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S LA lETTRE DE CONVENTION RÉGULER LA MONDIALISATION JUILLET 2010 Synthèses Décryptage CONTRATS ADMINISTRATIFS, COMMERCE INTERNATIONAL ET ARBITRAGE MATHIAS AUDIT AIDE AU DÉVELOPPEMENT : LA LUTTE CONTRE LA DÉFORESTATION DANS LES «ÉTATS FRAGILES» BLANCHIMENT DE CAPITAUX ET FINANCEMENT DU TERRORISME : ANALYSE ET MISE EN ŒUVRE PRATIQUE DE LA 3 E DIRECTIVE à sIGNALER C’EST À VOIR, À LIRE, À NOTER ... 04 entretien KARIM BENYEKHLEF UNE POSSIBLE HISTOIRE DE LA NORME 01 08 09 télégramme NATURA : UNE ENTREPRISE BRÉSILIENNE ENGAGÉE CHARLOTTE RAULT 06

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SLA lETTRE DE CONVENTIONR É G U L E R L A M O N D I A L I S A T I O N

JUILLET 2010

Synthèses

Décryptage

CONTRATS ADMINISTRATIFS, COMMERCEINTERNATIONAL ET ARBITRAGE

MATHIAS AUDIT

AIDE AU DÉVELOPPEMENT :LA LUTTE CONTRE LA DÉFORESTATION DANS LES «ÉTATS FRAGILES»

BLANCHIMENT DE CAPITAUX ET FINANCEMENT DU TERRORISME :ANALYSE ET MISE EN ŒUVRE PRATIQUE DE LA 3E DIRECTIVE

à sIGNALERC’EST À VOIR, À LIRE, À NOTER ...

04

entretien

KARIM BENYEKHLEFUNE POSSIBLE HISTOIRE DE

LA NORME

01

08

09

télégramme

NATURA : UNE ENTREPRISE BRÉSILIENNE ENGAGÉECHARLOTTE RAULT

06

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entretien KARIM BENYEKHLEF : UNE POSSIBLE HISTOIRE DE LA NORME17 JUIN 2010

KARIM BENYEKHLEF*

UNE POSSIBLE HISTOIRE DE LA NORME

* KARIM BENYEKHLEF ESTDIRECTEUR SCIENTIFIQUE

DU CÉRIUM (CENTRED’ÉTUDES ET DE

RECHERCHESINTERNATIONALES DE

L’UNIVERSITÉ DEMONTRÉAL) DEPUIS JUIN2009. PROFESSEUR À LA

FACULTÉ DE DROIT DEL’UNIVERSITÉ DE

MONTRÉAL DEPUIS 1989, ILEST DÉTACHÉ AU CENTREDE RECHERCHE EN DROIT

PUBLIC (CRDP) DEPUIS1990, DONT IL ASSURE LADIRECTION DEPUIS 2006.

MEMBRE DU BARREAU DUQUÉBEC DEPUIS 1985, IL A

EXERCÉ AU SEIN DUMINISTÈRE FÉDÉRAL DE LAJUSTICE DE 1986 À 1989. IL

A PUBLIÉ EN 2008 AUXÉDITIONS THÉMIS

(MONTRÉAL) UNE POSSIBLEHISTOIRE DE LA NORME.

LES NORMATIVITÉSÉMERGENTES DE LA

MONDIALISATION, POURLEQUEL IL A OBTENU LE

PRIX DE LA FONDATION DUBARREAU DU QUÉBEC

EN 2009.

01 SLA LETTRE DE CONVENTION JUILLET 2010

Dans votre ouvrage Unepossible histoire de lanorme. Les normativitésémergentes de lamondialisation, vousdécrivez l’émergence d’unenorme postmoderne allantde pair avec laglobalisation, qui seconstitue à la fois enréaction à la normemoderne et avec elle.Autrement dit, l’Étatcomme producteurprincipal de la norme seraiten phase de devenir unacteur juridique parmid’autres. Pouvez-vous nousen dire plus surl’émergence de cettenouvelle norme ?

Il y a de nombreuses causes àl’émergence de la norme post-moderne, que l’on peut rapporterà l’ensemble des phénomènes quitraversent les frontières, dont biensûr le commerce international.Dans notre centre de recherchepluridisciplinaire, nous noussommes intéressés à tous cesphénomènes, avec un intérêt par-ticulier, en ce qui me concerne,pour le cyberespace. J’insistedonc toujours sur deux évolutionssimultanées : l’importance du dé-veloppement des techniques, enmatière de transports et demoyens de communication, quiparticipe à une véritable globali-sation du monde ; et l’impor-tance croissante de discours surles droits de la personne. Cesdiscours provenaient initialementd’un cadre qui fut celui de la na-tion, mais ils s’en sont progres-sivement affranchis pour devenirvéritablement internationaux. Ce

faisant, ils se sont également ac-compagnés de développementsinstitutionnels comme la Coureuropéenne des droits del’homme, les Cours constitu-tionnelles et leur dialogue, laCour pénale internationale, etc.Ce développement institution-nel favorise en retour un dialogue« transjudiciaire », par ailleurs fa-vorisé par Internet : depuis quela Cour suprême du Canada dif-fuse ses décisions en ligne parexemple, on a assisté au Canadaà un grand regain d’intérêt pourle constitutionalisme. Échappantprogressivement à leurs tuteursnationaux, les droits de l’hommesont donc devenus le premier li-néament d’un droit global où lapersonne, les entreprises et lesorganisations de la société civile,tout comme l’État, deviennentsujets de droit global.

Vous associez souvent laconstruction d’une normepostmoderne à la notion depluralisme, où le modèle estle réseau, davantage que lapyramide. Mais querenferme exactement chezvous cette notion depluralisme, se réduit-elle àla diversité des acteurs ?Est-elle aussi liée à lanotion de démocratiecomme pouvoir descitoyens sur les affairespolitiques et économiques ?

