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La Morale Chrétienne est-elle laïque · On voit ici que le bien se conjugue au futur et au conditionnel. Il va en découler trois choses. D’abord elles sont le fruit ... condamner

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LaMoraleChrétienneest-ellelaïque?

PascalJacob

LAMORALECHRÉTIENNEEST-ELLELAÏQUE?

ARTÈGE

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philosophedoitnécessairementleconduireauxconclusionsquelethéologiendécouvregrâceàsafoi.

Parprincipe,ladifférencemajeureentrelaphilosophieetlathéologieestquecelle-ciseconstruitsurl’argumentd’autorité,celle-làsurl’autoritédel’argument.Lathéologieréclameàsonprincipeunactedefoiquelaphilosophieneréclamepas,etquel’onn’apasàexigerd’elle.

Ilarrivequ’unphilosopheouun théologien fasseunusagethéologiquedesphilosophes lorsqu’il s’appuie sur eux commesur une autorité, qu’il s’agisse de Freud ou de saint Thomas.Celasituesaréflexiond’embléedansuneambiguïtéqu’ilfaudracertainementlever.

On citera ici des philosophes et des théologiens. Lesphilosophes comme tels n’ont pas d’autorité, on ne peut doncles invoquer que de deux façons : soit lorsque l’on considèreque leurs propos peuvent être, au moment où on les cite,reconnus par l’intelligence du lecteur. Soit parce qu’il estopportunderappeler,àcemomentprécis,cequ’aréellementditcetauteur.

Lesauteursthéologiquesontdeleurcôtéuneautoritéquenereconnaîtqueceluiquiprétendpartager leur foi, c’est évident.Aussi, leurs propos peuvent être repris pour leur portéesimplementphilosophique.Pour lecroyant, il est importantdenepasmettretouslesthéologienssurlemêmeplan,maisilestaussiimportantdesavoirquetouslessystèmesphilosophiquesne se valent pas au regard de la foi. Enmême temps, l’Églisecatholique ne cesse de dire que la compréhension de la foiréclamenonpasunsystèmephilosophiqueparticulier,maisunepenséephilosophiquequinerenoncepasàsavocationpremièrequi est la recherche de la vérité par les seules lumières de laraison.

Que faut-il entendre par là ? La figure de Socrate est

emblématique d’une pensée philosophique qui ne cherchesurtout pas à s’ériger en systèmephilosophique.Socrate ne sepose pas en détenteur mais en amoureux de la vérité. Il n’estpourautantniunsceptiqueniunrelativiste,maisrefused’unemanièreabsoluel’argumentd’autorité.C’estpourSocratedansle dialogue que l’esprit peut accoucher de la vérité, et chacunpossèdeledroitd’yprendrepart.

Ilenrésultedeuxchosesparticulièrementimportantes:La première, c’est qu’il n’est pas superflu de décomplexer

notre rapport à la vérité. Dire qu’il y a des vérités moralesobjectivesn’est pasuneoffense à la liberté depensermais aucontrairedonnedusensàcette liberté.Affirmerque«ceciestvrai » n’est pas prétendre être l’unique détenteur de laVérité,c’est au contraire reconnaître en chacun la capacité dereconnaîtrecequiestvrai,capacitéquisetrouveaufondementde notre dignité et de notre capacité de vivre ensemble. C’estqu’il ne suffit pas d’affirmer que telle thèse est vraie, il fautencoreproposerdesargumentsrationnellementcontraignantsouaumoinsvraisemblables.

Laseconde,etc’estcequijustifienotreapproche,estquelediscours de l’Église est en grande partie recevable sansprésupposer la foi. En éthique, particulièrement, l’Égliseprétendsouvents’adresseràtouthomme.C’estquepourelle,lanature humaine (et non la volonté divine) est le principeimmédiatdel’éthique.QuecettenaturesoitcrééeparleDieudelaBiblerelèvedelafoi.Quenouspuissionsconnaîtrequelquechosedecettenaturehumaine,estcependant leprincipemêmedetoutetentativededirequelquechoseàproposdel’homme.

C’est sur cette pensée proposée par l’Église en matièremorale, dont la nature est philosophique, que nous voudrionsporter un regard philosophique. Vouloir en faire abstraction,l’ignorer par un laïcisme étroit et déplacé, ce serait se

condamnerànepluspouvoirdialogueravecnoscontemporainsautrement qu’à travers des émotions partagées ou un trèssentimental humanitarisme.Enmême temps, le risque est sanscesse présent pour les croyants d’emprisonner leur penséephilosophiquedansunsystèmephilosophique.

Dégagée des modes idéologiques du moment, la moralechrétienne peut là seulement apparaître dans sa portéeuniverselle,audiblepourleshommesdetouteslangues,racesetcultures.Elleapparaîtsurtoutd’uneactualitépermanente.

Sansespritdesystème

C’est volontairement que sont laissées ici de côté lesdiscussions sur les « systèmes philosophiques ». L’objectioncontemporaine à une pensée philosophique non systématiquemais réaliste s’appuie ordinairement sur Kant : n’a-t-il pasmontréquel’onnepouvaitfairel’impasse,surlaquestiondelacondition transcendantale de la connaissance des objets ? End’autres termes, pouvons-nous parler des choses avantd’examinerlamanièredontnouslesconnaissonsetcequ’ilenest du coup du statut de cette connaissance ? Après Kant,beaucoup de théologiens ont reçu de la tradition kantiennel’idéequenousnepouvionspasparlerduréel,maisseulementdelafaçondontnousl’interprétons.

Cettequestionkantiennedes limitesdenotreconnaissancen’est pas sans intérêt. La réflexion qu’elle suscite aujourd’huiprendlaformededisputesinfiniesautourdel’interprétationdela réponsequeproposeHeidegger14,quechaqueauteurentend« dépasser », « réinterpréter » ou « relire » en dépassant enmême temps les interprétations et les relectures qui en ont été

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prochaincommetoi-même.EnChristiln’yaplusnihommenifemme…»

Universels et permanents, cespréceptes sontvides, ce sontdes«utopiesmobilisatrices»:

«Maisenmêmetemps,cespréceptespremiers,à la limite,sontvides,sanscontenu.‘‘Aimer’’nemeditriensurlafaçondeconstruire cet amour dans la société et dans le couple. Parexemple, aimer est-ce ne jamais divorcer ou, au contraire,divorcer en cas d’échec du couple ? Est-ce se refuser à desrelationspréconjugalesouvivreunmariageàl’essai?»

Ilyadanscetteapprochemoraleuneprimautéévidentedelaloi : ces préceptes sont donnés par une loi supérieure maisextérieure.Ilsnesontpastirésdirectementdenotreintelligence,sansquoiilsneseraientpasvides.C’estlaraisonpourlaquellelaréflexionmoraledel’écoledeThévenotvamettreenœuvrelevocabulairedelacréativité,quel’onretrouveraplusloin.

Etcependant,ày regarderdeplusprès, l’exigenced’aimerne serait pas vide si elle pouvait apparaître à partir de laconnaissanceparl’intelligenced’uneréalitédanslaquellecetteexigenced’amour s’enracinerait.Au fond, le« tudois aimer»n’apparaîtpasvideàceluiquisaitcequ’aimerveutdire.

« Cette dimension universelle de la morale est doncnécessaire,maisinsuffisante.Nécessaire,ellel’estcommetoute‘‘utopie’’mobilisatrice. […] Ilnesuffitpasd’être ledéfenseuren paroles du respect de la vie pour que celle-ci soit obtenue.C’est pourquoi la morale doit toujours être munie d’unedeuxièmedimension».

Cettedeuxièmedimensionestladimensionparticulière.

«Souscetaspect[deladimensionparticulière],lamoralevas’efforcerderecherchernonplusl’idéalutopiquedel’humanité,maiscequi,danstellesociétédonnée,permethabituellementdeconstruire la paix, l’amour, l’épanouissement…Autrement dit,la morale particulière cherche à donner chair aux préceptespremiers de l’amour en construisant des normes concrètes.Voici, dit par exemple le moraliste, ce qu’il est bonhabituellement de faire si tu veux t’épanouir en couple ou ensociété:nedivorcepas,parledanstoncouple.»

Ainsiilesthabituellementbondenepasdivorcer.Parlemot«bon»,ilfautentendreicicequipermet«l’épanouissement».Onvoiticiquelebienseconjugueaufuturetauconditionnel.

Il va en découler trois choses. D’abord elles sont le fruitd’une expérience « dans telle conjoncture socioculturelleprécise».Ensuitecesnormesnesontpas intemporelles.Enfinellesobéissentàunprincipepragmatique,ellesdoiventmontrerleurefficacité:

«Ledeuxièmeconstatestque,souscetaspectparticulier,lamorale n’est ni éternelle ni universelle. […] L’élaboration desnormesestsoumiseàuncertainaléaparcequecetteélaborationse fait par des personnes ou des groupes soumis à desidéologies, à des erreurs scientifiques, à des pressionsintérieures et extérieures. Une norme a toujours besoin demontrer sonefficacitépourpouvoir semaintenir.» Ilyadoncd’emblée un certain pragmatisme. La norme morale n’est pasfondéedanslanaturedeschoses,maiselletientsalégitimitédecequ’ellefonctionneleplussouvent.

Enfin,«Ilestévidentque,souspeined’irréalisme,lamoraledoitprendreencomptel’unicitédechaquepersonne,dechaque

situation humaine. La morale recherche alors ce qui s’avèreeffectivement possible dans telle situation concrète donnée. »C’estladimensionsingulière,quidoncprendencomptecequiestpossible.

« Voilà donc, les trois dimensions de la morale qu’il fauttoujoursbienarticulerensemblesil’onveutseconstruire.

S’enfermer dans la dimension universelle, c’est secondamner à un prophétisme imaginaire et inefficace quiprovoqueinévitablementunjourladésespérance.

Se contenter de la dimension particulière, c’ests’emprisonner dans un légalisme desséchant et aliénant ; or,l’hommeestvieetnonpasloi.

Seréfugierdans lesingulier,c’estêtremyope,c’estnepasprendre au sérieux la dimension collective de toute conduite,c’est finalement se vouer à la vaine solitude et à la violenceparcequec’estnierlesemblable.

Ainsiilestvraietfauxàlafoisdedirequelamoralechangeet ne change pas. Tout dépend en fait de la dimension de lamoralequel’onviseenparlantdechangement.»18

Unidéalutopique,desnormesrelativesàl’expérienced’unesociété, une situation faite de conflits entre des impératifscontradictoires.Et,pourfinir,unepensée«enboucle»quineveutsefigersuraucundecesniveaux.

Peut-êtrepressent-ondéjàd’inévitablesquestions:quelestl’intérêtd’unidéalutopiquepouréclairerl’actionconcrètementpossible ? Penser en boucle, c’est une idée, mais quel intérêtpourunagirqui,lui,n’estpasenbouclemaisirréversible?Va-t-on échapper au relativisme puisque c’est la situation quidécideendéfinitive?Neva-t-onpasconfondre«cequisemblepossible»avec«cequiestmoralementbon»?

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Àproposdumêmepassage,Delbosécrit:

«Ons’estbeaucoupservidecetexemplepourprétendrequeleformalismedeKantn’avaitputenterdespécifierdesdevoirsconcrets qu’en se détruisant lui-même. Il semble, en effet, icique Kant explique l’immoralité de l’acte, non plus par lacontradiction intrinsèquede lamaximeérigée en loi avec elle-même, mais par la contradiction toute extrinsèque desconséquencesdel’acteavecledesseindelavolonté.[…]MaiscetteinterprétationlittéraledelapenséedeKantdoitapparaîtresuspecte,si l’onsongequeKantaditmaintesfoisquel’onnedevaitpasconfondreavecl’actionmorale[…]l’actioninspiréeparlaprévisiondesconséquences.»44

Lecritèrekantienn’estdoncpasunconséquentialisme45quise déduirait de l’universalisation d’une maxime, puisque cesconséquences,observentKant,sontinfinies.Certes,onpourraitvoirdanscetextel’idéeselonlaquelle,pourKant,unmondeoùune promesse pourrait ne pas être tenue serait invivable. Cen’est pas là cependant le cœur de son rationalisme moral. Leproblèmepour luiestsurtoutque lanotionmêmedepromesseseraitdétruite.C’est cecaractère irrationnelde lamaximequi,élevéeà l’universel, devient logiquement contradictoire, etnonsesconséquences,quiselonKantlarendentimmorale.

AinsiKantécritàproposdumensonge:

«‘‘Direlavéritén’estundevoirqu’enversceuxquiontdroità la vérité’’, [est] unemauvaise formule, la vérité n’étant pasunepropriétésurlaquelleonpuisseaccorderdesdroitsàl’unetenrefuseràl’autre,etensuitesurtoutparcequeledevoirdelavéracité (le seul dont il soit ici question) n’admet pas cettedistinctionentrecertainespersonnesenversqui l’onauraità le

remplir, et d’autres à l’égard desquelles on pourrait s’enaffranchir,maisquec’estundevoirabsoluquis’appliquedanstouslescas.»

Lamorale kantienne ne semeut que dans cette dimensionuniverselle,ellenepeutdoncfonderundiscernementqui, touten prétendant encore agir enmorale, prendrait en compte unedimension aussi singulière que les conséquences ou lescirconstances.

…quiconduitàuneÉthiquerelativisteSans doute Thévenot, à cause de cette conception des

normesuniverselles,nepeutenresterlà.Ilestobligédeposerunesecondedimension,ladimension

particulière. Elle définit « ce qu’il est bon habituellement defaire ». L’échec de la morale formelle conduit à se contenterd’une morale empirique, c’est-à-dire fondée sur l’expérience.«Situveuxt’épanouirencoupleouensociété,nedivorcepas,parledans toncouple.»Commejen’aicependantaucuneidéede la nature de cet épanouissement (qu’est-ce qu’« êtreépanoui ? »), cette dimension reste aussi volontariste que lapremière. « Parle dans ton couple. » Pour quoi faire ? « Nedivorcepas.»Pourquoipas?Fonderlamoralesuruneutopielarend nécessairement inopérante, parce que l’utopie ne sauraitéclairerleréel,quiluirésistetoujours.Lasimpleexpériencenesuffitpasnonplus,puisquecequis’estleplussouventpassénesereproduirapeut-êtrepas.

Sa réflexion sur cette dimension particulière amèneXavierThévenotàtroisconstats:

Le premier est le caractère empirique de cette morale,dépendante de l’expérience et du contexte socioculturel.C’est

déjà unpas vers le relativisme, inévitable dès lors que l’onnepouvaitsecontenterdesprincipesuniversels,videsetutopiques.

Ledeuxièmeest qu’unenormemoralen’est ni éternelle niuniverselle, on s’en doute. L’exemple donné est d’ailleurséloquent : « Au Moyen-Âge46, les théologiens considéraientcommepéchémortellefaitpourunhommed’avoirunerelationsexuelleavecsonépousequandcelle-ciétaitenceinte.»CequeThévenot précise ailleurs47, c’est l’on croyait alors que « lespermetuait le fœtus».Cen’étaitpas lefaitque lafemmefûtenceintequiétaitvisé,maislefaitquelespermeétaitconsidérécommelétalpourlefœtus.Enconscience,celuiquicroit,mêmeàtort,qu’ilpeuttuerlefœtusens’unissantàsonépousen’a-t-ilpasledevoirdes’abstenir?

Enfin le troisième, la norme est soumise à un aléa du faitque les hommes peuvent se tromper : elle « doit montrer sonefficacité pour pouvoir semaintenir ». Si la normemorale estempirique,alorseneffetellevaêtre relative,etnevaudrasansdoutepasdans toutesituationsingulière.Enmême temps,unenormequin’éclairepasmasituationsingulièreapeud’intérêt.

Cesecondniveaudenormeest,selonThévenot,produitparla communauté humaine. Empirique, il recouvre donc desnormesmoralesquinesontenaucuncasintemporelles.

«Maisilimportedebiencomprendrequelestlerôledelanormedanslaviequotidienne.Unenormen’estpasunerecette.Elle a pour fonction de désigner le chemin le plus habitueld’humanisation. Elle est pour chacun comme un repère quil’oblige à sortir de ses impressions immédiates pour soupeserl’enjeu réel de ses conduites. [La norme] est le fruit d’uneréflexion sur l’expérience humaine et chrétienne qui a pris encompte toutes les dimensions de l’agir, y compris ses

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mutuel des époux. Cette union est le lieu d’une jouissancephysique, c’est évident,mais ce n’est pas cette jouissance quidonnesensàcetacte.

