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LA LIBERTÉ

LA LIBERTÉ. « Les différents niveaux de liberté » Liberté de droitLiberté de fait Liberté Liberté daction Liberté de la volonté

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LA LIBERTÉ

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« Les différents niveaux de liberté »

Liberté de droit Liberté de fait

Liberté

Liberté d’action

Liberté de la volonté

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(Problème) La liberté est-elle illusion ?

Suffit-il de se sentir libre dans ses désirs et dans ses choix pour l’être véritablement ?

Les causes véritables de nos choix ne nous échappent-ils pas au contraire ?

Le sentiment de notre liberté ne découle-t-il pas de notre ignorance des causes qui nous déterminent ?

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I. La liberté : un pouvoir de choisir ?

« notre liberté se connaît sans preuve, par la seule expérience que nous en avons », Principes de la Philosophie, I, 39.

1. La liberté ne se prouve pas mais « s’éprouve »

Selon Descartes, nous avons le sentiment certain de notre liberté.

Cette évidence immédiate de notre liberté repose dans le pouvoir absolu de notre volonté à se déterminer elle-même lors d’un choix à faire. (Auto-détermination)

Elle est tellement libre dans sa nature, qu’elle ne peut jamais être contrainte ou déterminée absolument, que ce soit par des mobiles sensibles (désirs, passions, sentiments), ou par des motifs rationnels (représentation de ce qui est bien, juste ou vrai, etc.)

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Pour mieux comprendre ce pouvoir de la volonté, il suffit de prendre une image, celle de la balance.

La liberté de la volonté apparaît comme ce qui est capable de faire pencher la balance, ou d’emporter la décision dans un sens ou dans l’autre.

2. La théorie de la liberté d’indifférence ou du « libre-arbitre »

Dans la plupart des situations de choix, nous nous décidons sur la base de motifs ou de raisons qui nous poussent à préférer une chose plutôt une autre. Mais ces raisons semblent ne jamais nous déterminer totalement, nous avons le sentiment que nous aurions très bien pu dans les mêmes circonstances faire le choix contraire par pure liberté.

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Notre liberté est telle que nous pourrions effectuer un choix même placé dans une situation d’« indifférence », où nous n’aurions aucune raison de choisir, de préférer une option à une autre. C’est ce que met en évidence l’exemple classique connu sous le nom d’« Âne de Buridan » :

Parce qu’il est dépourvu de liberté, on postule que l’âne finit par mourir de faim ne pouvant choisir. Placé dans une situation équivalente, on postule que l’homme, parce qu’il est doté d’une volonté libre, choisira quand même.

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Cet exemple décrit une situation où les plateaux de notre balance sont également chargés. En ce cas, la liberté est la force supplémentaire qui permet de faire pencher la balance ou de « nous déterminer aux choses auxquelles nous sommes indifférents ».

Cet exemple vise à mettre en évidence une situation où un choix a lieu « parce qu’il faut bien choisir », mais sans qu’il y ait aucune raison de choisir ceci plutôt que cela. Dans une telle situation, il est évident qu’il ne peut y avoir choix que s’il y a liberté, c’est-à-dire capacité à l’auto-détermination.

La liberté d’indifférence est « cet état dans lequel la volonté se trouve, lorsqu’elle n’est point portée, par la connaissance du vrai ou du bien, à

suivre un parti plutôt qu’un autre ».

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La liberté, comprise comme puissance des contraires, trouve son expression la plus claire dans la doctrine de l’acte gratuit ou immotivée, telle que l’a imaginée le romancier André Gide dans Les caves du Vatican.

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Si l’on s’en tient à l’idée développée par Gide, serait gratuit l’acte qui, tout en étant volontaire et réfléchi, serait dépourvu de fin ou de raison, voire même irait à l’encontre de toute raison.

Un acte gratuit, c’est un acte dénué de fondement, sans but, une forme d’arbitraire qui mettrait simplement en exergue la puissance de la liberté.

Dans  ce  roman,  le  personnage  principal, Lafcadio  précipite  par  la  portière  d’un  train,  un voyageur inconnu de lui, Fleurissoire, sans aucun motif,  ayant  ainsi  l’impression  d’agir  de  façon plus libre et personnelle.

