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La jeunesse n'est plus ce qu'elle était ...tant mieux !

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Le discours politique concernant la jeunesse est souvent issus de préjugés : la jeunesse est de gauche, la jeunesse a peur de s'engager, elle est pessimiste ...

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La jeunesse n'est plus ce qu'elle était … tant mieux !

Cinq préjugés à lever pour faciliter le dialogue entre la droite et les jeunes

Olivier Vial

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Dans la même collection

Jacques Rougeot, [2008] UNI 40 ans de combats, 40 affiches, éditions Union nationale Inter-universitaire (UNI), Centre d’études et de recherches de l’UNI (CERU), 102 p. 11,50 euros Olivier Vial, Inès Charles-Lavauzelle [2009], Le mur de Berlin n’est pas tombé tout seul, éditions Union nationale Inter-universitaire (UNI), Centre d’études et de recherches de l’UNI (CERU) 10 euros Olivier Vial, Inès Charles-Lavauzelle [2009], Les étudiants des classes moyennes sont-ils condamnés au système D pour étudier ?, éditions Centre d’études et de recherches de l’UNI (CERU), collection notes et études, 28 p. 5 euros Jacques Rougeot, [2010], Ah ! Laissez-nous respirer ! Contre la censure des bien-pensants. Éditions Union nationale Inter-universitaire (UNI), Centre d’études et de recherches de l’UNI (CERU), 84 p. 10 euros

ISBN : 9782810617067

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Sommaire

Introduction

p.8

Préjugé n° 1 "Les jeunes sont pessimistes, ils n'ont pas confiance en eux."

p. 12

Préjugé n° 2 "Les jeunes ne pensent qu'à eux, ils sont individualistes".

p. 16

Préjugé n° 3 "Les jeunes veulent devenir fonctionnaires, car ils ont peur de l'entreprise".

p. 22

Préjugé n° 4 "Les jeunes sont atteints par le syndrome Tanguy. Ils sont de moins en moins autonomes."

p.27

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Préjugé n° 5

"Les jeunes sont naturellement de gauche".

p.34

La jeunesse n'est effectivement plus ce qu'elle était.

p.42

Bibliographie

p.44

Présentation du CERU

p.47

Présentation de l'auteur de la note

p.48

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Idéalisée ou caricaturée, la jeunesse reste pour les Français un objet de passion et de projection. Nombreux sont ceux qui évoquent les problèmes et les aspirations des jeunes à travers le prisme déformant de leur propre jeunesse réelle ou rêvée.

Après avoir longtemps été laudateur et teinté de "jeunisme", le discours publique sur les jeunes s'est progressivement durci, reflétant ainsi la dégradation continue de l'image que les médias renvoient d'eux. Ces derniers, par euphémismes successifs, ont fini par parler quotidiennement "des jeunes" pour évoquer "des délinquants". Cela a contribué de façon certaine à ce que l'ensemble de la jeunesse pâtisse d'une très mauvaise réputation.

Dans ce contexte, rien d'étonnant à ce que 49 % des Français aient une image négative de la jeunesse. Ils lui reprochent d'être individualiste (70 %), irresponsable (56 %), de ne pas se prendre en main (62 %), de ne pas être solidaire (51%)...

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Ce qui fait dire à 59 % d'entre eux que les valeurs de leur génération ne sont pas communes avec celles des 15-251.

C'est dans ce terreau de défiance vis-à-vis de la jeunesse que certains préjugés sont nés et ont fini par s'imposer. Désormais, on entend régulièrement affirmer que :

- "les jeunes sont pessimistes, ils n'ont pas confiance en eux",

- "les jeunes ne pensent qu'à eux, ils sont individualistes",

- "les jeunes veulent devenir fonctionnaires, car ils ont peur de l'Entreprise",

- "les jeunes sont atteints par le syndrome Tanguy2. Ils sont de moins en moins autonomes",

- "les jeunes sont naturellement de gauche."

La jeunesse, même s'il est très difficile de la considérer comme un ensemble homogène, offre en réalité un visage plus proche de celui du reste de la société que ne semblent l'indiquer ces stéréotypes ainsi que le portrait très critique dressé par les Français.

1 Ces chiffres sont issus de deux enquêtes réalisées par AUDIREP, pour le compte de l'AFEV en 2009 et 2010.

2 Tanguy est une comédie d'Etienne Chatillez, sortie en 2001 et qui met en scène un jeune de 28 ans, Tanguy. Diplômé de Sciences Po et de l'ENS Ulm, enseignant à l'INALCO et préparant une thèse de chinois, il pourrait entièrement s'assumer et quitter le nid familial. Mais lui persiste à rester. N'en pouvant bientôt plus, ses parents décident de faire de sa vie un enfer.

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L'existence et la permanence de ces préjugés posent un problème politique. Ils sont souvent à l'origine de mesures inadaptées, tant il est hasardeux de prétendre mener une bonne politique sur la base d'un mauvais diagnostic. Ils rendent également très difficile l'élaboration d'un discours politique global, car il faut être en mesure de contenter à la fois, la partie de l'électorat la plus âgée qui attend des propositions en adéquation avec ce qu'elle perçoit de la jeunesse et les critiques qu'elle formule (pessimisme, individualisme …) et les 18-29 ans qui attendent eux des mesures en phase avec la réalité de ce qu'ils sont et de ce qu'ils vivent. Quand l'écart entre la perception et la réalité de la jeunesse s'agrandit, cela complique forcément l'équation. A l'approche des élections présidentielles, l'enjeu est important. Les 18-29 ans sont près de 9,6 millions et ils représentent plus de 20 % de l'électorat. Trop souvent, la droite s'est laissée convaincre que la jeunesse était un électorat conquis d'avance aux idées et aux valeurs de gauche, et elle s'est alors contentée sans conviction de lui adresser un message qui n'était en fait qu'un simple dégradé de celui de la gauche. Or, comme nous l'affirmons dans le titre de cette note, la jeunesse n'est plus ce qu'elle était ! Et, c'est une bonne nouvelle. Les valeurs qu'elle porte sont aujourd'hui plus proches de celles du reste de la société (famille, autorité, demande de sécurité, …) que de celles des jeunes des années

