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International African Institute La Maladie du Sommeil au Cameroun Author(s): E. Jamot Source: Africa: Journal of the International African Institute, Vol. 3, No. 2 (Apr., 1930), pp. 161-177 Published by: Cambridge University Press on behalf of the International African Institute Stable URL: http://www.jstor.org/stable/1155796 . Accessed: 14/06/2014 23:16 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Cambridge University Press and International African Institute are collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Africa: Journal of the International African Institute. http://www.jstor.org This content downloaded from 195.78.109.96 on Sat, 14 Jun 2014 23:16:30 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

La Maladie du Sommeil au Cameroun

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La Maladie du Sommeil au CamerounAuthor(s): E. JamotSource: Africa: Journal of the International African Institute, Vol. 3, No. 2 (Apr., 1930), pp.161-177Published by: Cambridge University Press on behalf of the International African InstituteStable URL: http://www.jstor.org/stable/1155796 .

Accessed: 14/06/2014 23:16

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LA MALADIE DU SOMMEIL AU CAMEROUN

PAR E. JAMOT

D 'APRES la tradition indigene certaines contrees de la region de Ngaoundere, de Batouri, de Yokadouma et de Lomie auraient

ete autrefois decimees par la maladie du sommeil. Ce que nous savons actuellement des conditions dans lesquelles cette affection se propage rend cette hypothese tout-a-fait improbable et en verite nous ne savons ni quand, ni comment, la maladie du sommeil a fait son apparition dans le centre et l'est du Cameroun.

En I901, le Capitaine Von Stein, en signale un foyer 'a l'est d'Atok, sur le Nyong superieur. En 1910, les Allemands installerent a Akono- linga, a 00oo km. en aval d'Atok, un premier camp de concentration de trypanosomes. Six mois apres sa creation, ce camp avait 416 malades en traitement. Ce fait, et les investigations qui a partir de ce moment furent effectuees dans la region, montrent que deja le fleau sevissait avec une grande intensite sur les rives du Haut-Nyong. D'ailleurs des cette epoque les medecins allemands ne cessent d'appeler l'attention des pouvoirs publics sur les dangers de la situation et en Janvier I913 une commission sanitaire presidee par le Docteur Kuhn, medecin referendaire, se reunit 'a Ayos, point intermediaire entre Atok et Akonolinga au confluent du Nyong et du Long-Mafog, pour etudier les moyens pratiques d'organiser la lutte sur le Nyong et dans tout le Cameroun. Les mesures proposees par cette Commission furent aussitot approuvees par le Gouverneur du Cameroun et une circulaire du I7 Mai I913, qui souligne la gravite de la situation, les rendit executoires.

Les archives allemandes nous ont fait connaltre le plan de l'organisa- tion prophylactique que nos predecesseurs avaient mis en ceuvre pour maitriser le mal et nous devons reconnaitre que leur plan de campagne etait magistralement con9u. Un nouveau camp de segregation fut installe a Ayos qui est le centre geographique de la region contaminee. Tout le pays situe au Sud de la Sanaga fut divise en secteurs qui delimiterent les champs d'action des medecins. Des postes de surveil-

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i62 LA MALADIE DU SOMMEIL AU CAMEROUN

lance furent installes en differents points pour controler la circulation des indigenes. Un nombreux personnel de medecins, de sceurs, d'aides-sanitaires europeens et d'infirmiers indigenes, avait ete recrute pour ce service et des credits importants lui etaient consacres. Si nous sommes bien renseignes, Fl'action medicale ne poursuivait pas la guerison definitive des malades, mais leur blanchiment qui devait avoir pour consequence la disparition progressive des reservoirs de virus. Les malades les plus avances etaient traites pendant quelques mois dans les camps installes au centre de chaque secteur. Les autres etaient soignes dans leurs villages au cours de tournees periodiques dirigees par des aides-sanitaires europeens.

La prophylaxie biologique qui se propose de detruire les insectes transmetteurs, notamment les tses-tses, se poursuivait parallelement a l'action medicale. Autour des camps, des postes, des villages et des gues, des equipes de travailleurs dirigees par des agents sanitaires europeens effectuaient d'importants travaux de debroussaillement et d'assainissement. Toutes les zones debroussees devaient etre couvertes de cultures vivrieres qui etaient assez vastes autour de certains camps pour assurer l'entretien des malades.

Enfin pour faciliter l'assainissement des villages et la surveillance des habitants, l'Administration avait entrepris de creer de grosses agglomerations indigenes sur les principales routes, non loin des centres administratifs. Les localites voisines des cours d'eau et des marais etaient deplacees et transf6rees sur des points plus favorables.

