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LA PHARMACIE À LIVRES ET AUTRES REMÈDES CONTRE L’OUBLI nouvelles Claude La Charité

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La pharmacie à Livreset autres remèdes contre L’oubLi

nouvelles

Claude La CharitéClaude La Charité

La pharmacie à Livreset autres remèdes contre L’oubLi

J’ai une maladie : je suis bibliomane. J’aime les livres, je les collectionne, en particulier les livres anciens. Mais ça, c’est tout juste de la bibliophilie et ce n’est pas une maladie. Non, ma maladie, c’est une forme rare de fétichisme dont l’objet est le livre. Je vis entouré de livres. C’est ma protection, ma cotte de mailles, ma zone tampon, mon no man’s land.

La confession du bibliomane pourrait se doubler de celle du futur père dressant un barrage de livres contre l’angoisse qui l’assaille lorsque la grossesse de sa compagne se complique et citant Montaigne : « C’est la meilleure munition que j’aie trouvée à cet humain voyage. » Une citation dont pourrait se draper l’enfant, étranger à son milieu, qui se gavera de mots à en devenir poète.

Les douze nouvelles ici réunies ne dépeignent pas seulement la vie dans l’arrière-pays ni les velléités d’écrivain d’un professeur de lettres à la vie amoureuse qui va cahin-caha. L’ensemble contribue à forger l’univers de l’auteur, entre une photo d’échographie d’enfant mort-né dans sa boîte de bois grinçante, la mémoire du corps qui se souvient de sa naissance douloureuse, la somme de toutes les blessures d’amour-propre qui donnent consistance à ce que nous sommes, ou l’envoûtement des lieux qui nous habitent plus que nous les habitons.

Claude La Charité propose ici une forme d’autofiction mâtinée d’humanisme et dévoile quelques pans de sa mythologie personnelle.

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Du même auteur :

La rhétorique épistolaire de Rabelais, Québec, Nota bene, 2003.(dir.), Gabrielle Roy traduite, Québec, Nota bene, 2006.avec Marc André Bernier (dir.), Philippe Aubert de Gaspé mémorialiste,

Québec, Presses de l’Université Laval, 2009.avec Myriam Marrache-Gouraud et Violaine Giacomotto-Charra, Rabelais

aux confins des mondes possibles. Le Quart livre, Paris, Presses universitaires de France, 2011.

avec Roxanne Roy (dir.), Femmes, rhétorique et éloquence sous l’Ancien Régime, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2012.

avec Rainier Grutman (dir.), Philippe Aubert de Gaspé père et fils en revue, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2013.

avec Julien Goyette (dir.), Joseph-Charles Taché polygraphe, Québec, Presses de l’Université Laval, 2013.

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CLAUDE LA CHARITÉ

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contre l’oublinouvelles

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Maquette de la couverture : Anne-Marie JacquesPhotographie de la couverture : Gilles Pellerin

Photocomposition : CompoMagny enr.

Distribution pour le Québec : Diffusion Dimedia539, boulevard LebeauMontréal (Québec) H4N 1S2

Distribution pour la France : Distribution du Nouveau Monde

© Les éditions de L’instant même, 2015

L’instant même865, avenue MonctonQuébec (Québec) G1S [email protected]

Dépôt légal – Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2015

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québecet Bibliothèque et Archives Canada

La Charité, Claude

La pharmacie à livres et autres remèdes contre l’oubli

ISBN imprimé 978-2-89502-371-5 ISBN PDF 978-2-89502-891-8

I. Titre.

PS8623.A351P42 2015 C843’.6 C2015-941936-0PS9623.A351P42 2015

L’instant même remercie le Conseil des arts du Canada, le gouvernement du Québec (Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC) et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec.

Nous reconnaissons l’appui financier du gouvernement du Canada.We acknowledge the financial support of the Government of Canada.

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À Claudette, qui m’a porté en elle comme je la porte en moi.

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Le mystère de la nativité

On dit que le nouveau-né ne cria pas et qu’il avait le visage si doux qu’il donnait déjà, dès ce moment-là, l’espoir non douteux d’un avenir très favorable.

