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Les cahiers des leçons inaugurales La gestion du risque fiscal : une pratique de saine gouvernance Suzanne Landry Professeure titulaire Service de l’enseignement des sciences comptables 9 décembre 2011

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  • Les cahiers des leçons inaugurales

    La gestion du risque fiscal : une pratique de saine gouvernance

    Suzanne LandryProfesseure titulaireService de l’enseignement des sciences comptables

    9 décembre 2011

  • Suzanne Landry

    Titulaire d’une maîtrise en fiscalité (Université de

    Sherbrooke, 1991) et d’un doctorat en

    administration, option comptabilité (University of

    Florida, 1998), Suzanne Landry est membre de

    l’Ordre des comptables agréés du Québec et de

    l’Ordre des comptables en management accrédités

    du Québec. Elle détient également la double

    désignation honorifique de Fellow décernée par ces

    deux ordres professionnels pour sa contribution au

    rayonnement de la profession soit les titres de FCA

    et de FCMA. Elle est aussi associée universitaire du

    cabinet Raymond Chabot Grant Thornton.

    Mme Landry est professeure titulaire de

    comptabilité et fiscalité Roland-Chagnon au Service

    de l’enseignement des sciences comptables. Ses

    intérêts de recherche portent principalement sur la

    fiscalité des entreprises et les réorganisations, sur la

    fiscalité de l’actionnaire-dirigeant, notamment la

    transmission d’entreprises familiales et la

    gouvernance d’entreprises.

    Promus titulaires, les professeurs de HEC Montréal sont invités à donner un discours inaugural,

    appelé leçon inaugurale, à l’intention de la communauté universitaire. Dans le cadre de cette

    leçon, les professeurs font part de leurs réflexions sur leur carrière et sur la pratique de gestion.

    COPYRIGHT © décembre 2011, Suzanne Landry

  • LA GESTION DU RISQUE FISCAL :

    UNE PRATIQUE DE SAINE GOUVERNANCE

    TABLE DES MATIÈRES

    Introduction ........................................................................................................... 5

    I. Le risque fiscal : contexte et définition .................................................... 8

    A. Les catégories de risques fiscaux ............................................................. 9

    B. Le cas particulier du risque de réputation .............................................. 10

    II. Le risque fiscal : pourquoi s’en préoccuper ? ....................................... 12

    III. La gestion du risque fiscal : quelles sont les parties prenantes ? ........ 14

    A. La direction ............................................................................................ 14

    B. Les actionnaires ..................................................................................... 15

    C. Le conseil d’administration.................................................................... 16

    D. Les gouvernements ................................................................................ 16

    IV. La gestion du risque fiscal : une pratique de saine gouvernance ? ..... 17

    A. Le modèle traditionnel de référence ...................................................... 17

    B. La politique de gestion du risque fiscal : les éléments à considérer ...... 18

    C. Quel est le rôle de la direction ? ............................................................. 19

    D. Quel est le rôle du conseil d’administration ? ........................................ 21

    Mot de la fin ......................................................................................................... 24

    Bibliographie ....................................................................................................... 25

    Annexe 1 – Le cadre de gestion du risque fiscal ............................................... 29

    Annexe 2 – La recherche académique portant sur la composition du conseil

    d’administration .................................................................................................. 30

  • 5

    Introduction

    L’impôt est une charge importante d’exploitation qui influe sur les résultats et

    la situation financière d’une entreprise. C’est pourquoi la direction des entreprises

    tente de minimiser cette charge en faisant appel à une panoplie de stratégies

    fiscales, incluant celles qui respectent l’esprit de la loi et celles considérées

    comme « agressives ».

    L’utilisation de stratégies fiscales agressives1 est susceptible d’augmenter le

    risque fiscal à un niveau possiblement inacceptable. De telles stratégies sont

    souvent perçues par le public comme un manquement à l’éthique et une entrave à

    la responsabilité sociale des entreprises. Afin de pallier cette situation, de

    nombreux auteurs préconisent d’améliorer la gouvernance d’entreprise et

    d’accroître la transparence de l’information financière des sociétés.

    De plus en plus d’investisseurs, d’analystes financiers et de chercheurs

    examinent les écarts entre le bénéfice avant impôts et le revenu imposable. Un

    rapport présenté au Congrès américain a remis en cause les pratiques d’affaires de

    la société Enron qui affichait un revenu imposable nul de 1996 à 1999 alors

    qu’elle déclarait pour la même période des bénéfices comptables de 2,3 milliards

    de dollars2. Des analystes financiers aux États-Unis ont aussi blâmé les auditeurs

    externes de ne pas s’être souciés de l’écart entre le bénéfice avant impôts et le

    revenu imposable de la société WorldCom3.

    L’attention grandissante accordée à la responsabilité sociale a nettement

    contribué à remettre en question la stratégie de minimisation des impôts. De nos

    jours, l’entreprise se doit d’agir en bon citoyen corporatif en payant sa juste part

    des impôts.

    1Dans ce document, les expressions « stratégie fiscale agressive» et « planification fiscale agressive » englobent les concepts d’« évitement fiscal » et d’« évasion fiscale ». 2Report of Investigation of Enron Corporation and Related Entities Regarding Federal Tax and Compensation Issues, and

    Policy Recommendations, vol. I-III, US Congress, JCS-3-03, Washington, D.C., février 2003. 3 Fortune, 12 août 2002.

