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LA GAZETTE D E S J O C K E Y S C A M O U F L É S « La Gazette des Jockeys Camouflés » est un tabloïd mensuel de littérature installé dans les marges de la collection « Les Jockeys Camouflés » publié par Bãzãr édition. Parce que la poésie est inadmissible, le poème y tiendra une grande part avec des traductions inédites de poètes étrangers et des interventions d’auteurs contemporains. N U M É R O 1 1 - N O V E M B R E 2 0 1 3 LA GAZETTE DES JOCKEYS CAMOUFLÉS EST ÉDITÉE PAR BÃZÃR ÉDITION - RÉDACTION : LILIANE GIRAUDON ET THOMAS DOUSTALY - CONCEPTION GRAPHIQUE : MARC-ANTOINE SERRA - TÉLÉCHARGEZ LA GAZETTE DES JOCKEYS CAMOUFLÉS SUR BAZAREDITION.COM ETEL ADNAN JACQUES-HENRI MICHOT LENEDY ANGOT HORTENSE GAUTHIER Christine, 2013

LA GAZETTE DES JOCKEYS CAMOUFLÉS - N°11

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« La Gazette des Jockeys Camouflés » est un tabloïd mensuel de littérature installé dans les marges de la collection « Les Jockeys Camouflés » publié par Bãzãr édition. Parce que la poésie est inadmissible, le poème y tiendra une grande part avec des traductions inédites de poètes étrangers et des interventions d’auteurs contemporains.

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LA GAZETTEd E s j o c k E y s c A m o u f L é s

« La Gazette des Jockeys Camouflés » est un tabloïd mensuel de littérature installé dans les marges de la collection « Les Jockeys Camouflés » publié par Bãzãr édition.

Parce que la poésie est inadmissible, le poème y tiendra une grande part avec des traductions inédites de poètes étrangers et des interventions d’auteurs contemporains.

n u m é r o 1 1 - n o v E m b r E 2 0 1 3

LA GAZETTE dEs jockEys cAmoufLés EsT édITéE PAr bÃZÃr édITIon - rédAcTIon : LILIAnE GIrAudon ET ThomAs dousTALy - concEPTIon GrAPhIQuE : mArc-AnToInE sErrA - TéLéchArGEZ LA GAZETTE dEs jockEys cAmoufLés sur bAZArEdITIon.com

etel adnan

jacques-henri michot

lenedY anGot

hortense Gauthier

Christine, 2013

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B Ã Z Ã Re d i t i o n

collect ion “les Jockeys camouflés”

NÉcessaire et urgeNt est un manuel de questions (524) à poser aux fantômes, ceux des corps disparus. il aborde sous une forme quasi vocale le problème de la mémoire et de « la douleur au membre fantôme ».Pourquoi sont-ils restés sur place ?Pourquoi ne sont-ils pas partis ?Parce que c’était leur terre natale ?Qu’ils étaient nés dans ce pays ?Qu’ils voulaient s’y faire enterrer ?Qu’ils n’avaient nulle part où aller ?

La coNditioN des soies paru en 1982 aux Éditions de Minuit, enfin réédité, est un livre radicalement transgenre (récit et poésie et théâtre) ainsi que transformiste (y circulent personnages tout à la fois homme et femme, mort et vivant, jeune et vieux)… superbement scandaleux, ce livre renvoie à la splendeur des aurores boréales comme à la passion érotique des étoffes de clérambault…

un cahier de photographies d’arno gisinger articule ces deux textes non pas sous forme illustrative mais dans une fonction méditative d’arrêt sur image.

BÃZÃR

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annie ZaDek +

aRno GisinGeRnécessaiRe et uRGent

suivi de la conDition Des soies

2 0 e u R o s t t c f R a n c ew w w . b a Z a R e D i t i o n . c o m

nécessaiReet uRGent

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la conDition Des soiessuivi de

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NECESSAIRE_COVER.indd 1 04/03/13 19:38Annie ZAdek

images Arno gisinger Nécessaire et urgent suivi de La Condition des soies

ISBN : 978-2-9539327-2-0

20 euros

c o L L E c T I o n « L E s j o c k E y s c A m o u f L é s »

w w w . b A Z A r E d I T I o n . c o m

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B Ã Z Ã Re d i t i o n

CATWALK

JE AN-JACQUES

V ITONL A R O C H E G A U S S E N

COLLECT ION « LES JOCKEyS CAmOUfLéS »

Catwalk est un faux roman-photo.légendes et personnages y circulent selon le principe

de l’errance. Seule la nuit, unité de temps, de lieu et d’espace est véritable.

BÃZÃR

ed

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JEAN-JACQUES VITON +

LA ROCHEGAUSSENCATW

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2 0 E U R O S T T C f R A N C EW W W . b A z A R E d I T I O N . C O m

CATWALK-COVER.indd 1 06/03/13 09:48

c o L L E c T I o n « L E s j o c k E y s c A m o u f L é s »

JeAn-JACques Viton images LA roChegAussen

Catwalk

ISBN : 978-2-9539327-5-1

20 euros

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L A G A Z E T T E d E s j o c k E y s c A m o u f L é s

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etel adnanEtel Adnan (1925) poète américano-libanaise (née à Beyrouth) écrit en français, en anglais et en arabe. Poète, journaliste, essayiste et peintre, elle a enseigné la philosophie en Californie. Pendant la guerre civile du Liban, elle écrit Sitt Marie Rose, qui la fera connaître. Ses publications récentes disent la frontière, l’identité, le voyage, l’aliénation. Voyage au mont Tamalpaïs traduit de l’anglais par l’auteur, reparaît ce mois-ci aux éditions Manuella.

