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La guerre 1939-1945 en Meurthe-et-Moselle

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La Guerre 39-45 en

MEURTHE-ET-MOSELLE

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Photos couverture:

Le Général De Gaulle à Nancy le 25 septembre 1944 (A.D de Meurthe-et- Moselle).

L'infanterie américaine à Gerbéviller le 11 septembre 1944 (S.E.A.C).

ISBN 2-87890-000-6 Copyright MARTELLE Editions

3, rue des Vergeaux, 80000 AMIENS

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Guillaume FISCHER

La Guerre 39-45

en

MEURTHE-ET-MOSELLE

Préface Jean COSSON dit Commandant DU VAL

MARTELLE É . D . I . T . I . O . N . S

et

Secrétariat d 'Etat aux Anciens Combat tants

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REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier tous les organismes et l 'ensemble des person- nes qui m ' o n t aidé dans la réalisation de cet ouvrage, sans qui celui-ci n 'aurai t p robab lement pas vu le jour.

Les Archives Municipales de N a n c y et tou t par t icul ièrement Mme Renson, son conservateur, qui a mis à ma disposit ion n o m b r e de documents de l 'époque.

L ' Inst i tu t d 'His to i re du Temps Présent et M. Astruc.

Le Secrétariat d 'Etat aux anciens combat tan ts (D.I .H.P).

M. Jean Cosson, conseiller honora i re à la C o u r de Cassation et

ancien responsable F.F.I dans le Pays-Haut .

Le colonel Roland Legrand.

M. Jean-Yves Mary, spécialiste de l 'histoire de la Ligne Maginot .

M. Maigret, journaliste au Républicain Lorra in et qui a su me pro- diguer de justes conseils concernant la réalisation de ce livre.

MM. Jean Mathieu et Michel Girard qui m ' o n t a imablement prêté pho tos et documents .

M. Jean-Louis Etienne, historien de la Meurthe-et-Moselle.

«Tous droits réservés» pour les photos dont nous n'avons pas pu déterminer l'origine. Les ayants droit sont priés de se manifester.

L'éditeur demande l'indulgence du lecteur pour la qualité médiocre de certains documents qu'il a jugé utile de repro4iii'r6_èâr te. témoignage lui semble de premier intérêt.

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Avant-propos

Il est de la vocation du Secrétariat d'Etat chargé des Anciens Com- battants et des Victimes de Guerre de tout faire pour que ne soient pas oubliés les héroïsmes et les sacrifices des générations passées.

Cette histoire reste le douloureux chemin façonné par des hom- mes, qui côtoyaient la mort, l'empierrement tragique de la mémoire collective nécessaire à l'identité d'une Nation.

La Mission Permanente aux Commémorations et à l'Information Historique par sa participation à l'édition de cet ouvrage, souhaite que le touriste, l'éducateur, le pèlerin ou l'étudiant y trouvent une incitation à la découverte, à l'interrogation et à la réflexion.

On ne rappellera jamais assez quelles furent les souffrances subies par la population de Meurthe-et-Moselle durant un siècle... Le pay- sage de ce département fut un des lieux essentiels du théâtre des opé- rations militaires qui ont eu lieu durant cette période.

Plus précisément, en 1939, le département était intégré au disposi- tif de la ligne Maginot, les évacuations, les combats, les expulsions, les incorporations, sont les plaies marquantes de l'année 1940.

Le processus d'annexion engendre également l'organisation de la Résistance. Celle-ci sera évidemment à l'oeuvre en 1944 et 1945 pour appuyer l'action des libérateurs.

Cet ouvrage doit faire prendre la mesure des peines éprouvées ; il devrait permettre de restituer notre mémoire nationale dans son véri- table berceau historique.

Le Chef de la Mission Permanente aux Commémorations et à l'Information

Historique

Serge BARCELLINI

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SECRÉTARIAT D'ÉTAT CHARGÉ DES ANCIENS COMBATTANTS ET DES VICTIMES DE GUERRE

U N O U T I L P O U R L A M É M O I R E

L'une des principales compo- santes de la mémoire collective des Français est «la mémoire des guerres et conflits contem- porains». Qui n'a pas eu un grand-père ou un père à Verdun ou en Champagne? Qui n'a pas eu un des siens dans les armées de 1940, prisonnier de guerre, dans la Résistance, ou dans les camps de concentration?

