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1/14 www.planseisme.fr [email protected] 1/14 LA LETTRE DU PLAN SEISME 1 er TRIMESTRE 2018 ACTUALITES DOSSIER POUR FINIR Sismicité récente en France Antilles Un séisme de magnitude modérée Mw=5.8, localisé à environ 67 km de profondeur, a frappé le Nord-Est des îles du Nord (Guadeloupe) le 24 décembre 2017 peu après 11h (heure locale). D’après l’Observatoire Volcanologique et Sismologique de Guadeloupe (OVSG), l’épicentre de ce séisme a été localisé au nord-nord-est de Saint Barthélémy, à environ 28 kilomètres de l’île. Ce séisme a été largement ressenti dans les îles du Nord avec une intensité maximale estimée à V dans la zone proche de l’épicentre selon le Bureau Central Sismologique Français (BCSF) sur la base d’une cinquantaine de témoignages recueillis dans la zone. Nouvelle Calédonie Un séisme de magnitude Mw=7,0, localisé à environ 85 km des îles Loyauté et à 10 km de profondeur, a frappé la Nouvelle-Calédonie le 20 novembre 2017 à 09h44 heure locale (soit le 19 novembre à 23h44 heure de métropole). D’après le Service Géologique Américain (USGS), ce séisme fait suite à une série de forts tremblements de terre qui secoue les îles Loyauté depuis le 31 octobre 2017 avec une première secousse de magnitude 6,8 et plus de 135 séismes de magnitude supérieure à 4 depuis lors. Le séisme du 19 novembre 2017 a été fortement ressenti sur les îles Loyauté, notamment à Maré, l’île la plus proche de l’épicentre, et jusqu’à Nouméa, sans provoquer de dégâts matériels. Une alerte tsunami a été émise par le Pacific Tsunami Warning Center peu de temps après la secousse, incitant les autorités à préconiser l'évacuation des bandes côtières des îles Loyauté, de Grande-Terre et de l'île des Pins. De fait, des mouvements anormaux du niveau de la mer ont été observés en Nouvelle-Calédonie et à Vanuatu après le séisme. La Nouvelle-Calédonie est située dans la zone de convergence entre les plaques Pacifique et Australie, fortement active. L’aléa sismique y est néanmoins considéré comme faible à très faible sur la plus grande partie du territoire du fait de l’éloignement des sources tectoniques les plus puissantes. Les zones les plus exposées sont les îles d’Ouvéa, Lifou et Maré (aléa modéré à moyen). Depuis 2010, la Nouvelle-Calédonie dispose d’un réseau sismologique géré par l’Institut de Recherche pour le AU SOMMAIRE ACTUALITES - Sismicité récente en France - 10 ans séisme Martinique - SURICATE-Nat - 2 nde phase plan séisme Antilles - Reconstruction post- cyclonique - Journées « renforcement parasismique » DOSSIER - Prédire où et quand aura lieu le prochain séisme destructeur POUR FINIR - Ça s’est passé par chez vous : RISVAL - Allô la FAQ ? - Quezaco ? Epicentre Localisation du séisme néo-calédonien du 19 novembre 2017 (source : IRD)

LA LETTRE DU PLAN SEISME · Antilles (2007-2015), notamment sur les actions seconde phase du plan séisme Antilles (PSA2) a été lancée lors du conseil des ministres du 27 juillet

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Sismicité récente en France

Antilles

Un séisme de magnitude modérée Mw=5.8, localisé à environ 67 km de profondeur, a frappé le Nord-Est des îles du Nord (Guadeloupe) le 24 décembre 2017 peu après 11h (heure locale). D’après l’Observatoire Volcanologique et Sismologique de Guadeloupe (OVSG), l’épicentre de ce séisme a été localisé au nord-nord-est de Saint Barthélémy, à environ 28 kilomètres de l’île. Ce séisme a été largement ressenti dans les îles du Nord avec une intensité maximale estimée à V dans la zone proche de l’épicentre selon le Bureau Central Sismologique Français (BCSF) sur la base d’une cinquantaine de témoignages recueillis dans la zone.

Nouvelle Calédonie

Un séisme de magnitude Mw=7,0, localisé à environ 85 km des îles Loyauté et à 10 km de profondeur, a frappé la Nouvelle-Calédonie le 20 novembre 2017 à 09h44 heure locale (soit le 19 novembre à 23h44 heure de métropole).

D’après le Service Géologique Américain (USGS), ce séisme fait suite à une série de forts tremblements de terre qui secoue les îles Loyauté depuis le 31 octobre 2017 avec une première secousse de magnitude 6,8 et plus de 135 séismes de magnitude supérieure à 4 depuis lors. Le séisme du 19 novembre 2017 a été fortement ressenti sur les îles Loyauté, notamment à Maré, l’île la plus proche de l’épicentre, et jusqu’à Nouméa, sans provoquer de dégâts matériels. Une alerte tsunami a été émise par le Pacific Tsunami Warning Center peu de temps après la secousse, incitant les autorités à préconiser l'évacuation des bandes côtières des îles Loyauté, de Grande-Terre et de l'île des Pins. De fait, des mouvements anormaux du niveau de la mer ont été observés en Nouvelle-Calédonie et à Vanuatu après le séisme. La Nouvelle-Calédonie est située dans la zone de convergence entre les plaques Pacifique et Australie, fortement active. L’aléa sismique y est néanmoins considéré comme faible à très faible sur la plus grande partie du territoire du fait de l’éloignement des sources tectoniques les plus puissantes. Les zones les plus exposées sont les îles d’Ouvéa, Lifou et Maré (aléa modéré à moyen). Depuis 2010, la Nouvelle-Calédonie dispose d’un réseau sismologique géré par l’Institut de Recherche pour le

AU SOMMAIRE

ACTUALITES - Sismicité récente en France

- 10 ans séisme Martinique

- SURICATE-Nat

- 2nde phase plan séisme

Antilles

- Reconstruction post-

cyclonique

- Journées « renforcement

parasismique »

DOSSIER - Prédire où et quand aura lieu

le prochain séisme

destructeur

POUR FINIR - Ça s’est passé par chez vous :

RISVAL

- Allô la FAQ ?