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70 (rejet de la famille traditionnelle, refus de l'autorité, internationalisme, …). Si l'image et les stéréotypes sur les jeunes ont la vie dure, c'est peut-être justement car une grande partie des responsables politiques et médiatiques actuels étaient jeunes dans les années 70 et qu'ils continuent de projeter leurs souvenirs sur la jeunesse d'aujourd'hui. Il est temps de lever certains préjugés sur la jeunesse pour qu'enfin la droite puisse s'adresser à elle sans complexe et à travers ses valeurs.

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Préjugé n°1

"Les jeunes sont pessimistes, ils n'ont pas confiance en eux"

Les manchettes des journaux sont sans appel : les jeunes français comptent parmi les plus pessimistes au monde et ils n'ont plus confiance en eux. Cette idée, déjà très répandue depuis le milieu des années 2 000, est aujourd'hui puissamment relayée par les militants "pédagogistes" et les hérauts de la suppression des notes. Pour eux, c'est l'école et plus particulièrement notre système d'évaluation des élèves qui "classe et qui casse" les enfants, qui sont responsables de cette déprime collective. Ils affirment que le manque de confiance des jeunes français est la principale conséquence de cette "tyrannie des notes"3. Notre système de notation "stigmatise les élèves qu'il enferme, progressivement, dans une spirale d'échec. […] Alors que la confiance en soi est indispensable à la réussite scolaire, les conséquences de ce système de classement sur les élèves en difficulté sont désastreuses : fissuration de l'estime de soi, absence de

3 Gumbel Peter, [2010]

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valorisation de leurs compétences, détérioration des relations familiales et, à terme, souffrance scolaire"4.

Ce réquisitoire proposé par les membres du collectif pour la suppression des notes a rencontré un accueil favorable auprès d'une partie de l'opinion publique et des médias car il pouvait s'appuyer sur cette idée largement partagée qui consistait à prétendre que les jeunes français étaient pessimistes et qu'ils n'avaient pas confiance en eux. La réalité est beaucoup plus nuancée.

Pessimistes, les jeunes français gardent malgré tout confiance en eux.

Au vu des différentes enquêtes d'opinion internationales (Fondapol [2011] et Stellinger Anna [2008]) comme françaises (Observatoire de la confiance [2011]), les jeunes français sont, à l'évidence, très pessimistes quant à la situation générale. 83 % des 15-25 ans pensent que le monde va mal et 49 % estiment que la situation va continuer à se dégrader. Ils sont,

4 Extrait de l'appel pour la suppression des notes disponible sur http://www.suppressiondesnoteselementaire.org

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d'ailleurs, 45 % à penser que leur vie sera plus difficile qu'avant la crise (contre 37 % en 2009)5.

Il ne faut, pourtant, pas tirer de conclusions trop hâtives de ce constat, car le pessimisme n'est ni l'apanage de la jeunesse, ni une nouveauté. En effet, en juin 2011, 79 % des Français partageaient le pessimisme des 15-25 ans et affirmaient que "les choses ont tendance à aller plus mal"6.

Cette sinistrose n'est pas non plus récente puisqu'elle débute dès le milieu des années soixante-dix, ce qui a, d'ailleurs, amené certains auteurs à affirmer que "les trente peureuses -1975 -2005" avaient succédé aux "trente glorieuses - 1945-1975"7.

De plus, ce pessimisme reste circonscrit à l'évolution générale du monde, il n'atteint pas la vision qu'ont les jeunes de leur situation particulière. Au contraire, les jeunes français font même partie dans ce domaine des plus optimistes. Ils sont, par exemple, 83 % à être satisfaits de leur vie (78 % moyenne européenne), 79 % de leurs amis et 85 % de leur famille8.

Même s'ils sont profondément pessimistes sur l'évolution de la situation générale, ils n'en demeurent pas moins optimistes

5 Observatoire de la confiance, [2011] 6 Etude réalisée par l'institut TNS-Sofres pour le Figaro-Magazine, en juin 2011 7 Mermet Gérard, [2010], p. 216. 8 Fondapol, [2011]

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quant à leur situation particulière. "Bien qu'ayant été directement touchés par la crise et portant un regard sans concession sur la société, les jeunes d'aujourd'hui ne sont ni fatalistes, ni désespérément pessimistes"9. Ils sont, en effet, 75 % à penser que malgré le contexte difficile, ils "vont s'en sortir". Pour cela ils comptent s'appuyer sur leurs propres ressources, ainsi que sur leur famille (93 %) et leurs amis (72 %). C'est ce que l'observatoire de la confiance appelle le "paradoxe de confiance" qui est propre à la jeune génération.

Finalement, loin de confirmer ce premier préjugé, les jeunes français dans leur immense majorité (75 %) témoignent d'une grande confiance en eux. Ils ont foi en "leur avenir personnel et en leur capacité à tracer leur chemin" et s'ils sont effectivement pessimistes sur l'évolution du monde et de leur pays, il faut souligner qu'ils ne le sont pas plus que l'ensemble des Français.