Il y a en effet entre la jouissance et les significations quel’acteconjugalapourfinalitéd’incarnercettedifférencequelajouissanceneconcernelesépouxqu’individuellement.Leurdonmutuel et leur fécondité sont au contraire des réalitéspersonnelles qui n’existent que dans leur relation. Aussi lasexualité ne s’élève-t-elle à une dimension personnelle quelorsquelesépouxnesontpasréduitsl’unpourl’autreàunobjetdejouissance.Ils’ensuitquelajouissancenesauraitàelleseulejustifierl’acteconjugal,niêtrelamesuredesavaleurhumaine.

Réduire l’acte conjugal à un acte sexuel serait un peucommeréduirelavieconjugaleàlaviesexuelle.Cetteréductionest dans l’air du temps, mais rend peut-être compte dudésenchantement des années post-soixante-huit, lorsque lesprophètesde la libérationsexuelle, revenusde leursbarricadeset de leurs espoirs d’un éternel Woodstock, ont expérimentécombienunesexualitéprivéedesensestaussiprivéedejoie63.

Du reste, Freud considère la psychanalyse comme unescience naturelle, et non comme une éthique. L’objet de cettescience naturelle est l’homme comme corps animé de pulsionsquisontproduitespardesexcitations.IlmanqueàFreud,pours’élever au niveau éthique (ce qui n’est pas son intention),d’envisagercettedynamiquedejouissancedansunedynamiqueplusélevéequiestcellede l’amour.Pourcela, ilaurait falluàFreud une anthropologie qui fasse droit à la notion de«personne».Direquenous sommesdespersonnes, c’estdirequenous pouvonsordonner les dynamismesde notre corps auservice de l’amour et donc du bien d’autrui.Nous le pouvonsparcequenous avonsune intériorité, une consciencequi nous

permet d’intégrer au niveau de notre vie personnelle desdynamismesdenotrecorps.

AussiThévenotnesemblepasavoirperçuquePaulVIparledes finalités morales, on pourrait dire existentielles etpersonnelles,delasexualité, laquelleprendtoutsonsensdansla conjugalité. Freud parle de finalités biologiques, avec unpoint de vuematérialiste sur l’homme.Ce qui est déterminantpourFreud,c’estque lapulsionsexuellecherchesonobjet,etdoit normalement le trouver dans la personne de l’autre sexe.Ainsi pour lui la sexualité « normale » est tournée vers lareproduction, et les sexualités anormales, ou perverses, sontcellesquin’ysontpastournées.Lafinalitéqu’estleplaisiresten faitunmoyen,commeune rusedont se sert lanature,pourassurer la reproductionde l’espèce. Ilnes’agitpasdefinalitésmorales,maisbiologiquesoutoutauplussociales.

De ce fait, la question de « respecter » des finalitésantagonistesneseposepas.Lesépouxn’ontpasun«devoirdejouir » qui s’opposerait à un « devoir de fécondité » et à un«devoirdetendresse».

LacanThévenot fait volontiers référence à Lacan, qui expose

commentl’enfant,pourgrandir,abesoindeséparations.C’estlethèmedela«divisiondusujet»,quiestdavantageunethéorielacanienne fort intéressante qu’une « loi anthropologique ». Ilexpose d’une façon très pédagogique ces remarques trèsintéressantesdeLacan:«Laviemoraleestleprolongementetl’entretien de ce processus » par lequel le sujet « vient aumonde»etest«entretenudanssalibertédesujet».Passerdel’infans (mondedumême) auparlêtre capablededevenir sujetenrenonçantaumondedumêmepourtrouverl’autre.Renoncer

estaussiRéannoncer : se remettredans lechampde laparole.Rôle ici de l’inter-dit, porté par la loi du père qui interdit lafusion.

L’analyse psychologique de Lacan n’est pas sans intérêt.Faut-ilenfaireune«loiéthique»?

«Laloiéthiquelaplusfondamentaleestcellequis’inscritdans la loianthropologiquede ladivisiondusujet [cf.Lacan].On pourrait formuler cette loi éthique de la façon suivante :deviens toujours plus ce que tu es : un sujet, un corpssignifiant, se recevant d’autrui et se donnant à lui, au cœurd’institutionsrégulantunéchangesymbolique.[…]»64

Làencore,affirmerque«serepéreràdesnormes,mêmesic’estpours’yopposeroulestransgresser,eststructurant»65nepermetpasdedirequelatransgressionestmoralementbonne.Sielle peut être un point critique, et donc pourquoi pas uneoccasiondeprogrèspourunêtreencroissance,celanesignifiepasquelatransgressionsoit,pourl’adulte,unactemoralementbon. Il y a ici une étonnante confusion entre l’ordre de lacroissancepsychologiqueetceluidubienmoral,maisquin’estpassurprenantedansunevisionoul’éthiqueconsistefinalementàinventersaproprehumanité.

C’est encore une telle confusion que commet XavierThévenotàproposde lafidélitédansuncouple, lorsqu’ilécritparexemplequ’« ilyades infidélitéssexuellesqui rendent lesujet,aumoinsmomentanément,plusdisponibleàsonconjoint,quiluifontfaireunpasdanssamaturationpsychologique,voirequiluipermettentd’accéderàunautretypedefidélitéprofondeàlui-mêmeetàl’autre»66.Cetyped’affirmationtraduitbienlaconfusionentrecequepeutdire,avecuneextrêmeprudence,un

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simplement reconnaître que nous cherchons, par le langage, àexprimer notre connaissance du réel au-delà de touthistoricisme72.

Orle«tournantherméneutique»quiseréclamedeRicœuren adopte des conclusions méthodologiques qui demandent àêtre observées de plus près, surtout lorsqu’elles remettent encauselerapportducroyantàlavérité,enparticulierpournotreproposàlavéritémorale.

La pensée deRicœur est en effet directement tributaire deKant, dont il adopte le rejet de la métaphysique réaliste. Ilentend greffer sa réflexion sur l’herméneutique sur laphénoménologie deHusserl, en s’inspirant de l’existentialismedeHeideggeretdelaphilosophiedel’interprétationdeGadamerdontildiscutecependantlesprésupposés.Cesphilosophessontd’un grand intérêt, mais sans doute est-il précipité de leuraccorderuneautoritétellequel’onenviendraitàvouloirquelathéologie elle-même emprunte le « tournant herméneutique »qu’ilsappellentdeleursvœuxenphilosophie.

L’historicismeL’historicisme est l’affirmation qu’il n’y a pas de vérité

anhistorique, c’est-à-dire indépendante de l’histoire.Lointainementenracinéedanslapenséed’Héraclite73,relayéparHegel, Marx et surtout Nietzsche, l’historicisme conduitbeaucoupdecontemporainsàcroireque,dèslorsquel’ondécritl’histoire selon laquelle une thèse s’est développée, on ruineaussitôt sa prétention à sortir de l’histoire pour valoir commevéritédéfinitive.

Lasociologies’estparfoisfaitunespécialitédeceprocédé.Puisque l’on constate que les choses changent, on leur dénie

toute identité stable : celle-ci n’est alors qu’une constructionqu’il reste à « déconstruire » pour manifester la vanité d’unetentative de définition. Or faut-il vraiment choisir entre l’idéequeleschoseschangentetl’idéequ’ellesontuneidentité?Cen’est pas sûr, et d’ailleurs chacund’entrenousnaît, grandit etmeurt sans pour autant changer d’identité : c’est le propre detoutcequichangeendemeurantsoi-même.

L’erreurdel’historicismeestdecroirequel’histoiredissouttoutevéritéou encoreque, comme leditMarx, lavérité est leproduitdel’histoire.Orl’histoiren’estpascequinousdérobela vérité, elle est le chemin qu’emprunte nécessairement notrerecherchede lavérité.PourreprendrecettebelleexpressiondePaulRicœur,l’histoireetlavériténenousmettentpasdansundilemmemortel,maisdevantunparadoxevivant74:lavéritéestunbiencommun,nonpasunobjetquel’ons’appropriemaisunmilieu dans lequel on échange. Ce « milieu » possède unehistoire et en même temps la transcende, ce qui fait de toutphilosophe notre contemporain, lui ouvrant une féconditénouvellequemêmeluinepouvaitsoupçonner.

Ce serait donc une erreur, pour le coup, d’en appeler àl’histoire des idées contre l’idée de vérité. Davantage qu’uneerreur, ce serait une faute. Comme nous le verrons plus bas,l’historicisme nourrit un relativisme qui conduit davantage àl’arbitrairequ’àlaliberté.Lescepticismedebonaloiqu’afficheordinairement le détracteur de toute vérité a généralement toutd’un doute que l’on pourrait qualifier de « stratégique ». Carautantceluiquichercheàsetenirdanslavéritésaitlafragilitédes opinions, autant celui qui nie la possibilité d’une véritéintemporellepeutespérerpar-là imposerdurablementsapropreopinion.

On trouve chezPaulRicœurune tentative très intéressante

d’éviter l’historicisme, attentive cependant à la dimensionhistoriquedetoutepensée.Toutregardhistoriquesuruneréalitéquichangeestcommetirailléentreunerecherchederationalitéquivoudraitconstituerlatotalitédel’histoireenunsystème,etune attention à la singularité des événements.Cette équivoqueest essentielle au métier de l’historien. Mais l’historicismecommencelorsquel’onrenonceàquitterunesimpledescriptionhistorique de l’évolution d’une notion, comme s’il n’était paspossible d’échapper au devenir perpétuel qui condamnerait tôtoutardtoutepenséeàunepéremptiondéfinitive.Ainsidécrira-t-on l’histoire de la notion de droit naturel avec profit, maisl’historicisme refusera toute légitimitéàuneffortde s’éleveràun point de vue « anhistorique » qui essaie d’établir, mêmemodestement, des affirmations philosophiques universellementvalablesconcernantcettenotiondedroitnaturel.

Pourunchrétien,ilfautajouterqu’ilenvaduréalismedelafoi.Celle-cin’estpasunedoctrinequeseulspeuventsaisirceuxqui sont capablesdepasser les énoncésdogmatiques au cribledu«tournantherméneutique».Leréalismedelafoi,siessentielàl’intelligencedelafoi,s’accommodemaldurejetdel’idéedevérité.

Dubonusagedesphilosophes

Àtropvouloirintégrerles«acquisdesscienceshumaines»,aunomdel’historicitédelavérité,onrisquedeconstruireunepensée kaléidoscopique qui aura du mal à tenir ensemble despositionsaussidiversesquelesontlesauteursdontnousvenonsde parler. Sans compter qu’en philosophie, on accorde auxauteursuneplacemoinsimportantequ’enthéologie.

À la différence en effet de ce qu’impose la méthode

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en2005,ilestunphilosophemajeur,notammentparsalecturedeFreud.Ici,les citations sont extraites de son essai « De la morale à l’Éthique et auxéthiques », Conférence donnée au Centre Pompidou et publiée dansl’ouvragecollectifUnsiècledephilosophie,Gallimard,FolioEssais,2000.68. Xavier THÉVENOT, « Les chances d’une herméneutique trinitaire »,Laval théologique et philosophique, vol. 53, n° 2, 1997, p. 403-413. Cetarticle,quicontient toutefoisdetrèsbelles idées,estdisponiblesur lenet :http://id.erudit.org/iderudit/401084ar69.PaulRICŒUR,ÉthiqueetMorale(1990),inLectures1,Points,1999.70.Catéchismedel’ÉgliseCatholique,§150.71.«Enfindecompte,àtraversl’actiondel’EspritSaintetsouslaconduitedu Magistère, l’Église transmet à toutes les générations tout ce qui a étérévélédansleChrist.»BENOÎTXVI,VerbumDomini,18.72. L’historicisme est une attitude de l’esprit qui considère que touteaffirmationn’a de sens que relativement à un contexte historique. Il n’y adoncpasdevéritévalableentouttempsetentoutlieu.73. Héraclite, philosophe de l’antiquité, enseignait que tout n’est quemouvement:«Onnesebaignejamaisdanslemêmefleuve.»74.PaulRICŒUR,HistoireetVérité,Seuil1955,p.45-65.75. C’est le mot exemplaire attribué à Aristote à qui l’on reprochait des’écarterdesthèsesdesonmaîtrePlaton:«JesuisamidePlaton,maisplusencoreamidelavérité.»76.Ils’agitdecequel’onappelleaussil’Égliseenseignante,paroppositionàl’Égliseenseignée.Lepapeetlesévêquesontlacharged’enseigner,alorsqueles théologiensfontpartiedel’Égliseenseignée.L’autoritédeceluiquienseigneneluivientpasdesesdiplômes.77.RenéSIMON,«À la recherched’uneéthiquecommune : apportde lafoichrétienne»,Lavalthéologiqueetphilosophique,vol.53,n°2,1997,p.415-433.78.RenéSimonécrit aumêmeendroit : «Faut-il rappelerque l’évolutionsur le terrainmêmede l’éthiqueetde lamoraleest réelledans la traditionchrétienne et dans l’Église catholique romaine enparticulier. Il suffirait derappelerlapositiondecelle-cisurlesquestionsdel’esclavage,duservage,dela‘‘juste’’guerre,duprêtàintérêt,delaplacedelafemmedanslasociétécivile et dans la communauté ecclésiale, du refus séculaire de la liberté deconscience et de la liberté religieuse, des droits de l’homme, etc., pours’apercevoir que la critique externe a conduit les autorités religieuses àmodifier leurspositionséthico-morales.Ceserrementsou tout simplementlefaitmêmedel’évolutiondelapositionduMagistèredel’Églisecatholique

en matière d’éthique et de morale devrait le conduire à une prise deconsciencedesa faillibilité.Onpeut regretter l’absence trop fréquente, surcesproblèmesetquelquesautres,d’unecritiqueinternequil’arrimeraitplusfermementauxsourcesde la foipour trouverdanscelles-ci les raisonsduchangement.»Ilfaudrayrevenir.79.«Pours’enteniràl’essentiel,onpeutestimerquelespagescritiquesqueVeritatis splendor a consacrées à l’examen de certaines doctrinescontemporaines, appellent en réalité elles-mêmes un débat critique sur lesjugements portés sur ces doctrines et les positions du documentmagistériel.»Articlecité.80. Saint AUGUSTIN, Contra Epistulam Manichaei quam vocantfundamenti5,6,PL42,176(citéenCEC119).81.Cf. leCodededroitcanonique,canon750.Cecanonn’obligepasbienévidemmentàêtrecatholique,maisdéfinitledroitcatholique,c’est-à-direicil’attitude juste qui convient au catholique devant l’enseignement dumagistèredel’ÉgliseCatholique.82. Servais PINCKAERS, « Étude sur quelques publications de XavierThévenotenmorale»,RTXCIII(1993)463-477.83.C’estMgrGiraudquiparle.84.HervéGiraud,XavierThévenot, une fidélité à l’Église, une fidélité auMagistère,Colloquedu22octobre2005.85.Collectif,Initiationàlapratiquedelathéologie,t.IV,Cerf,1983,712p.(3éditions,3°éditionremaniée).86.Collectif,Initiationàlapratiquedelathéologie,p.484.87.Collectif,Initiationàlapratiquedelathéologie,p.480.88.Collectif,Initiationàlapratiquedelathéologie,p.460.89.Collectif,Initiationàlapratiquedelathéologie,p.463.90.Collectif,Initiationàlapratiquedelathéologie,p.460.91.Collectif,Initiationàlapratiquedelathéologie,p.475.92.PinckaersciteiciHomosexualitésMasculines,p.198et204.

Chapitre2

Lesfondementsdelaréflexionmorale

L’objectivitémorale

Parler d’objectivitémorale, c’est admettre que la réflexionmoraleportesurunobjet.Sonobjetestl’actehumain.Unacteportéparlavolontéd’unêtredouéderaison,capablederendrecomptedesonactedevanttouteraison.

En prenant ses principes chez Kant, on ne rencontrefinalement pas dans les normes universelles une lumièresuffisante.Lesnormeskantiennessontvides,puisqu’elles sontpurementformelles.Alorsqu’ilexprimefréquemmentsonsoucide ne pas tomber dans le situationnisme, Thévenot réfléchitfinalement en conséquentialiste1. Cela est très net dans saconceptiondel’objetdel’acte.