Les poèmes ici traduits (par Jérémy Victor Robert) sont extraits de In/somnia (The Post-Apollo Press).

La première partie de In/somnia a été publiée dans le numéro précédent de La Gazette des jockeys camouflés.

Récemment : Là-bas, traduit de l’anglais par Françoise Valéry et Marie Borel, éditions de l’Attente, 2013, http://www.editionsdelattente.com. Documenta 2013, Chaos contre chaos – vidéoconférence, http://www.eteladnan.com.Paris mis à nu, traduit de l’anglais par Martin Richet, éditions Tamyras, 2011, Le Cycle des tilleuls, éditions Al Manar, 2012.Un crime d’honneur, traduit de l’anglais par Michelle et Christophe Pellet, L’Arche, 2011. Une conversation, Manuella éditions, 2012, http://www.manuella-editions.fr

(…)

XV                                        1. outils. Pourquoin’importe ? Où ?Pression. Précieuse.Un fou oùloger l’écharde                                        2. Angles à quatre pattes.Rét(dis)tributionun + un + 2 + 2font un (d’eux) deuxlits. Pas. Encore.Pas. si possible.                                        3. Souffle diff ficile/Souffler. Schpitt.moins de chaudesorthographes.Hissez.-vous.monstres.                                        4. Plu.de.cartt.oui.cartes.Ouis/ui : outils –pour mourir. nuitplus nuits. Pasencore

5. le temps de

XVI                                        1. fièvre apéritivebruits. coursesub/lime in/finie dela nuit, cours cours ohlala !sommeil en fuiteex/plosion/ portes                                        2. im/patience pa/tientesablier tic/taque8 roi/Ham/let/go !                                        3. demain de peur/où ?chaussettes enforêt par démenceordonnées. Lucia Beachici on krie gratis                                        4. célibébé éva vit Divaouste la souris le chatt          La Diva quand tu t’          en/nuies... hey ! hey !                                        5. soleil lune liiibbres hou ou !satané satan dé/prendreparti parti fermé coin chaud

de l’oreiller...bon. non-arrivée.

XVII                                        1. ailes d’un ul/timeo dieux voyage.(pestilence) ôdemi 1 ⁄2 ont lunesonge et nombre                                        2. manoirs guéris de...le destin de tousdans la balance...en (blanches) photo/copies chut                                        3. drogues ex/alt/antesde l’ef/froiin/stablePartir. avertir.la (?) nuit.                                        4. soufre :tenir res/suscitéun bébé. dans ses bras. bras.

XVIII                                        1. épi/fanny altérée. zzzznerfs – nervures. feuillessymétriques. pour dame dorr/mante en dentelle. diamante                                        2. en transit sa vie horizon-tale. Buttes. mue(mur, ur) urbi ...?????                                        3. chaude chaleur dis/cours entre aigles etet (!) pauvres (servants)vi.si.bi.li.té. ...de sombres désirs ...wwwwwwwwww                                        4. mAlice prise à l’iso-lation du temps. auxarcs/en/ciel                                        5. Au naturel. làhaut.

XIX                                        1. La nuit tombe. encore. Pas encorelongue/ligne sans aide im/potente

InsomnIA 2/2

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des armes dés/arméesterreur stop la terr...terriblement partout/toutquoi ?                                        2. bêle beugle papierbulle et portes et quoiencore ? C’est c’est ça ? ça vient ?Oui.une fois. une dernière fois.                                        3. durée durable déjà-déjàdor/mir ordinal or dealdealer de cartes de fuméetic/ sans sans fin                                        4. shhh -- wiii -- buzzvrombir pêle-mêlegarder tenu tiens bon ! garde-fou in/sane le droitd’attendre attends ! attendu lala/ attends une minute la/lumière/noire du matin                                5. pliables                        

XX                                        1. Eschyle riennihil ist charge chargéede pluie tombe/gîtau sol puii(t)s                                        3. un vapeur où est la Grèce ?l’ob/jet ab/ject. Pan le dieuos/saturé d’espace                                        4. pour-tour. re/tirecacophone – phone –(messages) battre cettemesure – quandle jardin s’éveille ///                                        5. suspension : plus longue que...d’habitude. habitu/elle/ment. Pénétrerse fau(x)/filer rester/là cetobscur korridor – d’or –dors – quand le coeur(de la matière) brise làlà _____ haut.                                        1. ubique estnoc/turnela mort est ???? sur unsofa :::::::: soif éteinteéteint  le  soufflecourt des feuilles,du Kalendrierl’in/finie fin ...                        