9 Observatoire de la confiance [2011]

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Préjugé n°2

"Les jeunes ne pensent qu'à eux, ils sont individualistes"

70 % des Français jugent les jeunes individualistes, 51 % leur reprochent de ne pas être solidaires. Dans les discours politiques, l'exercice est lui aussi convenu. Dès que l'on évoque la question de l'engagement des jeunes, il convient de regretter que ces derniers ne participent pas assez à la vie de la société. A partir de là, personne ne remet plus en cause la réalité de cette situation et tout le monde s'attache exclusivement à en analyser les causes supposées afin de proposer des mesures de nature à accroître l'implication des jeunes dans la vie publique.

Deux grands types de raisons sont généralement avancés pour expliquer cette situation :

� Soit on considère qu'il existe de nombreux freins institutionnels à cette participation et dans ce cas, des mesures visant à surmonter

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ces obstacles sont proposées comme, par exemple, un abaissement de la majorité, la création de structures ou de conseils spécifiques à la jeunesse, ou même à la mise en œuvre de discrimination positive pour favoriser l'élection de jeunes lors des différents scrutins.

� Soit on considère que les jeunes sont "individualistes" et ne veulent pas s'engager. Alors, l'engagement doit être rendu obligatoire afin de rétablir l'équilibre entre droits et devoirs des jeunes.

Voilà le discours qui se développe depuis de nombreuses années en France, pourtant là encore la réalité offre un visage très différent.

Une jeunesse engagée, mais très critique vis-à-vis des formes traditionnelles d'engagement

La défiance vis-à-vis des institutions progresse. 35 % seulement des jeunes font confiance aux syndicats et 9 % aux partis politiques. Ce qui explique qu'ils ne sont que 13 % à

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envisager de militer au sein d'un syndicat et 11 % au sein d'un parti10.

Ici encore, ce désamour n'est pas une spécificité de la jeunesse. Une enquête réalisée pour le CEVIPOF en janvier 2011 révélait que seul 13 % des Français faisaient confiance aux partis politiques11.

Finalement, les jeunes ne sont pas les plus atteints par cette crise de confiance, car même s'ils s'engagent assez peu dans les structures institutionnelles (partis, syndicats,…), la tendance est plutôt à une augmentation de leurs adhésions au sein de groupements engagés à un titre ou un autre dans la vie de la cité.

L'étude, réalisée par l'INJEP, fait apparaître que si l'on s'intéresse aux types d'associations dans lesquelles les jeunes s'engagent, on note que 20 % des jeunes (contre 27 % des adultes) sont adhérents dans une association dont l'objet est politique ou sociétal. Cette participation a été multipliée par trois depuis 1999.

Cette évolution profite également aux mouvements politiques et syndicaux. La participation des 18-29 ans (3 %) atteint désormais le même niveau que celle des adultes au sein des partis politiques et avec 2 % d'adhésions dans les syndicats, elle entraîne une remontée significative de la

10 Selon le baromètre Jeunesse de septembre 2010, réalisé par l'IFOP et cité in INJEP [2011] 11 CEVIPOF, [2011].

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participation des jeunes qui était tombée de 8 % en 1981 à 0,5 % en 199912.

Un engagement associatif proche de la moyenne

" La jeunesse n’est pas désengagée et bien que marquée par une grande fragilité, elle continue à véhiculer beaucoup de dynamisme. Dans l’enquête du Livre Blanc de la Commission Européenne, l’on constate une forte demande de la part des jeunes en termes de compréhension du monde et des problèmes de société. Ils se revendiquent comme des citoyens responsables et souhaitent influencer le débat sur l’avenir. Cette volonté de participation suggère alors que leur désir d’engagement reste fort et que leur désaffection ne concerne que les formes classiques de participation"13.

Ce sont les associations qui attirent le plus les jeunes. 66 % d'entre eux leur font confiance pour améliorer leur avenir et ils sont 54 % à exprimer le souhait de s'engager dans les prochains mois pour soutenir une cause associative.

37 % des jeunes de 18 à 29 ans sont membres d'au moins une association. "Globalement, on ne constate pas de différence avec le taux d'adhésion de l'ensemble de la population. Si l'on examine, la distribution par tranches d'âges, celle-ci apparaît

12 INJEP, [2011] 13 Labo de l'engagement, [2010].

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relativement équilibrée depuis 1999" 14. Ce n'est pas l'âge qui influence l'engagement mais plutôt le niveau d'étude. Plus les personnes sont diplômées, plus leur pratique associative est forte.

Appartenance associative selon l'âge en 1990, 1999 et 2008 (en %)

18-24 ans 25-34 ans 35-44 ans 45-54 ans 55-64 ans 65 ans et +

Ensemble

1990 36 34 42 36 40 34 37

1999 37 36 38 48 39 33 38

2008 38 38 42 36 40 33 38

Source: enquêtes Valeurs, ARVAL-INJEP

Il est vrai que l’implication de la jeunesse évolue et le militantisme des générations précédentes cède la place à une nouvelle forme de participation, plus centrée sur l’accomplissement personnel.