Ainsiécrit-il:

« Quand une personne agit, deux réalités se produisentsimultanément : 1. Sa conduite prend une signification ; elle« dit » quelque chose ; 2. Sa conduite la mène quelque part,c’est-à-direluifaitprendreunecertainedirection;ceciparfoismalgrésavolontécontraire.Parexemple,uncouplerecourtàlafivete.[…]leurconduiteprendunedirectionobjectivequ’ilsnemaîtrisentpasentoutpoint:deuxéchecsrépétésdelafiveteleséprouvent au-delà de ce qu’ils pensaient au départ ; ils seretrouventavectroisembryonssurnumérairesdontilsnesavent

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impurs et lemanque de vigilance ; l’ablation d’unmembre nesupprimepasaussisûrementlestentationsquelefaitdemettreunfreinàsespensées.’’»

Xavier Thévenot croit pouvoir rapprocher ce texte de laquestiondelatranssexualité.Concernantl’ablationdesorganesgénitaux, il estime qu’ici il s’agit d’un cas où « saintThomasprévoit que l’on puisse mettre fin à la capacité de féconditéexigée par la nature : le cas de la mutilation des organesgénitaux»19.Etilcommenteennote:«Onalàunélémentderéflexion sur les opérations que réclament les sujetstranssexuels.»

Une lecture un peu attentive du texte de saint Thomasmontrequ’ilécritexactementlecontraire:lamutilationdeceluiqui« se fait eunuquepour le royaumedescieux»neconsistepasdansl’ablationdumembre,mais ils’agitdemettrefinauxmauvaises pensées. Saint Thomas ne veut pas dire que, pourmettre fin auxmauvaises pensées, il faut semutiler, puisqu’ilinvoquecontrecetteidéel’autoritéduConciledeNicéeetcelledesaintJeanChrysostome.

C’estdirequelaquestionmoralenepeutjamaisseposerentermes d’exceptions, pour la simple raison qu’elle ne se posepassouslaformedu«quedois-jefaire?»maisdu«qu’est-ilbondefaire?»Or transgresseruneexigencemorale,c’estpardéfinition faire ce qui est mal, et il est absurde de prétendrequ’il serait bon de faire lemal. La raison profonde, que nousretrouverons,estquel’exigencemoralen’apassasourcedanslaloi,nimêmedanslapurevolontéd’unlégislateur–fut-ildivin–,mais dans l’être, et plus profondément dans la nature de lapersonne humaine dont la raison peut découvrir ce qui estordonnéàsonbien.Lorsqu’uneloi,civileoumorale,setrouvecommander quelque chose qui serait objectivement mauvais,

alors il est bon de ne pas s’y soumettre, par obéissance à saconscience et surtout à l’objectivité de la loimorale reconnueparlaconscience.C’estsurceprincipe,incidemment,qu’ontétéjugéslescriminelsnazisauprocèsdeNuremberg.

Poserlaquestionentermesdebiennousplacedansunetoutautre perspective. Il s’agit en effet de chercher à définir l’acteque je prévois de poser dans sa relation aux divers biens20. IlfaudraitlireenentieràcesujetlaréflexiondeLivioMélina:

« Nous pourrions dire que la perspective utilitariste del’agir, alors qu’elle rend le sujet agent responsable de tout, leconstitue ensuite irresponsable de ce qui dépend justement delui:sesactions.Àl’inverse:nousnesommespasresponsablesde la bonne marche du monde, mais d’accomplir des actionsbonnes.Laprétentionde seplacer à laplacede laProvidencedivine, abandonnant notre condition de créature, ne peut quecomporter la prétention de dépasser les limites du bien et dumal,s’arrogeantlepouvoirdetransgresserlaloimorale,lorsquenousprévoyonsnous-mêmes les conséquencesbonnesde cettetransgression. Seule la reconnaissance des limites de notreresponsabilité nous permet de préserver la dimension moraleintrinsèquedenoschoix.»21

C’esticiquelejugementdelaconscienceestdéterminant:illuirevienteneffetnonpasdedécidersi,danscecas-là,ilestbon de transgresser l’interdit moral. Il lui revient de juger sil’acteposéouquivaêtreposéestobjectivementunactedevol,demensonge,ouautrechose.D’unepartc’estbienunjugement,au sens où le juge doit dire comment qualifier, en termes dedroit,lesactesdontilaconnaissance.

Ainsi la véritable liberté est-elle non pas dans latransgression,maisdansl’intelligencequipermetausujetdese

déterminer en toute connaissance de cause, à partir d’unjugementéclairé.

D’autrepartc’estbienunjugementdelaconsciencemorale,àlaquelleilfauts’intéresserdeplusprèspouréviterdeposerlaquestionendemauvaistermes.

Si l’on revient donc à notre situation, la conscience ensituationn’estpaslàpourdéciderdelatransgression,maispourdiscernerlebienauquelelleaàs’ordonner.Tromperlecriminelest peut-être un devoir, un peu comme le soldat qui dissimulesesintentionsà l’ennemi.Laquestionpourlaconsciencen’estpasdesavoirsijepeuxmentirpoursauverunevie,maissil’acteque j’ai posé là dans l’intention de sauver une vie doit êtremoralement appelé un mensonge. Car si mon devoir est dedissimuler la vérité, il faut bien le faire, mais le faire sanscommettre de faute morale. On conviendra que cela peut êtredifficile,voiredanscertainescirconstancesparaître impossible,dufaitde l’urgence.Maisnotreconscienceadavantagebesoindevéritéqued’unvaguediscoursdéculpabilisant.

Du point de vue du chrétien, la raison est évidente : laréflexion morale n’a pas pour but de nous libérer de laculpabilité, ni de nous y enfermer mais de permettre à laconsciencemoraledejugerenvéritésanssecroireresponsabledumonde entiermais seulement de ses propres actes. Seul lepardondemandé et reçu libère de la culpabilité lorsque lemalest commis, et non pas la tentative désespérée de dissoudre lemaldanslabonneintention.

L’expériencecommunedelaconsciencemorale

Connais-toitoi-même

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Dieu.L’idéequ’ilsoitraisonnabledechercherlavéritécèdelepas

à l’idée très nietzschéenne que tout n’est qu’interprétation :«Interprétation,nonexplication.Iln’yaaucunétatdefait,toutest fluctuant, insaisissable, évanescent : ce qu’il y a de plusdurablecesontencorenosopinions.Projeterunsens–danslaplupart des cas une nouvelle interprétation superposée à unevieille interprétation devenue incompréhensible et quimaintenantn’estpluselle-mêmequesigne.»42

L’interprétationpourNietzsche est créatrice nonpas d’unevéritéimmuable,maisdevaleursetdoncd’action.Aveclui,c’estl’action comme expression de notre volonté de puissance quidevientsaproprenorme,cariln’yapasdevérité.Dansnotreviequotidienne,celasetraduitpardesjugementsdutype«celaestdépassé », dans lesquels il n’est pas question de vérité maisd’évolution.

Cependantils’agitd’unedictature,dèslorsquecen’estpasla vérité qui s’impose par sa présence, ou une opinion par lesarguments en sa faveur, mais seulement une interprétation quis’imposeparlapuissancedesvolontésquilasoutiennentetquiseréclamentdela«marchedel’histoire».

Incidemment, on voit ici pourquoi la figure du sociologues’impose aujourd’hui. En décrivant l’évolution des sociétés, ilparaîtlivrerunehistoiredelavéritéetmêmeendevinerlefutur.

Intelligencedelafoi

Ouverteàlavérité,lamoralechrétienneestcertesreligieuseensonfondementultime,maisellen’opposejamaissafoiàuneraison qui devrait se soumettre en renonçant à elle-même. Aucontraire, elle essaie demontrer que la raisonhumaine, si elle

veut être pleinement elle-même, doit reconnaître sa vocation àl’universel.

La manière dont Benoît XVI présente cet universel estparticulièrement audacieuse. C’est un texte qui vaut la peined’êtreludeprès.

«Dieunedevientpasplusdivinsinouslerepoussonsloindenousdansunpuretimpénétrablevolontarisme,maisleDieuvéritablementdivinestleDieuquis’estmontrécommeLogosetqui, comme Logos, a agi pour nous avec amour. Assurément,commeleditPaul,l’amour«surpasse»laconnaissanceetilestcapabledesaisirplusquelaseulepensée(cf.Ep3,19),maisilreste néanmoins l’amour du Dieu-Logos, ce pourquoi le cultechrétienest,commeleditencorePaul,«λογιϰήλατϱεία»,unculte qui est en harmonie avec la Parole éternelle et notreraison.»43

BenoîtXVIdonneci-dessusd’unefaçontrèssynthétiqueleprincipesansdouteleplusélevédelamoralechrétienne,quienmême temps rend compte de son harmonie avec la raisonhumaine:Dieuestraison(logos),etentantqueraisonagitavecamour. L’amour n’est donc pas non plus étranger à la raison.Pour un chrétien, l’universalité de la norme morale n’est passimplementuneuniversalitélogiqueetabstraitequienferaitune« utopiemobilisatrice ». C’est une universalité qui s’enracinedans celle de Dieu lui-même, en tant que raison créatrice etcauseuniverselledelanaturecréée.

Les chrétiens eux-mêmes ont parfois tendance à voir danslesnormesmoralesdesrèglesissuesdelaseulevolontédivine,auxquellesparconséquentnotreraisonpourraitparfoisdérogeren raison des exigences particulières d’une situation. C’esttomber dans un volontarisme que l’on pourrait qualifier de

«religieux»,maisquin’estpasmoinsmauvaisqueleprécédent.Untelvolontarismesemanifesteparunepropensionexagéréeàfaire appel à l’argument d’autorité : « Le pape a dit… » Envérité, le pape ne demande à personne de renoncer à sonintelligence. Car renoncer à son intelligence, même dansl’observationdenormesmoralesreligieuses,c’estrenonceràseconduireenhommelibre.Cen’estpasnonplusseconduireenhommelibrequedeneseconduirequeparsapuresubjectivité,caraufondcen’estpasseconduireenhomme.

Être libre, c’est se déterminer soi-même à partir d’uneconnaissanceadéquatedelaréalité,danslaquellelaraisonpeutreconnaître des exigencesmorales universelles. Ces exigences,ellepeutlestraduiresousformedenormesuniverselles.Celles-ci prennent des formes négatives « ne pas commettre demeurtre»oupositive«honorersesparents».

Parce que notre raison est l’œuvre d’une raison créatrice,elle trouvedans lesnormesuniversellesune lumièrequine luiestpasétrangère.C’estcequ’écritPaulVI:

« [La conscience] est illuminée par l’intuition de certainsprincipes normatifs, naturels dans la raison humaine44 ; laconscience n’est pas la source du bien et dumal ; elle est lesentiment, l’écoute d’unevoix, qui s’appelle justement la voixde la conscience, elle est le rappel de la conformité qu’uneactiondoitavoiràuneexigenceintrinsèqueàl’homme,afinquel’hommesoitvraietparfait.C’est-à-direqu’elleestl’intimationsubjective et immédiate d’une loi, que nous devons appelernaturelle, même si beaucoup aujourd’hui ne veulent plusentendreparlerdeloinaturelle.»45

La Bible donne encore un indice intéressant sur cettequestion de la loimorale : «Nous savons bien que laLoi est

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savoir. Je peux vouloir commettre un adultère, et alorscommander à ma raison de me montrer le bien auquel cetadultèremeconduirait.Maiscen’estpasmavolontéquijugedubienetdumal.

Kantacru,selonsespropresmots,devoir«abolirlesavoirpour faireplaceà la foi».Peut-être la foin’endemande-t-ellepas tant, sûrementmême a-t-elle besoin de l’intelligence et dusavoir.

En restaurant la confiance en l’intelligence, saint Thomasn’estpasun«intellectualiste»ausenspéjoratifquel’ondonneparfois aumot63. Il permet de comprendre la liberté autrementquecommeuneautonomie,bienplutôtcommeunecapacitédesedéterminersoi-mêmeàpartird’uneconnaissanceadéquatedelaréalité.Orcequenousconnaissonsduréelestprécisémentsanature : non pas seulement son essence, mais cette essencecommetensionàdesfinalités,commenousleverronsplusbas.C’est que le mot « nature » a plusieurs sens, même dans lelangage le plus courant. Nous allons nous promener dans lanature,nousnousinterrogeonssurlanatured’unobjet…

Oncraintparfoisqu’un«retour»àl’idéedenaturesoitunretourà l’universgrec : inégalitaireet incompatibleavec l’idéededroitsdel’homme,lavisionquelesAnciensontdelanaturesemblefoncièrementincompatibleaveclamodernitéquiposelasubjectivitécommefondementdesvaleurs64.CommelesouligneLucFerry, il seraitsimplisted’opposerainsi lesAncienset lesModernes. Les Anciens seraient du côté de la nature et lesmodernes du côté de la liberté et de l’histoire, de telle sortequ’une critique de la modernité signifierait nécessairement unretourauxAnciens,avec le risquedeperdre les«acquisde lamodernité»quesontles«droitsdel’homme».

L’intelligence chrétienne me semble proposer une voie

moyenne,accoutuméequ’elleestàscruterlemystèred’unDieupersonnel, éternel et immuable qui cependant vient s’incarnerdansl’histoire.

Si la notion de subjectivité est une notionmoderne, alorsnulle pensée n’est plusmoderne que la pensée chrétienne, quijustement inaugure la notion de personne comme sujet d’unedignité particulière qu’il tient de sa nature raisonnable et,ultimement,desonstatutd’imagedeDieu.Onpeutdirequelamodernité est née de la conscience de cette dignité, que lapenséechrétiennenousa renduscapablesdereconnaîtremêmesi nous ne partagions pas la foi chrétienne. Ainsi l’idée denature,tellequelapenséechrétiennepermetdel’élaborer,n’estpas l’idée d’un cosmos inégalitaire et immuable. Elle donne àl’humanismemodernel’assisedontilabesoinpouréchapperàl’historicisme et au volontarisme, et à tous les arbitrairesqu’enfantent ces deux attitudes de l’esprit. Sans doute cettemétaphysique de la subjectivité reste-t-elle en grande partie àécrire,entreunemétaphysiquequineseraitqu’uneextensiondela cosmologie d’Aristote et un existentialisme qui finirait pardissoudrel’êtredansl’histoire.

Laréflexionchrétienneestprécieuseici,parcequelanotionde nature qu’elle développe est certainement capable dedépasserl’oppositionentreles«Anciens»etles«Modernes».En cherchant à rendre compte de l’Incarnation, elle a dûdévelopperuneconceptiondelanaturedivineduChrist.Ainsile concept de nature est élevé au-dessus de la conceptioncosmologique des Anciens, sans pour autant être vidé de toutcontenu ontologique et tout en préservant la liberté en Dieu.Pour autant, nous ne sommes pas devant une conceptionthéologique,puisque lanaturehumainepossèdesaconsistanceproprequetouteintelligencepeutapercevoir.

Ilnes’agitpasnonplus,ilpeutêtreutiledelepréciser,d’un

droitdelanatureennous,quimèneraitàétendrecedroitàtouslesêtresnaturels(plantes,animaux).Cen’estpaslecosmosoula nature qui est sujet de droits, mais la personne de naturehumaine. C’est la raison pour laquelle l’idée de droits de lapersonnehumainen’impliquepasl’abandondel’idéedenature,pasplusquel’idéedenaturehumainenedétruitcelledelibertéhumaineen«enfermant»l’hommedansunedéfinition.

Pour le comprendre, il faut simplement ne pas se laisserenfermer dans l’alternative entre un essentialisme dogmatiquequiprétendraittireraprioritoutpréceptedelanaturehumaine,etunexistentialismeextrêmepour lequel l’hommeestd’abord«néant»avantdechoisircequ’ilsera.

Ilfautaussinepasdéduiredel’histoired’unconceptquececoncept est purement historique, comme on le fait facilementavecleconceptdeloinaturelle.Carl’histoired’unconceptestaussi l’histoirede la façondont leshommesont approchéuneréalité,etc’estbiencette réalitéquinous intéresse,au-delàdel’histoiredesonapproche.

