12
Les limites de la diplomatie territorialisée F. Reno , Professeur, directeur du CAGI e numéro 20 de notre lettre est consacré à la coopération régionale. Nous remercions les deux ambassadeurs et le conseiller à la coopération et à l’action culturelle de l’ambassade de France à Sainte Lucie de nous avoir accordé un entretien sur ces questions importantes au moment où l’UAG se fissure et implose. Les régions de Guade- loupe, Guyane et Martinique s’apprêtent à adhérer à l’AEC (Association des Etats de la Caraïbe) au Caricom (marché commun des Caraïbes), à la Cepalc (Commission économ- ique pour l’Amérique latine et les caraïbes), et à l’OECS (Organisation des Etats de la Caraïbe orientale) Le temps où l’exercice de compétenc- es internationales relevait strictement de prérogatives régaliennes semble révolu. Le discours de l’insertion qui consistait à manifester son ex- istence, fait désormais place à une intention bien réelle de participation à une dynamique caribéenne. L’extrait ci-dessous du discours du président du conseil région- al de la Martinique à l’occasion de sa demande d’adhésion à la Cepalc en témoigne : “La Martinique et la Guade- loupe ouvrent aujourd’hui, une ère nouvelle, l’ère d’une diplomatie territorialisée et au-delà, l’ère d’une nouvelle diplomatie économique… Mais si votre institution ac- cepte notre adhésion, au delà de l’affection partagée, c’est aussi un champ élargi et nou- veau, de coopération sud sud qui s’ouvre à nous” . 1 Les demandes d’adhésion des régions d’outre mer aux or- ganisations régionales de la Caraïbe et la nomination de chargés de mission dans les ambassades françaises illus- trent bien la volonté des au- torités locales décentralisées d’occuper l’espace caraïbe dans des créneaux jusque là oc- cupés par l’Etat. L’intervention locale sur des questions in- ternationales est limitée au champ de compétences des autorités décentralisées et reste largement tributaire d’une autorisation de l’Etat. Les textes sont sans équi- voque. “Les régions d’Outre mer peuvent, avec l’accord des autorités étatiques, être mem- bre associé ou observateur des organismes régionaux avec lesquels ils ont la possibilité de signer des engagements inter- nationaux”.2 Des tensions pourraient surgir de cette nouvelle configura- tion qui autorise les Régions à développer des stratégies autonomes parfois dans les mêmes espaces, sans que l’Etat ait renoncé à contrôler ces actions décentralisées. Lors de la dernière conférence de coopération régionale or- ganisée par les services de l’Etat, le ministre des outre- mer a clairement manifesté sa volonté de replacer les ambas- sadeurs au centre de la diplo- matie territorialisée. Il a propo- sé que ces diplomates soient destinataires des informations collectées par les chargés de mission.des régions. L’objectif étant que ces informations soient ensuite envoyées dans l’ensemble des régions d’outre-mer. De ce point de vue, le cas de l’ambassade de France à Sainte Lucie et auprès des pays de l’OECS sera un test intéressant. Deux chargés de missions installés dans l’ambassade représentent dis- tinctement la Guadeloupe et la Martinique. Ces régions accepteront-elles cette interprétation étatique de la diplomatie territorialisée ? Directeur de publication Corinne MENCE-CASTER Rédacteur en chef Fred RÉNO Mise en page Adrien SORIN Contact Rond Point Miquel - 0 590 83 48 47 1 - PREMIÈRES LETTRES - Édito - Sommaire 2 - L’ACTU - La France et la coopération régionale - Entretien avec J-Y. Lacascade - Facteurs et obstacles à l’adhésion aux organisations régionales 5 - HUMEURS ET ACTUS - Larry Frébo - On peut rire de tout, avec le WWW 7 - ESPACE - Effectuer un stage en ambassade - Inégalité et territoires (Pt.2) 9 PAGE CARAÏBE - Quelle 2de langue pour le Caricom ? - sociétés civiles et coopération - Intégration régionale des DFAs - Coopération extra universitaire - L’adhésion des collectivités françai- ses aux organisations régionales 12 - LE MOIS DU CAGI - Soutenance de thèse : P. Obertan - Conférence de coopération régionale SOMMAIRE C - 22 novembre : rencontre de relance du projet Caribbean Heritage Connec- tions à Sainte Lucie - Journée d’étude sur la crise économ- ique le 28 novembre, animée par Christian Saad, Jean-Michel Cusset et Pierre-Yves Chicot sur le campus de Fouillole - 6 décembre : séminaire en Jamaïque à l’institut de Salisses sur le thème “économie politique et politiques pub- liques dans la caraïbe” AGENDA Numéro20 Novembre-Décembre 2013 Coopération et Intégration Régionale 1 -Discours de Serge Letchimy 34ème session de la Cepalc San Salvador 31 août 2012 2 - article L4433-4-5 du CGCT Voir aussi circulaire http://circulaires.legifrance.gouv.fr/pdf/2012/03/cir_34914.pd

La Lettre du CAGI n°20, Novembre-Décembre 2013

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Ce numéro 20 de notre lettre est consacré à la coopération régionale.

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Page 1: La Lettre du CAGI n°20, Novembre-Décembre 2013

Les limites de la diplomatie territorialiséeF. Reno, Professeur, directeur du CAGI

e numéro 20 de notre lettre est consacré à la coopération régionale.

Nous remercions les deux ambassadeurs et le conseiller à la coopération et à l’action culturelle de l’ambassade de France à Sainte Lucie de nous avoir accordé un entretien sur ces questions importantes au moment où l’UAG se fissure et implose. Les régions de Guade-loupe, Guyane et Martinique s’apprêtent à adhérer à l’AEC (Association des Etats de la Caraïbe) au Caricom (marché commun des Caraïbes), à la Cepalc (Commission économ-ique pour l’Amérique latine et les caraïbes), et à l’OECS (Organisation des Etats de la Caraïbe orientale) Le temps où l’exercice de compétenc-es internationales relevait strictement de prérogatives régaliennes semble révolu. Le discours de l’insertion qui consistait à manifester son ex-istence, fait désormais place à une intention bien réelle de participation à une dynamique caribéenne. L’extrait ci-dessous du discours du président du conseil région-al de la Martinique à l’occasion de sa demande d’adhésion à la

Cepalc en témoigne :“La Martinique et la Guade-loupe ouvrent aujourd’hui, une ère nouvelle, l’ère d’une diplomatie territorialisée et au-delà, l’ère d’une nouvelle diplomatie économique… Mais si votre institution ac-cepte notre adhésion, au delà de l’affection partagée, c’est aussi un champ élargi et nou-veau, de coopération sud sud qui s’ouvre à nous” . 1

Les demandes d’adhésion des régions d’outre mer aux or-ganisations régionales de la Caraïbe et la nomination de chargés de mission dans les ambassades françaises illus-trent bien la volonté des au-torités locales décentralisées d’occuper l’espace caraïbe dans des créneaux jusque là oc-cupés par l’Etat. L’intervention locale sur des questions in-ternationales est limitée au champ de compétences des autorités décentralisées et reste largement tributaire d’une autorisation de l’Etat.Les textes sont sans équi-voque. “Les régions d’Outre mer peuvent, avec l’accord des autorités étatiques, être mem-bre associé ou observateur des organismes régionaux avec lesquels ils ont la possibilité de

signer des engagements inter-nationaux”.2

Des tensions pourraient surgir de cette nouvelle configura-tion qui autorise les Régions à développer des stratégies autonomes parfois dans les mêmes espaces, sans que l’Etat ait renoncé à contrôler ces actions décentralisées. Lors de la dernière conférence de coopération régionale or-ganisée par les services de l’Etat, le ministre des outre-mer a clairement manifesté sa volonté de replacer les ambas-sadeurs au centre de la diplo-matie territorialisée. Il a propo-sé que ces diplomates soient destinataires des informations collectées par les chargés de mission.des régions. L’objectif étant que ces informations soient ensuite envoyées dans l’ensemble des régions d’outre-mer. De ce point de vue, le cas de l’ambassade de France à Sainte Lucie et auprès des pays de l’OECS sera un test intéressant. Deux chargés de missions installés dans l’ambassade représentent dis-tinctement la Guadeloupe et la Martinique. Ces régions accepteront-elles cette interprétation étatique dela diplomatie territorialisée ?

Directeur de publicationCorinne MENCE-CASTER

Rédacteur en chefFred RÉNO

Mise en pageAdrien SORIN

ContactRond Point Miquel - 0 590 83 48 47

1 - PREMIÈRES LETTRES- Édito- Sommaire2 - L’ACTU- La France et la coopération régionale- Entretien avec J-Y. Lacascade- Facteurs et obstacles à l’adhésion aux organisations régionales5 - HUMEURS ET ACTUS- Larry Frébo- On peut rire de tout, avec le WWW7 - ESPACE- Effectuer un stage en ambassade- Inégalité et territoires (Pt.2)9 PAGE CARAÏBE- Quelle 2de langue pour le Caricom ?- sociétés civiles et coopération- Intégration régionale des DFAs- Coopération extra universitaire- L’adhésion des collectivités françai-ses aux organisations régionales12 - LE MOIS DU CAGI- Soutenance de thèse : P. Obertan- Conférence de coopération régionale

SOMMAIRE

C

- 22 novembre : rencontre de relance du projet Caribbean Heritage Connec-tions à Sainte Lucie- Journée d’étude sur la crise économ-ique le 28 novembre, animée par Christian Saad, Jean-Michel Cusset et Pierre-Yves Chicot sur le campus de Fouillole- 6 décembre : séminaire en Jamaïque à l’institut de Salisses sur le thème “économie politique et politiques pub-liques dans la caraïbe”

AGENDA

Numéro20Novembre-Décembre 2013

Coopération et Intégration

Régionale

1 -Discours de Serge Letchimy 34ème session de la Cepalc San Salvador 31 août 2012 2 - article L4433-4-5 du CGCT Voir aussi circulaire http://circulaires.legifrance.gouv.fr/pdf/2012/03/cir_34914.pd

Page 2: La Lettre du CAGI n°20, Novembre-Décembre 2013

ACTUuel est le dispositif fran-çais actuel de coopéra-tion dans la zone des

petites Antilles ?

