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La féminité dévoilée : la Vénus d'Urbino Extrait du RECHERCHE CLINIQUE PSY http://www.recherche-clinique-psy.com/spip.php?article214 La féminité dévoilée : la Vénus d'Urbino - LOGIQUE CLINIQUE DU MODÈLE FONCTIONNEL - Date de mise en ligne : mercredi 22 juillet 2015 Description : Une oeuvre d'art est réussie, si elle entraîne l'appareil psychique du spectateur à résonner avec elle. Copyright © RECHERCHE CLINIQUE PSY Page 1/15

La féminité dévoilée : la Vénus d'Urbino · 2017. 9. 23. · La féminité dévoilée : la Vénus d'Urbino Le cadran supérieur gauche est celui du « moi sexué féminin »

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La féminité dévoilée : la Vénus d'Urbino

Extrait du RECHERCHE CLINIQUE PSY

http://www.recherche-clinique-psy.com/spip.php?article214

La féminité dévoilée : la Vénus

d'Urbino- LOGIQUE CLINIQUE DU MODÈLE FONCTIONNEL

-

Date de mise en ligne : mercredi 22 juillet 2015

Description :

Une oeuvre d'art est réussie, si elle entraîne l'appareil psychique du spectateur à résonner avec elle.

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La féminité dévoilée : la Vénus d'Urbino

Une oeuvre d'art est réussie, si elle entraîne l'appareil psychique du spectateur à résonner avec elle. L'auteur del'oeuvre crée un partage de jouissance autour d'un élément psychique. Cela peut tout à fait concerner une identitésexuée.

Approchons-nous d'un tableau d'un peintre vénitien illustre, le Titien, présenté à la la Galleria degli Uffizi, la Galeriedes Offices à Florence. C'est celui d'une Vénus, la Vénus d'Urbino, célébrissime tableau de ce musée, toujoursdifficile à approcher (préférer les visites en hiver !), réalisé en 1538 à la suite d'une commande d'un duc d'Urbino,petite ville de la région des Marches en Italie centrale.

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> Visualisez ce tableau en grand en ouvrant une autre page : Vénus d'Urbino

Si la critique d'art vous intéresse, consultez l'article de Wikipédia à ce propos : Wikipédia : Vénus d'Urbin

Pour une critique d'art plus pétillante à ce sujet, lire le chapitre écrit sur cette Vénus d'Urbino par le regretté Pr DanielArasse, dans son livre si sympathique : On n'y voit rien. Descriptions, Denoël 2000 (rééd. Folio-poche 2002). Cetauteur tombe, toutefois, dans le piège de l'érotisme. Il voit la main gauche de la Vénus titiller son entrejambe, commesi elle se préparait à un rendez-vous galant. Il n'y a pourtant pas de lascivité dans le regard de cette Vénus. Ellenous expose sa féminité et non sa pâmoison. Elle est pensive et pudique. Elle attend plutôt l'avis de l'autre, ce quiest normal pour une figure de tableau.

Cette Vénus dénudée est posée à l'intérieur d'une habitation. Cela reste exceptionnel dans les tableaux de laRenaissance italienne du 16e siècle. On explique cette commande au Titien par le désir du duc de le faire regarderpar sa jeune femme de 14 ans, lors de l'acte d'amour, afin qu'elle lui fasse de beaux enfants. Ce serait la coutume dutemps. Pourtant, se faire peindre une si belle femme dans le plus simple appareil, les yeux bien ouverts, se montrantdans son intérieur, un palais semble t'il, n'était vraiment pas courant à cette période. Le peintre, le Titien,- TizianoVecellio, devenu Conte Palatino et Cavaliere dello Sperone d'Oro, a la cinquantaine. Il est veuf depuis huit ans. Il estau faîte de son art et très renommé pour son art du portrait. Il a été l'apprenti d'un autre peintre célèbre, Giorgione. Ilest possible qu'il ait terminé, jeune homme, un tableau inachevé à la mort de celui-ci, en 1510. Il s'agit d'une autrecélèbre Vénus, Vénus endormie. Le Titien aurait repris ce thème 28 ans plus tard, en le modifiant à sa façond'homme plus mûr.