Direquel’hommeestparnaturelibre,c’estdirequecequ’ilestestaussicequiluipermetdedevenircequ’ilsera.Parlerdesonêtrecommed’un«néant»,commelefaitSartre,nerelève-t-ilpasd’unartificedelangage,danslamesureoùilappartientàson être de détenir la maîtrise de ce qu’il va être ? Ce quiprécisémentconsisteàêtreunsujetlibre.

Unidéalutopique?

Il est étonnant de voir comment le magistère catholiquedéfendcettenotiondenature,pourtantd’originephilosophique,jusqu’àl’intégrerdanssonenseignementleplusordinaire65.

D’un point de vue théologique, la notion de nature est si

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herméneutique».Laconditionsubjectivedelavaleur,quiestl’acteparlequel

nous reconnaissons dans notre désir ou dans notre volontél’origine de la valeur d’une chose, n’est pas suffisante. Il fautaller plus loin, et enraciner la valeur dans le bien, c’est-à-diredanscequiestdesoiapteàaccomplirlaperfectiond’unêtre.

L’approche de Paul Ricœur représente une tentativeintéressante de dépasser à la fois le subjectivisme et lerationalismekantien:

« Je suis lacune et manque d’autre chose que de pain etd’eau.Dequoi?d’entités?deformesidéalesquiauraientnomjustice,égalité,solidarité?Parlerons-nousd’inclinationsidéalesque nous opposerions à des inclinations vitales ? Nousrisquerionsicidetomberdanslepiègedesabstractionsmortes.La justice, l’égalité, ne sont jamais que des règles vivantesd’intégrationdespersonnesdansunnous.Endernièreanalyse,c’est l’autrequivaut. Il faut toujoursen revenir là.C’estdoncbiendel’autrequejemanque.Lemoiestlacunaireparrapportàl’autre moi. Il me complète comme l’aliment. L’être du sujetn’est pas solipsiste ; il est être en commun.C’est ainsi que lasphère des relations intersubjectives peut être l’analogue de lasphèrevitaleetque lemondedesbesoins fournit lamétaphorefondamentale de l’appétit : l’autre moi, comme le non moi –commeparexemplel’aliment–viennentcomblerlemoi.»85

Il serait encore insuffisantd’affirmerqu’autruinevautqueparce qu’il me complète. Il faut aller jusqu’à reconnaître quel’autre vaut parce qu’il est en lui-même, indépendamment demoi,etmêmedenous,unbien.C’est làceque l’onnommeladignitédelapersonne.

Entredécouverteetinvention

Les difficultés concernant la loi naturelle ont d’abord leurorigine dans le volontarisme médiéval, comme on l’a vu. Levolontarisme médiéval, qui trouve un aboutissement chezDescartes, conduit à considérer la nature comme un vastemécanisme sans signification morale, et la loi morale commel’expressiondelavolontéarbitrairedeDieu.

Ilenrésultequel’idéequ’uneloisoitàlafois«naturelle»et«morale»apparaîtcontradictoireetamèneKantàséparerdefaçon radicale la nature et la morale. Il impose l’idée que lanature«estl’existencedeschosesentantqu’elleestdéterminéesuivant des lois universelles »86 et conduit Kant à fonder lamoralesurlaraisonpurepratique.

Mais puisque la raison pratique ne veut plus, ou ne croitplus à la possibilité de s’appuyer sur la nature des choses, enparticulier sur la nature humaine, elle va chercher à interrogerl’existence humaine. C’est là le projet de l’existentialisme, enparticulier celui de Heidegger. Ce qui pour lui caractérisel’existence humaine, c’est en particulier son historicité(l’hommesedonneuneessencedansunehistoire), sa facticité(l’existence est un fait brut dont il ne faut pas chercher dejustification),safinitudeetsonêtre-pour-la-mort(detellesorteque, selon l’expression de Heidegger, le sens de l’être est lenéant).

Ayant perdu la référence à une nature, le philosopheexistentialistecreusecetteperspectivevolontariste.Ils’agitnonpasd’êtrefidèleauxexigencesdenotrenature«déjà-là»,maisd’aller vers notre humanisation, mais une humanisation dontchacundoitdéterminerlecontenu.

La loi naturelle au contraire est fondamentalement une

exigencedenotrenature.Siellepeutêtreexpriméesansprendrelaformed’unarbitraire,c’estparcequ’elleesttiréedelanaturedeschosesquel’intelligencepeutconnaîtreenvérité,etqu’ellen’estpas«inventée»parla«raisonherméneutique».Làestlalignedepartageentreuneapprochevolontaristedetypekantien,et une approche réaliste qui admet que notre désir naturel desavoirnesauraitêtrevain.

Cette loi naturelle est plusune lumièrepour la consciencequ’unensembledenormesabstraitesqu’ils’agiraitd’appliquerbesogneusement.

« La sciencemorale ne peut fournir au sujet agissant unenorme qui s’appliquerait de façon adéquate et commeautomatique à la situation concrète : seule la conscience dusujet,lejugementdesaraisonpratique,peutformulerlanormeimmédiate de l’action.Mais enmême temps elle n’abandonnepas la conscience à la seule subjectivité : elle vise à faireacquérirausujetlesdispositionsintellectuellesetaffectivesquilui permettent de s’ouvrir à la véritémorale de telle sorte quesonjugementsoitadéquat.Laloinaturellenesauraitdoncêtreprésentée comme un ensemble déjà constitué de règles quis’imposent a priori au sujet moral, mais elle est une sourced’inspiration objective pour sa démarche, éminemmentpersonnelle,deprisededécision.»87

C’est une position d’équilibre à laquelle appelait en sontemps Jean-Marie Aubert88 : le droit naturel ne renvoie pas àunenaturecloseniàuncontenustatiqueet immuable,mais iln’estpasnonplussusceptibleden’importequelleinterprétationaugrédenotre«créativitééthique».

Lasciencemoraleviseàfaireacquérirdeuxconnaissances.L’une est celle de la dimension objective de lamorale, que la

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comme le bien à faire ou le mal à ne pas faire, et ceci à lalumièredesprincipessaisisaumoyendelasyndérèse.

Cesprincipes,lechrétienlesappelleaussi«loinaturelle»,mais il en voit le fondement dans la loi éternelle, c’est-à-diredanslavolontédivine.Nonpasbiensûrunevolontéarbitraire,nousl’avonsdit,maisunevolontéquiexprimesasagesse.Ilestétonnant que, pour soutenir une morale de l’autonomie de laconscience, on en vienne à rejeter comme du moralisme « laconception imaginaire de la volonté de Dieu qui préexiste audiscernement libre de l’être humain »108.Ne faut-il pas plutôtdire qu’en discernant ce qu’il est bon de faire, la consciencejuge du même coup que l’action est conforme à la volontééternelle et immuable de Dieu qui préexiste effectivement àchacundenosactes?

Lavéritéestunbien,etnonpasseulementunevaleur.Elleest un bien pour l’homme parce que celui qui la connaît peutagir plus librement. Le médecin qui sait qu’un homme estmaladeetvamourirpeut jugerenconsciencequ’ildoitdire lavérité à cet homme. S’il hésite, sa conscience morale luitémoignequ’ilseraitmenteurenluicachantcettevérité,c’est-à-direenluicachantunbienauqueliladroit.

Laprudencevaconsisterpourluinonpasàdéciders’ildoitmentirounon,maisàsavoircomment luidire lavérité,àquelmoment,enprésencedequi,parexemple.

Le jugement prudentiel n’est pas un jugement purementdéductif qui s’imposerait logiquement à partir de normesabstraites. Il s’agit de juger comment l’action à poser peutincarner lanormeuniverselle.La rectitudede la consciencenevient donc pas de la souveraineté de sa décision mais de laconformitédel’acteposéaubienréeldesréalitésconcernées,cequisignifiequecejugementpeutêtreobjectivementfaux.

Dire que notre conscience est faillible, c’est dire que lalumière de la loi naturelle, très forte lorsqu’il s’agit desprincipes moraux les plus élevés, peut aussi se trouver trèsobscurcie.C’estlesensdecespassages,souventmalinterprétés,oùsaintThomassembleparlerd’exceptionsàlaloinaturelle.

LaquestiondesexceptionsAinsi en va-t-il de l’exemple dudépôt : ne pas rendre son

dépôt à un homme devenu fou, si ce dépôt est une arme parexemple, n’est pas une injustice. Ce n’est donc pas uneexception,niunetransgression.C’estaucontrairelaconsciencequi juge comment se traduit, dans sa situation, l’exigence debienfaire.Enrefusantderendreledépôt, jenemel’appropriepas,jeprotègeconcrètementlavied’innocents.

En posant la question de savoir s’il peut y avoir desdispensesà la loinaturelle,XavierThévenotcitesaintThomaspourmontrerquecedernier«pensequedesprécepteséthiquestoutà faitpremierspeuventêtre transgressésdans lebutd’unefidélitéàDieu»109.

«Laraisonpratique,ditsaintThomas,s’occupederéalitéscontingentes110, et notamment des actions humaines. C’estpourquoi,bienquedanslesprincipesuniverselsilyaitquelquenécessité, plus on aborde les choses particulières, plus onrencontred’exceptions.»L’auteursoulignece termeexception,quitraduiticilemotdefectus.

Ce defectus est bien connu du lecteur d’Aristote.L’incertitudequ’affrontelejugementmoraln’estpasdel’ordredesprincipes,maisdel’ordredesvéritéssimplementconstantes,qui sontde l’ordredecequi arrive« leplus souvent», etquiseradoncdel’ordreduprobable.Nousvoyonsbienaucoursde

notre existence quenous devons souvent nous contenter de cegenredevérités.Larichesseest-elleunechosebelleetrend-elleheureux?Laprisonpermet-elleàuncriminelderevenirdansledroitchemin?

Lemoraliste est là devant des réalités dont on dit qu’ellessont contingentes, c’est-à-dire qu’elles peuvent être autrementqu’elles ne sont. Cette contingence, le mathématicien ne larencontre pas dans ses objets d’étude, et c’est pourquoi sascience est exacte. Il ne la rencontre pas, parce que lacontingencedeschoses,c’est-à-direlefaitqu’ellespuissentêtreautrement qu’elles ne sont, vient d’une part de la matière, etd’autrepartdelaliberté.

Ainsi un carré mathématique, ou un point, n’a pas dematière,etc’estpourquoilecarréadespropriétésconstantesetnécessaires,etc’estaussipourquoionpeutdireque lepointaundiamètreégalàzéro.

Lesréalitésmatériellesadmettentunecertainecontingence:un arbre n’est pas une réalitémathématique, et donc pousseraplusoumoinsdroit.

L’hommeaussiestuneréalitématérielle,ilauncorps,ilvitdans le temps, et c’est pourquoi le jugement de prudence vaénoncer des vérités parfois seulement probables. Surtout,l’hommeauneliberté,quiaccentuecettecontingence.

Celle-cine se situepasauniveaudesprincipesuniversels,parcequelanaturedelapersonnehumaineestuneréalitéassezuniverselle. Ce qui convient à la personne, c’est-à-dire à unindividu de cette nature, parce que cette personne est libre etincarnée, peut varier selon les temps et les lieux. Ce sont cesprincipesquel’onappellelesprincipespropresetquijustifientlesvariationsdudroitpositif,voirelesvariationsdesexigencesdudroitnaturel.

C’est ainsi que l’Église catholique a condamné le prêt à

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pourquoimentirest-ilunmal?Direquec’estmalparcequelaloil’interditseraitretomber

dans le volontarisme et dans cette fâcheuse morale del’obligation.Envérité,laloil’interditparcequec’estmal,nonl’inverse.Nefaut-ilpasdireque lemensongeestunmalparcequ’ilprivel’intelligencedesonbienquiestlavérité?Lavéritéest un bien pour l’intelligence, d’abord parce que notreintelligenceestfaitepourlacontempler,etensuiteparcequelavéritéestnécessaireàl’exercicedenotreliberté.Àceluiquivamourir, la vérité sur sa santé est un bien qui lui permetd’affronterlamortlibrement.

Mentir est donc un acte d’injustice devant ce qui est dû àl’intelligenced’autrui.Ord’unpointdevueobjectif,laquestionestdesavoirsicettevéritéestdueàl’agentdelaGestapo.

Sil’ondoitqualifiermoralementl’actequiestposé,àpartirde la finalitéà laquelle il estde soiproportionné,ne sommes-nous pas plus proches d’un acte à double effet dans lequell’effetauquelestdesoiordonnécetacteestunbien,celuidelaviedel’innocent?Cen’estpascertain.

Faut-il direquedemêmequ’«encasdenécessité tout estcommun », c’est-à-dire que le droit d’un chacun sur ses bienstombedevantledroitàlaviedumourant,ledroitàlavéritédel’agentdelagestaponetombe-t-ilpasdevantledroitàlaviedel’innocent?

Sansdoutedira-t-onquec’estlàuneétrangegymnastiquedel’esprit pour en arriver à dire quelque chose comme « non, iln’estpaslà».Làn’estpaslaquestion,carils’agitderépondreàlamêmequestion:quelestlebienàfaire?

Aristote apporte sur ce sujet quelques principes trèséclairantspourcetteréflexion.Ilobserved’abord129que

« Les actes faits par contrainte et involontairement sont

accompagnés d’un sentiment de tristesse, tandis que les actesayant pour fin une chose agréable ou noble sont faits avecplaisir.»

Or lapremièrecontraintequ’il examineest cellequ’exercesurnouslacrainte,enprenantunexempletrèsparlant:

«Maispour lesactesaccomplisparcraintedeplusgrandsmaux ou pour quelque noble motif (par exemple, si un tyrannousordonned’accompliruneactionhonteuse,alorsqu’iltienten son pouvoir nos parents et nos enfants, et qu’enaccomplissant cette action nous assurerions leur salut, et enrefusantdelafaire,leurmort),pourdetellesactionslaquestionest débattue de savoir si elles sont volontaires ouinvolontaires.»

Puisqu’il est question de con-science, c’est-à-dire d’unsavoircommun,Aristoteproposeceprincipedediscernement:

«Lesactionsdecettenaturesontaussiparfoisobjetd’élogequandonsouffreavecconstancequelquechosedehonteuxoud’affligeantencontrepartiedegrandsetbeauxavantages;dansle cas opposé, au contraire, elles sont objet de blâme, carendurer les plus grandes indignités pour n’en retirer qu’unavantage nul oumédiocre est le fait d’une âmebasse.Dans lecas de certaines actions, ce n’est pas l’éloge qu’on provoque,mais l’indulgence :c’est lorsqu’onaccomplituneactionqu’onnedoitpasfaire,pouréviterdesmauxquisurpassentlesforceshumaines et que personne ne pourrait supporter. Cependant ilexistesansdoutedesactesqu’onnepeut jamaisêtrecontraintd’accomplir, et auxquels nous devons préférer subir lamort laplusépouvantable.»

Dans le casquinousoccupe, cacher lavérité à l’agresseurinjuste n’est-il pas le bien qui nous oblige, et qu’il nous fautatteindre avec lesmoyens dont nous disposons, sachant qu’aufond nous agissons aussi sous une contrainte dont l’agresseurest lui-même responsable. Ainsi celui qui trompe l’agresseurinjusten’est-ilpasdansunesituationsemblableàcecapitainede navire que la tempête contraint à passer la cargaison par-dessusbord?

LaconclusionpratiqueLaconclusionpratiqued’unjugementmoral,c’est-à-direau

fondlaréponseàlaquestion«quefaire?»,doitévitercesdeuxécueils : lepremierquiconsidère l’exigencemoralecommeunsimple idéal, le second qui le rejette simplement pour se plierseulement aux exigences de la situation. Dans les deux cas,l’exigencemoraledisparaît.

Cette réflexion n’est pas étrangère à la pensée de saintThomas,etsamanièredeprocéderpeutnouséclairer.

