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EXPOSITION La guerre d’Indochine 1946 – 1954 Maison des associations 4, rue Amélie 75007 Paris 22 – 23 – 24 - 25 mai 2009 Office national Fondation Association des anciens et amis Union nationale des anciens combattants Maréchal de Lattre de l’Indochine et du souvenir indochinois des combattants du 7ème

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E X P O S I T I O N

La guerre

d’Indochine1946 – 1954

Maison des associations 4, rue Amélie 75007 Paris

22 – 23 – 24 - 25 mai 2009

Office national Fondation Association des anciens et amis Union nationale

des anciens combattants Maréchal de Lattre de l’Indochine et du souvenir indochinois des combattants du 7ème

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AVERTISSEMENT

Ce document, qui a pour objet d’accompagner le visiteur de

l’exposition réalisée à la Maison des Associations du 22 au

25 mai 2009, ne prétend pas être une histoire de la guerre

d’Indochine. On y trouvera un rappel des principales étapes

de la présence française dans ce pays ainsi que des analyses

plus détaillées sur certains aspects de cette guerre que ne

le permettaient les tableaux synthétiques de l’exposition.

Les pages qui vont suivre évoquent des acteurs et des

évènements marquants de cette période et décrivent les

sacrifices des combattants du Corps expéditionnaire et des

Etats associés, ainsi que le calvaire des prisonniers des

camps vietminh. Elles retracent les positions politiques

d’alors, la mémoire de cette guerre et sa prise en compte

par les Pouvoirs Publics. Elles n’ont d’autre ambition que de

rappeler des faits trop souvent oubliés et de rendre

hommage aux soldats et aux civils qui ont vécu ces

évènements tragiques.

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Loin de leurs foyers, sur des terrains inhospitaliers, face à

un adversaire insaisissable, valeureux et sans cesse mieux

armé, les combattants du Corps expéditionnaire français

ont lutté inlassablement, avec une foi, une ardeur, un

courage et un dévouement qui forcent l'admiration et

imposent le respect. Leur sacrifice fut immense. Leur

tribut fut celui de la souffrance, du sang et de la mort. De

1945 à 1954, près de 100 000 soldats de l'Union française

sont tombés en Indochine. Plus de 76 000 ont été

blessés. 40 000 ont été fait prisonniers. Parmi eux, 30 000

ne sont jamais revenus. L'éclat de leur bravoure, le panache

de leur engagement ne rencontreront trop souvent, en

métropole, que l'indifférence ou l'hostilité de leurs

concitoyens. Tous ces combattants ont lutté, ont souffert,

sont morts, avec, sans doute, le sentiment amer de

l'abandon, la blessure ultime de l'ingratitude.

Parachutistes, légionnaires coloniaux, tirailleurs,

métropolitains, gendarmes, marins, aviateurs, médecins et

infirmières : ils venaient de France, d'Europe, d'Afrique du

nord ou d'Afrique noire. Leurs frères d'armes vietnamiens

se battaient pour leur terre, pour leur liberté, par fidélité.

Ils étaient jeunes. Ils sont morts au détour d'une piste,

dans la boue d'une rizière, dans un camp de prisonniers.

Ne les oublions pas.

Extrait du discours prononcé le 8 juin 2005 par madame Michèle

Alliot-Marie, ministre de la Défense, lors de la première journée

nationale d’hommage aux morts pour la France en Indochine

Photo collection ANAI

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Repères chronologiques

1862 Les provinces orientales de la Cochinchine sont cédées à la France

1863 Traité de Oudong : le Cambodge devient protectorat français

1867 La Cochinchine devient une colonie française

1874 Traité de Hué : le Tonkin devient protectorat français

1885 Traité de Tien-Tsin : l’Annam devient protectorat français

1887 Création de l’Union indochinoise

1893 Le Laos devient protectorat français et intègre l’Union indochinoise

1914-1918 43 500 indochinois envoyés sur le front et 50 000 employés comme ouvriers

1930 Création du parti communiste indochinois

La seconde guerre mondiale

3 sept 1939 Entrée en guerre de la France contre l’Allemagne

22 juin 1940 Armistice franco-allemand

18 mai 1940 Création par Ho Chi Min du Vietminh, Alliance pour l’indépendance du Vietnam

29 juillet 1941 Accord Darlan-Kato : les garnisons japonaises s’installent en Indochine

23 août 1944 Désignation par le général de Gaulle du général Mordant comme chef de la

résistance française contre l’occupation japonaise

9 mars 1945 Coup de force japonais : la péninsule passe sous contrôle nippon

8 mai 1945 Capitulation de l’Allemagne, fin de la guerre en Europe

26 juillet 1945 Conférence de Postdam : le désarmement des troupes japonaises en Indochine est

confié aux Britanniques au sud du 16ème parallèle et aux Chinois au nord

6 et 9 août 1945 Bombardements atomiques sur Hiroshima et Nagasaki

15 août 1945 Capitulation du Japon

L’amiral Thierry d’Argenlieu est nommé Haut-Commissaire en Indochine

Le Vietminh prend le pouvoir à Hanoi

2 sept 1945 Déclaration par Ho Chi Min de l’indépendance de la république démocratique du

Vietnam

De la guerre coloniale…

28 fév 1946 Accords franco-chinois de Tchoung King : retrait des troupes chinoises d’Indochine

6 mars 1946 Débarquement des troupes françaises à Haiphong

18 mars 1946 Défilé à Hanoi du général Leclerc à la tête des troupes françaises

19 av-11 mai 1946 Conférence de Dalat

6 juil-8 août 1946 Conférence de Fontainebleau

14 sept 1946 Modus vivendi franc-vietnamien

13 oct 1946 Adoption de la constitution de la IVème République

23 nov 1946 Bombardement français à Haiphong

19 déc 1946 Assaut des positions françaises à Hanoi par le Vietminh

5 juin 1948 Accords de la baie d’Along : le Vietnam devient indépendant et Etat associé au sein

de l’Union française

20 mai 1949 La Cochinchine est rattachée à l’Etat associé du Vietnam

19 juil 1949 Le Laos devient Etat associé au sein de l’Union française

1er oct 1949 Proclamation de la République populaire de Chine par Mao Tsé Toung

8 nov 1949 Le Cambodge devient Etat associé au sein de l’Union française

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… à un front de la guerre froide

18-30 janvier 1950 La Chine et l’URSS reconnaissent la République démocratique du Vietnam de

Ho Chi Minh

4 fév 1950 Reconnaissance des 3 Etats associés du Vietnam, du Laos et du Cambodge par les

gouvernements anglais et américains

Oct 1950 bataille de Cao Bang ou de la Route coloniale n° 4

5 nov 1950 Conférence de Dalat : décision de former une armée nationale

6 déc 1950 Le général de Lattre de Tassigny est nommé haut-commissaire et commandant en

chef en Indochine

26 déc 1950 Le Vietminh lance une grande offensive au Tonkin

15-17 janv 1951 Victoire française à Vinh-Yen

23-30 mars 1951 Victoires françaises à Dong Trieu et Mao Khé

28 mai-20 juin 1951 Bataille du Day : offensive vietminh repoussée dans la région de Nam Dinh

10 nov 1951 Début de la bataille de Hoa Binh

26 déc 1951 Pierre Mendes-France, député radical socialiste, condamne la guerre

1er avril 1952 Le général Salan est nommé commandant en chef en Indochine

23 nov-3 déc 1952 Défaite du Vietminh face au camp retranché de Na San

8 mai 1953 Le général Navarre est nommé commandant en chef en Indochine

20-22 nov 1953 Début de l’opération " Castor"

La fin de la guerre

13 mars-7 mai 1954 Bataille de Dien Bien Phu

26 avril 1954 Ouverture de la conférence internationale de Genève

17 juin 1954 Pierre Mendès-France est nommé président du Conseil en France

20-21 juil 1954 Signature des accords de Genève

23 juil 1954 L’Assemblée nationale approuve les accords de Genève par 469 voix contre 13 et

134 abstentions

27 juil 1954 Cessez-le-feu au Nord-Vietnam

1er août 1954 Cessez-le-feu au Centre-Vietnam

6 août 1954 Cessez-le-feu au Laos

7 août 1954 Cessez-le-feu au Cambodge

11 août 1954 Cessez-le-feu au Sud-Vietnam

14 août 1954 Accord de Trung Gia sur l’échange de prisonniers

9 oct 1954 Les troupes françaises évacuent Hanoi

Nov 1954 Les troupes vietminh évacuent le Sud-Vietnam, le Laos et le Cambodge

Mai 1955 Le Corps expéditionnaire quitte définitivement le Nord-Vietnam

Source : ONAC livret d’exposition La guerre d’Indochine mai 2007

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Grands acteurs de la guerre d’Indochine

Philippe Leclerc de Hauteclocque

Né le 22 novembre 1902, il embrasse la carrière des armes en passant par Saint-Cyr. Combattant valeureux

en 1940, évadé, blessé, il adopte le pseudonyme de Leclerc et rejoint le général de Gaulle à Londres. Il joue

un rôle capital dans le ralliement du Cameroun en août 1940, puis du Gabon en novembre, la conquête du

Fezzan sur les Italiens (1941-1942), et la formation au Maroc de la 2ème Division blindée (1943-1944). Il

est le principal artisan avec sa division de la libération de Paris, le 25 août 1944, puis de celle de

Strasbourg, le 23 novembre 1944.

Le 17 août 1945, il est nommé Commandant supérieur des troupes en Extrême-Orient. En cette fin août, le

Vietminh, qui depuis le coup de force des Japonais le 9 mars avait, avec leur complicité, accru son emprise

en profitant de la neutralisation des unités françaises, entreprend une véritable course au pouvoir et se

rend maitre de Hanoï et de Saïgon le 18 et 20 août, tandis que l’empereur Bao-Daï abdique le 25 août. Le 2

septembre 1945, jour où Leclerc signe au nom de la France l'acte de capitulation du Japon, Ho Chi Minh

proclame unilatéralement la République indépendante du Vietnam.

Leclerc, qui est chargé de coordonner le retour des forces armées françaises en Indochine, n’a pas les

coudées franches car il est placé sous l’autorité de l’amiral Thierry d'Argenlieu nommé par le général de

Gaulle, le 14 août, Haut-commissaire de France pour l'Indochine et commandant en chef des forces

terrestres, navales et aériennes, avec pour mission de rétablir la souveraineté française.

En octobre 1945, Leclerc avec l’aide des troupes britanniques arrive dans le sud, à Saigon, à la tête des

premiers éléments du Corps expéditionnaire. Il reprend le contrôle de la ville, dont il s’emploie à rassurer la

population, puis s’attache à rétablir l’ordre dans toute la Cochinchine. Après les accords Ho Chi Minh–

Sainteny du 6 mars 1946 auxquels il participe, il débarque au Tonkin, à Haiphong, où il se heurte à l’hostilité

des troupes chinoises nationalistes encore présentes, puis à Hanoi et mène une véritable reconquête par une

série d’opérations victorieuses.

Cependant, conscient de la complexité de la situation au Tonkin comme en Annam et en Cochinchine, il

souhaite, par pragmatisme, une évolution négociée de leur statut vers davantage d’autonomie, tout en tenant

à leur maintien dans l’Union française. Il perçoit parfaitement le rapport de forces politique et militaire

avec le mouvement nationaliste et communiste d’Ho Chi Minh, dont il mesure toute la détermination face, en

métropole, à des gouvernements instables et des partis politiques divisés. Estimant que seuls des moyens

militaires très importants, que la France ne semble pas prête à mobiliser, pourraient permettre d’imposer

une paix durable, il est convaincu de la nécessité de négocier avec le Vietminh. Il s’oppose sur ce point à

l’amiral d'Argenlieu, beaucoup plus intransigeant, qui en privé qualifie les accords Ho Chi Minh-Sainteny de

" Munich Indochinois ". Ce désaccord entre les deux hommes conduit le général Leclerc à quitter l’Indochine

en juillet 1946.

Devenu inspecteur des forces armées en Afrique du Nord, il meurt dans un accident d'avion au Sahara, le

28 novembre 1947. En 1952, il sera élevé à la dignité de Maréchal de France.

Photo ouvrage Leclerc et l’Indochine

(Paris musées)

7 octobre 1945 : le général

Leclerc, sur les marches du

Gouvernement Général,

s’adresse aux 5 000

français de Saigon

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Thierry d’Argenlieu

Né le 7 août 1889 à Brest, Thierry d’Argenlieu est marin, religieux et résistant français. Fait prisonnier en

1940, il s'évade trois jours plus tard et rejoint le général de Gaulle à Londres. Chef d'état-major des

Forces navales françaises libres en juillet 1940, il participe à l’expédition de Dakar et de la campagne du

Gabon. Revenu à Londres en 1943, il est nommé chef des Forces Navales en Grande-Bretagne le 19 juillet,

puis vice-amiral en décembre 1944.

Le 16 août 1945, le général de Gaulle le nomme Haut-commissaire de France et Commandant en chef pour

l'Indochine, avec pour mission de rétablir l'ordre et la souveraineté française dans les territoires de

l'Union indochinoise et de mettre en place une fédération des peuples de la péninsule. Il y retrouve le

général Leclerc. Les deux hommes n’ont pas la même position sur l’opportunité et la nature des négociations

avec Hô Chi Minh et leur mésentente conduira au départ de Leclerc en juin 1946.

D’Argenlieu accepte mal les accords Hô Chi Minh-Sainteny du 6 mars 1946 qui reconnaissent la république

du Vietnam dans le cadre de l’Union française, accords qu’il qualifie en privé de " Munich indochinois ". Il

proclame une République de Cochinchine début juin 1946, alors qu’Hô Chi Minh est parti en France pour la

conférence de Fontainebleau, accompagné par Raoul Salan. Après l’échec de la conférence de Fontainebleau

les heurts avec le Vietminh se multiplient. En particulier en novembre 1946 à Haïphong où après un

ultimatum, rejeté par le Vietminh, exigeant l’évacuation de la ville, la marine française est conduite à ouvrir

le feu pour rétablir le calme. L'objectif militaire est provisoirement atteint, mais les tentatives de bâtir

des structures politiques nouvelles se heurtent à l’exigence d'Hô Chi Minh d’obtenir l’indépendance sans

conditions d’un Vietnam unifié, et à la volonté du Haut-commissaire de le maintenir dans l’Union française

tout en tenant compte de la spécificité de la Cochinchine. Le 19 décembre 1946, le Vietminh décide

l’insurrection générale et attaque par surprise Hanoï. C’est le début d'une guerre qui va durer huit ans. Bien

que son action soit controversée, l'amiral d'Argenlieu sera maintenu à son poste sous les gouvernements de

Félix Gouin, Georges Bidault et Léon Blum. Il sera finalement remplacé le 5 mars 1947. Retiré

définitivement au Carmel, il mourra à Brest, le 7 septembre 1964.

Jean Sainteny

Ne le 29 mai 1907 en région parisienne, il s'engage, après une carrière bancaire à Saïgon et à Haïphong dans

l'aviation de reconnaissance lorsqu'éclate la deuxième guerre mondiale. Dès l'automne 1940, il rejoint la

Résistance et devient l'un des chefs les plus importants du réseau " Alliance ". Arrêté et torturé par la

Gestapo, il réussit à s'évader en juin 1944. Il devient l'un des artisans du débarquement en Normandie et

apporte aux Alliés les renseignements qui permettront d'investir Paris.

Chef de la mission militaire française en Chine en 1945, Commissaire de la république pour le Tonkin, il est à

l'origine de l'accord du 6 mars 1946 avec Ho Chi Minh reconnaissant la république du Vietnam dans le cadre

de l'Union française. Cet accord deviendra caduc après les incidents d’Haïphong et le déclenchement de

l’insurrection générale par le Vietminh fin 1946. Après les accords internationaux de Genève de 1954, il

retournera à Hanoï comme délégué du gouvernement français et sera délégué de la France au Vietnam du

Nord de 1954 à 1956. A titre d’expert des problèmes d'Extrême-Orient, il jouera un rôle dans les

négociations entre les Etats-Unis et le Vietnam du Nord. Il se consacrera à partir de 1975 à l'accueil et à

l'intégration des réfugiés indochinois en France. Il mourra le 25 février 1978.

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Raoul Salan

Né le 1er juin 1899 dans le Tarn, sa carrière militaire se déroulera essentiellement dans l’ancien empire

français. En 1942-43, il exerce des responsabilités en relation avec la France Libre. Nommé chef de la 14ème

D.I. par le général de Lattre, il participe directement à la libération de Toulon à la tête du 6ème régiment de

tirailleurs sénégalais, et poursuit les combats de libération au sein de la Ière Armée jusqu’en Allemagne.

En octobre 1945, il est appelé en Indochine par le général Leclerc, commandant en chef des troupes en

Extrême-Orient. Celui que l’on surnommera le Chinois connaît particulièrement bien le pays, pour y avoir

occupé divers postes entre 1924 et 1937. Chargé par le haut-commissaire Thierry d'Argenlieu et le général

Leclerc de ramener les soldats français réfugiés en Chine après le coup de force japonais du 9 mars 1945, il

réorganise les unités et les renvoie au Tonkin. En tant que responsable militaire du nord de l'Indochine, il

est associé par le gouvernement à toutes les rencontres avec les représentants du Vietminh : à la signature

à Hanoï avec le général Leclerc des accords Hô Chi Minh-Sainteny, en mars 1946, reconnaissant la

République du Vietnam au sein de l’Union Française et prévoyant le retour des forces françaises ; à la

conférence de Dalat en avril-mai 1946 ; à la conférence de Fontainebleau en juillet-septembre 1946.

En décembre 1950, le général de Lattre, nommé Haut-commissaire de la République et Commandant en

chef en Indochine, appelle immédiatement auprès de lui les anciens de la 1ère Armée. Parmi eux, Salan,

familier du Tonkin, et parlant couramment le vietnamien, devient son adjoint opérationnel indispensable. Il

lui est confié le commandement de la zone du Tonkin à Hanoï. A ce titre, il est l’un des meilleurs artisans de

la victoire de Vinh-Yen en janvier 1951, réponse fulgurante à l’offensive de Giap ; il mène et gagne les

batailles de Nghia Lo et Hoa Binh fin 1951. Après la mort du général de Lattre en janvier 1952, il devient le

9 avril, Commandant en chef en Indochine. Il crée un camp retranché à Na San qui repousse en décembre

1952 les attaques vietminh en leur infligeant de lourdes pertes. Il fait échouer un raid contre le Laos. Du 15

au 25 mai 1954, après la chute de Dien Bien Phu, il fait partie de la mission dirigée par le général Ely : à ce

titre, il s’occupe du repli des forces de l’Union française dans le delta du fleuve rouge, de l’évacuation vers

le sud des populations fuyant le Vietminh et de la restitution et du transfert des prisonniers des camps,

dont beaucoup sont dans un état physique déplorable.