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> Ouvrez encore une autre page pour contempler Vénus endormie en grand : Vénus endormie

Comme on le voit, la Vénus endormie de Giorgone a la même position pudique que la Vénus d'Urbino. Sa maingauche cache son « mont de Vénus » et la pilosité qui va avec. Cette pilosité féminine a été bannie très longtempsdans l'art pictural [1]. Cette Vénus giorgionesque est représentée endormie, rêvant sans doute, mollement appuyéesur une sorte de gros coussin dans un décors champêtre conventionnel. On doit la regarder en douce, sans oser laréveiller. Elle n'est pas aguicheuse, non plus. Elle est à contempler dans le tableau.

On voit bien que l'interpellation du spectateur n'est pas la même entre les deux tableaux. Le tableau du Titien, laVénus d'Urbino, nous « parle » beaucoup plus que la Vénus endormie, par la présence plus intense et le regardappuyé de son modèle. La composition fait que le corps de la Vénus d'Urbino est mis en avant de la scène. Il y apresque création d'un espace intermédiaire, celui de l'exposition de la Belle, entre l'espace de fond et celui duspectateur.

On rapproche toujours ce tableau du Titien de celui de Manet, intitulé Olympia, datant de 1863. Manet était unpeintre qui cherchait à réaliser un tableau interpellant directement le spectateur. On comprend qu'il se soit intéresséà la Vénus d'Urbino.

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> Ouvrez encore une autre page pour comparer en grand ce tableau de Manet : Olympia.

Les couleurs du tableau de Manet sont beaucoup plus froides. La main d'Olympia sur son sexe ressemble à uneespèce de poulpe dirigeant ses tentacules vers l'espace du spectateur. Le jeu des trois regards, celui d'Olympia, dela servante noire et du chat, disperse l'intensité du regard d'Olympia par rapport à celui de la Vénus d'Urbino. Il n'y apas création d'une avant-scène, mais un effet d'étagère. Le tableau de Manet est plat. Tout est mis en avant.

Il y a le même aplatissement, si l'on transforme l'échappée d'arrière-plan en regard insistant et lourd comme le fait,en 1845, M. Felix Trutat : Repos et désirs ou la bacchante.

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Certains critiques ont été étonnés des caractéristiques du regard de notre Vénus. La Vénus d'Urbino sembleraitregarder le spectateur, quel que soit l'angle sous laquelle on la regarde, en face ou tout à droite ou à gauche dutableau. Cela est dû à la difficulté de voir, de loin, les pupilles de la femme dévoilée et la direction exacte de sonregard. Si l'on s'approche d'assez près, on voit bien tout de même ces pupilles et la direction du regard de cettefemme, droit dans les yeux du spectateur, celui-ci étant censé être plus ou moins à genoux devant elle. On peut s'enapercevoir dans l'agrandissement ci-dessous :

Par la vision de cette Vénus d'Urbino, nous nous trouvons séduit, sans intention grivoise. Une jouissance passe toutde même, ce qui a troublé le Pr Arasse. Ce n'est pas celle des prémices d'un acte sexuel, c'est celle de laprésentation d'une identité sexuée. Le Titien projette une identité sexuée de femme, une « féminité », et la dévoilepour que nous en jouissions oscilllatoirement avec lui. Il sort de son ambivalence, visible dans son tableau de 1514,autre oeuvre de jeunesse intitulée : Amour sacré et Amour profane. La femme en vêtement de noces est celle quel'on peut dévêtir, tandis que Vénus, à droite d'elle, est intouchable :

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Comment définir cette « féminité », sinon en retrouvant dans le tableau les éléments fonctionnels dansants quicaractérisent cette construction psychique ? Comme pour toutes les constructions psychiques que je décris sur cesite, la fonctionnalité de la « féminité » est assurée par deux oscillations principales, entre quatre pôlesremarquables :

le « moi sexué féminin » le « moi intime féminin » le « moi idéal sexué » la « pudeur ».