« Qui  le  verrait,  pensait  Lafcadio ?  Là,  tout  près  de  ma  main,  sous  ma  main,  cette  double fermeture  que  je  peux  faire  jouer  aisément ;  cette  porte,  qui  cédant  tout  à  coup  le  laisserait crouler en avant, une petite poussée suffirait(…) on n’entendrait même pas un cri (…). Un crime immotivé, quel embarras pour la police ! Ce n’est pas tant des événements que j’ai curiosité, que de moi-même ». Et Lafcadio laisse la décision au hasard. « Si je puis compter jusqu’à douze, sans me presser, avant de voir dans la campagne quelque  feu »,  l’homme est sauvé, « je commence une ; deux ; trois ; quatre ; (lentement, lentement) cinq ; six ; sept ; huit ; neuf … Dix, un feu ! » Et le crime s’accomplit ».

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(Pb1) Seulement voilà, quel sens un tel acte immotivé peut-il recevoir ?

Si l’action faite par le personnage principal relève de l’arbitraire, du pur hasard, si celle-ci n’a aucune raison tant apparente que cachée, peut-on encore la considérer comme une action humaine ?

En abolissant toute raison d’agir, l’auteur de l’acte gratuit récuse le caractère humain de son acte et risque de sombrer dans la barbarie, l’inhumanité (cf. Kubrick, Orange Mécanique).

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(Pb2) Mais un tel acte immotivé est-il seulement possible, pensable ?

Objection de Leibniz« C’est absolument contraire à

l’expérience, et quand on s’examinera, l’on trouvera qu’il y a toujours quelque cause ou raison qui nous a inclinés dans le parti

qu’on a pris, quoique bien souvent ou ne s’aperçoive pas de ce qui

nous meut » Essais de théodicée, § 314

S’il nous semble parfois nous déterminer dans l’indifférence des motifs, c’est seulement « que nous n’apercevons pas toujours des causes, souvent imperceptibles, dont notre résolution dépend. C’est comme si l’aiguille aimantée prenait plaisir de se tourner vers le nord. Là elle croirait tourner indépendamment de quelque cause, ne s’apercevant pas des mouvements imperceptibles de la matière magnétique ».

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3. Tout choix est nécessairement déterminé par des motifs

- Pour Descartes, notre liberté est une réalité qui n’a pas besoin d’être prouvée, puisqu’on en fait immédiatement l’expérience, celle-ci nous serait connue par le sentiment qu’on en a.

- Mais rien n’empêche que nous ayons ce sentiment, et que, en réalité, le monde obéisse à la nécessité et que donc nos choix soit en réalité déterminés par des causes ou des mobiles dont nous n’avons pas conscience.

« Telle est cette liberté humaine que tous les

hommes se vantent d’avoir, et qui consiste en cela seul

que les hommes sont conscients de leurs désirs

et ignorants des causes qui les déterminent »

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- Spinoza montre dans l’Ethique que nous ne faisons pas l’expérience du libre-arbitre : on prend seulement l’ignorance des causes pour une expérience de leur inexistence.

- Nous sommes toujours déterminés dans nos choix, mais nous avons conscience d’être libres, à cause de l’ignorance des causes qui nous déterminent.

Se dire libre, c’est être comme une pierre qui aurait conscience de son élan vers le bas mais ignorerait la loi de la chute des corps.

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II. Les figures de la Nécessité : Le Destin et le Déterminisme Universel

La notion de nécessité renvoie à l’idée que certaines choses ou événements ne peuvent pas ne pas se produire.

Mais tout est-il nécessaire, fixé d’avance ou bien certaines choses sont-elles contingentes ?

Si tout est nécessaire alors il semble qu’il n’y a plus aucune place pour la liberté, celle-ci suppose une certaine forme de contingence.