Une participation plus utilitariste

Le motif d’engagement des jeunes peut provenir d’une démarche relationnelle, pour faire de nouvelles rencontres,

14 INJEP, [2011]

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partager une passion ou provenir d’une démarche altruiste, dans le but de se rendre utile aux autres. Mais selon la sociologue Valérie Becquet, 63,5 % des 15-30 ans ont désormais, une démarche plus utilitariste qui consiste à s’engager d’abord pour soi. Considérant la difficulté à trouver un emploi et les contraintes liées à leur projet professionnel, étudiants et jeunes actifs doivent en effet saisir l’opportunité d’assimiler des connaissances et une expérience qu’ils n’ont pas ou ne maîtrisent pas encore. L’engagement n’est plus seulement une façon de défendre ses convictions, mais également un moyen d’acquérir des compétences utiles dans sa vie quotidienne et sa vie professionnelle15.

L'analyse des pratiques associatives et politiques des jeunes permet d'infirmer ce deuxième préjugé. En effet, les jeunes sont au moins aussi impliqués que le reste des Français au sein des structures politiques et associatives.

Ils recherchent cependant une nouvelle forme d'engagement dans lequel ils peuvent se réaliser. La valorisation de l'engagement reste une piste à explorer afin d'encourager les jeunes à s'investir encore plus au service de la société.

15 Labo de l'engagement, [2010]

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Préjugé n°3

"Les jeunes veulent devenir fonctionnaires, car ils ont peur de

l'entreprise".

75 % des jeunes de 15 à 30 ans déclaraient en 2004 qu'ils aimeraient travailler dans la fonction publique s'ils en avaient l'opportunité16. Ils étaient 59 % à y célébrer "la garantie de l'emploi".

Depuis, ces chiffres ont régulièrement été repris et commentés, accréditant ainsi l'idée que les jeunes préféraient la sécurité de l'emploi et donc la fonction publique à toutes autres formes de projets professionnels. S'il est vrai que les jeunes restent attirés par la fonction publique, cette aspiration n'est plus aussi massive et unanime.

16 IPSOS, [2004]

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Les jeunes sont préoccupés par leur insertion professionnelle

Les jeunes Français restent avant tout inquiets quant à leur situation professionnelle. En effet, les 18-24 ans se préoccupent nettement plus de leur situation professionnelle que la moyenne des Français. Ils sont ainsi 54 % à s'en préoccuper contre 25 % pour l'ensemble de la population17. Rien d'étonnant à cela. Les jeunes connaissent depuis plus de 30 ans un taux de chômage structurellement et significativement supérieur à celui du reste de la population, même si, selon une étude récente de la DARES, le taux de chômage des 15-29 ans a baissé de 1,1% en 2010 pour s'établir à 17 % contre un recul de 0,4 point chez les autres actifs.

Les jeunes de moins de 30 ans n'en représentent pas moins près de 41 % de l'ensemble des chômeurs. Plus sensibles à la conjoncture quand ça va mieux, les jeunes sont également les premiers touchés en cas de crise : la DARES rappelle ainsi que leur taux de chômage avait bondi de 4,5 % entre mi-2008 et fin 2009, contre + 2,3 % pour l'ensemble de la population active.

17 HARRIS Interactive [2011]

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Situation d'activité des jeunes par sexe et âge à la date de l'enquête

Ce contexte difficile explique en partie que les jeunes soient, aujourd'hui encore, attirés par la fonction publique.

Cependant, nous sommes désormais loin des chiffres cités en 2004. L'enquête Harris interactive, publiée en 2011, révèle que 30 % des 18-24 ans et 22 % des 25-34 ans souhaiteraient être fonctionnaires contre 26 % pour l'ensemble de la population. Le privé attire, d'ailleurs, les jeunes dans des proportions équivalentes. La proportion des jeunes séduits par le statut de salarié du privé est également nettement plus marquée que la moyenne (27 %, + 8 points), tout comme celle de ceux qui se verraient bien en travailleurs indépendants (24 %, + 4 points).

Population totale en milliers: taux et part en % 1975 1985 1995 2005 2010

H F H F H F H F H F total Tx de chômage (15-29ans) 4 7 13 18 13 19 14,9 16 16,8 17,1 17 dont: 15-19 ans 9 15 25 39 16 32 22,4 31,3 25,4 34,9 29 20-24 ans 4 6 16 19 16 22 18,3 19,7 20,8 20,9 20,8 25-29 ans 2 4 7 11 10 14 10,8 11,1 12,3 12 12,1 Taux de chômage des 15-64ans 3 5 8 11 9 12 8,1 9,9 9 9,7 9,3

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On ne peut donc plus parler d'un engouement pour les seules carrières de la fonction publique. Le rapport annuel de la fonction publique fait même apparaître une baisse de 14 % du nombre des candidatures en 2010 aux concours de la fonction publique.

Les jeunes et l'entreprise

Il reste encore beaucoup de choses à faire pour favoriser le dialogue entre les jeunes et l'entreprise, notamment au lycée et dans l'enseignement supérieur. Contrairement aux idées reçues, les jeunes ne sont plus viscéralement opposés à l'entreprise. Ils sont même légèrement moins critiques vis-à-vis des chefs d'entreprise que le reste des Français. Ils sont ainsi 33 % à faire confiance aux chefs d'entreprise pour favoriser l'emploi des jeunes (contre 31 % pour l'ensemble des Français). Cette confiance augmente en fonction du niveau de diplôme (28 % des moins diplômés, contre 42 % des diplômés accordent leur confiance aux chefs d'entreprise) et des sympathies politiques (76 % des électeurs de l'UMP, contre 22 % de ceux de la gauche font confiance aux chefs d'entreprises).