Les deux premiers sont des pôles d'action, de postures à prendre. Les deux derniers sont des pôles de réactions inhibitrices des postures précédentes.

On retrouve ces oscillations fonctionnelles principales dans les doubles petites flèches du croquis ci-dessous. Pourplus de détails, voir l'article : Le corps sexué : clinique de la féminité.

Par un heureux hasard qui facilite ma tâche, le Titien a structuré fonctionnellement son tableau de la Vénus d'Urbinoselon la même disposition. Remarquez le centre de croisement qui passe par le sexe caché de la Vénus :

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1 / Le cadran supérieur gauche est celui du « moi sexué féminin » :

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Le cadran supérieur gauche est celui du « moi sexué féminin ». Ce qui caractérise le plus ce pôle fonctionnelpsychique moïque féminin, c'est la grâce que la personne met à s'adapter intelligemment et finement, là oùl'opportunité lui permet de trouver une place à sa mesure. Se couler adroitement dans l'ambiant n'est certainementpas de l'opportunisme, où la personne s'obnubilerait à prendre une place qui ne lui est pas destinée. Ici, la grâce deVénus nous manifeste son contentement de se trouver à cette place, les yeux et la poitrine grands ouverts, lescheveux libérés. Elle a un regard calme, franc, intelligent et un léger sourire. Elle n'a certainement pas uneexpression de séduction, de domination ou de soumission, ni de colère, de honte ou de refus. On peut penser que leTitien a eu le même contentement de peindre le visage et le buste de Vénus, où il exprime la grâce de sa propreféminité, face à la demande « virile » du duc d'Urbino.

On peut remarquer, à la suite du Pr Arasse, comment ce quartier du tableau est défini par un fond noir. Il fait ressortirla délicatesse du teint de Vénus et le doré de ses cheveux, presque libres autour de son visage et de ses épaules.Ce panneau noir ne correspond à rien de représentable. Il a une fonction de limite. On voit bien des reflets verts d'unrideau drapé au-dessus de la tête de Vénus, mais cela n'explique pas le pan noir qui le prolonge et divise le tableau.

Le Titien avait déjà utilisé cet artifice pictural trente ans auparavant, dans le petit tableau intitulé Sainte famille auxdonateurs. On y voit, à la même place, le fond noir destiné à rendre plus éclatantes les couleurs de la Vierge, prisedans un rai de lumière, et à mieux la distinguer.

2 / Le cadran inférieur droit est celui de la « pudeur » :

Le cadran inférieur droit est celui de la « pudeur ». C'est l'opposé vibratoire du cadran précédent. Il est limité, luiaussi, par un trait foncé dont on ne sait s'il fait partie d'un bord de parquet ou d'un bord de lit. Ce n'est pas la

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représentation de quelque chose qui compte, c'est une fonction de bord, de limite du cadran. Là aussi, ma tâche esttrès facilitée par l'artifice du peintre !

On y voit le sexe recouvert, les jambes croisées et fermées dans un mouvement de pudeur élégante, au contraire dela poitrine ouverte de Vénus. Cela est repris par la figure du chien, figure réputée lascive, mais qui dort ici, roulé enboule à côté des pieds de la Belle. Sa fonction est de fermer les yeux, pour faire contrepoint aux yeux ouverts deVénus dans le cadran opposé. Jambes fermées et yeux fermés créent ainsi une dialectique d'avec le cadran opposé.

De plus, la présence du chien n'est pas sans importance propre. Ce cadran est bien celui de l'inhibition posturale dela sexuation. Il est aussi celui d'où la personne échappe à la sexuation, pour rester en contact avec ce qui reste endehors. Dans la structure oscillante psychique, il existe intrinsèquement la possibilité d'échappement à la réductionsexuée. Le chien est censé être d'une autre espèce et n'être pas concerné par la féminité si douce et manifeste deVénus. Il ouvre sur autre chose.