Le schéma actuel est effective-ment celui d’une démocratieéconomique, où la gouvernancerepose sur le travail d’un réseaud’acteurs très divers, et non plussur une pyramide hiérarchique.L’État reste un acteur fonda-

mental pour dire le droit, mais iln’est plus le seul, même s’il estencore difficile parfois de s’abs-traire de la version positivistequi a dominé notre époque. Legrand défi, dans cette nouvellegouvernance globale, est à pré-sent celui de la participation ducitoyen : il faut combler le déficitdémocratique en créant de nou-veaux outils de représentation, cequi n’est pas facile dans uncontexte généralisé de perte deconfiance et de crise de la re-présentativité. C’est ici que latâche du philosophe politique estfondamentale : il s’agit de re-penser les instruments qui vontpermettre aux citoyens de s’im-pliquer dans la vie politique da-vantage que par le biais d’un votequi a lieu tous les quatre oucinq ans. J’ai toujours cru pourma part qu’il pouvait exister desformes de pouvoirs démocra-tiques qui ne soient pas exclusi-vement gouvernementaux, quece soit par le biais de tribunaux,de syndicats, etc. de façon à ceque les acteurs reprennent véri-tablement en main leur destinée.C’est en envisageant la possibi-lité d’un polycentrisme et d’undroit social que la mondialisationet la gouvernance qui l’accom-pagne peuvent devenir vérita-blement démocratiques.

Le cyberespace donne de bonsexemples de cette globalisationqui prend la forme du réseau etpermet la construction d’unenorme qui ne soit pas d’originegouvernementale. Dans les an-nées 1990, il existait un grandnombre de conflits entre les dé-tenteurs de noms de domaines

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« LES ACTEURSN’AGISSENT PAS

TANT EN FONCTIONDES SANCTIONS

QUE PARCE QU’ILSSE SENTENT

OBLIGÉS. »

02 SLA LETTRE DE CONVENTION JUILLET 2010

et les titulaires de marques decommerce, car des petits malinsavaient enregistré le nom desbanques ou de grandes entre-prises plus rapidement que cesdernières. Ce qu’a fait l’InternetCorporation for Assigned Namesand Numbers (ICANN), l’organecentral de tous les « .com », « .net »,etc., ici est très intéressant : elle adéveloppé une série de règles etde principes, et accrédité troisorganisations d’arbitrage pourrésoudre les conflits. En cinqans, plus de 10 000 affaires ontété réglées sans que personnequasiment ne saisisse les tribu-naux. Tout était réglé rapide-ment, à moindre frais, et enligne. Le système, de plus, étaitauto-exécutoire : lorsque la dé-cision était rendue à l’arbitre,on la signifiait au registraire com-pétent, celui qui avait le nom dedomaine en litige dans sabanque, et il avait l’obligation dedonner la propriété du nom dedomaine à celui ou celle à qui ellerevenait. Ces organes de réso-lution des conflits étaient doncprivés, mais également légitimes,et « accountable », ce systèmereposant entièrement sur l’inté-grité personnelle des juges, et latransparence de tous les dé-bats et décisions, car tout étaitrendu public. Ce fut un bel exer-cice de droit global.

Il a souvent été reproché àce droit global de ne paspouvoir être sanctionné, enraison notamment del’absence d’une autoritépolitique mondiale enmesure de transcender les

souverainetés, d’où unecritique de l’inefficacité desdroits de l’homme. Quepensez-vous du rapport dece nouveau droit à lasanction ?

Les droits de l’homme peuventêtre violés mais ce n’est pasparce que ces droits ne s’ac-compagnent pas à coup sûr desanctions qu’ils sont inefficaces.Si la sanction était le seul critèrepour déterminer la juridicité de laloi, alors il faudrait abolir les loissur l’impôt et les stupéfiantsauxquelles de nombreuses per-sonnes arrivent à se soustraire !Il faut penser aussi à l’importancedes notions de réputation oude confiance. Lorsque la Chinepar exemple est interpellée surdes questions de droits del’homme, elle ne dit pas qu’elles’en moque, ou que c’est ungadget, mais répond par un ar-gumentaire juridique lui aussi liéau droit des personnes. On peutbien évidemment critiquer cetargumentaire, mais il n’en restepas moins qu’il demeure uneétape importante dans la matu-ration juridique. C’est pour celaque je demeure très optimiste :les acteurs n’agissent pas tant enfonction des sanctions que parcequ’ils se sentent obligés. Prenonsainsi l’arbitrage : lorsqu’une en-treprise est condamnée, elle varespecter la sentence arbitralecar si elle ne la respecte pas saréputation va être sérieusementmise à mal, ce qui ne peut qu’al-ler contre ses intérêts.

On cite souvent l’Europecomme étant à la pointe de

la formation d’un droitcosmopolitique. Cependant,la crise économique met àmal la solidarité de sesmembres, montrant ainsi lepoids persistant de lasouveraineté des États.Alors que de nouvellesnormes émergentnotamment pour réguler lesystème financier, peut-onespérer qu’elles serontsuffisantes pour pallier auxdifférends politiques ?

Aujourd’hui, si la crise financière,aussi terrible soit-elle, encou-rage l’établissement d’une ré-gulation globale, c’est déjà positif.Par ailleurs, il ne s’agit pas d’op-poser la mondialisation à la sou-veraineté des États, car l’un ne vapas sans l’autre, il ne s’agit pasde nier l’État. Tous les événe-ments prennent du temps, et ilnous faut à l’instar d’un Braudelpenser sur le temps long.A moins que l’on ne soit unpessimiste absolu, il est inévita-ble qu’une régulation mondialese mette en place. Si c’est parl’économie que l’on peut accé-lérer ce processus, alors trèsbien, dès lors que ce processuss’accompagne de la créationd’institutions qui permettent etassurent l’exercice des droitsde la personne, qui est le soclefondamental d’une globalisationviable.

Quant à l’Europe en particulier, jepense que la majeure partie deses problèmes actuels résultentde son élargissement trop rapideet trop vaste, couplé à une ex-croissance bureaucratique qui

entretien KARIM BENYEKHLEF : UNE POSSIBLE HISTOIRE DE LA NORME17 JUIN 2010

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« LA DICHOTOMIEENTRE DROIT

CONTINENTAL ETDROIT

ANGLO-AMÉRICAINPEUT DONC DEVENIR

ASSEZ STÉRILE,QUAND LEURS DÉFENSEURS RESPECTIFS

S’ARC-BOUTENTTOUS AUTANT SURDES CONCEPTIONS

NATIONALES DUDROIT, SANS

ENVISAGER LA RÉALITÉ ACTUELLE

DU DROIT GLOBAL. »

03 SLA LETTRE DE CONVENTION JUILLET 2010

a abouti à une sorte d’objet nonidentifié dans lequel le citoyen nese reconnaît plus. Ici, le droit pris entant que science autonome etolympienne est une erreur, car ledroit est par essence hétéronome.Il faut nourrir le droit d’une réflexionextra-juridique – sociologique,anthropologique ou tout simple-ment politique – qui va le rendreplus efficient, et développer celle-ci à partir des faits, et de la réa-lité du terrain. En Europe, on aparfois l’impression que lesconstructions juridiques ont étéélaborées en vase clos par unevaste techno-structure ivre denormativité, une normativité quipeut s’avérer aussi complexequ’inutile quand elle s’appliquepar exemple à la taille des poi-gnées de portes.

