio

nale

– 2

015/

2

143

La fin des biens cachés à l’étranger. Que faire alors ?

Nathalie LannoyAvocat au Barreau de Bruxelles

de Wilde & associés

1. Aucune autre décennie que l’actuelle – qui n’est qu’à mi- parcours – n’a connu de changements aussi radicaux dans la mise en place de l’échange automa-tique d’informations fiscales. Des pays européens, tels le Luxembourg, la Suisse, l’Autriche, qui étaient maîtres dans le secret bancaire, se sont inclinés d’une manière totalement improbable il y a quelques années à peine.

2. La marche a été initiée aux États- Unis par l’adoption en 2010 de la loi FATCA (Foreign Account Tax Compliant Act). Cette loi oblige les banques du monde entier à coopérer avec les États- Unis dans la lutte contre l’éva-sion fiscale. Elle impose aux institutions financières des États qui ont signé un accord FATCA avec les États- Unis de rassembler des informations sur les contribuables américains (et pas uniquement sur les résidents amé-ricains)1 ayant des comptes à l’étranger et de commu-niquer les données fiscales de ces contribuables au fisc américain, sous peine de ne plus pouvoir exercer d’ac-tivité sur le territoire américain.

En septembre 2014, environ une quarantaine d’États (dont la Belgique)2 avaient signé des accords bilatéraux avec les États- Unis pour mettre en place la législation FATCA et une soixantaine d’autres (dont les Bahamas, Hong Kong, Panama, Saint- Marin,…), quoique n’ayant pas encore signé, pouvaient être considérés comme inclus dans la liste des États signataires.

3. En Europe, le Conseil a adopté le 15 février 2011 la directive 2011/16/UE relative à la coopé-ration administrative dans le domaine fiscal3, qui

1. Les contribuables américains sont non seulement les citoyens américains, mais également les titulaires d’une carte de résident permanent aux États- Unis (Green card), leurs conjoint et enfants, ainsi que toute personne qui a aux États- Unis des biens ou des liens substantiels, indépendamment de sa nationalité ou résidence.2. Afrique du Sud, Allemagne, Australie, Autriche, Belgique, Bermudes, Canada, Îles Caïmans, Chili, Costa Rica, Danemark, Estonie, Espagne, Finlande, France, Gibraltar, Guernesey, Hongrie, Honduras, Île de Man, Îles Vierges britanniques, Irlande, Israël, Italie, Jamaïque, Japon, Jersey, Liechtenstein, Luxembourg, Malte, Maurice, Mexique, Norvège, Nouvelle- Zélande, Pays- Bas, Royaume- Uni, Slovénie, Suisse.3. Qui abroge la directive 77/799/CEE concernant l’assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs.

s’applique à toutes les taxes (sauf la TVA, les droits de douane et les droits d’accises, visés par d’autres textes de la législation européenne, et les cotisa-tions sociales obligatoires dues aux pays de l’Union européenne). Cette directive prévoit notamment, à partir du 1er janvier 2015, l’échange automatique et obligatoire d’informations se rapportant aux périodes imposables à compter du 1er janvier 2014, concernant cinq catégories de revenus et de capital que sont les revenus professionnels, les tantièmes et jetons de pré-sence, les produits d’assurance sur la vie non couverts par d’autres actes juridiques de l’Union concernant l’échange d’informations et d’autres mesures simi-laires, les pensions, la propriété et les revenus de biens immobiliers. Parmi ces cinq catégories de revenus, les États devaient en choisir trois minimum, ce qu’a fait le Luxembourg en limitant les échanges automatiques d’informations aux revenus d’employés salariés, aux tantièmes et jetons de présence, et aux pensions. Le Luxembourg avait clairement choisi trois catégories de revenus qui seraient sans impact sur l’activité des banquiers de gestion de patrimoines privés, mais les informations relatives aux produits d’assurance- vie et aux biens immobiliers peuvent être obtenues sur demande.

