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La jurisprudence du Conseil d'Etat, source du droit … · 2014-04-18 · du droit écrit fut les principes généraux du droit. Ainsi, lors de l’épuation à la fin de la seconde

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La jurisprudence du Conseil d'Etat, source

du droit administratif (cours)

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La jurisprudence du Conseil d'Etat, source du droit administratif 2

Table des matières

Table des matières .................................................................................................................................. 2

Introduction ............................................................................................................................................. 3

I - Le juge administratif, créateur de droit .............................................................................................. 4

La diversité des jugements .................................................................................................................. 4

La fonction normative de la jurisprudence ......................................................................................... 5

II – Les principes généraux du droit ........................................................................................................ 6

Les causes de la consécration des PGD ............................................................................................... 6

1 - La raison technique : le vide juridique ....................................................................................... 6

2 - Les motivations idéologiques : la protection des administrés ................................................... 6

Comment le juge crée-t-il les PGD ? .................................................................................................... 8

1 - La référence à des textes ........................................................................................................... 8

2 - La distinction lien matériel / lien formel .................................................................................... 8

Les classifications des PGD .................................................................................................................. 9

1 - Classification matérielle ............................................................................................................. 9

2 - Classification selon le degré de généralité des PGD .................................................................. 9

La valeur juridique des PGD .............................................................................................................. 11

1 - Les thèses écartées................................................................................................................... 11

2 - La thèse de la valeur infralégislative et supradécrétale des PGD ............................................ 11

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Introduction

Le droit administratif occupe en droit français une place bien spécifique. L’une des ses particularités réside dans le fait que la plupart des règles applicables à l’Administration sont d’origine jurisprudentielle. En effet, s’il est constant que tout juge crée régulièrement du droit du fait que le droit écrit ne règle pas toutes les situations, tout n’étant pas prévisible à l’avance, ce constat revêt une importance particulière en droit administratif en raison de l’absence de norme équivalente au Code civil. Le juge administratif se fait donc souvent créateur de droit à l’occasion des différents arrêts de principe qu’il édicte, arrêts que l’on oppose aux simples jugements d’application du droit. Le rôle créateur de droit du juge prend donc, lorsqu’il s’agit du juge administratif, un relief particulier (I). Ce constat est encore plus marqué lorsque sont en cause les principes généraux du droit (PGD) que l’on peut définir comme des principes non écrits applicables même sans texte (II). Analyser les PGD suppose, alors, de relever, en premier lieu, les causes de leur création : l’on retrouve ici la cause tenant à la pénurie de règles écrites, mais aussi une raison idéologique liée à la volonté de protection des administrés. L’autre question concerne la méthode de création des PGD : ainsi, s’il peut se baser exclusivement sur l’idéologie dominante pour créer les PGD, il arrive plus fréquemment que le juge se réfère à des textes pour les découvrir. Pour autant, lorsque le juge stipule que le principe qu’il consacre a déjà fait l’objet d’une consécration textuelle, il entend simplement signifier l’importance du PGD qu’il va consacrer, et non que le PGD tire sa valeur du texte. C’est le problème de la distinction entre lien matériel et lien formel. Les PGD ainsi créés peuvent, par ailleurs, être classés en deux catégories : l’une tient aux domaines dans lesquels les PGD interviennent, l’autre au degré de généralité des PGD. Enfin, la dernière question qui se pose concerne la valeur juridique des PGD. Ici, si différentes théories se sont affrontées, celle du professeur Chapus semble la plus à même d‘expliquer l’état du droit : pour ce dernier la valeur d’une règle de droit dépend de la place qu’occupe, dans l’ordonnancement juridique, l’organe qui l’a créé ; en conséquence, le juge administratif se situant entre le législateur et le pouvoir réglementaire, les normes qu’il édicte ont une valeur infralégislative et supradécrétale.

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I - Le juge administratif, créateur

de droit

Le droit écrit ne réglant pas toute les situations, du fait qu’il est impossible de tout prévoir à l’avance, le juge crée régulièrement du droit. Ce constat revêt une importance particulière en droit administratif du fait de l’absence de norme équivalente au Code civil. Le juge administratif se fait donc souvent créateur de droit à l’occasion des différents arrêts de principe qu’il édicte, arrêts que l’on oppose aux simples jugements d’application du droit.