  • 6

    Les entreprises devraient être proactives dans le maintien de leur image et de

    leur réputation. Elles doivent déterminer et évaluer leur risque fiscal. Une étude

    de KPMG publiée en 2004 révèle que, malgré le fait que les dirigeants aient

    l’obligation de maximiser la richesse des actionnaires, la minimisation du fardeau

    fiscal d’une société par le strict respect de la loi n’est plus une pratique

    acceptable. Un tel comportement pourrait nuire à la réputation de la société et

    détruire la richesse des actionnaires (Owens, 2005).

    Le risque fiscal est souvent ignoré parce que la direction estime généralement

    que la fiscalité est un sujet technique qui présente peu d’intérêt pour les

    actionnaires, les investisseurs et les autres parties prenantes. Lorsque le risque

    fiscal est pris en compte, il est souvent considéré comme peu élevé. En

    conséquence, la direction délègue la gestion de ce risque au service de la fiscalité

    sans que le conseil d’administration y prenne la moindre part.

    Ignorer ou minimiser le risque fiscal peut aller à l’encontre de l’objectif de

    maximiser la richesse des actionnaires. En effet, le cours des actions peut subir

    l’impact des considérations sociales et éthiques.

    La fiscalité constitue une dimension de plus en plus importante de la

    responsabilité sociale des entreprises dans le contexte actuel où les

    gouvernements tentent par tous les moyens de réduire leur déficit. Le public est

    peu tolérant et particulièrement critique à l’égard des fraudes fiscales qui font la

    manchette des journaux.

    Les gouvernements redoublent d’effort pour contrer les planifications fiscales

    agressives. Par exemple, en 2004, l’Agence du revenu du Canada identifiait le

    phénomène des planifications fiscales agressives comme l’un des principaux

    risques d’inobservation fiscale. Les membres du Forum sur l’administration

    fiscale de l’Organisation de coopération et de développement économiques

    (OCDE) ont rédigé, en 2006, la Déclaration de Séoul :

  • 7

    « L’application de nos droits fiscaux respectifs est aujourd’hui plus

    difficile car la libéralisation du commerce et des capitaux et les progrès

    technologiques ouvrent à un nombre croissant de contribuables les portes

    du marché mondial. Cet environnement économique plus ouvert est certes

    propice aux affaires et à la croissance mondiale, il peut toutefois mener à

    la mise en place de structures en marge de la réglementation fiscale et de

    schémas et pratiques, de la part des contribuables tant nationaux

    qu’étrangers, qui favorisent le non-respect de nos droits fiscaux

    respectifs4. »

    La Déclaration de Séoul contient un certain nombre de recommandations

    visant à freiner l’inobservation fiscale, notamment l’obligation de divulguer les

    planifications fiscales agressives et le renforcement des systèmes de sanctions.

    Plusieurs pays comme le Canada, les États-Unis et le Royaume-Uni ont déjà mis

    en place des règles de divulgation obligatoire.

    Outre le renforcement des systèmes de sanctions, la Déclaration de Séoul fait

    la recommandation suivante :

    « Encourager les dirigeants et les comités d’audit des grandes entreprises

    (par ex. les PDG et les membres des conseils d’administration) à

    s’intéresser de plus près et à assumer la responsabilité de leurs stratégies

    fiscales5. »

    Cette leçon inaugurale porte sur la gestion du risque fiscal dans le cadre des

    pratiques de saine gouvernance.

    4 OCDE, Déclaration de Séoul, (2006), p.3. 5 Ibid., note 4, p. 5.

  • 8

    I. Le risque fiscal : contexte et définition

    L’impôt est une charge importante d’exploitation d’une entreprise. Même si

    cette charge fiscale est inévitable, la direction de l’entreprise a la responsabilité de

    la gérer. À cette fin, la direction peut faire appel à une variété de stratégies

    fiscales, plus ou moins élaborées, qui lui permettent de minimiser le fardeau fiscal

    de l’entreprise et, en conséquence, son taux d’imposition effectif6.

    Traditionnellement, la direction d’une entreprise cherche des moyens pour

    minimiser les impôts même si ces moyens risquent de contrevenir aux lois

    fiscales. Cela veut dire que la direction ignore ou sous-estime le risque de non-

    conformité fiscale (KPMG, 2006). Cette façon de faire satisfait le conseil

    d’administration et les actionnaires puisque ces derniers jugent que le risque fiscal

    est généralement peu élevé et considèrent que la conformité fiscale est une

    préoccupation des autorités fiscales et des tribunaux.

    Toutefois, les scandales financiers des dernières années et les pressions

    sociales obligent les parties prenantes des entreprises, notamment la direction et le

    conseil d’administration, à remettre en question l’évaluation du risque fiscal et sa

    gestion. On semble admettre qu’une stratégie de minimisation des impôts et de

    gestion du taux d’imposition effectif pourrait entraîner un niveau de risque fiscal

    inacceptable. En effet, les économies d’impôts réalisées pourraient être bien

    inférieures au coût résultant de la détérioration de la réputation de l’entreprise.

    6 Il existe plusieurs définitions du taux d’imposition effectif. Parmi ces définitions, il y a le rapport entre la charge d’impôts

    exigibles et le bénéfice avant impôts ou le ratio du montant d’impôts payés par rapport au bénéfice avant impôts.

  • 9

    A. Les catégories de risques fiscaux

    Il existe plusieurs catégories de risques fiscaux. La connaissance de ces

    dernières peut aider la direction à mieux gérer le risque fiscal de l’entreprise.

    Albert (2006) propose le classement en sept catégories suivant :

    Le risque transactionnel est lié à la mise en œuvre d’une transaction et

    à la documentation de celle-ci.