Sous l’influence manifeste de l’évolution de l’échange automatique d’informations au niveau mondial (voy. infra), la directive 2011/16/UE a été modifiée récem-ment par une directive 2014/107/UE du 9 décembre 2014 qui contraint les États membres à échanger également automatiquement, à partir de 2017 pour les périodes d’imposition à compter du 1er janvier 20164, des renseignements sur les intérêts, dividendes et autres revenus financiers, sur les soldes de comptes au 31 décembre de chaque année et sur les produits de vente des actifs financiers détenus par des épargnants résidents d’un autre État membre de l’Union euro-

4. L’Autriche fait l’objet d’une exception. Elle devra appliquer la direc-tive 2014/107/UE pour les périodes d’imposition à partir du 1er janvier 2017.

241290WWO_PPBI_2015_2.indb 143 30/06/2015 10:33:50

larcier

Doctrine | Nathalie LannoyRe

vue

de p

lani

ficat

ion

patr

imon

iale

bel

ge e

t int

erna

tiona

le –

201

5/2

144

péenne. Cette extension vise à traiter les cas « dans lesquels un contribuable chercherait à dissimuler des capitaux qui correspondent à un revenu ou à des actifs sur lesquels l’impôt a été éludé »5.

Qui plus est, la directive 2011/16/UE contient une clause de la nation la plus favorisée en vertu de laquelle un État membre peut exiger d’un autre État membre qu’il communique les informations plus étendues qu’il s’est engagé à communiquer avec un État tiers. Ainsi, les États de l’Union européenne pourraient exiger que l’échange automatique d’informations prévu par la loi FATCA entre administrations leur soit appliqué égale-ment, si l’État a conclu un tel accord avec les États- Unis.

Notons que les directives précitées s’appliquent non seulement aux personnes physiques mais également aux personnes morales, à certaines associations de personnes et à certaines constructions juridiques.

4. À un niveau mondial, les ministres des Finances du G20 ont approuvé en 2013 l’échange automatique d’informations en tant que nouvelle norme attendue et les dirigeants des pays du G20 se sont engagés en faveur de l’échange automatique de renseignements en tant que nouvelle norme mondiale.

En mai 2014, la déclaration commune de l’OCDE sur l’échange automatique de renseignements en matière fiscale a été adoptée par les 47 pays (dont la Belgique), tandis que plus de 65 États6 se sont publiquement engagés à mettre en œuvre la Norme commune de déclaration « Common Reporting Standard (C.R.S.) ».

En juillet 2014, l’OCDE a publié une version complète de la Norme mondiale d’échange automatique de renseignements relative aux comptes financiers en matière fiscale. En vertu de cette Norme, les pouvoirs publics doivent échanger les renseignements automa-tiquement avec d’autres États sur une base annuelle.

Le 29 octobre 2014, 51 États (dont les États membres de l’Union européenne ainsi que des pays attachés au secret bancaire tels le Liechtenstein, les Îles Vierges britanniques, les Îles Caïmans) ont signé un accord multilatéral, dit « accord de Berlin », entre les autorités

5. Considérations préalables à la directive 2014/107/UE, point 10.6. Andorre, Anguilla, Argentine, Australie, Autriche, Belgique, Bermudes, Brésil, Îles Vierges britanniques, Bulgarie, Canada, Îles Caïmans, Chili, République populaire de Chine, Colombie, Costa Rica, Croatie, Chypre, République tchèque, Danemark, Estonie, Îles Féroé, Finlande, France, Allemagne, Gibraltar, Grèce, Guernesey, Hongrie, Islande, Inde, Indonésie, Irlande, Île de Man, Israël, Italie, Japon, Jersey, Corée, Lettonie, Liechtenstein, Lituanie, Luxembourg, Malaisie, Malte, Mexique, Montserrat, Pays- Bas, Nouvelle- Zélande, Norvège, Pologne, Portugal, Roumanie, Fédération de Russie, Arabie Saoudite, Singa-pour, République Slovaque, Slovénie, Afrique du Sud, Espagne, Suède, Suisse, Turquie, Îles Turques- et- Caïque, Royaume- Uni, États- Unis et l’Union européenne.

compétentes qui activent l’échange automatique de données fiscales sur la base des standards de l’OCDE et notamment de la Norme commune de déclaration. Des pays tels la Suisse, Monaco, Andorre, le Liechtenstein, Singapour et Hong Kong ont participé aux débats rela-tifs à la mise en œuvre.