Durant la guerre d’Algérie, nommé commandement supérieur interarmées fin 1956, il recevra, après les

évènements du 13 mai 1958 à Alger, les pouvoirs civils et militaires du général de Gaulle, avant d’être

rappelé à Paris à la fin de l’année. Dès 1959, il s’opposera ouvertement à la politique algérienne du Chef de

l’Etat, ce qui le conduira à participer au putsch d’avril 1961. Après l’échec de ce dernier, il rejoindra la

clandestinité avant d’être arrêté, jugé et emprisonné. Il publiera ses mémoires sous les titres : Fin d’un

empire, Indochine rouge, Le message d’Ho Chi Minh. Il sera amnistié en 1982. Il s’éteindra le 3 juillet 1984.

photo collection fondation Maréchal de Lattre

Février 1951 bataille du Sontay : le

général Salan, à droite, avec le général

de Lattre et le colonel de Castries

photo collection fondation Maréchal de Lattre

Le général Salan entre Jean

Letourneau et le président du conseil

du Vietnam Tran Van Huu

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Jean Letourneau

Né le 18 septembre 1907 à Le Lude (Sarthe), juriste de formation, Jean Letourneau rejoint les rangs de la

Résistance à l’été 1940 où il seconde Georges Bidault, président du CNR.

Plusieurs fois élu député, plusieurs fois ministre, il est partisan d'une défense intransigeante de l'Empire

français. Il occupera le portefeuille de ministre des relations avec les Etats associés dans six

gouvernements successifs, entre 1950 et 1953. Ministre de tutelle du général de Lattre, il sait gagner sa

confiance malgré l’opposition de leurs caractères et, fort de sa position de ministre d’Etat, il relaie ses

demandes de crédits auprès du pouvoir métropolitain velléitaire et instable. A la mort du général, le

président du conseil Antoine Pinay, en avril 1952, ajoute à ses pouvoirs ceux de Haut-commissaire à Saigon,

qu’il exercera pendant un peu moins d’un an, jusqu’à ce qu’il soit écarté de la nouvelle équipe ministérielle.

A partir des élections législatives de 1956, où la liste MRP qu’il conduit est en net recul, il s'éloignera

progressivement de la vie publique, abandonnant ses mandats de maire et de conseiller général. Il décèdera

à Paris le 16 mars 1986.

Prince Nguyen Vinh Thuy, empereurBao-Daï

Né le 22 octobre 1913 à Hué, descendant d’une lignée d’empereurs, le prince Nguyen Vinh Thuy est désigné

comme héritier de son père, l’empereur Khai Dinh, en 1926, sous le nom de Bao-Daï (Gardien de la Grandeur).

En 1932, à l’issue de ses études menées en France, il retourne à Hué où il est couronné 13ème empereur de la

dynastie des Nguyen. Il engage des réformes du système judiciaire et éducatif.

Pendant la deuxième guerre mondiale, il assure une certaine continuité de la souveraineté du Vietnam en

liaison avec l’amiral Decoux, gouverneur de l’Indochine. Par le coup de force du 9 mars 1945, les Japonais

prennent le contrôle de l’Indochine et laissent le Vietminh s’installer en particulier au Tonkin. Lors de la

capitulation japonaise, l’empereur Bao-Daï abdique. Il s’exile en Chine après la proclamation par Ho Chi Minh

de la République Démocratique du Vietnam le 2 septembre 1945. Début 1949, la France reconnaît

formellement la souveraineté du Vietnam et le droit à l’unité du Tonkin, de l’Annam et de la Cochinchine (les

trois Ky) sous le statut d’Etat associé dans l’Union française, tandis que Bao-Daï est rétabli sur le trône.

Lorsque le général de Lattre arrive en Indochine, il décide de s’appuyer sur Bao-Daï pour atteindre son

objectif de soutenir un Vietnam indépendant. Il mettra plusieurs mois pour vaincre la méfiance de

l’empereur, qui finalement sera séduit par la volonté du général de créer une armée vietnamienne pour

combattre aux côtés de la France contre le Vietminh. Après les accords de Genève du 20 juillet 1954 et la

partition du pays, Bao Daï doit appeler Ngô Dinh Diêm comme premier ministre du Sud-Vietnam qui, hostile

aux français et soutenu par les Américains, proclame la République provoquant le départ en exil de Bao-Daï.

Dès lors, celui-ci mènera une vie modeste et discrète en France. Il lancera aux Vietnamiens un dernier appel

à la réconciliation en 1972. Il mourra le 31 juillet 1997 à Paris, après 42 ans d’exil.

photo collection fondation Maréchal de Lattre

Dalat fin 1950 :

Jean Letourneau,

le général de

Lattre et

l’empereur Bao Daï

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photo collection Fondation Maréchal de Lattre

Tonkin juin 1951 : le général de Lattre s’entretient

familièrement avec les officiers au cours de sa

visite à Haïduong. "Je suis venu pour vous…

les lieutenants et les capitaines... "

photo collection Fondation Maréchal de Lattre

Saigon 11 juillet 1951 : distribution des prix

au lycée Chasseloup-Laubat, au cours de laquelle

le général de Lattre a adressé son fameux appel

à la jeunesse vietnamienne.

photo collection Fondation Maréchal de Lattre

Phu-Ly 11 mai 1951 : le père décore le fils.

Cette photo, le général de Lattre a voulu,

après la mort de Bernard, qu’elle soit

envoyée à toutes les écoles militaires.

photo www.mairiemouilleron.fr

"Je ne veux pas être enterré dans le caveau

des gouverneurs aux Invalides, comme le

général Giraud, comme Leclerc. Je veux que

nous soyons ensemble en Vendée. Puisque

Bernard est à Mouilleron, nous serons tous

les trois dans le même cimetière". (cité par

Simonne de Lattre dans son ouvrage

Jean de Lattre mon mari tome 2).

Simonne Calary de Lamazière,

depuis le 11 juin 2003, repose près

de son mari et de son fils.

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Jean de Lattre de Tassigny

Né le 2 février 1889 en Vendée, Saint-Cyrien en 1909, il est affecté en tant que sous-lieutenant au 12ème

Dragons. Il combat à Verdun au Chemin des Dames où il est plusieurs fois blessé. En 1939, il est le plus

jeune général de France. Il prend le commandement de la 14ème DI lors de l'offensive allemande de mai

1940. A l'invasion de la zone libre, il donne l’ordre de résister et sera arrêté et interné. Il réussit à

s’évader et gagne Alger. Il est nommé par le général de Gaulle à la tête de l'Armée B, qu'il va construire à

partir de l’Armée d’Afrique existante et des Forces Françaises Libres.

Après le Débarquement aux côtés des Alliés sur les côtes de Provence, il réalise "l’Amalgame" de l’Armée

d’Afrique avec les forces françaises de l’intérieur. Il libère les villes du Sud de la France et mène

triomphalement la 1ère Armée jusqu'au Rhin. A l’issue de la fameuse campagne Rhin et Danube, il signe

pour la France, le 9 mai 1945 à Berlin, l'acte de capitulation de l'Allemagne nazie. En 1948, il est

auprès du général Montgomery le Commandant supérieur des forces terrestres de l'Europe occidentale.

Le 6 décembre 1950, il est nommé Haut-commissaire de la République et Commandant en chef en

Indochine, conformément à son exigence de disposer de l’ensemble des attributions civiles et militaires. Il

n’ignore rien de la tâche difficile qui l’attend, informé par son fils Bernard qui se bat en Indochine depuis

juillet 1949. Il réorganise le Corps expéditionnaire en proie au laisser-aller et fait venir auprès de lui ses

" maréchaux de la campagne de France " : Salan, l’adjoint indispensable qui connaît parfaitement le Tonkin

et parle couramment vietnamien, Allard, Cogny, de Linarès, Clément, Vanuxem…

Il redonne confiance aux soldats et aux populations après la défaite dramatique de la RC 4 dans le Haut

Tonkin qui a entrainé la mort de 6 000 soldats français et de milliers de civils indochinois, ainsi que

l’anéantissement d’unités d’élite entières. Il s’emploie à chasser le défaitisme et le désarroi nourris par

l’indifférence de la métropole et les attaques incessantes du Vietminh, soutenu par la Chine communiste. Il

déclare à ses troupes : "Je suis venu pour vous sauver car c’est vous qui vous faites tuer. C’en est fini des

abandons. Désormais vous serez commandés ". En quelques mois, par son autorité et son immense charisme,

il accomplit un retournement inespéré des opérations militaires et renoue avec la victoire : Vinh-Yen qui

sauve Hanoï directement menacée (janvier 1951), Dong Trieu et Mao Khé (mars 1951) et le Day (juin 1951).

Convaincu que les patriotes vietnamiens doivent participer directement à la défense de leur pays contre

les forces du Vietminh aidées par la Chine communiste, il encourage et développe une armée nationale

vietnamienne qui viendra conforter les effectifs insuffisants du Corps expéditionnaire. C’est à la tête

d’une unité entièrement composée de soldats vietnamiens que son fils Bernard est tué à Ninh-Binh au

Tonkin le 30 mai 1951, à la suite d’une violente attaque Vietminh.

A la jeunesse intellectuelle vietnamienne, il lance un véritable appel au combat, à l’occasion de la

distribution des prix du lycée Chasseloup-Laubat le 11 juillet 1951 : " soyez des hommes c'est-à-dire si

vous êtes communistes, rejoignez le Vietminh. Mais si vous êtes des patriotes, combattez pour votre

patrie, car cette guerre est la vôtre ". (voir discours annexe 3)

En septembre 1951, il entreprend un voyage aux Etats-Unis pour obtenir leur aide dans cette guerre

d’Indochine devenue un front de la guerre froide. A cette occasion, le" Roi Jean" déploie tous ses talents

avec une énergie et un art de convaincre et de séduire qui emporteront l’adhésion de la classe politique

comme de l’opinion américaine.

Cependant, très affecté par la mort de Bernard et souffrant d’un cancer, le général de Lattre doit

rentrer en France où il meurt le 11 janvier 1952. Des obsèques nationales seront célébrées en son

honneur à Notre-Dame de Paris. Il sera élevé à la dignité de maréchal de France à titre posthume

et, selon ses vœux, inhumé dans le cimetière de Mouilleron-en-Pareds, aux côtés de son fils.

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photo collection Fondation de Lattre photo collection Fondation de Lattre photo collection Fondation de Lattre

photo collection Fondation Maréchal de Lattre

Les tirailleurs algériens du 1er RTA à l’assaut

du rocher de Ninh Binh le 30 mai 1951

photo collection Fondation Maréchal de Lattre

Le rocher de Ninh Binh est rebaptisé Fort Bernard de

Lattre en l’honneur du jeune lieutenant qui y trouva la mort

le 29 mai 1951

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Bernard de Lattre de Tassigny

Né le 11 février 1928 à Paris, il manifeste dès son plus jeune âge une vive passion pour le métier des armes,

plein d'une confiance admirative pour son père le colonel de Lattre de Tassigny.

Début 1944 il rejoint l'Afrique, où il obtient du Général de Gaulle une dispense d'âge pour pouvoir être

incorporé dans l'armée de libération qui se prépare pour le Débarquement de Provence. La guerre commence

pour lui à 16 ans. Le 8 septembre, à Autun, il est sérieusement blessé et décoré de la Médaille Militaire à

titre exceptionnel. Il participe à la campagne d'Allemagne et devient Maréchal des Logis à 17 ans.

Entré à l'EMIA (École militaire interarmes) le 1er août 1945, il choisit à sa sortie l'Arme Blindée et

Cavalerie. Il est promu lieutenant le 26 Novembre 1948.

Le 1er juillet 1949, il embarque à Marseille pour l'Indochine. Chef de peloton blindé au 1er Régiment de

Chasseurs à Yen-My, il fait à nouveau preuve de ses qualités de chef, mais aussi d'organisateur et de

pacificateur. Il est cité à l'ordre de la Brigade le 21 avril 1950. Lorsque son père ordonne que chaque

bataillon français forme un bataillon vietnamien pour donner corps à l’armée nationale vietnamienne, Bernard

se porte volontaire, considérant qu’il ne peut faire autrement. Le 1er mars 1951, il prend le commandement

du nouvel escadron vietnamien du 1er Chasseurs. Le 11 mai, il est cité à l'Ordre du corps d'armée pour sa

magnifique action lors des combats de Maï-Dien.

Le 29 mai, isolé avec ses hommes à Ninh Binh au Tonkin, il est tué au cours d’une violente attaque Vietminh

qui déverse un déluge d'obus sur sa position. La contre-attaque est immédiate et les postes de Ninh Binh

sont repris par les "Turcos" du 1er Régiment de Tirailleurs Algériens, appuyés par l'aviation de chasse,

trois bâtiments de la 3e Division Navale d'Assaut, un peloton du 1er Régiment de Chasseurs à Cheval, une

batterie du 64e Régiment d'Artillerie d'Afrique, ainsi qu'une section du 6e Régiment de Tirailleurs

Marocains. Le Vietminh, surpris par l’ampleur et la fulgurance de la réaction française, laissera une centaine

de tués, quinze prisonniers et un grand nombre d’armes.

Le corps de Bernard de Lattre est ramené à Hanoi. Ses obsèques sont célébrées en présence de son père en

la cathédrale des Martyrs, où il est rendu un hommage émouvant au "jeune officier, tombé héroïquement en

plein combat, donnant l'exemple des plus belles vertus militaires à l'aube d'une carrière exceptionnellement

brillante, ouverte en France dans la Résistance dès l'âge de 15 ans ". A Paris, une messe est célébrée en son

honneur à Saint-Louis des Invalides en présence des plus hautes autorités civiles et militaires. A cet

hommage solennel sont associés ses deux compagnons morts avec lui et, à la demande expresse de sa mère,

tous les combattants français morts ou disparus en Indochine " en réparation, dira-t-elle, des obsèques

célébrées à la sauvette, à tous ceux dont les restes ne reviendraient jamais et auxquels aucun honneur

n’était rendu… ".

Bernard de Lattre est enterré au cimetière de Mouilleron-en-Pareds, dans une tombe de soldat blanche et

surmontée d’une croix, comme celles de ses camarades inhumés en Indochine. Le général de Lattre mourra

quelques mois plus tard, le 11 janvier 1952, terrassé par la maladie et le chagrin. Il reposera, selon ses

vœux, aux côtés de son fils, dans une tombe identique.

La disparition du jeune officier, frappé à l’âge de vingt-trois ans, suscitera une émotion considérable en

Indochine comme en France. " Il aura fallu la mort du jeune héros pour mettre la conscience française en

face du drame indochinois " écrira un journaliste du Figaro.

En 1984, une promotion de l’EMIA de Coëtquidan portera le nom de Bernard de Lattre.

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Ho Chi Minh

Ho Chi Minh (pseudonyme pris en 1942 qui signifie " Celui qui donne la lumière ") serait né vers 1890 dans un

petit village du nord de l'Annam. Il fait d'abord ses études à Huế puis à Londres, entre 1914 et 1919, enfin

en France en 1921, où il est initié au communisme par Marcel Cachin, le directeur de l'Humanité. Au mois de

mai 1923, il est convié à Moscou et par la suite il effectuera plusieurs voyages en URSS. Il rejoint ensuite

secrètement la Chine et Hong-Kong, où il est emprisonné par les Anglais mais reste en liaison avec la C.G.T.

et le parti communiste français.

En avril 1930, avec l'aide de MaoTseTung, il fonde le Parti communiste indochinois. En 1941, il crée le

Vietminh, "Alliance pour l'Indépendance du Vietnam ". Le 21 août 1945, juste après la capitulation japonaise,

Ho chi Minh arrive à Hanoï et forme un gouvernement provisoire. Le 2 septembre, il proclame la République

démocratique du Vietnam et décrète l'indépendance du pays dont il se proclame président.

On notera que les Américains, sous la présidence de Roosevelt, qui ne veut plus de la présence française en

Indochine, ont un temps aidé le Vietminh en lui fournissant des armes et quelques instructeurs militaires.

Fin 1945, la France envoie des troupes à Saigon, puis à Hanoï en mars 1946, avec l’accord d’Ho Chi Minh,

pour réaffirmer sa présence et précipiter le départ des troupes japonaises et chinoises nationalistes du

Tonkin. En 1946, des discussions entre Ho Chi Minh et les représentants français Jean Sainteny, Thierry

d’Argenlieu et le général Leclerc s’amorcent, mais échouent lors de la conférence de Fontainebleau. Après

une vague de troubles provoqués par le Vietminh, le 19 décembre Ho Chi Minh déclare l’insurrection générale

et lance un assaut meurtrier contre les forces françaises et les civils. La guerre entre le Vietminh et la

France éclate. Ho Chi Minh mènera le Vietminh jusqu'à la victoire contre les Français et l’Etat vietnamien de

Bao Daï, avec l’aide active des communistes chinois. Dès 1946, il avait décrit son combat : "Ce sera une

guerre entre un tigre et un éléphant. Le tigre se tapit dans la jungle pendant le jour pour ne sortir que la

nuit. Alors, il s'élancera sur l'éléphant et lui arrachera le dos par grands lambeaux puis disparaîtra à

nouveau dans la jungle obscure. Et, lentement, l'éléphant mourra d'épuisement et d'hémorragie ".

Carte : livret d’exposition La guerre d’Indochine (ONAC) mai 2007

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Vo Nguyen Giap

Fils de mandarin francophobe, Vo Nguyen Giap fait de solides études d’histoire, de droit et d'économie

politique à Huế, puis à Hanoï. Arrêté en 1930 pour activités subversives, il est condamné à trois ans de

prison mais libéré peu après, il devient professeur d’histoire à l’école Thang-Long à Hanoï en 1937.

En 1939, il devient membre du parti communiste indochinois. En 1945, il est chargé des forces de sécurité

du premier gouvernement Ho Chi Minh et pratique, à ce titre, des purges sanglantes dans les rangs

nationalistes non communistes. En novembre 1946, il est ministre de la Défense Nationale de la République

Démocratique du Vietnam.

Vo Nguyen Giap est reconnu pour ses grandes qualités de stratège et sa capacité à avoir une vision globale

d'un conflit. C’est un remarquable meneur d’hommes qui utilise avec détermination et fermeté tous les

ressorts de la guerre révolutionnaire.

Dès le début des hostilités, début 1947, il définit la stratégie et coordonne toutes les actions de guerre

contre les Français. Jusqu’en 1949, alors que le Vietminh ne dispose pas de beaucoup de matériel ni de

véritable armée, il alterne des opérations de guérilla conjuguées à une mobilisation de la population, de gré

ou de force.

Après la victoire des communistes chinois, Giap met sur pied avec leur aide de nombreuses divisions

rassemblant des " Bo doïs " entrainés et disposant d’armements puissants. Pour l’armée de Giap les victoires

militaires comme Cao Bang et le drame de la RC4 en 1950 alternent avec les défaites comme Vinh Yen en

1951, Hoa Binh en 1952, Na San en 1953. Mais les victoires et les défaites, petites ou grandes, avec leurs

combats héroïques et leur cortège de victimes, sont sans lendemain et ne donnent l’avantage définitif à

aucun des deux camps jusqu’en 1954.

