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7 actualités Actualités pharmaceutiques n° 515 Avril 2012 À l’occasion du congrès PharmaSuccess 2012 1 , Patrick Fallet, profes- seur de droit et d’économie à l’Université Paris Sud 11, a mis en relief certaines applications réglementaires de la loi relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, égale- ment appelée “loi Bertrand” 2 . Il a commenté les quelques inquiétudes se faisant jour dans l’industrie pharmaceutique et parmi les professionnels de santé quant à son application. S’agissant de la lutte contre les conflits d’intérêt, le gouver- nement désire instaurer une transparence totale en obligeant l’industrie pharmaceutique à rendre publique l’existence de conventions conclues avec les parties intervenant dans le champ de la santé, ainsi que l’attribu- tion d’avantages en nature ou en espèces. Il souhaite ainsi transposer le système américain du Sunshine Act et cela, dès le premier euro engagé, y com- pris envers les étudiants. Cette disposition interpelle : le fait que tout citoyen puisse consulter sur le site internet du laboratoire que son médecin ou son pharmacien a bénéficié d’un buffet à X € par personne lors d’un événement Y, ne s’apparenterait-il pas à une atteinte à la vie privée ? Par ailleurs, la “loi Bertrand” renfor ce la “loi anti-cadeaux” qui interdit tout avantage en nature, sauf dans quelques cas précis. Ceci pourrait poser un problème à certaines entités qui n’ont pas été incluses dans les excep- tions, notamment des structures de recherche. Ainsi, si les asso- ciations de médecins menant un protocole de recherche ne sont pas prévues parmi les excep- tions de cette loi, il sera interdit à un laboratoire pharmaceutique de leur fournir à titre gratuit tout traitement, dispositif médical ou aide technique. Enfin, les autorités souhaitent idéalement qu’il n’y ait aucun lien entre les professionnels de santé et l’industrie pharmaceutique. Mais, sur ce point, le Pr Fallet rappelle qu’il peut exister un lien sans pour autant qu’il y ait un conflit d’intérêt. Concernant le volet sur l’infor- mation et la formation des professionnels de santé, la loi instaure un contrôle “a priori” de la publicité, alors que, dans le passé, il intervenait “a poste- riori”. Ainsi, l’obligation d’obte- nir un visa risque de peser sur la réactivité des laboratoires dans leurs campagnes publicitaires. Pour le Pr Fallet, cette loi consti- tue une mesure nécessaire pour prévenir tout nouveau scandale atteignant notre système de santé. Cependant, il faut rester vigilant quant aux textes à venir et à leur impact sur l’exercice des professionnels de santé, l’objectif final étant de mieux sécuriser notre système de santé, et non de freiner l’activité des professionnels de santé. Gérald Beylot Pharmacien, Paris (75) [email protected] Q u’il s’agisse du médi- cament humain ou du médicament vété- rinaire, le pharmacien a tout sa place dans sa dispensation, quoi qu’en disent certains vétérinaires. C’est le credo que martèle inlassablement l’Association nationale de la pharmacie vétérinaire d’offi- cine (ANPVO) depuis sa créa- tion, en 2008. Les enjeux de santé publi- que de cette implication sont importants : impact potentiel sur la santé d’autrui via les résidus dans l’alimentation ou l’environnement, ou encore antibiorésistance, domaine dans lequel le pharmacien « devrait jouer un rôle de plus en plus éminent, dans l’intérêt de la santé publique ». Les garanties de sécurité liées à la prescription et à la dispensation du médicament vétérinaire doivent, insiste Jacky Maillet, président de l’ANPVO, « être au même niveau de compétence que celui exigé en santé humaine ». L’association dénonce égale- ment une permissivité envers la réglementation concernant les groupements d’éleveurs, ainsi que des conventions liant ces derniers à des vétérinaires libéraux. Autre dossier : la révi- sion de la liste d’exonération des substances vénéneuses destinées aux animaux de compagnie. La Commission nationale du médicament vétérinaire a accepté les propositions de révision qui ont été faites entre autres par l’ANPVO. Alors même qu’en méde- cine humaine le pharmacien est autorisé à renouveler les prescriptions, et à dispen- ser la “pilule du lendemain”, l’exonération est refusée pour les pilules contraceptives (acé- tate de médroxyprogestérone, acétate de mégestrol). De même pour les antibiotiques et les corticoïdes. Mais – et cette avancée était deman- dée depuis longtemps par la profession – l’exonération est accordée pour les vermifuges oraux, ce qui devrait, indique Jacky Maillet, « donner accès pour le pharmacien à un nouveau marché de 12 millions d’euros ». Il ne « reste plus » qu’à attendre la signature de l’arrêté ministériel officialisant ces dispositions. Alain Noël Journaliste, Paris (75) [email protected] Législation La “loi Bertrand” interroge l’industrie pharmaceutique a a a Officine Le médicament vétérinaire est d’abord un médicament Sources 1. “Loi Bertrand : les nouvelles règles du jeu concurrentiel”. Congrès PharmaSuccess 2012, Paris–La Défense, 15 mars 2012. 2. Discours de Xavier Bertrand du 26 octobre 2011 : www.sante.gouv.fr/ discours-de-xavier-bertrand-examen-du- pjl-relatif-au-renforcement-de-la-securite- sanitaire-du-medicament-et-des-produits- de-sante-le-26-octobre-2011.html