Deux postes diplomatiques, les ambassades de Castries et de Port d’Espagne, placés sous la responsabilité respec-tive de l’Ambassadeur de France accrédité auprès des Etats membres de l’OECO et de l’organisation elle-même, et l’Ambassadeur de France accrédité auprès de Trinidad et Tobago et de la Barbade, et de l’AEC. Ce dispositif diplo-matique est complété d’un dispositif consulaire, sous son autorité, composé de consuls honoraires présents dans les Etats et territoires où il n’y a pas d’ambassade. Un Service de coopération et d’action culturelle, à Castries, à double vocation OECO et régionale (zone Caraïbes). 7 Alliances Françaises : Dominique, Gre-nade, Saint-Christophe et Niévès, Sainte Lucie et Saint-Vincent et les Grenadines pour l’OECO, Barbade, Trinidad, et l’implantation à l’AF Castries de la délégation de la Fonda-tion Alliance Française pour les Petites Antilles.

À noter que ce dispositif s’appuie dorénavant à plus de 90% sur les ressources culturelles, éducatives, uni-versitaires, d’expertise et de recherche présentes dans les DFA (services de l’Etat, col- lectivités, associations et au-tres structures), concourant

ainsi à l’objectif d’intégration à l’environnement régional de ces dernières. On peut ajouter que ce dispositif com-prend également la déléga-tion de l’AFD en Martinique pour ce qui concerne les ac-tions menées par l’agence avec les pays ou organisations relevant de la compétence des ambassades concernées.

Ce dispositif concourt à

l’intégration ré-gionale des collec-tivités françaises

Quelle est l’articulation entre les fonctions d’ambassadeur à la coopération et celles des ambassadeurs en poste dans la Caraïbe ?

Les ambassadeurs chefs de postes, implantés dans les am-bassades de la sous-région, sont accrédités auprès des Etats tiers où ils représentent la France pour toutes les ques-tions relatives à la politique ex-térieure.Dans un environnement com-plexe et spécifique comme celui de la Caraïbe, où sont géographiquement, culturel-lement et historiquement in-tégrés les DFA, la France est aussi présente à travers de nombreux services de l’Etat, des collectivités, d’organismes de recherche… Ceci rend nécessaire une impulsion, une coordination et une mise en

Entretiens autour du thème : le dispositif français de coopération régionale en caraïbe Michel Prom, ambassadeur de France auprès des Etats membres de l’OECO Fred Constant, ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone Antilles – Guyane

Jean-Luc Mure, conseiller régional de coopération – zone Caraïbes, ambassade de France à Castries, Sainte-Lucie

Q cohérence d’actions menées en matière de coopération ré-gionale à l’échelon déconcen-tré de l’Etat – ambassades et préfectures – comme au niveau des collectivités d’outre-mer. C’est le rôle complémen-taire joué par l’ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone An-tilles – Guyane (DCRAG), placé sous la double tutelle des ministères des affaires étrangères et des outre-mer.

Comment concevez vous l’activité des chargés de mis-sion à la coopération région-ale, nommés à l’ambassade de France à Saint Lucie par les Régions de Martinique et de Guadeloupe ?

Conformément aux dispo-sitions pertinentes du code général des collectivités ter-ritoriales, les DFA peuvent, dans les conditions détermi-nées par une convention con-clue avec l’Etat, désigner des agents publics de la collec-tivité territoriale chargés de la représenter au sein des mis-sions diplomatiques et consu-laires de la France implantés dans leur environnement ré-gional. Deux agents, nommés “chargés de coopération ré-gionale” pour la Région de Gpe et de la Mque seront ainsi dé-ployés, avant la fin de l’année 2013, au sein du poste de Cas-tries. Ils seront plus particu-lièrement chargés du suivi des actions bilatérales de coopéra-tion régionale et de maintenir

une liaison permanente avecles organisations régionales (ici l’OECO) dans les domaines de compétence du conseil ré-gional. Ils pourront apporter leur concours au travail de la mission diplomatique auprès de laquelle ils seront affectés, avec qui ils coordonneront leurs actions, complémen-taires, ou spécifiques.

Quel est le rôle de l’ambassade dans le processus d’adhésion des collectivités françaises aux organisations interna-tionales ?

L’adhésion des collectivités françaises comme membres as-sociés d’organisations région-ales et en particulier l’OECO est une possibilité ouverte par la loi et a reçu l’appui de l’Etat. Le processus de négo-ciation pour cette adhésion relève des régions en coordi-nation avec l’Etat. Les ambas-sadeurs, chef de poste diplo-matique comme délégué à la coopération régionale Antil-les-Guyane, accompagnentles démarches des régions Gpe et Mque auprès des organisa-tions régionales et facilitent les contacts et le dialogue entre les autorités des Etats tiers, les secrétariats généraux de ces organisations, les services de l’Etat et les collectivités dans les DFA. L’objectif est commun et partagé, dans le cadre de la mise en place d’une diplo-matie économique et territo-riale dans la zone des PetitesAntilles. .

SAINTE-LUCIE

BARBADE

SAINT-VINCENT-ET-LES-GRENADINES

BASSETERRE

(FRANCE)Martinique

DOMINIQUE

(FRANCE)Guadeloupe

ANTIGUA-ET-BARBUDA

Barbuda

AntiguaSAINT-CHRISTOPHE-

ET-NIÉVÈS

(PAYS-BAS)

(ROYAUME-UNI)

GRENADE

(ÉTATS-UNIS)

SAINT JOHN'S

Îles Vierges

CASTRIES

KINGSTOWN

ROSEAU

SAINT-GEORGES

(PAYS-BAS)Îles Vierges (FRANCE)

(FRANCE)

(R.-U.)Montserrat

Saba

DONNÉES AGRÉGÉES :Population : 601 000 habitants Revenu par habitant : 11 903 US$ Taux de croissance : – 0,3 %Taux d'alphabétisation : 93,9 % Taux de pauvreté : 27,5 %

Saint-Barthélemy

Saint-Martin

ANTIGUA-ET-BARBUDA :Population : 87 000 habitants Revenu par habitant : 16 567 US$ Taux de croissance : – 4,1 %Taux d'alphabétisation : 99 % Taux de pauvreté : 18,3 %

SAINT-CHRISTOPHE-ET-NIÉVÈS :Population : 56 000 habitants Revenu par habitant : 12 977 US$ Taux de croissance : – 1,5 %Taux d'alphabétisation : 97,8 % Taux de pauvreté : 21,1 %

DOMINIQUE :Population : 73 000 habitants Revenu par habitant : 10 456 US$ Taux de croissance : 1,4 %Taux d'alphabétisation : 88 % Taux de pauvreté : 28,8 %

SAINTE-LUCIE :Population : 175 000 habitants Revenu par habitant : 10 277 US$ Taux de croissance : 1,1 %Taux d'alphabétisation : 94,8 % Taux de pauvreté : 28,8 %

SAINT-VINCENT-ET-LES-GRENADINES :Population : 107 000 habitants Revenu par habitant : 10 261 US$ Taux de croissance : 0,5 %Taux d'alphabétisation : 88,1 % Taux de pauvreté : 30,2 %

GRENADE :Population : 103 000 habitants Revenu par habitant : 10 881 US$ Taux de croissance : 0,8 %Taux d'alphabétisation : 96 % Taux de pauvreté : 37,8 %

408

280

473

224

F

200

SCAC (1 expatrié , 1 VI et2 recrutés locaux)

Siège de l'AFD

Production d'électricitégéothermique (4 M€) ;Réhabilitation d'une route(16 M€)

FED : 11 M€

Coopération décentraliséeavec la Martinique(accords de jumelages)Accords de coopération avecle CHU de Fort-de-France(formation de personnel hospitalier)

Coopération universitaire :6 étudiants en France (Ste-Lucie, Dominique,

Grenade) ; 5 bourses de stage en France

AFD : Fonds CRIF (5 M€) ; fonds FFEM

(1,4 M€)

Fonds de coopération régionale au titre de 2011 (Martinique : 450 000 €,

Guadeloupe : 500 000 €)

en cours de réouverture

FED : 7,8 M€

FED : 8,1 M€

FED : 10,7 M€

FED : 4,5 M€

FED : 3,43 M€

0 500 km

ME X I Q

UE

COLOMBIE

V E N E Z U E L A

ÉTATS-UNIS

BAHAMAS

CUBA

GUYANAPANAMA

SALVADOR

GUATEMALA

BELIZE

HONDURAS

NICARAGUA

COSTA RICA

JAMAÏQUE

HAÏTI

RÉP.DOMINICAINE

O C É A N

P A C I F I Q U E

N O R D

ME R

D E S A N T I L L E S

G o l f e d u

M e x i q u e

O C É A NA T L A N T I Q

UE

NO

RD

P e t i t e s A n t il

le

s

Gr a n d e s

A n t i l l e s

Porto Rico(É.-U.)