- Quezaco ? Epicentre

Localisation du séisme néo-calédonien du 19 novembre 2017 (source : IRD)

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Développement (IRD) et composé de sept stations

réparties essentiellement sur les zones les plus

actives de la région, à savoir le sud de Grande-

Terre et les îles Loyauté (www.seisme.nc).

Essaim sismique en Maurienne Entre mi-octobre et mi-novembre 2017, la zone de

La Chapelle dans la vallée de la Maurienne a été

secouée par une série de séismes superficiels

(environ 5 km de profondeur) de magnitudes

majoritairement faibles mais allant jusqu’à des

valeurs comprises entre 3,0 et 3,7 pour les

tremblements de terre principaux (M=3,7 par

exemple pour le séisme du 27 octobre 2017). Ces

séismes étant très superficiels, ils peuvent être

fortement ressentis par la population.

D’après le réseau d’observation de la sismicité

alpine SISmalp, cette activité fait partie d'un

essaim actif depuis 2015, qui montre une très

nette recrudescence d'activité depuis l’automne

2017 avec plusieurs centaines de séismes de faible

magnitude enregistrés chaque jour suite aux

chocs principaux.

Représentation en 3D de la localisation des épicentres de l’essaim sismique « de la Chapelle » (Maurienne) de septembre à novembre 2017 (source : SISMalp)

10 ans du séisme de Martinique du 29 novembre 2007

Les Antilles sont régulièrement frappées par des séismes de magnitude modérée comme celui du 24 décembre 2017, mais ont aussi été le siège de plusieurs séismes historiques destructeurs, dont les plus notables demeurent ceux du 11 janvier 1839 et du 8 février 1843, qui ravagèrent à

quelques années d’écart la Martinique puis la Guadeloupe.

Le 29 Novembre 2007 à 15h00 (heure locale), un très fort séisme de magnitude 7.4 a été enregistré à 17 km au nord-est de Basse-Pointe en Martinique, à 152 km de profondeur. Ce séisme a été ressenti sur l’ensemble de l’arc antillais et a provoqué des dégâts matériels sur l’île de la Martinique. Les intensités macrosismiques maximales observées durant ce séisme ont atteint un degré VI-VII sur l’Est et le Sud de la Martinique et à Fort-de-France.

SURICATE-Nat : Analyse automatique des séismes via Twitter

L’expérience montre que, en cas de survenue de

catastrophe naturelle et tout particulièrement de

séismes, il y a souvent des citoyens « connectés »

au plus près des événements qui partagent en

temps-réel leurs expériences ou leur vision de la

situation via les réseaux-sociaux. Ce fut le cas dès

2010 lors du séisme qui ravagea Haïti, puis au

Japon en 2011, en Italie en 2012 puis 2016, etc. Du

fait de son principe de messages courts avec la

possibilité d’attacher du contenu multimédia, le

réseau social Twitter, qui fédère une communauté

habituée à commenter en direct le moindre

événement / la moindre expérience du quotidien,

est particulièrement efficace pour diffuser de

premières informations extrêmement rapidement

après la survenue d’un événement d’ampleur à tel

point de pouvoir être utilisé quasiment comme un

« capteur ».

Fort de ce constat, le BRGM développe, en

collaboration avec l’UTT (Université de

technologie de Troyes) et avec le soutien de la

Fondation MAIF, une plateforme participative

d’analyse semi-automatique des messages en lien

avec les catastrophes naturelles émis sur Twitter.

Dénommée SURICATE-Nat (www.suricatenat.fr),

cette plateforme considère chaque individu

comme un capteur doué de 5 sens capable de

restituer ses observations de manière spontanée

et rapide. Mise en ligne en décembre 2017, la

première version de SURICATE-Nat couvre à ce

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jour les séismes, avant de s’ouvrir prochainement

aux inondations, puis à d’autres aléas naturels. En

pratique, chaque Tweet émis en langue française

et faisant référence à des termes liés aux séismes,

est collecté est traité automatiquement par des

algorithmes d’intelligence artificielle. Dans un

second temps, ces messages sont également

soumis aux internautes qui peuvent ainsi

contribuer à l’analyse pour compléter et améliorer

les modèles prédictifs. La plateforme étant

actuellement en phase de test, ses auteurs

encouragent les utilisateurs à leur faire part de

leurs impressions.

Vue de la plateforme SURICATE-Nat, et flux d’activité Twitter associé au séisme de l’Ubaye du 7 avril 2014 (source : BRGM/UTT)

Cette initiative originale ne s’inscrit pas en

concurrence des canaux traditionnels de

remontée d’information, mais bien en

complémentarité : pour les séismes, il s’agit donc

de compléter ce que « voient » les sismomètres

ainsi que les citoyens engagés qui témoignent via

le site internet du BCSF.

Bilan de la première année (2016) de la 2nde phase du Plan Séisme Antilles

Des travaux considérables restant à mener à

l’issue de la première phase du plan séisme

Antilles (2007-2015), notamment sur les actions

de réduction de la vulnérabilité du bâti, une

seconde phase du plan séisme Antilles (PSA2) a

été lancée lors du conseil des ministres du 27

juillet 2016 pour la période 2016-2020. Pour cette

deuxième phase, l’État s’est engagé à mobiliser un

montant total de 450 M€ (dont 290 M€ sur le

fonds de prévention des risques naturels

majeurs), soit une augmentation de 30% par

rapport à la première phase du plan, pour soutenir

notamment les travaux de confortement

parasismique ou de reconstruction des

collectivités, des bailleurs sociaux, des SDIS et

pour réduire la vulnérabilité de ses propres

bâtiments.