Le 7 mai 1954, à l’issue de deux mois de combats meurtriers, l’armée de Giap, reliée à la base arrière du

HautTonkin par lequel arrivent sans discontinuer des renforts en hommes et en armement grâce à l’aide

chinoise, parviennent à submerger les forces françaises à Dien Bien Phu, très inférieures en nombre et

victimes, en outre, d’une erreur initiale d’appréciation des rapports de forces de la part de l’Etat major et

de l’hésitation des politiciens français entre la poursuite de la guerre et la recherche d’une paix rapide.

Giap mènera ensuite la deuxième guerre d’Indochine contre les États-Unis jusqu’à la victoire finale de 1975

qui voit la réunification du Vietnam sous un régime communiste.

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Images de combattants

Collection fondation Maréchal de Lattre Collection fondation Maréchal de Lattre

Collection fondation Maréchal de Lattre Collection fondation Maréchal de Lattre

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Collection fondation Maréchal de Lattre Collection fondation Maréchal de Lattre

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Les femmes dans la guerre d’Indochine

Par centaines, les femmes se sont engagées, quelquefois dès 1945.

"Sans tenir compte du temps, de la fatigue, du danger, ambulancières, infirmières, assistantes sociales,

transmissionistes, secrétaires, elles ont accompli leur devoir avec une générosité et un courage qui mérite le

respect ", selon les mots du général de Lattre : AFAT (Personnels Féminins des Armées de Terre)

personnels de la Marine et de l’Armée de l’Air, I.P.SA (Infirmières Pilotes Secouristes de l'Air), personnels

de la Croix Rouge, elles sont sur tous les champs de batailles. Au mépris du danger, elles vont chercher les

blessés à proximité immédiate des combats et les convoient, en ambulance, en avion ou en hélicoptère, vers

les postes de secours et les hôpitaux. Elles assurent aussi le transport des vivres et du matériel de soins.

Nombre d’entre elles trouveront la mort dans les combats ou des suites de maladies tropicales.

Les femmes dans la guerre d’Indochine, ce sont aussi les combattantes de l’Armée nationale vietnamienne

qui se battent contre le Vietminh.

Les femmes dans la guerre d’Indochine, ce sont enfin les mères et les épouses de combattants qui vivent

dans l’angoisse ou la douleur alors qu’en métropole règne l’indifférence voire l’hostilité envers cette guerre

lointaine et peu connue.

On peut citer parmi toutes ces femmes :

- Le médecin capitaine Valérie André arrivée en Indochine en janvier 1949 qui, après un stage de chirurgie

de guerre, est parachutée dans des postes isolés pour porter secours aux blessés. Considérant que les

hélicoptères permettent d’être très rapidement sur le terrain et de transporter les blessés directement

dans les centres de secours, elle obtient de suivre une formation et devient pilote en octobre 1950. Aux

commandes de son hélicoptère, protégée par des avions de chasse dans les endroits les plus dangereux, elle

multiplie les rotations, son appareil ne pouvant pas transporter plus de deux personnes. Le 13 novembre

1951, elle est décorée par le général de Lattre de la croix de guerre avec palme. Elle est la première femme

militaire à avoir obtenu le grade d’officier général, en 1976.

- Geneviève de Galard engagée volontaire en 1953 comme infirmière convoyeuse de l’air, qui après avoir

effectué de nombreuses missions, se trouve bloquée à Dien Bien Phu, l’appareil qui l’a amenée pour évacuer

des blessés ayant été rendu inutilisable par des tirs. Pendant trois semaines, elle assistera tous les blessés

et vivra les derniers combats, la reddition et l’occupation des positions par les "Bo-doïs". Capturée par le

Vietminh le 7 mai 1954, libérée le 11 mai, elle est accueillie en héroïne en France, puis aux Etats-Unis. Lors

de la cérémonie du cinquantième anniversaire de Dien Bien Phu aux Invalides, le 7 mai 2004, elle sera

décorée de la Légion d’honneur par le Président de la République Jacques Chirac.

- Simonne de Lattre, qui assume avec courage et abnégation les lourds devoirs de sa charge d’épouse de

général en chef dans un pays en guerre. Très active aux côtés de son mari, mère de combattant elle-même

puisque son fils Bernard se bat en Indochine depuis juillet 1949, elle est particulièrement sensible à la

situation des soldats dont elle s’emploie avec la Croix-Rouge à améliorer la situation. Femme de cœur, elle

comprend la détresse des familles à qui elle tiendra à rendre un hommage public lors des obsèques de son

fils tué à l’âge de 23 ans : elle exige qu’à la cérémonie organisée en son honneur, aux Invalides, soient

associés tous les morts d’Indochine "en réparation des obsèques célébrées à la sauvette, à tous ceux dont

les restes ne reviendraient jamais et auxquels aucun honneur n’était rendu…" ainsi qu’elle le rappellera dans

son ouvrage "Jean de Lattre mon mari". Elle assiste son époux dans l’épreuve de la maladie et après sa mort

en janvier 1952, elle s’attachera à assurer la continuité de la mémoire de l’Indochine : elle créera

l’Association des Parents de tués, la Fondation maréchal de Lattre, la Maison de Bernard en Alsace, et dans

la ville du maréchal, Mouilleron-en-Pareds, dont elle deviendra le maire, elle fondera le musée de la Maison

Natale.

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photo collection Fondation Maréchal de Lattre

Médecins et infirmières, au mépris du danger, portent

secours aux blessés et les convoient, par terre ou

par air, vers les centres de soins

photo collection Fondation Maréchal de Lattre

Service religieux à la cathédrale de Saigon à la

mémoire du personnel féminin tombé au champ

d’honneur

photo collection Fondation Maréchal de Lattre

Saigon 13 novembre 1951 : le général de Lattre décore

de la croix de guerre avec palme Valérie André,

médecin capitaine et pilote d’hélicoptère

Geneviève de Galard convoyeuse de l’air, est rendue

célèbre pour avoir, bloquée à Dien Bien Phu, vécu les

derniers combats du camp

photo collection Fondation Maréchal de Lattre

Combattantes de l’armée nationale vietnamienne lors du

troisième anniversaire de la mort de Bernard de Lattre

photo collection Fondation Maréchal de Lattre

Septembre 1951 : madame de Lattre et le général dans

le paquebot Ile de France qui les emmène à New-York

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Le calvaire des prisonniers des camps Vietminh

De 1945 à 1954, il y a eu environ 37 000 prisonniers militaires du Vietminh, dont 71% sont morts en

captivité, soit environ 26 200 personnes.

De 1945 à 1950 il y eu peu de détenus dans des camps : soit ils étaient exécutés, soit ils étaient exhibés

dans les villages après de longues marches, si ces dernières n’avaient pas été fatales.

C’est à partir de 1950 et surtout en 1953-54, que les camps se développent et effectuent leur œuvre de

mort sur une grande échelle.

Sur les 2000 prisonniers capturés en 1950 lors du désastre de la RC4, seulement 32 survivants étaient au

camp numéro 1 en 1952 (seuls 200 blessés ont été rendus fin 1950).

Sur les 10 000 prisonniers de Dien Bien Phu qui doivent endurer une marche de la mort pour regagner les

camps, 70 % périssent en moins de 4 mois.

63 % des prisonniers rendus nécessitent une hospitalisation. Les prisonniers libérés, pour la plupart à la fin

de la guerre en 1954 (seuls 3000 prisonniers sont libérés dans le cadre d’échanges entre fin 1950 et fin

1953) sont squelettiques, souvent dans un état de faiblesse extrême. Malgré les soins de dernière heure

dans les camps pour les rendre présentables, leur aspect évoque celui des rescapés des camps de

concentration nazis et le contraste est frappant avec les prisonniers vietminh rendus par les Français.

Le Vietminh ne reconnaît pas la Convention de Genève sur les prisonniers de guerre et pendant toute la

durée du conflit, la Croix Rouge ne reçoit jamais l’autorisation de visiter les camps.

Les médecins prisonniers sont, sauf à de très rares exceptions, interdits de pratique.

Les camps étant implantés dans des zones difficiles d’accès, les chances d’évasion sont très faibles. Ceux

qui y parviennent, isolés dans la jungle et entourés d’une population en général hostile sont presque

systématiquement repris puis tués ou torturés pour l’exemple.

Il existe environ 130 camps, les plus importants se trouvent au Tonkin et sont parfois volants, situés dans

des endroits qui rendent le repérage aérien difficile, voire impossible. Ce sont souvent des misérables

villages de paillotes, construites et entretenues par les prisonniers eux-mêmes, dénués de clôture,

l’environnement hostile étant suffisamment dissuasif. Dans ces régions au climat difficile, les installations

ouvertes à tous les vents et sans hygiène, livrent les prisonniers à moitié nus aux moustiques et autres

bêtes ainsi qu’aux maladies, puis les malades à la mort, quelquefois après un passage à " l’infirmerie ", sorte

de morgue immonde d’où l’on ne sort jamais vivant. Parmi les punitions, l’une des plus terribles est le séjour

prolongé dans la sinistre "cage à buffles " sous une maison sur pilotis où le prisonnier, attaché à un poteau

dans une eau putride sans pouvoir se protéger des piqûres d’insectes, est parfois supplicié jusqu‘à la folie et

la mort.

Les camps Vietminh présentent tous les mêmes caractéristiques : installations délabrées, insalubrité,

conditions inhumaines, endoctrinement systématique, régime alimentaire affamant, saleté et promiscuité,

absence de soins pour les malades, sévices à la moindre incartade ou rébellion et donc mortalité très forte

sur de courtes périodes. Les morts sont inhumés sommairement, sans linceul ni cercueil, par les prisonniers

qui le peuvent.

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Durant la journée, les corvées sont nombreuses et épuisantes pour ces hommes décharnés, privés de soins

et très peu nourris. Celui qui ne peut ou ne veut plus se lever, par épuisement ou désespérance, est voué à

une mort rapide.

Les séances de lavage de cerveau et de " cours politiques ", régulières, longues et obligatoires, demandent

un simulacre de participation et aboutissent à des manifestes d’autocritique et d’endoctrinement que les

prisonniers doivent signer, sinon le pire leur est réservé.

Parfois des séances de tribunal populaire sont organisées avec les détenus pour juger un ou plusieurs

"fautifs". Tous subissent des traumatismes importants dus au viol psychologique de l’endoctrinement, des

séances d’autocritique et d’encouragement à la délation.

Le parti communiste français, très mobilisé contre la guerre d’Indochine et le Corps expéditionnaire,

soutient ouvertement le Vietminh. A cet égard, le député Frédéric Dupont s’indigne à l’Assemblée nationale

de ce que " l’Humanité du 6 mars 1952 puisse écrire : félicitations au succès du Vietminh. Nous sommes de

cœur avec lui. Nous envoyons aux troupes du Vietminh notre fraternel salut et notre témoignage de

solidarité agissante." Au cours de la même séance, le député Pierre André déclare " Depuis plusieurs jours,

l’Humanité publie des articles de M. Pierre Courtade sur l’Indochine. Ce journaliste y parle des armées de

l’Union française en termes insultants. Il fait mieux : il appelle nos officiers et nos soldats l’ennemi. " (A.N

2ème séance du 19 décembre 1952 JO p. 6643 et 6647). Comme d’autres partis communistes, le parti

communiste français conseille le Vietminh sur les thèmes de propagande à développer auprès des prisonniers

du CEFEO. Certains de ses militants iront même jusqu’à accueillir avec des insultes et des jets de

projectiles voire des crachats, les rescapés qui débarquent à Marseille, y compris les "morts vivants" sur

leurs civières.

Une mortalité sans précédent

Soldats français et Légionnaires 12 800 prisonniers ou disparus

5 100 libérés

Soldats africains et nord-africains 8 400 prisonniers ou disparus

4 200 libérés

Soldats autochtones 15 800 prisonniers ou disparus

1 400 libérés soit moins de 10%

Thèse du Colonel R Bonnafous (Université Paul Valery 1985)

Source : documentation de l’ANAPI (Association nationale des anciens prisonniers, internés et déportés d’Indochine)

Yves de Sesmaisons, ancien des camps 15, 113 et 25 en 1951/52

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photo collection Fondation Maréchal de Lattre

Dans la journée du 2 septembre 1954, 700

prisonniers environ de l’Union Française, dont un

grand nombre d’officiers, sont restitués par le

Commandement de l’Armée Populaire. Parmi eux,

le colonel Lepage et le colonel Charton, faits

prisonniers à Caobang en octobre 1950.

photo site www.anapi.asso.fr

Prisonnier du 23 avril 1954 au 2 septembre 1954.

Amaigrissement extrême. Paludisme. Œdèmes.

photo site www.anapi.asso.fr

Prisonnier du 7 mai 1954 au 31 août 1954.

34 ans. 31 kg pour 1,76 m. Œdèmes de carence.

Diarrhées.

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La Quatrième République et la guerre d’Indochine

A la lecture de discours de responsables politiques et de certains débats, en particulier ceux de

l’Assemblée Nationale, il apparaît clairement que les deux raisons principales qui ont souvent empêché les

différents acteurs de cette guerre de mener à bien leur mission sont d’une part, l’instabilité

gouvernementale chronique caractéristique de cette période, d’autre part, la faiblesse des crédits calculés

au plus juste et souvent votés avec réticence.

Une instabilité gouvernementale chronique

Du 24 juin 1946 au 19 juin 1954, 17 gouvernements se succèdent. Leur durée se compte en jours (6 pour le

2ème cabinet Robert Schuman), en semaines ou en mois. Le plus durable n’atteindra pas l’année. (Cabinet

Joseph Laniel – 28 juin 1953 – 19 juin 1954). Cet état de fait est fustigé par certains députés :

" Les moqueries qui entourent habituellement notre instabilité ministérielle vont-elles se donner pour cadre

une conférence internationale où toutes les nations vont rire ensemble de nous ? Le cas est trop grave,

d’hommes que le remplacement d’un président du conseil à la rue de Varenne ou celui d’un ministre au Quai

d’Orsay n’arracherait pas davantage à la mort, mort à laquelle s’ajouterait l’humiliation de la France. "

(Assemblée Nationale séance du 6 mai 1954 : intervention du député Henri Bergasse, JO p. 2152 )

" Croyez-vous (…) que les héroïques combattants de Dien Bien Phu que vous avez tout à l’heure hautement

célébrés puissent attendre que les groupes politiques, en France, se mettent d’accord pour former une

majorité ? […] Croyez-vous que les blessés et les mourants dans les casemates inondées et boueuses de Dien

Bien Phu puissent eux aussi attendre que les partis politiques (…) se mettent d’accord pour former un

gouvernement ? " (Assemblée Nationale séance du jeudi 6 mai 1954 : intervention du député Roland de

Moustier JO p. 2150)

Des moyens financiers très mesurés

" Trop de personnes oublient, à l’heure où, confortablement installées au ministère des finances ou ailleurs,

elles discutent sur tel ou tel crédit, que des hommes paient de leur sang ce qu’un jour, répondant à une de

mes interpellations, M. Pleven, à la tribune où je suis, a qualifié de chipotages. " (Assemblée Nationale

séance de discussion budgétaire du 9 avril 1952 : intervention du député Frédéric Dupont JO p. 2071)

" […] Nous dépensons en Indochine 20 pour cent des crédits militaires totaux. Nous y mobilisons 26 pour

cent des officiers français.[…] Allez-vous accroître les effectifs que l’on présente chaque année comme

insuffisants ? Certes non. Vous n’en parlez pas, mais je me demande si, à mesure que cette insurrection

populaire se répandra et s’étendra dans ce pays, vous ne serez pas obligés, comme cela a d’ailleurs été

suggéré dans cette Assemblée il y a quelque temps, d’accroître la durée du service militaire et, peut-être,

un jour, de faire appel au contingent ? " (Assemblée Nationale 3ème séance du 19 décembre 1952 :

intervention du député Edouard Daladier JO p. 6666)

" […]Je déclare ici, en pesant mes mots, que vous ne ferez pas de défense nationale en Europe tant que vous

consacrerez tous vos cadres à l’ Extrême-Orient, tant que vous y sacrifierez, sans aucun résultat, chaque

année, l’équivalent d’une promotion de Saint-Cyr, tant que vous y dépenserez 500 milliards de francs par an,

500 milliards d’inflation de plus, 500 milliards de francs qui entraîneront la misère, la hausse des prix, des

querelles sociales supplémentaires et des aliments à la propagande communiste. " […] (Archives Assemblée

Nationale. Grands moments d’éloquence parlementaire : Pierre Mendes-France discours du 30 décembre

1951.)

" […] On ne voulait pas traiter, mais on n’a jamais mis à la disposition de nos troupes les moyens suffisants

[…] On n’a pas su donner à nos représentants l’autorité nécessaire. Les responsabilités n’ont pas été

concentrées, les divergences entre les différents services s’étalaient au grand jour et annihilaient souvent

les effets de certaines décisions valables. " (Débat Assemblée Nationale du jeudi 06 mai 1954 : intervention

du député Aimé Paquet, JO p. 2148 )

(voir annexe n°4 : extraits de débats parlementaires relatifs à la guerre d’Indochine)

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Les combats du camp retranché de Dien Bien Phu

(13 mars - 7 mai 1954)

Comme le général Salan l’avait fait à Na San avec succès fin 1952, le Général Navarre, commandant en chef

des forces françaises en Indochine, décide fin 1953 d’attirer les troupes du Vietminh au Nord Tonkin près

de la frontière du Laos pour leur barrer la route et les réduire, en installant un camp retranché à Dien Bien

Phu, plaine entourée de collines et surplombée de hauteurs. La stratégie est de détruire de nombreux

bataillons ennemis, en utilisant l’artillerie et d’importants moyens aériens pour protéger et soutenir les

combattants du camp. L’Etat-major français et les spécialistes de l’artillerie semblent certains de la

suprématie technique des forces françaises.

Le 20 novembre 1953, 2 bataillons de parachutistes sous le commandement du colonel Bigeard sautent sur

cette zone et en chassent le régiment du Vietminh qui l'occupait. Très vite 5000 hommes s’installent autour

de l’aérodrome, dans la position centrale et sur les points d’appui des collines appelées Claudine, Huguette,

Anne-Marie, Dominique, Eliane et des positions avancées, au nord Gabrielle et Béatrice, au sud Isabelle.

Début 1954, le camp rassemble près de 15 000 hommes, sous le commandement du colonel de Castries. Peu à

peu, la présence d’unités du Vietminh se fait sentir à proximité des massifs qui surplombent la position

française, bien que la bataille ne soit pas engagée.

Ce que semble ignorer le commandement français, c’est que les bataillons du général Giap arrivent en

nombre avec une artillerie très puissante acheminée depuis la Chine, complètement camouflée et protégée.