La lutte ainsi engagee battait son plein lorsque la guerre eclata et mit fin aux operations. Nous ne connaissons pas le nombre exact des malades recenses et soignes par les Allemands dans les bassins du

Nyong et de la Doume et nous avons peu de renseignements sur les resultats de leurs recherches. En 1912 le docteur Stechele visita minutieusement la region de Doume ainsi que les vallees du Long et de l'Ayong. Ses chiffres que nous avons heureusement retrouves montrent que deja a cette epoque l'endemie sevissait avec severite dans toute cette contree et que de Doume elle se propageait dans toutes les directions. En 1913, le docteur Schachtmeier fit une tournee chez les Makas du Nord qui habitent a l'ouest de Bertoua et sur 3,878 habitants visites, il decouvrit 844 malades, soit z22%. Pour les regions

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LA MALADIE DU SOMMEIL AU CAMEROUN I63

riveraines du Nyong, nous savons seulement que la maladie tendait a gagner la region de Lomie et le bassin du Dja et qu'en I913, I,I27 malades avaient ete traites au camp d'Ayos. Ce chiffre indique que les tribus riveraines du Haut-Nyong etaient deja tres fortement contaminees.

On a ecrit qu'avant la guerre, le fleau etait localise sur les rives du Nyong et de ses principaux affluents, mais a notre connaissance aucune observation n'appuie cette affirmation et toutes les investigations qui ont ete faites depuis l'occupation fran$aise, montrent au contraire

qu'en I9I4 la maladie avait fait tache d'huile au nord et au sud du

Nyong et qu'elle s'etendait deja tres loin des rives du fleuve. Des I916, les medecins de Yaounde et de Doume signalent que la maladie sevit avec intensite dans leurs circonscriptions respectives. Les doc- teurs Peyronnet et Lebard explorent les bassins de la Doume, de la Kadei et du Long et ils constatent que la trypanosomiase est tres repandue partout. En I917-I918, le docteur Jullemier visite les rives du Nyong et de la Sanaga et une partie de la region comprise entre ces deux fleuves. I1 rapporte que tous les villages situes sur la rive droite du Nyong, entre l'Ayong et Akonolinga, sont contamines; qu'il y a de nombreux malades dans les groupements voisins d'Akono- linga, au sud du Nyong; qu'a l'ouest, la region est suspecte jusqu'a Kolmaka; que la partie du Nyong comprise entre Kolmaka et Olama est indemne; que dans les bassins de l'Ayong, du Come, du Mfoumou et de la Tele, situes entre le Nyong et la Sanaga, de nombreuses localites sont infectees; enfin que plusieurs villages riverains de la Sanaga sont contamines. En Novembre et Decembre 1919, nous constatames personnellement, au cours d'une exploration rapide, que dans plusieurs points de la subdivision d'Akonolinga, la maladie sevissait sous forme epidemique; qu'elle se propageait nettement a l'ouest d'Akonolinga, sur les rives du Nyong. Sur la route d'Akono- linga a Yaounde nous trouvames des malades dans tous les villages jusqu'a 25 km de Yaounde. De I920 a 1922, le docteur Jojot decouvre des trypanosomes dans tous les villages de la subdivision d'Akonolinga et le docteur Huot recense 2,000 malades dans la region de Doume. De i922 a 1925, avec la collaboration des docteurs Corson, Evrard, de Marqueissac, Marquand, Odend'hal, et Montestruc, nous visitons,

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I64 LA MALADIE DU SOMMEIL AU CAMEROUN

village par village, tous les habitants qu'il est possible de rassembler dans les subdivisions d'Akonolinga, d'Abong-Mbang et de Doume. Cette prospection methodique nous permet de constater que le Haut- Nyong est l'axe d'un foyer extremement violent.

Subdivision d'Akonolinga. Sur les routes qui longent le fleuve, dans la subdivision d'Akonolinga, la maladie existe partout a l'Petat epi- demique avec des coefficients d'infection allant de 22 a 97%. Parmi les 45 groupements de villages situes dans cette subdivision, au voisinage plus ou moins immediat du Nyong, on en trouve 32 ou les taux d'infection sont superieurs a 50%; 14 oU ils sont de 60 a 80% et 8 ou ils depassent 8o%. Sur les routes qui partent du fleuve, les taux d'infection diminuent progressivement, mais dans la partie de la sub- division qui est au nord du Nyong, ils restent partout tres eleves et dans les villages-frontieres des subdivisions de Yaounde et de Nanga- Eboko, ils varient de 38 a 78%. A l'Est, dans les villages-frontieres de la subdivision de Doume, les coefficients sont un peu moins eleves. Au sud du Nyong, la maladie sevit avec moins d'intensite, mais aucun village n'y est indemne, et tous les groupements limitrophes des sub- divisions de Yaounde, de Sangmelima et de Lomie sont plus ou moins contamines. L'index moyen d'infection est pour l'ensemble des habi- tants de 42% et la subdivision constitue un vaste foyer epidemique.

Subdivision d'Abong-Mbang. La rive droite du Nyong, entre l'Ayong et Abong-Mbang et sa rive gauche en amont d'Ayos, sont habitees par la tribu Maka qui semble avoir regu, vers la fin du siecle dernier, la premiere atteinte du mal. Les villages les plus rapproches d'Abong- Mbang sont peu contamines, mais les taux s'elevent progressivement de l'Est a l'Ouest et dans le grand groupement d'Atok qui est a mi- chemin entre Ayos et Abong-Mbang nous trouvons 953 trypanosomes sur I,246 habitants visites, soit 76%, et dans le village de Ngoule- makong qui est tout pres d'Ayos l'index d'infection est de 83%. Plus au sud, la maladie se propage dans le bassin du Long-Mafog et dans presque tous les villages Bikeles qui peuplent cette region, elle est epidemique. Dans la partie de la route d'Abong-Mbang a Lomie qui est comprise dans la subdivision d'Abong-Mbang, tous les villages sauf un, sont contamines. Pour l'ensemble de la subdivision le taux moyen d'infection est de 26%.