Un premier bilan du PSA2 au 31 décembre 2016

est disponible ici. Dans le cadre de la réduction de

la vulnérabilité du bâti, des actions de

renforcement du bâti ont été achevées en 2016

sur quatorze établissements scolaires (12 écoles

primaires et 2 collèges), sur dix établissements

hospitaliers, sur des infrastructures de gestion de

crise, sur le parc de logements sociaux (plus de 70

opérations terminées ou en cours à fin 2016) et

sur des bâtiments de l’Etat. Dans le cadre des

actions de prévention du risque sismique, le bilan

à fin 2016 met en exergue notamment

l’élaboration de 4 PPRS pilotes, la finalisation des

microzonages sismiques de St Martin et St

Barthélémy, la tenue de la 8ème tenue des

biennales du Réseau Accélérométrique

Permanent (RAP) en Guadeloupe dans le cadre

des semaines SISMIK et la préparation d’un

exercice séisme de grande ampleur financé par la

Commission Européenne (exercice Richter

Caraïbes). Cet exercice s’est déroulé du 24 au 27

mars 2017.

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Prise en compte du risque sismique dans la reconstruction post-cyclonique

Après les importants dégâts subis par les îles de Saint Martin et Saint Barthélémy suite au cyclone Irma, la phase de reconstruction est venue. Cette phase de reconstruction s’avère complexe aussi bien sur le plan technique puisqu’il faut tenir compte à la fois des risques liés aux cyclones mais également aux autres aléas naturels comme les séismes (les îles du Nord sont en zone de sismicité 5, la plus forte en France), mais également sur le plan institutionnel. En effet, depuis le changement de statut des deux îles en 2007, l’urbanisme est sous la compétence des collectivités de Saint Martin et Saint Barthélémy, l’état intervenant pour le contrôle de la légalité. Le 21 novembre 2017, un protocole de coopération pour « une reconstruction exemplaire et solidaire » a été signé entre l’Etat et la collectivité territoriale de Saint Martin sur la base des préconisations proposées par M. Philippe Gustin, Délégué Interministériel pour la reconstruction des îles de Saint-Barthélemy et Saint-Martin. Ces préconisations prévoient notamment la révision des documents d’urbanisme locaux tenant compte des prescriptions du plan de prévention des risques naturels élaboré par les services de l’état, et qui prend notamment en considération le risque sismique.

Retour sur les journées « renforcement parasismique » à Lourdes et aux Antilles

Une journée technique sur le renforcement parasismique s’est tenue le 29 septembre à Lourdes avec une quarantaine de participants. Cette journée a été organisée par la mairie de Lourdes, la Préfecture des Hautes-Pyrénées, le Centre Pyrénéen des Risques Majeurs (C-PRIM) et l'Association Française de Génie Parasismique (AFPS), avec le soutien du Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire (MTES). Le but de cette journée était de présenter aux maîtres d’ouvrages, aux maîtres d’œuvre et plus largement à tous les professionnels du Génie Civil les outils méthodologiques développés récemment pour les guider ou les assister dans une démarche de renforcement, ainsi qu’un certain nombre d’exemples opérationnels de renforcements sismiques déjà mis en œuvre sur différents types d’ouvrages : bâtiments, ponts, ouvrages géotechniques… Elle s’inscrit à ce titre dans les objectifs du Cadre d’Actions pour la Prévention du Risque Sismique en cours sur le Massif Pyrénéen (CAPRiS) et piloté par la DREAL Occitanie.

Une journée du même type, organisée par l’AFPS avec le soutien de la Direction Générale de Prévention des Risques (DGPR) du Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire (MTES), s’est tenue les 24 et 27 octobre 2017 respectivement en Martinique et en Guadeloupe.

Le Chiffre

25

C ’est le nombre d’alertes sismiques déclarées par le

CEA en 2017, correspondant à des séismes significatifs survenus en France Métropolitaine.

Agenda

23 mars 2018 (Paris) Restitution de la mission postsismique AFPS de Puebla (Mexique)

Présentation de la journée

renforcement parasismique à Lourdes (source : cliché La Dépêche

du Midi)

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Dossier : Prédire où et quand aura lieu le prochain séisme destructeur

Saura-t-on un jour prévoir les séismes comme on prévoit à quelques heures la trajectoire d’un ouragan ?

L’enjeu est considérable pour la protection des vies humaines. D’innombrables pistes ont déjà été

explorées. En vain, aucune n’a jusqu’ici donné de résultat suffisamment robuste pour permettre par

exemple d’évacuer préventivement des populations. Véritable Graal de la sismologie, la prévision fiable

à court terme est-elle un objectif utopique inatteignable en raison de la nature même des séismes, ou

un espoir à long terme grâce aux progrès des connaissances et des technologies ?

De curieux phénomènes qui précèdent les

séismes

Depuis que les sages philosophes de l’Antiquité

ont tenté de comprendre le monde qui les

entourait par des causes rationnelles, de

nombreuses observations de phénomènes faites à

l’occasion de séismes ont été soigneusement

consignées et nous sont parvenues. Ainsi, très tôt

ont été mentionnées des coïncidences étranges

entre la survenus des séismes, et des phénomènes

aussi divers que des conditions météorologiques

anormales préalablement au séisme (pluies

intenses ou au contraire grandes sécheresses),

des observations astrophysiques particulières

telles que le passage d’une comète ou

l’observation d’une tâche solaire, des

comportements animaux anormaux, ou encore la

fluctuation du niveau d’eau dans les puits. Il ne

s’agissait tout d’abord donc pas tant d’utiliser ces

signes pour alerter, mais bien pour tenter de

comprendre ce qui pouvait bien faire trembler la

Terre. Encore que quelques philosophes furent

connus en leur temps pour avoir prédit avec

succès des séismes, comme Phérécyde de Syros

(qui fit entre autres prédictions, celui du naufrage

d’un navire ou du siège de la ville de Messène)

dont la prédiction d’un séisme fit dire à Cicéron

qu’il méritait « moins le titre de devin que celui de

physicien ».