Des cohortes de coolies sont mobilisées pour assurer le transport du matériel et du ravitaillement à travers

des pistes ignorées de l’aviation française dans ces zones de jungle.

Les forces franco-vietnamiennes attendent l’assaut du Vietminh, mais Giap et Ho Chi Minh, qui ont besoin

d’une victoire, veulent être surs d’être totalement prêts. En outre, des discussions internationales sur la

situation en Indochine s’annoncent. L’assaut est finalement donné par le général Giap le 13 mars. Un déluge

de feu s’abat sur les combattants français, sans que l’artillerie puisse réduire les canons ennemis, enfouis et

déplacés sans cesse. C’est une surprise totale et une véritable hécatombe. Le premier point d’appui Béatrice

tombe très vite.

Les combats sont acharnés, mais le rapport des effectifs est estimé à 1 contre 5. La destruction complète

fin mars des pistes de l’aérodrome marque un tournant dans la bataille car les ravitaillements, les arrivées

de renforts et les évacuations des blessés deviennent problématiques et dangereux, alors que les nombreux

" bao doïs " de Giap qui tombent sont remplacés par de nouveaux soldats arrivant par les pistes du nord. Les

combats s’intensifient et l’étau vietminh se resserre. Les positions françaises tombent progressivement les

unes après les autres, malgré l’héroïsme admirable et les sacrifices des différentes unités engagées.

Dans les premiers jours de mai, en dépit du parachutage de 700 volontaires, dont certains effectuent leur

premier saut, la vague des soldats vietminh, accompagnée par des tirs de canons incessants devient

impossible à contenir et le camp doit accepter la reddition le 7 mai. 10 000 soldats sont faits prisonniers,

dont 70% périront dans de véritables camps de la mort en moins de 4 mois. La bataille aura fait 3 000

morts et plus de 4 000 blessés du côté français et de l’armée vietnamienne et selon les estimations de 8 à

10 fois plus dans les rangs du Vietminh.

La tragédie du camp retranché, tombé sans capituler à l’issue d’une lutte farouche et inégale menée avec un

courage et une abnégation extraordinaires, souleva en son temps une immense émotion. Aujourd’hui, le nom

de Dien Bien Phu est devenu le symbole même de l’héroïsme et de l’honneur militaire.

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Discours de monsieur Jacques Chirac, Président de la

République, lors du cinquantième anniversaire de la fin

des combats de Dien Bien Phu

Le 7 mai 1954, dans l'après-midi, un silence impressionnant descendit sur Dien Bien Phu. Le grondement

sourd, les explosions qui secouaient les points d'appui avaient cessé. Les lance-fusées ne poussaient

plus leur hurlement terrifiant. L'artillerie s'était tue. Les combats furieux qui s'étaient poursuivis

toute la nuit sur ces pitons qui portaient de gracieux noms de femmes s'étaient arrêtés. Une bataille

terrible qui durait depuis cinquante-six jours venait de s'achever. Le camp retranché était tombé, sans

capituler.

C'était la fin des combats de Dien Bien Phu. C'était aussi, d'une lutte inégale, l'issue inéluctable que les

soldats du Corps expéditionnaire français avaient repoussée au-delà des limites du possible. Sans

sommeil, à court de munitions, de pansements, de vivres, ils s'étaient battus de toutes leurs forces,

avec un courage extraordinaire, avec l'énergie du désespoir, pour l'honneur des armes et l'honneur de

la France. Le calvaire des survivants n'était pas terminé. Epuisés, blessés, mourants, ils s'enfoncèrent

dans la nuit des pistes. Leurs longues colonnes se perdirent et disparurent sans traces vers les camps

de la mort lente. Un tout petit nombre seulement reviendrait de cet enfer.

Depuis sept ans que durait la guerre d'Indochine, il y avait eu des batailles acharnées, des accrochages

féroces, des embuscades meurtrières, des assauts désespérés où les hommes du Corps expéditionnaire

avaient donné la mesure de leur valeur militaire et de leur très grande bravoure.

Dans la cuvette de Dien Bien Phu que les pluies, la boue, le fracas, la fureur des combats et l'odeur de

la mort avaient transformée en un champ de bataille hallucinant, ces soldats d'élite furent des

combattants magnifiques. Avec générosité, avec loyauté, avec héroïsme surtout, ils sont allés au bout

de ce qu'exigent l'abnégation et l'esprit de sacrifice.

C'était il y a cinquante ans, au cours d'une guerre cruelle, lointaine et incomprise des Français.

Dans les nombreuses pages de gloire et de déchirement que compte notre histoire, Dien Bien Phu

occupe une place à part. Très vite, la farouche résistance de ce camp retranché s'est élevée au rang

d'une légende, au rang d'un mythe. Aujourd'hui, le nom de Dien Bien Phu est devenu le symbole même

de l'honneur militaire défendu jusqu'à l'extrême limite des forces humaines.

Ainsi, il y a cinquante ans, à des milliers de kilomètres de leur patrie, dans une vallée oubliée du Haut-

Tonkin, les hommes de Dien Bien Phu ont écrit avec leur sang une nouvelle geste qui renoue, par-delà les

siècles, avec l'héroïsme de la Chanson de Roland. Dans la plaine de Dien Bien Phu, comme à Roncevaux,

des soldats, en se sacrifiant jusqu'au dernier, ont transmué un désastre en une épopée. L'émotion nous

saisit lorsque nous essayons d'imaginer ce qu'a été cette tragédie.

De ces soldats malheureux, vous êtes aujourd'hui les rares survivants. Vos frères d'armes étaient

originaires de la métropole, du Maghreb, de l'Afrique, du Laos, du Cambodge, du Vietnam et de la

Légion Etrangère. Tous s'étaient engagés par idéal ou par goût de l'aventure. Français par le sol ou

Français par le cœur et par le sang versé, blessés au plus profond d'eux-mêmes, ils ont eu trop

souvent, trop longtemps, le sentiment d'être des combattants oubliés, voire abandonnés.

C'est vous tous que la République rassemblée autour de ses soldats honore aujourd'hui dans ce haut

lieu nimbé de gloire militaire. Ce sont vos camarades disparus dont nous saluons la mémoire. Officiers,

sous-officiers, légionnaires, parachutistes et soldats, médecins et infirmiers, aviateurs et marins,

vivants ou morts, unis à tout jamais dans une fraternité d'armes qui force l'admiration, la Nation tout

entière veut vous dire sa fidélité et son infinie reconnaissance.

Votre victoire et votre gloire, c'est d'avoir laissé, dans un affrontement tragique où le courage de

l'adversaire était égal au vôtre, l'exemple de l'héroïsme le plus pur, comme un chant de force pour les

hommes. (Hôtel des Invalides, le 7 mai 2004)

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Les pertes humaines

des forces de l’Union française en Indochine(Corps expéditionnaire français, Armées vietnamienne et des Etats associés)

1 - Français ayant débarqué en Indochine (233 467) + Français présents en 1945 et non rapatriés (8 000)

soit 241 467

tués : 20 515,

blessés : 26 924,

rapatriés sanitaires : 26 924

2 - Marins et aviateurs Français (44 300)

tués : 1 321

blessés : 682

3 - Soldats Marocains, Algériens et Tunisiens de l’Armée française (122 920) et soldats Africains d’AOF

et d’AEF (60 340) :

tués : 11 061

blessés : 21 112

rapatriés sanitaires : 11 040

4 - Légionnaires (72 833)

tués : 8 969,

blessés : 9 234

5 - Réguliers indochinois et Partisans supplétifs (118 833)

tués : 45 663,

blessés : 57 426

6 - Maquis et GCMA (groupements de commandos mixtes aéroportés)

tués : 2 000 (estimés)

blessés : 2 000 (ordre de grandeur)

7 - Armées nationales vietnamienne, laotienne, cambodgienne 246 855 (réguliers, supplétifs et gendarmes)

tués : 17 800

blessés : 12 100

Total des tués : environ 107 000*

Total des blessés : environ 130 000

Total des disparus : environ 19 177

Photo Collection fondation Maréchal de Lattre

Source : thèse de Michel Bodin La guerre française (1945-1954) dans Le combattant décembre 2008

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Monuments commémoratifs

Le mémorial des guerres en Indochine à Fréjus

Il est constitué par un ensemble architectural développé autour du monument élevé par souscription

nationale en 1983 à Fréjus. Il comporte plusieurs bâtiments :

.le monument de 1983, qui domine la porte d'entrée

.une salle d'information qui rappelle ce qu'était l'Indochine française et ce que furent les combats de

1940 à 1954

.une nécropole contenant 20 402 corps de militaires et civils morts pour la France et 3 618 corps de

civils non titulaires de la mention " mort pour la France", venant tous du Vietnam

.un mur de 64 mètres de longueur, sur lequel sont gravés les noms de 34 000 morts, absents de Fréjus.

Le monument " Ceux de Dien Bien Phu " à Coetquidan

Il a été érigé et inauguré le 8 avril 2006 par la promotion "Ceux de Dien Bien Phu"

(1953 - 1955) dont 51 des siens sont morts pour la France en Algérie entre 1955 et

1962. Il comporte l’inscription suivante :"En hommage aux 15 000 combattants de Dien

Bien Phu qui ont lutté héroïquement du 13 mars au 7 mai 1954 pour l'honneur des

Armes de la France. A la mémoire des 4 500 d'entre eux tués ou disparus et des 6 000

morts en captivité entre le 8 mai et le 31 août 1954, sur les pistes et dans les camps

de prisonniers. Futur officier souviens-toi. "

Le monument édifié à Dien Bien Phu

Il a été réalisé à titre individuel par un ancien sergent-chef de la Légion étrangère,

Rolf Rodel, qui mènera son action jusqu'à son décès en janvier 1999. Il sera aidé par

l’ANAPI, puis par le Président de la République Jacques Chirac. Une convention

d'entretien de l’édifice a été signée, en juin 1998, entre l'Ambassade de France à

Hanoï et la Province de Lai Chau.

La plaque commémorative du jardin des Tuileries à Paris

Elle rend hommage au général Emile Lemonnier, chef de la 3ème brigade de la division

du Tonkin, exécuté par les Japonais en 1945. Elle comporte l’inscription suivante :"Le

10 mars 1945 capturé à Lang Son par l’ennemi. A bout de munitions a refusé par deux

fois de signer une capitulation totale. A préféré avoir la tête tranchée plutôt que de

forfaire à l’honneur. Demeurera dans l’histoire comme un exemple saisissant de ce que

sont la volonté et le caractère français. "

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Les Pouvoirs Publics et la mémoire

de la Guerre d’Indochine

- Le 8 juin 1980, à l'initiative du Président de la République Valéry Giscard d'Estaing, le corps du Soldat

Inconnu de la guerre d'Indochine est déposé au Mémorial de Notre-Dame de Lorette, dans le Pas-de-Calais.

- Du 1er octobre 1986 au 24 juillet 1987, le gouvernement de Jacques Chirac fait rapatrier au Mémorial des

guerres en Indochine de Fréjus 24 632 corps, dont 3 395 civils.

- Le 7 mai 2004, le Président de la République Jacques Chirac préside aux Invalides la cérémonie de

commémoration du 50ème anniversaire de Dien-Bien-Phu. A cette occasion, il décorera notamment deux

personnalités présentes au moment de la chute du camp retranché : Geneviève de Galard, alors infirmière

convoyeuse et Pierre Schoendoerffer, caméraman au Service cinématographique des armées, auteur de

films sur le conflit vietnamien tels " La 317ème Section" et "Dien-Bien Phu ".

- Le 26 mai 2005, le Président de la République Jacques Chirac institue une "Journée nationale d'hommage

aux morts pour la France en Indochine", fixée au 8 juin, jour anniversaire de l’inhumation du soldat inconnu

d’Indochine. Lors de la cérémonie aux Invalides de la première commémoration, le 8 juin 2005, en présence

de la ministre de la Défense Michèle Alliot-Marie et du ministre délégué aux Anciens combattants Hamlaoui

Mékachéra, un cercueil est exposé contenant la dépouille d’un soldat non identifié faisant partie d’un groupe

de 13 soldats, dont les restes ont été découverts en décembre 2004 sur le site de Diên Biên Phu.

- En mars 2003, le ministre délégué aux Anciens combattants Hamlaoui Mékachéra – lui même officier

pendant la guerre d’Indochine – se rend au Vietnam où il rencontre des anciens soldats de l’armée française

à qui il annonce les mesures de décristallisation de leurs pensions, décidées en 2002 pour les ressortissants

des pays autrefois sous souveraineté française.

- La même année, le ministre initie une politique de Mémoire partagée qui " vise à rapprocher la France des

pays qui furent ses alliés ou ses adversaires, dans les conflits du XXe siècle, afin de transmettre ensemble

aux jeunes générations le sens des valeurs qui furent alors si âprement défendues ". C’est ainsi que des

accords sont conclus avec un certain nombre de pays et que des discussions ont été engagées avec le

Vietnam. Dans cet esprit, en octobre 2006, sont organisées à l’Unesco, à l’initiative de la France, les

premières rencontres internationales sur la mémoire partagée, auxquelles ont participé 24 Etats dont le

Vietnam.

Mémorial de Notre-Dame de

Lorette

Photo elysee.fr

7 mai 2004 : Commémoration du

cinquantième anniversaire de Dien Bien

Phu aux Invalides

Photo collection ANAI

8 juin 2007 : ravivage de la flamme à

l’Arc de triomphe

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Bibliographie

Ouvrages

ANAPI Les Soldats perdus prisonniers en Indochine 1945-1954 (Indo éditions)

RENE BAIL Indochine les Combats de l’impossible (Lavauzelle)

Dernier baroud à Dien Bien Phu

RENE BAIL et JEAN-PIERRE BERNIER Indochine (1945-1954)

4 tomes : 1 La reconquête ; 2 Haiphong-Hanoi ; 3 La guerre ;

4 Le tournant (Heimdal)

CLAUDE BAYLE Prisonnier du camp 113 - le camp de Boudarel (Perrin)

LAURENT BECCARIA Helie de Saint Marc (Perrin)

ERVAN BERGOT Les 170 jours de Dien-Bien-Phu ; La bataille de Dong Khé ;

Vandenberge le prince du Delta ; Le bataillon Bigeard ; Bigeard ;

Les héros oubliés ; 2ème classe à Dien-Bien-Phu ;

La marche à la mort (le calvaire des survivants de Dien-Bien-Phu)

JEAN-PIERRE BERNIER Le commando des tigres

(Les paras du commando Ponchardier) (Jcques Grancher)

ROGER BERTHILLOT Il était une fois l’Indochine (Anai)

JEAN-JACQUES BEUCLER 4 années chez les Viets (les Lettres du Monde)

MARCEL BIGEARD (général) Pour une parcelle de gloire (Plon)

Lettres d’Indochine

LUCIEN BODARD La guerre d Indochine (Gallimard)

MICHEL BODIN Les combattants français face à la guerre d’Indochine ;

Les Africains dans la guerre d’Indochine (l’Harmattan)

CYRIL BONDROIT Le 3ème BCCP Indochine 1948-1950 (Indo éditions)

PAUL BONNECARRIERE Par le Sang versé (Perrin ; Tempus ou Fayard)

JEAN CHRISTOPHE BRUNET Gendarmes-parachutistes en Indochine

(Indo éditions)

THOMAS CAPITAINE Captifs du Viet Minh camp 113

(Centre d’étude et de diffusion UNI)

P. CHARTON (général) La tragédie de Cao Bang - RC4 1950 (SPL)

JACQUES DALLOZ La guerre d’Indochine (Points histoire)

Dictionnaire de la guerre d’Indochine (Armand Colin)

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MICHEL DAVID (lieutenant-colonel) Guerre secrète en Indochine-

Les maquis autochtones face au Viet-Minh 1950-1955 (Lavauzelle)

JEAN DECOUX (amiral) A la barre de l’Indochine (Plon)

BERNARD DESTREMEAUX De Lattre (Flammarion)

PHILIPPE FOUQUET-LAPAR Hoa Binh 1951-1952

De Lattre attaque en Indochine (Economica)

GEORGES FLEURY Histoire de la Guerre d’Indochine (Perrin ; Tempus)

PHILIPPE FRANCHINI Les guerres d’Indochine (Pygmalion)

YVES GRAS (général) Histoire de la Guerre d’Indochine (Denoel)

PATRICK GRAUVIN J’étais médecin à Dien Bien Phu (France Empire)

PHILIPPE HEDUY La Guerre d’Indochine (SPL)

HENRI JACQUIN (général) La guerre secrète en Indochine

(Orban)

JEAN LACOUTURE Ho chi Minh (Seuil)

RENE LANGLAIS (colonel) Dien Bien Phu (France Empire)

JEAN DE LATTRE (général) La ferveur et l’oubli (Plon)

SIMONNE DE LATTRE Jean de Lattre mon mari tome 2 (Presses de la cité)

JEAN LEROY (colonel) Le fils de la rizière (Laffont)

HENRY JEAN LOUSTAU (commandant) Les derniers combats d’Indochine (Albin Michel)

Les deux bataillons Cochinchine-Tonkin 1945-1952 (Albin Michel)

RAYMOND MUELLE (commandant) 1er bataillon de choc en Indochine 1947-1948Commandos et Maquis service action en Indochine GCMA Tonkin, 1951-1954 (Presses de la Cité)

(Commandos et Forces Spéciales en Indochine 1944-1954 (Lavauzelle)

HENRI NAVARRE (général) Agonie de l’Indochine (Plon)

CLAUDE PAILLAT Le dossier secret de la guerre d’Indochine (Presses de la Cité)

GUY PEDRONCINI Leclerc et l’Indochine (1945- 1957)

Quand se noua le destin d’un empire (Albin Michel)

JEAN POUGET Le manifeste du camp numéro 1 (Livre de Poche)

Nous étions à Dien Bien Phu (Presses de la Cité)

JULES ROY La Bataille de Dien Bien Phu (Julliard)

HELIE DE SAINT MARC Mémoires (Les Arènes)

Indochine notre guerre orpheline (Les Arènes)

RAOUL SALAN (général) Mémoires 2 tomes Le sens d’un engagementLe Viet Minh mon adversaire (Presses de la Cité)

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PIERRE SCHOENDOERFFER La 317ème section (la Table Ronde + rééditions)

PAUL SIMONIN (général) Leclerc et l’Indochine (1945-1947)

Quand se noua le destin d’un empire (Albin Michel)

ANDRE THABAUT médecin-lieutenant au 1er bataillon Muong en Indochine 1945-1955

(l’Harmattan)

AMEDEE THEVENET La guerre d’Indochine racontée par ceux qui l’ont vécue

J’ai survécu à l’enfer des camps indochinois ; Goulags indochinois (France Empire)

HUGUES TERTRAIS Atlas des guerres d’Indochine (Autrement)

RAYMOND TOURNOUX Secrets d’Etat (Plon)

ROGER TRINQUIER (colonel) Les maquis de l’Indochine (Autrement)

VANUXEN (général) 1951 Le général vainqueur

(Le destin exemplaire de de Lattre en Indochine) (SPL)

ALAIN VINCENT Indochine la guerre oubliée (Alain Sutton)

Sites Internet

www.anai-asso.org

www.anapi.asso.fr

www.belleindochine.free.fr

www.dienbienphu.org

www.fncv.com

www.indochine-souvenir.com

www.salan.asso.fr

www.witzgilles.com/page-guerre-indochine

Films

PIERRE SCHOENDOERFFER : La 317 ème section

Dien Bien Phu

DVD

ECPAD Face à la Mort (les camps du Vietminh) réalisation avec l’Anapi

TRELYS PRODUCTION Les Oubliés du Laos Les maquis d’Indochine

ECPA SIRPA Indochine le désarroi et l’oubli 1949-1954

ALAIN DECAUX RACONTE Les Archives de l’Armée française Soldats d’Indochine (TF1)

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Annexes

1 - Carte de l’Indochine française

2 – Histoire de la présence française en Indochine

3 - Discours du général de Lattre à la jeunesse vietnamienne

(Saïgon le 11 juillet 1954)

4 - Extraits de débats parlementaires relatifs à la guerre d’Indochine

(1953 – 1954)

5 – remerciements pour l’exposition Guerre d’Indochine

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La présence française en Indochine

La présence française jusqu’à la fin du 19 ème siècle

Depuis le XVIIème siècle des missionnaires français étaient présents en Indochine. Un des apports

culturels des jésuites fut l’écriture « quoc-ngu », la transcription phonétique de la langue vietnamienne avec

des lettres de l’alphabet latin, que l’un d’eux, Alexandre de Rhodes a formalisée. Au XVIIIème siècle le

nombre des chrétiens était évalué à plus de 200 000 en Annam, au Tonkin et en Cochinchine.