XXI                                        1. Bye bye tendre méta-phore. Regagne –– ta --tombe. Piliers dres/sésmatelas/s/s ..... non ! –– non !                                        2. Va-t’en va tempshor/de hors d’/icioù nous sommes. où ?stu/peur stu/pide/ment                                        3. mémoire de primevie/ + m.é.m.o.i.r.e dupré/sent – un don –une lumière. Malé/ficesallez-vous-en                                        4. secrètes sécrét/ions deschoses. métalliques. passées.re/naissance résurrectiondes. oeufs rouges. balles.corde. un pendu pendglisse/songe. dors sûr.sur cette c/ouverture.                                        5. esquive/éva.nescence/nativité.du.lion. accroupi.cracher.caché. ly.on/agile.allongé (le long) ducorps.                                XXII

1. Nul nuage dans cette piècemais... (?) montagne–couverture... ouverture.vibrations en dessoussooooouuuuuuuuuuuus

2. aux cloches sourdesLa Belle ***mort/elle... merde !mortalité... cancre/lats... partout

3. cette horreur noc/turne de nuit/en/nuitterreur terr... O(ooo)h !

4. ne jamais dire mienneoreille. sable de sédimentsves/tiges /de/ mémoiremoire moire oir oir

XXIII

1. guerre et temps vivent en/semble.de lys noirs. spider

et Spicer... et Kygerwaou ! im, im-possibledescendance dissidence                                        2. mûr mûr dans les mûriersaimés. Faim au mitande l’existence. qui est à l’appareil ?                                        3. neige train/bondé commeach... captive de la findu jour. rêve massif                                        4. charbon chh shh, ,,,déversoir der die dascartes **** glissant                                        5. conflit non/stop des...inter(mittentes)nations1 2 3 4 moustiques porteportes

XXIV                                        1. visions hallucinées dela mer. terre terre ! temp/oralité de l’attente.                                        2. prisons 5 étoiles pourl’A(fter)ghanistan.brutes balles bulletins –le sang bulldozer desl.i.b.é.r.a.t.e.u.r.s. bouclés                                        3. Stp, mon ange, voisce fatras & facteurde bazars bazardéela trahison                                        4. comment souffrir cet in/tensecet : amour de la penséeabominable, abolition.

XXV

1. tic, tac chaque seconde.impulsion interne depress/ion sur press/ion.

2. cela me prend.compter les heures/et les morts. houuuuuhabillé, le vent(bien)venu ici autour

3. les sirènes nerveuses abstrac-tions as/pirent les options dusommeil de mon sommeil.sang de puce.

4. coussins.de.pierres.d’épines.d’.humides.prièressshh sshh le jet d’eau.la potence pour ton… ton impéra/tric(st)e.

XXVI                                        1. Les peurs changent. elleschangent comme les oiseauxdescellent leurs ailesaillées.                                        2. boire avant. etaprès le bruit                                        3. Télé territoriale crevéeKlose. Konserve la languedes (?) des ciseaux.Progression progressive. l’Esprit.                                        4. oeil jamais bleu siclos. devient écranet cri. Ne l’appellepas : Ismaël.

XXVII

1. divise/urs tous les mursmem/branes doux /dur       fi   fufu   fff(ou)/rire suinter

2. membres re/couvertsmanger avant l’avant de l’animaanimale matée dé/matée ordinaire

3. mentalité évaporéevieille branche, eh,dans le...chaos pas l’in/conscience

4. folles nuits d’im-mobilité som/meil mobilepartir parti en (?)en enen Vieille.olds.mobile/pressée en vain

InsomnIA 2/2

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Pierre et gilles, 2013

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lenedY anGot

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Rien à voir avec Christine Angot, Lenedy est d’origine vietnamienne, a vécu aux USA et vit aujourd’hui en France. Sa dernière série « met des corps fondus dans des décors ». Ces corps interrogent de manière frontale les questions du genre et de frontières. On a pu voir son travail dans le magazine De l’air, la revue new-yorkaise Tiwimuta et Arte Magazine. Il prépare une exposition.

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L A G A Z E T T E d E s j o c k E y s c A m o u f L é s

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Aujourd’huI

(…) substruction d’un vrai savoir, d’un chuchotis moins vain, voix d’un moi au plus profond, voix d’un voyant plus clair, d’un rapport plus vrai, d’un vivant moins mort. (G. P., La disparition 1)

o tohu-bohu, où tout bout ! (M. L.)

Pour Lili (un mardi, au soir) Tout au long du cinq* — il faisait gris, froid — j’ai lu, dans trois traductions, puisqu’ignorant l’original, La Mort d’ivan ilitch. Mot conclusif (pour moi : « mourut ») inscrit par Tolstoï, à Iasnaïa Poliana, un vingt-cinq mars.