Vous parlez beaucoupd’harmonisation d’un droitpluriel, de normativitéglobale et decosmopolitisme, mais denombreux obstaclessemblent encore exister àleur réalisation, encommençant peut-être parl’opposition entre le droitcontinental et le droitanglo-américain. Commentpensez-vous cetteconcurrence et commentenvisagez-vous sondépassement ?

Je ne crois pas beaucoup àcette opposition. À l’origine, etc’est ce que je montre notam-ment dans mon ouvrage en cequi concerne la norme prémo-

derne, il existe une grande proxi-mité entre le droit continental etle droit anglais, qui constituentune grande famille.

Au Moyen Âge, les échanges etles apports mutuels ont été nom-breux et ce sont par eux que seconstitua la véritable matrice ju-ridique de l’Occident. Certes,les distinctions entre ces deuxcultures juridiques existent, maisselon moi les finalités demeurentles mêmes, ce sont les moyensqui diffèrent. Voyez en particuliercomment le contrôle de consti-tutionnalité se généralise au-jourd’hui, même en France où ledébat date des années Giscard,au nom du droit des personnes.Je ne suis pas de l’avis de ceuxqui pensent voir dans le droit glo-bal une version maquillée dudroit anglo-américain : il estl’œuvre de foyers normatifs di-vers, qui s’adressent à diffé-rentes communautés.

Aux États-Unis aussi, d’ailleurs,certains voient d’un très mauvaisœil le transjudicialisme, et desmembres du Congrès des États-Unis ont voulu récemment inter-dire aux juges de la Coursuprême la possibilité de citerdes décisions étrangères dansleurs jugements, alors qu’au Ca-nada par exemple, c’est unepratique ancienne et très cou-rante. La dichotomie entre droitcontinental et droit anglo-américain peut donc devenir as-sez stérile, quand leursdéfenseurs respectifs s’arc-

boutent tous autant sur desconceptions nationales du droit,sans envisager la réalité actuelledu droit global. Il est importantque les cultures soient respec-tées, mais dans une perspectivepluraliste et non dans une logiqueidentitaire et exclusive.

Un dernier mot : commentconcevez-vous le rôle et laplace du juriste dans notremonde globalisé ?

Le juriste contemporain est dansla même situation que le juristedu Moyen Âge, alors aux prisesavec un monde fragmenté et dé-centralisé dans lequel il s’efforcede penser un droit d’abord royalet ensuite national. Le juristecontemporain doit aussi penserle droit, mais dans une formecette fois globale. Le contexteactuel l’y oblige : comment, parexemple, traiter sur Internet lesconflits relatifs à la liberté d’ex-pression ? Selon un droit natio-nal ? Comment interdire enFrance ou au Canada les sitesnégationnistes qui sont licitesaux États-Unis ? Il importe des’abstraire du cadre national, etj’admets la difficulté de l’exercice,pour penser la résolution denombreux conflits et, de manièreplus générale et, sans douteplus importante encore, la placede l’individu dans le jeu interna-tional contemporain.

ENTRETIEN RÉALISÉ PARÉDOUARD JOURDAIN

entretien KARIM BENYEKHLEF : UNE POSSIBLE HISTOIRE DE LA NORME17 JUIN 2010

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DÉCRYPTAGE

04 SLA LETTRE DE CONVENTION JUILLET 2010

« SI LE DUALISME JURIDICTIONNEL

N’EST PAS ENTIÈREMENT UNE

SPÉCIFICITÉ FRANÇAISE, IL N’EN

EST PAS POUR AUTANT

UNIVERSELLEMENTRÉPANDU. »

Attirer sur le sol français des in-vestisseurs étrangers est à l’évi-dence une nécessité et ce, dansbien des domaines (développe-ment des infrastructures, coo-pération scientifique, etc.). Or,bien souvent, ceci implique laconclusion de contrats avecl’État français, avec des collec-tivités territoriales ou des éta-blissements publics. Plus encore,ces contrats ont une natureadministrative, ce qui implique unjuge particulier en cas de litige (lejuge administratif sous la tutelledu Conseil d’État) et un droit spé-cifique (le droit administratif avecles prérogatives que celui-ci ac-corde à l’administrationcontractante).

Pour prendre un exemple, l’édi-fication et la gestion d’un nou-veau centre hospitalier pourrontse voir confiées à une entrepriseallemande par le truchementd’un contrat de partenariat,lequel en application de l’ordon-nance de 2004 est nécessaire-ment un contrat administratif.Cependant, l’investisseur étran-ger pourrait être rétif à l’idéequ’en cas de litige, ce sont lestribunaux administratifs qui serontcompétents. Si le dualisme juri-dictionnel n’est pas entièrementune spécificité française, il n’enest pas pour autant universelle-ment répandu. Plus encore, cejuge particulier est parfois vu, au-delà de nos frontières, commetrop proche de l’administrationcontractante.

C’est pourquoi, aux yeux d’uncontractant étranger, le recoursà l’arbitrage international s’avèreêtre une alternative séduisante àcette compétence du jugeadministratif. Mais encore faut-ilque la possibilité d’avoir recoursà ce mode alternatif de règlementdes litiges soit ouverte aux per-

sonnes publiques françaises etque son régime juridique soitidentifié. C’est justement sur cesdeux points que l’arrêt prononcé le17 mai 2004 par le Tribunal desconflits dans une affaire opposantl’Inserm à la fondationnorvégienne Letten F. Saugstadapporte d’importants éclaircisse-ments.

