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La photographie en couleurs Les 100 ans d’un prix Nobel : Gabriel Lippmann (1845-1921) Prix Nobel 1908 Vers la photographie en couleur grand public : les frères Lumière Les précurseurs Une fois la première photographie, sans couleurs, obtenue par Nicéphore Niepce (1765-1833) en 1826, les premiers perfectionnements obtenus par Louis Jacques Mandé Daguerre (1787-1851) permettent l’essor de la photographie. De nombreuses innovations techniques se succéderont au cours du XIX ème siècle (Talbot : possibilité de négatifs...). Photographie et peinture dialogueront dès lors. Henry Fox Talbot Louis Daguerr e en 1844 La question se pose de la photographie en couleurs. Talbot, The open door, 1844. Peter de Hooch, Arrière cours d’une maison à Delft, 1658. Production Max Boltz 1861 : L’écossais James Clerk Maxwell (1831- 1879), physicien, fondateur de l’électromagnétisme moderne, montre expérimentalement la synthèse additive trichrome à l’aide de trois lanternes munies de filtres rouge, vert et bleu. Après avoir fixé l’image d’un ruban écossais à travers ces trois mêmes filtres et en superposant ces transparences, il obtient la première photo en couleurs. Edmond Becquerel décrit une image fugitive, qu’il n’arrive pas à conserver : " De l'image photographique colorée du spectre solaire ", CRAS, t. 29, 1848, p. 181-183. 1869 : Charles Cros et Louis Ducos du Hauron présentent le même jour (7 Mai) à la " Société Française de Photographie ", le principe de la photographie couleur indirecte en trichromie soustractive. Photographie par Louis Ducos du Hauron 1877 Tartan écossais Si la possibilité technique de réaliser des photographies en couleur existe, la difficulté de réalisation empêche le développement de cet art en devenir. Si le premier brevet date du 17-12-1903, la mise au pont définitive est réalisée en 1907. Les plaques « autochromes » permettant la photographie en couleur coûtent environ le triple de celles en noir et blanc. En bon commerçant, une boîte de plaques en contiendra quatre pour la couleur et douze pour le noir et blanc : le prix sera sensiblement le même !!! Si dans les années 1892-1893 les frères Lumière s’enthousiasment pour le procédé Lippmann, Louis Lumière comprend rapidement que le procédé ne permettra pas d’atteindre un (quasi) instantané. La plaque autochrome se compose d'un support de plaque de verre recouvert par une fine couche de vernis à base de latex sur lequel est fixé un mélange de grains de fécule de pomme de terre colorés en vert, rouge-orangé ou bleu- violet associé à des particules de carbone. La plaque est chargée à l'envers (émulsion à l'arrière) dans l'appareil de prise de vue. Ainsi, les grains de fécule filtrent la lumière incidente et analysent sélectivement sa composition en arrêtant les rayons de couleur complémentaire (par exemple, les grains verts absorbent le rayon lumineux rouge, alors que les grains bleu-violet et rouge-orangé le laissent traverser). Vue au microscope; le diamètre d’un grain de fécule est de 12 micromètres environ. La plaque est visualisée en transmission : l’autochrome est l’ancêtre de la diapositive. Jusqu’au début des années 1930, l’autochrome sera pratiquement sans concurrence. La plus belle collection d’autochrome se trouve sans doute au musée Albert Kahn à Boulogne- Billancourt. Autochrome, vers 1910 de Jean-Baptiste Tournassoud photographe (1866 - 1951) 1891 : Gabriel Lippman, physicien français, fait la démonstration à l’ Académie des Sciences de sa méthode de photographie en couleurs qui utilise le phénomène d’interférences. Il obtient alors la première photographie en couleurs stable. Le procédé se révèlera trop complexe et ne sera pas exploité à grande échelle. Il lui vaut néanmoins le Prix Nobel en 1908. Lippmann, G., “Sur la théorie de la photographie des couleurs simples et composées par la methode interférentielle,” J. Phys. (Paris), vol. 3, no. 97, 1894. Sainte Maxime G. Lippmann vers 1895 La découverte de M. Lippmann. La photographie des couleurs. Encore une date mémorable pour l’histoire des découvertes et des inventions. Dans la séance du 2 février de l’Académie des Sciences, M. Lippmann a annoncé qu’il était parvenu à résoudre le problème si cherché de la photographie des couleurs, et il a effectivement placé sous les yeux de l’assistance diverses photographies du spectre solaire. Toutes les couleurs sont fixées sur la plaque avec leurs teintes exactes et leur éclat. La fixation est absolue et les couleurs peuvent rester sans perdre de leur vivacité indéfiniment exposées à l’air et à la lumière. Depuis Niepce et Daguerre, ce problème difficile avait vainement excité la sagacité des inventeurs. La solution trouvée par M Lippmann est-elle la seule ? est- elle la meilleure? L’avenir répondra à cet égard. Mais ce qu’il est permis d’avancer, c'est qu'elle est originale, élégante, et un peu inattendue, car elle a été trouvée dans une voie tout à fait inexplorée jusqu’ici. Article anonyme paru dans : Les annales politiques et littéraires le 15 février 1891 Microphotographie d’une coupe à travers l’émulsion utilisée par Lippmann. Un miroir en mercure est placé au contact de l’émulsion sur la partie droite. On observe les ondes stationnaires créées. objet plaques de verre miroir mercure émulsion photographique lentille vert rouge n 2 vert n 2 rouge Parmi les prix Nobel de physique, deux scientifiques ont été distingués pour leur méthode d’enregistrement des images : Gabriel LIPPMANN, a reçu le prix Nobel en 1908 « for his method of reproducing colours photographically based on the phenomenon of interference » et Dennis GABOR le reçu en 1971, « for his invention and development of the holographic method » . Les deux méthodes furent, en leur temps, des méthodes complètement originales : elles ne correspondaient pas à une évolution de l’ingénierie de l’enregistrement des images. Bouquet de fleurs G. Lippmann dans les années en 1890 Grossissement du tableau « La parade du cirque » Georges Seurat (1888). La division de la tache pour un rendu de couleur entièrement nouveau renvoie- t-elle aux grains minuscules utilisés par Louis Lumière ?