1. Qu’est-ce que la nécessité?

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Dans un jugement, ce qui est dit du sujet est considéré comme possible, réel ou nécessaire :

(1) Possibilité :

Possible : ce qui peut être, exister Impossible : ce qui ne peut pas être, exister

Impossible

Possible

(2) Réalité :

Existence : ce qui estInexistence : ce qui n’est pas

Réel

(3) Nécessité :

Contingent : ce qui pourrait ne pas être Nécessaire : ce qui ne peut pas ne pas être

Repère : Contingent / Nécessaire / Possible

Nécessaire

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La croyance en la nécessité connaît deux versions qu’il faut bien distinguer :

(1) Le destin et le problème du fatalisme

(2) Le déterminisme universel et le principe de

la causalité naturelle

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2. Destin, fatalisme et liberté intérieure (Le Stoïcisme)

« Il y avait une fois, dans Bagdad, un Calife et son Vizir… Un jour, le Vizir arriva devant le Calife, pâle et tremblant : « pardonne mon épouvante, Lumière des Croyants, mais devant le palais une femme m’a heurté dans la foule. Je me suis retourné : et cette femme au teint pâle, aux cheveux sombres, à la gorge voilée par une écharpe rouge était la Mort. En me voyant, elle a fait un geste vers moi. […] Puisque la Mort me cherche ici, Seigneur, permets-moi de fuir me cacher loin d’ici, à Samarkand. En me hâtant, j’y serai avant ce soir ». Sur quoi il s’éloigna au grand galop de son cheval et disparut dans un nuage de poussière vers Samarkand. Le Calife sortit alors de son palais, et lui aussi rencontra la Mort : « Pourquoi avoir effrayé mon Vizir qui est jeune et bien-portant ? » demanda-t-il. Et la Mort répondit : « je n’ai pas voulu l’effrayer, mais en le voyant dans Bagdad, j’ai eu un geste de surprise, car je l’attends ce soi, à Samarkand ».

Le destin renvoie au fatum des latins qui a pour origine le verbe « fari », dire.

Le destin est d’abord ce qui a été révélé par l’oracle et qui arrivera inéluctablement, quoique l’on fasse ou que l’on entreprenne pour y échapper.

Telle est du moins la morale de ce conte soufi :

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Chez les anciens grecs on retrouve aussi une telle conception de la vie humaine, incapable de se soustraire à ce qui a déjà été fixé pour nous .

Dans la pièce de Sophocle, Œdipe-Roi, on apprend que l’oracle de Delphes a prédit qu’Œdipe tuerait son père Laïos et épouserait sa mère, Jocaste. Tout ce que tente le héros pour éviter que la prédiction se réalise ne fait en réalité que contribuer à l’enchaînement fatal des événements.

La dimension tragique d’une telle histoire réside dans le fait que c’est en voulant se soustraire à son destin qu’Œdipe, et chacun d’entre nous, finit par l’accomplir.

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- Destin et liberté intérieure : le Stoïcisme

Pour les Stoïciens, rien de ce qui arrive dans l’univers (cosmos) n’est dû au hasard. Celui-ci est gouverné en sa totalité par une « divine providence » qui règle et organise toutes ses manifestations.

Les stoïciens croient au destin. Il partent du principe que tout ce qui arrive devait arriver, conformément à l’ordre de causalité établi dans la nature par la raison divine.

« J'appelle destin (fatum) ce que les Grecs appellent heimarménè, c'est-à-

dire l'ordre et la série des causes, quand une cause liée à une autre produit

d'elle-même un effet. (...) On comprend dès lors que le destin n'est pas ce

qu'entend la superstition, mais ce que dit la science, à savoir la cause éternelle des choses, en vertu de laquelle les faits

passés sont arrivés, les présents arrivent et les futurs doivent arriver. »

Cicéron, De la divination

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Pour les stoïciens, il est donc vain de se révolter contre le mauvais sort, la malchance ou l’infortune.

Il faut apprendre à accepter le destin, les choses qui nous arrivent comme elles nous arrivent et à bien distinguer ce qui dépend de nous de ce qui ne dépend pas de nous.

Changer les choses ne dépend pas de nous, puisqu’il y a le destin. Mais changer notre opinion sur les choses, par contre dépend de nous.

Soit nous acceptons le Destin, soit nous nous rendons malheureux en poursuivant en vain des choses qui ne dépendent pas de nous.