Pour rappeler en quelques motscette affaire, on relèvera quecette fondation devait partici-per, à hauteur de 25 millions deFrancs, à l’édification d’un cen-tre de recherche en neurobiolo-gie sur un terrain appartenant àl’université d’Aix-Marseille. Il étaitprévu d’y bâtir un Institut médi-terranéen de neurobiologie(IMED), en coopération donc en-tre la Fondation et l’Inserm.À cette fin, un protocole d’accorda été conclu entre les deux par-tenaires. Mais après un premierversement de 2 millions deFrancs, un différend est apparuentre les deux intervenants et laFondation a notifié à l’Inserm larupture de leurs relations.

Comme le protocole d’accordstipulait une clause compromis-soire, un arbitre a été désigné.Mais la sentence prononcée nefut pas du tout favorable à l’éta-blissement public : l’arbitreunique l’a en effet condamné àrestituer la somme versée par lafondation. Or, c’est à ce stade dela procédure qu’est né le conflitde compétence entre les deuxordres juridictionnels – adminis-tratif et judiciaire – que le Tribu-nal des conflits vient de trancher.L’Inserm a concomitamment saisile Conseil d’État, juridiction del’ordre administratif, d’un appel àl’encontre de la sentence et laCour d’appel de Paris, juridictionde l’ordre judiciaire, d’un recoursen annulation de cette même

sentence. Les deux juridictionss’étant potentiellement déclarercompétentes, le Tribunal desconflits a été saisi.

Mais ce n’est pas, à proprementparler, dans le règlement de ceconflit de compétence juridic-tionnelle que se loge l’intérêt es-sentiel de la décision. De par soncontenu, l’arrêt Inserm redessineen effet très profondément lepaysage de l’arbitrage interna-tional en France, et ce sur aumoins deux points : l’« arbitrabi-lité » des contrats administratifsconclus avec des contractantsétrangers et le régime des sen-tences arbitrales prononcées encette matière.

Sur le premier point, il faut rele-ver qu’avant l’arrêt Inserm, lapossibilité pour les personnes pu-bliques françaises d’avoir re-cours à l’arbitrage afin de réglerleurs litiges contractuels étaittrès limitée. Il existait un obstaclede taille : l’article 2060 du Codecivil qui exclut par principe le re-cours à l’arbitrage pour les per-sonnes publiques, auquel il fautassocier la jurisprudence duConseil d’État, celle-ci venantrenforcer cette « inarbitrabilité ». Il est vrai que, depuis 1966 et unetrès célèbre jurisprudenceGalakis, la Cour de cassationavait tout de même autorisé lespersonnes publiques françaisesà y avoir recours dans leurscontrats internationaux de droitprivé, ce dès lors que ceux-cimettent en jeu les intérêts ducommerce international. En re-vanche, pour les contrats admi-nistratifs conclus avec despartenaires étrangers (que l’onpense à un marché public, uncontrat de partenariat, uneconcession, etc.), le recours àl’arbitrage était proscrit.Or, le Tribunal des conflits se pro-

CONTRATS ADMINISTRATIFS,COMMERCE INTERNATIONAL ETARBITRAGE

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DÉCRYPTAGES

05 SLA LETTRE DE CONVENTION JUILLET 2010

CONTRATS ADMINISTRATIFS, OPÉRATIONS DU COMMERCE INTERNATIONAL ET ARBITRAGE

* Mathias Audit est professeur à l’université de Paris Ouest – Nanterre La Défense et à Sciences Po (Paris).

nonce incidemment sur cettequestion. Il reconnaît en effetqu’un contrat puisse mettre enjeu les intérêts du commerce in-ternational, « fut-il administratifselon les critères français ». Cefaisant, il transpose aux contratsadministratifs la jurisprudenceGalakis du juge judiciaire citéeplus haut. La conséquence estimmédiate : les contrats admi-nistratifs constituant par ailleursdes opérations du commerce in-ternational, c’est-à-dire finale-ment lorsqu’ils ne se dénouentpas économiquement sur le seulterritoire français, sont arbitra-bles. Ils peuvent en consé-quence valablement se voirdésormais stipuler des clausescompromissoires.

Mais le Tribunal des conflits seprononce également sur un se-cond point : le régime des re-cours à l’encontre des sentencesarbitrales, une fois celles-ci pro-noncées. Or, c’est sur ce pointque certaines critiques, émisesnotamment pas le Comitéfrançais de l’arbitrage (CFA), ontpu être formulées. Suivant ici lesconclusions de son Commis-saire du gouvernement, le Tri-bunal des conflits a fait le choixd’instaurer en droit français undouble régime de contrôle dessentences.

Le principe posé par le Tribunaldes conflits est que les recourscontre les sentences du com-

merce international mettant auxprises une personne publiquefrançaise doivent être introduitsdevant le juge judiciaire confor-mément aux dispositions en lamatière du Code de procédurecivile. Toujours par principe, cetterègle de répartition de compé-tence est applicable même si lecontrat à l’origine du litige est denature administrative au sensdu droit français.

Mais à cette compétence deprincipe de l’ordre judiciaire, le Tri-bunal des conflits pose uneexception en faveur de la com-pétence du juge administratif.Celle-ci doit être mise en œuvrelorsque le recours « implique lecontrôle de la conformité de lasentence aux règles impérativesdu droit public français relativesà l’occupation du domaine publicou à celles qui régissent la com-mande publique et applicablesaux marchés publics, auxcontrats de partenariat et auxcontrats de délégation de servicepublic ».

Concrètement, cela signifie quele contrôle des sentences arbi-trales relatives aux concessions,marchés publics, contrats departenariat et délégation de ser-vice public relève de la compé-tence du juge administratif ;celui-ci pourra ainsi vérifierqu’elles ne heurtent pas cer-tains principes impératifs de no-tre droit public. Pour le reste,

c’est-à-dire toutes les sentencesportant sur un autre type decontrat administratif ou un contratde droit privé conclu par une per-sonne publique française, lecontrôle sera exercé par le jugejudiciaire, dès lors du moins quel’on est bien en présence d’uneopération du commerce inter-national.