COOPÉRATION DANS LES ÉTATS DE LA CARAÏBE ORIENTALE

0 100 km50

Ministère des Affaires étrangères et européennes, direction des Archives (division géographique) © 10 mai 2011

Alliance française (1585 étudiants) Actions financées par l'Union européenne

Enseignement du français dans lesétablissements scolairesF Recherche

Sources : FMI, Banque mondiale, UNESCO, CDB

Page 3: La Lettre du CAGI n°20, Novembre-Décembre 2013

Entretien avec Jean-Yves Lacascade Propos reccueillis le 3 août 2013 par Fred Réno

Jean-Yves Lacascade, Chef du service coopération et affaires européennes Region Martinique

Quelle perception l’Etat a de ce processus ?

La perception est positive car il s’agit d’un processus inno-vant dans le cadre de la poli-tique extérieure de la France. L’insertion régionale est per-çue comme un élément im-portant cette politique extéri-eure. Il est en effet nécessaire de participer à la gouvern-ance des organisations qui déterminent les stratégies de développement de la Zone. Notre présence dans ces or-ganisations peut permettre d’accroitre l’influence de nos pays et de prendre en compte leurs réalités, ceci se faisant dans le cadre des compétenc-es de chacun. Désormais une synergie peut être plus facile-ment établie entre des organ-ismes comme l’AFD (agence française de développement, la BIRD (Banque Interamé-ricaine de développement. L’articulation peut être égale-ment plus aisée avec le dis-positif diplomatique de la France dans la zone.

Il s’agit d’un processus innovantdans le cadre de la

politique extéri-eure de la France

La Région Martinique a nom-mer des chargés de mission qui seront en poste dans cer-taine ambassades de France dans la Caraïbe. Pourquoi une telle initiative ? Quelles seront les missions de ces agents de la Région ?

Notre objectifs est précisé-ment de mettre en place les outils de cette nouvelle poli-tique de coopération Le nou-veau dispositif permet d’avoir des représentants des collec-tivités dans les pays tiers. Le fait de pouvoir installer des agents de la Région permet de travailler dans un contexte de protection diplomatique, de proximité, de valoriser nos atouts dans le domaine de la diplomatie économique.Il s’agira pour ces agents de répertorier les opportunités de promotions e nos exporta-tions, d’assurer un suivi sur le terrain des actions de la Ré-gion. Chaque agent aura une mission clairement définie, une feuille de route dont on at-tendra des résultats concrets. Ces actions pourront bénéfici-er de la mobilisation d’un fond de coopération qui leur sera dédié..

Les régions françaises des caraïbes ont souhaité adhé-rer aux organisations région-ales de la zone, pourriez vous nous rappeler les compétenc-es de la collectivité régionale en matière de coopération ?

Il convient tout d’abord de rap-peler le contexte dans lequel s’inscrit cette démarche. L’Etat dans le cade de la diplomatie territoriale encourage une poli-tique d’internationalisation de l’action des collectivités, soiit une externalisation de leurs compétences locales. Par ex-emple le domaine de l’énergie se prête tout à fait à cette évo-lution. La politique étatique encourage également les re-lations de voisinage. Celle-ci vise à renforcer la coopéra-tion avec les collectivités et les pays voisins.- Au plan national la loi prévoit la possibilité pour le président de la Région de représenter l’Etat dans les pays voisins sur des questions relatives aux ré-gions d’outre-mer.- Dans le cadre de leurs com-pétences propres, les collectiv-ités peuvent mener des actions internationales moyennant l’autorisation de l’Etat. Il faut par conséquent s’assurer que les projets soient conformes au principe de respect mutuel des compétences.- Les collectivités peuvent adhérer aux organisations ré-gionales de la zone.- Les agents des collectivités lo-cales peuvent être placés dans des postes consulaires de l’Etat.

- Un Fond de coopération ré-gional permet de financer ces actions

Pour l’OECS et le Caricom : une

négociationapprofondie

s’imposeOù en est le processus d’adhésion de la Région Mar-tinique à ces organisations régionales de la Caraïbe ?

Comment se mettent en œuvre ces orientations ? Le Président de la Région Marti-nique, suite à une plénière du 19 janvier 2012 a reçu mandat pour négocier le processus d’adhésion de la collectivité en qualité de membre associé à la CEPALC (ECLAC en anglais).- Concernant la CEPALC, après accord préalable du minis-tre des affaires étrangères, la Martinique y a fait son entrée officielle en août 2012 comme membre associé. La directrice de la CEPALC est attendue à la Martinique. Nous avons fait une visite à la CEPALC en juin 2013. Plusieurs actions sont annoncées, notamment un projet de base de données statistiques sur l’économie de la Martinique. Et plus globale-ment la prise en compte des collectivités d’outre-mer dans les travaux de la CEPALC dont la principale activité est de réal-iser des études sur l’’Amérique latine et les Caraïbes.

- À l’AEC, nous avons adres-sé une demande formelle d’adhésion comme membre associé. Il faut rappeler que c’est la France qui détient ces-tatut au titre de ces départe-ments et régions d’outre-mer. La demande a été examiné par les chefs d’états de la Caraïbe réunis en Haïti. L’AEC est donc favorable à une modification de l’accord qu’elle a signé avec la France pour tenir compte de la demande de la Martinique et de la Guadeloupe.. Il n’ya pas eu de demande formulée par la Guyane. L’adhésion devrait être formalisée en février 2014 au Mexique.- En juin 2013 le secrétaire gé-néral du CARICOM a accepté le principe d’une adhésion comme membre associé. La question sera réexaminée lors d’un prochain sommet à Saint Vincent en février 2014.- Quant à l’OECS, nous avons suivi la même démarche. La demande a été soumise à la Haute Autorité qui est l’instance supérieure compo-sée de chefs d’Etats et de gou-vernements. La demande doit faire l’objet d’examens tech-niques qui ne se posent pas pour l’adhésion à la CEPALC et à l’AEC où la France siège déjà. Concernant l’OECS et le CARICOM il s’agit d’une adhé-sion directe qui suppose une négociation approfondie sur des questions techniques et juridiques pour une adhésion fondée sur les compétences in-ternes de la Région Martinique.

Page 4: La Lettre du CAGI n°20, Novembre-Décembre 2013

Facteurs et obstacles à l’adhésion de la Martinique et de la Guadeloupe aux organisa-tions régionales de la Caraïbe

Salammbô Guibert-Soutade, étudiante en science politique

reflète pas des intérêts et des justifications plus concrets ou réels ?

D’un point de vue politique, le principe de subsidiarité sous-tendu par une vision libérale semble un argument dans le sens de l’adhésion. Il est préférable que les conseils ré-gionaux des DFA disposent de la responsabilité de cet-te politique de coopération ré-gionale car c’est l’entité la plus capable de l’organiser. Cela pourrait aussi permettre un rayonnement encore plus im-portant de la francophonie et un soutient au poids décision-nel de la France à l’ONU.

Quel est leurintérêt à adhérer

si les interventionsdiffèrent de leurs

compétences ?Enfin, des arguments géo-politiques permettent de dire que l’adhésion semble animée principalement par ambition d’instaurer un contrepoids à la puissance américaine. Les échanges économiques tra-duisent cette hégémonie3. Il faut aussi noter que la répar-tition des compétences entre l’Etat et les conseils régionaux des DFA, n’offre qu’une faible opportunité d’action pour les collectivités d’outre-mer. Quel est alors l’intérêt pour les DFA d’adhérer à une organisation régionale dont les interven-

tions sont essentiellement ori-entées sur des secteurs qui ne correspondent pas aux champs de compétences de ces ré-gions ? La question du finance-ment devient alors sensible : à quelle hauteur devraient con-tribuer les DFA au fonctionne-ment de l’organisation, alors qu’ils n’auront sûrement pas le même poids et les mêmes avantages que les autres membres ? Comment financer ? Qui devra siéger (incompati-bilité des traités…) ?

La stratégie énergétique devient aussi un enjeu primor-dial. L’exemple de Pétro caribe reflète les avancés qui peuvent avoir lieux dans le secteur de la coopération énergétique. Il semble alors évident que les DFA auraient intérêt à établir une coopération dans ce do-maine. .

faveur de l’adhésion : la Gua-deloupe, la Martinique et la Guyane ont un PIB/ habit-ants compris entre 15 000 et 20 000$, ce qui représente 10% de la richesse produite par l’espace insulaire des Caraïbes. Cette variable ne permet-elle pas d’affirmer que ces régions ont une place justifiée dans l’organisation de la zone Caraïbe ? Néan-moins les écarts de richesses économiques ainsi que ma-joritairement, le faible niveau de vie, font penser que cette zone appartient au monde en développement. Quel est al-ors l’intérêt d’ouvrir son com-merce avec des pays qui dis-posent d’un faible potentiel de pouvoir d’achat ? De plus, le tourisme, principale activité de la Caraïbe, témoigne des liens qu’entretiennent toujours ces territoires avec leur ancienne ou actuelle métropole1. Au niveau européen, on constate une diversité des statuts ju-ridiques. Les DFA sont consid-érés comme des RUP ou alors des PTOM et reçoivent donc plus de subventions de la part de l’UE alors que les autres pays font partie du CARIFO-RUM et sont donc soumis aux APE Cette différence de clas-sification au niveau du droit européen n’est-elle pas un ob-stacle à l’adhésion ?