*Adoption, pour l’ incipit, à tort ou à raison, d’un flou.L’indication du jour, pourtant, la voici : Au saut du lit, j’avais appris l’information (un salut, ici, aux amis sportifs !) : Murray sorti par un Wavrinka magistral.Ajout pour qui voudrait y voir plus clair sur la saison : Vouant à l’oubli global un napalm US qui brûla citadins, paysans, moissons au Ton-kin, pays d’Hô Chi Minh, ainsi qu’un ura-nium « appauvri » qui, durant la gulf War (il y avait donc vingt-trois ans), puis dans tout l’Af-ghanistan, puis dans un Irak qu’un Bush avait dit « voyou », mis au pilori, soumis au soup-çon, à l’accusation toc d’un surabondant stock d’uranium (total, lui), mutila, par millions, oui, ou fit mourir tant d’habitants, Barack Obama, sans l’aval absolu d’un Ban Ki Moon plutôt mou, mais comptant fort sur un franc appui à Paris (pouvait y pourvoir un François rondouillard, pataud, s’affirmant, urbi orbi, « normal » dans sa fonction, ainsi qu’un Fabius pas rigolo, chafouin, soudain martial à l’instar d’un BHL quand, louant tsahal pour son raid Plomb durci, fanfaronnant, il arrivait à Gaza sur un char, quand, montrant son poitrail, il tonitruait pour qu’on bombardât Tripoli, qu’on traquât, puis trucidât fissa Mouammar Khadafi), confiant aussi dans un balourd Da-vid anglais — aussi massif qu’un Goliath, lui, mais moins costaud — Obama, disions-nous, affirma, frappant du poing à Washington, l’uti-lisation, dix jours avant la fin du mois d’août, du gaz sarin à Damas — ou plutôt dans un fau-bourg — ajoutant aussitôt qu’il fallait, manu

militari, ONU d’accord ou pas, punir Bashar al-Assad, l’assassin dictatorial qu’on savait — car qui, à part lui, pouvait avoir commis un forfait aussi inhumain ? Un ramassis d’abrutis mûs par Al Qaida ou la CIA ? Un califat qata-ri ? Allons donc ! (…) Aboutissait-on ainsi à la conclusion, à l’injonction : « kill syrians to stop syrians from killing syrians. » ? 2 Oui.

Au soir, sirotant un whisky à bas prix (pas du Lagavu-lin !), fumant cigarillo sur cigarillo, j’ai ri — mais moins fort qu’il y a dix ans — à Bringing up Baby, d’Howard Hawks, film à quiproquos 3 où Cary Grant incarnait David, savant plutôt rassis qui, s’occupant d’abord, dans un coin pas gai, d’un brontosaurus, puis, à son dam, poursuivi par Susan à qui son frangin avait fait don d’un jaguar aussi câlin qu’un chat, court partout — traquant, un soir, au fond d’un parc provincial, faisant zigzag sur zigzag, un os pour lui sans prix qu’un fox, qui l’avait pris, avait mis — mais où ? — dans un trou. Puis j’ai choisi un album du grand Dolphy (mort tôt, lui) : Far Cry 4. Pour finir : l’audition — la vision aussi — d’un Dino Ciani jouant, à vingt-six ans 5, un Schumann tantôt martial (indication sur la partition : « Markirt und kräftig »), tantôt doux, zart — opus pour sa Clara qui, alors, n’ayant pas dix-huit ans, Virtuosin du piano, jouait au loin, plus au sud, l’Ap-passionata, suscitant l’admiration d’un Liszt ; puis du Bartók subtil, troublant, inouï : un notturno bruissant transposant sons dans l’air, frissons, clapotis d’un lac transylvain. (...) Connaît-on Atys (« Dormons, dormons tous… 6») ? Ah ! Balm of hurt minds… Mais, pris à minuit un quart, n’ont agi ni Stilnox ni Al-prazolam. Un stop à l’agitation, tout sombrant dans un doux oubli, paradis du trou noir, la paix dans la nuit ? Avant vingt-cinq ou vingt-six ans, j’ai parfois connu, oui. Aujourd’hui, pas ruhig pour un sou : un sportif au lit. (Qui dort profond à la façon d’un loir gris n’a pas, ici, l’imagination qu’il faudrait.) Damnation ? Crucifixion, affirmait Cioran.

Vrai, tout ça — mais faux aussi, disait Michaux qui s’y connaissait, lui.-------------------------------------------------------------------- Nul scoop, ici, pour qui a lu prou Ainsi qu’un tracas ou Vita, Amor, Mors. Mais continuons.

Brossons plus avant ma situation.-------------------------------------------------------------------- Affaibli, fourbu, tympan toujours sifflant, ayant plus ou moins mal, par à-coups, à l’occiput, au thorax, au bas du dos (faudrait-il voir un rhumato ?), à trois articula-tions, au talon droit… J’ai donc choisi, il y a plus d’un an — à la fin du mois d’août — la position, dans ma maison du Nord, au ras du trottoir, d’un assis radical. Mais pas au fond d’un corridor. Sans boutons d’ habit, sans pantalon bouffant. Doigts non boulus. Au surplus : nul roulis d’amour dans mon ciboulot. Ainsi, pas tout à fait mûr pour l’assaut d’un Arthur caro-lopolitain. Toujours ça, non ?