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« Il ne faut pas demander que les événements arrivent comme tu le veux, mais il faut les vouloir comme ils arrivent; ainsi ta vie sera

heureuse »Epictète, Manuel

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L’idée que tout ce qui arrive est déjà écrit d’avance, fixé avant même notre naissance (prédestination) pourrait conduire certains à céder à ce qu’on appelle le « fatalisme », c’est-à-dire à une forme de résignation face au monde et au sort qui nous est réservé.

Elle conduit notamment à adopter ce qu’on appelle le « raisonnement du paresseux ». Le voici, rapporté par Cicéron dans Du Destin, XII, 28 :

« Si c’est votre destin de guérir

de cette maladie, que vous fassiez ou non venir le médecin, vous en guérirez. Pareillement, si c’est votre destin de ne pas

guérir, vous n’en guérirez pas. Et l’un des deux est votre destin. Donc il ne sert à rien de faire

venir le médecin ».

Objection à l’« argument du paresseux »

« « Que tu fasses ou non appel au médecin, tu guériras » est un

raisonnement captieux : il dépend en effet autant du destin

d’appeler le médecin que de guérir. »

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3. Le déterminisme universelLe déterminisme causal est la thèse selon laquelle tout ce qui arrive, chaque événement dans l’univers est le résultat d’un enchaînement de causes et d’effets antérieurs – chaque cause déterminant toujours les mêmes effets.

« Une intelligence qui, pour un instant donné, connaîtrait toutes les forces dont la nature est animée et la situation respective des êtres qui la composent, si d’ailleurs elle

était assez vaste pour soumettre ces données à l’analyse, embrasserait dans la même formule les mouvements les plus grands de l’univers et ceux du plus léger

atome : rien ne serait incertain pour elle, et l’avenir, comme le passé serait présent à ses

yeux ».

Le Démon de La Place

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Si nous avions la possibilité d’adopter un point de vue – celui du « démon » de Laplace – qui embrasse l’univers dans sa totalité, si nous avions connaissance de toutes les lois qui régissent les phénomènes et étions capables de connaître à un temps T tous les événements qui se produisent dans l’univers, alors nous aurions aussi immédiatement une connaissance de tous les événements passés et à venir.

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Il n'y a pas de hasard dans les phénomènes matériels, pas d'effet sans cause.

Si un phénomène matériel se produit (une balle de golfe prend son envol, un neurone bouge), c'est qu'il a été causé par un autre phénomène matériel (choc de la canne de golfe, stimulus électrique, etc.)

On peut donc dire que le monde matériel est "déterminé", dans la mesure où, si je connais la position et la vitesse exacte de toutes les particules d'un système, je peux prédire l'avenir (et retrouver le passé) de ce système :

c'est ce qui permet à tous les élèves de terminale de "prédire" la trajectoire d'une balle de golfe ou d'un ballon de basket quand ils sont soumis à une force de vecteur V.

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- De ce point de vue, il n’y a pas de contingence dans ce monde, tout ce qui arrive n’est que le résultat d’un enchaînement nécessaire de causes et d’effets.

- Le hasard n’existe pour nous que parce que nous sommes incapable de connaître l’ensemble des facteurs ou des causes qui déterminent les mouvements des choses.

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Le déterminisme, pensé radicalement, implique la suppression de toute différence essentielle entre une conduite humaine, un comportement animal et une réaction mécanique.

Tout comme n’importe quel autre phénomène, les actions humaines devraient pouvoir être prévisibles et s’expliquer à partir d’une série de causes déterminantes qu’il suffirait de mettre à jour.

- Le déterminisme appliqué à l’homme

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L’action humaine semble être soumise à de multiples déterminismes qui en conditionnent la réalisation :

- Physique , biologique, génétique

- Psychologique

- Sociologique

La thèse déterministe pose un problème de taille : si tout est déterminé, sommes-nous alors encore responsables de nos actes ?

Si la liberté de choix est illusoire, alors il faut remettre en cause toute idée d’imputation morale. On n’est responsable d’un acte que dans la mesure où l’on a choisi de l’accomplir. Or si on considère que l’homme est entièrement soumis à la causalité naturelle, cela signifie que ses actions sont déterminées tout aussi mécaniquement que le mouvement d’une pierre quand on la pousse ; on ne peut donc plus le considérer comme moralement responsable.