Celui-ciconsacreunequestiondelaSommeThéologique àce qu’il appelle la rapine : « La rapine comporte une certaineviolence et contrainte par laquelle on arrache à quelqu’un,contrairementàlajustice,cequiluiappartient.»130

Larapineestdoncunvol,maisl’unedes«circonstances»de ce vol, la violence, transforme sa nature morale131.Cependant saint Thomas ajoute : «Aussi quiconque s’emparedu bien d’autrui par la violence, s’il n’est qu’un simpleparticulieretn’estpas investid’unpouvoirofficiel, agitd’unemanière illicite et commet une rapine, ainsi qu’on le voit aveclesbandits.»Cequipourraitêtreunecirconstanceparrapportàun autre acte ne vient pas excuser l’acte mauvais mais en

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«Le vrai sens de l’autorité doctrinale du pape, rappelle lecardinalRatzinger,résidedanssonrôledetuteurdelamémoirechrétienne.Lepapen’impose riend’extérieur ; il développe lamémoire chrétienne et la défend.Le toast à la conscience doitprécéder celui au pape, car sans conscience, pas de papauté.Toutsonpouvoirestceluidelaconscience:serviced’undoublesouvenir,surlequelreposelafoietqu’ilfauttoujourspurifier,agrandir et défendre contre la destruction de la conscience,menacée aussi bien par la subjectivité qui oublie son proprefondement que par les pressions d’un conformisme social etculturel.»142

Letextede1968nesesituepasendeçàdecetteexigence,parcequel’exigencemoralerappeléeparl’Églisen’estpasune«demande»del’autoritédel’Église.Cettedernièren’enestpasla source, elle se met au service de la conscience morale àlaquelleellerappelledesvéritésqu’elledevraitreconnaîtredansl’ordre des choses. En quelque sorte l’autorité de l’Église faitmémoiredubien,elleneledécrètepas.

Lechoixestainsiguidéparcettemémoiredubienqu’estlaconscience morale. Choisir n’est pas un acte arbitraire, c’estd’une certaine manière reconnaître dans un moyen le bienauquelnousappellenotrenaturehumaine.

La question du choix est particulièrement intéressante àproposdecettequestiondelarégulationdesnaissances.Siuneconceptionvraiedelasexualitéhumaineconduitàcomprendrequetoutcequiprivel’unionconjugaledesonouvertureàlavieluiporteatteinte,ilrestequelavieconjugalesevitàdeux.Oron a trop l’habitude de considérer la contraception comme unacteindividuel,danslequelchacundesépouxauraitunpouvoirsouveraindedécision.

C’estpasserunpeurapidementsurlefaitquebeaucoupde

femmes, en particulier, ne vivent pas la conjugalité comme undonréciproquedespersonnes,maisplutôtcommeuneviolencesubie.Beaucoupd’hommesvoient en effet la sexualité commeunesortededroit,descendantdu«reposduguerrier»,dontilsse désintéressent d’autant plus des conséquences que lacontraceptionestcenséelesrégler.

Il est clair dans ces conditions qu’il ne s’agit pas alorsd’appelerbiencequinel’estpas,maisdevoirquesil’onveutrendreunepersonnecapabledebienagir, il faut renoncer à lefaireenuninstant.Posonslaquestionautrement:silarelationsexuellen’estplusvolontaire,sielles’apparentedavantageàunviol qu’àundon conjugal, la difficulté est dedéterminer dansquelle mesure il peut y avoir matière à un acte contraceptif ?Sansdouteserait-ilplusfécondd’explorercettequestion,plutôtquedevouloir instituerabstraitementdes«exceptions»àdesexigencesmoralesquisont,enréalité,nospropresexigencesdebonheur.Ilsepeut,surcesujetpréciscommesurtantd’autres,qu’ilsoitprudentd’examinerl’ordredanslequellesproblèmesdoivent être résolus pour que le choix de ce qui est reconnucommebonsoitlui-mêmereconnucommepossible.Lorsqu’unefemmeestcontrainteparsonmariàdesrapportsnonconsentis,le problème moral prioritaire n’est certes pas l’usage d’uncontraceptif.

En1961,enpleinedécolonisationduCongoBelge,larevueStudi Cattolici demanda à trois théologiens si les femmesnubiles, et en particulier les religieuses, pouvaientmoralementprendre une pilule pour inhiber l’ovulation. Les troisthéologiens, avec des argumentations diverses, répondirent parl’affirmative,sansnécessairementêtred’accordentreeuxsurleraisonnement qui les conduisaient à répondre ainsi. MgrPalazzini, secrétaire de la congrégation du Concile, invoquel’acte à double effet. Le P. Hürth, jésuite, y voit un cas de

légitime défense, tandis queMgr Lambruschini, professeur auLatran,yvoitunemutilationjustifiéepourlasantéphysiqueetspirituelle.Cequiest intéressant ici, c’estqu’il s’agitnonpasdediresi,dans telet telcas, l’actecontraceptifdeviendraitunbienouunmoindremalmoral,maisbiendedéterminerlavaleurmoraledel’acteàpartirdesonobjet.Enl’occurrence,ilseraitabsurde d’expliquer à une femme qui subit des violencessexuellesqu’ellenedoitpasporteratteinteàl’intégritédudonconjugal.

Cette diversité des analyses ne signifie pas que l’exigencemoralesoitsuspendue,commecelapeutêtrelecaspourlesloishumaines143.Ellesignifiequelejugementdeconscienceestunjugementdifficile,danslequellesplussavantspeuventarriveràdesconclusionsdiverses.

Si l’on s’aperçoit que l’exigence morale n’est pas celled’une règle purement juridique et formellemais celle de notrenature humaine, alors elle prend un sens dans toute situationhumaine, et un sens en faveur de l’homme. C’est ce grandprincipe de la loimorale que rappelle l’Évangile : « l’hommen’est pas fait pour le Sabbat (c’est-à-dire pour la loi),mais leSabbat pour l’homme »144. Au fond, la vraie raison pourlaquelle leshommeset lesfemmesdenotre tempsnereçoiventpascediscoursmorald’HumanaeVitae, c’est qu’ils ne voientpas en quoi c’est une exigence de leur amour conjugal. Celasupposeeneffetdecomprendrelasexualitécommel’expressiond’undonréciproquedespersonnes,etsurtoutdelavivrecommetelle,cequin’estpasunechoseaisée.

LeconsentementTrouver les moyens n’est pas le tout. Reste à leur donner

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71.Etdoncaussi,c’estvrai,capablededéraison,commel’observeEdgardMorinaprèsRousseauettantd’autres.72.CTI,Àlarecherched’uneéthiqueuniverselle.Nouveauregardsurlaloinaturelle,2011n°37.73.OnliraavecprofitàcesujetVictorLARGETetPhilippeDESPINE(dir),Lafamille,inventionhumaineoudesseindivin,Leséditionsdunet,2012.74.Ilestnaturelàl’homme,c’est-à-direconformeàsanatured’animaldouéde « logos », d’avoir une culture. Mais celle-ci n’est pas produitenécessairement ni uniformément, du fait justement que ce « logos » n’estpasbiologiquemaisd’ordrespirituel.Ainsilacultureestl’œuvredel’espritet de la liberté, que l’homme possède par sa nature d’homme qui est unenatureraisonnable.75. Lemot « habitus » ne serait pas bien traduit par lemot « habitude »,dont il ne possède pas la signification de « mécanisme plus ou moinsinconscient».L’habitusestunedispositionhabituelleacquiseparnosactes,comme le courage (habitusvertueux)ou la lâcheté (habitusvicieux). Il nedétruit pas le caractère libre et volontaire de nos actes,mais nous disposesimplement,commeune«secondenature».76.SaintThomasD’AQUIN,SommecontrelesGentils,III,138.77.XavierTHÉVENOT,Moralefondamentale,p.164.78.CTI,À la recherched’une éthiqueuniverselle.Nouveau regard sur laloinaturelle,2011n°37.79.KANT,Lareligiondansleslimitesdelasimpleraison,Préface.80. Cette perspective ne peut qu’évoquer le « Discours sur la dignitéhumaine»dePicdelaMirandole.81. « Hétéronomie » signifie obéissance à une loi étrangère à soi, paroppositionà«autonomie»quisignifieobéissanceàsapropreloi.Danslelangagekantienquiidentifielalibertéàl’autonomie,lefaitderecevoirsaloid’unautreestdoncuneatteinteàlaliberté.82. L’immanentisme, d’une manière générale, considère que l’ordresurnaturel répond à une exigence de notre nature, au risque d’enméconnaîtrelagratuitédelagrâce.83.L’extrincèsismeestl’opposédel’immanentisme:ilconsidèrequel’ordresurnaturelsegreffesur lanaturecommequelquechosed’étranger,avec lerisquedenierlanécessitédelagrâce.84.Cettetraditionestcelledelamodernitéetdumodernisme.Initiéeparlenominalismemédiéval,elles’achèvedanslapostmodernitésouslafiguredeNietzscheparl’affirmationdelamortdeDieu.85.PaulRICOEUR,Levolontaireetl’involontaire,I,p122.

86.KANT,Prolégomènesàtoutemétaphysiquefuture,I,§14.87.CTI,À la recherched’une éthiqueuniverselle.Nouveau regard sur laloinaturelle,2011n°45.88.Jean-MarieAUBERT,«Herméneutiquedudroitnaturel»,RecherchesdeSciencesReligieuses,59,1971.89.SaintThomasD’AQUIN,SommeThéologique,questions6-2190. Un ouvrage majeur sur cette question des premiers principes : LéoELDERS, Au cœur de la philosophie de saint Thomas, PressesUniversitairesdel’IPC/ParoleetSilence,2009.91. L’intelligence pratique est notre intelligence cherchant à déterminer lebienàfaire.92.CettequestionesttraitéeenparticulierdanslaQuestionDisputéesurlaVérité,question16.93. ROUSSEAU, Emile, Paris, Gallimard, La Pléiade, Œuvres ComplètesvolumeIV,p558-635.94.KantreçoiteneffetdeRousseaul’idéeque leprincipede lamoralenerésidenidansdesprincipes spéculatifsnidansun sentimentaffectif,maisdans un sentimentmoral « présent au cœur de tout homme et qui s’étendbienau-delàdesprincipesparticuliersde lapitiéetde lacomplaisance ; lesentimentdelabeautéetdeladignitédelanaturehumaine»(Observationssurlesentimentdubeauetdusublime,sect.II,ŒuvresComplètestomeI,GallimardPléiadep.463).95. En particulier dans Amour et Responsabilité, Stock, 1979. Wojtylamontre que cet appel à faire le bien peut être interprété comme unevocation,c’est-à-direunappelàrépondreàcetamourdubien.96.LaphénoménologieestunetraditionphilosophiqueinitiéeparEdmundHusserl,etquichercheàprendresonpointdedépartdansl’expériencedelaconscience,enparticulierdansl’expériencedufaitquenotreconscienceesttoujours«consciencedequelquechose».97.Confessions,X,XXVII,38.98.MartinHEIDEGGER,Qu’appelle-t-onpenser?,PUF-Quadrige,1959,p.145sqq.99. Les grands criminels de l’histoire manifestent bien que l’homme peutaussi refuser de répondre à cette vocation au bien, même si eux, de leurcôté,estimaientsansdoutequec’étaitlàleurmissionhistorique.100.IaIIaeq1a3etad3;q60a1ad3; IIaIIaeq11a1ad3;q19a3;q66a4ad2 ; IISent, d36,q1 a5 ad5 ; etc.Noterque cette fin est enquelque sorteattachéeàl’acte:volerapourobjetdeprendreinjustementlebiend’autrui.L’objetseconfondavecladéfinitionmêmedel’acte.Onsaitqu’enmatière

pratique,c’estlafinquiestprincipededéfinition.101.Mentirapourobjet«perse»demettrel’erreurdansuneintelligencequi a droit au vrai. L’acte extérieur n’est pas ici simplement « parler » :parlerseraitl’actephysique,matériel.102.IaIIaeq18a2ad3.103.Maisicipénalementetnonmoralement.104.SaintThomasD’AQUIN,SommeThéologique,IIaIIaeq.64art.7.105.CTI,Àlarecherched’uneéthiqueuniverselle.Nouveauregardsurlaloinaturelle,2011n°45.106.Catéchismedel’ÉgliseCatholique,n°1780.107. Concrétion, c’est-à-dire un processus par lequel la vérité sur le bienvientprendreunesignificationconcrètedanslasituationsingulière.C’estlepassagede«agisavecjustice»à«voilàquelsalaireméritecetravail».108.Marie-JoTHIEL«Comptes renduscritiques»,Revued’éthiqueetdethéologiemorale,2008/2n°249,p.119-138.109.Homosexualitésmasculinesetmoralechrétienne,p.244.110.Lemot«contingent»signifie«nonnécessaire»,ouencore«quipeutnepasêtre».Direquelesactionshumainessontcontingentes,celasignifieparexempleque«dire lavérité»n’estpasnécessairementbon,car il fautencoreladireconvenablement,àlapersonnequiconvient,etqu’ilpeutêtrebon au contraire de la taire [dans le cadre du secret professionnel parexemple].111.Cf.PèreVILLAIN,l’enseignementsocialdel’Église,Spes,1953,T.I.,pp.102à135.112.Cf.Catéchismedel’ÉgliseCatholique,n°2267.113.ARISTOTE,ÉthiqueàNicomaque,I,1.114.SommeThéologique,IaIIae,q.100,art.8.115.SommeThéologique,IaIIae,q.94,art.4.116.XavierTHÉVENOT,«Avortementetdiscernementmoralchrétien»,indir.DoréJ.,Éthiquereligionfoi,RevueLePointThéologique.117.Matthieu,XXIII,13-39.118.Jean,IV,5-42.119.Jean,VIII,1-11.120. La question du moindre mal est traitée d’une façon qui me semblephilosophiquementtrèssatisfaisantedanslelivredeJean-PascalPERRENX,ThéologieMoraleFondamentale,ÉditionsTéqui.121.KarolWOJTYLA,PersonneetActe,LeCenturion,1983,p.178.122. Sur cette question voir en particulier KANT,Critique de la RaisonPratique,Analytiquedelaraisonpratique,chapitreIII.

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danslasubjectivitédechacunetpeuventsemanifesterdebiend’autres manières. Les époux peuvent aussi ne chercher dansleur union sexuelle que le seul plaisir. Ce sont là dessignificationssubjectives.Cessignificationsn’ontpaslamêmeportée.Lelangagecorporeln’estvraiquesilaréalité,àsavoirledon conjugal, qu’il est fait pour exprimer, est présente. Leplaisir en revanche n’est pas l’élément qui justifie le donconjugal,mêmesilesépouxpeuventlerechercheretn’ontpasàle mépriser ou le tenir pour indigne. Tributaire ici de laconceptionfreudiennedelasexualité,Thévenotopposeensuitecette « finalité » aux deux autres (union et procréation) pourmontrerquelestroisfinalitéspeuventêtreenconflit.

Il passe ainsi à côtéde la spécificitédudonconjugal.Cartout amour et toute tendresse, ni toute recherchedeplaisir, nesauraient justifier l’union conjugale. L’exigence propre del’amourconjugalestici.Demêmeque,lorsquenousparlons,ilnous fautveiller à cequenosparoles expriment adéquatementnotre pensée, demême l’amour s’exprime à travers un langageducorpsdontils’agitdeprendreencomptelagrammaire13.Ilyaunevéritédelaparolecorporelleconjugale,quinedépendpasdelaseuleintentionsubjective.

Orjustementtoutleproposdel’Encycliqueestdes’attachernon pas aux significations subjectives que le couple peutproduire,maisauxsignificationsobjectivesdel’actelui-même.Cessignificationsnesontpas,encoreunefois,àchercherdanslaseulebiologiedelasexualité,maisdanslanaturedel’hommecommepersonne,êtrederelationetdedon.Ilnes’agitpasdoncdes « significations possibles », mais des significations sanslesquellesl’acteperdsaqualitéd’acted’amourconjugalpourneplusêtreeneffetqu’unactebiologique.

C’estlaraisonpourlaquelle,incidemment,onsetrompeen

comparantlasexualitéhumaineàla«sexualité»animale.Celle-ci n’a pas d’autre signification que la procréation, à laquellepeut s’ajouter la recherche du plaisir chez certaines espèces.Sans doute l’animal est-il même capable d’une certainetendresse. En aucun cas cependant l’accouplement animal nesignifie ledonmutueldesanimaux, toutsimplementparcequel’animaln’estpasunepersonne.

Dans le texte quenous citons ci-dessous,XavierThévenotcroitpouvoirénonceràpartirdelàdescritèresselonlesquelslacontraception serait justifiée, mais ces critères sont rendusinopérantsparcemalentendu.

Voyons rapidement ceux qui sont manifestement tropvagues, comme par exemple : « La contraception devrait êtreefficace, réversible et la plus satisfaisante possible pour lesconjoints.»