Cette mémoire, il est aujourd'hui nécessaire de la sau- vegarder et de la développer. Cette action est soutenue par:

e une volonté de rassemble- ment: la mémoire des guerres et conflits contemporains réunit les mémoires individuelles des Français autour des temps forts de leur histoire nationale;

0 une volonté d'intégration: dans l'histoire de notre pays, les guerres furent des facteurs d'intégration. La mémoire des guerres et conflits contempo- rains favorise l'expression des mémoires particulières: juive, arménienne, africaine, harki;

0 une volonté européenne: la mémoire des conflits contem- porains est un des fondements de la mémoire de l'Europe. Trois Européens sur quatre ont un parent qui a participé à la Grande Guerre. De même, les camps de concentration rassem- blèrent des Européens luttant pour les mêmes valeurs;

0 une volonté de vigilance: cette mémoire ne gomme pas les pages noires de notre his- toire. Au contraire, elle incite à la vigilance permanente: «ceux qui oublient le passé sont condamnés à le revivre».

La sauvegarde et le dévelop- pement de cette mémoire ont donné naissance à une politique articulée autour de quatre axes :

Les hommes-mémoire, ce sont ceux qui furent les acteurs ou les témoins des guerres et conflits de notre histoire récente. Ils sont porteurs d'une parcelle de notre patrimoine national. Une politique de mémoire doit favoriser l'expres- sion de ces «hommes-mé- moire» en direction des jeunes générations.

Les lieux de mémoire, ce sont ces champs de bataille, ces forts, ces camps de concentration, qui sont les témoins immobiles des événements dont on veut fixer la mémoire. Ce sont également ces nécropoles, ces statues, ces stèles, ces plaques qui rappellent les temps des guerres.

Ces lieux, il faut les recenser, les entretenir, les valoriser.

Les temps-mémoire, ce sont les dates de notre calendrier (le 11 novembre, le 8 mai, la journée de la Déportation).

Les temps-mémoire, il faut les ancrer par des cérémonies renouvelées.

La défense de la mémoire des guerres et conflits contempo- rains passe par l'aide à la recher- che historique, par la multiplication des initiatives d'information et par le rejet des banalisations et des négations.

Depuis 1982, l'Etat s'est doté d'un outil pour mener à bien cette politique de mémoire:

LA MISSION PERMA- NENTE AUX COMMÉMO- RATIONS ET A L'INFORMATION HISTO- RIQUE DU SECRÉTARIAT D'ETAT CHARGÉ DES ANCIENS COMBATTANTS ET DES VICTIMES DE GUERRE.

Dans chaque département, il est relayé par une Commission Départementale de l'Informa- tion Historique pour la Paix qui rassemble, sous la présidence du préfet, tous les citoyens qui œuvrent pour que «vive la mémoire».

Pour recevoir chaque pro- gramme annuel et pour tout rensei- gnement: MISSION PERMANENTE AUX COMMÉ- MORATIONS ET A L'INFORMATION HISTORIQUE, 37 rue de Bellechasse, 75007 Paris. Tél. 45.56.80.64.

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PRÉFACE

Pour celui qui a vécu les événements historiques et y a prêté sa contribution, il est réconfortant de les voir rapporter par un jeune historien qui, n'étant pas né à l'époque, n'a pu s'informer qu'en lisant les archives et en questionnant les quelques témoins encore survivants. Par cette seule documentation, M. Fischer a su faire revivre pour ses lecteurs l'ambiance de la grande tragédie. La Nation tout entière l'a vécue mais, chaque partie, plus précisément chaque département, d'une façon spécifique selon sa position géographique.

En Meurthe-et-Moselle, on savait bien que, dans la Moselle limi- trophe qui, après avoir connu quarante années d'annexion, était de nouveau rattachée au Reich, on ne pourrait plus dire: «Cn'am po tojo», car tous les habitants de dialecte francophone avaient été expul- sés, le 15 août 1940. Beaucoup de Mosellans demeurés sur place mais n'y tenant plus passaient par Nancy comme première étape de leur fuite et nous renseignaient sur ce qui se passait « de l'autre côté ». De notre côté, la signification de la «zone interdite» était claire; la Meurthe-et-Moselle serait, elle aussi, annexée. Certes, la réquisition de nombreuses exploitations agricoles par l'organisation «Ostland» le confirmait. Celle-ci avait toutefois un côté positif: pour nous, maqui- sards du Pays-Haut, leurs parcs à bestiaux ont constitué une réserve inépuisable de viande sur pied.