Une quarantaine de pays dits « précurseurs » (dont la Belgique) se sont engagés à partir de septembre 2017, à procéder à l’échange d’informations en choisissant l’autorité nationale chargée de rassembler et de com-muniquer les informations bancaires de ses résidents étrangers aux autres pays afin que chaque adminis-tration ait connaissance des avoirs financiers placés à l’étranger par ses contribuables. Les institutions finan-cières devront transmettre des informations sur les détenteurs de comptes, personnes physiques ou entités (on vise les trusts, fiducies ou fondations). Ces informa-tions concerneront tous les revenus et produits finan-ciers (intérêts, dividendes, plus- values) et les soldes bancaires au 31 décembre de chaque année.

Au début du mois de juin 2015, 94 États avaient pris l’engagement d’appliquer la Norme internationale d’échange de renseignements et de débuter les échanges automatiques d’informations en 2017 ou en 2018.

5. Certains États, dont la France, le Royaume- Uni, l’Al-lemagne veulent encore aller plus vite en concluant dès à présent des accords bilatéraux sur base du modèle américain FATCA. La Belgique a également signé de nombreux accords d’échange automatique de don-nées fiscales entre administrations étrangères.

6. La Suisse et l’Union européenne ont signé le 27 mai 2015 un accord visant à introduire la Norme internatio-nale de l’OCDE et à permettre l’échange automatique d’informations concernant les comptes bancaires à partir de 2018, sur base de données bancaires collec-tées dès le 1er janvier 2017.

* * *

7. Si les États- Unis ont incontestablement initié la marche, l’Europe et l’OCDE ont emboîté le pas en s’engageant à mettre en œuvre une norme de trans-parence. Il faudra certes des transpositions en droit interne, mais la machine est lancée et il n’y aura pas de retour au passé. Il ne sera clairement plus possible pour un résident d’un État concerné par la Norme commune de déclaration d’avoir un compte bancaire dans un autre pays qui a signé la Norme sans le révé-ler à l’administration fiscale de son État de résidence puisque le fisc de son pays en sera informé par le fisc de l’État où se situe la banque.

8. On rappellera enfin que les résidents belges doivent déclarer à l’impôt des personnes physiques les

241290WWO_PPBI_2015_2.indb 144 30/06/2015 10:33:50

larcier

La fin des biens cachés à l’étranger. Que faire alors ? | Doctrine

Revu

e de

pla

nific

atio

n pa

trim

onia

le b

elge

et i

nter

natio

nale

– 2

015/

2

145

comptes à l’étranger dont le déclarant, son conjoint ou le cohabitant légal avec lequel est souscrite la décla-ration commune, ou l’un des enfants mineurs non émancipés est titulaire, les assurances- vie individuelles que l’une ou plusieurs de ces personnes aurai(en)t souscrites auprès d’une compagnie étrangère7, ainsi que les constructions juridiques à l’étranger, dont une de ces personnes toujours est fondateur, bénéficiaire ou bénéficiaire potentiel8. Par construction juridique, le législateur vise, pour les revenus 2013 et 2014, les structures telles les trusts et autres structures bénéfi-ciaires, ainsi que les structures non soumises à taxation ou à taxation raisonnable, dont la liste (69 structures) a été publiée par arrêté royal du 19 mars 2014 et parmi lesquelles on retrouve notamment les fondations et sociétés établies au Bahamas, Bermudes, Îles Vierges britanniques, Îles Caïmans, Liechtenstein, Suisse, Mau-rice,… ainsi que la SPF luxembourgeoise. La défini-tion de la construction juridique est en cours de révi-sion et en principe, pour les revenus obtenus à partir du 1er janvier 2015, le législateur devrait instaurer un impôt de transparence, dit « taxe caïman », impliquant que les fondateurs ou bénéficiaires d’une construction juridique seront imposés directement sur les revenus obtenus par la construction juridique, comme s’ils les avaient perçus eux-mêmes.

9. Le formulaire de la déclaration à l’impôt des per-sonnes physiques relatif aux revenus 2014 – exer-cice d’imposition 2015 – contient une rubrique où le contribuable doit indiquer que les numéros des comptes détenus à l’étranger ont été communiqués au point de contact central (PCC) de la Banque Natio-nale de Belgique (BNB) (cadre XIV, en vis-à-vis du point A).