au soir du 6 (à minuit moins vingt-cinq) Multiplions vingt ans par trois, puis ajoutons dix-huit. Conclusion : dans un mois plus un jour, zu spät, trop tard, troppo tardi, pour, souriant ou riant ainsi qu’un bossu, parcourir tintin sur tintin. Nul choix, alors, qu’un cordial Addio aux vingt-trois albums finis dont, non loin d’un bourg 7 où j’habitais quand j’avais huit ans, j’ai d’abord lu tintin au Congo*. Gros animaux (dont un lion — qui, mordu tout sou-dain par Milou, hurlait fort —, un rhino, un hippo, un boa constrictor…). Tribus - Babaoro’m…, m’hatouvou, Anio-tas… — grouillant partout. Natifs naïfs, primitifs, pas actifs pour un sou (« Allons, au travail ! »  /  « Mais… mais… moi va salir moi… ») — d’aucuns plutôt bons (ainsi Coco, com-pagnon pour Tintin, au vrai, plus froussard qu’à son tour), d’aucuns fort malfaisants (Muganga… « Li voilà ! À mort ! »). On y voyait un Blanc parfait, absolu — blanc, lui, du haut jusqu’au bas, par son long habit, blanc par un poil abondant qui cachait son cou — un vrai saint dans sa Mission, où il instruisait au calcul (du moins à l’addition), soignait à l’hô-pital, contribuant ainsi à la Civilisation. Y agissait aussi un forban, Tom, qu’utilisait Higgins au profit d’un gang ayant pour patron un macaroni, un rital fort connu qui convoi-tait la production du diamant. Tom traquait Tintin tout du long, s’acharnait sur lui, machinait cinq fois son assassinat. Mais, chutant du haut d’un roc, il coulait à pic (BLuB) dans un vif courant, où un croco — ouf ! — l’avalait tout cru.

* « Congo africain ? Par la population, oui. : d’abord Bantous jouant du tam-tam, puis Baloubas, Lunda… Pourtant, pays conquis il y avait un bail, plutôt wallon ou flamand par son proprio : un roi, oui 8, salopard abyssal

Notes

1 - Il s’agira donc, ici, d’un plagiat. Pourquoi ? Bon qu’ à ça aujourd’hui, oui.

2 - Pardon - qui vaudra passim - à tout quidam (qu’il soit normand, picard, lorrain, morvandiau ou gascon) qui jamais, au grand jamais, n’aima l’obscur d’un patois non appris.

3 - Qu’on montra d’abord à San Francisco, puis partout aux USA, puis à Rio, puis - un dix-huit mars - à Paris (…). J’avais alors trois ans. Au vrai, pas tout à fait : il manquait cinq mois.

4 - Dont, solo fulgurant au saxo alto : http://www.youtube.

com/watch?v=gH2tYTPJ2BU

5 - Suivant maint avis - ici transalpin : un pianista straordinario. Cortot, qui fut son prof à Paris, n’avait jamais connu, proclamait-il, un don si puissant, si total. Il mourut six ans plus tard (un vingt-huit mars), son auto ayant subi, à Roma, dans la circulation, un choc fatal.

6 - http://www.youtube.com/watch?v=am0XibDjzUs

7 - Son nom ? Garigny. Mon grand-papa Sylvain, qui m’adorait, travaillait dur aux champs, pour un marquis, gandin grisonnant qu’on saluait bas quand parfois, quittant son châtiau, adoptant l’air pas hautain du tout d’un

ami du paysan, il allait s’offrir un Byrrh ou un Ricard au bistrot du coin.

8 - Situons l’individu : il avait dans son lit Astrid, qui lui donna un Baudouin, puis trouva la mort, cinq ans plus tard, à la fin d’un mois d’août - son mari conduisant la Packard grand sport (à toit ouvrant) qui capota au bord d’un lac - à Küssnacht am Rigi, où habitait, travaillant à un roman fort touffu, Thomas Mann… Moi, lors, à Flavigny, toujours au chaud dans ma maman. À l’abri du tracas pour un mois plus dix jours.

9 - Connu par maint tsar (un Piotr Romanov dit « Grand », un Ivan fort brutal… jusqu’à

un Nicolas qui passait - à tort - pour aimant la paix, mais qu’on fusilla, dans la nuit, l’an dix-huit), par knout, isbas, babouchkas à chapkas, balalaika, par sa vodka, par son caviar (Maxim’s l’offrait toujours aux rupins, aux aristos), par un Gogol (Journal d’un fou), par un Vol du bourdon… Bon. On a compris.

10 - Complotant un assassinat, l’un, glissant sur un trottoir, chutant lourd, jurait : « Par Trotsky ! ». Un faux clochard clamant : « J’ai faim ! », voulait tout savoir sur Tintin. On affirmait aussi l’amas, par la troïka L.T.S, dans un cabanon du Grand Nord, d’un fort abondant fric pris à la population (…). tutti quanti.

11 - http://www.youtube.com/watch?v=qYKKdHD24z0

12 - Son nom ? L’aura saisi aussitôt qui a vu Tati livrant, à vingt-huit ans, dans la cour d’un paysan, sur un ring où il affrontait un pro, un combat bouffon. Il s’agit aussi d’un film, naturally.

13 - La voix off dit, par trois fois, à son propos : « L’Individu frissonna. »

14 - http://www.youtube.com/watch?v=iG3FbWX9Sgs

15 - S’ouvrant (ou quasi) sur fato profugi, il allait jusqu’à fugit indignata sub umbras.J’aurais donc lu l’opus tout du long, dans son latin ? Non. La raison ? Ont fui (matins, soirs,

nuits) jours sur jours, mois sur mois, ans sur ans… Trop tard aujourd’hui.