La diversité des jugements

L’on distingue au sein des jugements rendus par le juge administratif deux grands types de décisions qui correspondent aux deux fonctions assumées par le juge administratif. Ainsi, celui-ci a d’abord pour fonction de donner des ordres aux parties, on parle dans ce cas, d’imperium. Dans le cadre de cette fonction, le juge prend des arrêts d’application du droit, c’est-à-dire qu’il ne fait pas office de créateur du droit, mais au contraire applique à une espèce donnée une règle de droit préexistante, qu’elle soit d’origine écrite ou jurisprudentielle.

A l’inverse, le juge administratif peut aller au-delà de sa fonction d’application du droit, pour tout simplement le créer : on parle, dans cette hypothèse, de jurisdictio, c’est-à-dire du pouvoir de dire le droit. Les jugements rendus dans ce cadre sont ce que l’on appelle des arrêts de principe, c’est-à-dire qu’à l’occasion de la solution donnée à une espèce particulière, le juge administratif édicte une norme générale potentiellement applicable à d’autres affaires. Certes, le juge n’est pas normalement obligé d’appliquer aux espèces identiques suivantes les solutions qu’il a déjà édicté. En effet, le droit français prohibe les arrêts de règlement c’est-à-dire que le juge administratif ne peut fonder sa position sur une précédente décision rendue dans une espèce voisine. Mais, une observation ponctuelle de la jurisprudence du Conseil d’Etat permet de constater que si formellement le juge administratif n’est pas lié par ses précédentes décisions, ces dernières constituent, dans les faits, un cadre dont le juge ne s’écarte qu’exceptionnellement. En résumé, si le juge ne saurait prendre des arrêts de règlement, il prend, en revanche, de façon régulière des arrêts de principe : ainsi, s’explique toute la création jurisprudentielle opérée par le Conseil d’Etat depuis la fin du XIX° siècle.

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La fonction normative de la jurisprudence

Le juge administratif peut, comme le fait le juge judiciaire, compléter une norme écrite. En effet, les textes ne prévoient pas, la plupart du temps, la diversité des cas pouvant se présenter. Le juge doit donc, en pareille hypothèse, interpréter les textes pour régler le cas particulier qui lui est soumis. En effet, il est un principe fondamental valable tant pour la Cour de cassation que pour le Conseil d’Etat selon lequel le juge ne peut refuser de statuer au motif du silence ou de l’obscurité de la loi (art. 4 du Code civil). Dès lors, lorsque le texte ne prévoit pas le cas de figure auquel le juge est confronté, celui-ci doit interpréter le texte, en s’aidant par exemple des travaux préparatoire à l’adoption du texte. Mais, sous couvert d’interprétation, c’est bien de création du droit qu’il s’agit puisque le juge prend une position qui n’était pas prévue par les textes.

Mais, lorsque les normes écrites se font rares, comme en droit administratif, le juge ne peut se contenter de sa fonction d’interprétation des textes, et doit accepter de créer entièrement une règle de droit. En effet, celui-ci ne peut résoudre le problème posé par le vide juridique que de cette façon là. Le juge n’est pour autant entièrement libre de ses décisions. En effet, ces dernières s’inscrivent dans un contexte social et politique donnée. Le juge prend donc des arrêts qui sont conformes aux évolutions de la société, et qui de ce fait ne sont que rarement contestées. D’ailleurs, si le juge administratif peut, par un seul arrêt, poser une règle entièrement nouvelle par rapport à l’état du droit antérieur, il arrive plus fréquemment que le juge procède par petits pas c’est-à-dire qu’il prépare progressivement au fil des décisions prises la solution finale qu’il appliquera de manière permanente : en d’autres termes, la jurisprudence apparait plus comme la résultante de tâtonnements, d’adaptations successives que comme le produit unique de revirements. Cette méthode de création du droit pose, cependant, problème : en effet, il existe un principe selon lequel toute activité normative doit être non rétroactive. Or, lorsqu’il consacre une nouvelle règle de droit, celle-ci s’applique théoriquement à l’affaire à l’occasion de laquelle cette règle est posée : ainsi, les faits de l’espèce sont régis par une règle qui n’existait pas à l’époque ou ils se sont déroulés. Mais, le Conseil d’Etat a su contourner cette difficulté par le technique des arrêts de rejet : en d’autres termes, lorsque le Conseil d’Etat souhaite consacrer une nouvelle règle, il le fait dans une affaire ou les faits ne remplissent pas les conditions nécessaires à l’application de la nouvelle norme.