Donat

Je ne crois pas à la psychanalyse. Je suis pourtant persuadé que quelque chose se joue dans les premiers temps de la vie. Quand je dis les premiers temps, je pense surtout

aux premières heures. Aux heures de patient travail de notre mère dans les souffrances de l’enfantement, aux angoisses du père effacé qui ose et n’ose pas regarder le miracle qui se produit sous ses yeux. J’en parle d’autant plus librement que je ne connais pas le plaisir et les tourments d’être père. Mais j’imagine sans mal ce que ce doit être. Côté imagination, je n’ai jamais été pris au dépourvu.

L’ours plus ou moins bien léché que je suis devenu, j’en suis convaincu, a été formé dans ces instants décisifs dont je n’ai aucun souvenir. Quand je dis souvenir, je veux dire conscient, rationnel, éveillé. J’ai la conviction que mon corps en a conservé quelque chose d’indicible.

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La pharmacie à livres et autres remèdes contre l’oubli

Commençons par le commencement. Mon prénom : Claude. Oui, bien sûr, c’est un prénom démodé, même si, dans les années soixante-dix, on en trouvait encore quelques spécimens. Mes parents auront sans doute pensé bien faire en choisissant le nom d’un empereur oublié de l’Antiquité. Rien n’arrive jamais par hasard tout à fait. L’empereur était bègue et est mort empoisonné par sa femme. Je ne suis pas bègue et, à ce jour, je n’ai pas encore été empoisonné. La raison véritable de ce nom se cache plus profondément que dans les annales de l’histoire. Dans les soubassements de l’étymologie latine. Claude vient de l’adjectif qui, en latin, signifie « claudiquant », « boiteux ». Là encore, l’honneur est sauf. Je marche sur mes deux jambes, normalement, ou à peu près.

Dans la salle d’accouchement, ce jour-là, deux ou trois infirmières s’affairaient auprès de ma mère. Rien que de très normal. Dilatation à cinq centimètres. Business as usual.

Quelques heures plus tard, un vent de panique se mit à souffler. Quand je dis un vent, je veux dire une discrète brise, rien de plus. Bébé avait engagé sa tête dans le col de l’utérus, sans en mesurer l’exiguïté.

C’est là que les coïncidences commencent à apparaître. Oui, je sais, comme beaucoup de monde, je suis engagé dans cette vie invraisemblable dont j’ai peine à concevoir quelle pourrait bien en être l’issue, heureuse ou malheureuse.

L’obstétricien de service, un certain M. Tremblay, fut appelé au chevet de la parturiente. Il portait bien son nom : il était parcouru de tremblements de bas en haut. Devant une naissance si mal amorcée, il était fort contrarié, car il recevait des amis à la maison ce soir-là. Il entrevoyait des complications, mais les complications auraient bien le temps de se résoudre d’elles-mêmes. C’est fou ce que la nature trouve de ressources dans l’adversité.

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Le mystère de la nativité

Deux heures plus tard, un interne, moins soucieux de dry martinis à proposer aux convives, s’avisa au vu de l’échographie (la technologie venait d’apparaître dans nos hôpitaux) que la tête, vu sa grosseur inhabituelle, ne pouvait pas humainement passer par les voies naturelles. M. Tremblay, bien embêté par tant de zèle de la part d’un simple interne, crut bon de donner encore du temps au temps.

En vain. La dilatation étant au maximum, rien ne semblait vouloir passer. L’interne voulut en avoir le cœur net.

Il n’est peut-être pas inutile de faire ici une digression. C’était dans les années soixante-dix. Une époque où on n’avait pas encore divinisé les médecins, où le sous-financement de la santé publique ne les avait pas encore fait apparaître comme des pourvoyeurs d’immortalité, moyennant un salaire deux ou trois fois supérieur à celui de nos concitoyens les mieux payés.

L’interne était formel : le bébé était bleu. Il fallait agir rapidement.

M. Tremblay, renonçant à son cocktail devant sa nouvelle piscine creusée, se résolut à l’inévitable : la césarienne. La césarienne, en somme, c’était offrir un triomphe digne de César à un nouveau-né dans ce bas monde. J’allais naître par le ventre plutôt que par le bas-ventre. Et alors ? l’hénaurme Gargantua était bien né par l’oreille de sa mère, ce qui ne l’a pas empêché d’être le plus illustre géant de la Renaissance !