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Créer son entreprise un projet de vie

Les 18-24 ans sont même 47 % à envisager de créer leur entreprise, dont 13 % qui souhaitent s'installer à leur compte dans les deux ans à venir. Ce type de projet est avant tout perçu par les jeunes comme un projet de vie et un projet professionnel et non comme un palliatif au chômage. Être indépendant est la première motivation (54%) des 18-29 ans qui envisagent de créer une entreprise, et plus particulièrement chez les étudiants (60 %)18.

Ce troisième préjugé qui florissait depuis le milieu des années 2000 ne résiste pas plus aux enquêtes récentes.

Les jeunes ont même tendance à privilégier de plus en plus le fait d'être indépendant dans leur travail, ce qui conduit près d'un jeune sur deux à envisager de créer sa propre entreprise.

18 Opinionway, [2010]

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Préjugé n°4

"Les jeunes sont atteints par le syndrome Tanguy. Ils sont de moins

en moins autonomes."

Le film d'Etienne Chatillez, sorti en 2001, a propulsé son héros Tanguy au rang de symbole générationnel. Nombreux furent ceux qui extrapolèrent à l'ensemble de la jeunesse la vie de ce personnage, qui choisit par commodité de continuer à vivre au domicile de ses parents, alors même qu'à 28 ans avec un emploi en poche, il disposait des moyens de s'assumer et de quitter le nid familial.

Le succès du film aidant, certains (journalistes et politiques) définirent les contours du syndrome Tanguy, censé avoir frappé tous les jeunes : faible motivation, refus de s'assumer, départ de plus en plus tardif du domicile des parents,...

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L'autonomie des jeunes est un processus culturel.

Les jeunes français mettent-ils plus de temps à accéder à l'autonomie ? Pour répondre à cette question, il convient de s'intéresser aux différentes étapes qui conduisent un jeune à devenir un adulte à part entière. Pour le sociologue Olivier Galland, l'autonomie se caractérise par la possession de quatre attributs :

1. Un emploi stable 2. Un logement indépendant 3. Des revenus tirés pour l'essentiel de l'activité 4. Et la constitution d'une famille (conjoint, enfant, …)

C'est donc un processus plus ou moins long qui évolue en fonction de la conjoncture économique (accès à l'emploi, prix des loyers, …), de la situation personnelle de chaque jeune et aussi d'aspects culturels propres à chaque pays. Les différents modèles européens d'accès à l'autonomie. Si l'aspiration à l'autonomie est partagée par l'ensemble des jeunes européens, elle se réalise selon des modalités et des temporalités très différentes. Cécile Van de Velde retient trois modèles type19 :

19 Van de Velde, [2011]

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1. Le modèle développé au Nord de l'Europe, où le parcours vers l'autonomie consiste pour le jeune à "se trouver" grâce à des tâtonnements successifs entre période de formation et période d'emploi. Dans ces pays, le départ du domicile familial est précoce (20 ans en moyenne) et des systèmes d'aides (bourses et prêts) accordés par l'Etat viennent aider tous les jeunes.

2. Le second modèle insiste sur la nécessité pour les jeunes de "s'assumer" économiquement. Il est développé dans les pays anglo-saxons, où le financement des études passe essentiellement par des prêts et le recours au salariat étudiant. En moyenne, les Anglais quittent le domicile familial à 21 ans.

3. Le troisième modèle consacre "l'installation" pleine et entière des jeunes. En majorité, ces derniers ne quittent le domicile de leurs parents qu'au moment où ils remplissent trois critères : avoir un emploi stable, être marié ou en couple, pouvoir s'acheter un logement. Dans ce modèle répandu autour de la Méditerranée, les solidarités familiales ainsi que l'attachement à la notion de foyer sont très forts. Le départ du domicile parental est tardif, entre 27 et 28 ans en moyenne. C'est ce modèle qui a sans doute inspiré le scénario de Tanguy.

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L'accès à l'autonomie des jeunes français L'accès à l'autonomie des jeunes français se réalise à travers un modèle intermédiaire entre ceux du Nord et du Sud de l'Europe. Il se distingue à la fois du cas italien et du cas danois. "Les jeunes français quittent leurs parents assez rapidement. Ils connaissent très souvent, notamment dans les régions, une première forme d'indépendance résidentielle à l'occasion du début de leurs études supérieures. […] Mais, contrairement au cas danois, cette première forme d'indépendance n'est que partielle et réversible. Les jeunes français demeurent, sur tous les plans, affectifs et matériels, très proches de leurs parents durant toute une période de transition qui les mènera au terme de quelques années vers le statut d'adulte20.

Tanguy n'est pas Français

L'âge médian au départ du domicile familial des jeunes français est de 23 ans, soit près de 5 ans plus tôt que celui constaté au sein des pays méditerranéens.

Ce sont les étudiants qui co-résident le plus avec leurs parents, devant les chômeurs, puis les actifs occupés. La massification des études supérieures s'est donc accompagnée mécaniquement d'une hausse de la co-résidence. Entre 1984 et 2001, le taux de co-résidence moyen des 20-29 ans n'a

20 Galland Olivier, [2009], p.76-77

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augmenté que de 2 points, cette hausse s'expliquant essentiellement par le doublement de la part des étudiants dans la population21, bien que sur cette période, le taux de co-résidence des étudiants a lui aussi considérablement diminué passant par exemple, de 72 à 61 % entre 1984 et 1996, en partie grâce aux aides au logement22.

" La durée moyenne séparant la fin des études de l'accès à un logement indépendant n'avait pas augmenté des générations nées dans les années 1950 à celles nées à la fin des années 1970, contredisant ainsi, l'idée popularisée par le film Tanguy, que les jeunes repousseraient délibérément le moment de l'indépendance. En réalité, ils ne le font pas au-delà de ce qui était induit par la prolongation scolaire"23.