    Le risque d’activité porte sur l’application des lois fiscales et des

    règlements aux activités courantes d’une entreprise.

    Le risque de conformité concerne les procédures, les systèmes et les

    processus utilisés par une entreprise pour la préparation des

    déclarations de revenus et des audits fiscaux7.

    Le risque de portefeuille ou risque financier découle de l’effet

    combiné sur les résultats si les trois risques cités ci-dessus surviennent

    en même temps. Notons que ce risque peut apparaître dans deux

    situations opposées. Il peut naître :

    o de l’utilisation de planifications agressives qui, à la suite d’un

    audit des autorités fiscales, seraient de nature à nécessiter des

    débours importants de la part de l’entreprise ;

    o d’un excès de prudence de la part de l’entreprise, laquelle

    accepte de payer plus que sa juste part d’impôts.

    Le risque d’information comptable a trait aux erreurs d’estimations de

    la charge d’impôts et des impôts différés, incluant les manquements à

    l’obligation de documentation et d’évaluation des contrôles internes

    afférents à la présentation de l’information financière. Ce risque peut

    être significatif puisque la charge d’impôts a un impact sur le montant

    du résultat net et sur l’évaluation de la performance de l’entreprise.

    Le risque de gestion inadéquate de l’ensemble des risques fiscaux.

    Le risque de réputation a trait aux répercussions potentielles pour une

    société si des informations négatives à son égard deviennent publiques.

    7 Le risque de non-conformité peut résulter d’une inadvertance, de l’ignorance, de la complexité du droit fiscal ou encore d’un problème de communication au sein de l’entreprise.

  • 10

    Selon certains experts (Albert, 2006 ; Neubig et Sangha, 2004 ; Erle, 2008),

    la saine gestion de trois des risques cités ci-dessus, soit le risque de portefeuille, le

    risque d’information comptable, et le risque de réputation devrait être à l’ordre du

    jour du conseil d’administration de toutes les entreprises.

    B. Le cas particulier du risque de réputation

    La réputation d’une entreprise est un actif précieux dont la valeur implicite est

    souvent élevée. Le Conference Board américain a publié, en 2009, une étude qui

    rapporte les résultats d’un sondage réalisé auprès de 148 cadres de 131 entreprises

    à travers le monde. Selon ce sondage, 82 % des répondants ont indiqué qu’ils

    faisaient des efforts substantiels pour gérer le risque de réputation et 74 %

    considéraient que la réputation peut avoir une incidence significative sur le cours

    boursier de l’entreprise.

    La réputation d’une entreprise est fonction de plusieurs facteurs, notamment la

    qualité des biens et des services qu’elle produit et sa conformité aux lois et aux

    règlements tels ceux portant sur l’environnement, les relations de travail et la

    fiscalité.

    La direction, le conseil d’administration et les actionnaires doivent se

    préoccuper du risque de réputation et de son effet sur la santé financière de

    l’entreprise. La seule conformité aux lois et aux règlements pourrait ne pas être

    suffisante pour préserver la réputation d’une entreprise. Bien qu’elles soient

    techniquement acceptables, certaines stratégies fiscales agressives sont

    susceptibles de causer des dommages à la réputation d’une entreprise si elles

    étaient diffusées dans les médias (Freedman, 2010, p. 123).

    L’intérêt des médias pour la fiscalité est plutôt mitigé. Ce manque de

    préoccupation convient à la direction des entreprises, qui profite en quelque sorte

    de cette indifférence pour ne pas accorder la priorité au risque fiscal. À cet égard,

  • 11

    une enquête menée en 2007 par l’Oxford University Center for Business Taxation

    rapporte ce qui suit :

    « Corporation tax issues seem to be too complex or obscure for the media

    and the public to understand. Accordingly, the issues are not covered in

    the media or they go unnoticed by the public.8 »

    La situation semble changer. Par exemple, l’extrait suivant, tiré d’un article de

    Vanessa Houlder publié dans le Financial Times du 8 novembre 2010, révèle que

    les médias accordent maintenant une plus grande place à la fiscalité.

    « Tax is becoming an important source of reputation risk. Increasingly,

    businesses are weighing up whether they are vulnerable to attack and how

    they should respond if they become the target of a campaign. The risks

    might seem limited by the dry, complex nature of corporate tax planning,

    which does not lend itself to eye-catching campaigns. But over the past

    decade campaigners have begun to focus on it with the same zeal as they

    apply to more immediately emotional issues such as the environment or

    child labour. »

    Sur le plan académique, un nombre plutôt limité d’études ont examiné la

    relation entre l’utilisation de stratégies fiscales agressives et la réputation de

    l’entreprise. Parmi les recherches dans ce domaine, mentionnons les trois

    suivantes :

    Deslandes et Landry (2011) concluent que les entreprises canadiennes de

    grande taille, soit celles davantage préoccupées par le risque de réputation,

    semblent moins agressives au point de vue fiscal.

    Chen et al. (2010) concluent que les entreprises familiales américaines ont

    un comportement moins agressif au point de vue fiscal que les autres

    entreprises. Selon ces auteurs, les entreprises familiales se soucient

    davantage de l’effet d’un audit de l’Internal Revenue Service (IRS) sur la

    réputation de leur entreprise.