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LA MALADIE DU SOMMEIL AU CAMEROUN 165 Subdivision de Doume. Dans quelques villages de la rive droite du

Nyong; dans ceux qui sont situes au voisinage de poste; chez les Bayas de Bertoua et des villages environnants; dans les tribus Pol, Maka et Banvele-Bobili de la region de Deng-Deng; enfin a l'est, dans les villages Kakas riverains de la Doume et de la Kadei, la maladie sevit a I'etat epidemique.

Ailleurs la trypanosomiase existe a peu pros partout a l'etat en- demique. Le taux moyen d'infection de la subdivision est de Io.8%. Ainsi au debut de I924 dans les subdivisions d'Akonolinga, d'Abong- Mbang et de Doume, qui comptaient ensemble 124,000 habitants, 111,000 avaient ete examines, et 29,25 I reconnus trypanosomes, dont i8,8 5 2 a Akonolinga, 5,5 I6 a Abong-Mbang et 4,883 'a Doume. A l'ex- clusion de 17, tous les villages de cette vaste region etaient touches par la maladie. Dans les villages-frontieres situes a la peripherie de ces trois subdivisions on trouva les coefficients de morbidite suivants:

Vers Sangmelima . . . . de 6 a 42% Vers Lomie . de 6 a 34% Vers Batouri . de 4 a 59% Vers Ngaoundere . . . . de o a 3 % Vers Nanga-Eboko . . . . de o a 78% Vers Yaounde . . . . . de I4 51%

Ces observations demontraient que non seulement la maladie n'etait

pas localisee sur les rives du Nyong et de ses affluents, mais qu'elle s'etait diffusee dans tous les villages de la region et que dans toutes les directions elle s'etendait tres loin de son foyer primitif.

Par ailleurs, deux autres foyers de trypanosomiase avaient ete de- couverts et etudies, l'un au nord-ouest de Yaounde, dans le pays Bafia, l'autre au voisinage immediat du lac Tchad, dans les populations riveraines du Chari et du Logone.

I1 devint des lors manifeste que les moyens employes jusque la pour combattre le fleau etaient insuffisants et que le service prophylactique devait etre considerablement renforce. Et c'est ainsi que fut creee, en Juillet I926, la mission permanente de Prophylaxie du Cameroun, avec II medecins, 20 agents-sanitaires europeens et I50 infirmiers indigenes.

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166 LA MALADIE DU SOMMEIL AU CAMEROUN

Cette mission eut pour premier but de determiner l'importance et les limites du mal et de dresser la carte de la maladie du sommeil au Cameroun. Cette premiere etape vient d'etre franchie, apres trois annees de travail ininterrompu, pendant lesquelles 7 equipes de re- cherches, dirigees par des medecins et armees chacune de 8 a 14 microscopes, ont battu sans arret la brousse et la foret de la zone contaminee. Cette zone est circonscrite par une ligne qui va de Ndikinemeki a la frontiere du Gabon (au confluent du Ntem et de la Mboua); qui suit la frontiere gabonaise jusqu'au coude de l'Aina; qui va de ce point au village d'Ouesso sur la Kadei; d'Ouesso 'a Betare Sakali et au Lorn; qui suit le cours du Lorn descendant jusqu'en face de Deng-Deng oiu elle fait une petite hernie au nord du fleuve; puis le cours de la Sanaga jusqu'a son confluent avec le Noun; qui reunit enfin ce dernier point a Ndikinemeki.

Cette partie du territoire s'etend sur le bassin du Nyong, du Dja, de la Doume, de la Kadei et de la Sanaga. Elle est a cheval sur la grande foret equatoriale, qui se termine entre le Nyong et la Sanaga, et sur la savane qui se continue au nord jusqu'au Tchad. Le sub- stratum granitique et schisteux de la region commande sa configuration qui est tres accidentee. Du sud au nord et de l'est a l'ouest, c'est une succession ininterrompue de collines et de montagnes que separent des vallees parfois tres encaissees et des plaines marecageuses, dans

lesquelles serpentent d'innombrables cours d'eau. De loin en loin

quelques pics rocheux dominent le paysage. Comme dans la plupart des autres contrees de l'Afrique equatoriale, dans les zones de savane, les cours d'eau sont bordes par des galeries forestieres infestees de tses-tses.

La zone contaminee a une superficie d'environ 8o,ooo kmq. et sa population est evaluee a 800,000 habitants, soit Io habitants en moyenne au kmq.; mais, comme beaucoup de contrees de foret et de savane sont presque inhabitees, la population est en realite beaucoup plus dense. Elle englobe en totalite ou en partie les quinze unites administratives suivantes: Yaounde, Akonolinga, Abong-Mbang, Doume, Batouri, Bertoua, Deng-Deng, Nanga-Eboko, Lomie, Sang- melima, Ebolowa, Djoum, Bafia, Ndikinemeki et Babimbi.