***L’instauration de ce double ré-gime brouille indéniablement ledroit français de l’arbitrage in-ternational. Il a même été affirméqu’il aurait pour conséquence denuire à l’attractivité de Paris entant que place d’arbitrage.Autrement dit, mis en présencede ce double régime, les inves-tisseurs étrangers pourraient êtreincités à choisir Londres ouGenève comme lieux où le tri-bunal arbitral sera amené à sta-tuer, ce qui est bien évidemmentde nature à avoir d’importantesconséquences notamment pourles cabinets d’avocats installés àParis œuvrant en ce domaine.Mais cet effet négatif de l’arrêtInserm pourrait en partie êtrecontrecarré en incitant les admi-nistrations françaises – dansl’hypothèse où elles ne seraientpas spontanément conduites à lefaire – à exclusivement choisirParis ou en tout cas la Francecomme place d’arbitrage dansleurs contrats internationaux.

MATHIAS AUDIT*

Bibliographie

Mathias Audit, « Le nouveau régime de l’arbitrage des contrats administratifs internationaux », Revue de l’arbitrage,no 2, 2010.Thomas Clay, « Les contorsions byzantines du Tribunal des conflits en matière d’arbitrage », JCP (Semaine juridique),no 21, 24 mai 2010, p.1045.Comité français de l’arbitrage (CFA), « Avis du Comité français de l’arbitrage dans l’affaire Inserm c/ Fondation Let-ten F. Saugstad », Revue de l’arbitrage, no 2, 2010.Pierre Delvolvé, « L’arbitrage en droit public français », in L’Arbitrage en droit public, David Renders, Pierre Delvolvéet Thierry Tanquerel (dir.), Bruylant, 2010, p.189-226.Emmanuel Gaillard, « Le Tribunal des conflits torpille le droit français de l’arbitrage », JCP,(Semaine juridique) no 21,24 mai 2010, 585, p.1096.Matthias Guyomar, « Conclusions du commissaire du gouvernement dans l’affaire Inserm c/ Fondation Letten F. Saugs-tad », Revue de l’arbitrage, no 2, 2010.

« LES CONTRATS ADMINISTRATIFS

CONSTITUANT PARAILLEURS DES

OPÉRATIONS DUCOMMERCE

INTERNATIONAL,C’EST-À-DIRE FINALEMENT

LORSQU’ILS NE SEDÉNOUENT PAS

ÉCONOMIQUEMENTSUR LE SEUL

TERRITOIRE FRANÇAIS, SONT ARBITRABLES. »

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06 SLA LETTRE DE CONVENTION JUILLET 2010

La discussion autour du rôledes entreprises comme agentsde transformation sociale estaujourd’hui engagée au Brésil. Enraison peut-être de la complexitéde la société brésilienne, où lesinégalités se combinent à des la-cunes chroniques de l’État dansla prise en compte des besoinssociaux, la responsabilité so-ciale des entreprises (RSE) s’estimposée dans les dix dernièresannées comme un conceptd’avenir, et nombre d’entreprisesbrésiliennes se réclament au-jourd’hui d’une vision des af-faires qui inclut la question des« externalités négatives », au-delàde simples donations ou d’ap-puis financiers ponctuels à desprojets de bienfaisance. Labourse de São Paulo (Bolsa deValores de São Paulo –BOVESPA) a ainsi lancé en 2005l’indice de développement du-rable des entreprises (Índice deSustentabilidade Empresarial –ISE), qui reflète le rendementd’un portefeuille composé de ti-tres de sociétés engagées dansla promotion de politiques so-ciales et environnementales.

Créée en 1969, l’entreprise decosmétiques Natura a été àl’avant-garde de ce mouvement.Occupant une part de marchéconséquente dans le secteur dela vente directe au consomma-teur, elle a été la première à pro-

mouvoir l’utilisation de rechargessur certains de ses produits.Cette technique, qui permet deréduire de 20 % les besoinsd’emballage, avait valu à Natural’obtention du prix AE Empresasde Sustentabilidade en 2009.Pourtant, « le marché manqueencore de maturité dans sonévaluation de la valeur d’uneentreprise promouvant de tellestechniques », affirme l’actuelPDG de Natura, AlessandroGiuseppe Carlucci1.

Natura travaille pour sa part à dé-velopper une véritable cultured’entreprise autour du conceptde responsabilité sociale et en-vironnementale. Pour son fon-dateur Luiz Seabra : « Laresponsabilité sociale est un nou-veau regard porté sur la gestiondes affaires, la société et le mondedans lequel nous vivons2. » L’en-treprise a notamment fait le choixd’appliquer les indicateurs del’institut brésilien Ethos, qui dé-finit la responsabilité sociale desentreprises comme une forme degestion caractérisée par la relationéthique et transparente de l’en-treprise avec le public en général,et par l’établissement d’objectifsde développement durable, quipréservent l’environnement et lesressources culturelles pour les gé-nérations futures tout en respec-tant la diversité et en contribuantà réduire les inégalités sociales.

La responsabilité sociale selonNatura repose donc sur letriptyque entreprise, environne-ment et consommateurs. En2002, un Comité de développe-ment durable a été créé, pourcontribuer à la définition de stra-tégies de gestion responsabledans la réalisation des affaires. Àpartir de 2004, le « balanced sco-recard » de l’entreprise a com-mencé à refléter les trois dimensionsdu développement durable –économique, social et environne-mental. Un système maison degestion du développement du-rable permet, par le biais d’uneméthodologie, de processus etd’indicateurs, d’évaluer la per-formance sociale de l’entreprise,d’orienter les pratiques quoti-diennes et d’intégrer les déci-sions des collaborateurs.

Listée à l’ISE de la BOVESPA,Natura affiche sa politique etses valeurs, ce qui garantit un im-pact important de son image auniveau des consommateurs. Ellepublie également un rapport an-nuel de responsabilité socialed’entreprise, élaboré conformé-ment aux exigences de laGRI (Global Reporting Initiative)afin d’informer le public des im-pacts de ses activités. Pour sonprésident, « si le marché réussit àcapter le potentiel de valorisationde l’entreprise, la constructionde notre marque est garantie3 ».

« LA RESPONSABILITÉSOCIALE SELON

NATURA REPOSESUR LE TRIPTYQUE

ENTREPRISE, ENVIRONNEMENT ETCONSOMMATEURS. »

télégramme

BRÉSIL :

NATURA : UNE ENTREPRISEBRÉSILIENNE ENGAGÉE

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07 SLA LETTRE DE CONVENTION JUILLET 2010

Selon un sondage du LatinPanel,en 2008, la marque a progresséde 42 % à 47 % au niveau de lapréférence et de l’estime desconsommatrices.