Ce n’est que plus tard que, le temps et la

compréhension scientifique des choses avançant,

les savants se sont véritablement mis en devoir de

soumettre les séismes par la prédiction, comme ils

l’avaient fait naguère pour la météorologie. Ce

qu’exprimait quasiment mot pour mot Camille

Flammarion au lendemain du séisme de Lambesc

qui ravagea la Provence le 11 juin 1909 : « Le

progrès marche, et le génie de l’homme prendra

possession de la Terre comme il a su prendre

possession du ciel, en soumettant au calcul tous les

grands phénomènes cosmiques ».

Ce n’est que dans les années 1960/1970 que le

sujet a vraiment commencé à mobiliser largement

la communauté scientifique, avec des

programmes d’ampleur d’acquisition de données,

à la fois en laboratoire et sur le terrain.

En la matière, l’exemple le plus notable est celui

de la Chine qui s’investit massivement sur le sujet

après avoir subi plusieurs séismes meurtriers. La

« Révolution culturelle » privilégiant alors la

mobilisation de la foule immense et anonyme du

peuple plutôt que celle des intellectuels, 100.000

chinois furent sensibilisés à la va-vite à la

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détection des « anomalies présismiques » :

élévation du sol ou de niveau des puits,

comportements animaux suspects… Rapidement,

les zones les plus sismiques de Chine sont ainsi

instrumentées à tout va avec des instruments de

fortune, et les comportement animaux observés

tout azimut, la quantité des données collectées

primant sur leur qualité.

L’observation simultanée et croisée de toutes ces

observations donna lieu à la prédiction du séisme

de magnitude 7.3 qui ravagea la ville de Haicheng

le 4 février 1975, ce dont se glorifia la Chine et

impressionna le monde entier. Néanmoins, ce

n’est semble-t-il pas l’alerte décrétée par les

autorités qui encouragea les habitants à évacuer

en masse leurs domiciles, mais bien les

nombreuses secousses qui ont précédé le choc

principal. Par ailleurs, la même méthode échouera

un an plus tard à prédire le séisme de magnitude

7,8 qui ravagea la ville de Tangshan et fit près de

600 000 victimes. L’analyse après coup des

montagnes de données collectées avant le séisme

permis cependant aux scientifiques chinois de

repérer des effets présismiques, tels que des

variations rapides et significatives de niveaux

d’eau dans des puits, ou des variations de

résistivité électrique du sol.

Parallèlement, les japonais, les russes et les

américains compilèrent chacun de très

nombreuses données démontrant que les séismes

s’accompagnent souvent de manifestation

présismiques : variation de l’activité sismique avec

apparition « d’essaims sismiques », phénomènes

électromagnétiques et lumineux, élévation du

niveau du sol, modification de l’écoulement des

sources et de la composition chimique des eaux...

Mais il s’agit là le plus souvent d’observations

reliées apostériori à la survenue de grands

séismes : difficilement compréhensibles avant la

secousse, ils ne furent interprétés qu’après coup

comme autant de probables signes précurseurs.

Restait donc encore à comprendre les

phénomènes responsables de ces manifestations,

et caractériser leur potentiel prédictif.

Anomalie présismique du potentiel électrique spontané des sols observée avant le séisme de Haicheng du 4 février 1975 (source : American Geophysical Union, 1977)

Des signes révélateurs des contraintes

exercées en profondeur

Plusieurs des signes présismiques observés

seraient naturellement liées à la compression des

roches autour de la zone de faille, celle-ci se

traduisant par l’apparition de microfissures ou par

un changement de propriétés des matériaux. La

surveillance fine de ces phénomènes pourrait

donc potentiellement nous alerter de l’imminence

d’une rupture.

Dans les années 60, des scientifiques Russes ont

par exemple remarqué des ralentissements

significatifs de la vitesse de propagation des ondes

sismiques peu de temps avant la survenue de

tremblements de terre. Imputées au phénomène

dit de « dilatance », de fracturation de roches

créant des fissures en profondeur susceptibles de

ralentir la propagation des ondes, ces

observations auguraient donc la perspective

d’une prédiction opérationnelle via des dispositifs

de mesures répétées de la vitesse des ondes

sismiques dans le sol. Las, la reproductibilité du

phénomène n’a pas été au rendez-vous, et de

telles variations ont également été observées sans

qu’aucun séisme ne survienne ensuite...

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Dans les années 80, ce sont des anomalies dans les

mesures des courants électriques naturels dans le

sous-sol qui ont été mis en évidence à l’approche

de séismes. La cause de ce phénomène,

probablement la compression des cristaux de

quartz (présents en quantité dans nombre de

formations géologiques) qui ont une propriété

piézoélectrique bien connue de produire un

courant électrique lorsqu’on leur applique une

contrainte. Cette méthode, appelée « VAN » du

nom de ses inventeurs (Varotsos, Alexopoulos,

Nomicos), a suscité de nombreux espoirs

notamment en Grèce où elle a donné lieu à

plusieurs prévisions couronnées de succès.

Cependant, cette méthode « magique » avait

contre elle d’être scientifiquement fragile : il est

par exemple physiquement difficile de justifier

que de telles perturbations électriques soit

repérables à plusieurs centaines de kilomètres

d’une faille prête à rompre, à moins que celle-ci ne

soit capable de créer des tensions de plusieurs

centaines de Volts !!! Difficile également

d’admettre que des anomalies électriques

apparaissent avant les séismes et jamais pendant,

alors que les déformations intenses qui sont alors

produites devraient également faire réagir les

cristaux de quartz...