D'octobre 1927 a novembre I929, tous les villages infectes, ou

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LA MALADIE DU SOMMEIL AU CAMEROUN 167 seulement suspects, de ces quinze subdivisions, ont ete visites par nos

equipes de depistage qui y ont examine un par un 643,888 habitants, soit 88% de la population recensee par l'Administration dans ces memes villages. Tous les sujets visites ont ete soumis aux investiga- tions du laboratoire de recherches et chacun d'eux a ete l'objet d'un ou de plusieurs examens qui ont eu pour but de decouvrir les trypano- somes dans le suc ganglionnaire ou dans le sang.

DISTRIBUTION DE LA MALADIE. I1 s'en faut de beaucoup que la maladie soit distribuee uniformement partout et sa propagation obeit a des lois qui nous sont bien connues.

A l'origine de tous les foyers de trypanosomiase, il y a toujours un premier cas importe. La maladie se propage d'abord dans l'entourage du premier malade, puis elle gagne les cases voisines et finit par envahir tout le village. Bientot les villages voisins s'infectent a leur tour et de proche en proche toute la region finit par etre contaminee. Cette evolu- tion se fait parfois tres lentement mais elle est souvent d'une rapidite foudroyante et nous connaissons de nombreuses regions ou la maladie a fait en quelques annees des progres effrayants. Dans certaines tribus, la presque totalite des gens finit par etre infectee et dans quelques villages de l'Oubangui et du Cameroun nous avons observe des taux d'infection de 97%.

Les cours d'eau et les routes les plus frequentees sont les voies naturelles des courants de contagion. Mais quand on suit l'un de ces courants, on constate que les taux de morbidite decroissent progressive- ment au fur et a mesure qu'on s'eloigne du foyer principal et qu'a une certaine distance la maladie disparait.

Dans la region du Cameroun qui nous occupe, le berceau de la maladie a ete de toute evidence sur les rives du Haut-Nyong. Dans cette zone de foret marecageuse, oi les marigots sont tres nombreux et infestes de tses-tses et oiu la population est relativement dense, elle trouva des conditions exceptionnellement favorables a son evolution. De la elle s'est propagee a l'est, dans le bassin de la Doume et de la Kadei, a l'ouest dans la region de Yaounde, au sud dans le bassin du Dja, enfin au nord jusqu'a la Sanaga, qu'elle n'a d'ailleurs franchie que sur un point, vers le pays Bafia. Cet immense foyer est isole par une

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i68 LA MALADIE DU SOMMEIL AU CAMEROUN

zone saine de tous ceux qui ont e'e signales dans les colonies voisines du Moyen-Congo, du Gabon et du Muni et il constitue une ve6ritable entite' epide'miologique.

Nous ne l'exarninerons pas en de'tail, mais seulement dans son ensemble et pour la commodite' de sa description nous le diviserons

en one ~id'mniques oii les taux d'infections sont partout superieurs ~t 15%;en zones end"mo-e"pid "miques oii ils sont tant6ot supe"rieurs et

tan6t nf~ieus ~I5%; enfin en zones ende"miques oii ils sont in- f6&ieurs 'a 15%.

Zones 6pid6miques. (a) Fqyer du Nyong UnJrmir apeai denmique s'e6tend sans interruption de Yaounde' jusqu'a Lomie'. Elle englobe quelques villages Yaounde's voisins du Chef-lieu, les tribus Mvedles et Tsingas de Yaounde', toute la subdivision d'Akonolinga, les Boulous de Bengbis, toute la subdivision d'Abong-Mbang, les Makas qui habitent la rive droite du Nyong, enfin dans la subdivision de Lomie', tous les Badjoue's, tous les Djems et les Dzimous de la route de Lomie"a Djaposten. Cette zone comprend une population de i6o,ooo habitants dont I44,349 ont e'e visite's. Parmi eux, 66,5 84J trypanosome's ont e'e trouve's, soit en moyenne 46%.

(b) Fqyer de Den,g-Den,g et de Bertoua et fryer de Batouri. Deux autres foyers 6pide"miques, momns importants et un peu momns violents-, sevissent l'un sur la rive gauche de la Sanaga et du Loin, dans la re'gion de Deng-Deng et de Bertoua; l'autre sur la Kadei et la Doume, 'a l'ouest du confluent de ces deux rivie'res et dans les groupements situe's au voisinage de Batouri. Dans ces deux foyers nous avons visite' 47,3 35 indlig'enes et nous avons trouve parmi eux i16,1I2 7 malades, soit 38%. Dans 1'ensemble de ces trois foyers qui comptent 211, 000

habitants, i91,684 Ont e'e examine's et 8 2,71 I reconnus trypanosome's soit 43%.

Zones end6mo-e~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~pid6miques. (a) Foyer de Doullz6 Ces trois nappes ai de'miques limitent dans la re'gion de Doume' une zone oii la maladie a evolue' beaucoup momns rapidement. Cependant sur 3 3,72 3 habitants, 4677, soit -13.8%., ont e'e reconnus malades.