On peut se demander aussi si cette volonté de coopéra-tion régionale mise en avant notamment par le concept de diplomatie territoriale2, ne

composent la région varie for-tement. Ainsi, quel serait le poids décisionnel de la Mar-tinique et de la Guadeloupe dans l’AEC face à la Colombie ?

Quel serait leurpoids décisionnel

dans l’AEC face à la Colombie, vu leur

démographie ?Une approche historique per-met d’isoler un espace cara-ctérisé par la colonisation. Malgré des modèles politiques et institutionnels opposés (an-glophone et français), le bassin caribéen reste marqué par un processus de peuplement in-fluencé par cet héritage et qui se traduit encore aujourd’hui par des sociétés fragmentées, en quête identitaire parfois jouant ainsi comme frein à la construction régionale. De plus, cette histoire a instauré des statuts juridiques très di-vers (Etats indépendants, dé-partements français d’outre-mer, colonies de la Couronne britannique, pays d’outre-mer néerlandais et territoires sou-verains des USA). Mais cette diversité n’est pas un obstacle pour l’AEC qui veut constru-ire la grande Caraïbe et donc ne s’oppose pas à l’entrée d’acteurs sociaux et même d’autres organisations en son sein.

Le facteur économique ap-parait comme un élément en

a zone des Caraïbes comprend une multi-plicité d’organisations

internationales. Celles-ci illus-trent le régionalisme comme réponse aux difficultés de la mondialisation. Cependant la diversité des perspectives in-tentionnelles n’empêche pas de traduire une certaine cohé-sion dans cet espace. En effet, toute volonté de structuration collective suppose une cer-taine unité. La question qui se pose alors est de savoir si les DFA, intégrés géographique-ment à cet environnement, sont légitimes à demander leur adhésion à des organi-sations régionales telles que l’AEC ou l’OECO ?Tout d’abord, la Caraïbe pour-rait apparaitre comme un es-pace unifié si l’on considère certains facteurs culturels. La langue avec le créole ou encore la religion catholique peuvent jouer comme des points communs. D’un point de vue géographique, cette mer en partage, mais aussi les facteurs climatiques (exposi-tion aux risques de catastro-phes naturelles, patrimoine environnemental) semblent contredire l’opposition entre la Caraïbe insulaire et con-tinentale revendiquée par Eric Williams. Cependant la géographique humaine met en avant des différences. En effet, les îles affichent des densités de populations bien supérieures à celles des Etats continentaux, alors que la superficie des territoires qui

L

1 - La part des échanges réalisés au sein du CARICOM ne représente que 5% du commerce extérieur de chacun des Etats membres. 64% pour la Guadeloupe et 21% pour la Martinique des exportations vont vers la Métropole.2 - Ensemble des actions de coopéra-tion internationale menées par conven-tion par des collectivités territoriales. Ces actions prennent des formes diverses comme le jumelage, les programmes ou projets de développement, les échanges techniques…3 - Le marché européen ne représente que 20% du marché extérieur caribéen alors que le marché nord-américain ab-sorbe plus de 50% des échanges.

Page 5: La Lettre du CAGI n°20, Novembre-Décembre 2013

HUMEURS & ACTUSBecause Toujours, tu m’intéresses…Larry Frébo

a question est de savoir si comme le croient cer-tains les choses ont une

cause dontoquelle ou si comme l’avancent d’autres, elles arrivent parceque.Voilà l’interrogation métaphy-sique, qui a surgi hier soir dans ma salle de bain sous la forme d’un type qui me regardait dans la glace, me menaçant d’une brosse à dents. Certes la journée avait été rude. Mais je voyais bien que la nuit de som-meil que mon oreiller m’invitait à partager n’aurait pas raison de cet hurluberlu.

Et alors la phrase de Rimbaud “je est un autre” surgit à mon esprit esbaudi. Etalant ma pastille de Colgate rituelle, j’étalai dans un même mou-vement réflexif l’aphorisme rimbaldien qui fait de la créa-tion artistique une force qui s’impose à l’artiste. Le poète, pas d’avantage que le musicien ne maîtrise ce qui s’exprime en lui. L’œuvre s’auto-engendre. On l’entend clairement dans les musiques vociférantes et gesticulatoires postmodernes dans lesquelles nos contrées excellent, et qui évoquent les splendides éructations né-antderthales de nos pourtant lointains cousins cavernoïdes. Preuve que nou ka touné en won an won an won pour dire comme mon ami Soft…Et donc de la même manière que mes pensées me pensent, mon corps me contraint, me contrit, me contrarie. Il s’impose à moi dans la dic-

tature de ses orifices et le ri-canement de sa tuyauterie in-time. Il échappe à ma maîtrise comme la maîtresse mal bla-sée échappe à l’amant dont elle a tantôt dressé le cadas-tre. Ce n’est pas mon œuvre qui façonne mon visage, c’est l’œuvre du temps qui y creuse ses pensées.

Le poète, pas d’avantage que le musicien ne maîtrise ce qui

s’exprime en luiIl me vient alors le philos-ophe Lévinas dont je crois me souvenir qu’il a fait du visage une figure clé de son œuvre. Je ne sais plus ce qu’il en dit ; quelque chose de la rencon-tre avec l’autre étranger dont le visage serait place forte ou plas a Man Réau, reconduite à la frontière ou reconduction du Rom-citron, procès-verbal ou mot frais pour parcourir le dé-sert d’une journée…

Mais quid de cet étranger dans le miroir ? Celui dont je ne ver-rai jamais le visage que dans la glace, ou dont je croirai le visage révélé lorsqu’au hasard d’’une rencontre la glace se brisera dans la violence de la foudre et qu’alors je me décou-vrirai à la flamme de tes yeux…

Mais pardon, ladies and gens de bien je fais déjà une erreur d’ordre méthodologique.

L Revenons donc aux prémisses. Les humains, ai-je supputé en préambule se répartissent en deux catégories, (allez trois puisque tu insistes), au re-gard du problème qui nous regarde aujourd’hui. Il y a les téléologiques, les hasardeux et les analysants.

Il y a trois catégo-ries d’humains : les

théologistes, les hasardeux et les

analisantsLes premiers croient à une fin du monde. Pas à LA fin du monde car attention ce ne sont pas forcément des croy-ants. Ils croient que le monde a une fin, non pas un moment où Dieu va se lasser de nous,

ou que nous allons nous lasser de nous-mêmes et nous en-voyer en l’air avec un méga feu d’artifesse : Nous maîtrisons depuis tantôt la technologie du miracle, et la multiplica-tion des pains de plastic et le changement de l’air en gaz sarin n’ont plus de secret pour nous. Nous sommes capables de nous vitrifier tous seuls, comme des glands ; l’arche de Noé ça fait un peu bonne nuit les petits, à côté du cartoon 3D qu’on a dans not’ besace…Non, ils croient que le monde a une fin, c’est-à-dire un but, une intention, un endroit où il va.

Les hasardeux pour leur part ne s’embarrassent pas de ces encombrants. Ils voyagent légers. Chez nous on les ap-pelle des pannsékistes. Ils ti-ennent cette dénomination de

l’expression créole “la i pann i sek”. Ils croient (et chez eux c’est déjà un gros mot), que les choses sont ainsi parceque et que dèmen sé on kouyon.

Quant aux analysants, c’est des agnostiques. Ils ne savent pas s’ils croient et ils croient bien qu’ils ne savent pas. Alors ils cherchent à savoir et plus ils cherchent moins ils savent. On les appelle parfois enseignants chercheurs car non contents de ne pas savoir, ils cherchent à le faire savoir autour d’eux, non pas de manière prosélyte, car pour répandre la bonne nouvelle il faut en avoir une qui tient la route, mais de manière douteuse et méthodique, dans l’espoir mâle papaye de rencontrer un croyant ou un hasardeux qui les libère du poids du doute…

Page 6: La Lettre du CAGI n°20, Novembre-Décembre 2013

>>> Pour illustrer ces trois pos-tures prenons un exemple rapi-de car le temps qui nous est imparti est quasiment parti. Voyons voir…tiens, l’implosion annoncée de l’Université dite des Antilles et de la Guyane.

Certains croient à la fin du monde,

d’autres voyagent léger ou ne savent

pas s’ils croientLes téléologiques diront que si on observe le sens de l’histoire, on verra que nous étions à l’origine un appendice de l’université de Bordeaux. Ensuite nous devînmes Cen-tre Universitaire Antilles Guy-ane; puis nous volâmes de nos propres ailes tripolaires sous l’acronyme UAG. L’étape suiv-ante dont nous semblons avoir rompu les eaux avec le hoquet Damasien est celle de la sépa-ration des triplés, chak bougo halan son prop zékal.

Les hasardeux diront mon chè a pa mwen ki marenn ay, la i pann i sek, dèmen sé on kouyon.