En ce qui concerne l'état d'esprit des populations, il paraît impos- sible de se former une opinion par la seule lecture des textes de l'épo- que. Les rapports administratifs et les articles de presse affirmaient tous le grand attachement des Lorrains pour le maréchal Pétain. Mais il n'était pas possible qu'il en soit autrement; les fonctionnaires et les journalistes, comme dans tout régime totalitaire, devaient être « dans la ligne ». Dans les conversations privées, il en allait tout autrement; les commentaires de la situation stratégique se faisaient d'après les bulletins d'information de la B.B.C et rien d'autre, si ce n'est la synthèse du vendredi, 19 h 15, par René Payot sur Sottens-Radio Suisse Romande, que tout le monde écoutait. Il en résultait un sentiment quasi unanime d'hostilité contre ceux qui, à Vichy, «souhaitaient la victoire de l'Allemagne».

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Je crois de mon devoir de compléter la liste des personnalités mar- quantes de la Résistance, de ceux qui, du début de 1944 au 15 septembre, ont œuvré pour que toutes les actions soient bien appli- quées au soutien des Forces Alliées qui allaient libérer la France. Ce fut d'abord le capitaine Georges Debrosse, commandant la Gendar- merie de Lunéville, devenu plus tard général. Dès 1941, il transpor- tait des aviateurs alliés dans sa voiture. En 1944, il passa des armes parachutées. A la Libération, il devint Chef de la Sécurité Militaire de la XXe Région Militaire.

Un très important agent des Réseaux fut Albert Crinon, huissier de justice à Nancy, qui centralisait et transmettait à Londres les ren- seignements.

Enfin, n'oublions pas le bras droit de Grandval, son chef du Deuxième Bureau, Marcel Renard, dit Radoux.

A ceux-là et à tous ceux cités par ce livre, que j'ai personnellement connus et dont j'ai partagé les espoirs et les angoisses, j'adresse un fraternel salut.

Jean COSSON, dit Commandant DUVAL.

BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE

BARRAL Pierre, Histoire de la Lorraine depuis 1900, Ed. Privat. BRUGE Roger, Les combattants du 18 juin, Tome 1, Fayard. ÉTIENNE Jean-Louis, Résistance et oppression en Meurthe-et-

Moselle.

GRANVAL Gilbert, Libération de l'Est de la France, Hachette. HOBAM Nicolas, Quatre années de lutte clandestine en Lorraine. KEMPF Anthony, Album Mémorial Lorraine, Ed. Heimdal. ORDIONI Pierre, Commandos et Cinquième Colonne, la Bataille

de Longwy, Nouvelles Editions Latines. Revue d'Histoire de la Seconde Guerre Mondiale n° 105, «la Lor-

raine pendant la guerre de 1939-1945», P.U.F.

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INTRODUCTION

Ce livre s 'attache à présenter, grâce à l ' appor t de n o m b r e u x docu- ments et photos, pour la plupart inédits, cette période noire que furent les années 1939-1945 dans un dépar tement menacé: la Meurthe-et- Moselle. Menacée car convoitée par les autorités du IIIe Reich, la Lor-

raine restée française, après l 'annexion de la Moselle, va tout au long de l 'occupat ion faire preuve de modérat ion, d 'a t tent isme mais sur- tout d'esprit patr iot ique, les premières marques de résistance y sont visibles dès l 'été de la défaite ; aide aux réfugiés des provinces voisi- nes et aux évadés, fidélité aux émissions de radio Londres, pose d'affi- chettes et manifestations symboliques. Ces actes, courageux compte tenu des circonstances (le dépar tement suppor te la présence de 20 000 soldats de la Wehrmacht) vont petit à petit prendre de l 'ampleur et devenir autant de signes du profond sent iment anti-allemand de la populat ion. Con t ra i r emen t à l'Alsace, qui compte avant-guerre en son sein de n o m b r e u x éléments autonomistes, d'ailleurs durement

réprimés par les autorités françaises 1, la Lorraine et tou t particuliè- rement la Meurthe-et-Moselle qui n 'a jamais subi le joug germani- que, reste très attachée à son identité et rejette v io lemment son isolement, matérialisé par la mise en place d 'une zone interdite.