3 / Le cadran inférieur-gauche est celui du « moi intime féminin » :

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Le cadran inférieur-gauche est celui du « moi intime féminin ». C'est celui de toutes les possibilités, de toutes lesvirtualités secrètes de la féminité de Vénus. On y voit un bouquet de roses, tenu à la main droite, d'où s'échappe unerose, qui tombe sur le matelas bordeaux d'en-dessous. La rose est la fleur de Vénus, déesse romaine de l'amour etde la beauté, entourée d'épines pointues. De blanche, elle devient rose quand Cupidon renverse son verre de vin surelle. Ici, elle reste le symbole d'une possibilité de geste amoureux, non un geste décidé.

Remarquons, en passant, ces deux matelas qui suggèrent une couche posée par terre, alors que ce n'était pas dutout à la mode du temps.

Eclaircissons l'image pour mieux voir le tout :

Ce pôle psychique du « moi intime féminin » est une posture active de discrétion et de dissimulation par rapport àl'ambiant, tout aussi importante que la posture d'action affirmative du « moi sexué féminin ». On y invente lesmultiples facettes potentielles de la féminité, à l'abri des regards trop intrusifs. Le bouquet de roses symbolise cesmultiples facettes potentielles, tandis que la rose qui s'échappe, hors des draps, nous indique le côté discret, intime,réservé, de cette action. On y voit les matelas, justement, qui sont des « dessous » censés être cachés par le drapqui les habille. Ce dévoilement très discret est là pour montrer l'existence de ce cadran, nécessaire à la doublevibration de l'ensemble. L'oscillation privilégiée est celle d'avec le cadran qui lui est opposé, celui du « moi idéalsexué ».

4 / Le cadran supérieur-droit est celui du « moi idéal sexué » :

Le cadran supérieur-droit est celui du « moi idéal sexué ». Remarquons combien il est singulier, lui-aussi ! On acoutume de dire que c'est un « tableau dans le tableau », découvrant une pièce à l'arrière-plan.

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Le Titien fait à peine le lien avec les autres cadrans, en y apposant une petite rondeur de cuisse, qui prolonge lamain gauche cachant le sexe, et le dos du chien endormi. Trois petites bosses qui réalisent vaguement l'unité desparties. Elles atténuent l'effet de la ligne brune horizontale, qui reste difficile à identifier, sinon comme trait deséparation.

Un parquet crée une perpective vers un élément extérieur à la pièce. Deux servantes remisent ou cherchent desvêtements. L'une tient une robe, les cheveux remontés et regarde l'autre. Elle a l'air de retenir le couvercle du coffrepour sa collègue. Celle-là est à genoux, penchée sur le contenu d'un des deux coffres sarcophages vénitiens, quioccupent le fond de la pièce. On dirait qu'elle a la tête coupée, mais un grossissement de l'image fait deviner sa

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La féminité dévoilée : la Vénus d'Urbino

chevelure châtain.

Des tapisseries bordeaux sont accrochées à l'angle de la pièce. Elles font comprendre que l'on se tient dans unemaison cossue, voire un palais. Tout au fond, une partie d'une fenêtre ouvre sur l'extérieur et continue la perspectivede retrait du « tableau dans le tableau ». Une plante en pot, où certains veulent voir un plant de myrte, un dessymboles de la déesse Vénus, est posée sur le rebord de la fenêtre. La vue de cette dernière est limitée par un boutde pilier, qui semble presque posé, lui aussi, sur l'embrasure de la fenêtre. Au loin, des arbres font penser à un parc.