(b) Foyer de Nan,ga-Eboho. La subdivision de Nanga-Eboko est au contact des deux grands foyers 6pide'miques d'Akonolinga et de Deng- Deng qui l'ont envahie chacun de leur co6te. Les villages du sud et de

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CAMEROUN

LA PXALADIE DU SOrMEIL dans les Bas.sins

DU HAUT- NYONG, Du DJA, DE LA DOUME, DE LA KADE ET DE LA SANAGA

en Juillet 1928

Echelle: l/5oo 00ooo

0 6 10 5 20 25 0 6 tO 45 60 K0in.

LEGGENDE

Limite du Territoire

Limite de Circonscription Limite de Subdivision

Itineraires suivis Nom de village et chiffres indiquant le coefficient d'infection du groupement auquel ils sont accoles.

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LA MALADIE DU SOMMEIL AU CAMEROUN 169

l'est ont ete tres eprouves et dans un village voisin de Nanga-Eboko, la morbidite atteint 43%. La region ouest n'a pas encore trop souffert, mais tous les groupements sont plus ou moins contamines. Les villages de la subdivision qui sont au nord de la Sanaga sont tout-a-fait indemnes. Dans l'ensemble de ce foyer nous avons trouve 5015 malades sur 32,292 habitants visites, soit 15,5%.

(c) Foyer des Manguissas et des Etoms voisins de la Sanaga. Chez les Manguissas et les Etoms qui vivent au voisinage de la Sanaga, dans la subdivision de Yaounde, nous avons examine 47,640 habitants dont 6,274, soit I3%, ont ete reconnus trypanosomes. Les taux de mor- bidite varient de 6 a 26%. Il s'agit la d'un foyer endemo-epidemique secondaire qui est separe du grand foyer epidemique du Nyong par une zone a faible endemicite.

(d) Foyer de Bafia. Sur la rive droite de la Sanaga et dans le fer a cheval forme par le cours inferieur du Mbam, la Sanaga et la Lihoua, la maladie sevit depuis sept ou huit ans, peut-etre mmem depuis beaucoup plus longtemps dans les tribus Lemande, Yambassa et Bafia. Ce foyer est au contact du foyer Manguissa dont nous venons de parler. Les taux de morbidite y sont relativement eleves et on a compte dans un village 64% de malades.

(e) Foyer de Sangmelima. La subdivision de Sangmelima renferme plusieurs petits foyers endemo-epidemiques qui sont dissemines sur les diverses pistes qui rayonnent du chef-lieu dans toutes les directions. Plusieurs de ces foyers, qui semblent tres virulents, menacent de se reunir et de faire tache d'huile.

Dans l'ensemble des foyers endemo-epidemiques, ceux de Sang- melima exclus, sur 174,000 habitants recenses, I6o,5o6 ont ete examines et 23,319, soit 14-5%, ont ete reconnus trypanosomes.

Zones endemiques. Dans les regions qui entourent les foyers epi- demiques et endemo-epidemiques, la maladie est endemique dans un grand nombre de villages. Partout nos recherches ont ete poursuivies, dans toutes les directions, bien au-dela de la limite du mal et nous avons ainsi visite a la peripherie des grands foyers 287,257 indigenes (sur une population totale de 343,762 habitants) et nous avons depiste parmi eux 6,893 malades, soit 2-4%.

Zones de transition entre les regions contaminees et les regions indemnes. N

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170 LA MALADIE DU SOMMEIL AU CAMEROUN A la limite des zones d'endemie, on ne rencontre dans la plupart des villages que quelques rares trypanosomes qui le plus souvent ont contracte leur maladie en dehors du groupement. Tres souvent ces malades sont des etrangers qui proviennent des regions contaminees et qui ont quitte provisoirement ou definitivement leur pays et leur village pour venir s'installer dans une autre chefferie, parfois tres eloignee de leur lieu d'origine. Enfin dans beaucoup de centres commerciaux situes en zone saine, de nombreux malades ont ete trouves parmi les employes et les manceuvres des factoreries.

Sur une population de 260,000 habitants appartenant a ces villages peripheriques, 23x,541 ont ete visites et 2,086,I soit 0.9%, ont ete reconnus trypanosomes. Ces malades sont dissemines dans les villages par un, par deux ou par trois, quelquefois par groupes de quatre ou cinq. Ce sont les germes des futurs foyers d'extension de la maladie.

Dans l'ensemble des foyers que nous venons d'examiner, sur une population recensee de 731,797 habitants, nous en avons examine

643,888, et nous avons trouve parmi eux, I 13,093 trypanosomes. En ajoutant a ces chiffres ceux du secteur du Nord-Cameroun, qui

a son centre a Logone-Birni, nous obtenons un total de II5,354 malades, pour une population de 663,97I habitants visites, corre- spondant a 752,520 indigenes recenses. Le coefficient moyen d'in- fection calcule par rapport a la population visitee est de 17-4%.

II resulte de ces chiffres que dans les zones prospectees 88,649 habitants ont echappe a l'examen. On peut vraisemblablement sup- poser que ces indigenes sont contamines dans les memes proportions que ceux qui ont ete visites et calculer qu'il y a parmi eux environ I5,000 malades inconnus. On peut evaluer ainsi a environ 130,000 le nombre total des trypanosomes existant dans les foyers que nous venons d'etudier.