«Efficace»:aucuneméthodecontraceptive,dèslorsqu’ellen’estpasunestérilisationdéfinitive,n’est«efficace»defaçonabsolue.Semettredansladispositionderechercherl’efficacitéabsolue, c’est prendre le risque de s’inscrire dans une logiquedans laquelle l’avortement provoqué sera le palliatif de toutécheccontraceptif.C’estpourquoionse trompeàvouloirfairede la contraception un moyen de limiter le nombred’avortements.

«Réversible»:oncomprendbienqu’ils’agitdedirequelastérilisation recherchée doit être temporaire. Mais là encore,c’estpasseràcôtédelaquestion:cen’estpasl’ensembledelavieconjugaledanssatotalitédontonparle,maisdechaqueacteconjugalenparticulier.Orunefoisl’acteconjugalamputédesadisponibilitéàtransmettrelavie,ilestirréversibledel’avoirfaitmême si la stérilisation a été temporaire.Ainsi celui quimentposeunactequin’estpasirréversible:ilpeutavouerfinalementla vérité, oumême cette vérité peut-être découverte ou donnée

paruntiers.Mais«avoirmenti»n’estpasréversible.« La plus satisfaisante possible pour les conjoints » : là

encore,lasatisfactiondesconjointsestuncritèrebiensubjectif.Unesexualitéhumainementdégradantepeut,jusqu’àuncertainmoment,êtrejugéesatisfaisanteparchacundes«partenaires».Là n’est donc pas la question. Il s’agit de savoir si tel acte,quellequesoitlasatisfactionqu’ilprocure,estbonounon.

Deux critères donnés sont plus significatifs d’une certaineméprise:

« Les motivations de la régulation doivent être conformesauxexigencesdel’amourévangélique.»Sil’onsesouvientquepour notre auteur le contenu de cet amour est vide, puisqu’ilrelève de l’idéal utopique, le chrétien reste embarrassé. De cestrict pointdevue évangélique, il s’agit surtoutde savoir si lediscernement du caractère évangélique de la méthode derégulation appartient aux seuls époux chrétiens, ou si lemagistèren’enestpaslegarant.C’estlàbiensûrunequestiondefoi,maisqueleschrétiensnepeuventnégliger.

«Touteméthodeexige,pourêtrehumanisante,undialoguerégulieretprofondentre lesdeuxconjoints.»Or leproposdePaul VI est justement de montrer que la contraception estintrinsèquementdéshumanisante,parcequ’elleprivelasexualitéde sa signification humaine. Ainsi il y a des méthodesobjectivement déshumanisantes, qu’aucun dialogue ne rendrahumanisantes. Notamment, les méthodes qui privent l’acteconjugaldesonouvertureà lavienesontpasmauvaisesparceque l’acte est infécond, mais parce objectivement l’acte n’estplustotalementundonconjugal.

L’avortementprovoqué

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l’ultime sursaut de notre puissance qui nous amènerait à luiretirer cette vie que nous ne savons pas sauver et dont nousignorons, depuis son commencement, la vocation qui lui vautd’exister.

Letranssexualisme

L’idéologie du Gender cherche à répandre l’idée selonlaquelle l’identité sexuelle relève du choix. C’est pourquoi latranssexualité pourrait bien en devenir l’icône. Letranssexualisme est défini par Thévenot30 d’une manière dontnous laissons la discussion de côté : « Un transsexuel est unhomme qui se ressent comme étant du sexe opposé et quisouhaite très profondément faire coïncider son corps et sonimage corporelle avec son être-femme intérieur. » La questionéthiqueestpourThévenoticicelledel’opération:

« L’Église, par son Magistère, s’est-elle prononcéeexplicitement sur cette opération ? À ma connaissance, non.Toutefois, une certaine tradition de l’Église est nettement endéfaveur de ces opérations. En effet, le Magistère a toujoursconsidéréquel’hommen’estpaspropriétairedesoncorpsetdesonêtre,maisseulementusufruitierc’est-à-direqu’auxyeuxdumagistère,iln’estpaslégitimeéthiquementdemodifierlanaturesexuéedequelqu’un.»

ThévenotcitePieXII :« […]Parcequ’il estusufruitieretnonpropriétaire,iln’apasunpouvoirillimitédeposerdesactesde destruction ou de mutilation de caractère anatomique oufonctionnel»avantdereconnaître:

«Ces extraits de PieXII ne concernaient évidemment pasl’ablation des organes génitaux, ni la pratique des piqûresd’hormone pour devenir femme. Mais certains théologienspenseraient qu’on pourrait les extrapoler pour réfléchir àl’opération des transsexuels », puisque le transsexuel chercheluiaussià«préserversonêtre».Difficiledefaireplusimprécisetderameneràtexteàunsujetplusdifférent.

D’uneparteneffetilnesemblepascertainqu’ilexistedesthéologiens qui le pensent ou même l’affirment. D’autre partThévenotassociel’opérationparlaquelleletranssexuelmodifiesoncorpsàunemutilation,pourensuiterapprocherceladufaitque,pourlemagistère,toutemutilationn’estpasillicite.

Ce paralogisme est assez fort. Car de ce que l’opérationtranssexuelle est une mutilation, et que toute mutilation n’estpas illicite, on ne peut en vérité rien conclure. En outre, cetteopérationn’estpasuneopérationvisantàpréserver l’existenced’unsujet,maiselleviseàletransformerencequ’ilestime,trèssubjectivement,êtrevéritablement.

La position de l’Église catholique sur cette question estassez peu connue, mais peu se comprendre à partir d’unephilosophie de l’homme réaliste. Être homme ou femme n’estpas d’abord une orientation sexuelle dont on pourrait décider,mais une identité qu’il s’agit de reconnaître. Le sentimentsubjectif d’appartenir à l’autre sexe, qui va conduire certainespersonnesàunetelleopération,nepeutenleverlefaitquecetteopérationneproduitqu’unchangementanatomique.D’aprèslesiteaméricainCatholicNewsService31,leVaticanauraitenvoyéauxévêques en2000undocumentdans lequel il est fait deuxremarques : la première est que cette opération [sexualreassignment surgery ou SRS] pourrait être acceptablemoralementdanscertainscasextrêmes,s’ilexistemédicalement

uneprobabilitédeguérirainsilemal-êtredupatient.Laseconderemarqueestquelacausedecesentimentsubjectifdoitêtreplussouventrecherchéedansl’ordrepsychologiquequedansl’ordreanatomique.

Pourquisepencheunpeusurl’idéologieduGender,celle-ciapparaîtcommetrèsexemplairedeceprojetdedéfinirnous-mêmesleréelenleréduisantàcequirelèvedenotreproduction.Inutile ici d’en rappeler le détail et les critiquesque l’onpeutfaireàcette idéologie32.Néede revendications féministes,elleestmoinsunehypothèsescientifiquequ’unmontageintellectuelmis au service d’ambitions politiques. Il est certain que celuiqui, dès les principes de sa pensée, réduirait le naturel aubiologiqueseraitmalarmépourenréfuterlesconclusions.C’estdoncaussiunvraidéfipourunepenséechrétienneetuneraisonsupplémentaire pour réinvestir la notion de nature, sous peined’unstérilefidéisme.

Laquestiondel’homosexualité

Il faut reconnaître à Xavier Thévenot le mérite de s’êtrepenché de façon approfondie sur la question. Mais il estconduit, par sa méthode, à s’écarter significativement duMagistère, comme le montre l’étude de cas proposée dansRepèresÉthiques:«Parexemple,undesconjointsd’uncouplehétérosexuel se découvre homosexuel, que va-t-il devoir fairepour construire sa vie affective en respectant celle de safemme?»33

Est-ce bien la question ? Construire sa vie affective, c’estconstruire une vie affective ordonnée, sauf à donner dansl’esthétismemoraldéjàévoqué.

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pulsionnelles et sociales »57, et son discours est toujours« risqué et marqué par la relativité de ses conditionsd’énonciationdansletempsetdansl’espace»58.

La Bible ne donnant pas directement les normesrecherchées, elle sera utilisée « comme norme normante », envue de « chercher si et dans quelle mesure telle conduitesexuelle examinée est en conformité avec l’agapè, c’est-à-direavecl’accueilduRoyaumeinauguréenJésusdeNazareth»59.

Ayant refermé la Bible dont la lettre est souvent bien peuadaptéeauxquestions actuelles, unmoraliste commeThévenotsetourneensuiteverslaTradition,aulieuderelirelaBibleàlalumièredelaTradition.Celle-ci,desoncôté,estpourThévenotporteuse de normes toujours « situées », simples « traceshistoriquesdesréponsesqu’ontapportéesleschrétiensdupasséàlaquestiondeleurréalisationd’hommeslibressesoumettantàlaseigneurieduChrist»60.

XavierThévenotveutsortird’undilemmequ’ilprésentelui-même entre une « méthode déductive » et une « méthodeinductive»61.

Laméthode déductive, nous dit-il, « consiste à élaborer laréflexionéthiqueenpartantdepéricopesbibliquesoud’extraitsdelaTraditionquiparlentexplicitementduproblèmesoumisàl’examen ». Sont alors soulignées trois impasses de cetteméthode, relativement à l’éthique conçue comme« la tentativeconstammentrenouveléedevivreàlasuiteduRessuscitédanslacomplexitéet l’antagonismedessituationshumaines,avec toutcequecelacomported’inconnusetd’aléas.»

Lapremière impasse est que cetteméthodeest inefficace àproposdesthèmesquin’ontjamaisétéabordésparl’ÉcritureoulaTradition.Àvraidire,Thévenotneprécisepasenquoiilyalà une impasse. Il reconnaît d’ailleurs que « les premiers

chrétiens ont dû, eux aussi, élaborer une réflexion éthique surcertains problèmes à partir d’un silence total des écritsbibliques».C’estbienlàlesignequel’Église,commeprésencedu Ressuscité, est apte à tirer de l’ancien et du nouveau dutrésordelarévélation.Lechrétienattentifaufaitque«l’Églisene tirepasde la seuleÉcritureSainte sacertitude sur tous lespointsde laRévélation»62 échappede la sorte à une sorte defondamentalisme biblique qui risque soit d’absolutiser desnormes contenues dans les Écritures, soit de rejeter commerelativetoutenormequin’yseraitpascontenue.

La deuxième impasse que souligne Thévenot est que « laméthodeinductiverisquedetransformerlafoichrétienneenunereligion du Livre. » Ce serait en effet le cas si on ignorait laTradition, qui justement nous permet d’échapper à la premièreimpasse.

Enfin la troisième impasse serait le risque de « s’enfermerdans l’universalité des principes abstraits. Dès lors, celui quidiscernedevientincapabledeprendresérieusementencomptelaparticularitéetlasingularitédessituations».Maiscelan’estunrisque que si précisément on conçoit la morale comme unensemble de préceptes qui ne s’adressent qu’à notre volonté.S’il y a des préceptes, ils s’adressent à l’intelligence afind’éclairerlasituationsingulièreetnonenvued’uneapplicationaveugle. Ainsi l’action ne se déduit pas en effet d’une« péricope », mais la « péricope » donne à l’intelligence desvérités qu’elle peut reconnaître et qui sont une lumière pourl’action.

Thévenotopposeàcetteméthodedéductiveune«méthodeinductive»qu’iljugeaussiinsatisfaisanteparceque«oubliantl’universalité de la Parole de Dieu et de certaines dimensionshumaines, il est tenté d’utiliser le constat scientifique, et

notamment la statistique, comme sourceunique et inavouéedenormativité éthique.Orun faitnepeut jamaisêtrenormatif auseultitredesafacticité».

Thévenotcroitpouvoirsortirdecedilemmeentrecesdeuxméthodes déductives et inductives mais ne parvient pas àéchapper au relativisme. Les normes ne sont pour lui que des« avertissements de nos prédécesseurs ». Ce sont les scienceshumainesqui,endéfinitive,permettentdemieuxrépondreà laquestiondesavoirsi«laconduitesexuelledetelsujetoudetelgroupevadans lesensde l’humanisation, tellequecelle-ciestpromuedansl’Évangile»63.

Notons d’abord que l’idée selon laquelle l’Évangile« promeut une humanisation » demanderait quelqueséclaircissements. Est-ce une idée de notre humanisation qu’ilfaut y chercher ? Qui peut et doit nous dire quelle idéed’humanisationy seraitpromue?Laquestionde savoir siuneconduite va dans le sens de l’humanisation est en soi obscuretantquelaquestiondesavoircequ’estl’hommeensonessencen’est pas élucidée. C’est donc encore la nature humaine quirevientparlafenêtre.

Accueillirlesscienceshumainessanss’yassujettir

C’est précisément aux sciences humaines que Thévenotdemandedeluidirequiestl’homme.IlprendchezLacan,chezFreud, et en général dans la psychanalyse, une conception del’homme et surtout de la sexualité qui n’est pas la conceptionbiblique.LaBibleetlaTradition,détachéesl’unedel’autre,setrouvent interprétées comme de simples expériences situéesculturellement et la vérité définitive est recherchée dans les

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Chapitre4

Unemoraleprofondémenthumaine

Unephilosophiedelanaturedelapersonne

Partirduréel

On ne peut en vérité se passer d’un maître, parce que,commelerappelleDescartes,«nousavonsétéenfantsavantqued’êtrehommes».Unmaîtren’estpasquelqu’undontonadoptesansréfléchir lesconclusions.Onenadopte lesprincipeset laméthode.Descartes lui-même,quipassepour lephilosophedel’autonomie intellectuelle par excellence, cherche ce principedans l’acte de penser (le fameux Cogito) et la méthode danscelledesgéomètres.Onnepensepassansprincipesniméthode,etnousnelesinventonspas.

Àceuxquicroientquelaphilosophieestunesimpleaffairedebonsens,Descartesrépondaveccequel’onpeutinterprétercomme une certaine ironie que « le bon sens est la chose dumonde la mieux partagée ; car chacun pense en être si bienpourvuqueceuxmêmequisontlesplusdifficilesàcontenterentouteautrechosen’ontpointcoutumed’endésirerplusqu’ilsenont.»1

Nousavons tousdubon sens, c’estdoncentendu,mais cen’est pas cela qui fait la différence, prévient immédiatementnotrephilosophe:«Carcen’estpasassezd’avoirl’espritbon,mais le principal est de l’appliquer bien. » Ainsi c’est la

méthodequiestimportante.Ilestdoncprécieuxdetrouverchezunmaître des principes et des méthodes qui vont permettre ànotrepenséed’avoirtoutesafécondité.

Il est vrai que l’Église catholique, depuis longtemps,demande aux théologiens de prendre comme maître saintThomas,enprévenantque«parcequ’ilcherchait lavéritésansréserve,ilsut,danssonréalisme,enreconnaîtrel’objectivité.Saphilosophie est vraiment celle de l’être et non du simpleapparaître.»2Lapréférenceaccordéepar l’Égliseàsaméthodeetàsadoctrinen’estpasexclusivemais«exemplaire»3. Ilnes’agit doncpasde s’enfermerdansun système,mais d’exercerunepenséephilosophiqueàl’écoled’unpenseurpourquileréelcomptedavantagequesespropresconclusions.

L’exempledesaintThomas

SaintThomasest aussiphilosophe.Saphilosophieestunephilosophie de l’être, c’est-à-dire que son souci est de rendrecompteduréel.Elleestdoncouverteàtoutcequi,danstouslesautresdéveloppementsdelapenséephilosophique,participedecemême souci. Nous avons vu qu’en éthique, son analyse del’objectivitédel’actehumainpermetàlaconsciencedechercherà poser un jugement en vérité. Car c’est bien cela qu’il fautattendredel’éthique:niunensemblederecettesoudenormestombées du ciel, ni une recherche du compromis, mais unelumièrepourlaconsciencequidoitjugerenvéritéets’ordonner,selonnotredésirleplusfondamental,àlavéritédubien.

L’approche de saint Thomas, comme celle d’Aristote, estd’inspiration réaliste. Ce qui caractérise cette tradition, outreune confiance réfléchie dans les capacités de l’intelligencehumaine, est le souci de ne pas se clore en un système, afin

d’êtredisponibleàcequelesautrespenséesphilosophiques,oulesautressciences,peuventavoirdefécond.C’estlaraisonpourlaquelle la théologie chrétienne a pu recevoir de la penséed’Aristote,dePlatonetd’autresencore,unetellefécondité.