C’est vers le milieu du XIXème, face à l’hostilité du royaume d’Annam vis-à-vis des européens et pour

répondre à la persécution des chrétiens, qui fit plus de 100 000 victimes, que la France va lancer des

expéditions militaires et progressivement s’installer en Indochine dans la continuité de l’expansion

commerciale des puissances occidentales en Chine. En Indochine, les Nguyen, empereurs d’Annam, qui

exercent aussi des protectorats sur le Cambodge, la Cochinchine, le Tonkin et le Laos, s’inquiètent de ces

empiètements de l'Occident et se ferment à tout échange avec les pays européens. Ils se mettent à

persécuter et à supplicier les chrétiens qui sont alors plus d’un demi-million, en particulier les religieux des

Missions étrangères de Paris.

Pour mettre fin à ces persécutions et pour des considérations commerciales, Napoléon III décide

d'intervenir sur la côte d’Annam. En 1858, le Vice-amiral Rigault de Genouilly débarque à Tourane, à la tête

d’une escadre française. Il commande une expédition militaire en Cochinchine qui permet aussi d’ouvrir le

port de Saigon au négoce international. Après des combats acharnés durant plusieurs années, la Cour de Hué

doit s’incliner et céder progressivement la Cochinchine, qui devient une colonie française dans sa totalité en

1867. En parallèle, le roi Norodom accepte le protectorat de la France sur le Cambodge craignant les

menaces du Siam et de l’Annam. La période de conquête est marquée également par les explorations du

fleuve Mékong au Cambodge et au Laos, dans lesquelles s’illustrent entre autres Henri Mouhot qui découvre

le site d’Angkor, de Doudard de Lagrée, Francis Garnier et Louis Delaporte.

Au Tonkin, les efforts français pour développer le commerce avec la Chine du sud se heurtent à l’hostilité

des mandarins et les troupes françaises livrent, pendant une vingtaine d’années, des combats de guérilla

contre les fameux Pavillons noirs chinois, au cours desquels tombent de nombreuses figures de l’infanterie

de marine, comme Francis Garnier et le commandant Rivière.

En 1883, le Traité d’Hué avec l’empereur d’Annam étend les protectorats de la France au Tonkin et à

l’Annam. En 1885, après les évènements de Langson qui entraîneront la chute du ministère Jules Ferry, la

Chine renonce à son influence au Tonkin. Au Laos, Auguste Pavie, en réglant les différents territoriaux avec

les pays frontaliers et avec l’Angleterre, favorise le rapprochement avec la France qui étend son

protectorat à ce royaume en 1887. La même année l’Union indochinoise est constituée.

La tutelle française s’installe avec " ses lumières et ses ombres, ses succès et ses erreurs ". Des hommes

comme Gallieni et Lyautey parachèvent la pacification au nord en alliant opérations militaires et

administration du territoire. Paul Bert, premier résident général à Hanoi, s’attache à développer le

commerce, mais se montre également très soucieux de promouvoir l’accès des populations à l’enseignement,

à l’hygiène et à la médecine. Le gouverneur Lanessan, médecin de la Marine oeuvre à la pacification de la

péninsule. Paul Doumer, gouverneur général de l’Indochine à la fin du siècle, développe les services de

l’administration et fait réaliser d’importants travaux d’infrastructure et d’équipement.

La présence française de 1900 à 1940

Au début du 20ème siècle la France accentue son action dans les domaines économiques et sociaux. Albert

Sarraut, gouverneur à deux reprises, s’attache à mettre en valeur les ressources régionales et engage un

vaste programme de construction de ports de routes et chemins de fer. Sur le plan médical, les noms de

Pasteur, Calmette et Yersin symbolisent l’effort de création d’hôpitaux et le lancement des grandes

campagnes de lutte contre les épidémies.

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Les liens avec la France sont étroits : au cours du conflit de 1914-1918, 100 000 indochinois participent à

l’effort de guerre en France comme soldats ou ouvriers.

Mais l’Indochine n’a jamais été une colonie de peuplement. En 1937 il n’y que 40 000 européens, soit moins

de 0.2% de la population et le tiers est représenté par des fonctionnaires ou des militaires. A la même

époque, il y a plus de 300 000 chinois installés en Indochine.

A la veille de la 2ème guerre mondiale, l’œuvre de la France dans cette région est très importante et son rôle

dans le développement de l’Indochine est incontestable. Cependant les évènements internationaux et la

place insuffisante faite aux élites locales vont servir de terreau à des mouvements nationalistes que le vent

de l’histoire et l’évolution politique de la Chine voisine vont concourir à radicaliser après 1945.

La guerre mondiale en Indochine de 1940-1945

Dès juin 1940, l’amiral Decoux qui vient de remplacer le général Catroux est contraint à céder, comme son

prédécesseur, aux pressions des Japonais, surtout après l’attaque des forces japonaises et la défaite

française de Langson en septembre 1940. Ceux-ci s’installent d’abord en forces au Tonkin et font valoir

leurs exigences, puis en juillet 1941 ils font débarquer 40 000 hommes dans le sud, tout en affirmant

respecter la souveraineté française. Ce sera le début d’une fausse tranquillité en Indochine qui restera à

peu près à l’écart du conflit mondial. Cependant le 9 mars 1945, éclate le coup de force japonais contre les

Français d’Indochine. En employant la ruse, ceux-ci frappent brutalement et de manière concertée sur tout

le territoire, ils massacrent ou arrêtent les militaires et commettent de nombreuses exactions sur les

populations civiles. Les Alliés n’interviennent pas. Pour échapper aux massacres, plus de 5 000 soldats

suivent la colonne du général Alessandri et s’échappent en Chine.

En mars également, alors que Bao Daï proclame l’Indépendance du Vietnam et la réunion des 3 Ky, Tonkin,

Annam, Cochinchine, l’amiral d’Argenlieu est nommé Haut commissaire en Indochine et le général Leclerc,

commandant en chef

De son côté, Ho Chi Minh, à la tête du Vietminh, créé en 1941, s’oppose à la présence française et organise

de violentes manifestations antifrançaises à Hanoï, à travers les " Comités révolutionnaires du Peuple " qui

terrorisent la population française.

En juillet-août 1945, les accords de Postdam, signés entre la Russie, les Etats-Unis et le Royaume Uni,

fixent les conditions de désarmement de l’armée japonaise en Indochine. La responsabilité de ramener

l’ordre en Indochine revient, au nord du 16ème parallèle, aux troupes nationalistes chinoises et au sud, aux

forces britanniques, les unes et les autres devant être relevées par la suite par les Français.

Le 2 septembre 1945, les actes de capitulation du Japon, signés sur le navire américain Missouri dans la baie

de Tokyo concrétisent la fin de la deuxième guerre mondiale. Le même jour, à Hanoi, Ho Chi Minh avec Pham

Van Dong et Vô Nguyen Giap, proclament la " République démocratique du Vietnam " et l’indépendance du

pays.

Fin septembre, des troupes anglaises débarquent à Saigon, sous les ordres du général Gracey, avec quelques

soldats français du 5eme RIC, en attendant les renforts envoyés par la France. Malgré la loi martiale,

l’insécurité s’installe et notamment des bandes fanatisées par l’appel à l’insurrection du Vietminh

investissent la Cité Heyraud de Saigon et se livrent à d’abominables massacres sur les civils de tous âges,

sans que les Japonais interviennent le moins du monde pour les arrêter.

Début octobre, le général Leclerc arrive à Saigon avec des éléments de la 2eme DB, la 9eme DIC et la 3ème

DIC et organise rapidement la prise de contrôle de la ville et de sa région. Le commando du Commandant

Ponchardier avec ses 300 " Tigres " s’illustre par ses coups de main pour libérer le Sud du pays. En

Cochinchine, les Anglais heureux de se sortir du bourbier et d’une guérilla naissante qui fait de nombreuses

victimes, coopèrent au retour des Français.

Au Nord pour contrôler les 30 000 soldats japonais, 200 000 chinois commandés par le général Lou Han

déferlent sur le Tonkin, se livrent au pillage et sèment la désolation avant de repartir quelques mois après.

Les visées chinoises sur l’Indochine et leur pillage systématique du Tonkin, le pouvoir communiste vietminh

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sous couvert de nationalisme, le sentiment racial japonais et l’anticolonialisme américain se conjuguent

contre la France. Dès début 1946, éclatent à Hanoi de sanglantes émeutes antifrançaises.

Le 6 mars 1946, les accords Sainteny-Ho Chi Minh, avalisés par le général Leclerc reconnaissent le Vietnam

comme un Etat libre de la Fédération indochinoise et de l’Union française, ayant son gouvernement, son

parlement, son armée, ses finances. Peu après les troupes françaises prennent pied au Tonkin, à Haiphong,

non sans avoir été obligées de bombarder des positions chinoises hostiles au débarquement des Français. Le

général Leclerc entre dans Hanoi le 18 mars, mais il est favorable à des négociations, considérant qu’il

faudrait une force de 500 000 hommes pour espérer vaincre, " sinon, dit-il, autant traiter tout de suite,

accorder l’Indépendance et faire l’économie d’une guerre ingagnable ".

Un modus vivendi est cependant établi entre les troupes françaises et le Vietminh. Des patrouilles mixtes

sont censées faire régner l’ordre à Hanoï. Mais, en même temps, l’administration vietminh attise par tous les

moyens et surtout dans les campagnes, les sentiments antifrançais dans la population.

Début juin, la France reconnaît une " République autonome de Cochinchine " qui devrait avoir le même statut

que le Nord. Le Vietminh prend très mal cette initiative française.

Peu à peu le général Leclerc perd confiance en Ho Chi Minh et le 6 juin 1946, à la veille de la conférence de

Fontainebleau, il écrit à Maurice Schuman et Georges Bidault " Ho Chi Minh est un grand ennemi de la

France, dont le but poursuivi par lui-même et son parti est notre mise à la porte pure et simple. Nous avons

tous les documents pour en faire foi. Tout est voulu et organisé par lui, prolongation de la guerre civile et

assassinats. Ne vous laissez pas prendre par la sympathie et les artifices de langage que Ho Chi Minh et son

équipe savent utiliser et manier à la perfection, ils sont destinés à vous leurrer et à gagner du temps ". Mais

le Vietminh est de fait reconnu comme le seul interlocuteur de la France. En Juillet 1946 débute la

conférence de Fontainebleau. Ho Chi Minh est en France et, avec l’appui du parti communiste français, il

multiplie les contacts avec des hommes politiques. La conférence échoue après trois mois de discussions,

principalement à cause du refus français de l’unification du Nord et du Sud exigée par Ho Chin Minh.

Fin 1946, la France accorde l’autonomie interne aux royaumes du Cambodge et du Laos.

La guerre d’Indochine (1946 1954)

Fin novembre 1946, des incidents sanglants se produisent entre les troupes françaises et le Vietminh à

Haiphong, puis le 19 décembre, l’insurrection générale est déclarée par le Vietminh avec des massacres à

Hanoï. C’est le début d’une guerre meurtrière contre le Vietminh qui durera 8 ans.

La France rappelle l’empereur Bao-Daï et des troupes vietnamiennes sont levées pour renforcer le Corps

expéditionnaire français. Le Vietminh de son côté s’organise en mettant en place d’abord un dispositif de

guérilla, à partir de partisans dans les villages et les centres urbains, qui sont chargées des minages,

sabotages et embuscades ainsi que de contrôler la population. En parallèle, le Vietminh développe un appareil

militaire à partir de soldats réguliers, " les Bo dois ", des supplétifs et des volontaires de la mort. La

guérilla ne se transformera réellement en guerre militaire qu’à partir de fin 1949.

Pour faire face à ces actions de guérilla sur tout le territoire, la France va accroître progressivement les

effectifs du Corps expéditionnaire, de 70 000 hommes fin 1946 à 130 000 à fin 1949. En mars 1949,

Vincent Auriol et Bao-Daï formalisent la reconnaissance de l’Indépendance du Vietnam uni au sein de l’Union

française. Bao-Daï revient comme chef de l’État vietnamien, en pleine souveraineté.

En octobre 1949, la donne change radicalement avec la proclamation de la République populaire de Chine et

le début de son aide massive au Vietminh. Fin 1949, les troupes communistes chinoises arrivent à la

frontière et commencent à alimenter le Vietminh en armes et matériel. C’est un tournant de la guerre, un

nouvel épisode de la guerre froide, et c’est maintenant une lutte contre un mouvement, certes nationaliste,

mais avant tout communiste qui veut étendre son emprise sur l’Indochine et rejette toute autre solution.

En octobre 1950, c’est le premier déploiement des divisions Vietminh : il provoque le drame de la RC4 et

l’anéantissement des colonnes Charton/Lepage qui visaient à assurer l’évacuation du Nord Tonkin.

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Le commandement français a sous-estimé la puissance et l’organisation des forces Vietminh appuyées par la

Chine et cette opération catastrophique conduit à l’hécatombe de 6000 soldats français accompagnés de

milliers de civils indochinois et à la disparition totale de plusieurs unités d’élite. Le Vietminh prend le

contrôle de toute la région frontalière avec la Chine.

Le 17 décembre 1950, le général de Lattre de Tassigny arrive à Saigon, auréolé de ses victoires de la

Libération de la France. Il est Haut-commissaire de la République et Commandant des forces en

Indochine, conformément à ses exigences de disposer des attributions civiles et militaires et déclare : "c’en

est fini des abandons ! Je suis venu pour vous sauver ". Dès le 19 décembre il rejoint Hanoi, menacé par le

Vietminh et il annonce que son épouse va le rejoindre, ce qui rassure les Français présents au Tonkin. La

radio vietminh ironise : " Il ne suffit pas de nous expédier un glorieux débris historique pour arrêter la

contre offensive générale du peuple ".

La propagande du Vietminh sous estime de Lattre qui est un vrai chef de guerre. Il ne fuira pas, ne cèdera

rien et frappera fort. En moins de deux semaines il réorganise les forces du Tonkin et par son autorité et

son immense charisme redonne confiance aux soldats et aux populations menacées par le Vietminh. Il va

défendre la constitution d’une véritable armée vietnamienne et privilégier le dialogue avec l’empereur Bao-

Daï.

Il va développer la communication avec les représentants de la presse française et internationale pour

défendre l’idée selon laquelle le combat que mène la France en Indochine est un combat pour la liberté du

Vietnam et contre le communisme qui essaye d’étendre son emprise à l’Indochine. Il va tenter de convaincre

les américains d’aider la France dans cette lutte. Dès fin décembre 1950 le " Military assistance act " est

signé à Saigon entre la France, les Etats associés et les Etat Unis.

Sur le plan militaire une nouvelle stratégie est définie, visant à sauvegarder le Vietnam utile, c'est-à-dire

tout le delta du fleuve rouge et défendre cette partie vitale du Tonkin, le grenier à riz, contre les attaques

du Vietminh. En janvier 1951 le général Salan mène et gagne, sous les ordres du général de Lattre, la bataille

de Vinh Yen du 14 au 19 janvier 1951 avec 13 bataillons, trois groupes d’artillerie et des chars contre 24

bataillons vietminh. Après des combats très durs, cette victoire militaire redonne confiance aux

combattants français et sauve Hanoï. C’est aussi une grande victoire politique.

En avril, le général de Lattre entreprend la construction d’une ligne fortifiée autour du Delta, qui sera

baptisée "ligne de Lattre ". Fin mai, de violents combats opposent des divisions du Vietminh et d’importantes

forces franco-vietnamiennes dans le Day, dans la région de Ninh Binh, au cours desquels les commandos

marine " François " sont sérieusement accrochés et le lieutenant Bernard de Lattre trouve la mort sur le

rocher de Ninh Binh pilonné par les tirs du Vietminh.

Le 11 juillet à Saigon, le général de Lattre lance un véritable appel au combat à la jeunesse vietnamienne :

" Soyez des hommes, c'est-à-dire : si vous êtes communistes, rejoignez le Vietminh ; il y a là-bas des

individus qui se battent bien pour une cause mauvaise. Mais si vous êtes des patriotes, combattez pour votre

patrie, car cette guerre est la vôtre. Elle ne concerne plus la France que dans la limite de ses promesses

envers le Vietnam et de la part qu'elle doit prendre à la défense de l'univers libre. Cette guerre, que vous

l'ayez voulue ou non, est la guerre du Vietnam pour le Vietnam. Et la France ne la fera pour vous que si vous

la faites avec elle. "

Après les durs combats de l’année 1951, au cours desquels les forces du Vietminh ont été lourdement

frappées, celles-ci doivent se recomposer, changer de stratégie. Elles choisissent d’éviter les

affrontements d’envergure et de harceler les troupes françaises sur la plus grande partie du territoire en

s’appuyant sur la population par tous les moyens. Le Haut Tonkin est leur bastion principal et le pont vers la

Chine qui apporte à Ho Chi Minh une aide de plus en plus importante et lourde de menaces pour l’issue de la

confrontation.

Début janvier 1952, le général de Lattre de Tassigny meurt, terrassé par la maladie et le chagrin d’avoir

perdu son fils unique.

En avril 1952, Jean Letourneau, ministre des Etats Associés, exerce les pouvoirs de Haut-commissaire

tandis que le général Salan est nommé Commandant en chef.