Quant aux analysants ils di-ront, certes c’est peut-être le

mouvement de l’histoire, et la concomitance du changement statutaire et de l’agitation guyanaise n’est sans doute pas fortuite, mais il faut se garder de confondre le théorème de Pythagore et la tangente de Montauban et se dépêcher de jeter se faisant l’UAG avec l’eau du Maroni. Le courroux guyanais ne doit pas forcé-ment conduire au démantèle-ment de tous les étages de la fusée, chacun explorant sa propre galaxie Régionale entre l’ilet karèt et tèt a Langlé. Certes, charbonnier est maître chez soi et ce n’est pas forcé-ment gwo boutey losion ki ka santi bon. Mais lorsque Big Ben se défit de ses colonies caraïbes (un 74 sec sans am-ortisseur) dans les années 62 et que le Centre Universitaire des West-Indies devint dans le même balan l’UWI que nous connaissons aujourd’hui, il ne vint à l’idée de personne sauf c’est vrai du Guyana de Cheddi Jagan de faire cavalier seul. Il semble au contraire qu’ils aient estimé that they had bet-ter hang together or else they would hang separately. UWI semble réussir relativement bien au plan international et si on ne peut pas tirer de con-clusion hâtive sur la visibilité régionale de l’Université du Guyana, on peut se demander ce qu’aurait donné un autre choix de Cheddi Jagan pour le Guyana comme pour UWI. Certes la fronde menée na-guère par les Guyanais a mené à l’éclatement du rectorat An-tilles Guyane et à l’érection de trois rectorats à la satisfaction de tout le monde. Mais ce qui vaut pour le zwa rectoral vaut-il nécessairement pou le kanna universitaire? Les enjeux sont-ils les mêmes ?… .

On peut rire de tout, avec le WWWA. Sorin, doctorant en Science Politique

Très tôt, on nous a mis en garde contre l’internet, cette source non profes-

sionnelle, peu fiable, à grands renforts d’articles et autres débats partisans. Mais après l’avoir voué aux gémonies, les chiens de garde (au premier rang les journalistes) ont com-mencé à piocher, plus ou moins aveuglément, dans la manne d’idées, hypothèses, rumeurs et autres données disponibles sur la toile pour alimenter leurs émissions.De plus, les différents scan-dales autour de l’information qui ont rythmé ces dernières années (Wikileaks, Anony-mous, révolutions arabes, etc.) ont quand même permis de repositionner le net comme une source incontournable de l’information alternative. La part grimpante des pages in-ternet dans les bibliographies d’ouvrage universitaires y con-tribue tout autant.

Ayant assis l’internet au rang de pilier de la démocratie, ces processus ne permettent pas encore pour autant de le rendre plus légitime que les médias traditionnels, dont le fonctionnement a déjà beau-coup été décrié (Bougnoux, Chomsky - qui a autant mis en garde contre les travers des médias traditionnels que ceux de l’internet), avec plus ou moins de tact ou de preuves. L’actualité qui se veut de plus en plus instantanée mêle désormais rumeurs, études, information, détournements

et vocabulaire dans une course à l’information la plus inédite. Jouant de cet empresse-ment et de l’absence de garde fous, des sites bourrés d’humour, respectant néan-moins les codes des sites clas-siques d’information, sèment aujourd’hui la pagaille sur la toile…

l’actualité qui se veut de plus en plus

instantanée mêle [tout] dans une course à l’inédit

Loin de la bienséance et com-blant la disparition des clowns intellectuels comme Desprog-es ou Guillon dans les médias, ou le boycott des humoristes politiques comme Dieudonné, les pionniers de l’information truquée alternative continuent l’oeuvre de critique d’un sys-tème médiatique monotone, conventionné et formaté qui n’est pas sans rappeler la for-mule Groland ou les Guignols…C’est le site de la Désencyclo-pédie qui a ouvert le bal en 2005. Cette parodie de Wiki-pédia, alors très critiqué pour son manque de véracité et l’absence de validation scien-tifique des articles, a connu un succès retentissant avec ses articles parodiques des entrées les plus consultées de l’encyclopédie interactive. Parsemés de références im-aginaires ou hors de pro-pos et d’amalgames hu-

moristiques, ces articles ont ouvert la voie à une culture internet du détournement. Plus récemment, des sites d’actualité détournée comme le Gorafi, le Courrier des Échos, AFPresque ou Bilboquet Mag-azine, exploitent à un autre niveau à la fois le besoin des internautes d’une informa-tion parodique sortant de l’amertume des sujets au cœur de l’actualité, mais égale-ment la tendance à se “jeter” sur la moindre pièce dite d’information, sans chercher à la vérifier : ils proposent des “titres-chocs” parodiques, brodés autour de personnages fictifs et d’amalgames, anach-ronismes ou autres fantaisies. Ils ont été la source de nom-breux buzz, relayés par les journalistes amateurs que sont devenus certains utilisateurs des réseaux sociaux.

exploiter le besoin d’une information

parodique […] autour de

personnages fictifsLe contrepied d’une actu qui tente de se légitimer en s’adjoignant l’avis systéma-tique d’experts qui ne voient rien venir (l’exemple de la crise économique est flagrant) a été pris avec ces sites au contenu inventé qui s’inscrivent dans le divertissement de l’info. Ils ont le mérite d’avouer raconter des sottises… .

T

Page 7: La Lettre du CAGI n°20, Novembre-Décembre 2013

ESPACEEntretien avec Guibert Soutadé Salammbô, Stage à l’Ambassade de France auprès des Etats de l’OECS, mai-juillet 2013

S. Guibert-Soutade

Pourquoi avez-vous eu envie de faire ce stage ?

L’intérêt pour les relations in-ternationales ainsi que les en-jeux de la coopération ont été mes premières motivations pour effectuer ce stage. De plus, je désirais mettre à prof-it mes vacances afin d’avoir une expérience profession-nelle, le cursus universitaire classique n’offrant qu’une seule opportunité de stage obligatoire lors du Master 2.

Comment avez-vous obtenu le stage ?

C’est Monsieur Reno qui m’a informé de ce stage à Sainte Lucie. La procédure est un peu longue et complexe. J’ai déposé ma candidature sur le site du Ministère des Af-faires Etrangères, puis, après une réponse positive de l’Ambassade, j’ai pu signer les conventions. L’UAG a pris en charge les billets d’avion, et mon maître de stage m’a of-fert un accueil très chaleureux puisqu’il s’est occupé de me trouver un logement sur place.

Comment le stage s’est dé-roulé ? Quelles ont été vos missions ?

Lors de ce stage, j’ai pu ob-server le travail quotidien et

concret des agents mais aussi acquérir une vision globale du travail diplomatique.Ainsi, malgré sa petite struc-ture, l’Ambassade, située à Castries est compétente pour les six pays mem-bres de l’OECS, c’est-à-dire Sainte-Lucie, la Dominique, Grenade, Saint-Vincent et les Grenadines, Saint-Chris-tophe et Nevis, et Antigua et Barbuda. Mais, elle a aussi compétence consulaire pour Montserrat, Tortola et An-guilla. Cette Ambassade se compose de trois services.

Profiter d’une expérience pour

compléter un cur-sus universitaire

classiqueTout d’abord, le consulat a pour mission la gestion des français à l’étranger. En ef-fet, le personnel du consu-lat s’occupe d’apporter un soutien aux expatriés ou aux touristes français en cas de difficultés (accident grave, maladie, décès, rapatriement de corps). Il peut apporter une assistance juridique, ex-ercer les fonctions d’Etat civil d’une mairie en célébrant les mariages ou encore de no-taire, organiser des élections. Il prend aussi en charge les demandes de passeport et

de carte nationale d’identité. Il existe, de plus, un service des visas qui occupe une par-tie importante du travail des agents.Ensuite, la section chancel-lerie politique exerce des mis-sions diplomatiques. Elles ont pour but de renforcer les relations entre la France et les pays de l’Organisation des Etats de la Caraïbe Orientale. Cela consiste à suivre l’évolution politique et économique ainsi que la politique extérieure des six Etats de l’O.E.C.O. et d’en informer le gouvernement français, mais aussi de pré-parer et d’effectuer les dé-marches et négociations offi-cielles entre le gouvernement français et les autorités de ces pays. Exerçant un rôle de représentation de la France à l’étranger, l’Ambassade tient place d’intermédiaire dans les relations internationales. Seule instance sur le terrain, elle peut faciliter la prépara-tion des éventuels accords ou traités.Enfin, le dernier service, celui de coopération et d’actions culturelles, est celui où j’ai ef-fectué mon stage. Deux mis-sions m’ont été confiées. La première avait pour objectif la réalisation d’un rapport pour identifier les facteurs sociologiques et politiques d’intégration des Départe-ments français d’Amérique

(DFA) dans leur environne-ment régional. La première étape consistait donc à définir la répartition et la délimita-tion des compétences entre l’Etat et les Conseils Région-aux des DFA. Puis, la seconde consistait à la relance d’un projet de mise en valeur du patrimoine caribéen, le projet STRABON-CARAIBES, initié en 2006 puis tombé à l’eau en 2010. Celui-ci a pour ambition de construire un portail web permettant la mise en valeur du patrimoine matériel et im-matériel de la zone mais aussi du tourisme durable.

Quelles sont vos conclu-sions ou appréciations pour ce stage ?

Ce stage m’a bien évidement permis de développer cer-taines compétences, comme la pratique de l’anglais (J’ai pu me rendre compte des progrès que je dois faire!) ou encore le travail de recherche mais aussi d’améliorer mes qualités rédactionnelles. J’ai pu aussi tester mes facultés de travail en groupe qui sont parfois mises à l’épreuve par les personnalités de cha-cun. J’ai appris le travail dans l’urgence et touché du doigt à la gestion de projet.

