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14 BOULEVARD HAUSSMANN 75438 PARIS CEDEX 09 - 01 57 08 50 00 08/09 AOUT 14 Hebdomadaire OJD : 424521 Surface approx. (cm²) : 1849 N° de page : 30-33 Page 1/4 MESSARDIERE 9245401400504/CID/OTO/2 Tous droits réservés à l'éditeur INÉDIT//(ï/o/1 LA J^UNE PILL Tour /'ére, un auteur nous livre en exc/us/v/féson CONTE DE PALACE : fragments de rêve, fusion des coeurs et des corps, dans le décor d'un hôtel cinq étoiles. Cette semaine, un récit de COLOMBE SCHNECK illustre<par VANESSA PRAGER. t AOÛT 1984. L'ECRIVAIN PHILIP ROTH S'EST INSTALLE DANS UNE CHAMBRE de r hôtel Biakes a Dndres II ne supportait plus sa femme, l'actrice Claire îloom, elle ne supportait plus de trouver dans ses Dches de pantalons, de vestes posées dans l'entrée de leur appartement décore par David Hicks, ou tout était ^i bien a sa place, des lettres de femmes, obsédées par le exe de son man II avait fini par lui déclarer « Madame Bovary est un chef-d'oeuvre, Anna Karénine est un bhef- d'oeuvre et, cbmme Flaubert et Tolstoï, j'aime l'adultère » II av ait ensuite note cette phrase dans un etit carnet elle pourrait toujours resservir, puis, sans "se presser s'était empare de ses chemises repassees, de ses sous-vêtements plies Claire était une excellente maitresse de maison, elle pensait que si leur vie ressem- blait à un film parfait, leur couple le serait aussi II avait, avec soin, range ses affaires dans une valise de cuir, cadeau de Claire pour ses 50 ans, et avait ainsi retrouve la liberte Cela avait ete si facile II n'en revenait pas II était exalte, presque heureux II pensait a toutes les filles auxquelles il avait renonce, au temps qu'il allait pouvoir passer a lire et a écrire sans avoir a se perdre dans des soirees mondâmes répugnantes, des pieces de theâtre ennuyeuses, des dîners super barbants, des cocktails ridicules Au Biakes, donc Une chambre, un bar, le room service, sa machine a écrire, du papier, les dernieres nouvelles de Saul Bel- lo w et des milliards de f illes, ou en tout cas au moins une ou deux II s'installa au bar II lui suffisait d'attendre Le Biakes est le genre d'hôtel qu'adorait Claire et qu'il détestait II l'avait choisi car il avait la réputation d'être un piège a filles Les filles aiment ce genre d'endroit, mignon, surdecoré, ravissant, avec ce mélange de tissus a rayures noires et blanches et fleuris, de bougies de chez Diptyque, de lumieres tamisées qui cachent les boutons et les cernes Lui armait la simplicité, son fauteuil a rou- lettes Charles Eames, le bois, les grandes pieces Ici, tout était petit, sombre, madapteasa grande taille, et sur la minuscule terrasse de l'hôtel, se tenait justement un groupe de filles minuscules II n'a\ ait pas grand chose a faire, s'installer a côte d'elles et attendre que l'une d'elles le reconnaisse QUAND IL A RENCONTRE CLAIRE. IL Y A DIX- yHUITANS. il s'élut persuade qu'il en avait marre de I toutes ces fiUesJBil voulait construire quelque chose qui ressemble a | famille, avec cette femme raffinée, ^célèbre, qui son autorité d'une voix suave, les lèvres mmcesjpiiquillees, toujours souriante l'oeil plaintif II avait enfin trouve sa place, et puis cette place lui sembla de plus en plus réduite puis angoissante, a\ ec cette peur d etre emprisonne vivant à jamais dans la jolie maîstttf si bien décorée de Claire Les filles l'attendaient la, sur la minuscule terrasse du Biakes, dans cette ville simaussade, ouïe soleiln'appa- raissait pas plus de vingt jours par an Et ce 3 août 1984, il faisait beau, les filles, trois, étaient en jupes trop cour- tes Elles étaient habillées presque de la même façon, minijupes en jean, marinières a rayures, la mode de cette annee 1984, sauf la troisieme qui portait une sorte de pyjama de bebe, sorte de salopette large serrée a la taille par une ceinture, un truc immonde Dommage, e 'était la plus a son gout des trois Elle l'avait repere, elle savait qu'assis a la table a côte de la sienne se tenait le célèbre écrivain americain, marie a Q §

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08/09 AOUT 14HebdomadaireOJD : 424521