Compressées comme des éponges sous l’effet des

contraintes, les zones de failles prêtes à rompre

mettent les eaux souterraines sous pression, ce

qui peut également expliquer en partie de

nombreux effets présismiques. Ainsi a-t-on déjà

évoqué les très nombreux exemples de séismes

qui ont été précédés d’une modification des

chemins d’écoulement des eaux souterraines,

pouvant par exemple donner lieu au tarissement

de sources ou à la modification du niveau de

remplissage des puits. De plus, la composition

chimique même de ces eaux est souvent changée,

comme l’attestent les concentrations

anormalement fortes en radon ou en sels dissouts

observées avant certains séismes. La raison à

cela ?

En haut : Quelques exemples de l’abondante littérature scientifique consacrée à la méthode VAN pour la critiquer (à gauche) ou la défendre (à droite)

En bas : Haroun Tazieff aux côtés du professeur Panayotis Varotsos en 1989, pour l’implantation de stations VAN dans les Alpes françaises (source : Lyon Figaro)

La fracturation des roches augmenterait leur

perméabilité, créant ainsi de nouveaux chemins

de remontée des eaux souterraines naturellement

riches en gaz et minéraux de toutes sortes. La

portée prédictive de ces observations n’est

cependant pas évidente, tant les comportements

varient d’un séisme à l’autre. Concernant le cas

spécifique du radon, et bien qu’un lien formel ait

pu être établi entre sa concentration et la

sismicité, d’autres facteurs entrent en jeu, telles

que les conditions météorologiques, ce qui

complique beaucoup la prédiction.

Anomalie présismique des concentrations de radon avant le séisme de l’Aquila du 6 avril 2009 (source : Pulinets, 2016)

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Des petits tremblements qui peuvent en

annoncer des gros

Une autre indication de l’imminence d’un séisme

peu également venir de l’étude du niveau

d’activité sismique. Ainsi, de nombreux séismes

importants sont précédés de ce que l’on nomme

rétrospectivement des « séismes précurseurs ».

Mais une fois encore, bien maline est la personne

pouvant affirmer qu’un séisme donné est bien

annonciateur d’un séisme plus important... ou

simplement l’expression du réarrangement de

contraintes sous-terraines.

De manière moins caricaturale, il n’est

pas rare d’observer de petites crises

sismiques dites « en essaims » qui

précèdent à des séismes importants,

lesquels essaims agissent parfois

comme des ordres d’évacuation

naturels de populations inquiétées par

ces vibrations incessantes. Mais - car

comme toujours il y a un « mais » -

certaines crises en essaims ne se

concluent heureusement pas par un

séisme destructeur, ce qui est fort heureux pour

les habitants de la région de Barcelonnette (Alpes-

de-Haute-Provence) qui présente une tendance

naturelle à de telles sursauts d’activité sismique.

Quand les animaux entrent dans la partie

S’ils ne concentrent aujourd’hui plus guère

d’espoir au sein de la communauté scientifique en

matière de future prédiction opérationnelle des

séismes, les comportements animaux étranges

résument à eux seuls la problématique de la

prévision des séismes aux yeux du grand-public.

Facilement observables, ces comportements sont

d’ailleurs régulièrement mentionnés depuis

l’Antiquité dans le monde entier, et tout

particulièrement au Japon et en Chine. Certains

penseurs illustres s’en sont fait écho, comme Kant

qui reporte ainsi que « huit jours avant la secousse

[ndlr. liée au grand séisme de Lisbonne de 1755],

le sol des environs de Cadiz était recouvert d’une

multitude de vers de terre qui avaient émergé du

sol ». Fasciné par cette grande catastrophe que fut

la destruction de Lisbonne par un séisme suivie

d’un tsunami, Kant s’est beaucoup documenté sur

ce séisme, mais il n’en était cependant pas le

témoin, pas plus que celui de ces étranges

comportements de lombrics.

Pour autant, les observations émanant de témoins

directs sont si nombreuses, qu’il n’est pas permis

de douter de la véracité du phénomène, ce qui

laisse à présumer d’hypersensibilité de certaines

espèces animales à quelques effets présismiques.

Concernant le témoignage de Kant, il est par

exemple conforté par des observations similaires

effectuées lors d’un séisme taïwanais en 1999.

A gauche : Vers de terre émergeant en masse à la surface aperçus à Taiwan quelque jours avant un séisme survenu en 1999 (source : Ikeya, 2004)

A droite : Fuite massive de crapauds observée cinq jours avant le séisme du Sichuan du 12 mai 2008 dans la ville de Mianzhu (source : Asian News)

A l’instar des verres de terres, les effets les plus

marquants sont ceux de colonies entières

d’animaux fuyant leur habitat, faisant fit du risque

de périr dans cette fuite : ainsi ne compte-t-on

plus les mentions de routes envahies par

d’innombrables crapauds, souris ou autres

serpents quelques jours avant la survenue de

séismes importants. Et pas besoin de revenir à de

vagues témoignages de temps anciens, de telles

observations nous parviennent encore

régulièrement, photos à l’appui, comme

préalablement aux séismes du Sichuan (Chine)

survenu en 2008 et à celui de l’Aquila (Italie)

survenu en 2009, où des crapauds ont

préventivement fait leurs valises.

Mais ce sont également des éléphants fuyant la

côte avant le déferlement du tsunami à Sumatra

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en 2004, des chevaux devenus fous ou des

poissons des grandes profondeurs qui remontent

et s’échouent sur les plages, etc.