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Cette perspective met en péril toute possibilité de la morale :

- Comme le note Sartre, l’homme pourrait arguer du caractère nécessaire de tout ce qui arrive pour ne pas assumer la responsabilité de ses actions.

- C’est une position confortable qui permettrait d’échapper au sentiment de culpabilité et d’angoisse que peut faire naître la liberté, qui pour Sartre, confronte l’homme à une responsabilité absolue.

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« Il n’est pas rationnel de croire que les choix sont déterminés et, simultanément de

considérer que les hommes méritent d’être blâmés ou loués pour leurs actes »

Isaiah Berlin

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- Objections au déterminisme

- Le déterminisme universel n’est qu’un postulat métaphysique qui ne peut être prouvé et qui est remis en cause aujourd’hui par la physique quantique et la théorie du chaos

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- Les déterminismes particuliers (causes sociales, culturelles, psychiques, biologiques, génétiques…) ne sont pas des déterminismes absolus.

Que je sois déterminé par mon éducation, mon patrimoine génétique, etc. n’implique pas que je sois « nécessité » à devenir tel individu, à faire tels choix, etc., cela signifie seulement que ces divers facteurs vont avoir une certaine « influence », peser dans mes choix.

- Ni le déterminisme génétique ni le déterminisme social ne mettent en valeur des liens de causalité nécessaire entre conditions et phénomènes. Le lien n’est qu’un lien de probabilité.

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Prenons l’exemple de la reproduction sociale. Nos aspirations elles-mêmes sont déterminées socialement par le groupe d’origine, donc notre capacité de choisir elle-même.

Mais

- il ne s’agit que de lois statistiques, des tendances. Il faut distinguer entre probabilités et nécessité. Il est nécessaire qu’un organisme meurt, mais il n’est pas nécessaire qu’un fils d’ouvrier soit ouvrier : C’est seulement probable. De plus, les probabilités restent faibles.

-il n’y a donc aucune fatalité à ce qu’un ouvrier devienne ouvrier.

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III. Raison et liberté

- Être libre, ce n’est pas « faire ce qu’on veut » car nos choix pourraient n’être que l’expression d’un ensemble de facteurs (biologique, sociaux, etc.) dont nous n’avons pas conscience.

- Pour être libre, il faut apprendre à comprendre les déterminismes qui pèsent sur nos vies pour s’en libérer et pouvoir faire des choix « en connaissance de cause », d’après des raisons véritables et mûrement réfléchies.

1. Connaître ce qui nous détermine et agir d’après des raisons

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2. La distinction entre les causes et les raisons de l’action

Georg Friedrich Hegel

Dans la mesure où l'homme allègue qu'il a été entraîné par des circonstances, des excitations, etc. il entend par là rejeter, pour ainsi dire, hors

de lui-même sa propre conduite, mais ainsi il se réduit tout simplement à l'état d'essence

non-libre ou naturelle, alors que sa conduite, en vérité, est toujours sienne, non celle d'un

autre ni l'effet de quelque chose qui existe hors de lui. Les circonstances ou mobiles n'ont

jamais sur les hommes que le pouvoir qu'il leur accorde lui-même ».

Propédeutique philosophique, § 15.

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Aucun motif n’est cause de l’action au sens propre, immédiat et irrémédiable où nous affirmons qu’un trébuchement « cause » une chute ou que le chose d’une boule de billard « cause » le mouvement de celle sur laquelle elle a frappé.

Le motif permet de rendre compte et de justifier une action mais ne l’explique par à la manière d’une cause physique.

Aucun motif, aussi évident et convaincant soit-il ne provoque nécessairement l’action.

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Il appartient à un motif de conduite de pouvoir être évalué : la « grammaire » des motifs comporte qu’on puisse les dire honorables ou indignes, sérieux ou futiles, nobles ou ignobles. Mais un « motif » qui a été évalué n’est plus un « facteur » qui aurait une « influence » sur la conduite, c’est une raison d’agir.

La liberté suppose d’avoir la capacité d’examiner et d’évaluer les motifs entrant en concurrence et de choisir d’agir en fonction de l’un d’entre eux, à l’exclusion des autres.

On retrouve là la leçon d’Aristote qu’il expose au livre III de son Ethique à Nicomaque :

Une action véritablement libre est une action qui est le résultat d’une délibération et d’une prise de décision.