Le tableau ci-dessous consacré au pourcentage de jeunes habitant avec leurs parents montre bien que les jeunes français ne s'éternisent pas plus chez leurs parents qu'avant.

21 Le taux d’étudiants parmi les jeunes de 20-29 ans a doublé, passant de 10 % en 1984 à 21 % fin 2001. 22 Laferrère Anne [2005], pp.148-149 23 Galland Olivier, [2009], p. 57-59

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20-24 ans Allemagne Espagne France Italie Finlande Royaume-Uni

1987 57 84 47 81 45

1995 55 89 52 87 29 47

2001 54 80 49 84 33 43

25-29 ans Allemagne Espagne France Italie Finlande Royaume-Uni

1987 20 49 14 39 15

1995 21 59 17 56 9 17

2001 19 52 18 56 11 18 Jeunes habitants avec leurs parents en pourcentage - source Eurostat

Des étudiants qui sont de plus en plus nombreux à travailler durant leurs études

L'évolution du salariat étudiant constitue lui aussi un bon indicateur permettant d'appréhender la capacité des jeunes à se prendre en charge. Or, les comparaisons internationales mettent toujours en évidence la faiblesse du taux d’emploi des étudiants français. En 2007, ce dernier était 47,5 points en dessous du taux d’emploi des étudiants hollandais et 20 points en dessous du taux d’emploi des étudiants allemands qui se situent respectivement à 58,3% et 30,8%.

Il faut cependant noter qu'au fil du temps une réelle dynamique en faveur du salariat étudiant s'est mise en place en France. Du début des années 70 jusqu'au milieu des années 2000, l'évolution du salariat étudiant fut assez lente et la proportion des étudiants salariés a toujours approché les 10 %. Ainsi, en 2005, l'INSEE recensait 10,2 % d'étudiants

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salariés, alors que trois ans plus tard, en 2008, ils sont 19,6 % à travailler durant leurs études. Ces évolutions récentes sont, en partie, à porter au crédit de la nouvelle organisation universitaire (LRU et LMD) qui facilite le cumul emploi/études.

Si Tanguy existe, il faut aller le chercher en Italie ou en Espagne. Les jeunes français ne s'éternisent pas au domicile familial, et ils sont de plus en plus nombreux à combiner études et emploi, ce qui les éloigne là encore du stéréotype de Tanguy.

Même si en France, la famille conserve une place très importante dans l'accompagnement des jeunes vers l'autonomie, les jeunes n'hésitent pas à faire des efforts pour se "prendre en charge".

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Préjugé n°5

"Les jeunes sont naturellement de gauche"

Quand Edgar Morin, en précurseur, s'intéresse à la jeunesse au début des années 1960, il va le faire sous un angle culturaliste, s'attachant à analyser les transformations rapides de la société française de l'époque. Les jeunes apparaissent alors comme les acteurs et les symboles du rejet de l'autorité, de la revendication du droit à la différence, et de comportements hédonistes.

Avec un tel portrait, la messe semblait définitivement dite : la jeunesse est consubstantiellement de gauche.

Aujourd'hui encore, les partis de gauche continuent à entretenir ce mythe. Dans son rapport, intitulé "Gauche, quelle majorité électorale pour 2012 ?", Terra nova, fondation proche du parti socialiste, place la jeunesse au centre du socle électoral de la gauche, celle-ci étant censée bien représenter les valeurs "progressistes" défendues par le PS.

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Pourtant, le comportement électoral des jeunes tend à se rapprocher de celui des Français, tout comme leur système de valeurs.

Le comportement électoral des jeunes

" En matière politique, le comportement électoral des 18-24 ans, qui représentent environ 15 % du corps électoral, ressemble à celui de leurs aînés immédiats, les 25-29 ans. Trois sur dix ont voté à tous les tours des dernières élections nationales. Un sur huit s'est abstenu systématiquement et un sur deux aux législatives"24. Les jeunes électeurs restent parmi les plus abstentionnistes et ils se montrent également souvent hésitants et plus volatils dans leur choix.

Mais, "au fil des élections, le vote des jeunes a incontestablement perdu de sa spécificité et se démarque moins de celui de leurs aînés que par le passé25". Le différentiel entre le vote des jeunes et celui de la moyenne des Français diminue régulièrement. Entre 1974 et 1995, la jeunesse semblait être structurellement de gauche. Elle accordait majoritairement ses suffrages au candidat de la gauche avec une prime de près de 10 points par rapport à la moyenne des Français (voir tableau suivant).

Actuellement, l'évolution du vote des jeunes suit sensiblement la même pente que celui des ouvriers qui après

24 Mermet Gérard, [2009] 25 Muxel Anne, [2007]

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avoir été un "électorat captif " de la gauche est aujourd'hui de plus en plus éclaté entre les différents candidats et pour une part séduit par le vote Front National (FN).

Dès 1988, le FN réalise de très bons scores parmi les jeunes, souvent supérieurs à la moyenne des Français. "Selon les conditions d'insertion sociale des jeunes, tout particulièrement leur niveau de formation, l'attractivité du vote frontiste n'est pas la même : 29 % des 18-30 n'ayant pas le bac contre 13 % des 18-30 ans détenteurs du bac et 20 % de l'ensemble des votants ont choisi Jean-Marie Le Pen au premier tour de la présidentielle de 2002. Seuls 8 % des étudiants ont porté leurs voix sur le leader d'extrême-droite" 26.