TRAITEMENT DES MALADES. Les equipes de prospection ne se sont pas bornees a depister les malades et tous les trypanosomes recenses ont ete energiquement soignes. Mais avant de parler du traitement

Ces 2,086 malades font partie des 6, 893 trypanosomes qui ont et depistes dans les zones d'endemie.

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LA MALADIE DU SOMMEIL AU CAMEROUN 171

applique, nous croyons utile d'exposer brievement les donnees cliniques et therapeutiques qui guident notre action.

La trypanosomiase humaine evolue chez le malade en plusieurs periodes. Le parasite inocule se multiplie en premier lieu dans la lymphe et dans le sang et ce stade correspond a la premiere periode de la maladie. Au bout d'un certain temps, le trypanosome franchit la barriere meningee et envahit le liquide cephalorachidien. C'est ainsi que commence la deuxieme periode qui est suivie elle-meme d'une troisieme periode qui est la phase terminale de la maladie.

Notre arsenal therapeutique comprend l'atoxyl, l'emetique, le novar- senobenzol, le moranyl (que nous croyons identique au Bayer 205) et la tryparsamide. En associant judicieusement l'atoxyl, l'emetique, le novarsenobenzol et le moranyl, on peut guerir a peu pres a coup sur tous les malades a la premiere periode qui representent environ la moitie du nombre total des malades. Il est etabli d'autre part que la tryparsamide permet de guerir environ la moitie des malades des deuxieme et troisieme periodes et que le pourcentage des guerisons est d'autant plus eleve que les malades sont soignes plus pros du debut de la seconde periode.

Si nous totalisons les guerisons possibles, avec tous les medica- ments dont nous disposons, nous constatons que nous pouvons sauver au moins les deux tiers des malades. Nous nous proposons en conse- quence de traiter curativement tous les malades, de guerir tous ceux qui peuvent etre gueris et de soulager les incurables, tout en les rendant inoffensifs pour le milieu ou ils vivent. En visitant frequem- ment, les villages contamines, nous pensons reussir a depister les nouveaux cas de plus en plus pres du debut de l'infection et obtenir ainsi des pourcentages de guerisons de plus en plus eleves. Nous comptons mrme ne plus trouver d'ici quelques annees que des malades a la premiere periode, donc essentiellement curables. Les incurables s'eteignant peu a peu, la maladie finira elle-meme par disparaitre. Pour obtenir ce resultat, nous avons organise des equipes de traitement qui sont dirigees par des agents sanitaires europeens, et qui sont chargees d'appliquer a domicile les prescriptions du medecin.

Pratiquement voici comment les choses se passent: Quand tous les habitants d'un village ont ete examines, les malades sont rassembles et

N 2

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172 LA MALADIE DU SOMMEIL AU CAMEROUN

le medecin fixe pour chacun d'eux le traitement a appliquer. Ce premier traitement consiste generalement pour les nouveaux malades en une serie de 7 injections d'atoxyl, separees par un intervalle minimum de Io jours et maximum de 14 jours. Les anciens malades resoivent 10 injections hebdomadaires de tryparsamide. La premiere de ces injections est faite sur le champ par l'equipe de prospection. Lorsque le medecin depisteur a visite un certain nombre de villages, il organise un circuit de traitement sur lequel il lance l'une des deux equipes dont il dispose a cet effet. A jours fixes, l'equipe passe 6 ou 10 fois de suite dans les memes villages dont les malades ont ete prealablement recenses et elle applique a chacun le traitement prescrit. Ainsi toutes les operations de diagnostic et de traitement se font sous la surveillance directe d'un europeen.

Le premier traitement a l'atoxyl a pour but de refroidir les foyers et de les maitriser momentanement. Mais cette action n'est pas durable et pour eviter le reveil du mal, qui dans les deux tiers des cas n'a ete qu'endormi et masque, il est necessaire de completer le plus t6t possible ce traitement a l'atoxyl par une ou plusieurs series de tryparsamide.

Tous nos malades, dont le nombre a depasse de beaucoup nos previsions les plus pessimistes, n'ont pu etre soignes par l'association de ces deux medicaments, mais cependant en 1927 et en 1928, 900 kgs. d'atoxyl et 600 kgs. de tryparsamide ont ete utilises pour leur traitement.

RESULTATS. (a) Influence du traitement sur la mortalite. Au Cameroun comme en Afrique equatoriale, le pronostic spontane de la maladie semble fatal et tout individu trypanosome qui n'est pas soigne, ou qui l'est insuffisamment, est condamne a mourir plus ou moins t6t de sa maladie ou d'une affection intercurrente.

Pour evaluer avec precision le taux de la lethalite chex les malades non traites et par contre-coup la duree de l'evolution spontanee de la maladie, il faudrait connaitre le nombre des trypanosomes existant dans une region a une epoque donnee et le nombre des deces survenus parmi eux pendant l'annee qui a suivi. Le premier facteur du probleme est facile a determiner, mais il en est tout autrement du second qui

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LA MALADIE DU SOMMEIL AU CAMEROUN 173 ne peut etre etabli que si le medecin laisse ses malades sans soins. Rien ne pourrait justifier une semblable pratique et tout malade decouvert est aussit6t soigne.