16 - J’habitais alors dans un bourg du Nord. Quand manquait, pour mon travail, l’Inspiration, m’aidait un long piano d’un noir brillant : j’y jouais du Bach, du Haydn, du Mozart, du Chopin ou du Schumann. Plus bas, sur un gazon, gambadait à plaisir Naïma, un labrador marron clair (au vrai, un bâtard) qui avait pour copain Dziga, chaton gris fort coquin (…). La mia vita, il y a vingt ans. Loin, tout ça. Aujourd’hui : Rayons.

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qui — son papa lui avait appris — trafiquait, accaparait, pillait (troufions aidant, pardi, massacrant quand il fallait) partout où il pou-vait, amassant ainsi un profit colossal — son goût du gain commun aussi à maints colons, tous cathos plus ou moins convaincus, plus ou moins assidus, à Saint-Aubain ou à Saint-Loup, au show dominical, mais sans nul souci, jamais, d’un nostra culpa… »

Dirait ici, pour sûr — qu’il ait lu, ou non, Frantz Fanon — un militant anti-Capital vomissant la Colonisation sans voir son apport, son positif, un mao aux gros sabots, un politicard blanchi sous son harnais, aigri, toujours dans l’insatisfaction. Gâchant ainsi tout plaisir aux gamins ou aux juniors.

Addio, oui, au pimpant garçon blond qui, portant un pantalon façon golf, son fox Milou toujours l’accompa-gnant, quittait son logis sis au 26 ; partait, dans l’opus 3, pour Chicago, où il affrontait un mafioso ; puis pour Port-Saïd (il connaissait alors Rastapopoulos, ainsi qu’un savant fou qui voulait voir où dormait Kik-Oskh — un pharaon), avant d’aboutir, plus au sud, à Rawhajpoutalah, soit au pa-lais d’un maharadjah, où, dans l’opus 5, il assistait aux tours du fakir Cipaçalouvishni (qui, sans du tout avoir mal, intro-duisait profond au moins trois poignards dans son corps, mais à qui — fait troublant — un coussin pourtant mou ar-rachait un grand cri) ; puis il gagnait Shanghai, où il tombait d’abord sur Gibbons, un magnat plutôt malfrat, un racial absolu qui, voyant dans tout non-blanc un sous-individu, injuriait, brutalisait un « Chink » — pour lui, par surcroît, « vilain coco » - puis sur Mitsuhirato — un malfaisant Nip-pon, un salaud primordial qui s’adonnait à un lucratif trafic d’opium, usait quand il fallait du radjaïdjah, un poison sub-til dont l’action faisait qu’on virait illico au divagant, au fou, au maboul total ; mais qui, vaincu, faisait, à la fin, hara-kiri. Un Haranochi tout aussi japonais usait d’un juron original (skronyonyo !). Mais on trouvait plus d’un Chinois poli, urbain, courtois, amical : Wang, son fils Tchang — qui conduisait, par un raccourci, Tintin à Hou-Kou, où… Raccourci s’imposant aussi pour moi. Stop à mon goût, mon amour, ma passion pour l’accumulation, pour la saturation… pour la citation aussi. Ainsi qu’on voit. Adios, muchacho Tintin ! Adios aussi à Milou plutôt taquin, bavardant à foison, un chouïa cabotin, parfois poltron, mais tirant — pas toujours — son patron d’un mauvais pas ; au Captain Haddock, barbu jovial (« Voyons, moussail-lon ! ») habitant Moulinsart, tonnant du matin au soir — « Bachi-bouzouks ! », « Tchouk-tchouk-nougat ! », « Diplodo-cus ! », « Boit-sans-soif ! »… —, buvant, lui, du whisky au goulot : un parfait alcoolo, disons, mais sympa au fond, un vrai bon vivant ; à Dupond, pas finaud, lui, gaffant à loisir, non moins qu’à Dupont, pas finaud non plus, gaffant tout autant ; à Ramon qui, maladroit à la navaja, ratait (Caramba !) coup sur coup ; à Bianca, la cantatrix sopranica, « rossignol milanais » qui, apparaissant d’abord dans un taxi, chantait son air favori (dû non à Rossini ou à Puccini, mais à Gouni) où — Ah ! — l’on riait à un miroir, produisant un son si aigu, si vibrant, si vril-lant qu’il faisait fuir Tintin ; à Tryphon, savant toujours distrait, approximatif dans l’audition (…) Ainsi à l’infini. Ou quasi.