26 Muxel Anne, [2007]

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Quelques éléments sur le vote des jeunes à l'occasion des élections présidentielles

1974 Mitterrand VGE Second

tour 59 % (49 %) 41 % (51 %) 1981 Mitterrand VGE

Second tour 63 % (52 %) 37 % (48 %) 1988 Mitterrand Barre Chirac Le Pen

Premier tour 36 % (34 %) 18 % (17 %) 12 %

(20%) 17 %

(14 %)

Second tour

63 % (54 %) 37 % (46%)

1995 Jospin Voynet Balladur Chirac Le Pen

Premier tour 21% (23%) 7% (3%) 12% (19%) 25 %

(21%) 18%

(15%)

Second tour

45 % (47%) 55 % (53%)

2002 Jospin Mamère Besancenot Bayrou Chirac Le Pen

Premier tour 13 % (16 %) 11 % (5%) 10 % (4 %) 8 % (7 %) 13 %

(20%) 13 %

(17 %)

Second tour

88 % (82%)

12 % (18 %)

2007 Royal Besancenot Bayrou Sarkozy Le Pen

Premier tour 29 % (26 %) 9 % (4 %) 19 % (18 %) 26 %

(31%) 7 % (10

%)

Chiffres arrondis à l'unité la plus proche. Le premier chiffre est le score dans l'électorat jeune, le second entre parenthèses est celui relatif à l'ensemble des Français. L'ensemble des données à l'exception de celles de l'élection 2007 sont issues de Anne Muxel «Les jeunes», in Atlas électoral 2007., Presses de Sciences Po, 2007, p. 71-74. URL : www.cairn.info/l-atlas-electoral-2007-qui-vote-quoi-ou-et-comment--9782724610116-page-71.htm

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Un système de valeurs qui se rapproche de celui de leurs aînés

Il a existé pendant des décennies de forts clivages entre les jeunes et leurs aînés sur certaines valeurs comme par exemple la famille, l'autorité, le sentiment national. Ces clivages tendent à s'estomper.

La famille plébiscitée

47 % des jeunes français jugent que fonder une famille est un moyen de "réussir sa vie" (39 % moyenne européenne). Quand on leur demande de se projeter dans l'avenir pour savoir ce qu'ils aimeraient réaliser dans les quinze prochaines années, les aspirations des jeunes français s'articulent autour du foyer. Ils sont 68 % à souhaiter devenir propriétaire et 58 % à vouloir des enfants27.

Ces aspirations commencent d'ailleurs à se retrouver dans les statistiques de fécondité et de nuptialité. "En effet, le nombre de naissances a de nouveau augmenté à compter de 1995. En 2000, il s'est établi à 808 000, correspondant à un indice conjoncturel de 1,89 enfant par femme en moyenne. […] 828 000 naissances ont été enregistrées en 2008, ce qui correspond à 2,02 enfants par femme en moyenne, plaçant la France en deuxième position dans l'Union européenne (juste après l'Irlande, avec 2,1). Cette hausse est surtout due à la fécondité des femmes de plus de 30 ans (l'âge moyen des

27 Fondapol, [2011], p.22

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mères à la naissance du premier enfant était de 29,9 ans en 2008)" 28.

De même, avec 265 000 mariages célébrés en 2008, on est revenu au niveau de 1994 et les jeunes français semblent se réapproprier le mariage.

L'autorité reconnue

L'anti-autoritarisme né dans le sillage de mai 1968 et qui fut source d'un clivage politique important tend à disparaître, depuis le début des années 80. En 1981, 60 % des Français pensaient que respecter l'autorité était une bonne chose ; en 2008 la proportion atteint 79 %. La confiance dans l'armée, symbole d'autorité, progresse également de 58 % à 72 %.

La notion d'autorité devient consensuelle. Elle est moins clivante sur le plan politique et les différences de perception selon l'âge s'estompent. Les jeunes sont beaucoup plus favorables à l'autorité que ne l'étaient leurs aînés à leur âge, comme le prouve l'enquête réalisée en 2008 auprès de 1500 lycéens pour le magazine Phosphore : " 80 % des jeunes estiment que les enseignants devraient exercer leur autorité pour faire respecter l'écoute en classe, mais aussi le respect des autres (82,6 %) ou encore les travaux scolaires (73,4 %) et le règlement."

28 Lau Elisabeth (sous la dir. de), [2011], p.43

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La fierté d'être français progresse

Entre 1981 et aujourd'hui, le sentiment d'appartenance nationale et la fierté d'être français a fortement progressé chez les jeunes (+23 points). Durant plusieurs décennies, ce sentiment d'appartenance nationale était un des clivages les plus importants entre les jeunes et leurs aînés. En 1981, par exemple, seuls 65 % des jeunes affirmaient être fiers d'être Français contre 82 % de l'ensemble des français et 93 % des 60 ans et plus. En 2008, ils sont 88 % des jeunes à déclarer être fiers d'être français, contre 90 % de l'ensemble des Français et 94 % des 60 ans et plus29.

Un glissement vers plus de liberté

La jeunesse française continue de préférer l'égalité à la liberté. Comme leurs homologues finlandais, les jeunes français sont 67 % à penser qu'une société idéale valoriserait d'abord une "répartition équitable des richesses" plutôt que la "performance individuelle". Il faut, cependant, noter que les générations qui les ont précédés (30-50 ans dans cette enquête) étaient encore plus nombreuses à choisir l'égalité (81 %).

Le différentiel de 14 points qui existe entre les 16-29 ans et les 30-50 ans, sur cette question, constitue, ici encore, le signe d'un glissement de la jeunesse vers des valeurs plus "libérales".