Et pourtant, c’est bien là que les véritables complications ont commencé. La plupart des simples mortels naissent par les voies naturelles. Les mâles, blasés, en entrant de nouveau par là où ils sont sortis, ont tout naturellement un sentiment de déjà-vu. Pas moi. C’est sans cesse un mystère que je veux approfondir, encore et encore. Sans parler du mystère de la vierge Marie, auquel je crois dur comme fer. Que voulez-vous ?

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La pharmacie à livres et autres remèdes contre l’oubli

J’en viens au vif du sujet (pour moi qui étais alors plus mort que vif). À l’entrée de la salle d’opération, un pieux curé offrit à ma mère de lui administrer l’extrême-onction. « Vous reviendrez quand je serai à l’article de la mort », dit-elle entre deux contractions.

Il était moins une, pensa M. Tremblay en constatant, après avoir incisé le divin ventre de ma mère, que le cordon ombilical était enroulé autour de mon cou. Encore là, peu de chose. Combien d’enfants suffoquent de l’amour parental étouffant ? Mais pour moi, ç’a été un événement fondateur. Toutes les formes de promiscuité – et je ne parle pas seulement de l’amour des parents –, l’amitié virile, la solidarité inconditionnelle sous toutes ses formes, paroissiale, syndicale, politique, clanique, m’inspirent une sorte de repli salutaire. Je ne suis ni de gauche ni de droite. Ce qui fait que je suis un dangereux communiste ou un affreux réactionnaire, selon les points de vue. Sauf pour ma mère, que j’idolâtre et qui me fait verser des larmes dès que j’entends le Stabat Mater de Pergolèse ou La Mamma d’Aznavour.

On finit par m’extraire des entrailles de ma mère. Sans doute, je ne poussai pas le cri des nouveau-nés en voyant, éberlué, ce monde de bruit et de fureur dans lequel j’entrais malgré moi. J’étais trop content de l’apnée profonde dans laquelle j’étais plongé.

M. Tremblay m’asséna, comme c’est l’usage, la fessée du nouveau-né, sous l’œil inquisiteur de mon père. La pesée suivit et deux ou trois formalités que prescrivait le manuel d’obstétrique. Ce n’est qu’alors que M. Tremblay vit mon cou difforme et voulut rentrer six pieds sous terre, aussi profondément que sa nouvelle piscine creusée. Mon père, qui n’était pas médecin (il était juriste), constata lui aussi l’étendue des dégâts.

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Le mystère de la nativité

M. Tremblay s’étrangla en expliquant (sans savoir) que ce n’était qu’une déformation passagère, que j’allais m’en remettre, que les nourrissons étaient souvent difformes, que… Mon père cria de sa voix de stentor : « Je vais vous poursuivre pour faute professionnelle ! » Peu de chose, en somme, presque la berceuse de Brahms pour endormir les enfants qui viennent de mettre un pied hésitant dans ce monde hostile.

Heureusement pour les assurances de M. Tremblay et sa nouvelle piscine, je me remis très vite de ma difformité. En apparence.

Cependant, il y a un détail que j’ai oublié, chemin faisant. Ma mère étant enceinte de moi contracta une vilaine pneumonie. Les médecins, n’étant pas trop regardants, lui prescrivirent de la pénicilline.

Quelques mois après ma naissance, j’attrapai une infection quelconque. Et les bons médecins me prescrivirent, devinez quoi ? Dans le mille !

J’entrai dans des convulsions fébriles pas possibles. Mes frères disaient que j’étais en communication avec les extra-terrestres. Bon, je ne vous refais pas le coup de la digression « années soixante-dix ». J’étais évidemment allergique.

Et alors ? Je me remis de cette vilaine infection comme du reste.