En nous basant sur le fait que dans toutes les contrees oiu la maladie sevit depuis longtemps, les indigenes la reconnaissent parfaitement a sa phase terminale, nous avons demande aux chefs et aux notables le nom de tous les gens que la maladie avait tues depuis un an dans leur

village. Nous nous sommes livres a cette enquete dans plusieurs regions de l'Oubangui-Chari et du Cameroun et en rapportant les chiffres des deces ainsi obtenus au nombre des malades recenses dans les memes contrees, nous avons pu determiner le taux approximatif de la mortalite annuelle par maladie du sommeil. Nous avons egale- ment demontre que la virulence de l'affection est tres variable et

qu'elle suit une courbe parallele a celle des taux d'infection. Il resulte de ce fait que la lethalite' est d'autant plus forte que la morbidite est elle-meme plus elevee.

L'ensemble des observations que nous avons recueillies a ce sujet nous ont permis de conclure que dans les regions oZu la maladie est tres virulente, elle peut tuer en une annee plus de la moitie des malades, ce qui semble indiquer que dans de tels foyers son evolution dure environ deux annees.

Sous l'influence du traitement la mortalite diminue progressivement. (a) Mortalite totale. De i921 au milieu de 1926, le service prophy-

lactique du Cameroun a recense 68,692 trypanosomes qui ont ete plus ou moins regulierement soignes; 8,686 ont disparu sans laisser de traces. Parmi les 6o,ooo qui ont pu etre suivis, 2I,963 sont morts, soit 36%.

(b) Mortalite annuelle. Nous n'avons pu la determiner que pour quelques regions particulierement bien etudiees.

Dans la subdivision d'Akonolinga, ou le taux moyen d'infection est de 47%, nous avons releve pour une annee 2,330 deces sur I7,II2 malades, soit I3*5 deces pour Ioo trypanosomes.

Dans la subdivision d'Abong-Mbang qui bat le record de l'in- fection avec une morbidite moyenne de 62%, la plupart des malades ont ete energiquement soignes avec de l'atoxyl et de la tryparsamide.

1 La lethalite est le rapport du nombre des deces a celui des malades.

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174 LA MALADIE DU SOMMEIL AU CAMEROUN Pour un total de 9,954 trypanosomes existants au ier janvier 1927, nous n'avons enregistre pour une periode de 18 mois que 957 deces, soit 6-4 deces pour Ioo malades et pour une annee.

Dans la subdivision de Lomie, nous avons trouve chez les Badjoues, les Djems et les Dzimous de la route de Lomie a Djaposten, un coefficient de morbidite de 47%. Les malades sont traites uniquement a l'atoxyl et deux ans apres la premiere visite on y note 600 deces pour 4,420 malades, soit 6 7 deces pour Ioo malades et pour un an.

Dans un autre canton badjoue de la meme region, ou la morbidite moyenne est de 6 %, on enregistre pour 18 mois, 488 deces sur 3,20I trypanosomes, soit io deces pour ioo malades et pour une annee.

Dans la subdivision de Bafia, tous les malades ont ete traites depuis le debut de 1927 a l'atoxyl et a la tryparsamide.

Les deces ont ete enregistres trimestre par trimestre. En voici le releve: Ir trimestre 1927: 95 dec&s pour 1,767 malades au Ier janvier 1927, soit un

coefficient de mortalitd annuelle de 21%; 2eme trimestre 1927: 163 deces; 3eme trimestre 1927: 94 deces pour 3,243 malades au I ejuillet I928, soit i%. 4^me trimestre 1927: 27 deces; Ie" trimestre 1928: 49 deces pour 4,175 malades au Ier janvier i928, soit 4,4%; 2zme trimestre 1928: 43 deces; 3 me trimestre 1928: 85 deces pour 4,786 malades au Ierjuillet 1928, soit 6,8%.

Dans la subdivision de Yaounde, les populations voisines de la subdivision d'Akonolinga sont tres contaminees. Sur un total de 8,416 malades qui ont ete recenses dans cette region et qui ont regu comme traitement deux series d'injections d'atoxyl, nous n'avons releve pour 18 mois que 645 deces, soit 5 deces pour o00 malades et

pour un an.

L'enquete demographique que nous avons faite dans la region ou sevit la maladie du sommeil dans le but de connaitre les causes probables de la mortalite generale et l'importance respective de chacune de ces causes a montre que le taux moyen des deces etait de 9 pour o00 habitants, et que la maladie du sommeil causait a elle seule 2,4 deces pour Ioo habitants. La part des autres affections est ainsi reduite a 6,6%. Ce chiffre represente le coefficient moyen de la mortalite generale dans les contrees indemnes de maladie du sommeil.

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LA MALADIE DU SOMMEIL AU CAMEROUN 175 Or nous avons vu que le traitement energique des malades nous

avait permis de ramener presque partout la lethalite par trypanosomiase a un taux tres voisin de ce dernier chiffre.

Nous devons ajouter qu'a l'hypnoserie du Camp d'Ayos ou nous ne soignons que les grands sommeilleux et ou nous avons en perma- nence 500 malades en traitement, nous avons vu la mortalite tomber entre 1926 et I928, sous l'influence de la tryparsamide, de 27 a 12%.