Développer cer-taines compétenc-

es […] et tester mes facultés de

travail en groupeDe plus, ce stage m’a permis de noter que, dans cette insti-tution, le sens du relationnel et de la communication est primordial. Le respect du pro-tocole et des formalités est donc de rigueur. De manière globale, un certain patriot-isme me semble faire partie des éléments indispensables à tout agent diplomatique. La valorisation et la défense de l’image mais aussi de l’influence de la France, sont des composantes essentielles de ce métier.

Enfin, l’apport majeur de ce stage a été de confirmer mon choix professionnel. Le tra-vail de COCAC (conseiller de coopération et d’action cul-turelle) pourrait fortement correspondre à mes attentes. De plus, s’agissant de la posi-tion hiérarchique de ce poste, celle-ci me conviendrait car je peux parfois présenter quelques réticences à me soumettre à l’autorité et elle permet de disposer d’une large autonomie et d’une ca-pacité d’impulsion. Ce stage m’a donc offert la possibilité de me projeter dans un avenir professionnel et de visualiser concrètement les choix de carrière..

L

Page 8: La Lettre du CAGI n°20, Novembre-Décembre 2013

Politique publique : Inégalité et TerritoiresPartie 2 : Un coût du transport exorbitant

J-M. Cusset, Enseignant, Docteur en Science Politique

C’est encore dans le do-maine des infrastruc-tures et du transport

inter-îles que les inégalités ter-ritoriales révèlent les injustices les plus palpables. Seul moyen de desserte de l’île, le trans-port maritime assuré par une seule compagnie représente un coût exorbitant pour les citoyens.

Ouvert à la concurrence depu-is 1992 par une réglementation européenne, aucun transpor-teur n’a réussi jusqu’à ce jour à s’insérer durablement dans le trafic maritime entre Marie-Galante et Pointe-à-Pitre. Le coût du transport maritime expose la double probléma-tique de la double insularité et des coûts fixes supportés par les entreprises de transport, ce surcoût étant abusivement répercuté sur les prix prati-qués par les entreprises qui dépendent de la Guadeloupe pour leur approvisionnement.

Le principe de solidarité nationale aurait du prévaloir

à cette desserte monopolistique

Le principe de solidarité na-tionale aurait du prévaloir par la nationalisation de cette compagnie. Lorsqu’il suffit de 1,50 € pour traverser Paris ou toute autre ville de la Ré-publique d’un bout à l’autre, il faut, à MGte, 25€ au mieux,

pour se rendre à PàP, centre urbain le plus proche, lieu de travail, lieu de résidence, et lieu de vie. Une étude réalisée par l’ADEME, laisse entendre que la desserte des îles du sud concerne environ 1 000 000 de personnes, dont plus de 600 000 pour MGte ; 72% des pas-sagers voyagent au moins une fois par semaine, 16% quasi quotidiennement. La lourde facture, acquittée par le cito-yen, s’avère insupportable.

En Corse, c’est pourtant bien la solution de Délégation de Ser-vices Publics (DSP) qui a été retenue pour le cabotage. La Collectivité Territoriale définit, et gère l’enveloppe “continuité territoriale”, soit 187 millions d’euros en 2009 destinés à compenser le surcoût des ob-ligations de service public lié aux départs quotidiens, toute l’année, sur les 6 ports et 4 aéroports corses. L’État verse ainsi à la Collectivité un con-cours individualisé au sein de la Dot. Gale de décentralisa-tion (Dot. de continuité territo-riale), dont le montant évolue comme la Dot. glob. de fonc-tionnement. La loi du 22 jan-vier 2002 permet d’affecter les reliquats disponibles à la réali-sation d’équipements destinés au transport et à l’accueil de voyageurs et de marchandises.

Rappelons encore que les monopoles sont interdits par le droit européen de la concur-rence, et s’il en demeure un naturel (étroitesse du marché,

importance des investisse-ments et des coûts fixes), il doit être nationalisé.

Une autre solution alterna-tive, si elle est synonyme de baisse effective du prix, est de facturer au coût marginal. Ac-compagnée d’autres mesures, la baisse du coût du cabotage, emporte un certain nombre d’enchaînements économ-iques et sociaux positifs : une amélioration directe et im-médiate du pouvoir d’achat, un coût du fret moins élevé pour les commerçants, donc des prix moins élevés pour les ménages, un renforcement de la cohésion familiale (les mi-grants pouvant plus aisément rendre visite à leurs familles), le redéploiement du dispositif de santé, l’expansion du tour-isme…

Emporter un certain nombre

d’enchainements économiques et sociaux positifs

Pour une Economie d’agglomération

Existe-t- il d’autres solutions pour rétablir durablement l’égalité entre les territoires de la République, entre MGte, les îles du sud et autres territoires de l’archipel Guadeloupe ?

Issu du domaine de l’économie géographique, le concept

d’économie d’agglomération, nous fournit quelques pistes. L’économie d’agglomération traduit bien l’idée du partage d’un ensemble de bénéfices engendrés par la proximité géographique au sens large. Ces bénéfices sont tirés de la taille du marché local du tra-vail, de l’offre de logements, et des équipements collectifs, de sport, de loisirs et d’éducation.

La loi n° 99-586 du 12 juillet 1999, relative à la coopéra-tion intercommunale mérit-erait à cet égard d’être réin-terprétée. Le deuxième alinéa de l’article 52 précise en ef-fet “qu’un ensemble de plus de 50 000 habitants, d’un seul tenant et sans entrave, peut constituer une communauté d’agglomération”. Mais vu à l’échelle de la région archipel Guadeloupe, et particulière-ment de l’agglomération PàP-Abymes-Baie-Mahaut-MGte, nous sommes bien obligés d’admettre la présence d’une même communauté de vie, et ce malgré les discontinuées liées à la géographie, à la mer.Les économies de cette agglo-mération, proviennent en ef-fet d’un vaste et même bassin d’emploi et de résidence, où s’emploient les résidents et mi-grants Marie-Galantais.

Les entreprises et administra-tions puisent dans ce vivier de travailleurs les qualifications dont ils ont besoin et les savoir-faire indispensables au dével-oppement de leur activité. Ces

mêmes travailleurs sont égale-ment des consommateurs et participent ainsi à la constitu-tion des bénéfices.

L’économie d’agglomération profite en outre aux com-munes de résidence de ces mi-grants dans la mesure où ils y acquittent leurs impôts (65% des migrants des îles du sud habitent PàP, les Abymes ou Baie Mahaut). Le cas des îles du Sud, appelle à dépasser les ambiguïtés du contexte na-tional prévalant à la loi, ainsi une meilleure rationalisation des moyens financiers que la loi met à disposition des com-munautés d’agglomération.

L’économie d’agglomération profite aux entre-prises, communes

et citoyensDans cette perspective, seule une intégration des EPCI per-mettrait d’atteindre cet ob-jectif de développement solid-aire, et la prise en compte des inégalités territoriales. Il n’y aurait alors pas superposition, d’EPCI, mais bien fusion, entre la communauté des communes de MGte, notamment, et la communauté d’agglomération Cap excellence. Exclusion faite de Baie-Mahault, cette agglo-mération constitue déjà, en grande partie, une circonscrip-tion électorale. .

L

Page 9: La Lettre du CAGI n°20, Novembre-Décembre 2013

PAGE CARAIBEFrançais VS Créole : quelle seconde langue pour le Caricom ?B. Phipps, membre du CAGI

e dernier sommet des chefs de gouvernement du CARICOM qui s’est

tenu à Trinidad en juillet dernier est le premier qui s’est tenu avec le français comme seconde langue officielle de cette institu-tion qui fête ses 40 ans cette an-née. Si à la fois l’histoire du Cari-com et l’hégémonie de l’anglais comme langue de communica-tion internationale expliquent le monolinguisme anglophone qui a régné toutes ces années sur l’institution, l’entrée de pays comme le Suriname néerlando-phone, la demande d’adhésion de le République Dominicaine et surtout l’accession d’Haiti en 2002 au statut de membre de la communauté pouvaient dif-ficilement s’accommoder plus longtemps de la non prise en compte de la diversité linguis-tique de la zone.

À son premier sommet cari-comien en 2011 à Sainte-Lu-cie, le président haïtien Michel Martelly fait valoir le poids dé-mographique de son pays qui compte la moitié de la popula-tion du Caricom, pour demand-er que le français soit la seconde langue officielle de l’institution. Il réitère la demande en Févri-er 2013 lors du sommet de la réunion intersessionnelle du Caricom en Haïti, pour obtenir satisfaction à compter de juil-let dernier. Cette initiative du président haïtien a été sévère-ment critiquée à Port-au Prince. Des voix autorisées notamment celles de l’Académie du Créole se sont élevées considérant cela au bas mot comme une ab-erration au regard de la réalité linguistique du pays où 90% de la population est créolophone monolingue. Il s’agit disent certains d’une double trahison, celle de la Constitution de 1987 qui consacre la co-offici-alité du créole à côté du fran-çais, avec tout un tra vail dans l’appareil d’Etat, les institutions et la presse pourmettre le pays aucœur de sa langue. Celle aussi de ces héros du quotidien qui ont pétri cette langue de la sueur et du sang de leur quête d’humanité.