    8 Freedman et al., (2007), p.40.

  • 12

    Hanlon et Slemrod (2009) ont examiné la réaction des marchés à la suite

    de l’annonce parue dans le Citizens for Tax Justice Report selon laquelle

    une entreprise fait appel à des abris fiscaux ou est désignée comme payant

    peu d’impôts. Ils observent, pour ces entreprises, des rendements négatifs

    anormaux, lesquels sont plus importants pour les entreprises œuvrant dans

    le commerce de détail. Ils expliquent ce résultat par le risque d’atteinte à la

    réputation si les consommateurs apprennent que l’entreprise utilise des

    abris fiscaux.

    II. Le risque fiscal : pourquoi s’en préoccuper ?

    Les préoccupations sociales des dernières années ont contribué à mettre

    l’accent sur la nécessité pour une entreprise d’agir en bon citoyen corporatif sur le

    plan fiscal. La responsabilité sociale des entreprises est la façon dont les

    entreprises intègrent les préoccupations sociales, environnementales et

    économiques à leurs valeurs, à leur culture, à leur prise de décisions, à leurs

    stratégies et à leurs activités d’une manière transparente et responsable. Il s’agit

    ainsi de la manière d’instaurer des pratiques exemplaires, de créer de la richesse et

    d’améliorer la société (Industrie Canada, 2006, p. 5).

    De cette définition, on peut déduire que la fiscalité est un enjeu important de

    la responsabilité sociale des entreprises car les impôts permettent aux

    gouvernements de stimuler l’économie et de répartir la richesse. La fiscalité

    devrait être une préoccupation importante des parties prenantes de l’entreprise

    notamment pour les raisons suivantes :

    Les marchés se mondialisent avec, comme conséquences, un accent qui est mis sur le commerce transfrontalier et une augmentation de la complexité

    des opérations commerciales.

    Les gouvernements et les organismes tels que l’OCDE élaborent des lignes directrices qui exposent des normes sociales de conduite acceptable.

  • 13

    Le public est devenu plus méfiant par suite des manquements graves et notoires à l’éthique d’entreprise.

    Les militants interviennent en rappelant aux entreprises leurs obligations quant au respect de normes de diligence sociale et environnementale, peu

    importe le pays où elles exercent leurs activités.

    Les gouvernements ont une capacité limitée à s’attaquer, par l’entremise de lois ou de règlements, efficacement à tous les enjeux de la

    responsabilité sociale des entreprises.

    Dans la mesure où l’on accepte que la fiscalité relève de la responsabilité

    sociale, les entreprises doivent accepter de payer leur juste part d’impôts même si

    cela semble aller à l’encontre de l’objectif de maximisation de la richesse des

    actionnaires. Elles doivent également être plus transparentes à l’égard des

    stratégies fiscales qu’elles adoptent et divulguer l’information pertinente aux

    autorités fiscales (Actionaid, 2011).

    Le fait de considérer le paiement des impôts des entreprises comme un

    élément de la responsabilité sociale comporte des avantages : cela permet une

    gestion plus efficace du risque de réputation et des risques financiers sur un

    marché mondial et assure de meilleures relations avec les autorités

    gouvernementales.

  • 14

    III. La gestion du risque fiscal : quelles sont les parties

    prenantes ?

    Selon l’OCDE9, « le gouvernement d’entreprise fait référence aux relations

    entre la direction d’une entreprise, son conseil d’administration, ses actionnaires

    et d’autres parties prenantes. Il détermine également la structure par laquelle sont

    définis les objectifs d’une entreprise, ainsi que les moyens de les atteindre et

    d’assurer une surveillance des résultats obtenus. »

    Le cadre de gouvernance dépend aussi de l'environnement juridique, fiscal,

    réglementaire et institutionnel. En outre, des facteurs tels que l’éthique des

    affaires et la sensibilisation des entreprises aux intérêts environnementaux et

    sociétaux des communautés dans lesquelles une entreprise opère peuvent avoir un

    impact sur sa réputation et son succès à long terme (Owens, 2008).

    En conséquence, il est nécessaire d’aborder la gestion du risque fiscal en

    prenant en compte les objectifs poursuivis par les parties prenantes de l’entreprise,

    notamment la direction, les actionnaires, le conseil d’administration et les

    gouvernements10

    (annexe 1).

    A. La direction

    La direction d’une entreprise a comme principal objectif de maximiser la

    richesse des actionnaires. L’atteinte de cet objectif peut nécessiter que la direction

    adopte des comportements agressifs sur le plan fiscal. Selon Weisbach (2002),

    l’utilisation de planifications fiscales agressives permet de maximiser la richesse

    des actionnaires car les économies d’impôts comme celles réalisées au moyen

    d’abris fiscaux appartiennent aux actionnaires. Certains chercheurs américains ont

    développé des modèles analytiques illustrant ces propos. Par exemple :

    9 OCDE, Principes de gouvernement d’entreprise de l’OCDE, 2004, p. 11. 10 Les salariés, les clients, les créanciers, les fournisseurs, les organisations non gouvernementales et autres organisations sont également des parties prenantes, mais elles ne sont pas analysées dans ce document.

  • 15

    Desai et al. (2007) proposent un modèle, dérivé de la théorie de la

    délégation (agency theory), dans lequel le gouvernement (le mandant ou

    principal) s’approprie, par le truchement des impôts, une partie des

    bénéfices de l’entreprise au détriment des actionnaires et de la direction.

    En conséquence, les entreprises optent pour des stratégies fiscales qui leur

    permettent de minimiser leurs impôts. Ces stratégies ont pour effet :

    o de créer des failles dans le système de contrôles internes de

    l’entreprise en le rendant moins efficace ;

    o d’obliger les autorités fiscales à mettre en place des mesures

    dissuasives et de détection de ces stratégies.