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La photographie en couleurs

Les 100 ans d’un prix Nobel : Gabriel Lippmann (1845-1921) Prix Nobel 1908

Vers la photographie en couleur grand public : les frères Lumière

Les précurseurs

Une fois la première photographie, sans couleurs, obtenue par Nicéphore Niepce (1765-1833) en 1826, les premiers perfectionnements obtenus par Louis Jacques Mandé Daguerre (1787-1851) permettent l’essor de la photographie. De nombreuses innovations techniques se succéderont au cours du XIXème siècle (Talbot : possibilité de négatifs...). Photographie et peinture dialogueront dès lors.

Henry Fox Talbot

Louis Daguerre en 1844

La question se pose de la photographie en couleurs.

Talbot, The open door, 1844.

Peter de Hooch,

Arrière cours d’une maison à Delft, 1658.

Production Max Boltz

1861 : L’écossais James Clerk Maxwell (1831-1879), physicien, fondateur de l’électromagnétisme moderne, montre expérimentalement la synthèse additive trichrome à l’aide de trois lanternes munies de filtres rouge, vert et bleu. Après avoir fixé l’image d’un ruban écossais à travers ces trois mêmes filtres et en superposant ces transparences, il obtient la première photo en couleurs.

Edmond Becquerel décrit une image fugitive, qu’il n’arrive pas à conserver : " De l'image photographique colorée du spectre solaire ", CRAS, t. 29, 1848, p. 181-183.

1869 : Charles Cros et Louis Ducos du Hauron présentent le même jour (7 Mai) à la " Société Française de Photographie ", le principe de la photographie couleur indirecte en trichromie soustractive. Photographie par Louis Ducos

du Hauron 1877

Tartan écossais

Si la possibilité technique de réaliser des photographies en couleur existe, la difficulté de réalisation empêche le développement de cet art en devenir.

Si le premier brevet date du 17-12-1903, la mise au pont définitive est réalisée en 1907. Les plaques « autochromes » permettant la photographie en couleur coûtent environ le triple de celles en noir et blanc. En bon commerçant, une boîte de plaques en contiendra quatre pour la couleur et douze pour le noir et blanc : le prix sera sensiblement le même !!!