29 Bréchon Pierre, [2009]

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Adepte de la méthode Coué, la gauche tente de faire perdurer le mythe d'une jeunesse irrémédiablement ancrée à gauche. Pourtant, la réalité prouve le contraire. Les chiffres montrent que les comportements et les attentes électorales des jeunes français se rapprochent sans cesse de ceux de leurs aînés.

En plébiscitant la famille et l'autorité, les jeunes se rapprochent désormais des valeurs traditionnelles de la droite.

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La jeunesse n'est effectivement plus ce qu'elle était.

Voilà, cinq préjugés qui volent en éclats. L'exercice aurait sans aucun doute pu être répété sur bien d'autres sujets. La jeunesse n'est effectivement plus ce qu'elle était, ou plutôt ce qu'elle était censée être dans l'imaginaire collectif. Nous n'allons pas nous en plaindre.

Si des tensions intergénérationnelles peuvent apparaître ici ou là, ces dernières sont sans aucun doute moins nombreuses qu'il y a trente ans, tant les valeurs des jeunes et celles de leurs aînés convergent régulièrement.

Plus besoin désormais, pour s'adresser aux jeunes, de travestir son message ou de le traduire dans un volapük "jeuniste".

Les jeunes sont plus responsables que certains aimaient à le penser. Ils méritent que l'on s'adresse à eux en adulte, que l'on cesse de limiter la politique jeunesse à des mesures gadgets dont ils n'ont finalement que faire et qu'on leur parle

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enfin des sujets qui vont réellement impacter leur vie : allongement de l'espérance de vie et ses conséquences sur la solidarité intergénérationnelle, poids excessif des dépenses publiques et de la dette, évolution de la mondialisation, montée de la violence, développement du communautarisme, ….

La droite a rendez-vous en 2012 avec la jeunesse. Elle ne doit pas le manquer.

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Bibliographie

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Laferrère Anne, [2005], Quitter le nid : entre forces centripètes et centrifuges, in Economie et statistiques, n°381-382 Lau Elisabeth (sous la dir. de), [2011], L'état de la France 2011-2012, éditions La Découverte Muxel Anne, [2007] « Les jeunes », in Atlas électoral 2007, Presses de Sciences Po, 2007, p. 71-74. Stellinger Anna (sous la dir. de), [2008], Les jeunesses face à leur avenir, une enquête internationale, édition Fondation pour l'innovation politique. UNI, [2007], l'emploi étudiant, collection Notes et études, juin 2007. Van de Velde Cécile (sous la dir. de), [2010], Jeunes d'aujourd'hui, France de demain, éditions La documentation Française, collection Problèmes politiques et sociaux, n°970, mars 2010. Van de Velde Cécile, [2011], "Avoir 20 ans par temps de crise", in Altereco - Hors série n° 85 - Générations Rapports Commission nationale pour l'autonomie des jeunes [2002], Pour une autonomie responsable et solidaire, rapport au Premier ministre, édition la documentation Française. Beaudoin Patrick, [2010] Parcours de la citoyenneté, du civisme et de l'esprit de défense : Vivre la France dans la république, Rapport à M. le Président de la République. Mission commune d'information sur la politique en faveur des jeunes, [2009], "France, ton atout "Jeunes" : un avenir à tout jeune, Rapport d'information n°436, Sénat, mai 2009, 2 tomes.

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Présentation du CERU

Créé en novembre 2008, le centre d’études et de recherches de l’UNI est animé par une équipe d’une cinquantaine de personnes. La richesse et la diversité des profils et des compétences de ses membres (élus étudiants et lycéens, responsables associatifs, spécialistes de la formation et de l’insertion professionnelle, professeurs d’université, élus locaux, parlementaires, entrepreneurs, avocats, médecins, collaborateurs d’élus …) permettront d’éclairer d’un jour nouveau les problématique de l’éducation, de la jeunesse et de l’engagement politique et syndical.

Les travaux du CERU sont placés sous l’autorité d’un conseil scientifique composé de :

● Morgane Daury-Fauveau, Maitre de conférence à l’université de Picardie

● Bernard Debré, Professeur de médecine, parlementaire, ancien ministre

● Fabrice Marchiol, Maire et conseiller régional, administrateur de l’OVE

● Damien Meslot, Parlementaire, membre de la commission de la défense

● Charles Prats, Magistrat

● Philippe Stoffel-Munck, Professeur de droit privé à l’université Paris 1

● Cédric Vial, Maire d’une commune de Savoie, Cadre associatif, ancien conseiller technique au cabinet de Gilles de Robien et de Xavier Darcos

● Henry Zattara, Professeur d’odontologie, membre de l’ordre des médecins

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Présentation de l'auteur

Olivier Vial est président de l'UNI, la fédération de la droite dans l'éducation. Association nationale représentative qui fédère, au sein de structures spécifiques, des lycéens (UNI-Lycée), des étudiants (le MET), des enseignants (UNI-enseignant), ainsi que des acteurs de la société civile (les Cercles).

Depuis 2008, il est également directeur du CERU qui se positionne comme un Think-Tank consacré à l'Education et à la Jeunesse.

Membre du Comité consultatif auprès du Haut Conseil de l’Education - HCE. Trésorier de l’AFIJ, Association pour Faciliter l’Insertion professionnelle des Jeunes diplômés, ancien administrateur du CNOUS - Centre national des œuvres et ancien membre de la section "des questions économiques générales et de la conjoncture" du conseil économique et social.

http://www.uni.asso.fr