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Fin 1952, le général Salan crée un camp retranché à Na San, repousse les attaques des forces Vietminh en

leur infligeant de lourdes pertes, mais le camp devra être évacué en août 1953, tandis que le Vietminh

accroit son emprise au Nord Laos.

En mai 1953, le général Navarre remplace le général Salan et en juillet, à la fin de la guerre de Corée, des

soldats français rejoignent le corps expéditionnaire. En novembre 1953, l’opération Castor débute à Dien

Bien Phu par des parachutages de troupes et l’armée française installe progressivement un camp retranché.

Le 13 mars 1954, le Vietminh déclenche les assauts et les pilonnages contre les points d’appui de Dien Bien

Phu. Ce sont pendant deux mois des combats héroïques et très meurtriers. Le camp retranché tombe le 7

mai 1954, livrant 10 000 soldats français et indochinois à la captivité et, pour beaucoup d’entre eux, à la

mort.

Parallèlement le 26 avril, la conférence internationale de Genève s’était ouverte et la signature des accords

de Genève, prévoyant la fin des hostilités et une séparation provisoire du Nord et du Sud, intervient le 20

juillet 1954. Les accords permettent enfin la libération des soldats survivants des camps vietminh, mais sur

36 000 prisonniers entre 1950 et 1954, 26 000 ont péri dans ces véritables camps de la mort par suite des

traitements inhumains qu’ils ont subis.

D’août à décembre, le retour massif des soldats est organisé par bateau, mais l’accueil au port de Marseille

n’est pas toujours très digne : des prisonniers faméliques récemment libérés ou des malades sur des

brancards sont insultés et menacés par des militants communistes et la CGT.

En 1956, les derniers éléments du corps expéditionnaire quittent Saigon.

C’est la fin d’une présence française de plus d’un siècle en Indochine.

C’est principalement l’instabilité chronique des gouvernements de la Quatrième république depuis 1947, les

hésitations et les revirements qui s’en suivirent quant à la conduite de la guerre et la politique à suivre en

Indochine, face à la détermination sans faille des chefs du Vietminh fortement soutenus par la Chine, et à

une majorité de la population sous l’influence directe du parti et des soldats d’Ho Chi Minh, qui ont conduit à

cet abandon et à ce désastre : désastre d’abord pour les populations qui s’étaient engagées au côté de la

France et surtout contre le Vietminh, désastre pour les combattants du Corps expéditionnaire et de

l’Armée nationale vietnamienne qui, après tant de sacrifices, voient le Vietnam du Nord livré aux forces

communistes et le Vietnam du Sud soumis à l’instabilité et à une nouvelle influence extérieure, et menacé à

terme par son voisin du Nord.

Gilles Bonnier

Mai 2009

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Discours prononcé par le Général de Lattre

lors de la distribution des prix du Lycée Chasseloup-Laubat

Saïgon, le 11 juillet 1951

“Monsieur le Président, en acceptant d'assister à cette cérémonie, vous ne témoignez pas

seulement d'une fidélité personnelle envers votre ancien lycée, mais de l'intérêt que le Vietnam tout entier

apporte aux choses de l'esprit et singulièrement à la culture française qui fut et demeurera pour lui le

moyen privilégié d'accéder à la culture moderne. Je sais la gratitude profonde que porte l'élite du Vietnam

à l'oeuvre désintéressée de nos professeurs, de nos médecins, de nos chercheurs. Pour une âme

confucéenne, comme pour une âme grecque, les rapports de maître à disciple constituent l'une des relations

fondamentales qui peuvent unir les êtres et la forme la plus haute, sans doute, de l'amitié. Votre présence,

Monsieur le Président, est la reconnaissance de ce fait ; elle est aussi l'expression de l'amitié de votre

pays. Soyez-en loué et remercié. Monsieur le Professeur, vous me permettrez de ne pas vous répondre, me

bornant à vous féliciter, et puisque aussi bien vos paroles s'adressaient à vos élèves, c'est à eux également

que je veux adresser mon discours.

Mes jeunes amis, le discours modestement dit "d'usage" que vous venez d'entendre, constitue le

dernier sacrifice exigé d'un de vos professeurs. Après vous avoir fait travailler pendant toute une année,

l'on vient doctement vous apprendre à ne rien faire pendant trois mois. L'usage, en fait, s'est transformé.

De mon temps les éducateurs se croyaient tenus à des conseils aussi vertueux et aussi vains que ceux de

Polonius au départ de Laërte. Aujourd'hui - plus sagement, plus simplement - l'on vous convie à ce que vous

cherchez déjà de vous-même : la joie sous toutes ses formes. Recommandation superflue à votre égard,

présomptueuse même de la part d'adultes que la vie a plus ou moins meurtris et qui tendent désormais vers

la joie plus qu'ils ne la sentent en eux-mêmes. Un jour viendra peut-être où ce sera un élève qui aura la

charge, au seuil des vacances, de discourir sur la joie de vivre, et de remettre aux professeurs la clé des

champs. Et ce sera justice. Car nous, les grandes personnes, nous avons perdu la saveur et parfois jusqu'au

sens même des vacances. Nous ne savons " vaquer " qu'à nos occupations habituelles (il arrive même que

certains d'entre nous - on prétend que c'est mon cas - ne savent plus se reposer et empêchent les autres de

dormir). Mes enfants, il faut nous excuser car nous n'avons personne pour disposer notre vie aussi

heureusement que nous avons pu régler la vôtre. Pourquoi ? Parce que la vie humaine est brève, l'âge adulte

ne couvre, entre l'enfance et la vieillesse, que l'espace d'une génération, et ce que vos parents font pour

vous, les parents de vos parents ne peuvent déjà plus le faire pour eux.

Vous êtes des privilégiés sur le plan social. Vous êtes ainsi, mes chers amis, les grands

bénéficiaires de cet ordre humain qui est la civilisation même et qui permet aux petits des hommes, au lieu

d'avoir à gagner immédiatement leur vie, d'apprendre pendant des années et d'interrompre régulièrement

pendant des mois cet apprentissage lui-même. Vos vacances sont le produit net, le solde positif, le bénéfice

sûr de ce que certains économistes ont appelé la plus-value. C'est parce que dans la société actuelle, votre

famille ou l'Etat ont pu accumuler des réserves, que vous pouvez pendant longtemps dépenser sans rien

produire. Vous êtes des privilégiés sur le plan social et, puisque le privilège confère toujours un devoir,

n'oubliez, pas - en ce jour faste où vous allez entrer dans le loisir pur - de méditer à cet égard la parole

d'un grand écrivain catholique que vous ne connaissez peut-être pas, Léon Bloy : "Tous les sophismes du

monde ne changeront rien à ce mystère que la joie du riche a pour substance la douleur du pauvre ".

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Le Vietnam est en guerre. Vous êtes des privilégiés en un autre sens, d'une manière plus

particulière, pour une raison simple que l'on n'ose pas toujours dire car on a plus peur des mots que des

choses : c'est que le Vietnam est en guerre. Vos études et vos vacances ne sont possibles que parce qu'il y a

beaucoup de jeunes hommes français et vietnamiens qui ont renoncé à l'étude comme au repos pour

combattre et pour mourir ; beaucoup de jeunes Français dont la vocation n'était pas de tomber sur le sol de

votre pays ; beaucoup de jeunes paysans de chez vous qui ne semblaient pas destinés à donner l'exemple des

plus pures vertus guerrières. C'est leur sang à tous qui irrigue cette oasis de paix et de liberté où vous

vivez à l'aise, en plein milieu d'un monde desséché par la violence et déchiré par la fatalité.

Un cap à franchir. C'est là une constatation, non un reproche. Il est normal que vous mettiez du temps

à vous instruire, car " Il est long - Goethe l'a dit - d'apprendre à faire la moindre chose de la façon la plus

grande ". Vous avez le droit et le devoir de préparer votre avenir lointain dans le cadre de ce que sera

demain votre pays. A une condition toutefois, c'est que ce pays soit capable de franchir le cap de l'avenir

immédiat. Car il y a certains grands moments dans l'histoire des peuples où la jeunesse qui incarne le futur

doit aussi prendre en mains le présent. Quand un pays est assis à l'ombre de la mort, il faut que sa jeunesse

- comme cette fleur merveilleuse qui éclôt la nuit du Têt - il faut que sa jeunesse sache aussitôt fleurir et

porter son fruit avant que renaisse la lumière.

Le patrimoine sacré. N'est-ce pas le cas ici maintenant ? De la vieille terre du Viêtnam, fécondée par

tant de guerres d'Indépendance, il me semble que monte aujourd'hui, dans l'ombre menaçante de la

barbarie, un appel aux forces vives de la jeunesse. Hung-Dao, Prince de la "vertu restaurée", Nguyên-Trai,

tous les héros libérateurs que ce pays suscita l'un après l'autre pour son salut, c'est à la jeunesse du

Vietnam toute entière qu'ils confient le patrimoine sauvé jadis par leur valeur. Et moi qui ai connu et aimé la

jeunesse de beaucoup de nations, je dis que la jeunesse de ce pays est à la mesure de cette confiance et

des exigences de l'histoire. Jeunesse laborieuse et ardente, habile et orgueilleuse, ambitieuse et

enthousiaste, jeunesse affinée par les siècles et passionnée de nouveauté, jeunesse sensible, prête à être

emportée par une grande cause, en vérité la génération qui atteint aujourd'hui l'âge d'homme au Vietnam a

en elle toutes les qualités exceptionnelles que réclame immédiatement l'exceptionnelle conjoncture

d'aujourd'hui.

Il faut choisir. Pour que cette jeunesse aille au but, il suffit qu'elle parte dans le bon sens, qu'elle

évite les chicanes qui retiennent quelques-uns de ses aînés, qu'elle ne tombe pas dans les ornières où ils se

sont affalés comme un poids mort. Car il y a, mes amis, vous le savez, dans ce qu'on est convenu d'appeler

l'élite, quelques éléments impuissants et stériles qui ont perdu la foi dans votre pays. La défaillance de

quelques-uns ne fait qu'accroître l'importance de votre rôle. Leur erreur est trop grossière pour que vous la

partagiez.

De l'indépendance formelle à l'indépendance réelle. A la base de leur attitude, il y a

d'abord une conception mythique de l'indépendance. Une partie de l'élite du Vietnam se représentait cette

indépendance comme une vaste distribution des prix : plus ou moins réussie certes (on eût aimé que les

livres de prix fussent beaux) mais débouchant, en tout cas, sur de grandes et merveilleuses vacances. On

découvre maintenant avec peine qu'il y a des devoirs de vacances en quantité et au bout du compte un

difficile examen de passage, la guerre. Voulez-vous une autre image ? L'indépendance reconnue par des

textes, si solennels soient-ils, n'est qu'une maison de papier. Quand vient l'orage, il faut étayer cette

maison, la recouvrir, la monter sur pilotis. Or en temps de guerre, les pilotis ce sont des soldats.

Condamnation de l'attentisme. Ces malheureux auraient voulu avoir l'Indépendance sans la

guerre. Cette guerre est pour eux une réalité gênante qu'ils s'efforcent d'oublier le plus possible, un terme

néfaste qu'ils s'abstiennent même de prononcer, comme si en évitant le nom, on pouvait écarter la chose.

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Une jeunesse comme la vôtre, éprise de liberté, regrette sans doute elle-même quelquefois de n'arriver à

l'âge d'homme que pour se trouver " embarquée " dans une grande aventure qu'elle n'a pas choisie, au lieu

de pouvoir fabriquer et goûter à loisir les mille petits problèmes personnels et inoffensifs dans lesquels

peut se complaire, en temps de paix, l'adolescence. Avec de tels sentiments - et quelques intérêts bien

compris - l'on devient un attentiste ; on profite abondamment, en parasite, de l'ordre maintenu par le

Gouvernement légitime et l'Armée de l'Union Française, et l'on fait pénitence pour tout ce confort matériel

et intellectuel que l'on ne voudrait pas perdre, en manifestant une réprobation de bon aloi envers les

autorités protectrices et une vertueuse sympathie en faveur des rebelles.

La véritable Résistance. Par un mirage étrange, on prétend voir en eux la Résistance, comme si le

parti de l'étranger et de l'oppression avait le droit d'usurper ce titre réservé aux forces véritablement

nationales qui incarnent la volonté de vivre d'un peuple libre.

Soyez des hommes. Au nom des soldats de la France, au nom de l'avenir du Vietnam, au nom de l'idéal

dont la jeunesse est dépositaire, au nom de la jeunesse même de ce pays qui se bat, devant ces petits

calculs et cette honorable lâcheté, je dis à de telles gens et vous leur direz avec moi : non ! C'est la guerre.

Soyez des hommes !

Soyez des hommes, c'est-à-dire : si vous êtes communistes, rejoignez le Viêtminh ; il y a là-bas des

individus qui se battent bien pour une cause mauvaise. Mais si vous êtes des patriotes, combattez pour votre

patrie, car cette guerre est la vôtre. Elle ne concerne plus la France que dans la limite de ses promesses

envers le Vietnam et de la part qu'elle doit prendre à la défense de l'univers libre. D'entreprise aussi

désintéressée il n'y en avait pas eu, pour la France, depuis les Croisades. Cette guerre, que vous l'ayez

voulue ou non, est la guerre du Vietnam pour le Vietnam. Et la France ne la fera pour vous que si vous la

faites avec elle.

Liberté ou servitude. Aussi, jeunes Vietnamiens qui allez quitter le lycée, ne vous perdez derrière

aucun des prétextes que vous inspireront peut-être l'égoïsme familial et la propagande ennemie. Soyez à la

hauteur de l'Indépendance de votre pays et des lourdes responsabilités qui en rejaillissent sur vous. Car

l'Indépendance ne résout pas les problèmes, elle les pose à nouveau ; elle en pose de nouveaux et elle oblige

à les résoudre. L'Indépendance, qu'est-ce sinon ce qui permet à une nation de choisir librement entre la

liberté et la servitude, ce qui rend les citoyens responsables du destin de leur pays ?

Interdépendances fécondes et dépendances funestes. Ne tombez pas cependant d'un

extrême à l'autre : si l'Indépendance ne peut pas tout, ne croyez pas qu'elle ne soit rien. Certains

prétendent que le Vietnam ne peut être indépendant parce qu'il fait partie de l'Union française. Mensonge !

Dans l'univers, et particulièrement dans le monde d'aujourd'hui, il ne peut y avoir de nations absolument

indépendantes. Il y a seulement des interdépendances fécondes et des dépendances funestes. Sans

l'appartenance à l'Union française, le Vietnam, malgré son fier passé, ne serait-il pas aujourd'hui un

satellite de la Chine, et n'est-ce pas la preuve que la solidarité de l'Union française est une force de

liberté ?

Faites l'Armée nationale. D'autres parmi vous déclarent que le Vietnam ne peut être indépendant à

cause de la présence de l'Armée française. Et à cause de cela même, ils s'abstiennent de s'engager dans

l'Armée vietnamienne. Ils vont ainsi à l'encontre du but cherché. Car l'Armée nationale est l'expression

même de l'Indépendance du Vietnam ; et le Vietnam sera d'autant plus indépendant qu'il aura une armée

plus nombreuse, et je ne cesse de le dire, une armée encadrée par des officiers vietnamiens, qui relèvera

progressivement l'Armée française des tâches primordiales que celle-ci assume aujourd'hui. Or, le

développement de cette Armée nationale est essentiellement conditionné par la multiplication des cadres

nécessaires que vous seuls pouvez fournir. Quand il y aura des milliers d'officiers ayant l'âme et la trempe

du lieutenant Dinh, hier bachelier du lycée d'Hanoi, mort glorieusement à vingt-deux ans à la tête de sa

compagnie au combat de Lê-Xa, alors le Vietnam sera totalement indépendant. Mais cette Indépendance,

elle ne relève pas de la France, elle relève de l'élite du Vietnam.

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Au commencement était l'action. D'autres jeunes intellectuels enfin, souffrant du défaut de

tous les intellectuels du monde qui est la difficulté à s'engager, le refus de l'option, trouvent une troisième

raison pour se dérober. Ils allèguent qu'il n'existe pas de ce côté-ci de la barricade la mystique nécessaire

pour combattre un ennemi fanatique. Cela encore est un prétexte et un faux alibi. La jeunesse ne serait pas

la jeunesse si elle avait besoin d'autre mystique que son propre enthousiasme, son espérance, son amour de

la liberté. Chez le Vietminh lui-même, il n'y a pas plus, car le marxisme - c'est Lénine qui l'a dit - " n'est pas

un dogme, mais un guide pour l'action ". Entrez vous-mêmes dans la voie de l'action, vous y trouverez vos

guides. Allez de l'avant dans le sens du devoir national, et la mystique vous viendra avec les oeuvres.

Le Vietminh vous trompe. Qu'y a-t-il, au fond, derrière tous ces sophismes ? Il y a le Vietminh.

Depuis plus de cinq ans, drapé dans un nationalisme éclatant comme un habile torero dans sa cape de

lumière, le Vietminh joue un jeu féroce contre le vaillant peuple de ce pays : il l'a aveuglé dans le

scintillement de ses feintes, il l'a étourdi par le tumulte de ses cris, il l'a envoûté dans la magie de ses

mensonges. Et c'est ainsi que ce peuple au sang pur, "le peuple impulsif, ardent, généreux du Vietnam" au

lieu de s'attaquer à son ennemi véritable, le meneur de jeu communiste acharné à son asservissement, à sa

mort, a été pendant cinq ans manœuvré, détourné, égaré vers des ennemis imaginaires. Comment les

patriotes peuvent-ils accepter d'être de vulgaires outils entre les mains d'un mouvement, dont le chef

Staline a ouvertement admis que la "question nationale" n'est qu'une partie de la question générale de la

révolution prolétarienne, une partie de la question de la dictature du prolétariat ?

Sa Majesté Bao Daï et le Président Huu vous ont montré la voie. Pour vous en

particulier, jeunesse intellectuelle du Vietnam, l'œuvre urgente consiste donc, d'abord, à faire l'effort

d'examen et d'analyse nécessaire afin de juger la situation telle qu'elle est. Cette lucidité est la première,

et elle est aussi la suprême forme du courage. Votre Gouvernement vous en a donné l'exemple à Vinh-Yên.

Et l'homme qui a prononcé ce discours historique du 19 avril, grand tournant de la politique du Vietnam, il

est parmi nous ce matin. Et tous, vous sentez la fierté de compter le Président Huu parmi vos anciens. Vous

le suivrez, comme il suit lui-même le Chef de l'Etat, et je ne saurais assez vous redire ce que j'affirmais le

2 juillet à Mytho : "C'est dans la fidélité à l'idée que représente S.M. Bao-Daï, que se trouve votre vérité ".