Le poids dé-mographique est utilisé comme ar-gument à l’usage

d’une langue

Et il est certain que si on s’en tient aux objectifs de la commu-nauté qui sont de développer les échanges et la communica-tion des peuples de la zone, et si on considère que les échanges et la communication par le bas (certes souvent violents et con-flictuels) sont une réalité qui n’a pas attendu le caricom, on comprend mal dès lors com-ment le français, marginal dans la zone peut contribuer à la réalisation de ces objectifs. Des deux millions d’haïtiens qui vivent dans la diaspora, un grand nombre est installé dans les pays de l’espace caricom. A titre d’exemple, 80000 haïtiens vivent aux Bahamas, soit 20% de la population de ce pays.

L’adoption du créole par la com-munauté semblait donc frappée au coin du bon sens. De surcroît, sans aller jusqu’à dire comme un ministre kényan en réponse à la demande du Burundi et de la Tanzanie que le français devi-enne langue officielle de CAE (Communauté de l’Afrique de l’Est) à côté de l’anglais, “qu’on n’a pas besoin d’ajouter une seconde langue coloniale à la liste des langues officielles de la région”, une telle adoption aurait constitué un acte d’une portée symbolique majeure. On peut s’étonner d’ailleurs que le président haïtien qui est avant tout un entertainer plutôt fes-tif et qui par ailleurs répond au nom savann de tet kalé (fada en créole guadeloupéen et yul en martiniquais), n’ait pas penché pour le créole. Mais c’est peut-

être précisément (en dehors des arrières pensées de francopho-nie qu’on lui prête) ce statut qui le pousse à se méfier du créole dès lors qu’il s’agit d’affaires sé-rieuses et formelles.

On se méfie du créole dès lors

qu’il s’agit d’affaires sérieuses et formel-

lesCette position ne serait pas très éloignée de celle que l’on peut rencontrer dans les Doms où les gens du peu ple sont sou-vent hostiles à l’introduction du créole à l’école qu’ils con-sidèrent au mieux comme une perte de temps, au pire comme une régression sociale. En tout état de cause, et comme l’a fait remarquer l’ancien secrétaire général de l’AEC dans son dis-cours inaugural à la conférence SALISES sur le campus de Mona en Jamaïque en octobre dernier, le caricom doit recon-naître et accueillir toutes les langues de la région..

L

Vous trouverez dans cette page caraïbe des contribu-tions des membres du CAGI au colloque de Salises (Sir Arthur Lewis Institute of so-cial and economic studies) à la Jamaïque en octobre 2013 sur les 40 ans du Cari-com.

http://sta.uwi.edu/salises/

Page 10: La Lettre du CAGI n°20, Novembre-Décembre 2013

Les sociétés civiles dans la coopération et l’intégration régionales

Julien Mérion, membre du CAGI

a réflexion sur la coopération dans la Caraïbe a souvent porté

presqu’exclusivement sur la coopération institutionnelle. Celle-ci n’est cependant pas exclusive.

En effet, outre la coopération informelle et spontanée qui a toujours existé, se sont dével-oppés, indépendamment des avancées de la coopération institutionnelle, des liens, des structures et des pratiques qui se nouent et se construisent hors du champ juridico-poli-tique.Le traité de la Chaguara-mas, instituant la CARICOM en 1973, prévoyait déjà une participation active de la so-ciété civile dans le processus d’intégration régionale qu’il mettait en place. De nom-breux domaines sont con-cernés par ce type de relation. Les églises (C.C.C), les Ligues sportives (CONCACAF), la re-cherche scientifique ont été le terrain privilégié de cette coopération par le bas comme elle est souvent appelée.

C’est souvent par ce biais que les pays non-souverains, qui ont un accès limité aux in-stitutions de coopération et

d’intégration régionales, font leurs premiers pas dans la coopération. De nombreus-es associations, à l’instar du CO.RE.CA, ont investi cet es-pace de coopération.

Les pays non sou-verains ont un

accès limité aux institutions de

coopérationIl s’agit de s’interroger sur ces acteurs incontournables de la coopération en s’appuyant sur l’exemple des Territoires Fran-çais de la Caraïbe. Quels sont les domaines priv-ilégiés de cette coopération ?Quelle place occupe-t-elle et quelles en sont les limites ? Comment peuvent-elles contribuer à redynamiser les processus d’intégration régio-nale ? Comment s’articule l’action de la société civile et celle des institutions ?La société civile ouvre la porte de la pluralité et de la diver-sité des identités caraïbes en même temps qu’elle interroge sur le modèle démocratique qui gouverne les processus de coopération et d’intégration régionales..

L

Insertion régionale des DFAs et diplomatie française dans la Caraïbe

A. Petit, doctorante en science politique

Depuis 2009 la néces-sité de repenser les termes de son action

publique a conduit la France à rationaliser l’ensemble de son éventail diplomatique et les zones prioritaires de son ac-tion extérieure. Historiquement, les rela-tions diplomatiques entre la France et la zone Amérique latine-Caraïbe se sont con-struites sur des échanges cul-turels, scientifiques et sur un soutient politique qui a per-mis la pérennisation de liens d’amitiés. Aujourd’hui, tou-chées par cette redistribution stratégique des ressources françaises, la zone Amérique latine-Caraïbe ne bénéficie plus de la part des autorités françaises d’une politique globale comme cela était le cas. La France s’engage ainsi dans la mise en place de ce qu’elle qualifie de diplomatie “démultipliée” qui engage ses collectivités infra-étatiques dans l’effort de construction de ses relations extérieures.

Les relations France-Zone

Amérique Latine-Caraïbe favorisent des liens d’amitiés

Dans la zone Caraïbe, cette “diplomatie des villes” va prendre forme à travers les nouvelles compétences in-ternationales des collectivités territoriales d’outre mer.

Les collectivités de Guade-loupe et de Martinique se sont engagées dans un pro-cessus d’insertion régionale qui a réellement pris forme en 2012 après les demandes d’intégration des organisa-tions régionales de la Caricom et de l’OECS. Les discussions en cours sur ces demandes ont depuis fait apparaître les difficultés à concilier les en-gagements diplomatiques nationaux et la mise en place d’une diplomatie “territori-alisée” qui reste dans tout les cas soumise à la première. En ce sens et malgré les difficul-tés pratiques, l’engagement des collectivités territori-ales ne peut qu’enrichir le dispositif français. La nomi-nation d’un ambassadeur délégué à la coopération pour assister l’insertion région-ale des départements dans la zone témoigne de la diffi-culté de faire “de deux pierres un seul coup…” L’imbrication de la diplomatie nationale et d’une diplomatie territori-alisée révèle la réelle marge de manœuvre des départe-ments pour intervenir dans un domaine jusqu’ici réservé à l’autorité étatique. Finale-ment si les départements d’outre mer peinent à trouver leur place dans l’éventail ré-duit des possibilités qui leurs sont offertes où le principe de répartition des compétences ne rassure pas, le dispositif diplomatique et l’action exté-rieure de la France se trouve-ront dans tout les cas supplé-

menté. Dans le cadre de l’Etat unitaire et indivisible, ce que gagneront les collectivités bé-néficiera d’abord à l’Etat.

Pour les départements fran-çais d’outre mer il semble que le chemin menant à une utilisation effective et effi-ciente de la diplomatie locale est encore long … Pour l’Etat français le dispositif diplo-matique dans la zone Amé-rique Latine-Caraïbe révèle une présence sur tous les fronts. En effet celui ci béné-ficie premièrement d’une dy-namique régionale via l’union européenne où la France s’assure de jouer un rôle im-portant au coté de l’Espagne et du Portugal et de participer à des politiques de grande ampleur qu’elle n’aurait pas pu implémenter seule, deux-ièmement elle profite d’une dynamique bilatérale avec les nouveaux pays émergents tel que le Brésil ou le Mexique. Dans ces pays elle assure une présence diplomatique riche et finalement alimente une dynamique sous régionale avec les organisations région-ales à travers l’insertion de ses départements qui partici-pent ainsi à son rayonnement dans la zone. Somme toute, cette triple stratégie permet à la France de réduire le coût de son action diplomatiques sans prendre le risque de per-dre l’influence qu’elle possède encore dans la zone stra-tégique de l’Amérique latine et des Caraïbes. .

D

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a présence de l’Europe dans l’espace caraïbe prend notamment la

forme d’un programme de coopération dit Inter-reg Caraïbe. Découlant de la politique de cohésion de l’Union européenne ce pro-gramme vise notamment à développer et renforcer la coopération interrégionale et l’échange d’expérience entre les territoires voisins des ré-gions européennes que sont la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Saint Martin, Saint Barthélémy).

C’est dans ce cadre que s’inscrit le projet de formation des dip-lomates et acteurs de la coopé-ration caraïbe (Formadip) por-té par le CAGI pour l’université des Antilles et de la Guyane et qui à mon avis illustre la place que peut jouer l’institution universitaire dans une coopé-ration caraïbe ouverte et ef-ficiente. Ce programme a mis l’UAG en relation avec les institutions universitaires suivantes : l’université de la Havane, l’université des West indies, l’institut diplomatique de République dominicaine.

Cependant, Formadip n’est pas un simple projet interuni-versitaire mais un programme intégré de coopération entre l’université et des institutions de coopération de la Caraïbe.Les premiers partenaires du projet ont été les Régions de Guadeloupe, Guyane , Marti-nique , l’Union européenne et la préfecture de Guadeloupe à travers le FCR (Fonds de coopération régionale). Ces in-stitutions sont intervenues par des financements importants. Des partenariats ont été noués avec des organisations car-ibéennes extra-universitaires.