C’est en faisant usage de ce pouvoir normatif que le Conseil d’Etat a pu élaborer ses normes les plus célèbres, à savoir les principes généraux du droit.

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II – Les principes généraux du

droit

Les principes généraux du droit (PGD) peuvent se définir comme des principes non écrits applicables même sans texte. Il importe, alors, de relever les causes et les méthodes de création de ces principes, de tenter d’en dresser une classification, et de terminer par l’étude de la valeur de ces principes.

Les causes de la consécration des PGD

Deux raisons expliquent que le juge administratif ait parfois recours aux principes généraux du droit : l’une est d’ordre technique et tient au vide juridique, l’autre est de nature idéologique et concerne la volonté de protéger les administrés.

1 - La raison technique : le vide juridique Devenue une véritable juridiction, le juge administratif a très tôt manifesté sa volonté de

soumettre l’Administration au droit. Mais, une donnée s’est vite imposée à lui ; elle tient à la faiblesse du nombre de normes textuelles applicables à l’Administration puisqu’il n’existait pas en droit administratif d’équivalent au Code civil. En conséquence, comment obliger l’Administration à respecter un ensemble de règles quand celles-ci n’existent pas ? Le Conseil d’Etat a donc du faire, avec une ardeur plus importante, ce que le juge judiciaire fait parfois : créer de la jurisprudence et donc créer les normes s’imposant à l’autorité administrative.

L’instrument par excellence qui a, alors, permis au juge administratif de combler les lacunes du droit écrit fut les principes généraux du droit. Ainsi, lors de l’épuration à la fin de la seconde guerre mondiale, le juge est vite confronté à l’absence de textes juridiques lui permettant d’encadrer l’action disciplinaire de l’Administration. Il décide, alors, de se doter lui-même des instruments lui permettant de soumettre l’Administration au droit. C’est l’acte de naissance des PGD. Ces derniers font d’abord l’objet d’une consécration implicite (CE, sect., 5/05/1944, Dame veuve Trompier-Gravier) avant d’être énoncés explicitement (CE, ass., 26/10/1945, Aramu). Il s’agissait dans ces deux affaires du principe général des droits de la défense.

2 - Les motivations idéologiques : la protection des administrés L’autre raison qui pousse le Conseil d’Etat à créer des PGD tient à sa volonté de protéger les

administrés en posant des limites à l’action administrative. Mais, le juge administratif ne posera à cette dernière que les limites qu’il estime ne pas devoir être dépassées, et ne transformera donc en règle de droit que les valeurs qu’il estime légitimes. La création de tels principes traduit donc la conception que se fait le juge administratif des rapports entre Administration et administrés : les PGD apparaissent, alors, comme la traduction juridique des valeurs présentes et reconnues dans la société. Le Conseil d’Etat se fait, au travers de la création des PGD, l’interprète de ces valeurs. L’exemple du principe interdisant de licencier une femme enceinte permet de mieux le comprendre (CE, ass., 8/06/1973, Dame Peynet). Ainsi, la consécration d’un tel principe n’aurait probablement pas été possible au début du XX° siècle, les droits des femmes et des salariés étant peu reconnus. Les années soixante-dix sont, en revanche, marquées par l’affirmation des droits des femmes, ce qui se traduit par un mouvement visant à parachever l’égalisation entre les deux sexes. Le juge administratif tient compte de cette évolution et l’enregistre dans sa jurisprudence. Observer l’ensemble des PGD revient donc à scruter l’évolution générale de la société.

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Comment le juge crée-t-il les PGD ?

S’il peut se baser exclusivement sur l’idéologie dominante pour créer les PGD, il arrive plus fréquemment que le juge se réfère à des textes pour les découvrir. Se pose alors la question de la nature du lien unissant ces principes aux textes.

1 - La référence à des textes Si, pour découvrir les PGD, le Conseil d’Etat se sert parfois des textes, lois ou traités

internationaux, ces derniers n’ont du point de vue de la création des principes qu’une importance limitée. Ainsi, la référence faite parfois à certaines dispositions de divers textes ou codes ne doit pas tromper. Le juge entend simplement signifier que le principe en cause est tellement important que même le texte en cause le consacre. Il faut comprendre par là que le texte visé n’est lui-même que l’application d’un principe plus général, d’une idée politique qui préexiste à sa concrétisation par la loi. En d’autres termes, le principe existe en soi, mais est repris, par exemple, par le législateur de façon solennelle dans une loi. Les textes ne doivent, alors, être appréhendés que comme des points de repère indiquant au juge administratif les valeurs jugées importantes à un moment donné dans la société.