Peu d’étude sérieuses ont cependant à ce jour été

consacrées au sujet en l’étudiant avec la rigueur

scientifique requise. L’enjeu est pourtant

important, puisqu’il s’agit de dépasser l’idée

collective selon laquelle « il paraitrait que les

animaux peuvent ressentir l’imminence de

séismes » par la vérification de la robustesse

statistique de cette hypothèse, et le cas échéant

par une identification des mécanismes à l’œuvre.

La tâche est cependant ardue dans la mesure où

les observations disponibles sont souvent

subjectives, les manifestations anormales étant le

plus souvent déclarées comme telles qu’après

l’occurrence des séismes, les mêmes

comportements non suivis de séismes passant

généralement dans le même temps sous silence,

non consignés dans de savantes notes.

Le clin d’œil d’Éric Appéré

C’est que - comme chez les humains - les

comportements irrationnels demeurent

relativement fréquents, et qu’ils ne sont pas tous

suivi de séismes. Inversement, de nombreux

séismes surviennent dans une apparente

insouciance de nos amis les bêtes...

La prévision des séismes a-t-elle un sens ?

D’un point de vue théorique, l’idée même qu’un

séisme puisse être prédit a fait l’objet d’un intense

débat scientifique. La raison à cela ? Les séismes

résultent d’un phénomène chaotique hautement

imprévisible qui dépend de manière très sensible

d’une infinité de paramètres qu’il nous sera à tout

jamais impossible de caractériser avec une

précision suffisante. Ainsi, au moment où une

rupture s’initie, celle-ci peut aussi bien se

propager à l’ensemble d’un segment de faille (voir

de plusieurs segments voisins) pour provoquer un

important séisme, ou au contraire être

rapidement stoppé. La différence ? Presque rien :

une petite aspérité le long de la faille qui suffit à

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bloquer le glissement à temps, un peu moins

d’eau sous pression pour participer au

décollement des lèvres de la faille, une

structuration minéralogique qui favorise ou non la

propagation de la rupture, etc., etc.

Cette vision a en effet de quoi doucher tout espoir

de prévision, dans la mesure où elle suggère que

quand bien même nous aurions une connaissance

parfaite des phénomènes physico-chimiques à

l’œuvre et que nous serions en mesure de les

modéliser, nous ne serons jamais en mesure

d’instrumenter suffisamment les failles – objets

qui s’étendent parfois sur des centaines de

kilomètres de profondeurs et qui plongent à des

kilomètres sous nos pieds – pour en définir

précisément l’état à un moment donné, et ainsi

disposer des valeurs des innombrables

paramètres requis par les modèles.

Des perspectives plutôt encourageantes

Le débat en était là, fondé sur des arguments

imparables issus de la sismologie classique fondée

sur l’idée de cycles sismiques : blocage de la faille,

accumulation lente de contraintes avec

déformations élastiques, puis brusque

relâchement des contraintes – le séisme -,

nouveau blocage, etc. La multiplication de

l’instrumentation des grandes failles partout dans

le monde, a cependant apporté son lot

d’observations étranges suggérant un

phénomène sismique encore bien plus complexe.

C’est ainsi que l’on apprit que les failles ne

relâchaient pas forcement toujours leurs

contraintes de manière brutale sous forme de

séismes, mais qu’elles pouvaient également

périodiquement glisser progressivement en ce

que l’on appelle des « séismes lents », produire de

faibles grondements transitoires appelés «

tremors », ou encore des séismes très basses

fréquences... La découverte de ces phénomènes

transitoires et leur alternance avec des phases

sismiques classiques, ouvrent de nouvelles

perspectives pour la prévision des séismes. Les

observations réalisées au Chili montrent par

exemple que des phases de glissements

asismiques (« séismes lents ») ont précédé au

grand séisme du Maule de magnitude 8,2 du 1er

avril 2014, ainsi qu’à ses séismes précurseurs et

ses répliques. L’utilisation à des fins de prédiction

semble cependant encore lointaine tant la

complexité est grande.

Temps restant avant la prochaine rupture telle que prévue par le modèle d’intelligence artificielle par analyse des données de laboratoire (source : d’après B. Rouet-Leduc et al., 2017)

Des nouvelles récentes parviennent également

des laboratoires, où les scientifiques tentent

depuis des dizaines d’années de comprendre ce

qui se passe à l’échelle des failles en tentant de les

reconstituer – en miniature – dans leurs machines

capables de mettre des échantillons de roches

sous des conditions de pression et de température

extrêmes. Récemment, des travaux menés au

laboratoire américain de Los Alamos ont ainsi

conduit à établir un modèle de prédiction

redoutablement précis des ruptures de telles

« failles artificielles ». Ce modèle permet, à partir

de l’analyse de très nombreux enregistrements

sismiques, d’estimer l’état de friction de la faille et

d’en déduire le temps restant avant la prochaine

rupture. Selon Bertrand Rouet-Leduc, chercheur

français ayant conduit les travaux, ces progrès ont

été rendus possible grâce au recours à des

techniques d’intelligence artificielle et ouvrent

une nouvelle voie dans la recherche sur la

prévision des séismes. La puissance des

calculateurs permet en effet de prendre en

compte l’ensemble des enregistrements, y

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compris ceux jusqu’ici laissés de côté et qui

pourtant semblent d’après ces travaux porteurs

d’informations essentielles. La transposition de ce

modèle de laboratoire aux failles réelles demeure

en revanche un défi de taille, même si les premiers

résultats obtenus sur une faille réelle de forme

simple sont encourageants (cf. entretien avec

Bertrand Rouet-Leduc).

Les chercheurs n’ont donc pas dit leur dernier mot

pour prédire les séismes et les progrès de la

science sont en la matière actuellement très

rapides. Quelque puissent être les espoirs suscités

par ces travaux, encore serait-il utile de préciser

ce que l’on entend par « prévision », et surtout ce

que l’on en attend.