    Chen et Chu (2005) font aussi appel à la théorie de la délégation pour

    élaborer un modèle qui permet d’expliquer le recours à l’évasion fiscale

    par une entreprise. Ils démontrent que l’adoption de stratégies d’évasion

    fiscale a pour effet de réduire l’efficacité des contrôles internes d’une

    entreprise et de faciliter l’appropriation de bénéfices privés par la

    direction. Il en est ainsi car le contrat de rémunération du dirigeant est

    incomplet, les actionnaires étant incapables d’obliger la direction à fournir

    les efforts désirés à cause du caractère confidentiel de l’évasion fiscale.

    B. Les actionnaires

    L’objectif des actionnaires comme partie prenante de l’entreprise est de tirer

    un rendement maximal de leur investissement. Cet objectif incite la direction à

    mettre en œuvre des stratégies fiscales agressives qui visent à minimiser les

    impôts (Slemrod, 2004).

    Paradoxalement, il est possible que la direction accepte de s’engager dans un

    litige fiscal coûteux dont l’issue pourrait ne pas être favorable à l’entreprise. Une

    telle décision qui ne prendrait pas en compte le risque fiscal pourrait non

    seulement entraîner des frais légaux importants, mais aussi nuire à la réputation

    de l’entreprise, particulièrement si le litige devient connu du public.

  • 16

    Par ailleurs, la prise en compte du risque fiscal n’implique pas nécessairement

    que la direction doive adopter des stratégies fiscales plus prudentes que celles

    d’autres entreprises du même secteur d’activités car ceci irait à l’encontre de

    l’objectif de maximisation de la richesse des actionnaires (Packard, 2010). Les

    actionnaires doivent accepter que la direction poursuive un objectif d’optimisation

    plutôt que de minimisation des impôts.

    C. Le conseil d’administration

    Le conseil d’administration devrait se préoccuper de la gestion du risque fiscal

    compte tenu des enjeux financiers et de l’impact sur la réputation de l’entreprise.

    Hélas, cela ne semble pas être toujours le cas (Owens, 2008).

    Le conseil d’administration devrait, en raison de son rôle de surveillance,

    contribuer efficacement à la gestion du risque fiscal. Il devrait discuter et

    approuver la politique de gestion du risque fiscal et s’assurer que cette dernière

    est clairement communiquée aux intéressés afin qu’elle soit suivie et respectée.

    D. Les gouvernements

    Les gouvernements sont une partie prenante dont l’importance a augmenté au

    cours des dernières années. La mondialisation des marchés a modifié

    substantiellement la façon de faire des affaires. Les opérations commerciales sont

    de plus en plus complexes, ce qui rend difficile l’audit fiscal.

    Les autorités fiscales de différents pays se concertent et coordonnent leurs

    efforts afin de contrer les abus et de préserver et même d’augmenter leurs recettes.

    Au Canada, les autorités fiscales participent à des programmes d’échange

    d’informations avec d’autres pays développés et émergents. Comme le font

    d’autres pays, les autorités fiscales canadiennes ont révisé les programmes d’audit

    des grandes entreprises en prenant en considération la qualité de la gouvernance

    de l’entreprise, la transparence et le degré de collaboration de la direction.

  • 17

    IV. La gestion du risque fiscal : une pratique de saine

    gouvernance ?

    A. Le modèle traditionnel de référence

    La principale référence en matière de gestion des risques est le COSO11

    (enterprise risk management ou ERM), lequel constitue un moyen d’améliorer la

    gouvernance d’entreprise. Le COSO ERM définit la gestion des risques comme

    suit :

    « Le management des risques est un processus mis en œuvre par le conseil

    d’administration, la direction générale, le management et l’ensemble des

    collaborateurs de l’organisation. Il est pris en compte dans l’élaboration de

    la stratégie ainsi que dans toutes les activités de l’organisation. Il est conçu

    pour identifier les événements potentiels susceptibles d’affecter

    l’organisation et pour gérer les risques dans les limites de son appétence

    pour le risque. Il vise à fournir une assurance raisonnable quant à l’atteinte

    des objectifs de l’organisation. »

    Le cadre de référence du COSO ERM identifie quatre catégories d’objectifs :

    les objectifs stratégiques, qui servent à établir la mission de

    l’entreprise ;

    les objectifs opérationnels, qui visent l’utilisation efficace et efficiente

    des ressources ;

    les objectifs de publication de l’information financière, qui visent à

    s’assurer de la fiabilité de cette dernière ;

    les objectifs de conformité, qui concernent le fait de se conformer aux

    lois et aux règlements applicables.

    La direction de l’entreprise peut contrôler le risque fiscal en prenant en

    compte les quatre objectifs énumérés ci-dessus (annexe 1). Par exemple, en ce qui

    concerne les objectifs stratégiques, elle évalue le risque découlant de l’utilisation

    de stratégies fiscales agressives en prenant en compte leurs effets sur l’image et la

    11COSO est l’acronyme de Committee Of Sponsoring Organizations of the Treadway Commission.

  • 18

    réputation de l’entreprise si ce fait était rendu public. De même, pour ce qui est

    des objectifs opérationnels, de publication de l’information financière et de

    conformité, la direction évalue l’impact de la mondialisation sur les opérations de

    l’entreprise.