Il vous faut admettre que vous arrivez à l'âge d'homme à l'heure où l'existence même de votre pays est en

jeu. Il vous faut comprendre que le Vietnam, parce qu'il est indépendant, est le maître de son destin, et que

la jeunesse du Vietnam, parce qu'elle est la jeunesse, en est responsable.

La voie ascendante. Certes, on ne choisit pas totalement son destin, on ne se donne pas le choix qu'on

aura à faire, mais on choisit entre deux partis donnés. Ainsi, vous, la jeune élite du Vietnam, vous n'êtes pas

libres de refuser le dilemme qui se pose aujourd'hui à votre pays : lutter pour être libre, ou accepter

l'esclavage. Mais vous êtes libres de choisir la voie ascendante, celle de l'honneur, du devoir et de l'effort,

ou au contraire celle de l'inaction, de la fuite, de la démission. Comment la jeunesse, quand elle sent monter

en elle la vie, ne choisirait-elle pas, pour vivre, le chemin le plus haut ?

L'enjeu de la lutte. La décision, mes jeunes amis, découle tout naturellement de la culture dont vous

vous êtes imprégnés pendant des années. La culture véritable n'est pas une évasion dans l'imaginaire, elle

est l'enrichissement, l'affermissement de la personne, la mise à sa disposition d'une armature, d'un

armement pour les luttes de l'existence. Elle n'est pas faite pour elle-même, elle est faite pour l'homme et

pour la vie. Et rien n'est plus triste que le spectacle de l'étudiant vieilli sur ses livres, prisonnier volontaire

dans les labyrinthes de la connaissance, qui évite sans cesse d'en trouver et d'en ouvrir la porte qui mène

vers le monde. La vraie culture, celle que vous avez reçue, est celle qui donne des raisons de vivre. Et les

raisons de vivre sont autant de raisons de mourir pour sauver ce qui donne un sens à la vie. Vous qui avez

reçu l'héritage de centaines de générations d'hommes, regardé l'homme se développer à travers son

histoire dans une aspiration continuelle à la justice et à la liberté, ne sentez-vous pas maintenant en vous un

grand idéal, le goût d'une certaine qualité humaine, l'exigence de la dignité de l'homme, la volonté d'un

régime social qui lui permette son libre épanouissement ? Vous savez que toutes ces valeurs dont le culte

est commun à l'Orient et à l'Occident, sont l'enjeu de la lutte qui se livre aujourd'hui dans le monde.

Comment ne voudriez-vous pas les défendre en même temps que votre pays ?

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Devoir des élites. Vous, la jeunesse intellectuelle du Vietnam, qui seriez les premiers à souffrir des

techniques d'avilissement du communisme, vous devez être les premiers à en protéger votre pays. Vous, les

privilégiés de la culture, vous devez revendiquer aussi le privilège de la première place au combat.

L'immense bonne volonté du peuple vietnamien vous attend, il réclame votre engagement et votre direction,

vous n'avez pas le droit de le décevoir. Car rappelez-vous l'affirmation de Confucius : "mécontenter le

peuple, c'est offenser le Ciel ". Vous pouvez être le sel de cette terre. Malheur à vous si le sel s'affaiblit !

Quand un pays est trahi par son élite, il meurt ou il invente une élite nouvelle. Si les enfants de la

bourgeoisie ne voulaient pas servir le Vietnam, le Vietnam serait servi et sauvé aujourd'hui et dirigé demain

par les fils du peuple. Tant pis alors pour les émigrés et de l'intérieur ou de l'extérieur, tant pis pour les

réfugiés de France ou d'ailleurs, tant pis pour ceux qui s'abritent dans leurs richesses, dans leurs études ou

dans l'attente. Tant pis pour ceux qui ne trouvent pour répondre à la grande crise de leur pays qu'un

surcroît d'esprit critique. Un pays n'est pas fait par des réfugiés, des fugitifs ni des critiques mais par

ceux qui répondent à son appel, dans le besoin. Je suis sûr que vous êtes de ceux-là.

Le Vietnam sera ce que vous l'aurez fait. Les jeunes hommes du Vietnam ont aujourd'hui

l'honneur et la chance qu'une noble aventure soit offerte à leur généreuse ambition. Leur patrie "la terre

héritée de leurs pères, les eaux et les collines", il leur appartient de la recréer. Comme un miroir magique où

l'on découvre son âme, le Vietnam de demain aura le visage de ce que sa jeunesse aura su aujourd'hui lui

donner d'elle-même. Et je dis aux jeunes hommes du Vietnam, ne soyez pas de ces êtres qui ont de grandes

ambitions et de petits projets. Osez former le grand dessein de sauver votre pays. Dites-vous ceci : qui sait

tout souffrir, peut tout oser. Et gardez pour devise celle de ce palatin qui s'écriait à la Diète de Pologne :

"J'aime mieux une liberté dangereuse que la paix dans la servitude".

Ici commence le pays de la liberté. En cette heure solennelle du destin de l'Asie, le geste que

l'histoire attend de vous dépasse le cadre de votre pays. Il doit répondre à l'espérance obscure de millions

d'êtres prêts à subir le communisme comme une fatalité. De vous dépend que demain, des hommes échappés

à la terreur de l'Empire du Nord puissent s'écrier aux frontières du Vietnam, comme en 1789 les étrangers

qui pénétraient en France : " Ici commence le pays de la Liberté ". Dans les lycées et les universités du

monde, toujours des garçons se sont levés contre l'oppression : les jeunes Allemands de l'Université de

Berlin, en 1813, contre l'envahisseur français ; les jeunes Français après 1940 à Paris, contre l'envahisseur

allemand. Ils ont montré qu'Hamlet avait tort, la science et la conscience ne font pas de nous des lâches.

Aujourd'hui, toute la jeunesse du monde est en marche pour le meilleur et pour le pire. Dans les pays

soviétisés, elle est l'avant-garde des forces d'oppression de l'Etat contre l'individu. Dans les pays libres,

elle doit remplir la plus haute des missions : défendre la liberté de l'homme. Et une fois engagée dans ce

combat, elle a la récompense d'y découvrir encore de nouvelles raisons de se battre, dans ces valeurs

précieuses qui devraient être l'âme de toute cité humaine et que le risque permet d'apprivoiser : la

fraternité virile, l'égalité devant le danger et la grandeur, la communion des espérances.

Alors tu seras un homme. Je sens certes trop intimement, moi-même, les souffrances et les

sacrifices de la guerre pour en exalter les mérites. Vauvenargues disait : " Il n'y a pas de gloire achevée

sans celle des armes ". Mais quelle gloire peut compenser la perte de ce qu'un peuple ou une famille a de

plus précieux, la vie de ses enfants ? Non, la guerre n'est pas bonne en soi ! Elle est une malédiction de la

race humaine. Sa valeur est seulement celle de la cause qu'elle sert et des êtres qui s'y réalisent. Elle est

parfois l'épreuve nécessaire d'une Nation, elle est souvent l'occasion donnée aux meilleurs de se libérer de

toute petitesse, de grandir, de devenir eux-mêmes, de se dépasser eux-mêmes. Telle est bien la

conjoncture d'aujourd'hui au Vietnam. Le destin de votre pays est en jeu et avec lui l'existence même de

l'élite que vous êtes et qui n'aurait pas sa place sous un régime communiste. Devant la menace qui pèse sur

ce pays et sur l'univers, comment pourrais-je vous inviter à la joie ? Je n'ai à vous proposer, comme Winston

Churchill jadis à l'Angleterre, que " du sang, des sacrifices et des larmes ". Je n'ai à vous offrir que la vie

dans sa plénitude, le coeur qui bat pour de grandes choses, l'allégresse du combat, l'honneur de souffrir, la

pureté de l'espérance. La vie, voyez-vous, c'est beaucoup plus et c'est beaucoup mieux que la seule joie.

Souvenez-vous des paroles sublimes de Goethe : "Les Dieux infinis donnent tout à ceux qu'ils aiment. Tout.

Toutes les joies infinies, toutes les souffrances infinies. Tout ".

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L'appel de la Patrie. Soyez, mes amis, de ces êtres aimés des Dieux, refusez le bonheur des petites

âmes manœuvrières qui essaient de profiter de tout et cherchent leur satisfaction à l'abri de leur caste, au

milieu du malheur de leur pays. Si vous cherchez la joie, cherchez la joie la plus haute : celle du don de soi,

celle du sacrifice pour la patrie, celle de l'effort vers un monde nouveau ; la joie de pouvoir donner à votre

tour l'existence au pays qui vous a faits ; la joie de donner l'exemple, la joie de donner confiance, la joie

d'être ce qu'il y a de plus noble au monde : un donateur ; la grande joie plus grande que la souffrance, celle

d'être quelqu'un et de souffrir pour quelque chose, celle d'être un homme qui devient libre en devenant soi-

même au service d'une Cause plus grande que lui.

Le Vietnam sera sauvé par vous. Jeunes hommes de l'élite vietnamienne auxquels je me sens

attaché comme à la propre jeunesse de ma terre natale, le moment est venu pour vous de défendre votre

pays. Au soleil de l'Indépendance il faut encore de la sueur et du sang pour faire lever la moisson des

hommes libres. La jeunesse intellectuelle du Vietnam a aujourd'hui sa place dans cette grande tâche, aux

côtés de la jeunesse paysanne. J'ai confiance en vous. Vous êtes l'espoir qui n'a pas failli et qui ne sera pas

déçu. Je crois que le monde sera sauvé par quelques-uns. Je crois que le Vietnam sera sauvé par

vous.

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Extraits de débats parlementaires

relatifs à la guerre d’Indochine

Assemblée Nationale 3ème séance du 9 avril 1952 : discussion budgétaire J.O p.2062

M. Christian PINEAU, rapporteur spécial de la commission des finances : " Les crédits militaires qui

nous sont demandés représentent une part considérable de l’ensemble (des budgets militaires) et […] sur les

dits crédits, ceux relatifs à l’Indochine sont les plus élevés et certainement les plus controversés. "

" Je limiterai mon propos aux seules questions concernant les Etats associés et vous ne serez pas surpris

de m’entendre évoquer le voyage d’information qu’avec trois collègues de la commission des finances, dont

l’un est aujourd’hui sur le banc des ministres, nous avons accompli au mois de janvier dernier. À l’issue de ce

voyage, nous avons rédigé un rapport de près de trois cents pages qu’il n’était pas possible de rendre public

dans tous ses détails, mais dont je vais m’efforcer de résumer les idées essentielles. "

" Mes collègues et moi tenons à souligner en tout premier lieu l’impression de haute tenue morale que nous

ont produite les officiers, sous-officiers et soldats de l’Union française qui livrent actuellement de durs

combats pour la défense de la liberté. (Applaudissement à gauche, à droite et à l’extrême droite.) "

" Si chacun a le droit, dans une démocratie, de donner librement son opinion sur la manière dont il convient

de terminer une guerre, nul n’a celui de manquer de respect à des hommes qui luttent, souffrent et meurent

pour la cause que leur a définie la nation. (Nouveaux et vifs applaudissements sur les mêmes bancs.) "

" Il est assez émouvant – et mes collègues ne me contrediront pas – lorsqu’on connaît la fin glorieuse des fils

de plusieurs généraux, la détention du fils du général Leclerc, de rencontrer en première ligne, parmi bien

d’autres, le fils du général Juin et le petit-fils du maréchal Gallieni. Nous y avons trouvé la double preuve de

la continuité militaire française et de l’effort commun d’hommes appartenant à toutes les classes de la

nation pour la défense d’une même cause. (Applaudissements sur les mêmes bancs.). Malheureusement, les

pertes subies sont lourdes et le problème du renouvellement des effectifs, plus particulièrement en ce qui

concerne les cadres, devient préoccupant. "

[…] p 2064

" En Indochine, les choix sont aujourd’hui très limités. Une évacuation à chaud exigerait des moyens

supérieurs à ceux dont nous disposons actuellement, mais surtout l’annonce d’un départ précipité, se

traduisant par l’insurrection générale d’une population devenue alors désireuse par panique de donner des

gages au Vietminh entraînerait des massacres dont nul Français ne peut mesurer l’étendue et prendre la

responsabilité. Applaudissements à gauche, au centre et à droite.) "

[…] p 2065

" Le problème local est moins celui d’une négociation militaire entre la France et ceux qu’elle combat que

celui d’une opération politique tendant à unifier et à pacifier le Vietnam sous une autre égide que celle de

Moscou ou de Pékin. La présence de nos armées ne serait plus, dans ces circonstances et pendant le temps

strictement nécessaire à l’aboutissement d’un plan d’action politique, que le moyen d’assurer la véritable

indépendance des Etats associés. "

[…]

" Il nous faut faire comprendre à nos alliés de quel poids anormal pèse la guerre d’Indochine sur l’économie

et la sécurité de notre pays. Or, trop souvent, lorsque l’on mesure l’effort financier de la France pour sa

défense nationale et pour son réarmement, on oublie que plus du tiers de cet effort n’est pas consacré à

assurer la défense de l’Europe, mais celle d’une région du monde où ce n’est plus la France qui possède les

plus grands intérêts. "

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M. Marcel MASSOT p. 2067

" Depuis cinq ans, la France soutient là-bas, seule ou à peu près seule, une lutte épuisante. Nous avons eu des

alternatives de succès et de revers. Après le tragique abandon, à l’automne 1950, de nos postes frontières

et le désarroi qui s’ensuivit, le maréchal de Lattre parvint presque miraculeusement, on ne le dira jamais

assez, et en quelques mois, par son prestige, par ses magnifiques qualités militaires et personnelles, à

redresser la situation. "[…]

" Notre corps expéditionnaire est composé de 257 000 hommes environ, parmi lesquels sont engagés, sous

forme de troupes régulières ou de supplétifs, 112 000 autochtones. Le reste est représenté par 75 000

Français environ, 20 000 légionnaires et 50 000 Africains ou Nord-Africains. […] Vous me permettrez

d’évoquer ici un souvenir particulièrement douloureux. J’ai eu, le 20 janvier, une longue conversation avec un

jeune lieutenant dont j’admirais le courage et la sérénité. C’était le frère de notre collègue, M. Billères,

président de la commission de l’éducation nationale. J’ai appris ce matin avec une peine infinie qu’il était

tombé dans les récents combats au Tonkin. La France ne témoignera jamais assez de reconnaissance à ces

officiers, à ces sous-officiers, à ces soldats qui ont accepté de se battre pour un idéal sur une terre

lointaine et Dieu sait dans quelles conditions ! On est frappé quand on parcourt le Tonkin, quand on visite les

champs de bataille, les postes avancés du Tonkin par l’admirable sang-froid de ces hommes. "

p. 2068

" Nous avons visité les nombreuses écoles qui ont été crées : l’école d’officiers de Dalat, les écoles

d’officiers de réserve de Nam-Dinh, dans le Nord, et de Thu-duc dans le Sud, les écoles de chefs de section

d’active, les écoles de cadres d’active. L’école de Dalat, qui est la plus importante, peut former chaque année

de 400 à 450 officiers d’active, recrutés soit parmi les fonctionnaires, sur leur demande, soit sur concours.

Les écoles de Thu-duc et de Nam-dinh peuvent former chaque année 700 officiers de réserve. On peut dire

que d’une façon générale toutes les troupes des Etats associés sont des troupes terrestres ; il n’existe

pratiquement ni marine ni aviation. […] Si 1951 a marqué un tournant important pour l’organisation de cette

armée, si l’appel adressé par le maréchal de Lattre aux Vietnamiens a été entendu et a porté ses fruits, si le

« jaunissement » de l’armée – pour employer une expression généralement admise – a été partiellement

réalisé, les cadres restent manifestement insuffisants. "

p. 2069

" Numériquement, l’armée vietminh est au moins égale à celles des Etats associés et de l’Union française

réunies. Elle dépasse à ce jour 400 00 hommes. Le ravitaillement et le renouvellement des armements sont

organisés par la Chine, sans souci d’économie, semble-t-il. Il s’accroît de façon constante. […] l’Afrique du

Nord exige de nous une vigilance sans cesse accrue et (…) sans compromettre gravement nos finances, nous

ne pourrons plus maintenir nos sacrifices à la cadence actuelle. […] Quel que soit mon désir de voir se

terminer le plus tôt possible la guerre d’Indochine, je voterai (…) sans hésiter le collectif qui nous est

demandé, car je suis de ceux qui pensent qu’on ne peut pas priver de crédits des hommes qui se battent, qui

sacrifie leur vie pour le pays. "

M. FREDERIC-DUPONT p. 2071

" Il faut convenir que, dans ce domaine (livraison du matériel militaire), l’organisation n’est pas au point. (…)

Quelle sont les causes de l’état de choses que je viens de dépeindre ? (…) D’abord, évidemment, les

difficultés sont très grandes, mais aussi il existe un esprit de routine chez beaucoup d’exécutants. C’est

particulièrement sensible en ce moment parce que, actuellement, la France est, prétend-on, en paix, alors

qu’elle fait la guerre. Trop de personnes oublient, à l’heure où, confortablement installées au ministère des

finances ou ailleurs, elles discutent sur tel ou tel crédit, que des hommes paient de leur sang ce qu’un jour,

répondant à une de mes interpellations, M. Pleven, à la tribune où je suis, a qualifié de chipotages. Nous

avons eu des preuves de cet état d’esprit. En mars dernier, par suite des erreurs et des retards du

ministère des finances, les soldats d’Indochine n’avaient pas encore touché les rappels de solde prévus

depuis le mois de mars de l’année dernière. C’est ainsi que les femmes des soldats et officiers d’Indochine

recevaient des délégations plus modiques que les femmes des militaires qui sont à Dakar ou en Somalie,

parce qu’il y aurait, à ce propos encore, chipotage entre services : ces messieurs du ministère des finances

n’avaient pas pu se mettre d’accord sur l’adaptation littérale des nouvelles dispositions aux textes anciens

relatifs aux soldats d’Indochine. […] Des collègues ont rendu un hommage mérité à nos soldats. Je tiens

pour ma part à rendre hommage à tous les Français qui sont là-bas, non seulement à ceux qui se battent,

mais aussi aux fonctionnaires, à ceux qui font rouler les trains et qui, quelquefois, sautent avec eux. "

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Assemblée nationale 1ère séance du 10 avril 1952 : Ouverture et annulation de crédits sur

l’exercice

M. Jean LETOURNEAU, ministre d’Etat, chargé des relations avec les Etats associés. p. 2097 […]"Je

m’attarderai plus longuement sur le rapport de la mission parlementaire. Celle-ci me permettra de signaler à

l’Assemblée (…) que les visites de ses membres dans les états majors, les services et parmi les troupes ont

incontestablement donné à cette armée qui se bat le sentiment que le Parlement est derrière elle. J’ajoute

que ces visites n’ont pas peu contribué à dissiper cette sorte d’amertume, qui s’empare des hommes qui se

battent là-bas quand tombent sous leurs yeux des extraits d’une certaine presse, peu soucieuse des

réactions qu’elle ne saurait manquer de provoquer. " (Applaudissement au centre, à droite, à l’extrême droite

et sur divers bancs à gauche.)