Surface approx. (cm²) : 1849N° de page : 30-33

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INÉDIT//(ï/o/1

LA J^UNE PILL

Tour /'ére, un auteur nous livre en exc/us/v/féson CONTEDE PALACE : fragments de rêve, fusion des cœurs et des corps,

dans le décor d'un hôtel cinq étoiles. Cette semaine, un récit deCOLOMBE SCHNECK illustre<par VANESSA PRAGER.

t AOÛT 1984. L'ECRIVAIN PHILIP ROTH S'ESTINSTALLE DANS UNE CHAMBRE de r hôtel Biakes a

Dndres II ne supportait plus sa femme, l'actrice Claireîloom, elle ne supportait plus de trouver dans sesDches de pantalons, de vestes posées dans l'entrée de

leur appartement décore par David Hicks, ou tout était^i bien a sa place, des lettres de femmes, obsédées par le

exe de son man II avait fini par lui déclarer « MadameBovary est un chef-d'œuvre, Anna Karénine est unbhef- d'œuvre et, cbmme Flaubert et Tolstoï, j'aimel'adultère » II av ait ensuite note cette phrase dans un

etit carnet elle pourrait toujours resservir, puis, sans"se presser s'était empare de ses chemises repassees, deses sous-vêtements plies Claire était une excellentemaitresse de maison, elle pensait que si leur vie ressem-blait à un film parfait, leur couple le serait aussi II avait,avec soin, range ses affaires dans une valise de cuir,cadeau de Claire pour ses 50 ans, et avait ainsi retrouvela liberte Cela avait ete si facile II n'en revenait pasII était exalte, presque heureux II pensait a toutes lesfilles auxquelles il avait renonce, au temps qu'il allaitpouvoir passer a lire et a écrire sans avoir a se perdredans des soirees mondâmes répugnantes, des pieces detheâtre ennuyeuses, des dîners super barbants, descocktails ridicules Au Biakes, doncUne chambre, un bar, le room service, sa machine aécrire, du papier, les dernieres nouvelles de Saul Bel-lo w et des milliards de f illes, ou en tout cas au moins uneou deux II s'installa au bar II lui suffisait d'attendreLe Biakes est le genre d'hôtel qu'adorait Claire et qu'ildétestait II l'avait choisi car il avait la réputation d'êtreun piège a filles Les filles aiment ce genre d'endroit,

mignon, surdecoré, ravissant, avec ce mélange de tissusa rayures noires et blanches et fleuris, de bougies de chezDiptyque, de lumieres tamisées qui cachent les boutonset les cernes Lui armait la simplicité, son fauteuil a rou-lettes Charles Eames, le bois, les grandes piecesIci, tout était petit, sombre, madapteasa grande taille, etsur la minuscule terrasse de l'hôtel, se tenait justementun groupe de filles minusculesII n'a\ ait pas grand chose a faire, s'installer a côted'elles et attendre que l'une d'elles le reconnaisseQUAND IL A RENCONTRE CLAIRE. IL Y A DIX-

yHUITANS. il s'élut persuade qu'il en avait marre deI toutes ces fiUesJBil voulait construire quelque chosequi ressemble a |||| famille, avec cette femme raffinée,

^célèbre, qui son autorité d'une voix suave, leslèvres mmcesjpiiquillees, toujours souriante l'œilplaintif II avait enfin trouve sa place, et puis cette placelui sembla de plus en plus réduite puis angoissante,a\ ec cette peur d etre emprisonne vivant à jamais dansla jolie maîstttf si bien décorée de ClaireLes filles l'attendaient la, sur la minuscule terrasse duBiakes, dans cette ville simaussade, ouïe soleiln'appa-raissait pas plus de vingt jours par an Et ce 3 août 1984,il faisait beau, les filles, trois, étaient en jupes trop cour-tes Elles étaient habillées presque de la même façon,minijupes en jean, marinières a rayures, la mode decette annee 1984, sauf la troisieme qui portait une sortede pyjama de bebe, sorte de salopette large serrée a lataille par une ceinture, un truc immonde Dommage,e 'était la plus a son gout des troisElle l'avait repere, elle savait qu'assis a la table a côte dela sienne se tenait le célèbre écrivain americain, marie a

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CETTE BLONDE CALIFORNIENNE NÉE EN 1984 VIT À LOS ANGELES O EST DANS SONGARAGE QU ELLE COMMENCE À19 ANS LA PEINTURE SUR DU PAPIER A MUSIQUE ELLEMÊLE LA SIMPLICITÉ DU TRAIT DU STYLO BIC ET LA VIVACITÉ DE LA PEINTURE À L HUILE TRÈSVITE SES DESSINS SONT PUBLIÉS DANS LE « NEW YORK TIMES » OU « NYLON » ELLE EXPOSE ÀNEW VORK OU SAN FRANCISCO ELLE A ILLUSTRÉ EN EXCLUSIVITE POUR « MADAME FIGARO »NOS CINQ NOUVELLES D ÉTÉ SUR LE THÈME « CONTES DE PALACES » (WWW VPRAGER COM)