Saint Thomas philosophe ne reconnaît pas l’argumentd’autorité,mêmelorsqu’ilvientdesonmaîtreAristote,etpeut-êtreencoremoinslorsqu’ilvientd’uneautoritéthéologique.Onpeutdirequ’il fait siennecetteattitudequ’Aristoteavaitvis-à-vis de sonmaître Platon : « Je suis ami de Platon,mais plusencore de la vérité. »En ce sens, il est exemplaire, aussi bienpour lephilosophequepour le théologien,s’ilveutprendrecequ’il y a de bon dans une tradition philosophique sans pourautantrompreavecsapropretradition.

Parmi les nombreux courants philosophiques apparus cesderniers siècles, le personnalisme a conquis une placeparticulière dans le discours de l’éthique chrétienne.Ceci nonseulementdansl’œuvredeKarolWojtyla,maisjusquedansdestextes du Magistère Catholique4. Et pourtant, lorsque cephilosophepersonnalistedevenupapepubliesousletitredeLasplendeur de la Vérité un document majeur sur la théologiemorale,c’estsaintThomasqu’ilprendcommemaître.

LorsqueJosephRatzinger,devenupapeàsontour,prendlaparoleàsonsujet,ilacesmotsétonnants:

« Avec saint Thomas et avec la grande traditionphilosophique,noussommesconvaincusqu’enréalité,l’hommene connaît pas seulement les fonctions, objet des sciencesnaturelles,mais connaît quelque chose de l’être lui-même, parexemple, il connaît la personne, le Toi de l’autre, et nonseulementl’aspectphysiqueetbiologiquedesonêtre.»5

Dans cette « grande tradition philosophique » qui part

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On oppose souvent une éthique de conviction, faites degrandsprincipes,àuneéthiquede responsabilité,quis’efforced’en justifier la transgression au nom des exigences du réel.Empruntant ses principes à une éthique kantienne, c’est sansdouteinévitable.L’éthiquedesaintThomaspermet,quantàelle,d’éviterunetelleschizophrénie.Êtreresponsable,c’esteneffetpouvoir répondre de ses actes en prenant appui sur sesconvictions, en montrant comment ces convictions se sontmontrées pertinentes pour guider l’agir dans une situationdifficile.

Ilestdevenuclassique,àlasuitedeMaxWeber,d’opposeràla morale kantienne, considérée comme une éthique de laconviction,uneéthiquedelaresponsabilité:

« Il est indispensable que nous nous rendions clairementcompte du fait suivant : toute activité orientée selon l’éthiquepeutêtresubordonnéeàdeuxmaximestotalementdifférentesetirréductiblement opposées. Elle peut s’orienter selon l’éthiquedelaresponsabilitéouselonl’éthiquedelaconviction.Celaneveut pas dire que l’éthique de conviction est identique àl’absence de responsabilité et l’éthique de responsabilité àl’absence de conviction. Il n’en est évidemment pas question.Toutefoisilyauneoppositionabyssaleentrel’attitudedeceluiquiagitselonlesmaximesdel’éthiquedeconviction–dansunlangagereligieuxnousdirions:«Lechrétienfaitsondevoiretencequiconcernelerésultatdel’actionils’enremetàDieu»17–etl’attitudedeceluiquiagitselonl’éthiquederesponsabilitéquidit :«Nousdevonsrépondredesconséquencesprévisiblesdenosactes.»18

Et pourtant, ajoute plus loin Weber, « l’éthique de laconviction et l’éthique de la responsabilité ne sont pas

contradictoires, mais elles se complètent l’une l’autre etconstituent ensemble l’homme authentique, c’est-à-dire unhommequipeutprétendreàla‘‘vocationpolitique’’»19.

Dans son Dictionnaire d’éthique, Weber en tire lesconséquences:«Ladistinctionentrel’éthiquedeconvictionetl’éthiquedelaresponsabilitédébouchesurunchoixraisonné(etnonpasarbitraire)enfaveurd’unemoraleconséquentialiste»20

Comment comprendre cette opposition ? L’Éthique deconvictiontellequeWeberlarejetteestcelledeKant,quel’onrencontreencoreici:ils’agitdefairesondevoir,quellesqu’ensoientlesconséquences.Cedevoirestdictéparlaraisonquisereconnaîtelle-mêmedansunemaximelorsqu’onélèvecelle-ciàl’universel : puis-je mentir à un homme, fut-il fou, qui enchercheunautrecachéchezmoi?Non,cardirelavéritéestledevoir de tout être rationnel qui agit selon ce qu’il est, doncselonlaraisonpure.

Cetteéthiquedeconviction,kantienne,queWeberasouslesyeux, est évidemment insoutenable.Qui nementirait pas à uncriminelpoursauveruninnocent?Quinevoleraitpasdupainpournourrirsesenfants?

L’éthique de conviction apparaît comme une belleconstruction rationnelle, dont on voit bientôt qu’elle n’est pasraisonnable. Et c’est pourquoi Weber lui oppose, non pasradicalement mais comme son correctif, une éthique de laresponsabilité : avoir une attitude éthique, c’est répondre desconséquencesprobablesdemesactes.

L’optionpourune telle éthiqueprocèded’unconstat assezsimple : nos actes ne peuvent pas avoir des conséquencesexclusivementbonnes.

«Iln’existeaucuneéthiqueaumonde,continueWeber,qui

puisse négliger ceci : pour atteindre des fins ‘‘bonnes’’, noussommeslaplupartdutempsobligésdecompteravec,d’unepartdes moyens moralement malhonnêtes ou pour le moinsdangereux,etd’autrepart lapossibilitéouencore l’éventualitéde conséquences fâcheuses.Aucune éthique aumondenepeutnousdirenonplusàquelmomentetdansquellemesureunefinmoralement bonne justifie les moyens et les conséquencesmoralementdangereuses.»

L’éthique de conviction a cet inconvénient qu’elle nousmontre la vie morale comme la nécessité de respecter desobligations.Ilyadevantnousdesdevoirs,dictésparlaraison,maisaussipar la religion,par l’État,par lesdifférentsgroupesauxquelsnousappartenons.Etcesdevoirsentrentenconflit.Lamorale,pouruneéthiquedeconvictioncommepouruneéthiquede la responsabilité, c’est une question de devoir : devoir derespecter des normes idéales, ou devoir d’assumer lesconséquencesprévisiblesdesesactes.

Du point de vue de l’éthique de conviction, l’éthique deresponsabilitéestunesortedetrahison.MaisdupointdevuedeWeber,c’estsimplementduréalisme,unrefusdes’enteniràunidéalismemoralqui,finalement,évacueleréelaunomdel’idée,cequiestlepropredetouteidéologie.

Une limite de l’éthique de responsabilité telle qu’elle estdéfinieparWeber,etquifaitaussisaforcedanslesesprits,c’estde tenir sa légitimité du refus d’une éthique qui ne paraît pasacceptable. La question qu’il faut nous poser, c’est donc desavoir si cette opposition est légitime. Est-on nécessairementirresponsable si l’on agit par conviction, ou ce qui estsemblable : faut-il s’asseoir sur ses convictions pour agir defaçonresponsable?

Parexemple,dois-jerefuserl’avortementàunefemmequitte

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rationalitéquineprendpasappuisurlaconnaissanced’unbienendehorsd’elle-même.TandisquechezsaintThomaslavolontése reconnaît comme un appétit, c’est-à-dire comme uneinclination à un bien qu’elle ne peut se donner à elle-même,chezKantlavolontéestàelle-mêmesonproprebien.Ilyaentrelesdeuxapprochesunedifférence fondamentale.PourKant, ladignitédusujetconsisteencettecapacitéàêtre,parsavolonté,«suprêmelégislateur».Saconscience,sil’onpeutdire,estuneinstance purement décisionnelle. L’acte de la conscience n’estpasdeconnaîtreunautrebienqu’elle-mêmemaisdetirerlaloimorale de son propre fond. Elle est fondamentalement unevolonté, etunevolontéqui seveutvolontépure.Cettevolontépure et désintéressée ne recherche pas le bonheur, mais croitseulementquesonagirmoralpeut la rendredignedubonheur.Chez saint Thomas, la conscience n’est pas d’aborddécisionnelle. Elle est d’abord un acte de connaissance d’unenaturehumainequi,sil’onpeutparlerainsi,ladéborde.Certesj’ai une volonté, mais j’ai aussi un corps, en tant qu’animalraisonnable. La questionmorale n’est pas de savoir ce que je« dois » faire dans l’absolu, mais de savoir ce que signifieconcrètement«agirselonlaraison»danstellesituationdonnée.

PourKant,l’hommeestunêtrerationnel,cequin’impliquepas nécessairement la condition corporelle. Ainsi, s’il est vraique« l’éthiqueest fondéeentièrementsur leconceptd’unêtrerationnel s’obligeant pour cela même à des principesinconditionnés»,alorsonnetrouverapasdansceconceptd’êtrerationneluneéthiquedelasexualité,tantqueteloutelacteneporterapasatteinteàl’autonomiedelavolonté,c’est-à-direàlanatured’unêtrerationnel.

VoilàpourquoiunmoralistequiprendraitsesprincipeschezKant ne pourrait élaborer une éthique des actes qui engagentnotreconditioncorporellesansemprunter,lorsqueleprincipede

l’autonomie ne suffit plus, les chemins hasardeux et d’ailleurspeukantiensduconséquentialisme.

Pourquittereneffet leciel abstraitdudevoir, et s’engagerdans l’action effective à laquelle nous invite notre conditioncorporelle,laconscienceautonomen’apasbeaucoup28d’autresressourcesquedes’appuyersur lesconséquencesprobablesdeses actes, et de se décider pour ce qui lui semblera le moinsmauvais.

LamoraledudevoirdeKantn’estbiensûrpasmonstrueuse.LorsquelenaziEichmannl’invoquepoursejustifier,endisantque conformément à l’éthique de Kant il a fait son devoir defonctionnaire, Kant répondrait facilement que la loi moralecommande aussi le respect inconditionnel de la personne,puisquelapersonneestcellequiestcapabled’énoncercetteloimorale.Ilrestequelecritèredelapurerationaliténesuffitpaspuisqu’ilnerendpascomptedufaitqu’ilestbond’agirparpurerationalité,etconduitàidentifierlebienaveclaconformitéàlaloi.N’est-ilpascontradictoirequelecitoyenn’obéissepasàlaloi de la Cité ? Les procès de Nuremberg l’ont montré, lasoumissionàlaloin’estpastoujoursunebonnechose.

Les sources religieuses protestantes de Kant sont icivisibles,sansdoute.Dansunementalitéprotestante,eneffet,larelationàDieuestparticulièrementmarquéeparcettenotiondeculpabilité. Voué à l’enfer par le péché originel, l’homme sesauveparlafoiseuleetnonparlesactes,unefoiquiarracheàDieuunsalutimmérité.Silamoraleconsisteenunensemblededevoirs, il finitparyavoirconflit,et laquestionn’estpas tantde savoir ce qu’il est bon de faire que de savoir commentéchapperàlaculpabilité.

Ilyaentre ledevoirkantienet lebonheuraristotélicien ladistance qu’il y a entre le sublime et le beau29. Le sublime

impose le respect voire la crainte, tandis que le beau suscitel’amour.

AussiAristotea-t-ilraisondedire:

« L’amitié semble aussi constituer le lien des cités, et leslégislateurs paraissent y attacher un plus grand prix qu’à lajustice même en effet, la concorde, qui paraît bien être unsentiment voisin de l’amitié, est ce que recherchent avant toutles législateurs, alors que l’esprit de faction, qui est sonennemie, est ce qu’ils pourchassent avec le plus d’énergie. Etquand les hommes sont amis il n’y a plus besoin de justice,tandis que s’ils se contentent d’être justes, ils ont en outrebesoin d’amitié, et la plus haute expression de la justice est,dansl’opiniongénérale,delanaturedel’amitié.»30

Enfondantl’éthiquesurlerespect,Kantrendsipeucomptede notre lien social que le droit est là pour forcer en quelquesorteleshommesàrespecterlesconditionsdelaviecommune,mêmes’ilsétaientdesdémons.Aristotelafondesurnotreamourinnédubien.Orlebienn’estpasseulementattirantpournotrevolonté,ilprenddevantnotreintelligencelafiguredubeau.Labeautéréjouitnotreintelligenceetsuscitel’amour,commedéjàPlatonledisaitparlabouchedeDiotimedansLeBanquet.

Toute âme, observePlaton, éprouve les émotions liées à labeautéqu’ilénumèreainsi:lastupeur,l’étonnementjoyeux,ledésir, l’amour et l’effroi accompagné de plaisir, mais surtoutl’âme amoureuse. C’est encore à la beauté du bien que serattachel’exigencemorale,antérieurementàtouteidéededevoiroud’obligation.

LamêmeDiotimeexposeàsesauditeursquelebeauacettefacultédesusciterl’amourparlequelontendàs’uniràl’objetaimé et ainsi avoir une fécondité qui est une certaine

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Si la relation sexuelle seule suffit à ouvrir le droit aumariage,mêmeentredespersonnesdemêmesexe,pourquoinepas marier entre elles trois, quatre, dix personnes qui viventensemble et ont des rapports sexuels à trois, quatre, ou dix ?Après tout, si l’on admet qu’il n’est pas choquant que deuxadultes consentants et de même sexe aient un rapport sexuel,pourquoi serait-on choqué qu’ils aient ce rapport à plusieurs,voireentresœursouentrefrères42?

Cet exemple montre comment dès lors que le droit nechercheplussesfondementsdanslastructureobjectiveduréel,mais dans le seul désir, il n’est alors plus porteur de sens etn’est plus que le reflet arbitraire et changeant des désirshumains. Ainsi en va-t-il du désir d’enfant lorsqu’il se prendpourundroitàl’enfant.

La«loidegradualité»

Ilestnotoireque,danslaréalitédenossituations,nousnepouvonspastoujours,pourdesraisonsdiverses,observerhicetnunc les exigences morales. Nous vivons dans le temps, avecd’autres personnes, et nous sommes souvent engagés dans desvoies dont il n’est pas facile de sortir immédiatement.C’est àcette réalité que répond ce que l’on appelle la « loi degradualité».Maislàaussi,XavierThévenotenauneapprochequi,parcequ’elle est tributairedeprincipeserronés, conduit àdescontresens.C’estlecasnotammentsurlaquestiondelaloidegradualité.

« Jean-Paul II introduit dans son exhortation apostolique[FamiliarisConsortio]lanotiondeloidegradualitéquiestuneinvitationàcheminerversplusd’amour,entenantbiencompte

des situations dans leur complexité. […] s’il s’avère que lerecours à un procédé artificiel de contraception estindispensable, alors le couple chrétien peut considérer que larecommandation magistérielle n’est pas pour lui une norme àobserverimmédiatement.»43

Reconnaissons simplement que la conclusion de Thévenots’oppose frontalement à l’enseignement moral, mais aussipastoral, du magistère. Nous ne sommes pas devant une«recommandation»dumagistère,maisdevantuneloinaturelledontonnepeutdiminuerl’exigence.

L’exigencedel’être,quiestaufondnotrepropreexigence,estbeaucoupplusintimequenotrevolontésubjective.Affirmercetteexigencene signifiepas se tenirdansune rigiditémoraleécrasante. C’est au contraire semaintenir dans cette idée que,finalement, seule la vérité rend libre.Commenous ne sommespaslesauteursdenotrejustification,nousnepouvonsrenonceràl’idéedevérité,mêmeetsurtoutenraisondesexigencesdelamiséricorde.

«NediminuerenrienlasalutairedoctrineduChristestuneforme éminente de charité envers les âmes. Mais cela doittoujoursêtreaccompagnéde lapatienceetde labontédont leSeigneur lui-même a donné l’exemple en traitant avec leshommes. Venu non pour juger, mais pour sauver, il fut certesintransigeant avec le mal, mais miséricordieux envers lespersonnes.»44

Pourunchrétiens’ajoutelanotiondelagrâce,dontnousnetraiterons pas, puisqu’elle n’est pas une réalité naturelle,maisquimanifestes’illefallaitencoreunpeuplusladistancedelapenséedeXavierThévenotaveclemagistèrecatholiquelorsqu’il

estime que la norme morale ne s’applique qu’à ceux quiestimentpossiblesonobservation.