Si dans les années 1892-1893 les frères Lumière s’enthousiasment pour le procédé Lippmann, Louis Lumière comprend rapidement que le procédé ne permettra pas d’atteindre un (quasi) instantané.

La plaque autochrome se compose d'un support de plaque de verre recouvert par une fine couche de vernis à base de latex sur lequel est fixé un mélange de grains de fécule de pomme de terre colorés en vert, rouge-orangé ou bleu-violet associé à des particules de carbone. La plaque est chargée à l'envers (émulsion à l'arrière) dans l'appareil de prise de vue.

Ainsi, les grains de fécule filtrent la lumière incidente et analysent sélectivement sa composition en arrêtant les rayons de couleur complémentaire (par exemple, les grains verts absorbent le rayon lumineux rouge, alors que les grains bleu-violet et rouge-orangé le laissent traverser).

Vue au microscope; le diamètre d’un grain de fécule est de 12 micromètres environ.

La plaque est visualisée en transmission : l’autochrome est l’ancêtre de la diapositive.

Jusqu’au début des années 1930, l’autochrome sera pratiquement sans concurrence.

La plus belle collection d’autochrome se trouve sans doute au musée Albert Kahn à Boulogne-Billancourt.

Autochrome, vers 1910 de Jean-Baptiste Tournassoud photographe (1866 - 1951)

1891 : Gabriel Lippman, physicien français, fait la démonstration à l’ Académie des Sciences de sa méthode de photographie en couleurs qui utilise le phénomène d’interférences. Il obtient alors la première photographie en couleurs stable. Le procédé se révèlera trop complexe et ne sera pas exploité à grande échelle. Il lui vaut néanmoins le Prix Nobel en 1908.

Lippmann, G., “Sur la théorie de la photographie des couleurs simples et composées par la methode interférentielle,” J. Phys. (Paris), vol. 3, no. 97, 1894.

Sainte Maxime G. Lippmann vers 1895

La découverte de M. Lippmann. La photographie des couleurs.

Encore une date mémorable pour l’histoire des découvertes et des inventions. Dans la séance du 2 février de l’Académie des Sciences, M. Lippmann a annoncé qu’il était parvenu à résoudre le problème si cherché de la photographie des couleurs, et il a effectivement placé sous les yeux de l’assistance diverses photographies du spectre solaire. Toutes les couleurs sont fixées sur la plaque avec leurs teintes exactes et leur éclat. La fixation est absolue et les couleurs peuvent rester sans perdre de leur vivacité indéfiniment exposées à l’air et à la lumière. Depuis Niepce et Daguerre, ce problème difficile avait vainement excité la sagacité des inventeurs. La solution trouvée par M Lippmann est-elle la seule ? est-elle la meilleure? L’avenir répondra à cet égard. Mais ce qu’il est permis d’avancer, c'est qu'elle est originale, élégante, et un peu inattendue, car elle a été trouvée dans une voie tout à fait inexplorée jusqu’ici.

Article anonyme paru dans : Les annales politiques et littéraires le 15 février 1891

Microphotographie d’une coupe à travers l’émulsion utilisée par Lippmann. Un miroir en mercure est placé au contact de l’émulsion sur la partie droite. On observe les ondes stationnaires créées.

objet

plaques de verre

miroirmercure

émulsion photographique

lentillevert

rougen2

vert

n2rouge

Parmi les prix Nobel de physique, deux scientifiques ont été distingués pour leur méthode d’enregistrement des images : Gabriel LIPPMANN, a reçu le prix Nobel en 1908 « for his method of reproducing colours photographically based on the phenomenon of interference » et Dennis GABOR le reçu en 1971, « for his invention and development of the holographic method » .

Les deux méthodes furent, en leur temps, des méthodes complètement originales : elles ne correspondaient pas à une évolution de l’ingénierie de l’enregistrement des images.

Bouquet de fleurs G. Lippmann dans les années en 1890

Grossissement du tableau « La parade du cirque » Georges Seurat (1888).

La division de la tache pour un rendu de couleur entièrement nouveau renvoie-t-elle aux grains minuscules utilisés par Louis Lumière ?