La Montagne Agriculture Et Réchauffement Bruno.parmentier

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  • 7/24/2019 La Montagne Agriculture Et Rchauffement Bruno.parmentier

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    LA MONTAGNE MARDI 24 NOVEMBRE 2015 49

    France & Monde Actualits

    Pdd

    AGRICULTURE Lconomiste Bruno Parmentier fait du sol lune des cls de la lutte contre le rchauffement climatique

    A lore dune rvolution douceINTERVIEW

    Jrme [email protected]

    E conomiste, ex-directeurde lcole suprieuredagriculture dAngers,spcialiste de la faim dansle monde (*), Bruno Par-mentier voit dans lagricul-ture un levier dautant plus

    formidable de la lutte con-tre le rchauffement clima-tique quelle y contribuegrandement La terre por-te en germe des solutionsnovatrices sans tre nouvel-les. Lun des enjeux de laCOP21 est de promouvoirune agriculture qui nourris-se la fois les sols et lhu-manit tout entire.

    Lagriculture est la pre-mire victime du rchauffe-ment ?Il y a des rgions duglobe auxquelles le r-chauffement bnficiera etdautres qui en ptiront.Notre pays sera peu im-pact et plutt positive-m en t a l or s qu il f igur e

    parmi les principaux pol-lueurs. Dautres pays se-ront, au contraire, forte-ment affects alors quilspolluent trs peu. Le Ban-gladesh, lInde, Madagas-car, le Npal, le Mozambi-que, les Philippines, Hati,lAfghanistan, le Zimba-bwe et la Birmanie sont,dans lordre, les dix paysles plus impacts. La Fran-ce napparat quau 133e

    rang dans ce classement.Plus de chaleur, plus deg a z c a r b o n i q u e , p l u sdhumidit, etc., lagricul-ture franaise, moyennantde srieux ajustements,pourrait mme devenir

    encore plus productive.Reste que sur le sol mtro-politain, les temptes liesau rchauffement pour-ront carrment menacer lafort des Landes, qui est laplus grande dEurope. Lesvignes remonteront vers lenord. Le mas dans le Sud-Ouest devra tre davanta-ge irrigu. Et pour cause :e n 2 0 5 0 , l a G a r o n n e Toulouse aura le mmetiage estival que le Gardaujourdhui Nmes ! EtParis connatra le mmec l i m a t q u e To u l o u s e.Ail leu rs dan s le mon de,

    trop ou trop peu deau,v o i re l a lt e r n a nc e d e sdeux, plongeront un peuplus dans le dsespoir despays qui ont dj du mal nourrir leurs populations.

    Les calamits climatiquespoussen t les populati ons lesunes contre les autresLesguerres sont lune des con-squences du rchauffe-ment climatique. Au Sahel,par exemple, les popula-tions nomades dans leurreflux de 400 kilomtresplus au sud se heurtent auxpopulations sdentaires. La

    cohabitation est dautantplus difficile que la terre neproduit pas assez. Elle est

    ju st e as se z fe rt il e po ur,sous couvert de diffrencesethniques, religieuses ouculturelles, alimenter desdiscours extrmistes exhor-tant ces populations laguerre civile.

    Premire victime du r-chauffement, lagricultureen est aussi une des premi-res cau ses ? Lagriculture(et en particulier llevage)pollue autant que le trans-port ! La raison tient lanature des gaz mis, sa-

    voir seulement 10 % sousforme de gaz carbonique,m a is 40 % d e m tha n e(principalement mis parles ruminants) et 50 % deprotoxyde dazote. Le m-thane, li la fermenta-tion de matires organi-ques en milieu humide,est 23 fois plus polluantque le gaz carbonique. Leprotoxyde dazote, li lafertilisation des sols pard es en gr a is a zots n ontransforms par les plan-tes et aux djections ani-males, lest 87 fois plus !

    La consommation de vian-de des pays mergents in-quiteLa Chine a multi-pli sa consommation parhuit en trente ans. Heu-reusement, les Chinois neboivent pas de lait aucontraire des Indiens qui,eux, ne mangent pas deviande. Heureusement car,en 2050, la population delInde aura dpass cellede la Chine avec 1,6 mil-liard dhabitants contre1,3 milliard. Surtout, ladensit en Inde atteindra500 habitants au kilomtrecarr contre 140 pour la

    Chine. Et lInde, aussi, ades zones dsertiques.

    Quelles solutions ? Conti-nuer nourrir une popu-lation mondiale en cons-tante augmentation nesera possible, a fortioriavec le rchauffement,quen rationalisant tou-jours plus lirrigation et enchangeant les pratiquesculturales. Longtemps,pour irriguer, on inondaitles champs. La ressourcedevenant plus rare, on lesarrose, de nuit de prf-rence. Et on se dirige vers

    le goutte--goutte, plantp a r p l a n t , d a n s d e schamps en permanencecouverts par un tapis v-gtal et plus sur un sol nu.Fini, donc, le labour quiest une vritable catastro-phe col ogique. D un epart, cette pratique archa-que dtruit la vie des sols :vers de terre, bactries etcha m pign ons. D a utrepart, avec des sols nu, lecarbone nest pas fix 365jours par an, pas plus quelazote dailleurs, ce quipermettrait pourtant duti-l i s e r m o i n s d e ng r a i s.

    Aprs tout, les prairies dem on ta gn e et l es f or tsvierges sen passent et senportent plutt mieux.