au matin du 8 (…) try say. how small. how vast (…) know only no out of. no knowing how know only no out of. into only (…) (Sam B., Worstward ho)

six jours plus tard Profitant du court laps à moi imparti, j’aurai acquis l’al-bum jamais lu, l’opus  1, où Tintin faisait son apparition dans un journal facho, six ans avant qu’on m’ait conçu. Alors, voici, à grands traits : Il s’agissait, ni plus ni moins, d’un raid (dixit Milou). D’un raid fort ardu dans un pays froid 9 où Tintin subissait maint avatar. On y manigançait tout du long sa disparition, sa liquidation, sa trucidation. Mais, ayant plus d’un tour dans son sac, il survivait toujours. Glissons, n’appuyons pas. Allons au point nodal : Un naïf, un gogo — à moins qu’un militant ringard qui avait trop ou mal lu Marx, puis Vladimir Ilitch Oulianov —aurait-il, abruti par son illusion, cru à l’instauration, là-bas, d’un riant paradis social où un bon papa moustachu vouait

tout son soin au populo ? tintin ! Il aurait fait chou blanc. Tintin, lui, voyait clair dans la situation — Milou aussi. Il y avait du mauvais partout. Un mal absolu, inhumain, qui passait l’imagination. Utilisant à foison flics sur flics 10, un Parti tout-puissant, pratiquant l’intoxication, donnait l’instruction qu’il fallait pour qu’on truquât, par intimidation au browning, un scru-tin ; pour qu’on distribuât parfois du pain à maint gamin qui risquait la mort par inanition, mais jamais, au grand jamais, à un individu non convaincu par lui (on bottait alors son cul) ; pour qu’on volât du grain aux koulaks… Par surcroît, on avait — fait accablant — sali Moscou, jadis si rutilant (…) Satisfait d’avoir lu tout ça ? Oui. J’aurai accru mon savoir.

un lundi du mois suivant Choisir, pour mon inhumation — ou plutôt ma volatili-sation — l’audition d’un quatuor ? Un Largo, un Adagio ou un Andantino ? Haydn, Mozart ? La Malinconia ? La Cava-tina ? (…) Mais aujourd’hui, l’Alla marcia, puis l’Appassionato qui suit 11.

au soir du 10 Chacun sait qu’un Johann Wolfgang participa, dans son pays, au bouillant sturm und drang. Composant alors, avant son Faust, un roman qui, paru quand il avait vingt-cinq ans, fit partout grand bruit. Il finissait fort mal : un fou d’amour suicidait à minuit (maint qui lut l’opus fatal suicidant à son tour, par imitation). Mais passons. Ou plutôt : Sautons d’un bond jusqu’à la fin. Jusqu’à sa fin à lui. Agonisant, ou quasi, Johann Wolfgang aurait dit (dans son jargon saxon qu’ici nous traduisons, car l’obscur nuirait) : « Plus clair ! » Priant donc qu’on amplifiât la Licht qui soudain lui man-quait. Or : Faux, archi-faux ! Si du moins l’on fait foi à un habitant d’Augsbourg dont l’affirmation, qu’il soutînt mordicus, sans jamais faillir, fut : Un quidam avait mal ouï, voilà tout. Il avait avait pris « nicht » pour « Licht ». Donc, à son avis à lui, l’habitant d’Augsbourg, la procla-mation, ou plutôt la murmuration du moribond fut, au vrai (transcrit dans l’argot gaulois d’aujourd’hui) : « Ça suffit comm’ça ! » Raison pour quoi, toujours à Augsbourg, il fut conduit rapido dans un hôpital psy. Godard, qui avait connu tôt l’information, n’oublia pas. Dans un film 12 qui sortit d’abord à Toronto il y a au-jourd’hui vingt-six ans, un mois, trois jours

un film où — « par plaisir », affirma plus tard JLG — il jouait L’idiot, où l’on voyait Rita Mitsouko travaillant sa chanson, où un soi-di-sant humain, au vrai un richard qui comman-ditait, livrait, à partir d’un fulminant NON initial, un abondant listing — dont : « Pas l’amour ! » — « Pas la mort ! »… — où, quittant son cockpit, un Amiral lisait Maldoror, où l’on nommait fourmi — car il trimait dur — un individu au corps lourd, mais pas idiot du tout, qui citait du Malraux, s’imaginait dan-sant, au couchant du jour, dans un local cossu, racontait à un flic un gag wallon (…) 13

un quidam hurlait tôt 14 « Ça suffit comm’ça ! », mots qu’ac-compagnait, plus tard, par trois fois, l’allusion au propos du mourant qu’on sait. Ajoutons, pour finir, qu’on y lisait, par pans, du Broch — lorsqu’il narrait à sa façon la mort, à Brindisi, d’un Publius V. Maro qui transportait dans son baluchon un im-posant manuscrit 15. au soir du 25 Quand j’avais dix-huit ou vingt ans, j’ai lu dans un Balzac : « nous mourons tous inconnus. » Plus tard 16, j’ai mis la citation dans un bouquin — usant — « mourrons » — d’un futur fautif. Inconnus, tous ? Au vrai, oui. Mais faux aussi. Car il y a l’inconnu à son summum : qui va mourir sans nom (sauf pour son papa — adoptif ou non —, sa maman, son mari, son fils, son ami…). Migrants par millions — candidats à l’ immigration, ainsi qu’on dit aujourd’hui — qui, fuyant maints pays (afri-cains pour la plupart) où, non sans raison, l’on craint la mort par faim, par soif, par annihilation, ils vont pourtant mourir plus loin, au fond du flot.