    Une saine gestion des risques d’entreprise requiert que le conseil

    d’administration, le comité d’audit, la direction et le service de la fiscalité

    interagissent pour définir une politique de gestion du risque fiscal acceptable

    (Erle, 2008 ; Neubig et Sangha, 2004). Il s’agit d’une étape importante car ces

    diverses parties prenantes poursuivent des objectifs différents et ont probablement

    une compréhension des risques et des niveaux de tolérance au risque qui

    divergent.

    Une fois la politique de gestion du risque fiscal établie, le conseil

    d’administration doit veiller à ce que la direction mette en place les contrôles

    nécessaires au respect de cette politique. Cet accent sur les contrôles est d’autant

    plus important depuis l’entrée en vigueur de la section 404 de la loi Sarbanes-

    Oxley (SOX) aux États-Unis et du Règlement 52-109 au Canada, lesquels exigent

    que les sociétés ouvertes documentent et testent les contrôles relatifs aux activités

    de préparation des états financiers, ce qui inclut les contrôles relatifs à la gestion

    de la fonction fiscale.

    B. La politique de gestion du risque fiscal : les éléments à

    considérer

    La politique de gestion du risque fiscal doit être élaborée en tenant compte des

    valeurs éthiques et d’intégrité de l’entreprise et permettre à la direction d’adopter

    des comportements cohérents par rapport à ces valeurs. Elle doit considérer les

    objectifs stratégiques, opérationnels, de publication de l’information financière et

    de conformité de l’entreprise.

  • 19

    La politique de gestion du risque fiscal doit, entre autres :

    définir le niveau acceptable du risque fiscal ;

    proscrire certaines pratiques fiscales, comme celles qui ont pour seul objet

    de minimiser les impôts, tels le transfert de propriété intellectuelle dans un

    territoire moins taxé sans autres motifs économiques ;

    prévoir les paramètres pour les négociations (lobby) avec les autorités

    fiscales ;

    assurer la pleine transparence ; par exemple, la politique devrait exiger que

    l’impact fiscal de toute décision d’affaires importante soit bien précisé et

    clairement communiqué à la direction et au conseil d’administration ;

    être diffusée tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’entreprise ;

    voir à ce que les personnes chargées de son application la comprennent

    bien.

    C. Quel est le rôle de la direction ?

    C’est à la direction qu’incombe la tâche d’identifier les risques d’entreprise et

    de mettre en place les politiques d’encadrement appropriées et de communication

    de l’information. La direction a donc la responsabilité d’élaborer la politique de

    gestion du risque fiscal, laquelle doit être approuvée par le conseil

    d’administration. Une fois cette politique établie, la direction délègue la gestion

    du risque fiscal au service de la fiscalité de l’entreprise, service qui relève de la

    direction des finances ou directement de la direction.

    Afin de s’assurer d’une gestion adéquate du risque fiscal, la direction doit

    fixer les paramètres de fonctionnement du service de la fiscalité. Voici certaines

    considérations à ce propos.

    Les ressources

    La direction doit voir à ce que le service de la fiscalité ait les ressources

    humaines, financières et matérielles pour mener à bien son travail. Le manque de

    ressources peut augmenter le risque fiscal à un niveau inacceptable.

  • 20

    La structure

    Le service de la fiscalité peut fonctionner comme un centre de profit, c’est-à-

    dire qu’il génère des économies d’impôts en sus de ses coûts, ou comme un centre

    de coûts ayant pour seule responsabilité de contrôler ses coûts, sans objectif de

    profit. L’organisation du service de la fiscalité en centre de profit peut entraîner

    un niveau de risque fiscal inacceptable. À cet égard, Robinson et al. (2010)

    rapportent que les entreprises dont le service de la fiscalité est structuré comme un

    centre de profit ont un taux d’imposition effectif nettement inférieur à celles dont

    le service est structuré comme un centre de coûts.

    Un taux d’imposition effectif anormalement bas peut indiquer un risque fiscal

    élevé. Par conséquent, l’organisation du service de la fiscalité en un centre de

    profit devrait prévoir des contrôles permettant d’assurer que les employés du

    service fassent des choix fiscaux qui ne contreviennent pas à la politique de

    gestion du risque fiscal. En l’absence de contrôles, ces employés pourraient avoir

    tendance à choisir des positions et des stratégies fiscales agressives susceptibles

    d’augmenter la « rentabilité » du service de la fiscalité. Même si ces positions et

    stratégies sont techniquement acceptables, elles pourraient fort bien aller à

    l’encontre de la politique de gestion du risque fiscal de l’entreprise et faire

    obstacle à la maximisation de la richesse à long terme des actionnaires en nuisant

    à la réputation et à l’image de l’entreprise.

    La rémunération

    La direction doit établir la rémunération des employés du service de la

    fiscalité en prenant en compte les conditions du marché de façon à retenir les

    meilleurs talents. Ce faisant, elle doit aussi s’assurer que cette rémunération est en

    lien avec la politique de gestion du risque fiscal. Faute d’une telle précaution, le

    personnel du service de la fiscalité pourrait être amené à prendre plus de risques.

  • 21

    D. Quel est le rôle du conseil d’administration ?

    Même si la tâche d’identifier le risque fiscal et de mettre en place les

    politiques d’encadrement appropriées incombe à la direction, il importe que le

    conseil d’administration soit en mesure d’évaluer la gestion du risque fiscal. À cet

    effet, en plus de la Déclaration de Séoul, l’OCDE réitère cette nouvelle

    responsabilité du conseil d’administration dans un document publié en 2009 :

    « Leading practice boards in many countries are mandating that tax risk

    be managed like any other enterprise risk. Recent international surveys by

    major accounting firms indicate that tax risk management is increasingly

    gaining acceptance at board level. Findings include that senior executives

    are increasingly looking for better insights into tax because of its potential

    material impact on financial statements and that the tax function can no

    longer focus solely on tax compliance and managing the effective tax rate.