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une célèbre actrice, un homme dépressif, névrosé,séducteur, dangereux, trop intelligent, elle savait toutcela, car c'est ce qu'il racontait de lui dans ses livres. Elleavait tellement ri en lisant les passages sur ses séancesde masturbation ratées dans « Portnoy et son com-plexe », les problèmes de constipation de son père dans« Patrimoine », sa grand-mère avait les mêmes, il luisemblait qu'elle le connaissait déjà, qu'elle pourraitfacilement se lever, l'aborder et discuter avec luiVoilà, il avait remarqué qu'elle l'avait remarqué.Combien de temps il lui faudrait pour qu'elle se lève,marche vers lui les yeux baissés, puis relève la tête et,tremblante, rougissante, embarrassée (rayez les men-tions inutiles), elle pouvait être tremblante, sans rouge,être embarrassée mais pas tremblante, elle serait aumoins l'un des trois, elle s'adressait à lui, les yeux clairs,agrandis par la lumière envoyée par le grand homme.- Veuillez me pardonner de vous déranger, vous êtesbien Philip Roth?Et puis •- J'ai lutous vos livres.- Je suis si impressionnée.-J'aitellementri, vous êtes le plus grand écrivain vivant.Ou pire, cela lui était arrive :- Ma mère vous adore.Certaines étaient plus directes :- Vous avez une chambre ici ? On pourrait monter etpasser un bon moment ?Philip n'avait pas envie de cela aujourd'hui. Il n'avaitpas quitté la confortable maison de Notting Hill Gate,Claire, ses chemises repassées, le couvert mis tous les

soirs par une bonne colombienne, le menu établi àl'avance avec son vague consentement, il n'y avaitjamais assez de viandes rouges, toujours trop de pois-sons et de mets délicats, pour une fille facile,/absence de vulgarité, de facilité, c'était le problème

I vee Claire.i GRANDE CAUSE DE CLAIRE, c'était la délicatesse

Bans tout, à table, dans le lit, dans la discussion, il n'en pou-lait plus de la délicatesse, mais il en avait pris l'habitude etpuis le Blakes ressemblait tant à Claire qu'il lui semblaitnu'elle étajfencore là à le surveiller. L'hôtel avait étéjpnçu et décoré par Anouchka Hempel, le genre de blon-de mondaine, à moitié aristo, actrice ratée et qui s'étaitdéclarée décoratrice, que Claire adorait fréquenter etque Roth soupçonnait d'antisémitisme bien qu'elle aitépousé en troisièmes noces un juif, lord Weinberg.L'adultère. Leplaisirmerveilleuxderadultère. Baise-t-onsa maîtresse comme sa femme ? Il faudrait être hypocritepour ne pas avouer que le plaisir dans une chambre d'ho -tel est incomparable à celui éprouvé dans la chambrerassurante et confortable de la conjugalité. Il savait aussique femme ou maîtresse, il n'échapperait pas au désen-chantement , que la chute était certaine dans les deux cas.II était donc assis à trois mètres de cette fille, quelquepart entre le désir et le désenchantement, dans le longplongeon qui mène à la mort.Il nota aussi cette phrase dans son petit carnet. Il l'utili-sera certainement dans son prochain roman,ll fallait qu'il se renseigne. Il n'avait pas pris le temps devisiter sa chambre. Il faudrait qu'elle soit de taille suffi-sante, et tout lui paraissait si petit ici.Même le portier était fluet, un Pakistanais tout habilléde noir, les yeux soulignés d'un trait de khôl, celadevait être la mode, les tuniques sacs pour les filles etles yeux maquillés pour les garçons.Il avait besoin d'une grande chambre, d'un grand lit, derien de trop fragile.La fille, avec sa salopette ridicule, ne s'était pas levée pourl'aborder finalement. Elle avait trop peur, elle était fran-çaise, n'était pas certaine de son anglais appris au lycée,elle venait de passer son baccalauréat, elle faisait un staged'été dans une banque, pistonnée par son père banquier.Elle vivait chez des amis de ses parents. Les deux autresfilles étaient celles d ' amis de ses parent s qui tentaient desortir cette Parisienne, décevante d'un point de vuevestimentaire. Elles avaient choisi le Blakes, nouveau re -paire de garçons riches. Assis en terrasse, pas de garçonsriches, Ray-Ban, polo Lacoste ou Ralph Lauren, drivingshoes ou Docksides, mais un vieux, de 50 ans au moins,