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La féminité dévoilée : la Vénus d'Urbino

Comment comprendre la juxtaposition de ces éléments ? Quel rapport avec une idéalité inhibitrice et critique ?Remarquons que tout est tourné vers l'intérieur, dans ce « tableau dans le tableau » ! Au contraire de l'expositiongentille de Vénus, tournée vers le spectateur, ici, nous sommes dans l'inhibition. Le parquet entraîne tout vers le fondde la pièce. Les servantes, habillées des pieds à la tête, fuient le regard du spectateur. L'une a même la têtepenchée vers l'intérieur du coffre sarcophage. Il ne s'agit pas, non plus, de dépasser ce fond de pièce : le pilierobture ce qui serait un échappement possible par la fenêtre. L'idéalité féminine fonctionne pour retrouver, parsur-réduction, le manque apparu dans son affirmation de la féminité, c'est à dire dans le manque de masculinitécorporelle. Ici, nous retrouvons la loi masculine du féminin caché, ou, tout au moins, devant demeurer voilé aux yeuxmasculins. Si la pudeur est une réaction affective de replis corporel sur ce qui échappe à sa propre féminité, le « moiidéal sexué » est une opération cognitive de voilement. Vénus se met à la place du regard de l'homme-peintre pourcritiquer sa nudité propre. Elle se tourne, dans ce cadran, vers les vêtements dissimulateurs et les contenus descoffres échappant aux regards.

Toutefois, l'opposition vibratoire maximale des cadrans est entre, d'une part, ce cadran du « moi idéal sexué », quiest celui des habits et de la retenue et, d'autre part, celui de l'affirmation secrète du « moi intime féminin », celui de larose qui se détache du bouquet de roses et permettrait d'envisager une attitude amoureuse possible. En histoire del'art, le « tableau dans le tableau » est censé évoquer les circonstances de la réalisation de la peinture. Certes, ilnous montre les vêtements que l'on range dans un coffre et que l'on suppose être ceux de la Vénus dénudée.D'ailleurs, cela pourrait être des habits pour la rhabiller ! Mais, il nous montre, par projection, l'envie secrète dupeintre dans la rose qui se détache, celle d'une possibilité d'amour de la part de la Vénus choisie. C'est la propreretenue du peintre qui contrebalance cette évocation de la rose, dans ce « tableau dans le tableau ». Ce maître restebien éduqué et ne saurait profiter de la situation. Il respecte son modèle, qui ne montre pas de crainte. Il nous inviteà faire de même et à ne pas succomber, justement, au désir et à l'érotisme. L'importance donnée à la constructionde ce « tableau dans le tableau » est utile pour bloquer toute dérive possible vers des interprétations impolies. Lespectateur est prié de garder idéalement une morale respectueuse et de ne pas en profiter pour se rincer l'oeil ! Cen'est, toutefois, qu'un quart du tableau général...

Exercice : trouver le sens si différent des quatre quarts du tableau de Félix Vallotton : « La Blanche et la Noire »,peint en 1913. Cliquez sur le tableau pour le voir en grand :

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La féminité dévoilée : la Vénus d'Urbino

[1] Encore en 1917, la représentation des poils féminins provoque des réactions incroyables. Wikipédia - En 1917, (Esther Berthe Weill)...organise

la seule exposition Modigliani réalisée du vivant de l'artiste. Or, lors du vernissage, parmi les 32 dessins et peintures, se trouvent quatre nus dont

l'un est accroché près d'une fenêtre de sorte qu'il provoque un attroupement de badauds et attire l'attention du commissaire divisionnaire du

quartier qui exigea que l'on enlève ces toiles. Berthe Weill répondit « Mais qu'ont-ils donc ces nus ? », ce à quoi il lui fut répondu « Ces nus ... ils

ont des poils ! ». Le vernissage est interrompu pour outrage public à la pudeur et, d'après le récit qu'en fit Francis Carco dans L'Éventail du 15

août 1919, elle ne put reprendre qu'une fois les nus enlevés. L'exposition continua jusqu'à son terme mais sans les nus censurés, aucune toile ne

fut vendue..

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