Dépar tement patriote, dans une large mesure fidèle au maréchal Pétain, mais en même temps farouchement anti-collaborationniste, la Meurthe-et-Moselle est résistante bien avant 1944. Le nombre impor- tant de ses enfants, tombés sous les balles allemandes mais aussi mal-

heureusement celles de la police française, reste la marque la plus probante de son désir de participer, les armes à la main, à la défaite de l 'ennemi.

C'est à la fois à la prudence et au dynamisme des Lorrains que je dédie cette étude.

1. Un de ceux-ci, parmi les plus actifs partisans du rattachement de l'Alsace à l'Alle- magne, Karl Roos, sera inculpé d'espionnage et fusillé à Champigneulles, près de Nancy, le 7 février 1940.

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DE LA DRÔLE DE GUERRE À LA GUERRE 1939-1940

Après plusieurs années d 'humil ia t ion et de reculades successives, de démissions caractérisées, les démocraties européennes sont placées devant le fait accompli: à l 'aube du 1er septembre 1939, Adol f Hi t ler lance sa puissante armée à l'assaut de la Pologne, signant ainsi en let- tres de sang le premier acte du Second Confl i t mondial . Après l 'Anschluss et le lâchage de la Tchécoslovaquie, les alliés de Varsovie ne peuvent plus cette fois reculer. La France et l 'Angleterre décla- rent la guerre à l 'Allemagne.

Il ne s'agit en fait que d 'un acte de pure forme puisque sur le front, rien ne se passe. Le H a u t C o m m a n d e m e n t français se contente de masser des t roupes sur la frontière Est du pays, mais nos soldats res- tent l ' a rme aux pieds. La pseudo-offensive de la Sarre, décidée par le général Gamel in , «pa t ron» de l 'armée, semble une goutte d 'eau

et ne ralentit en rien la Blitzkrieg que subissent de plein fouet les vail- lantes troupes polonaises. Le 6 octobre, les Alliés sont placés devant la triste réalité : la Pologne, après une résistance héroïque de cinq semai- nes, s'est effondrée face aux coups de boutoirs conjugués de la Wehr-

macht et de l 'Armée Rouge, qui participe tardivement à la curée. Les t roupes françaises se replient fri leusement derrière la Ligne Maginot , après leur brève et inutile, car dépourvue de toute volonté offensive, incursion Outre-Rhin . La Drô le de Guerre, huit longs mois d 'at tente à peine ponctués de quelques échanges d 'obus et de tirs sporadiques, va pouvoi r débuter. Le F r o n t s ' immobil ise et on s 'ennuie «ferme»

à l'abri des gros ouvrages fortifiés, que le ministre de la guerre Maginot avait fait édifier, afin de protéger le pays de toute velléité agressive de la par t de l 'Allemagne. U n e seule exception à cette stratégie pas- sive, imposée (et souvent acceptée) aux soldats des armées de l 'Est (3e, 4e et se), l 'act ion des Corps Francs qui, au cours de l 'hiver, vont se t rouver au contact de l 'ennemi, entre les lignes. Ces hommes, tous volontaires, vont mener de brillants coups de mains, démont ran t ainsi que les Allemands ne sont pas invincibles. Citons celui dans la région de Forbach mené par un groupe du 27e B.C.A, sous la direct ion des lieutenants Agnély et Darnand . Le fu tur chef de la Milice, à l 'époque

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encore inconnu, ramènera le corps de son chef, tué au combat, gagnera

la Légion d ' H o n n e u r et fera la couverture de l 'hebdomadai re Match. Il est bien évident que si ces actes guerriers ne peuvent masquer l'apa- thie générale de l 'armée, du moins démontrent- i ls la présence dans ses rangs de soldats qui voulaient en découdre et pou r qui l'expres- sion de «Drôle de Guer re» n 'a aucun sens.

Quand , au mois de mai 1940, l 'offensive allemande se déclenche vers l 'Oues t et con tourne la Ligne Maginot par le massif des Arden-

nes, jugé infranchissable aux blindés, le C o m m a n d e m e n t est presque to ta lement pris au dépourvu. Face à la formidable poussée des Pan-

zer, appuyés par une aviation moderne et aguerrie, nos divisions ten- tent dans un premier temps de résister, mais sont rapidement obligées de retraiter vers l ' intérieur du pays, pou r celles qui réussissent à échap-

per à l 'ennemi.