Jacques-Henri Michot est né un lundi d’octobre, à 23 h 30. Lorsqu’il a appris que, ce jour-là, avait été distribué à Paris le manifeste nommé Contre-attaque et que ce texte de l’Union de lutte des intellectuels révolutionnaires était suivi de quinze signatures, au nombre desquelles celles de Georges Bataille, André Breton et Benjamin Péret, il en a éprouvé un très vif plaisir, qui dure encore. Il a publié, aux éditions Al Dante, Un ABC de la barbarie (1998), La Vingt-Trois Mille Deux Cent Vingt-Septième Nuit (2002), God Bless America (2003), La Vie, l’amour, la mort (2008), Comme un fracas (2009), ainsi que De l’entaille (éditions Horlieu, 2000). Il a contribué au recueil “Toi aussi, tu as des armes”, paru en 2011 aux Éditions de La Fabrique, et, depuis 1997, donné divers textes à des revues, dont Nioques, Action poétique, Lignes… Depuis 1991, il a également confectionné quatre films en vidéo. Le dernier, Terre ingrate mais pas totalement, montage réa-lisé, à partir de ses deux derniers livres, avec le cinéaste Alain Puel, date de mai 2010.

jacques-henri michot

Où ? Au mois où vous, moi, vivons, avons, parfois, du plaisir, aimons, lisons… : Non loin d’un îlot connu antan par un Tomasi di L. qui composa il gattopardo, roman paru quand j’avais vingt-trois ans, dont, cinq ans plus tard, Lucchino Visconti fit un film qui obtint un Grand prix.

26, à midi Mon admiration (ma passion) va toujours à qui, sans nul souci du continu, accumula, dans son journal — non paru quand il vivait — notation sur notation. Un mois d’avril (dix ans plus tôt, ou quasi, on avait pris d’assaut, à Paris, la prison qu’on sait), il s’avisa qu’un individu quittant, mais non par choix, son pays, ignorait parfois où, pour finir, il allait aboutir. Migrants, migrants d’aujourd’hui… Alors il inscrivit : « … mourir vivant (…). il faut mourir mourant. » Mourir vivant signifiait pour lui : un pouvoir d’agir, un clignotant au loin, la construction d’un plan — un futur, disons. Qui, aujourd’hui, va mourir non pas vivant, mais mourant ? Imaginons : ils ont huit ans, ou dix, ou vingt, ou plus. Ils sont partout. Forçats du Capital soumis, pour un gain d’un minimum hallucinant, au surtravail abrutissant (au tripalium) dans un champ, au fond d’un puits suintant, dans un hangar pourri (…), aux humiliations sans nom, aux coups, aux mutila-tions, aux viols, aux assassinats gratuits… Chacun passant pour un non-humain, un animal, un outil. hand, dit-on dans tout magasin Amazon. Vous, moi, aurions dit quoi, au total, pour aujourd’hui ? Trois millions, six, dix-huit, vingt-trois ? Au vrai (jamais autant) : vingt-cinq plus cinq. Voilà la situation.

(…)(…)(…)(…)(…)(…)(…)(…)(…)(…)(…)(…)(…)(…) Aujourd’hui, à Fukushima, ça fuit toujours.

Alors, à l’horizon ???

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hortense Gauthier

LEs vITEssEs dE L’Amour

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Depuis 2003, Hortense Gauthier mène un travail poétique inter-média en explorant les différentes matérialités de l’écriture (so-nores, visuelles, plastiques, numériques, corporelles), ainsi que des créations numériques (performances, installations, concerts) sous le nom de HP Process (avec Philippe Boisnard). Ils déve-loppent ensemble le concept de « poésie action numérique »Dans ses explorations poétiques, elle interroge les différents ré-gimes de discours et de langues qui nous traversent, et tente de créer une poésie transgenre qui détourne les codes et les caté-gories établies, et dépasse les oppositions entre l’individu et le

monde, le subjectif et l’objectif…Elle développe aussi une pratique d’art action qui questionne, de façon contextuelle, les logiques d’inscriptions du corps, qu’elles soient sociales, géographiques, politiques et médiatiques. La question du genre et les motifs de l’espace, de la métamorphose, de la mutation, du multiple et de la disparition sont les vecteurs de sa démarche.Publications dans diverses revues littéraires, anthologies et ou-vrages collectifs : Ecrivains en séries 1, éd. Léo Scheer (texte adapté par les Micro-fictions, émission sur France Culture) ;

Boxon ; Dock(s) ; Inculte ; Espace(s) n°7 et 8, éd. CNES ; Cele-brity Café, éd. Presse du Réel, Mobile #1 (Montagne Froide), A Global Visuage (anthologie internationale de poésie visuelle)…Elle a fait de nombreuses interventions en France et à l’étranger, aussi bien dans des festivals, que des centres d’art, musées, ga-leries, théâtres, églises, rues, établissements scolaires (France, Suisse, Brésil, Japon, Canada, Tunisie, Pologne, Italie, Espagne, Suède…).

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b à Z à r é d I T I o n - 3 v I L L A G r E n E L L E 7 5 0 1 5 P A r I s - d I r E c T E u r é d I T o r I A L : T h o m A s d o u s T A L y - T é L é c h A r G E Z L A G A Z E T T E d E s j o c k E y s c A m o u f L é s s u r b A Z A r E d I T I o n . c o m

ken, 2013