    CEOs and boards are asking more complex questions about how their

    organisation manages its tax risk exposure12

    . »

    De leur côté, les grands cabinets d’experts-comptables (KPMG, 2004 et

    2011 ; PriceWaterhouseCoopers, 2005 et 2010 ; Deloitte, 2007 et 2009 ; Ernst &

    Young, 2008 et 2011) contribuent à sensibiliser les entreprises et les conseils

    d’administration à l’importance de la gestion du risque fiscal en publiant des

    documents d’information sur le sujet.

    Une saine gouvernance implique que le conseil d’administration soit en

    mesure d’évaluer les risques financiers et le risque de réputation des stratégies

    fiscales utilisés par les entreprises (Owens, 2008). Il faut que les administrateurs

    aient une bonne compréhension des questions fiscales importantes qui découlent

    des activités de l’entreprise. À cette fin, les administrateurs doivent :

    être en mesure de discuter, de débattre et d’apprécier la politique

    d’ensemble de gestion du risque fiscal (Packard, 2010) ;

    s’enquérir de la qualité de la relation que l’entreprise entretient avec

    les instances fiscales, le niveau d’audit de ses affaires13

    ;

    12 OCDE, Tax Guidance Series – Information Note – General Administrative Principles : Corporate Governance and Tax

    Risk Management, 2009, p. 7. 13 Ibid., p.10.

  • 22

    assumer leurs responsabilités en veillant à ce que les exigences en

    matière de communication de l’information fassent que les risques

    fiscaux significatifs soient soumis au conseil d’administration et/ou au

    comité d’audit14

    .

    Une saine gestion du risque fiscal sous-tend qu’au moins un membre du

    conseil d’administration possède une connaissance suffisante en fiscalité pour être

    en mesure d’apprécier les risques inhérents et de prendre des décisions adéquates.

    Packard (2010) souligne l’importance pour le conseil d’administration de

    posséder l’expertise qui répond aux besoins de l’entreprise. Dans la mesure où les

    compétences requises sont absentes, il importe de revoir la composition du conseil

    d’administration afin de déterminer et de recruter les ressources qui permettront

    de répondre à ces besoins (Packard, 2010).

    Le recours à des conseillers spéciaux pour compenser le manque d’expertise

    dans un domaine particulier, par exemple en matière de rémunération, n’est pas

    souhaitable lorsqu’il s’agit de la fiscalité (Packard, 2010). En effet, la complexité

    des planifications fiscales de même que l’importance relative des montants en

    cause peuvent nécessiter qu’un des membres du conseil d’administration soit un

    expert en fiscalité ou à tout le moins ait une bonne connaissance dans ce domaine.

    La recherche académique qui examine le lien entre la qualité de la

    gouvernance d’une entreprise et le recours à des stratégies fiscales agressives

    n’est pas concluante. Par exemple :

    Desai et Dharmapla (2006) se fondent sur la théorie de la délégation

    pour déterminer si la rémunération incitative des dirigeants favorise le

    recours à des stratégies fiscales agressives et si la qualité de la

    gouvernance d’une société, mesurée par l’indice de Gompers, influe

    sur cette relation. Ils confirment que plus la rémunération des

    dirigeants est constituée d’options d’achat d’actions, moins

    14 Ibid., p.10.

  • 23

    l’utilisation de stratégies fiscales agressives est grande,

    particulièrement pour les sociétés ayant une gouvernance de faible

    qualité.

    Hanlon et Slemrod (2009) confirment que, pour les entreprises ayant

    une gouvernance de qualité, il existe une relation plutôt faible entre la

    divulgation par les médias de l’utilisation de stratégies fiscales

    agressives et la valeur de l’entreprise.

    Hanlon et al. (2007) ont examiné la relation entre les caractéristiques

    des sociétés ayant fait l’objet d’un audit par l’IRS et la qualité de leur

    gouvernance. Leurs résultats n’ont pas permis de confirmer cette

    relation.

    Le conseil d’administration est considéré comme un mécanisme de

    gouvernance efficace permettant d’assurer la protection des intérêts des

    actionnaires (Fama et Jensen, 1983). Il peut ainsi servir à maintenir un certain

    équilibre entre les coûts et les bénéfices liés à l’utilisation de stratégies fiscales

    agressives.

    Plusieurs études ont analysé le lien entre la composition du conseil

    d’administration et/ou du comité d’audit et la gouvernance. Par exemple, on a

    observé que l’indépendance des membres du conseil d’administration est une

    caractéristique importante car les membres indépendants ont une plus grande

    incitation à assumer adéquatement leur rôle de surveillance (Fama et Jensen,

    1983 ; Beasley et al., 2005). De la même façon, on rapporte qu’un comité d’audit

    indépendant évalue plus objectivement les contrôles internes et la divulgation de

    l’information de nature financière (Abbott et al., 2004). Enfin, l’expertise des

    membres du conseil d’administration ou du comité d’audit est aussi nécessaire

    (Krishnan et Visvanathan, 2008 ; Bédard et al., 2004). L’annexe 2 présente un

    sommaire d’autres études.