    Vous prnez une agricultu-re col ogique ment inte nsi-ve Il ne faut plus consi-d r er l e sol com m e uns u p p o r t , m a i s c o m m elobjet mme de lagricul-ture, ne plus faire tablerase aprs chaque rcolte.Recommencer zro, cestlassurance de remettretoujours plus dengrais,mais aussi dherbicides etdinsecticides. Lagricultu-re cologiquement inten-sive nradique pas la viedes sols, mais en fait uneallie prenne qui lui per-met de capter plus de car-bone et de produire avecmoins de ponctions surl e s r e s s o u rc e s . M o i n sdeau, dnergies, de pesti-cides et dengrais. Cettervolution est ncessaireet possible lchelle de laplante mme si, en Afri-que, la population seramultiplie par deux dici2050 et la production agri-cole devra tre multipliepar trois pour faire face ses b esoin s f utur s et ceux aujourdhui insatis-faits. Sa dmographie estune injonction convertirce continent une pro-duction agro-cologique.

    Les arbres resten t ce qui sefait de mieux pour piger lecarbone ?Oui, et pourtanton en a en cor e a ba t t upour 18 millions dhecta-res cette anne, presquequivalents la superficieagricole franaise. Or cest3 ou 400 millions dhecta-res quon devrait reforesterpour attnuer significati-vement les effets du r-chauffement climatique,dans ces forts bien sr,m a i s a u s s i d a n s l e s

    champs avec des haiesdont le systme racinaireconstituerait un vritabletapis en sous-sol. Schma-tiquement, sous nos latitu-des, une range darbrestous les vingt mtres estsuffisante avec des racinesprofondes de trois mtreset longues de dix.

    (*) Auteur de Nourrir lhumanit.Les grands problmes de lagriculturemondialeet Faim zro. En finir avec lafaim dans le monde , aux ditionsLa Dcouverte.

    A lire demain.La gographeBernadette Mrenne-Schoumaker,spcialiste des nergies, point e lesfreins la lutte contre le rchauffement.

    Parce que lagriculture estlune des principales causesdu rchauffement climati-que, elle en est aussi unedes principales solutions.

    LABOUR. A trop retourner la terre, elle ne survit plus qu travers une chimie polluante. PHOTO AFP

    Pousser sur des sols sals ou avec moins deau : les plantes ontencore des progrs faire. Les OGM (organismes gntiquementmodifis) peuvent-ils les y aider ? Cest un piphnomnequant aux risques encourus, relativise Bruno Parmentier. Leproblme est dabord agro-cologique. Je trouve mmerassurant que les recherches prennent des voies divergentesavec, sur le sous-continent nord-amricain, des travaux portantsur les OGM et, en Europe, o ils sont globalement mal peruspar les opinions, des travaux explorant lagro-cologie. Et deconclure : Les sols et le cerveau sont les deux domaines o larecherche va faire le plus de progrs dans les annes venirparce que tout ou presque est dcouvrir.

    Les OGM, bon gr mal gr

    Le labour estune catastrophecologique

    BRUNO PARMENTIER.conomiste, spcialistede la faim dans le monde

    Marchs de dupes

    Labourage et pturagesont les deux mamelles dela France , se plaisait rpter Sully, ami etministre dHenri IV. Tirepar des bufs,lagriculture ntait alorspas encore une traite surlavenir. Depuis, la terre at sacrifie sur lautel duprogrs. Et parce que

    nourrir la plante passepar lengraissement desmarchs, les industriels seprcipitent au chevetdune terreingnieusement appauvriepour lui administrer desengrais et des pesticidesnuisibles au sol etdangereux pour la sant.Les exploitants agricolesen sont les premiresvictimes. Mais ilscontinuent. Par habitude.Par obligation. Pournourrir les gosses, dfaut des enfants duneAfrique qui subit laconcurrence delagriculture des pays

    riches, aussi productiveque subventionne, maisaussi et dj les effetsdun drglementclimatique dont ce parentpauvre de lhumanit nestpas responsable. Dans lespays riches, aussi,linjustice sinvite table,les produits les plus sainsntant pas financirement la porte de tous.

    J.P.

    INJUSTICE

    Depuis 2013, les paysans de Daga Birame, dans le centre duSngal, pratiquent une agriculture fonde sur la recherche et lesprvisions mtorologiques. Ce village denviron 800 mes de largion de Kaolack participe un projet pilote destin anticiperles impacts dramatiques du rchauffement climatique.Longtemps, pour nourrir leur btail, les paysans coupaient lesbaobabs, immenses arbres centenaires aux multiples usages etvertus, acclrant dautant la dsertification dans dautreslocalits de la rgion, dsormais exposes la scheresse, ce quipousse les bras valides lexode vers des centres urbains plusdvelopps.Les nouvelles pratiques agricoles climato-intelligentes

    stendent sur 128 hectares. Un arrosage goutte goutte a tinstall au pied de certains plants, en attendant de pouvoir forerun puits de 40 mtres de profondeur, seule solution prenne.

    Tous parlent le mme langage grce des ateliers de formationet un systme dinformation par SMS qui permet, depuis la mi-aot, un groupe dagriculteurs leaders de recevoir sur leurstlphones les prvisions saisonnires, des conseils sur lessemences adquates, les pratiques idoines adopter face auxalas climatiques Informations que ces agriculteurstransmettent ensuite leurs confrres. Ces renseignements sontaussi diffuss par 82 radios communautaires partenaires du projetrparties sur tout le territoire.

    Un village sngalais anticipe les impacts du rchauffement climatique

    COP21 30 novembre11dcembre