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3. Pour être libre, il faut apprendre à bien raisonner

Une action sera réellement « libre » si elle est le produit d’une délibération de la raison et d’une prise de décision.

Nous délibérons lorsque nous voulons faire quelque chose, mais que nous ne savons pas comment agir, ou bien quand, ou bien dans quel sens, etc.

La délibération est une recherche rationnelle, qui cherche les conditions de la réalisation d’une fin.

Nous ne sommes pas libres au sens où nous aurions un pouvoir arbitraire de choix, mais parce que nous nous déterminons nous-mêmes à partir de la considération d’une fin qui n’est pas encore. L’action humaine est libre pour autant qu’elle est un moyen en vue d’une fin non encore réalisée, et non le simple effet de causes antérieures qui la détermineraient mécaniquement.

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Notre liberté réside donc dans notre capacité à évaluer et à réviser nos motifs d’action et à connaître les causes qui nous influencent.

Si je prends conscience des déterminismes qui influencent mes choix et mes actions, je pourrai les intégrer comme obstacle à contourner dans le raisonnement qui me conduira à choisir d’agir de telle ou telle manière. L’homme qui ne réfléchit pas, qui refuse de développer sa raison, qui fait le choix de l’ignorance quelque part, ne pourra pas être véritablement libre, il laissera ses pulsions, les autres, etc. décider pour lui. Il sera le jouet des multiples déterminismes qui pèsent sur chacun de nous.

Au contraire, celui qui augmentera sa connaissance, aussi bien de lui-même que du monde dans lequel il vit, pourra déjouer en partie ces déterminismes, il pourra s’en libérer progressivement en acquérant une autonomie plus grande.

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Conclusion : les conditions politiques de la liberté

On ne peut pas nier le fait que l’homme soit soumis à différentes formes de déterminisme.

Mais ces déterminismes, naturels, sociaux, psychologiques, n’agissent pas comme des causes dont nos actions ne seraient que l’effet.

Ils orientent nos choix, notamment parce qu’ils conditionnent nos désirs. Mais qu’il y ait orientation ou influence, cela ne signifie pas qu’il y ait détermination mécanique :

l’homme n’est pas qu’une marionnette entre les mains de la « nature » ou de la « société » ou de son propre esprit inconscient.

Le sujet reste libre de consentir ou non à ces déterminismes qui orientent ces choix. Bref, il conserve un libre-arbitre – ce qui le rend bien responsable devant les autres hommes.

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Cela-dit, en consentant à ces désirs qu’il n’a pas lui-même forgé, l’homme, bien que doué de libre-arbitre, est aliéné : sa volonté libre suit passivement, voire aveuglément ses affects.

L’homme est ainsi généralement hétéronome. Car ses affects le font suivre ce que les autres, son milieu social, sa famille, ses proches, lui font aimer, et lui font fuir ce qu’ils lui font haïr.

Bref, l’homme n’a généralement pas d’autonomie dans ses jugements.

Devenir libre au sens de devenir autonome (en plus d’avoir un libre-arbitre), cela suppose suivre les règles auxquelles on a consenti par un jugement rationnel, après réflexion.

La liberté de la volonté devient ainsi liberté éclairée, éclairée par la raison.

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Mais suivre les règles qu’on s’est soi-même fixé, cela suppose un contexte social et politique adéquat.

Je ne peux être autonome en vivant dans une communauté religieuse (par exemple) ou dans une communauté politique qui décide pour moi quelles doivent être mes actions.

Car parmi les règles que l’individu suit, il y a évidemment les règles juridiques ou lois : ces règles qui concernent la totalité de la société dans sa dimension politique ou Etat.

Pour être autonome individuellement, le sujet doit donc aussi vivre dans une communauté organisée selon l’idéal de l’autonomie collective : une communauté politique dans laquelle les règles sont édictés par les membres eux-mêmes : une république démocratique.

L’autonomie individuelle suppose donc participer à l’élaboration des lois : elle suppose donc des libertés (droits) politiques. Et elle suppose surtout une formation de la capacité de raisonner et de juger, bref, une éducation de la raison : tel est le rôle de l’école selon la « philosophie » de la république.