Pratiquement, si le contribuable a déclaré, dans les déclarations à l’impôt des personnes physiques rela-tives aux revenus 2011, 2012 et 2013 (exercices d’im-position 2012, 2013 et 2014), que lui-même ou une des personnes mentionnées au point 8 ci-avant, possédait un compte à l’étranger, il doit avoir reçu durant la pre-mière quinzaine du mois de juin 2015 une lettre du SPF Finances l’invitant à déclarer son compte au PCC de la BNB.

Pour ceux qui possédaient un compte à l’étranger en 2014, ou le déclarent pour la première fois en 2015, ils doivent déclarer ce compte au PCC avant de rentrer la déclaration à l’impôt des personnes physiques en 2015 d’une des deux manières sui-vantes :

7. Depuis la déclaration relative aux revenus 2012 – exercice d’impo-sition 2013.8. Depuis les revenus 2013 – exercice d’imposition 2014.

– soit en téléchargeant le formulaire sur le site inter-net du SPF Finances9, ou en le demandant au PCC par courriel à l’adresse [email protected], ou encore en le demandant par écrit à l’adresse reprise entre parenthèses ci-après. Le formulaire obtenu doit être complété et renvoyé par la poste à la BNB (Banque Nationale de Belgique, Point de contact central, boulevard de Berlaimont, 14 à 1000 Bruxelles), avec une copie recto/verso de la carte d’identité ;

– soit directement en ligne, en complétant le formu-laire par voie électronique, au moyen de la carte d’identité électronique (il faut suivre le lien repris en note de bas de page, qui renvoie à la déclaration en ligne).

* * *

10. Il est donc inutile de – continuer à – tenter de cacher ce que le contribuable détient à l’étranger, la transparence est à tous les niveaux. Et alors ?

Pratiquement, le contribuable belge qui aurait omis de déclarer les revenus d’un bien immobilier dont il est pro-priétaire ou les rémunérations perçues à l’étranger dans sa déclaration de revenus à l’impôt des personnes phy-siques relatives aux revenus 201410, pourrait faire l’objet d’une demande de renseignements de la part du fisc belge, dès le deuxième semestre 2015, suite à des infor-mations qui lui auraient été communiquées par les fiscs étrangers. Il en ira de même pour les intérêts, dividendes et autres types analogues de revenus, ainsi que pour les plus- values sur actifs financiers à compter de 2017.

11. Pour éviter d’être surpris par une demande de renseignements du fisc (iii), le contribuable belge a tout intérêt à mettre spontanément sa situation en règle, tant pour le passé (i) que pour le présent (ii), ce qui peut se faire actuellement – en période post DLU – dans les grandes lignes de la manière suivante11 :

(i) Pour la mise en ordre de la situation passée, l’ISI a exposé des lignes directrices dans une instruction interne du 29 janvier 2015. Elle y envisage deux hypo-thèses, étant d’une part la déclaration spontanée avec accord exprès du contribuable sur les conditions de taxation du « solde initial » (a) et des revenus des sept

9. http://finances.belgium.be/fr/ dans la rubrique « Actualités », cliquez sur « un compte à l’étranger ? ».10. Les revenus immobiliers et professionnels doivent être déclarés en Belgique en vue de déterminer le taux d’imposition des revenus taxables en Belgique (c’est ce que l’on appelle la réserve de progres-sivité).11. On vise ici les situations de particuliers dans un schéma simple, à savoir, qu’il n’y a pas eu de mise en place de montage en vue de permettre des rétrocessions de commissions par exemple ou autre situation qui pourrait, en sus de la nécessité de régulariser la situation du point de vue fiscal, donner lieu à des poursuites pénales.

241290WWO_PPBI_2015_2.indb 145 30/06/2015 10:33:51

larcier

Doctrine | Nathalie LannoyRe

vue

de p

lani

ficat

ion

patr

imon

iale

bel

ge e

t int

erna

tiona

le –

201

5/2

146

dernières années (b) telles que définies ci- après, et d’autre part la déclaration spontanée du contribuable, mais qui n’est pas d’accord avec les conditions reprises aux points a) et b).