  • 24

    Par ailleurs, la recherche empirique analysant spécifiquement l’impact de la

    composition du conseil d’administration (ou du comité d’audit) sur la gestion du

    risque fiscal est plutôt rarissime. Par exemple :

    Lanis et Richardson (2011) rapportent, pour un échantillon de sociétés

    australiennes, que la présence de membres indépendants au conseil

    d’administration diminue l’agressivité fiscale des entreprises.

    Deslandes et Landry (2011) suggèrent un lien entre l’expertise des

    membres du comité d’audit et l’agressivité fiscale. Toutefois, les

    résultats de l’étude de ces auteurs ne permettent pas de conclure à

    l’existence d’une relation entre la présence d’un membre indépendant

    et l’agressivité fiscale.

    Mot de la fin

    Le conseil d’administration ne devrait pas avoir une attitude « distante » face

    à la gestion du risque fiscal. La mondialisation des marchés a transformé

    substantiellement la façon de faire des affaires, rendant aussi les opérations

    commerciales plus complexes. Les choix fiscaux entourant ces opérations ne

    doivent pas être laissés à la seule discrétion des fiscalistes et de la direction de

    l’entreprise. Une mauvaise gestion du risque fiscal peut causer des torts

    irréparables à l’entreprise tant au point de vue financier que sur le plan de sa

    réputation. Il importe donc que le conseil d’administration s’assure que la

    direction de l’entreprise mette en place une politique de gestion du risque fiscal

    élaborée selon les normes éthiques et les valeurs de l’entreprise. Cette politique

    devrait établir le niveau de risque fiscal jugé acceptable et exiger que l’impact

    fiscal de toute décision d’affaires importante soit bien déterminé et clairement

    communiqué au conseil d’administration.

  • 25

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  • 29

    Annexe 1 – Le cadre de gestion du risque fiscal

    Risque fiscal

    Stratégique

    Financier

    De

    conformité

    Opérationnel

    Réputation

    Intégrité

    Éthique

    Transparence

    ActionnairesConseil d’administration

    Comité d’audit

    Gouvernements

    Autres parties prenantes

    DirectionFinances Fiscalité

    Autres

  • 30

    Annexe 2 – La recherche académique portant sur la

    composition du conseil d’administration

    Plusieurs études analysent la relation entre la composition du conseil

    d’administration et/ou du comité d’audit et la gouvernance. Voici un sommaire de

    certaines de ces études.

    Les études suivantes concernent l’indépendance des membres du conseil

    d’administration :

    Beasley et al. (2005) rapportent que plus le conseil d’administration

    est indépendant, plus le niveau d’implantation d’une politique de

    gestion intégrée des risques est élevé.

    Beasley (1996) constate que la présence de membres indépendants au

    conseil d’administration réduit la probabilité de fraudes financières.

    Klein (2002) estime qu’un conseil d’administration formé à plus de

    50 % de membres indépendants a pour effet de réduire la possibilité

    d’une manipulation des résultats. Les constats d’Ebrahim (2007) vont

    dans le même sens.

    Ahmed et Duellman (2007) concluent qu’une plus grande présence de

    membres indépendants au conseil d’administration contraint les

    sociétés à utiliser des pratiques comptables conservatrices.

    L’indépendance des membres du comité d’audit est aussi une caractéristique

    essentielle. Les résultats des études suivantes indiquent que l’indépendance du

    comité d’audit est un mécanisme de gouvernance capable d’améliorer l’efficacité

    des contrôles internes d’une entreprise.

    Klein (2002) rapporte qu’un comité d’audit indépendant, dont plus de

    50 % des membres sont issus de l’extérieur, réduit la probabilité d’une

    manipulation des résultats. Ce constat n’est toutefois pas confirmé

    lorsque le comité d’audit est entièrement composé de membres

    indépendants.

  • 31

    Bédard et al. (2004) et Ebrahim (2007) obtiennent des résultats

    contraires à ceux de Klein (2002) et concluent que seule la présence

    d’un comité d’audit totalement indépendant a pour incidence de

    réduire la manipulation des résultats.

    Abbott et al. (2004) considèrent que la présence d’un comité d’audit

    totalement indépendant réduit la probabilité d’un retraitement des états

    financiers.

    Le degré d’indépendance du conseil d’administration et du comité d’audit peut

    être moindre si la présidence du conseil et la direction de la firme sont sous la

    tutelle d’une même personne, comme le démontrent les études suivantes :

    Abbott (2000) constate une relation positive, quoique marginale, entre

    la dualité des rôles et la probabilité d’obtenir une sanction de la

    Securities and Exchange Commission (SEC) pour fraude financière ou

    comptabilité agressive.

    Farber (2005) remarque que la probabilité que les rôles de chef de la

    direction et de président du conseil soient assumés par la même

    personne est plus grande pour les sociétés ayant commis une fraude

    que pour celles n’en ayant pas commis.

    L’expertise des membres du conseil d’administration et du comité d’audit est

    aussi une caractéristique fondamentale. Les études suivantes appuient ces propos :

    Krishnan et Visvanathan (2008) rapportent que la présence d’un

    membre ayant une expertise en comptabilité permet au comité d’audit

    de mieux exercer son rôle de surveillance.

    Bédard et al. (2004) concluent que la présence d’un membre ayant une

    expertise financière, c’est-à-dire ayant un titre de comptable ou

    d’analyste financier, a pour effet de réduire la possibilité d’une

    manipulation des résultats.

  • 32

    Abbott et al. (2004) constatent que la présence d’au moins un membre

    ayant une expertise financière réduit la probabilité d’un retraitement

    des états financiers.

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