La “loi Bertrand” interroge l’industrie pharmaceutique

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7 actualités

Actualités pharmaceutiques n° 515 Avril 2012

À l’occasion du congrès PharmaSuccess 20121, Patrick Fallet, profes-

seur de droit et d’économie à l’Université Paris Sud 11, a mis en relief certaines applications réglementaires de la loi relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, égale-ment appelée “loi Bertrand”2. Il a commenté les quelques inquiétudes se faisant jour dans l’indus trie pharmaceutique et parmi les professionnels de santé quant à son application.S’agissant de la lutte contre les conflits d’intérêt, le gouver-nement désire instaurer une transparence totale en obligeant l’indus trie pharmaceutique à rendre publique l’existence de conventions conclues avec les parties intervenant dans le champ de la santé, ainsi que l’attri bu-tion d’avantages en nature ou en espèces. Il souhaite ainsi transposer le système américain du Sunshine Act et cela, dès le premier euro engagé, y com-pris envers les étudiants. Cette disposition interpelle : le fait que tout citoyen puisse consulter sur le site internet du laboratoire que son médecin ou son pharmacien a bénéficié d’un buffet à X € par personne lors d’un événement Y, ne s’appa ren te rait- il pas à une atteinte à la vie privée ?Par ailleurs, la “loi Bertrand” renfor ce la “loi anti-cadeaux” qui interdit tout avantage en nature, sauf dans quelques cas précis. Ceci pourrait poser un problème à certaines entités qui n’ont pas été incluses dans les excep-tions, notamment des structures de recherche. Ainsi, si les asso-ciations de médecins menant un

protocole de recherche ne sont pas prévues parmi les excep-tions de cette loi, il sera interdit à un laboratoire pharmaceutique de leur fournir à titre gratuit tout traitement, dispositif médical ou aide technique.Enfin, les autorités souhaitent idéalement qu’il n’y ait aucun lien entre les professionnels de santé et l’industrie pharmaceutique. Mais, sur ce point, le Pr Fallet rappelle qu’il peut exister un lien sans pour autant qu’il y ait un conflit d’intérêt.Concernant le volet sur l’infor-mation et la formation des professionnels de santé, la loi instaure un contrôle “a priori” de la publicité, alors que, dans le passé, il intervenait “a poste-riori”. Ainsi, l’obligation d’obte-nir un visa risque de peser sur la réactivité des laboratoires dans leurs campagnes publicitaires.Pour le Pr Fallet, cette loi consti-tue une mesure nécessaire pour prévenir tout nouveau scandale atteignant notre système de santé. Cependant, il faut rester vigilant quant aux textes à venir et à leur impact sur l’exercice des professionnels de santé, l’objec tif final étant de mieux sécuriser notre système de santé, et non de freiner l’activité des professionnels de santé. �

Gérald Beylot

Pharmacien, Paris (75)

[email protected]

Qu’il s’agisse du médi-cament humain ou du médicament vété-

rinaire, le pharmacien a tout sa place dans sa dispensation, quoi qu’en disent certains vétérinaires. C’est le credo que martèle inlassablement l’Association nationale de la pharmacie vétérinaire d’offi-cine (ANPVO) depuis sa créa-tion, en 2008.Les enjeux de santé publi-que de cette implication sont importants : impact potentiel sur la santé d’autrui via les résidus dans l’alimentation ou l’environnement, ou encore antibiorésistance, domaine dans lequel le pharmacien « devrait jouer un rôle de plus en plus éminent, dans l’intérêt de la santé publique ».Les garanties de sécurité liées à la prescription et à la dispensation du médicament vétérinaire doivent, insiste Jacky Maillet, président de l’ANPVO, « être au même niveau de compétence que celui exigé en santé humaine ». L’association dénonce égale-ment une permissivité envers la réglementation concernant les groupements d’éleveurs, ainsi que des conventions liant ces derniers à des vétérinaires

libéraux. Autre dossier : la révi-sion de la liste d’exonération des substances vénéneuses destinées aux animaux de compagnie. La Commission nationale du médicament vétérinaire a accepté les propo si tions de révision qui ont été faites entre autres par l’ANPVO.Alors même qu’en méde-cine humaine le pharmacien est autorisé à renouveler les prescriptions, et à dispen-ser la “pilule du lendemain”, l’exoné ra tion est refusée pour les pilules contraceptives (acé-tate de médroxyprogestérone, acétate de mégestrol). De même pour les antibiotiques et les corticoïdes. Mais – et cette avancée était deman-dée depuis longtemps par la profession – l’exoné ra tion est accordée pour les vermifuges oraux, ce qui devrait, indique Jacky Maillet, « donner accès pour le pharmacien à un nouveau marché de 12 millions d’euros ». Il ne « reste plus » qu’à attendre la signature de l’arrêté ministériel officialisant ces dispositions. �

Alain Noël

Journaliste, Paris (75)

[email protected]

Législation

La “loi Bertrand” interroge l’industrie pharmaceutique

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Officine

Le médicament vétérinaire est d’abord un médicament

Sources1. “Loi Bertrand : les nouvelles règles du jeu concurrentiel”. Congrès PharmaSuccess 2012, Paris–La Défense, 15 mars 2012.

2. Discours de Xavier Bertrand du 26 octobre 2011 : www.sante.gouv.fr/discours-de-xavier-bertrand-examen-du-pjl-relatif-au-renforcement-de-la-securite-sanitaire-du-medicament-et-des-produits-de-sante-le-26-octobre-2011.html