Une prévision court ou long terme ?

Nous l’avons vu, si l’observation apostériori - sur

quelques séismes particuliers - d’effets

présismiques ou de séismes précurseurs a souvent

paru prometteuse, les espoirs ont

systématiquement été déçus lorsqu’il s’est agi de

s’en servir comme signes annonciateurs de

l’imminence de séismes. Car, pour les humains

que nous sommes, prédire c’est être en mesure de

pouvoir dire - de manière reproductible - à la fois

où surviendra un séisme, quand, et quelle sera son

importance, autrement dit sa magnitude.

Il faut donc juger de la prédictibilité au regard de

critères clairs et quantifiés : s’agit-il d’une

prévision utile que de dire qu’une province

japonaise donnée sera très probablement

affectée par un séisme dans les six mois qui

viennent, sachant que l’aléa sismique y est tel que

des dizaines de séismes de magnitude supérieure

à 5 y surviennent chaque année, des centaines de

magnitude supérieures à 4, des milliers de

magnitude supérieure à 3 ? Car prédire

l’occurrence prochaine d’un séisme dans les

régions les plus sismiques du globe, n’a pas plus

de valeur que d’annoncer un temps pluvieux dans

le mois à venir lorsqu’on habite en Bretagne.

Posée autrement, la question pourrait être de

savoir si la méthode de prévision proposée est

suffisamment précise pour pouvoir aider les

autorités d’une ville à décider de la pertinence ou

non d’en évacuer les habitants de manière

préventive du fait de l’imminence d’un séisme,

sachant qu’il ne sera vraisemblablement pas jugé

acceptable d’évacuer des régions entières, et que

de telles évacuations ne semblent pas

envisageables pendant plus de quelques jours...

Voici en ce qui concerne la vision de la prédiction

à court terme, compatible avec les échelles de

temps et d’espace dans lequel nous évoluons,

nous agissons. Mais mettons en perspective la

problématique de la prévision avec le phénomène

naturel considéré, le séisme, qui est l’expression

A gauche : Carte d’aléa sismique de l’Italie (source : INGV) A droite : Probabilité hebdomadaire de dépassement d’intensités macrosismiques VII (courbes grises) et VIII (courbes noires) dans un rayon de 10 kilomètres autour de la ville de Norcia (source : d’après Marzocchi et al., 2017)

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d’une activité tectonique qui s’applique à des

échelles continentales. Qui résulte de la mise en

mouvement de failles dont la taille peu atteindre

des dizaines, voire des centaines de kilomètres, et

sur lesquelles l’occurrence de deux événements

d’ampleur comparable peut être séparé de

dizaines, de centaines voire de milliers d’années.

Nous percevons dans ce cas la difficulté du

problème, et vu ainsi, il parait déjà satisfaisant

d’être en mesure de « prédire » la survenue d’un

séisme de magnitude supérieure ou égale à une

valeur donnée, à l’échelle d’une région et à un

horizon d’une cinquantaine d’années. Cette forme

de prédiction à long terme à un nom, il s’agit de

l’évaluation de l’aléa sismique : ainsi, la carte

d’aléa sismique de la France (dont découle le

zonage sismique réglementaire) en est une

parfaite illustration. Certes il est difficile d’établir

des actions immédiates de protection-civile de

court terme avec de telles prédictions, mais il est

en revanche possible de les utiliser pour établir

des règles parasismiques adéquates pour réduire

les pertes lorsque des séismes importants

surviendront.

Soulignons qu’il existe désormais des approches

de « prédiction opérationnelle des séismes »

permettant de moduler ces cartes d’aléa (de long

terme donc) pour donner des indications sur le

court terme, par la prise en compte des

nombreuses observations évolutives en

provenance du terrain : sismicité et

microsismicité, mesures des champs de

contraintes...

Très concrètement, cela consiste en la production

de cartes régulièrement mises à jour

(quotidiennement ou de manière hebdomadaire)

représentant la probabilité d’occurrence d’un

séisme de magnitude donnée dans la semaine ou

le mois à venir. Mais que dire d’une augmentation

rapide de cette probabilité d’un facteur 100,

lorsque sa valeur demeure intrinsèquement très

faible (disons une chance sur 10.000) ?

Présentation des conclusions des travaux de la commission internationale pour l’étude de la prédiction, à la direction générale de la protection civile italienne en mai 2011 (source : protection civile italienne)

C’est pour apporter des pistes de réponse à ce

type de questions qu’après le séisme meurtrier

de l’Aquila survenu en Italie centrale en avril

2009, une commission internationale pour

l’étude de la prédiction des séismes fut

constituée dans l’urgence : elle recommanda,

outre le fait de poursuivre les efforts de

recherche en la matière, d’établir des protocoles

quantitatifs et transparents pour étayer la prise

de décision face à de telles incertitudes. D’ici là,

en attendant que de nouvelles avancées sur la

prévision à court terme des tremblements de

terre n’apporte des solutions opérationnelles, la

prévention et la préparation des populations

demeurent aujourd’hui la meilleure parade pour

nous protéger des séismes.

POUR ALLER PLUS LOIN :1

- Rapport d’état de l’art du BRGM - Ouvrage de Pascal Bernard « Pourquoi la Terre tremble » - Article du Musée de sismologie de Strasbourg sur la prédiction des séismes

1 Remerciements à Anne Lemoine, chercheuse au BRGM, pour ses conseils dans la rédaction de ce dossier.

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3 questions à Bertrand Rouet-Leduc

Bertrand Rouet-Leduc est chercheur au Laboratoire de Los Alamos (Etats-Unis).