Huit longs mois d'attente

En Lorraine, la population, traditionnellement germanophobe, accueille la mobilisation de septembre 1939 avec résignation. Elle sait que, de par sa situation géographique, la région, qui a déjà beaucoup souffert lors des guerres de 1870 et de 1914-1918, est particulièrement exposée. Les souffrances et la germanisation qu'ils ont subis, sont plus que jamais encore présents dans l'esprit de gens qui n'ont recouvré leur identité française que depuis seulement une vingtaine d'années.

Dès 1926, l'idée d'une ligne fortifiée sur la frontière Est du pays fait son chemin pour devenir réalité quelques années plus tard. Les politiciens lorrains, dont les électeurs sont concernés au premier chef par cette mesure, appuient sans réserve le projet ambitieux du minis- tre de la guerre. La Ligne Maginot, véritable cuirassé enfoui dans le sol, est édifiée des Ardennes à la Lauter en Alsace.

Concernant la Meurthe-et-Moselle proprement dite, les ouvrages fortifiés font face à la frontière belge et luxembourgeoise, dans le sec- teur de la Crusne, coiffant le Pays-Haut au sud de Longwy. L'ouvrage de Fermont, à l'ouest du dispositif, est le plus imposant. Construit pour abriter environ 800 combattants, il est protégé en avant par des champs de mines et des réseaux de rails antichars. Mais comme l'ensem- ble des fortifications, il souffre d'un manque de puissance de tir ainsi que d'une absence presque totale de DCA. Rattaché au mois de décem- bre 1939 à la 3e Armée du général Condé, le secteur de la Crusne est lui-même précédé de la position avancée de Longwy, où des troupes s'installent, en vue d'une défense éventuelle du bassin sidérurgique luxembourgeois. En cas d'attaque des Allemands, elles devront péné- trer à l'intérieur du Grand-Duché et empêcher toute prise de con- trôle des installations par l'ennemi.

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A l'épreuve des combats, la réalité fut bien différente; des agents nazis, aidés par la fameuse « Cinquième Colonne », s'emparent les pre- miers du petit pays et interdisent toute contre-attaque française.

L'Est et le Sud-Est du département profitent quant à eux de l'écran de protection offert par la Moselle et l'Alsace, en premières lignes face au Reich. C'est pour cette raison que le Commandement fran- çais y a concentré la majeure partie de ses effectifs. La 3e Armée du général Condé est chargée du secteur fortifié de Metz, la 4e Armée du général Requin occupe le centre dispositif de défense, la Se Armée de Bourret a, quant à elle, pour ordre de s'opposer à toute incursion ennemie dans la région de la Lauter. Ces armées sont elles-mêmes regroupées au sein du 2e Groupe du général Prételat.

En Meurthe-et-Moselle, sont stationnés des éléments de la 11e Division d'Infanterie (le 26e R.I et le 8e R.A à Nancy, la 1re Demi- Brigade de Chasseurs à Pieds à Toul), de la 2e Division d'Infanterie Nord-Africaine (le 22e R.T.A à Toul), et enfin de la 2e Division de Cavalerie (la 4e Brigade avec le 8e et le 31e Régiments de Dragons à Lunéville).

Il faut y ajouter les troupes de forteresse du secteur de la Crusne ainsi que plusieurs compagnies des 204e et 227e R.I qui ont pris posi- tion à Longwy. Pour ces hommes, mobilisés depuis septembre, huit longs mois d'attente et d'ennui se préparent. Alors, on s'occupe comme on peut en participant, par exemple, à des travaux agricoles ou fores- tiers. La vie du soldat, caserné en Meurthe-et-Moselle comme ailleurs, s'organise, agrémentée quelque fois par les tournées d'artistes popu- laires. De leur côté, les Lorrains essayent d'améliorer les conditions d'existence des mobilisés: à Lunéville, l'Œuvre du «tricot du soldat», datant de la Première Guerre mondiale, est remise en service.

L'entraînement militaire proprement dit reste limité et peu diffé- rent de celui du temps de paix, malgré les menaces. Des situations particulières contribuent au manque de préparation des armées : ainsi, les équipages des ouvrages de la Crusne sont obligés de réduire au minimum leurs tirs d'exercices, de peur d'effrayer les populations bel- ges et luxembourgeoises, traditionnellement neutres, et qui pourraient croire à une attaque allemande.