Hypothèse 1 : Déclaration spontanée et accord du contri-buable sur les conditions reprises sous a) et b)

a) Si le solde initial, qui s’entend du capital existant au 1er janvier 2008 en 2015, a subi son régime normal de taxation, il n’y aura pas de taxation. En revanche, si le capital existant au 1er janvier 2008 n’a pas subi son régime de taxation normal, il sera taxé, en tout ou en partie, à concurrence de la partie non justifiée comme revenus divers de source inconnue au taux de 33 %, majoré d’une amende de 10 %.

Si ce solde initial provient d’une succession non prescrite, et que ce capital n’a pas été déclaré lors de la déclaration de succession, le contribuable devra également faire une déclaration complémentaire de succession auprès du receveur de l’enregistrement et payer les droits de succession dus sur le(s) actif(s) omis, une amende de 20 % due sur les droits de succession non acquittés (sauf en Région flamande), ainsi que les intérêts de retard au taux de 7 % dus à compter du 7e mois suivant la date du décès si le défunt est décédé avant le 1er août 2012 et à compter du 6e mois après la date du décès si celui- ci est intervenu à partir du 1er août 2012. La situation est différente en Région flamande depuis le 1er janvier 2015.

Pratiquement, selon certains directeurs de l’ISI, si le capi-tal provient d’une succession prescrite, le déclarant devra rendre crédible l’affirmation suivant laquelle le capital provient d’une succession. Cette démonstration devra se faire au cas le cas soit avec des preuves tangibles (par exemple une attestation de la banque), ou à défaut, par une démonstration de différents éléments qui étayent le fait que le capital provient d’une succession. Une dis-cussion avec les services de l’ISI, préalable au dépôt d’un dossier, est possible et à recommander dès lors que si l’ISI estime que tout ou partie de l’origine du capital non jus-tifiée, la partie non justifiée sera taxé au taux de 36,3 %.

b) Concernant les revenus, la déclaration spontanée doit porter sur les sept années précédentes, soit à partir de 2008 (en 2015)12. Pour les droits de succession non prescrits, le régime expliqué ci- dessus est applicable. Pour les revenus non déclarés, le contribuable repen-tant doit payer les impôts qu’il aurait dû payer chaque année sur les revenus étrangers depuis 2008 dont la déclaration a été omise13, une amende sur l’impôt, fixée

12. L’omission de déclaration des revenus étrangers est considérée par le fisc comme une fraude fiscale, ce qui implique que le délai de prescription pour la taxation des revenus est de sept ans.13. Le taux de l’impôt est propre à chaque revenu. Ainsi pour les divi-dendes, ceux- ci sont taxés à 25 %, les intérêts à 15 % pour les années

à 50 % de l’impôt pour les revenus mobiliers et divers (de source inconnue) et à 20 % de l’impôt dû pour les revenus professionnels et la TVA non déclarés. Les additionnels communaux sont dus sur les impôts dus du chef des revenus étrangers (sauf sur les revenus mobi-liers obtenus au sein de l’Espace économique européen depuis 2010) ainsi que des intérêts de retard au taux de 7 % l’an à compter du 1er juillet de la deuxième année qui suit l’attribution14. Pour les revenus professionnels régularisés spontanément, il n’y a pas d’intérêts de retard car l’amende est inférieure à 50 %.

Quant à la forme, l’instruction de l’ISI précise que le contribuable doit faire une déclaration écrite, par laquelle il donne expressément son accord sur la taxa-tion aux conditions reprises ci- dessus, et par laquelle il précise, s’il possède une structure à l’étranger, s’il souhaite la maintenir. Si le contribuable souhaite une concertation « una via » avec le parquet, ou si une telle concertation est nécessaire, il sera demandé au par-quet une confirmation écrite que l’affaire sera traitée par la voie administrative et qu’il n’y aura pas de pour-suite pénale.

Hypothèse 2 : Déclaration spontanée du contribuable, mais désaccord sur les conditions reprises sous a) et b) ci-dessus

En cas de refus du contribuable des conditions de taxa-tion proposées, l’instruction précise que pour le solde initial qui n’a pas subi son régime de taxation normale, il y aura une concertation « una via » avec la certitude de poursuite effective, comprenant un décompte théorique conforme à l’hypothèse 1.

Pour les revenus des sept dernières années, les reve-nus mobiliers et divers seront taxés à leur taux normal et majorés au minimum d’une amende de 50 %, tandis que pour les revenus professionnels et la TVA, l’accrois-sement d’impôt est porté à 50 %. En aucun cas, il n’y aura d’exemption des intérêts de retard.