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sans style, chemise oxford bleue, slack beige, qui les re-gardait, un pervers. EllcavaittraduitàSophie,«apcr\'crt».Sophie avait tente d'expliquer, « a very famous writer ».Déçu, Roth était déjà parti II aurait pu les inviter a pren-dre un verre, mais leur pia pia le fatiguait d'avanceLa chambre ne lui plaisait pas. Tout en noir et blanc.La décoratrice devait être obsessionnelle, les drapsblancs avec un liseré noir, les rideaux à rayures, le tapis,tout était assortiTl décida de prendre un bain, le sol était en marbre tiède,il trouv a cela bizarre Dans l'eau chaude, il avait pensé àla fille de la terrasse avec sa salopette trop large et sespoignets d'enfantPourquoi elle ne s'était pas levée 7 Est-ce qu'il avaitperdu son pouvoir magique ? Est-ce que les dix-huitans de quasi-monogamie, ou en tout cas de monoga-mie officielle et d'aventures tres discrètes, auraientdétruit son sex-appeal d'écrivain célèbre7

La fille devait être nee au moment de sa rencontre avec•e, est - ce que les filles avaient change pendant la

duree de son mariage ?

IL. FTAIT PEUT-ÊTRE TEMPS OU'IL ARRÊTE LESFILLES, qu'ilseconsacreentierement, enfin, a ses livresIletaitdanscettechambre absurde, les murs tendus d'untissu a rayures assorti a tout ce qui était possible, serviet-tes, crayons, abat-jour,ilavalt emporte sa machineaecri-

!. ll avait perdu trop de temps II décrivait si précisément:enes de sexe II savait bien qu'écrire des dialogues

crus, la rondeur de deux gros seins, ne lui apportait aucunplaisir sensuel niaucun plaisir tout court C'était son tra -v ail, il n'avait pas le choix II avait suffisamment regardele gros bebe en salopette pour inventer une apres miditout a fait intéressante, d ' un point de vue sexuel, avec elleDans cette chambre, il se demandait comment avait ilenvie de passer ces premiers jours de liberte Écrire outenter de ramener cette souris française, il avait repereson accent, dans sa chambre 7 Lui retirer, avec douceur,sa salopette, faire ghssersa culotte le long delà cuisse qu'ilespérait fine Valait il mieux toucher sa peau ou se reti-rer, assis, face à son IBM électronique, assurer d'avoirmal au dos, il avait laissé son fauteuil de dactylo orthopédique chez Claire, et vomir quèlques pages, puis de lesréécrire dix fois afin de tenter de créer un truc lisible ?

Il en était là dans ses réflexions quand il discerna lebruit de la sonnette II était furieux à l'idée de sortir deson bain Les pieds sur le carrelage de marbre tiède, lepeignoir velouté, il n'appréciait rien II ouv rit la porteLa fille était là Le sourire n'avait rien de timide Elle luidit, « je suis une idiote, maîs je m'en fiche ». Elle étaittoute petite dans sa salopette De la poche d'un sac US,qu'il abhorra tout de suite, elle retira une édition depoche en français de « Zuckerman enchaîné ».ll lui a demande poliment si elle avait aime le livre.Ils restèrent une semaine sans quitter cette cnam -bre. Room service le matin, a midi Le soir, parfois ilssortaient.Elle ne connaissait pas grand-chose, n'avait jamais luSaul Bellow, ni Ivan Klima, ni Bruno Schulz, elle sem-blait par contre apprécier l'idée de rester une journeeentière dans un litElle savait tres bien comment téléphoner a la gouver-nante pour demander qu'on change les draps, les ser-viettes, qu'on lui amené un carl grey, des scones, unsorbet au citron, qu'on baisse la climatisationII lui lut a haute voix « les Boutiques de cannelle ».Elle av ait pose son visage sur son ventre. Ils étaient bien.Un matin, elle lui dit •- J'adore m'ennuyer avec toi.Au bout d'une semaine, il commençait à en avoir marre.Elle le remercia.- Tu as été mon professeur de désir particulier.Il fut flattéCette fille, en salopette, assise sur la minuscule terrassedu Blakes, le 3 août 1984, c'était moi •

COLOMBE SCHNECKnaissance le 9 juin, a Pons. Elle deviendra journaliste. • Grand Prix ae I Héroïne Madame Figaro

pour « Val de Grâce», chez Stock. • sortie de son roman « la Réparation». • reçoit le prix delà Messardière

pour « Mai 67 », paru chez Robert Laffont.