L'ardeur combative de 1939, déjà sans commune mesure avec celle de 1914, diminue au fil des mois, à force d'inaction et d'oisiveté. Le Commandement, qui voit poindre la menace de démobilisation morale des troupes, décide donc de permettre à de nombreuses unités de met- tre sur pied des Groupes Francs, ayant pour mission de «tâter» les défenses allemandes. De son côté, la population civile lorraine est sou- cieuse face à cette guerre qui n'en est pas une. On lui a conseillé de s'exercer à lutter contre les gaz et à rendre invisible l'éclairage inté-

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rieur des maisons. Proche de l'Allemagne, elle craint les bombarde- ments et organise donc régulièrement des alertes fictives, au cours desquelles on se réfugie dans les caves, aménagées en abris aériens. S'ils sont inquiets, les habitants de Meurthe-et-Moselle ont toute confiance cependant dans la Ligne Maginot et le massif ardennois, qui la prolonge au nord-ouest du département. Pour cette raison, peu de divisions ont été placées en appui de cette soi-disant muraille infran- chissable aux blindés. On a préféré concentrer la plus grosse partie des forces, environ 59 divisions, en Moselle et en Alsace. Pourtant, de l'autre côté de la frontière, le Groupe d'Armée C de von Leeb, qui tient la Ligne Siegfried, ne dispose, lui, que d'une vingtaine de divisions. L'essentiel des troupes allemandes, à savoir le Groupe d'Armées A de von Rundstedt, est massé face à la Belgique, au Luxem- bourg et... aux Ardennes. Le plan de l'ennemi semble étrangement clair, il va contourner les défenses françaises par le Nord, et passer par la Belgique comme en 1914.

Pour beaucoup, la Drôle de Guerre est synonyme d'oisiveté et d'ennui (Musée Histoire contemporaine).

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Appel à la solidarité des Lorrains en faveur de leurs compatriotes victimes des bombardements et des destructions qui malheureusement accompagnent toujours les guerres (A.M.N).

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CONCLUSION

Alors que de nombreux résistants de Meurthe-et-Moselle s'engagent dans les rangs de la lre Armée française ou de la 2e D.B pour conti- nuer le combat jusqu'à la victoire finale, ils laissent derrière eux un département profondément affecté par les pertes humaines et les des- tructions en tout genre.

A l'heure du bilan, la Meurthe-et-Moselle déplore en premier lieu d'importantes pertes humaines. Près de 350 patriotes ont été fusillés ou tués au combat, dont la moitié au cours de la seule année 1944 1. Le nombre des arrestations, tout au long de l'occupation, s'élève à 4 500 2 et celui des déportations à 1616, dont plus de la moitié devaient conduire à la mort dans les camps. Les communistes et les juifs sont aux premières loges de cette hécatombe. La population civile, quant à elle, déplore 1242 victimes 3, principalement à Nancy, Luné- ville, Toul et Briey.

Les dégâts matériels sont tout aussi importants, 45 % environ des communes du département ont été touchées 4 et près de 50 000 immeubles sont endommagés ou détruits.

Les bombardements et les sabotages sont la principale cause de ce délabrement. Si le Toulois avait beaucoup souffert au cours du mois de juin 1940, à l'heure de la Libération, les pertes les plus importan- tes concernent principalement les régions où ont eu lieu les combats les plus durs, le nord de l'arrondissement de Nancy et les secteurs de Badonviller, Baccarat et Blamont, farouchement défendus par les Allemands. Département sinistré, la Meurthe-et-Moselle va rapide- ment s'engager sur la voie de la reconstruction de ses villes et entre- prendre la remise en marche d'un appareil économique, qui lui est par contre peu endommagé.

Contrairement à beaucoup de régions françaises, elle ne connaîtra pas d'épuration massive (une quarantaine d'exécutions sommaires) et si les internements administratifs de collaborateurs ou présumés l'être s'élevèrent à environ 1 400 personnes, bien peu d'entre elles eurent à subir par la suite des peines sévères.

Sereins et modérés pendant l'occupation, les Lorrains le seront éga- lement à la Libération et se soucieront avant tout, sans toutefois oublier leurs souffrances, de s'intégrer au mieux dans l'ère de renouveau qui s'annonçait.

1. Cf. C o m m e n t a i r e sommai r e des statistiques et de la carte de la souffrance du dépar-

t ement de Meurthe-et-Moselle, J e a n - L o u i î ^ t i ^ n h ^ ^ l 9 7 9 . 2. Idem. 3. Idem. 4. Idem.