Concernant l’environnement, laproduction des cosmétiques estorientée de façon à respecter uncycle de vie de produit respec-tueux de l’environnement, depuisl’extraction de matières pre-mières, leur acheminement, leurtransformation, en passant parleur utilisation et jusqu’aux trai-tements des emballages. Entre2007 et 2011, l’entreprise s’estnotamment engagée à réduire de33 % les émissions de gaz à ef-fet de serre, dans le cadre duprojet carbone neutre. En 2008,Natura s’était donné comme ob-jectif de réduire davantage son im-pact sur l’environnement en

augmentant de 13 % le recyclagede ses produits et en diminuantde 8,9 % sa consommationd’eau, 16,9 % sa consommationd’énergie et de 10 % ses déchets. Quant aux collaborateurs de l’en-treprise, le Mouvement Natura aété lancé en 2005. Il s’agit d’unprogramme invitant les consul-tants à participer à des projetssociaux et environnementauxen tant qu’agents mobilisés au-près des clients.

Trois fois primée en 2008, avecle Destaque Agência EstadoEmpresas, le Destaque NovoMercado et le Destaque Sus-tentabilidade, l’entreprise a étéconfortée dans ses choix. Resteà voir si elle aura l’effet d’entraî-nement espéré sur l’ensemble dusecteur, car le bilan d’ensembledu pays en matière de RSE de-

meure mitigé. Souvent confon-due avec les politiques tradi-tionnelles de bienfaisance,comme le soutien à des écolesaccueillant un public défavorisé,des bourses ou des aides à descentres sociaux et des orpheli-nats, la RSE reste un sujet « mi-noritaire » porté surtout par unepoignée d’entreprises engagées,sans vrai relais politique au gou-vernement ou dans la législationnationale. À présent queGuilherme Leal, jusque récem-ment coprésident de Natura, seprésente aux élections prési-dentielles sur le ticket Vert deMarina Silva, peut-on s’attendreà des évolutions favorables ?L’avenir le dira.

CHARLOTTE RAULT*

« SOUVENT CONFONDUE AVEC

LES POLITIQUESTRADITIONNELLESDE BIENFAISANCE,LA RSE RESTE UN

SUJET MINORITAIRE. »

télégramme

* Charlotte Rault est diplômée de Sciences Po Paris et juriste en droit international.

NATURA : UNE ENTREPRISE BRÉSILIENNE ENGAGÉE

Notes

1 Agencia Estado, « Natura conquista três prêmios no Destaque AE Empresas », 18 juin 2009 :http://www.ae.com.br/hs/AEEmpresas/pag_noticias_28.php 2 Aline Souki Amaral de Paula, Júlia Andrade Ramalho Pinto et Kely César Martins de Paiva,« Responsabilidade social e ética : avaliando exemplos e redefinindo resultados organizacionais » :http://www.ichs.ufop.br/conifes/anais/OGT/ogt0802.htm 3 Agencia Estado, op. cit.

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NOTE DE VEILLE NO 180 DU CENTRE D’ANALYSE STRATÉGIQUE, JUIN 2010 |http://www.strategie.gouv.fr/IMG/pdf/NoteVeille180_Aide_REDD_Etats_fragiles.pdf

Synthèses

AIDE AU DÉVELOPPEMENT :LA LUTTE CONTRE LA DÉFORESTATION DANS LES « ÉTATS FRAGILES »

OPACITÉ FINANCIÈRE :BLANCHIMENT DE CAPITAUX ET FINANCEMENT DU TERRORISME :

ANALYSE ET MISE EN ŒUVRE PRATIQUE DE LA 3E DIRECTIVE

HENRI QUINTARD ET MICHEL BEAUSSIER, LA REVUE BANQUE, AVRIL 2010.

08 SLA LETTRE DE CONVENTION JUILLET 2010

La mondialisation des réseauxdu crime organisé et les activitésdes groupes mafieux ou terroristesappellent une réponse robuste etproportionnée. Face à la réalité dece danger criminel, l’Europe arefusé de s’enfermer dans l’im-puissance et n’a pas cédé à latentation d’une réponse rudi-mentaire et rassurante : la direc-tive 2005/160/CE du 26 octobre2005 contraint désormais tous lesprofessionnels des circuits finan-ciers et du droit au même niveaude lutte. Le secret financier ne sau-rait, en effet, bénéficier aux blan-chisseurs de capitaux d’origineillicite ou aux financiers du terro-risme sous le seul prétexte qu’ilappartient aux établissementsbancaires et qu’il pénètre celui des

avocats ou d’autres professionsque les criminels ont librementchoisis et dont ils utilisent les ser-vices et la réputation. L’ordon-nance no 2009-104 du 30 janvier2009 et ses textes d’applicationtransposant la troisième directivemodifient de façon substantielle ledispositif en vigueur en France. Elleintroduit notamment une ap-proche par les risques des obli-gations de vigilance à la charge detous les professionnels concernéset étend le champ de la déclara-tion de soupçon à toute infractionpunie d’une peine d’au moins unan d’emprisonnement, y com-pris la fraude fiscale. À vocationpédagogique et opérationnelle,cet ouvrage livre une analyse ju-ridique rigoureuse de la loi nouvelle

et de l’ensemble de ses textesd’application consolidés au18 janvier 2010, soulignant les pre-mières conséquences et les ques-tions relatives à une transpositiondont la gestation a été longue etqui constitue dorénavant la normelégale. Conçu et rédigé par unbanquier et un avocat, praticiensspécialisés dans la mise en œu-vre quotidienne des procédures in-ternes et des textes relatifs à lalutte contre le blanchiment decapitaux et le financement duterrorisme, ce livre est destiné àl’ensemble des professionnelsassujettis y compris ceux du chif-fre et du droit. Car, contrairementà une erreur largement répandue,les uns et les autres sont astreintsà la même obligation de moyens.