Un programme intégré de coopé-

ration au delà d’un simple projet

interuniversitaireNotre premier partenaire ex-tra européen et extra-uni-versitaire a été l’Association des Etats de la Caraïbe(AEC). C’est elle qui a permis de valider le programme Inter-reg qui impose la condition d’un partenaire caribéen. Nous avons également établi un partenariat avec la Fonda-tion pour le développement et la démocratie (Funglode) dont le siège est en Répub-lique dominicaine. Sa contri-bution a été décisive dans la réussite du projet dans son volet dominicain. La logis-tique et une partie des inter-venants experts et diplomates

ont été proposé par Funglode. Nous avons amené l’UAG à signer une convention avec l’Organisation des Etats de la Caraïbe orientale (OECS). Ce-tte convention cadre a permis à l’OECS de faire la sélection des diplomates et acteurs de la coopération qui relèvent de son ressort géographique.

Un des enseignements de ce-tte expérience est qu’il faut éviter de réduire la coopéra-tion universitaire à sa dimen-sion interuniversitaire. Mieux, il faut renforcer des coopéra-tions avec des structures ex-tra-universitaires. J’y vois plu-sieurs avantages.D’abord l’ouverture sur d’autres horizons bénéfiques à nos étudiants et aux ensei-gnants-chercheurs qui peu-vent ainsi enrichir leur expéri-ence d’une connaissance et depratiques complémentaires.C’est aussi par ces temps de disette financière l’opportunité de rechercher des finance-ments dans un contexte de désengagement de nos gouvernements au motif de baisse des budgets et de crise économique..

La coopération extra-universitaire au service de la coopéra-tion universitaire

F. Reno

L

Extraits d’un rapport : l’adhésion des collectivités françaises aux organisations régionales de la Caraïbe

rapporté par F. Réno

es travaux d’un atelier de la 37ème conférence de l’Association des

Etudes Caribéennes, con-sacré à l’adhésion des terri-toires français et singulière-ment de la Martinique aux organisations régionales de la Caraïbe, ont fait l’objet d’un rapport financé par la Région Martinique. Ces discussions d’acteurs et experts locaux et internationaux, révèlent que :- Cette adhésion répond d’abord à une volonté poli-tique locale dans un contexte d’opportunités étatiques fa-vorables - Le statut de membre associé renvoie à des critères définispar le droit international et contenu dans les docu-ments instituant le CARICOM, l’OECO et l’AEC - La condition de membre as-socié confère des avantages, implique des contraintes et révèle des ambiguïtés quant à l’adhésion des collectivités françaises qui devront parta-ger ce statut avec l’État.

Dr Carlyle G. CORBIN, Con-seiller international sur la gou-vernance et la diplomatie mul-tilatéraleDe nombreuses organisations internationales et régionales, y compris les organismes des Nations Unies, utilisent toute une gamme d’adhésions pour faciliter une large participation aux travaux de l’institution concernée. La catégorie de membre associé (et le statut inférieur d’observateur) est

destiné à faciliter le travail de l’institution pour des raisons telles que les liens historiques, la proximité géographique, l’élargissement de la base de ressources ou d’un marché, et la promotion de la coopération Sud-Sud entre autres facteurs.

Jérome ROBERTS, membre du Parlement d’AnguillaAprès avoir adopté les princi-pes du CARICOM, le statut de membre associé ne peut pas être vu de manière négative comme une forme de margi-nalisation mais plutôt comme un statut intermédiaire pou-vant ou non déboucher sur une pleine adhésion. Le membre associé est potentiellement un Etat membre à part entière. C’est l’approche d’Anguilla dont les préoccupations sont moins conceptuelles que pra-tiques. Être membre associé de la CARICOM présente de nombreux avantages dont An-guilla tire des bénéfices au fil des ans..Jessica BYRON, Professeure de relations internationale, Uni-versité des West indiesSur un plan plus abstrait, cette nouvelle tendance à la coopé-ration est prometteuse pour l’intégration des Caraïbes qui a été chancelante à bien des égards. L’élargissement aux territoires non indépendants apporte de nouveaux acteurs, de nouvelles idées et des res-sources nouvelles. Cela est très prometteur pour les socié-tés de la région..

L

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MOIS DU CAGILa conférence de coopération régio-nale Antilles-Guyane

A. Petit

u terme d’un doctorat loin de de tout repos, Pamela Obertan a été

élevée au rang de Docteur en Droit et Docteur en sci-ence politique. En effet, c’est une thèse en co-tutelle, à l’UAG pour la partie science politique et l’UQAM pour la partie juridique, avec donc deux directeurs. Elle fait sur ce point figure de pionnière à l’UFR SJE de Guadeloupe. La soutenance a tenu toutes ses promesses. Pamela a exposé son travail et répon-du le plus sereinement au monde aux remarques poin-tues d’un jury international, aussi intrigué qu’exigeant : présidé par Emmanuel Jos, il n’a pas manqué de souligner l’originalité et la pertinence du travail.

Il a été dit d’emblée qu’il représentait un intérêt très concret : le brevet sur le vi-vant pose la question de l’alimentation sur la panète. Il ne fallait pas en attendre moins d’une chercheure en-

gagée, aux côtés du Docteur Henri Joseph notamment. On peut noter l’accent mis sur le paradoxe que le Droit, dans un certain contexte, appelle la contestation, là où il est censé faire justice.

Cette relecture efficace de Gramsci aux lumières des TWAIL est un point de départ à un plus large travail sur les rapports de contestation et de domination au sein des or-ganisations internationales. En effet, compte tenu de la masse de sources disponi-bles, il a fallu faire des choix. S’orientant vers la plus pra-tique et facile d’accès, c’est à dire les compte rendus de séance, il reste donc tout un pan du sujet non analysé, qui inclut des entretiens, des observations sur place voire l’intégration de groupes de contestation pour analys-er leur fonctionnement de l’intérieur. Parmi les pistes dégagées, figurent égale-ment de possibles recherches sur “l’universalité” du Droit,

l’impact des accords bilaté-raux ou le fonctionnement des forums. Le jury n’a également pas manqué de relever l’intérêt que cette thèse a dans le rap-prochement des deux disci-plines qu’elle représente, et de la pertinence de leur asso-ciation pour le sujet traité.

Analysant les conséquences de l’APIC sur 15 ans à trav-ers le prisme des PEDs, la recherche démontre les moy-ens de lutte contre les nou-velles formes d’hégémonie. Elle met en lumières les tech-niques fragiles de groupes de contestation (rhétorique, co-alitions, etc.) pour attaquer le Droit, dans des contextes alé-atoires, avec plus ou moins de soutien.

Élevée au grade de Docteure dans les deux disciplines, avec la mention très honora-ble et les félicitations du Jury à l’unanimité, Pamela Ober-tan est appelée à une bril-lante carrière universitaire..

Soutenance de Thèse“Les stratégies de contestation des pays en voie de développement face à l’universalisation du brevet sur le vivant”

A. Sorin

ALes 7 et 8 novembre, le Ministère des Outre-mer et le Ministère des

Affaires étrangères or-ganisaient l’édition 2013 du rendez-vous désormais an-nuel des acteurs publics et privés, nationaux et locaux de l’insertion régionale des cinq collectivités françaises des Amériques. Dans le prolonge-ment de l’édition 2012 à Cay-enne, cette conférence s’est inscrite autour de trois piliers : - la volonté de renforcer la dimension économique de l’insertion régionale des DFA par la promotion d’une diplo-matie économique efficiente- l’affirmation de la dimension internationale des collectiv-ités françaises des Amériques par une coordination étroite avec le réseau diplomatique de l’Etat – la volonté commune du gou-vernement et des collectivités territoriales de privilégier des projets de coopération opéra-tionnels répondant aux inté-rêts des populations des DFA .

De ces trois piliers ont émergés trois thématiques d’échanges :- Renforcer l’attractivité ré-gionale des DFA et des col-lectivités de Saint Barthélemy et Saint Martin ; destiné à prospecter de la capacité des

territoires à attirer les flux d’activités (étudiants-tour-istes-entrepreneurs) et de capitaux au sein de leur es-pace géographique,- Promouvoir l’insertion économique régionale des DFA et collectivités de St Bar-th et St Martin, enjeu essentiel du redressement et de la mod-ernisation économique,- Réussir l’insertion institu-tionnelle régionale des DFA et des deux collectivités, qui était l’occasion de revenir sur la candidature des DFA auprès de plusieurs organisations ré-gionales et sous régionales (AEC, CARICOM, OECO) et l’implantation de chargés de missions à la coopération ré-gionale dans une dizaine de missions diplomatiques et consulaires.

De l’épilogue de ces deux journées nous retiendrons la richesse des débats qui se sont tenus entre personnels diplo-matiques et politiques mais également représentants de la société civile. Ils ont fait de ce rendez-vous une occasion de dépasser le cadre de la simple représentation média-tique. Nous retiendrons égale-ment le discours surprennant du ministre des outre-mer… .

A

De gauche à droite: Konstantia Koutouki Professeure Droit international à Montréal, Daniel Compagnon, profes-seur de science politique, IEP de Bordeaux, René Côté, Vice recteur de l’UQAM, professeur de droit et co-directeur de la thèse, Pamela Obertan, Docteure, Fred Reno, Professeur de science politique et co-directeur de la thèse, Em-manuel Jos Professeur émérite de droit public UAG, François Roch, professeur de droit international