[…] p. 2099 " M. Frédéric-Dupont a particulièrement traité de la question des hélicoptères. Mieux que je

ne saurais le faire, il a souligné l’intérêt essentiel de ces appareils, spécialement pour le sauvetage rapide

des blessés. Faisant écho à ces paroles, je veux rendre hommage aux quelques très rares pilotes

d’hélicoptères que nous avons en Indochine, qui ont assumé une tâche absolument extraordinaire et sauvé un

nombre très appréciable de vies humaines. "

[…] p. 2101 " M. Dronne a bien voulu rappeler que la situation avait été redressée en 1950 parce qu’il s’était

trouvé là-bas un homme prestigieux, le maréchal de Lattre de Tassigny. Je voudrais simplement que M.

Dronne, en toute justice, voulût bien prendre acte qu’il s’est trouvé, à un certain moment de l’histoire, un

président du conseil et un ministre responsables pour désigner le général de Lattre de Tassigny et pour lui

demander de prendre cette responsabilité. " […]

M. Raymond Dronne. J’en prends acte, mais il aurait mieux valu le faire un an plus tôt".

M. le ministre d’Etat. "J’ajoute qu’ayant travaillé très étroitement et, je puis le dire, dans une très

affectueuse communion de pensée tout au long de cette année avec le maréchal de Lattre de Tassigny,

lorsque certaines autorités que je respecte m’ont fait comprendre ou forcé à admettre qu’il n’y avait pas

d’autre solution que celle consistant, pour le ministre responsable, à accepter d’aller sur place assumer la

totalité des responsabilités, je n’ai pas cru qu’il fût possible de refuser ce devoir. Je ne pense pas, en effet,

et M. Dronne est certainement de mon avis, que le métier de ministre doive être abandonné le jour où il

commence à comporter quelques ennuis et quelques risques. […] J’accepte cette solution pour le temps qu’il

faudra l’accepter, mais elle me semble devoir préparer une réorganisation des pouvoirs français en

Indochine. Si je l’ai acceptée, c’est essentiellement pour qu’au lendemain de la mort du maréchal de Lattre

de Tassigny, personne là-bas, aussi bien les hommes du corps expéditionnaire que nos amis vietnamiens,

cambodgiens ou laotiens, et même le Vietminh, ne puisse penser que la politique de la France va être

modifiée. […] p. 2102 Il faut, lorsqu’on adopte une certaine attitude au Parlement, veiller à ce qu’elle ne se

traduise pas à la fois dans le corps expéditionnaire et chez tous nos amis du Cambodge, du Laos et du

Vietnam, par une inquiétude sur ce que fera la France le lendemain. "

[…] p. 2102 M. le ministre d’Etat. " Mais est-ce une raison de penser, même si cela est agréable, que nous

pouvons du jour au lendemain abandonner le combat et alors que nous nous sommes engagés partout dans la

défense des libertés, pour abandonner à l’esclavage communiste, pour commencer, 25 millions de laotiens, de

Cambodgiens, et de Vietnamiens ! Est-ce comme cela que nous commencerons la campagne pour le monde

libre ? A partir de ce jour là, qui donc dans le camp du monde libre, nous croirait et qui donc, dans cette

coalition du monde libre, prêterait la moindre attention aux pensées et aux engagements que nous pourrions

prendre ? "

[…] p. 2103 " Nous leur avons dit : Nous vous protégerons contre les invasions extérieures ; nous nous

chargerons de vous garantir d’abord contre les pirateries intérieures, ensuite cotre les dangers venus de

l’extérieur.

Et si l’on me dit : Vous trouverez des troupes disponibles qui pourront assurer le maintien de l’ordre dans

d’autres secteurs où vous pourrez rencontrer des difficultés », je répondrai que j’attache infiniment plus

d’importance aux hommes qui, en Afrique du Nord comme en Afrique noire, comme ailleurs, ont confiance

dans la parole de la France [….] L’Indochine est une terre où nous sommes depuis près d’un siècle, où se sont

créés entre la vieille terre de France et ces vieilles terres d’Asie, mille et un liens. […] Des citoyens

français vivent dans ces pays où vivent aussi des Eurasiens sur lesquels l’Assemblée, avec tant de raison,

attire très souvent l’attention du Gouvernement, et des citoyens français d’origine vietnamienne. Qui peut

donc imaginer que tout cela ne représente subitement rien pour la France, que cela ne représente pas non

seulement un capital économique mais un capital moral énorme et qu’on peut ainsi, tout d’un coup, déclarer

qu’on va s’en aller ? "

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p.2105 " Un de mes camarades d’enfance, jeune lieutenant, qui, sur mon intervention personnelle, avait

obtenu comme une grande faveur de retourner pour la troisième fois en Indochine, vent d’y être tué. Je me

trouvais il y a quinze jours chez son père […] Il me disait : j’espère au moins que vous n’allez pas quitter

l’Indochine, car ce qui m’a fait le plus de mal dans toutes les condoléances qu’on m’a apportées, c’est qu’un

homme est venu me dire : Si l’on avait pu arrêter cette guerre, votre fils ne serait pas mort. Et cet homme

(…) a simplement répondu : si mon fils pouvait revenir, il avait une telle conscience de ce qu’il défendait en

Indochine qu’il n’hésiterait pas à donner sa vie une deuxième fois pour la même cause. "

Assemblée nationale 2ème séance du 19 décembre 1952 : discussion d’un projet de loi relatif

au développement des crédits affectés aux dépenses de fonctionnement et d’équipement des

services militaires pour l’exercice 1953 (Etats associés et France d’Outre-mer)

p. 6643 M. FREDERIC-DUPONT, rapporteur spécial de la commission des finances. " En ce qui concerne

les prisonniers rebelles, la majoration des crédits est très sensible puisqu’elle atteint 1 446 millions de

francs. Elle provient de l’augmentation du nombre des prisonniers viets qui, malgré des libérations massives,

sont passés de 50 000 à 70 000. Mais, (…) je vous demande de retenir combien la charge que nous nous

imposons à ce titre souligne le désir de notre pays de traiter humainement ces prisonniers. Nous aimerions

être sûrs que la réciproque est vraie, et je crois être l’interprète de l’Assemblée en disant au Gouvernement

que les nouvelles qu’il pourra nous donner sur le sort des nôtres, actuellement prisonniers du Vietminh,

auront pour nous le plus grand intérêt. " […]

p. 6644 " Enfin (…) puisque nous sommes en guerre, je ne comprends pas la faiblesse avec laquelle le

Gouvernement traite parfois le parti de la trahison. S’agissant des mêmes adversaires en Indochine et ici,

n’estimez-vous pas profondément regrettable que l’Humanité du 6 mars 1952 puisse écrire : Félicitations au

succès du Vietminh. Nous sommes de cœur avec lui. Nous envoyons aux troupes du Viet notre fraternel salut

et notre témoignage de solidarité agissante. "

Voilà (…) ce qu’un journal imprimé à Paris peut écrire à ceux qui assassinent nos soldats. "

p. 6646 M. Pierre ANDRE, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale. " Personne

au sein de notre commission ne met en doute les qualités de courage, d’abnégation, d’esprit de sacrifice des

officiers, des sous-officiers et des soldats qui se battent héroïquement depuis six ans contre un ennemi

implacable, féroce, fanatisé. Nous nous inclinons avec respect, avec émotion devant les tombes de tous ceux

qui ont fait le sacrifice suprême, qu’ils soient Français, Marocains, légionnaires, Africains, Vietnamiens,

officiers – parmi lesquels vingt-huit fils d’officiers généraux français et bien peu de fils de mandarins -

sous officiers et soldats. " […] p. 6647 " Depuis plusieurs jours, l’Humanité publie des articles de M. Pierre

Courtade sur l’Indochine. Ce journaliste y parle des armées de l’Union française en termes insultants. Il fait

mieux : il appelle nos officiers et nos soldats l’ennemi. (…). Tant que le communisme, qui nous combat

sauvagement les armes à la main en Indochine, aura des complices à Paris qui pourront impunément nous

trahir, la guerre d’Indochine durera. "

p.6656 M. Raymond DRONNE " […] La structure de l’Etat du Vietnam est encore bien faible. Ce serait

mentir que de prétendre qu’il a l’audience des populations. Celles-ci vivent dans des conditions

épouvantables. Elles ne savent pas de quoi demain sera fait. Elles savent, par contre, que le Vietminh coupe

facilement les têtes de ceux qu’il appelle des traîtres et de ceux qu’il soupçonne d’être susceptibles de

devenir des traîtres. Ces populations ont perdu confiance pour de multiples raisons. La principale est que

nous-mêmes et les Etats associés n’avons pas encore réussi à mettre au point une véritable technique de

pacification. Les postes changent trop souvent ; l’action entreprise n’est jamais poursuivie jusqu’au bout.

Voici un exemple assez récent pris dans le delta tonkinois : une section reçoit l’ordre de s’installer dans un

secteur, d’y rester et de faire de la pacification. Le jeune officier rallie les habitants, rétablit la sécurité,

réinstalle l’administration communale traditionnelle, fait régner la paix et la prospérité. Puis brusquement,

un soir, il reçoit l’ordre de partir le lendemain à l’aube. A peine est-il parti que le Vietminh revient et coupe

la tête de tous les notables. Après de telles expériences, qui, hélas, ont été nombreuses, on comprendra que

les populations se réfugient dans un prudent attentisme. "

3ème séance du 19 décembre 1952

p.6660 M. André BETTENCOURT." La France a donné aux Etats de l’Indochine leur indépendance. Peut-

on faire mieux ? Et si nous combattons aussi durement en Indochine, ce n’est pas pour défendre nos

intérêts à nous (…) mais pour défendre de jeunes Etats associés et amis auxquels nous avons apporté la

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prospérité et que nous avons élevés à l’indépendance. Le général de Lattre de Tassigny disait en Amérique :

" Nous colonialistes, nous n’avons plus aucun intérêt en Indochine. Noua avons tout donné, y compris notre

chemise. Maintenant, nous donnons notre peau. " Faudra-t-il que nous soyons taxés jusqu’à la fin de ce que

nous ne sommes pas et faudra-t-il que nos morts n’aient plus, vis-à-vis du monde, cette justification de

mourir pour une cause noble et pour un bel idéal. Les Indes sont plus pour l’Angleterre que l’Indochine pour

nous. L’Angleterre a des intérêts aux Indes infiniment plus considérables. Je ne sache pas que le climat

politique des Indes soit toujours celui de la paix, et pourtant les Anglais ne songent plus à s’y battre. La

Hollande aussi ne se bat plus en Asie. Nous, nous y restons encore et nous n’y restons pas pour nous. Nous

restons pour empêcher le Vietnam, élevé à l’indépendance, d’être écrasé par la plus grande et la plus

parfaite entreprise de domination qui soit au monde. Nous restons pour empêcher le communisme d’asservir

ce pays. Nous restons par fidélité à la cause commune des pays libres. Notre action ne se situe plus que sur

ce plan là. Nous ne faisons pas autre chose en Indochine que ce que fait l’ONU en Corée, si ce n’est qu’en

Indochine nous sommes seuls à côté du Vietnam. "

p. 6663 M. Paul CERMOLACCE (ext-gauche) " Depuis six ans nous répétons, et nous le disons aujourd’hui

avec plus de force encore, qu’il faut faire cesser cette guerre. Le ministre des Etats associés rétablit la

censure, il contrôle les informations. Il faut faire la paix au Vietnam. La paix au Vietnam est la seule

solution juste. Elle est la seule conforme à l’intérêt de la nation. Elle est la seule qui permette de réaliser

des accords économiques et culturels dans l’égalité des droits des peuples et dans le respect de leurs

intérêts légitimes. Dans la France entière l’opposition à cette guerre se développe. Ces conséquences

deviennent sensibles et insupportables à des millions d’hommes et de femmes jusque là mal informés ou

trompés. La volonté d’y mettre fin se généralise. Si tous les Français étaient consultés, il ne s’en trouverait

pas un sur vingt-cinq qui approuverait le Gouvernement. Dans un appel lancé en janvier 1952 à tous les

conseils presbytériens, on retrouve la même appréciation quand on lit : " On ne trouve pratiquement plus en

France personne pour approuver la guerre d’Indochine, personne en tout cas qui n’en souhaite la fin. Il faut

que cette guerre inutile cesse. "

p. 6666 M. Edouard DALADIER " […] Nous dépensons en Indochine 20 p. cent des crédits militaires

totaux. Nous y mobilisons 26 p. cent des officiers français. Nous y perdons une promotion de Saint-Cyr par

an. Nous y employons près de 40 p. cent du personnel de sous-officiers et de spécialistes. […]

p. 6667 Allez-vous accroître les effectifs que l’on présente chaque année comme insuffisants ? Certes non.

Vous n’en parlez pas, mais je me demande si, à mesure à mesure que cette insurrection populaire se

répandra et s’étendra dans ce pays, vous ne serez pas obligés, comme cela a d’ailleurs été suggéré dans

cette Assemblée il y a quelque temps, d’accroître la durée du service militaire et, peut-être, un jour, de

faire appel au contingent ? "

p 6671 M. le ministre d’Etat chargé des relations avec les Etats associés " Je tiens d’ailleurs à

rectifier au passage une erreur assez communément répandue de bonne foi, parce que le chiffre fait image.

Il n’est pas exact, Dieu merci ! que nous perdions chaque année en Indochine la valeur d’une promotion de

Saint- Cyr. Lorsqu’on fait la moyenne, depuis 1945 jusqu’à nos jours, ces pertes correspondent à peine - et

c’est déjà beaucoup trop lourd – à une demi-promotion. "

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Table des matières

Repères chronologiques p. 2 et 3

Biographie de Philippe Leclerc de Hautecloque p. 4

Biographies de Thierry d’Argenlieu et de Jean Sainteny p. 5

Biographie de Raoul Salan p. 6

Biographies de Jean Letourneau et de Bao Daï p. 7

Planche photos de Jean de Lattre de Tassigny p. 8

Biographie de Jean de Lattre de Tassigny p. 9

Planche photos de Bernard de Lattre de Tassigny p. 10

Biographie de Bernard de Lattre de Tassigny p. 11

Biographie de Ho Chi Min p. 12

Biographie de Vo Nguyen Giap p. 13

Planche photos des combattants de l’Union Française p. 14 et 15

Les femmes dans la guerre p. 16 et 17

avec planche photos

Le calvaire des prisonniers des camps vietminh p. 18 et 19

Planche photos de prisonniers libérés p. 20

La Quatrième République et la guerre d’Indochine p. 21

Planche photos de Dien Bien Phu p. 22

Combats du camp retranché de Dien Bien Phu p. 23

Planche photos de Dien Bien Phu p. 24

Commémoration du 50ème anniversaire de Dien Bien Phu p. 25

Les pertes humaines des forces de l’Union Française p. 26

Monuments commémoratifs p. 27

Les Pouvoirs Publics et la mémoire de la guerre d’Indochine p. 28

Bibliographie p. 29, 30, 31

Annexes

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EXPOSITION GUERRE D’INDOCHINE

REMERCIEMENTS

Général André SCIARD, président de la Fondation du Maréchal de LATTRE, Monsieur

Francis de SAINT AUBIN, secrétaire général et le colonel Jacques DEVEVEY, pour leur

parrainage, la mise à disposition de nombreux documents photographiques de la

Fondation, leur aide précieuse et leur généreuse participation.

Messieurs Jean-Louis DELPUECH, directeur départemental de l’Office National des

Anciens Combattants et Ismael AZZOUG, délégué de Paris à la mémoire, pour leur

soutien et le prêt des panneaux de l’exposition Guerre d’Indochine.

Général Guy SIMON, président de l’A.N.A.I (Association Nationale des Anciens et Amis

de l’Indochine et du Souvenir Indochinois), Messieurs Henri DUPONT et Michel CHANU,

pour leur aide et le prêt de nombreux documents.

Monsieur Yves GUERIN, Président de l’UNC du 7ème, pour le soutien accordé par la

section UNC de l’arrondissement.

Madame Annick LEROY, adjointe au Maire du 7ème déléguée aux anciens combattants et

aux affaires sociales, pour son soutien et le prêt de documents.

Mesdames KRZESINSKI, principal du Collège Jules Romains et Marie-Thérèse

DENIZARD, professeur d’Histoire, pour leur implication dans le projet « mémoire 2009

de la guerre d’Indochine » au sein de ce collège.

Monsieur le préfet Pierre HUG, président du Comité d’entente des Anciens Combattants

du 7ème pour ses conseils et son aide.

Madame Christine TIBLE-GREGOIRE, directrice de la Maison des associations du 7ème

pour son concours apprécié et son aimable mise à disposition des installations de la

Maison des associations.

Madame Soraya DJEBBOUR, professeur de Lettres et madame Michèle BONNIER, pour

leur participation à la conception et à la réalisation de l’exposition.

Monsieur Patrick AVRIL pour la recherche d’objets et de documents d’époque.

Les anciens combattants de la guerre d’Indochine que nous avons pu rencontrer, en

particulier Messieurs Pierre COLLOMB, Georges LEGOULLON, le colonel Jean LUCIANI,

Henri PLOSKONKA et Serge ROUSSARD, pour leurs témoignages et leur aide.

Les auteurs de sites Internet et ouvrages consacrés à l’histoire de l’Indochine que nous

avons consultés, les responsables d’associations qui nous ont apporté leur aide ainsi que

tous les visiteurs pour leur présence et leur bienveillante attention.

Monsieur Gilles BONNIER (Paris 7ème) concepteur et réalisateur de l’exposition.

Les organisateurs de ce modeste événement, tous bénévoles mais néanmoins passionnés, précisent

que l’exposition tout comme la présente brochure (outre les documents mis à leur disposition par

l’ONAC, l’ANAI et la Fondation Maréchal de Lattre) ont été réalisées à partir de documentation

personnelle, de photos et d’objets aimablement prêtés par des particuliers. Ils ne prétendent donc

pas avoir traité le sujet de manière exhaustive .

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Remerciements

Les auteurs d’ouvrages

et de sites Internet consacrés à l’histoire de l’Indochine

consultés par les auteurs de cette brochure

Brochure conçue et réalisée par :

Michèle Bonnier

Soraya Djebbour

Gilles Bonnier

Impression Copytop

Mai 2009

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A nous qui devions donner la mort, cette

guerre nous a enseigné l’éblouissement de la

vie. Elle nous a appris la fragilité de l’instant,

l’ordre parallèle des choses. Elle a uni notre

sang à celui des Vietnamiens. Il appartient

désormais à chacun de transmettre ce

témoin à ceux qui lui succèdent, comme les

petites offrandes que les paysans

déposaient devant l’autel des ancêtres, deux

fleurs, une mangue, une prière enroulée dans

une feuille de riz…

Hélie Denoix de Saint-Marc

Indochine notre guerre orpheline (les Arènes)

Photo collection ANAI