Il est l’un des auteurs d’un article publié en mars 2017 sur la capacité de

l’intelligence artificielle à prédire les séismes en laboratoire1

" En laboratoire, notre modèle permet effectivement de prévoir le moment où la faille

va se rompre. Mais nous sommes loin de pouvoir affirmer que cela est transposable aux

conditions réelles bien plus complexes..."

Qu’est-ce que l’intelligence artificielle et qu’apporte-t-elle à la recherche sur la prévision des séismes

?

L’intelligence artificielle est la capacité des ordinateurs à appliquer la méthode scientifique de façon

automatique sur un très grand nombre de données : analyser, modéliser et vérifier. Une station

sismique peut enregistrer des centaines de données à la seconde et certaines le font depuis 20 ans.

Traiter l’ensemble est impossible pour l’homme et était encore impossible pour les machines il y a

seulement quelques années. L’intelligence artificielle permet d’utiliser pour la modélisation toutes

les données issues d’une station sismique ou d’une expérience en laboratoire. Jusqu’ici les

sismologues utilisent des catalogues de données, c’est-à-dire uniquement les signaux clairs et bien

corrélés entre les stations. Or, nos travaux en laboratoire sur une faille artificielle ont montré

l’intérêt du signal en continu pour établir un lien de causalité entre l’état de la faille, caractéristique

macroscopique, et les réarrangements microscopiques des fragments de roches de la faille qui

émettent un signal sismique.

Peut-on parler de prédiction assez précise pour envisager une évacuation préventive ?

Notre méthode caractérise l’état de la faille et permet à la fois de faire des prévisions à court et à

long terme, selon que l’analyse du signal sismique continu établit que la faille est dans un état

critique proche de la rupture ou non. En laboratoire, notre modèle permet effectivement de prévoir

le moment où la faille va se rompre. Mais nous sommes loin de pouvoir affirmer que cela est

transposable aux conditions réelles bien plus complexes. Dans les zones sismiques, plusieurs failles

se côtoient souvent et de multiples facteurs peuvent venir perturber le signal. Pour s’approcher des

conditions de laboratoire, nous testons notre modèle actuellement sur une faille réelle mais simple

et isolée. Il s’agit de la faille des Cascades située sous l’île de Vancouver qui cède lentement tous les

13 à 14 mois. Nos premiers constats sont encourageants. Les valeurs calculées par le modèle pour

l’état de la faille semblent bien corrélées à des caractéristiques du signal sismique continu.

Cela ouvrerait-t-il des perspectives pour l’ensemble des zones sismiques ?

C’est trop tôt pour le dire. Il faudrait ensuite tester notre modèle sur d’autres failles plus complexes.

Par ailleurs, il faut que la faille concernée soit bien instrumentée pour disposer de données de

bonne qualité. Dans tous les cas, nous avons le sentiment d’avoir ouvert un important champ de

travail pour la recherche grâce à la prise de conscience de l’intérêt du signal sismique continu.

1. Rouet-Leduc, B., Hulbert, C., Lubbers, N., Barros, K., Humphreys, C. J., & Johnson, P. A. (2017). Machine learning

predicts laboratory earthquakes. Geophysical Research Letters, 44, 9276

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Ça s’est passé par chez vous

Quel risque sismique pour les Alpes-Maritimes (Nice)

La préfecture des Alpes-Maritimes et la Métropole Nice-Côte d’Azur

ont organisé à Nice, le 3 octobre dernier, une journée d’information

et de sensibilisation au risque sismique. Cette journée, qui fut un

véritable succès mobilisant un large public, a été ponctuée par des

expositions, des ateliers de sensibilisation avec une table-vibrante,

ainsi qu’une démonstration par les pompiers d’une opération de

sauvetage-déblaiement. Deux conférences publiques ont

également été organisées : l’une sur la prise en compte du risque

sismique dans le département, et l’autre le plan de prévention des

risques sismique de la ville de Nice.

Allô la FAQ

Quelle est la signification des « zones de sismicité » ? Le territoire national est divisé en cinq zones de sismicité croissante (découpage au niveau communal),

de la zone de sismicité très faible (1) à la zone de sismicité forte (5). Ce zonage a été établi à partir

d’une étude d’évaluation probabiliste de l’aléa sismique de la France, c’est à dire prenant en compte

la probabilité d’occurrence des séismes.

L’arrêté du 22 octobre 2010, relatif à la classification et aux règles de construction parasismique

applicables aux bâtiments de la classe dite « à risque normal », fixe, pour chaque zone de sismicité, un

certain niveau d’accélération du sol, à prendre en compte pour l’application des règles de construction

parasismique aux bâtiments. Par exemple, la zone de sismicité moyenne (dans les Pyrénées, dans les

Alpes, en Provence et en Alsace) correspond à une accélération de 1.6 m/s² ou environ 0.16 g (1 g

correspond à l’accélération gravitationnelle terrestre).

Lire l’intégralité de l’article en ligne

QUEZAC ? Dispositions ORSEC « séisme » Le dispositif ORSEC (Organisation de la Réponse de Sécurité Civile) est un programme d'organisation

des secours à l'échelon départemental ou zonal, en cas de catastrophe. Il permet une mise en œuvre

rapide et efficace de tous les moyens nécessaires sous l'autorité du préfet.

Ce dispositif prévoit à la fois des « dispositions générales » applicables en

toutes circonstances, et des « dispositions spécifiques » propres à

certains risques particuliers. C’est le cas des dispositions spécifiques

« séisme », qui sont mises en place dans les régions présentant un risque

sismique important, et permettent de planifier la réponse opérationnelle

en prenant en compte les spécificités du séisme : prise en compte des

phénomènes de répliques et d’effets induits, secours aux victimes

impliquant la mobilisation d’équipes sauvetage-déblaiement,

mobilisation du dispositif « URGENCE » de l’AFPS pour réaliser des

diagnostics de vulnérabilité des bâtiments avant leur réintégration, etc.