Devenue un enjeu majeur dans lalutte contre le réchauffement cli-matique, la protection des forêts dela planète exige aujourd’hui une po-litique commune et coordonnéedes États au niveau mondial, quidoit tendre à réduire la défores-tation et ses effets. C’est ce quenous rappelle le Centre d’analysestratégique dans sa note de veilleno 180 du mois de juin 2010, ensoulignant d’autre part que les ac-cords REDD (Réduction desémissions issues de la défores-tation et la dégradation forestière)

signés à Copenhague le18 décembre 2009 s’inscriventbien dans une vision renouvelée del’aide au développement. Sur labase de ses accords, le partena-riat mondial existant désormaisentre États donateurs et États fra-giles permet de mettre à disposi-tion de la lutte contre ladéforestation 4 milliards de dollarspour la période 2010-2012. Grâceau programme d’utilisation desfonds, officialisé le 27 mai 2010 àOslo, il est ainsi possible de réflé-chir à l’efficacité de l’aide mise en

place : programme de réformespour compenser les pertes de re-venus du secteur forestier, alloca-tions de fonds sous réserve demise en œuvre de réformes par lesÉtats bénéficiaires de l’aide, en-gagements mutuels d’investisse-ment et de réduction de ladéforestation… autant de me-sures qui semblent prometteuses,tant pour la coopération mondialeque pour la mise en œuvre d’unepolitique fondée sur un intérêtcommun.

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09 SLA LETTRE DE CONVENTION JUILLET 2010

Integrating Human Rights inthe Anti-Corruption Agenda International Council on HumanRights Policy, mai 2010.

Le rapport examine la manièredont l’utilisation du cadre desdroits humains peut renforceret stimuler les stratégies anti-corruption. La matière est expo-sée en quatre parties. Lapremière partie se structure endeux points : premièrement,quels sont les trois principescommuns aux droits humains età l’anticorruption ? – participation,transparence et responsabilitéfinancière ; deuxièmement, com-ment la compréhension de cesprincipes du point de vue desdroits humains peut améliorer lesstratégies anticorruption ? Ladeuxième partie est construiteautour des quatre priorités quese sont données les organisationsanticorruption : évaluation de lacorruption ; contrats publics ; fi-nance politique ; prestations deservices sociaux. C’est une ma-nière pour le rapport d’explorercomment l’utilisation des stan-dards des droits humains etde leurs outils peut rendre plusefficaces les approches tradi-tionnelles appliquées à l’anti-corruption. La troisième partieexamine les conséquences dela corruption sur les femmes ets’interroge sur la valeur poten-tielle d’une stratégie de genre,étant donné que la corruptiontouche de manière dispropor-tionnée les femmes vulnérableset défavorisées. Dans la qua-trième partie, les tensions pré-sumées entre anticorruption etdroits humains sont mises enquestion et les conclusions sontles suivantes : les problèmes serésument à certains domaines dela recherche en matière d’anti-corruption et à certaines pour-suites judiciaires, ces dernièresétant absentes de la mise en ap-plication légale de l’anticorruptiondans la plupart des États. Unedernière partie conclusive offre unrésumé des principales thèses etconclusions.

http://www.ichrp.org/files/drafts/12/131b_draft_consultation.pdf

Investissements et investisseursde long termeRapport de Jérôme Glachant,Jean-Hervé Lorenzi, Alain Quinet etPhilippe Trainar, à paraître à laDocumentation française

La crise mondiale et celle, plus ré-cente, dans la zone euro ont eutendance à raccourcir l’horizonprévisionnel et décisionnel de nom-breux agents économiques. Dansle même temps, les incertitudes(sur l’emploi, les retraites…) pous-sent plutôt à la remontée du tauxd’épargne des ménages. Le pro-blème de l’épargne dans la plupartdes pays européens, y compris laFrance, est donc moins quantita-tif que qualitatif. Il s’agit d’attirer unefraction accrue de l’épargne privéevers les investissements de longterme, afin de doper la croissanceet l’emploi. L’orientation d’uneépargne « longue » abondantevers des investissements rentables,tant économiquement que socia-lement, est l’enjeu crucial des dixannées à venir pour créer des em-plois et de l’activité. Pour les au-teurs, la France, à l’instar desautres pays industrialisés, doit fa-voriser l’émergence d’investisseursde long terme en capacité deporter le risque long. Le rapportfournit dix propositions pour y par-venir. Elles concernent la constitu-tion et la mobilisation de l’épargnelongue ainsi que la création de vé-hicules d’investissement long as-sociant public et privé.

http://www.cae.gouv.fr/IMG/pdf/CAE91_ILT_V1.pdf

Plan stratégique 2010-2011 Rapport de l’Autorité des normes comptables, juin 2010

Les normes comptables doiventcontribuer à la stabilité financièreglobale et à la sécurité financièredes entreprises françaises. C’estainsi qu’en France, sur la proposi-tion de Mme Christine Lagarde, mi-

nistre de l’Économie, l’Autoritédes normes comptables (ANC) aété créée. Elle a pour mission derenforcer la capacité collective àproduire les meilleures normesnationales et à intervenir dans le dé-bat sur les normes internationales.L’ANC a été pleinement constituéeen janvier 2010. Elle hérite de l’an-cien Conseil national de la comp-tabilité, de ses productions, desaméliorations apportées à sonfonctionnement par ses réformessuccessives et du rôle qu’y ontjoué ses présidents et ses mem-bres, ainsi que l’État représentépar le directeur du Trésor.Le plan stratégique de l’ANCs’inscrit dans un contexte globaltrès délicat marqué par : une aug-mentation substantielle et sansdoute durable des risques finan-ciers ; un délai plus long queprévu, dû à de vraies divergencesentre les acteurs, pour tirer les leçonsde la crise financière ; le besoin d’in-venter un modèle neuf. Ce plan doits’inscrire dans le cadre de l’Unioneuropéenne qui utilise à la fois :- les normes comptables euro-péennes, les plus anciennes et lesplus éprouvées, ancrées dans ledroit, utiles à tous les utilisateurs etrépondant aux besoins des acteursd’une économie tournée vers lemoyen et le long terme ;- les normes comptables inter-nationales, les plus modernes,qui permettent de représenterles activités complexes desplus grandes entreprises d’unefaçon comparable, à l’échelledes marchés financiers. Le choix de combiner ces deuxapproches répond aujourd’huià des besoins économiquesévidents. L’efficacité de cettedémarche suppose la mise enœuvre d’un projet global et lapoursuite des objectifs contenusdans le plan stratégique de l’ANC.