Mais il subsiste quelque chose de ce délicieux liquide amniotique que j’inhalais à pleins poumons. Je lui dois une certaine pente naturelle que j’ai depuis lors paresseusement suivie. À la moindre contrariété, je m’imagine volontiers dans le ventre de ma mère, à l’abri des beuglements du tout-venant, des chicanes politiques, des disputes d’amour-propre, des récriminations des caquistes, des solidaires comme des libéraux. Même dans ma vie intime, j’aspire à retrouver le parfait glouglou des respirations et des digestions de ma mère

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La pharmacie à livres et autres remèdes contre l’oubli

toute-puissante qui m’aimait tant, jusqu’à vouloir me garder en elle. L’amour fusionnel.

Croyez-vous vraiment qu’un cordon ombilical, coupé à partir de l’intérieur des entrailles de sa mère, soit jamais vraiment coupé ?

Toute plaisanterie à part, j’ai la conviction d’avoir conservé quelque chose de ce geste par lequel je suis entré dans ce monde. Quelque chose de diffus, d’indescriptible, comme la parenté entre une mère et son fils. Ce n’est pas que je sois suicidaire et que je cherche à me pendre au premier cordon ombilical qui traîne.

C’est un je ne sais quoi de plus complexe. Une envie de mettre entre le monde et moi une certaine distance. Ce n’est pas du mépris ni de la condescendance. C’est le simple désir de rester en retrait, une timidité inexplicable.

De là me vient sans doute ma vocation d’archiviste. J’aime le passé inconditionnellement. Comme si j’étais resté pris dans le temps, dans une perpétuelle gestation. De là aussi me vient le goût pour la campagne profonde, l’arrière-pays, où je me tiens en retrait et à l’abri, comme tapi dans un utérus. Malgré ou à cause de ma grosse tête, car il faut dire ce qui est : j’ai une tête énorme. Ceux qui ne m’aiment guère diront sans doute une grosse tête d’eau ou une poche amniotique. La vérité est que je ne trouve jamais de chapeau à ma taille. À la mesure de ce corps que j’habite, trop grand pour mes ambitions et la personne que je suis. Je le porte d’ailleurs éternellement voûté, comme une honte que je voudrais tenir secrète ou un fœtus qui refuserait de s’émanciper.

Pendant que je disserte sur le prétendu mystère de ma naissance, il pleut à boire debout. L’humidité ambiante fait friser tous les papiers sur mon bureau. Je vais aller dormir sous l’épaisse couette de duvet. Histoire de faire passer mes éternelles douleurs à la nuque et au dos.

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Le mystère de la nativité 7

La pharmacie à livres 13

Le ballerin 21

La tortue sur le dos 29

Le béguin 41

Le bibliomane 55

La muse du département 63

À l’ombre du clocher 73

La formalité 89

La lampe-tempête 97

L’art de mourir 109

Les limbes 119

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nouvelles

Claude La CharitéClaude La Charité

La pharmacie à Livreset autres remèdes contre L’oubLi

J’ai une maladie : je suis bibliomane. J’aime les livres, je les collectionne, en particulier les livres anciens. Mais ça, c’est tout juste de la bibliophilie et ce n’est pas une maladie. Non, ma maladie, c’est une forme rare de fétichisme dont l’objet est le livre. Je vis entouré de livres. C’est ma protection, ma cotte de mailles, ma zone tampon, mon no man’s land.

La confession du bibliomane pourrait se doubler de celle du futur père dressant un barrage de livres contre l’angoisse qui l’assaille lorsque la grossesse de sa compagne se complique et citant Montaigne : « C’est la meilleure munition que j’aie trouvée à cet humain voyage. » Une citation dont pourrait se draper l’enfant, étranger à son milieu, qui se gavera de mots à en devenir poète.

Les douze nouvelles ici réunies ne dépeignent pas seulement la vie dans l’arrière-pays ni les velléités d’écrivain d’un professeur de lettres à la vie amoureuse qui va cahin-caha. L’ensemble contribue à forger l’univers de l’auteur, entre une photo d’échographie d’enfant mort-né dans sa boîte de bois grinçante, la mémoire du corps qui se souvient de sa naissance douloureuse, la somme de toutes les blessures d’amour-propre qui donnent consistance à ce que nous sommes, ou l’envoûtement des lieux qui nous habitent plus que nous les habitons.

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