Le cheminement conduisant à créer un PGD peut donc être appréhendé en trois étapes. C’est d’abord une idée politique largement admise dans la société. Cette idée est, ensuite, reprise dans un texte. Le juge se sert, enfin, du texte pour remonter jusqu’au principe et, ainsi, consacrer un nouveau PGD. D’un point de vue matériel, c’est-à-dire du point de vue de son contenu, ce principe existe donc avant toute intervention du juge. Mais, d’un point de vue formel, le juge est le seul créateur des PGD, ce qui signifie qu’ils ne doivent leur existence juridique qu’à sa seule volonté. C’est lui qui leur confère une existence juridique. Cette considérations amènent à s’interroger sur la distinction lien formel / lien matériel.

2 - La distinction lien matériel / lien formel Lorsque le juge stipule que le principe qu’il consacre a déjà fait l’objet d’une consécration

textuelle, il entend simplement signifier l’importance du PGD qu’il va consacrer, et non que le PGD tire sa valeur du texte. C’est le problème de la distinction entre lien matériel et lien formel.

Le lien matériel renvoie au fond du texte, aux idées qui y sont contenues. Le Conseil d’Etat se sert des dispositions des textes pour découvrir le principe qui leur préexiste. Le texte est envisagé ici seulement comme un indicateur.

Le lien formel, en revanche, renvoie à l’autorité du PGD, à sa valeur juridique. Ce n’est pas du texte que les PGD tiennent leur existence ou leur force obligatoire, mais de la seule volonté du Conseil d’Etat. Quelque soit le texte - constitutionnel, international ou législatif - qu’utilise le Conseil d’Etat pour les découvrir, les PGD n’auront pas l’autorité ou la valeur de ce texte. Ils auront la valeur attribuée aux normes de nature jurisprudentielle.

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Les classifications des PGD

Deux types de classifications peuvent être retenus : l’une tient aux domaines dans lesquels les PGD interviennent, l’autre au degré de généralité des PGD.

1 - Classification matérielle L’on trouve d’abord les principes exprimant la tradition politique libérale des droits de

l’Homme et du Citoyen, tels que la liberté d’aller et venir, la liberté du commerce et de l’industrie, ou encore l’égalité sous toutes ses formes.

Viennent ensuite les PGD relatifs au fonctionnement de la justice et de la protection des administrés. Peuvent être cités le principe qui garantit que tout acte administratif puisse faire l’objet d’un REP, celui qui assure la possibilité d’un recours en cassation contre les jugements de dernier ressort, le principe de non-rétroactivité des actes administratifs, le principe général des droits de la défense, ou encore plus récemment le principe d’impartialité du juge ( CE, 1999, Didier).

Une troisième catégorie concerne les principes d’équité économique et sociale, tels que le principe de continuité des services publics, le principe interdisant de licencier une femme enceinte, ou celui qui garantit aux étrangers le droit de mener une vie familiale normale.

Notons, enfin, les débats récents sur les principes de sécurité juridique et de confiance légitime. Le premier est consacré comme un PGD par le Conseil d’Etat (CE, 24/03/2006, So. KPMG), mais pas le second (CE, 9/05/2001, Entreprise personnelle Transports Freymuth), sauf lorsqu’est en cause la mise en œuvre du droit communautaire.

2 - Classification selon le degré de généralité des PGD Deux vagues successives ont affectés la création des PGD. L’on distingue ainsi les PGD de

première génération qui sont très généraux des PGD de deuxième génération qui sont beaucoup plus spécialisés.

a/ Les premiers PGD sont caractérisés par leur fort degré de généralité. Ils peuvent, de ce fait, couvrir un nombre considérable de situations. Il en va ainsi du principe général des droits de la défense, du principe d’égalité régissant le fonctionnement des services publics (CE, sect., 9 mars 1951, Société des concerts du conservatoire), du principe de la liberté d’aller et de venir (CE, 26 mai 1955, So. Lucien & Cie.), ou encore du principe de la liberté de conscience (CE, 8/12/1948, Dlle. Pasteau). Ils correspondent à la volonté initiale du juge administratif de couvrir le plus vite possible de larges pans de l’action administrative. Confronté à la pénurie de règles législatives, il lui faut d’abord poser les règles générales permettant d’encadrer la plus grande partie de l’activité de l’Administration. Les PGD de 1° génération sont donc très généraux, le juge s’attachant d’abord à créer les principes de base à tout contrôle juridictionnel.