http://www.anc.gouv.fr/sections/programme_de_tra-vail/plan_strategique/plan_stra-tegique_201/downloadFile/file/Plan_strategique_de_l_ANC_2010-2011.pdf?ncache=1279899127.89

rapports

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10 SLA LETTRE DE CONVENTION JUILLET 2010

livres

India’s Economy. Performanceand ChallengesShankar Acharya et Rakesh Mohan (dir.),Oxford University Press, 2010

Partie à égalitéavec la Chine entermes de ri-chesse par ha-bitant en 1980,l’Inde se retrouveaujourd’hui dis-tancée dans unrapport de un à

trois. Bien que l’on connaisse lesinsuffisances de ce type d’indi-cateur, le bilan est apparem-ment sans appel. Pourtant, lorsde la dernière décennie, l’Inde acommencé à afficher des per-formances de croissance se rap-prochant des 10 % chinois etquelques experts prévoientmême que les courbes se croi-seront dans les prochaines an-nées. Une des raisons de fond dece rattrapage est le changementstructurel de l’Inde en termes dedémographie et d’ouverture auxtechnologies et aux échanges in-ternationaux. Comme pour laChine, la discussion entre éco-nomistes porte sur le rôle des ré-formes de marché introduitesgraduellement dans les années1980 et surtout 1990. Or, l’ac-célération de la croissance in-dienne intervient surtout dans lesannées 2000, alors que les ré-formes marquent le pas pour desraisons politiques. Pour tous les contributeurs decet ouvrage, le succès de lacroissance indienne reposerasur son caractère « inclusif » etnon sur un tri entre les perdantset les gagnants. Cela suppose derester maître de ses outils de po-litique économique. En dépit detous les défis structurels, hu-mains ou environnementaux aux-quels l’Inde doit faire face, lesarguments avancés ici donnent

du grain à moudre à ceux quisont plutôt optimistes sur lapoursuite du décollage indien.

Souveraineté démocratique,justice et mondialisation.Essai sur la démocratielibérale et le cosmopolitismeGeneviève Nootens, Éditions Liber,2010

Cet ouvrages’intéresse audevenir des so-ciétés contem-poraines et desrelations entrei n d i v i d u s ,groupes et po-pulations. Il sou-

tient que l’interdépendanceplanétaire, le grand dénuementdans lequel vivent la majoritédes habitants de cette planète(à côté de la richesse la pluséhontée) et les conséquencessociopolitiques des conflitscontemporains (tant les conflitsinternationaux que les guerres ci-viles) interpellent la démocratielibérale. C’est particulièrement vraides inégalités matérielles, causesdirectes ou indirectes de nombreuxconflits. Un peu comme le faisaitJohn Stuart Mill devant les condi-tions de vie des ouvriers au XIXe

siècle, on peut en effet, dans lecontexte actuel, considérer cesinégalités comme inacceptablesmoralement et injustifiables éco-nomiquement. Y a-t-il pour autantici des enjeux de démocratie ? Etsi c’est le cas, est-il possible depenser développer des pratiquesdémocratiques à l’échelle inter-nationale ? L’auteur avance une ré-ponse positive à ces deuxquestions, au prix cependant deréévaluer certains postulats fon-damentaux de la théorie démo-cratique libérale. Car la démocratiene se réduit pas à la règle de la

majorité ni à une procédure de dé-cision. Son exercice ne prend pasfin non plus aux frontières dechaque État-nation. Pour répondreaux défis posés par le pluralismeet la mondialisation, il s’agit alorspour Geneviève Nootens de re-penser les rapports de solidaritéet les rapports de pouvoir quisont propres à la démocratie.

La Justice internationale et larépartition des ressourcesnaturellesPierre-Yves Bonin, Presses del’université de Laval, 2010

S’inscrivant dansla vaste enquêtesur la justice in-ternationale en-treprise au coursdes dernièresdécennies parde nombreuxchercheurs et in-

tellectuels, cet ouvrage proposeune analyse détaillée d’un des ar-guments les plus influents invo-qués pour justifier une répartitionmondiale de la richesse, à savoirle partage équitable des res-sources naturelles de la planète.Les profits gigantesques quecertains pays tirent de l’exploi-tation de ressources comme lepétrole et les pierres précieuses,l’importance stratégique gran-dissante de certaines autres res-sources, notamment de l’eau, etles difficultés qu’éprouvent cer-tains pays, apparemment pau-vres en ressources, à sortir deleur condition misérable, contri-buent grandement à rendre pluscrédible l’argumentation de ceuxqui prônent un meilleur partagedes ressources. L’objectif de celivre est de clarifier cet argu-ment, d’examiner ses varianteset d’en évaluer la portée.

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11 SLA LETTRE DE CONVENTION JUILLET 2010

20-21 juillet : Global Antitrust,Enforcement and Compliance,Washington DC. http://www.concurrences.com/IMG/pdf/673L10_INH_1_.pdf

9-13 août : EU Competition LawSummer, Downing College,Cambridge. http://www.informaglobalevents.com/event/eucompschool

17-18 septembre : 14th AnnualCompetition Conference, GrandHotel, Florence. http://www.int-bar.org/confe-rences/conf332/

23-24 septembre : 37th AnnualConference on InternationalAntitrust Law and Policy,Fordham Competition LawInstitute. http://law.fordham.edu/fordham-competition-law-insti-tute/16472.htm

28 septembre : IBC Legal,Online Brand Protection,Londres. http://www.informaglobalevents.com/event/online-brand-protection-confe-rence2010

ÉVÉNEMENTS

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SCONVENTION

Comité éditorial :M. Paul-Bertrand BaretsM. Jacques BaudouinM. Guy CanivetM. Antoine GaraponM. Jean-Marc SauvéM. Pierre Sellal

Conventions est un cercle de réflexion sur les enjeux juridiques de la mondiali-sation. Autour d’un programme régulier de rencontres et de publications, ilrassemble des diplomates, des juristes et des acteurs du monde de l’entreprisedésireux de mieux comprendre les nouvelles formes de régulation, et d’yinscrire leurs pratiques.

Conventions est une initiative de l’Institut des hautes études sur lajustice et du ministère des Affaires étrangères et européennes (DGM,sous-direction des affaires économiques internationales).

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