«Retenirqu’ilexistedessituationsdanslesquelles,defait,il ne serait pas possible aux époux d’être fidèles à toutes lesexigencesdelavéritédel’amourconjugaléquivaudraitàoubliercetévénementdegrâcequicaractériselaNouvelleAlliance:lagrâcedel’Esprit-Saintrendpossiblecequin’estpaspossibleàl’homme laissé à ses seules forces. Il est donc nécessaire desoutenir les époux dans leur vie spirituelle, de les inviter àrecourir fréquemment aux sacrements de la confession et del’Eucharistie pour un retour continuel, une conversionpermanenteàlavéritédeleuramourconjugal.»45

Cela montre l’origine nécessaire de toute pastorale :l’efficacité de la grâce. C’est pourquoi Jean-Paul II souligne :« Notre charité pastorale envers les époux consiste à êtretoujoursdisponiblespourleuroffrirlepardondeleurspéchés,àtraverslesacrementdepénitenceetnonàdiminueràleursyeuxlagrandeuretladignitédeleuramourconjugal.»46

OnpourraitencoreciterenentierlediscoursdePaulVIde1970, qui est comme son propre commentaire de HumanaeVitae:

«Lesépouxsaventdumoinsquelesexigencesdeviemoraleconjugale que l’Église leur rappelle ne sont pas des loisintolérablesniimpraticables,maisundondeDieupourlesaiderà accéder, à travers et par-delà leurs faiblesses, aux richessesd’un amour pleinement humain et chrétien. Dès lors, loind’avoir l’angoissant sentiment de se trouver comme acculés àune impasse, et, suivant les cas, de s’enliser peut-être dans lasensualitéenabandonnanttoutepratiquesacramentelle,voireen

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conjugalquiunitlesépouxdansleurcorps.

«Quetuesbelle,quetuescharmante,ôamour,ôdélices!Dans ton élan tu ressembles au palmier, tes seins en sont lesgrappes. J’ai dit : je monterai au palmier, j’en saisirai lesrégimes.Tesseins,qu’ilssoientdesgrappesderaisin,leparfumdetonsouffle,celuidespommes;tesdiscours,unvinexquis!Il va droit àmon bien-aimé, comme il coule sur les lèvres deceuxqui sommeillent. Je suis àmonbien-aimé, et versmoi seportesondésir.Viens,monbien-aimé,allonsauxchamps!Nouspasseronslanuitdanslesvillages…»63

Ce n’est pas un amour éthéré ou vaguement romantique.L’imageestcelledu jeunehommeetde la jeune femmequi sedésirent avec ardeur, et dont le désir tend à s’achever dansl’uniondescorps.Lasexualitéestvueducoupnonpascommeune sorte de résidu d’une animalité passée, mais davantagecommelesigneparlequelunamourplusélevéserendvisible64.L’expérience qui est faite à travers la sexualité, c’est que lecorpsquisusciteledésirn’estpasàmêmedelecombler.

C’esteneffetverslapersonnequeseporteledésir.Versunepersonne de chair, mais qui elle aussi transcende sa chair,pourrait-ondire,parcequ’elleestcellequiconsentounonàsedonneràcedésir.Nedonnerquesoncorps,c’estfinalementserefuseràl’autre,maisc’estaussilaissersoncorpsêtreobjet.Sedonner par son corps, dans un geste d’affection, dans unerelationsexuelle,ouparunesimpleprésence,c’estaucontrairerépondreadéquatementaudésirdanslamesureoùc’estoffrirsapersonne.

Ducoup,onvoitbienqueprovoquerledésirsansêtreprêtày répondre, ou se voiler au regard et donc au désir de l’autre,sontdesattitudesquifinalementfontducorpsunmasque.Que

le corps soit masqué ou au contraire exhibé, c’est toujours lamêmefonction,ilcaptureourefuseleregard,maisàchaquefoispourledétournerdelapersonne.

La seconde grande vérité que le christianisme propose ànotreculture,c’estquesileVerbequiestladeuxièmepersonnedeLaTrinités’incarne,c’estquelecorpsn’estpasindignedeladivinité, mais au contraire cette incarnation élève le corpshumainàsaplushautedignité.ÀtelpointquesaintPaulvadirequ’ilestleTempledel’Esprit.C’estleméritedupapeJean-PaulIId’avoirdonné,danssescatéchèsesdumercredi,uneapprochethéologique du corps enracinée dans une philosophiepersonnaliste. Sa richesse et son originalité par rapport à uneapprochemorale philosophique « ordinaire », c’est de donneruneanthropologiequiaccordeaucorpsuneplacedécisive.PourJean-Paul II eneffet, lapersonne sedéfinit avant toutnonpaspar sa rationalité mais par sa capacité de se donner. Cetteremarquepermetd’allerunpeuplusloindanslaphilosophiedelanaturedelapersonneébauchéeplushaut.

La personne humaine tient sa dignité de ce qu’elle estvoulue pour elle-même. C’est la raison pour laquelle le motpersonne a été choisi pour désigner cet individu unique etirremplaçable qu’est la personne humaine. Tiré du mot« persona » qui désigne le masque que portait l’acteur dethéâtre, il souligne le fait que la personne est l’être qui a lafacultédeparler, et ainside seposer faceà autrui, en relationaveclui.L’originethéâtraledumotrenvoieégalementaufaitquela personne est l’être qui, par ses actions, écrit une histoire,autant qu’elle s’inscrit elle-mêmedans une histoire.Avoir unehistoire, ce n’est pas seulement exister dans le temps, commetoute autre réalité du monde. C’est aussi, et surtout, ne paspouvoir être réduite à l’un desmoments de son existence : lapersonnemûrit,évolue,etcettetransformationn’estpastantle

fruitdelanaturequedesesactes,quilatransformentet,d’unecertainefaçon,lafaçonnent.

Direquelapersonneestvouluepourelle-mêmesignifieque,dufaitqu’ellealacapacitédedéterminersespropresfinalités,ne peut être traitée comme unmoyen (comme c’est le cas parexempledel’esclavage),maistoujourscommeunefin.Ainsi,ladignitédelapersonned’unenfantréclamequel’enfantnesoitpas voulu comme un moyen (par exemple pour satisfaire telbesoindesparents),maisqu’ilsoitvoulupourlui-même,c’est-à-direpoursonbonheurpersonnel.

Elle est confiée à elle-même, et la possession qu’elle ad’elle-mêmelarendcapabledesedonner.

Confiéeàsonpropreconseil,lapersonnehumainenereçoitpasde lanature,de façon innée, laconnaissancedecequ’elledoit faire.Ce qui, bien sûr, lui permet d’être libre,mais aussiresponsable.

Direquelapersonnesepossède,estdireévidemmentqu’ellen’est pas l’objet d’un autre,mais que le respect de sa dignitéréclamequ’ellesoitreconnuecommelesujetdesesactes.C’estaussiadmettrequel’acteleplusradicalqu’ellepuisseposerestledondesoi.Orlaraisond’êtredudon,c’estl’amour.Donner,en effet, suppose une gratuité qui vient de ce que l’on veut lebiendel’autre,etl’amourestprécisémentcettebienveillance.

Silavolontéestun«appétitdubien»,etsil’actelibreestceluiparlequelelles’ordonneaubien,ilestévidentquel’actesera d’autant plus libre que le bien sera un vrai bien, et serad’autant plus parfait que le bien sera un grand bien. Or lapersonnehumaineestlacréaturelaplusparfaitedanslanature.

L’actedesedonnerestlaformelaplusparfaitedel’amour.Aimer en effet suppose de vouloir le bien d’autrui, et surtoutcomporteunenotiond’unionàautrui.

L’amourestunmouvementparlequelnouscherchonsàunir

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vertu n’est pas l’intériorisation d’habitudes ou de représentationssocialementdéterminées.C’estladifférenceentrelaloimoralenaturelle,quiestenconformitéaveccequenoussommes,etlanormesociale,quiémergesimplementdescomportementssociauxhistoriquementdéterminés.34.Enallemand:Teufeln,c’est-à-diredesêtresmaléfiques.35. On lira avec profit là-dessus Charles TAYLOR, Hegel et la sociétémoderne,coll.«passages»,ed.duCerf.36. HEGEL, La phénoménologie de l’Esprit, Aubier tome II, p. 230sqq.Dansce textedifficiled’accès,Hegelmontreque la raisonhumaine,siellene se reconnaît pasmédiatrice entre l’universel et l’homme individuel, seretournecontrecederniercommeuneforcedestructrice.37.«Troisélémentsspécifiquementtotalitairessontpropresàtoutepenséeidéologique. Premièrement la prétention de tout expliquer, deuxièmementl’affranchissement de toute expérience, troisièmement “le penseridéologique” ordonne les faits en une procédure absolument logique quipartd’uneprémisse tenuepouraxiomeetendéduit tout le reste ; […]elleprocède avec une cohérence qui n’existe nulle part dans le domaine de laréalité.»Lesoriginesdutotalitarisme,Lesystèmetotalitaire,Essais,PointsLeSeuil,p.219.38. La raison pratique est chez Kant la raison en tant qu’elle se pose laquestion«quedois-jefaire?»39. C’est la voie qu’emprunte notamment Hans Kelsen. Finalement, lepositivismejuridiqueestdansla lignedurelativisme: l’hommeestmesuredetoutechose.40. Juspositivisme : théorie selon laquelle le droit positif n’estmesuré parriend’extérieuràlui-même.41.SommeThéologique,IaIIaeq95art.1.42.Surcesujettrèssensible,jerenvoienotammentàThibaudCOLINetsesdeux ouvrages : Le mariage Gay, enjeux d’une revendication, Eyrolles,2005,etLeslendemainsdumariagegay,Salvator,2012.43.XavierTHÉVENOT,Repèreséthiques,1982,p.82.44.HumanaeVitae,n°29,citéinLaSplendeurdelaVérité.n°95.45. JEAN-PAUL II, Allocution à un séminaire sur la procréationresponsable,17septembre1983,DC1861p.970.46. JEAN-PAUL II, Allocution à un séminaire sur la procréationresponsable,1ermars1984,OsservatoreRomanodu2/3/84.47.PaulVIle4mai1970auxÉquipesNotre-DameDC7/6/1970,p.502.48.Len°34.49.JEAN-PAULII,FamiliarisConsortio,n°34.

50. Le mot est de la même racine que « eikos », qui désigne en grec levraisemblable, et à partir de là ce qui ressemble [d’où lemot « icône »],maisaussicequiconvient.L’épikieestlareconnaissancedecequiestplusconvenable, malgré la lettre de loi. Elle désigne donc une certaineindulgence qui corrige la loi, parce que l’acte qui a été posé est plusconvenable à l’esprit de la loi. On se référera à Aristote, Éthique àNicomaque,1143a19-24.51. Xavier THÉVENOT, Une Éthique au risque de l’Évangile, Paris,DDB/Cerf,1993,p.48-49.52.LesSalmaticensesdésigne les théologiensde l’écoledeSalamanqueenEspagne.On fait débuter cette école avecFranciscodeVitoria (vers1483-1546),etsonapogéearriveavecDomingodeSoto(1494-1560)etMelchorCano(1509-1560).Ilss’intéressentsurtoutàrenouvelerlapenséedudroit.53. Xavier THÉVENOT, Une éthique au risque de l’Évangile, Paris,DDB/erf,1993,p.4954. Ia IIae, q. 96 art. 6. C’est le texte auquel renvoie celui desSalmaticences.55.Samalice,c’est-à-diredecequifaitqu’elleestmoralementmauvaise.56.Theologiamoralis,Lib. ITract. II, IIIdeEpikeiaLegis :“Epikeiaestexceptio casusobcircumstantias, exquibuscerto, vel saltemprobabiliterjudicatur legislatorem noluisse illum casum sub lege comprehendi. haecepikeia non solum locum habet in legibus humanis, sed etiam innaturalibus,ubiactionposit,excircumstantiisamilitiadenudari”.57. Haec autem virtus epikiae non solum habet locum respectu legishumanae:sedetiamrespectudiuina&;naturalis.[Salmaticenses,CursusTheologiamoralis,TomeIII,I,capVdedisp.Leg.§4.58.BENOÎTXVI,DiscoursauBundestag,22septembre2011.59. Au numéro 17 de la collection « Documenti e Studi », dirigée par laCongrégation pour la Doctrine de la Foi, Sulla pastorale dei divorziatirisposati,LEV,CitéduVatican1998,p.20-29.60.CitéparHAMEL,Edouard,S.J.«L’usagedel’épikie.»StudiaMoralia3(1965):p.52.61.IMacc.2,34-41.62.SaintThomasD’AQUIN,SommeThéologique,IIaIIae,q120art1.63.CantiquedesCantiques,7.64. Sans doute est-ce là la limite de la vision freudienne de la sexualité.Freud la voit comme un système pulsionnel, tandis que la traditionchrétiennelavoitcommelelangaged’unecommuniondespersonnes.65.AmouretResponsabilité,Stock,III,6.

66.OntrouveuneillustrationduressentimentdanslafabledeLaFontaine«Lerenardetleraisin»,danslaquellelerenard,parcequ’ilestimpuissantàl’atteindre,jugeleraisin«tropvert».67.SaintAUGUSTIN,DelanatureetdelaGrâce,chap.69.68. Denis LA BALME, L’amour carnivore, essai sur le cannibalismeamoureux,Connaissancesetsavoirs,Paris,2010.69.Jean-PaulSARTRE,L’ÊtreetleNéant(1943),Gallimard,p.435.70. Alix SAINT-ANDRÉ, L’ange et le liquide de réservoir à freins,Gallimard,p.225.71.Ontologiquesignifie:quiconcernel’êtred’unechose.72. En étant attentif au fait que le mot « évangile » signifie « bonnenouvelle », on s’avisera que le mot « bon » ne signifie pas « ce qui faitplaisir»,maiscequiestapteàrendreunêtremeilleur.L’Évangileestdoncl’annoncedequelquechosequimènel’hommeàlavocationsurnaturelledesanature.73.Genèse,chap.III74. Il faut lire ici l’encyclique de BENOÎT XVI Caritas in Veritate, enparticulierlechapitreIII.

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OserquitterKantUnenaturelibre

Unidéalutopique?MoralechrétienneetnatureCulturesansnature?Grâcesansnature?

Uneéthiquedesvaleurs?EntredécouverteetinventionLasyndérèseUneconnaissanceinnéeUneexpériencedelatranscendance

LejugementdeconscienceLejugementprudentielUneconsciencefaillibleLaquestiondesexceptionsLemoindremalL’obligationmoraleÉviterlepire,est-cefairelebien?

LaconclusionpratiqueL’actehumainL’intentionLadélibérationLarecherchedubienLaquestiondumalmoral

Lechoix

LeconsentementL’exécutionLajoie

Lacertitudemoraleparconnaturalité

Chapitre3:Pointsdedébat

LarégulationdesnaissancesUneexigencedel’amourconjugal…EnracinéedanslanaturedelapersonnesexuéeUneportéethéologiqueforteUnmalentendurécurrent

L’avortementprovoquéUnepositionclaireLeregarddétourné

L’euthanasie

Letranssexualisme

Laquestiondel’homosexualité

LaFIVETE

UneméthodologiediscutableLaBiblen’estpasunmanueld’éthiqueAccueillirlesscienceshumainessanss’yassujettirLesillusionsd’uneconsciencecréatrice

Chapitre4:

Unemoraleprofondémenthumaine

UnephilosophiedelanaturedelapersonnePartirduréelL’exempledesaintThomasUnepersonnesansnature?LesréductionsdelapersonneLaréductionaucorps:corpssanspersonneLaréductionàlarelation:personnesanscorps

UnevéritableéthiquedelaresponsabilitéUneéthiqueraisonnableLaconvictionauservicedelaresponsabilité

L’éthiquechrétienne:uneéthiquedesvertusAgirselonunemesureUnemoraledubienetnondudevoirRiend’humainnenousestétranger

UneéthiqueéquilibréeLamoraleetledroitLa«loidegradualité»L’épikie

Laplaceducorps

L’ÉthiquecommesagesseduCœur

Chapitre5:Lestroisdéfislancésàlapenséemoderne

Ledéfidunihilismemétaphysique

Ledéfiducynismemoral

Ledéfidel’individualismeasocial

Conclusion

Bibliographie

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