2008 à 2011, à 21 % ou à 25 % pour les revenus de 2012, et à 25 % à partir de 2013. Les revenus immobiliers et professionnels étrangers ne seront pas taxés une nouvelle fois en Belgique mais doivent être pris en compte pour déterminer le taux d’imposition applicable aux revenus taxables en Belgique. Ainsi, si un contribuable belge a des revenus taxables en Belgique de 10 et des revenus taxés à l’étranger de 2, il sera taxé en Belgique sur les revenus de 10 mais au taux qui aurait été appliqué si les revenus taxables en Belgique étaient de 12. Pour les revenus immobiliers, le contribuable belge doit déclarer la valeur locative, qui peut être la valeur prise en compte à l’étranger (par exemple le revenu cadastral), de laquelle il peut déduire les impôts fonciers locaux. De ce montant net déclaré en case 1130 de la déclaration à l’IPP, le fisc belge déduit un montant de 40 % au titre de frais forfaitaire et c’est ce montant super net qui sera ajouté aux revenus belges pour déterminer le taux d’imposition.14. Si l’attribution de revenus mobiliers ou immobiliers a eu lieu en 2010 par exemple, les intérêts de retard seront dus à partir du 1er juillet 2012.

241290WWO_PPBI_2015_2.indb 146 30/06/2015 10:33:51

larcier

La fin des biens cachés à l’étranger. Que faire alors ? | Doctrine

Revu

e de

pla

nific

atio

n pa

trim

onia

le b

elge

et i

nter

natio

nale

– 2

015/

2

147

(ii) Lors de la déclaration à l’IPP exercice d’imposi-tion 201515, les revenus étrangers obtenus en 2014 devront être déclarés. Les revenus mobiliers étrangers nets seront taxés au taux de 25 %, après déduction de l’impôt payé/retenu dans l’État de la source, tandis que les revenus immobiliers et professionnels nets étran-gers seront pris en compte pour déterminer le taux d’imposition des revenus belges.

(iii) À défaut de déclaration spontanée, le risque d’une initiative du fisc est actuellement bien réel et le sera sur davantage de revenus à partir de 2017. Le régime applicable à ceux qui seront débusqués par l’adminis-tration impliquera très probablement des amendes plus lourdes (pouvant aller de plus de 50 % à 200 % pour les revenus professionnels et de 100 % à 200 % pour les revenus mobiliers et immobiliers) selon les circons-tances de chaque cas. Actuellement, pour déterminer l’importance de l’amende applicable, il est tenu compte de la nature de l’infraction, de l’importance des capi-taux, de la collaboration éventuelle du contribuable… Si de faux documents ont été émis en vue de la réali-sation de la fraude, c’est l’amende de 200 % que le fisc appliquera.

Il y a fort à parier que lorsque l’échange automatique d’informations fiscales sera effectif, le législateur belge adoptera de nouvelles dispositions visant à uniformi-ser le taux des amendes, pour éviter aux contrôleurs de devoir prendre en compte des circonstances propres à chaque cas d’espèce et faciliter la tâche de l’admi-nistration fiscale. Cette uniformisation des taux des amendes ne sera très probablement pas à l’avantage du contribuable.

12. Il n’est pas trop tard, mais il est grand temps pour les contribuables belges qui ont omis jusqu’à présent de révéler leurs revenus mobiliers, immobiliers ou pro-fessionnels étrangers de mettre au plus vite leur situa-tion en règle en régularisant dès à présent les reve-nus des années 2008 à 2013 et en déclarant, dans la prochaine déclaration fiscale à l’impôt des personnes physiques, les revenus étrangers obtenus en 2014. La déclaration des revenus obtenus à l’étranger devra se poursuivre aussi longtemps que le contribuable pos-sède des biens générant des revenus à l’étranger, sous réserve d’une évolution de la fiscalité qui imposerait de déclarer également la valeur des actifs détenus à l’étranger (capital, immobilier,…).

15. À déposer en version papier au plus tard le 30 juin 2015, via tax on web le 15 juillet 2015 et en cas de recours à un comptable pour le 29 octobre 2015.

241290WWO_PPBI_2015_2.indb 147 30/06/2015 10:33:51