b/ Une fois les principes de base posés, le juge administratif va créer des PGD plus spécialisés : ce sont les PGD de 2° génération. Très spécialisés, ces principes ont un champ d’application nettement plus restreint que les précédents. En effet, une fois que les questions les plus graves et répandues sont réglées, le juge peut se consacrer à des problèmes plus spécifiques. Cette fois-ci, il ne s’agit plus pour lui de couvrir l’ensemble de l’action administrative, mais bien plutôt d’encadrer une partie déterminée de cette action. Il peut s’agir de protéger une catégorie particulière d’individus comme avec le principe imposant le reclassement ou le licenciement pour inaptitude physique. Ce dernier principe est d’ailleurs caractéristique de l’affinement du contrôle du juge administratif, puisqu’il ne concerne cette fois-ci qu’un nombre très limité de personnes. Ou, il

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peut être question de réglementer un objet plus limité, comme le principe relatif au respect de la personne humaine même après sa mort, principe qui nous concerne tous, mais qui ne traite que d’une partie bien spécifique de la « vie administrative » (CE, ass., 2/07/1993, Milhaud).

Quoiqu’il en soit, ces considérations sur le degré de généralité des PGD n’ont aucune incidence sur la valeur juridique de principes. En effet, que le PGD soit très général ou très spécialisé, il aura toujours la même valeur.

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La valeur juridique des PGD

Si différentes théories se sont affrontées pour expliquer la valeur juridique des PGD, celle du professeur Chapus semble la plus à même d‘expliquer la solution retenue en l’espèce.

1 - Les thèses écartées La première est celle de la valeur constitutionnelle des PGD. Elle prend pour postulat qu’en

créant un domaine propre au pouvoir réglementaire, dans lequel la loi ne peut, en principe, intervenir (article 37), la Constitution de 1958 a hissé, d’une certaine façon les règlements au niveau des lois. Or, ces règlements, étant dans le même temps soumis aux PGD (CE., sect., 26 juin 1959, Syndicat général des ingénieurs-conseils), d’éminents membres de la doctrine ont alors considéré que les PGD avaient une valeur constitutionnelle. Il faut, cependant, considérer qu’un règlement autonome reste un acte administratif soumis au contrôle du Conseil d’Etat, ce dernier ne faisant pas de distinction entre les différents types de règlement. Notons aussi que le juge administratif a considéré que les PGD s’appliquaient de la même façon aux ordonnances de l’article 38 de la Constitution avant ratification (CE, 24/11/1961, Fédération nationale des syndicats de police).

La seconde est celle de la constitutionnalisation des PGD. En raison de la proximité entre certains principes à valeur constitutionnelle dégagés par le Conseil constitutionnel et des PGD, certains membres de la doctrine ont déduit les PGD en cause avaient été constitutionnalisés. Mais, si le contenu est le même, la forme, elle, reste différente. En effet, les PGD sont des normes juridiques non écrites consacrées par le Conseil d’Etat, alors que les principes à valeur constitutionnelle sont des normes juridiques écrites dégagées par le Conseil constitutionnel. Il peut, cependant, arriver que le Conseil d’Etat statue sur la base d’un principe à valeur constitutionnelle plutôt que d’utiliser un PGD, ce qui constitue un gage de simplification du droit. Il en va, ainsi, notamment, s’agissant du principe de l’égal accès des citoyens aux emplois publics énoncé par l’article 6 de la Déclaration de 1789(CE, 2/03/1988, Blet et Sabiani).

2 - La thèse de la valeur infralégislative et supradécrétale des PGD La théorie du professeur Chapus prend pour base un principe très simple : ce dernier

considère, en effet, que pour déterminer la valeur d’une règle de droit, il faut déterminer la place qu’occupe, dans l’ordonnancement juridique, l’organe qui l’a créé. Ainsi, si le Conseil d’Etat est soumis à la loi, puisque le législateur peut toujours écarter un PGD, il peut, en revanche, censurer les actes de l’Administration, y compris les actes les plus importants, à savoir les décrets. Dans la hiérarchie des sources formelles du droit, le juge administratif se situe donc entre le législateur et le pouvoir réglementaire. Comme le note le professeur Chapus, «serviteur de la loi, il est censeur des décrets». Par conséquent, les normes qu’il édicte ont une valeur infralégislative et supradécrétale.