(b) Reduction de la masse de virus en circulation. A chaque nouvelle tournee des equipes de depistage, tous les anciens malades sont revisites et soumis a un examen de controle de la lymphe et du sang. Dans les regions de Deng-Deng, de Bertoua et de Batouri qui n'avaient pas ete revues depuis deux ou trois ans, nous avons note des coefficients de sterilisation de I, 54 et 73%. Partout ailleurs ils depassent 80%. A Akonolinga ils sont de 85%, a Lomie de 89%, a Bafia de 92%, a Doume de 93%, a Abong-Mbang de 94% et enfin chez les Mveles de Yaounde de 99%.

Ce sont les risques de contagion qui sont diminues d'autant. (c) Influence demographique. Dans toutes les regions ou la maladie est

epidemique, il existe un ecart parfois tres important entre le taux des naissances et celui des deces, au prejudice des naissances. Dans le foyer de Bafia nous avons reussi a renverser cette formule. En 1926 et 1927 les tribus Yambassa et Bafia furent visitees entierement pour la premiere fois et on y enregistra pour l'annee qui avait precede la visite 3,642 deces, dont 85x par trypanosomiase et 2,241 naissances, soit un chiffre de naissances inferieur de 1,401 a celui des deces. Ces deux tribus sont tres contaminees et tous leurs malades sont energiquement soignes. En 1928, elles sont revisitees et on y compte pour l'annee ecoulee 3,271 dec's, dont 552 seulement par trypano- somiase et 3,5 4 naissances, soit un chiffre de naissances superieur de 243 a celui des deces.

(d) Action sur les foyers. Le traitement des malades a pour effet, comme nous venons de le voir, de reduire considerablement le virus en circulation et par suite d'empecher l'infection des agents de trans- mission, mais la mouche tse-tse garde son pouvoir infectant pendant

I Coefficient de sterilisation=pourcentage d'anciens malades n'ayant plus de parasites dans la lymphe et dans le sang.

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I76 LA MALADIE DU SOMMEIL AU CAMEROUN

plusieurs mois et l'experience a montre que le traitement des malades est generalement impuissant a arreter la contagion et a maitriser les foyers. Nous avons donc essaye, en consideration de ce fait, de diminuer la puissance de contagiosite de certains milieux epidemiques, en traitant tous les gens indemnes avec du Fourneau 309 (Bayer 205) ou de l'atoxyl.

Pour verifier des observations faites dans l'Oubangui, nous avons employe le Fourneau 309 en injections intraveineuses a la dose de deux et de quatre centigrammes par kg. Les individus ainsi traites et revus 7 mois apres se sont trouves contamines dans la meme proportion que les temoins. Et cependant le moranyl a une action preventive certaine qui a ete demontree experimentalement pour le Nagana par Launoy, Pierre Nicolle et Mademoiselle M. Prieur.I Mais notre essai a prouve, qu'aux doses oiu nous l'avons administre, ses effets pre- ventifs durent moins de sept mois. Nous nous proposons de reprendre cette importante question sur de nouvelles bases.

L'atoxyl a ete donnee a doses massives qui ont ete faites en series de 5 ou 6 injections. Les resultats ont ete tout-a-fait remarquables et nous avons l'intention de generaliser cette methode dans tous les foyers epidemiques.

MESURES DESTINEES A EMPECHER L'EXTENSION DE LA MALADIE. NOUS

avons vu que dans les zones d'endemie qui entourent les grands foyers et dans les zones de transition entre les regions contaminees et les regions indemnes, le pourcentage des malades est toujours peu eleve.

Estimant que le moyen le plus sur d'empecher l'eclosion de nouveaux foyers et d'arreter l'extension du fleau etait de debarrasser les villages des quelques malades qu'ils renferment, nous avons fait construire des villages d'isolement ou ces malades sont groupes. Une douzaine de villages ont deja ete crees et une vingtaine d'autres le seront prochainement. Nous esperons ainsi retrecir les limites de l'endemo-epidemie et mettre les populations qui vivent dans leur voisinage a l'abri de l'infection.

En resume, les operations effectuees en 1927 et 1928 par la mission de prophylaxie ont permis de reconnaitre le mal, de le mettre partout

I Voir tome CI, No. 22 de 1929 des Comptes rendus de la Soci6te de Biologie.

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LA MALADIE DU SOMMEIL AU CAMEROUN 177 a nu et d'engager contre lui une vigoureuse offensive qui l'a maitrise momentanement et oblige a reculer.

II s'agit maintenant de la vaincre definitivement. Ce sera l'ceuvre de demain. On peut etre assure que la lutte, quelque formidable, quelque ample qu'elle soit, se poursuivra ardemment, infatigablement, avec enthousiasme, jusqu'au bout. Les efforts enormes deja de- penses ont ete reconnus par la Commission des Mandats et par le Conseil de la Societe des Nations. Nous puisons un encouragement precieux dans ces lignes sobres que nous trouvons aux rapports presentes en conclusion des travaux de la XVe session: 'La Commis- sion des Mandats a constate avec satisfaction les efforts faits par la Puissance mandataire pour lutter contre le developpement de la maladie du sommeil et a souligne l'activite remarquable deployee par la mission speciale qu'elle a instituee a cet effet.'

E. JAMOT.

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