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1 LA PLANTE MAGIQUE DE FRED Annick Laban

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LA PLANTE

MAGIQUE

DE FRED

Annick Laban

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Je m’appelle Margot, et Fred est mon grand frère. Il adore faire des expériences de chimie. Il mélange des tas de produits entre eux et, des fois, ça fait :

Maman est très en colère, mais ça fait rire Fred. Depuis quelque temps, Fred reste longtemps dans sa chambre. Il a collé sur sa porte une pancarte « entrée formellement interdite » et ferme soigneusement à clé. Mais ce matin, il a oublié de verrouiller la serrure en partant en classe. Je me suis glissée dans la pièce et j’ai tout observé. Inutile de parler des chaussettes qui traînent par terre, et des livres ouverts empilés sur les sièges. C’est habituel. Mais la nouveauté, c’est qu’il élève dans un grand pot une drôle de plante qui ressemble à un dragon. Quand je me suis approchée elle a craché sur ma main un liquide verdâtre. Beurk ! Je me suis sauvée aussitôt.

BOUM !

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Je n’ai rien dit à personne. Mais quand Fred est rentré, il s’est aperçu que quelqu’un avait pénétré dans sa chambre. Comme Maman travaille toute la journée il a compris que ce ne pouvait être que moi. Quelle crise, mes amis ! J’ai dû me cacher derrière le canapé pour échapper à ses coups. Puis il s’est calmé et m’a fait promettre de ne rien raconter à Maman. Je ne suis pas une cafteuse, je ne dirai rien.

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Depuis que j’ai percé son secret, Fred me confie certaines choses. Cette plante bizarre qu’il appelle Râ-Muyong va lui permettre de faire une mixture d’invisibilité ! Il en a trouvé le secret dans un très vieux livre qu’il s’est procuré, ainsi que les graines de la plante, au dernier vide-grenier. Le Râ-Myong développe des rameaux dans tous les sens, envahissant un angle de la chambre de Fred. Au bout de chaque rameau coule une sève colorée. Fred a disposé des flacons pour la récupérer : ils se remplissent de liquides multicolores qui sentent le vieux fromage. D’après mon frère, il en faudra au moins un litre pour réaliser l’expérience.

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Ce matin, Maman nous annonce : ─ Les enfants, je dois travailler toute la journée, je ne pourrai pas rentrer à midi. Je suis désolée. Pour midi vous trouverez à manger dans le frigo. ─ Ne t’inquiète pas, maman, on sait se débrouiller, répondons-nous avec un bel ensemble. YOUPI ! Une journée entière à consacrer à nos expériences ! Fred verse le contenu de ses fioles dans une casserole. Nous nous installons à la cuisine pour suivre la recette indiquée dans le livre. Inutile de me la demander, c’est un secret. Sachez seulement qu’à la fin nous avons obtenu une sorte de boule verdâtre ressemblant à un savon. ─ Je crois qu’on y est, s’exclame Fred. C’est le moment d’essayer. Lave-toi les mains avec ça ! Je n’en mène pas large. Je prends la grosse boule et frotte mes mains sous le robinet. ─ Arrête ! crie Fred. Où sont tes mains ? Est-ce que la boule les a fait fondre ? Je baisse les yeux et, horreur ! Je n’ai plus de mains au bout de mes bras. Fred s’approche, et semble attraper quelque chose, tandis que je sens qu’on me tient le bout du bras. ─ Mais non, tes mains sont toujours là ! Elles sont simplement devenues invisibles. Nous avons réussi, nous avons réussi !

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Et nous improvisons une danse de sioux autour de la plante magique.

─ Maintenant, il faut essayer la totale ! Fred part comme un fou vers la salle de bains. Peu après, la porte qui s’ouvre, j’entends un frôlement sur le plancher, mais je ne vois personne. ─ Fred, où es-tu ? Aïe ! Ce n’est pas drôle, tu m’as fait mal. (Il m’a tiré ma couette !) ─ Tu ne me vois plus ? Alors, ça a marché. Désolé pour ta couette… ─ Ben ça alors ! C’est bien toi ? Tu es donc devenu invisible ?

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─ Ton frère est le plus fort, ma petite ! Mais toi, ne reste pas comme ça avec tes bras sans mains. Va sous la douche et savonne-toi partout. Quand je reviens je suis invisible moi aussi. J’aperçois une paire de lunettes qui flotte dans l’air. Fred n’a pas pu éviter de les poser sur son nez, car il est myope comme une taupe. Du coup, je décide de refaire mes couettes avec mes barrettes en forme de papillon. Ce sera joli pour les passants de les voir voleter dans la rue ! Nous décidons d’aller vers le terrain de sport. Fred a un compte à régler avec Victor. C’est un gros balèze pas très intelligent mais plutôt doué pour les sports violents. Il est dans la classe de Fred et se moque toujours de mon frère à cause de ses pieds plats. Fred est sûr de le trouver à l’entraînement de foot. Et il a son plan. Il vient de pleuvoir. De grosses flaques d’eau remplissent les trous du goudron. Tout à coup, Fred me prend la main : ─ Margot, vois-tu le gros homme là-bas avec son dossier sous le bras ? C’est l’huissier qui est venu faire des ennuis à Maman l’autre jour. Il va voir ce qu’il va voir. Et Fred m’entraîne vers la flaque la plus proche du méchant et nous sautons dedans en faisant le maximum d’éclaboussures.

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─ Mais, mais… qui m’a aspergé ? crie le gros homme en regardant tout autour de lui d’un air ahuri. Son dossier est trempé et sa figure pleine de boue. J’ai beaucoup de peine à m’empêcher d’éclater de rire. Nous nous éloignons en courant. Quelques enfants observent avec surprise des lunettes volantes suivies de deux papillons roses qui sautillent en cadence. Nous atteignons l’entrée du stade. Victor est bien là, faisant des passes avec quelques autres accros du foot. Il se prend pour le chef. ─ Bon, les gars, maintenant on va s’entraîner à tirer des buts. Vous regardez bien, je vais vous montrer. Il pose le ballon devant lui, recule un peu, fait du regard le tour de son public, prend son élan et Hop ! La balle part en direction des buts mais à mi-course on la voit soudain dévier vers la droite et manquer la cage. ─ Qu’est-ce-qui s’est passé ? Qu’est-ce qui a fait dévier le ballon ? Va voir, Felix. Evidemment, Félix ne trouve rien car Fred a eu le temps de quitter le terrain. Au deuxième essai, le ballon s’est mis à monter dans le ciel et a franchi le grillage du stade. Victor en rage a envoyé Félix à sa recherche. Au troisième essai le ballon s’est arrêté brusquement devant la cage.

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Les garçons s’impatientent. Au cinquième essai ils sont partis, laissant Victor hors de lui, seul au milieu du terrain. Fred est revenu vers moi, très content de son coup : ─ Maintenant, crois-moi, il n’aura plus intérêt à se vanter de ses exploits sportifs. On peut rentrer à la maison. A ce moment, j’aperçois la grille du stade qui s’ouvre pour laisser passer… Je ne peux même pas prononcer son nom tellement je suis émue. Une voix moqueuse chuchote près de moi : ─ Tu as vu, c’est ton amoureux qui vient d’entrer. Je rougis jusqu’aux oreilles mais ça ne se voit pas. Peut-être un petit halo rosé entre mes barrettes ? Gabriel est un grand, il est en CM1. Je n’ai jamais osé lui parler mais

je le trouve beau, beau comme le Petit Prince du livre que Maman m’a offert pour mon anniversaire. J’ai essayé d’attirer son attention, rien à faire. J’ai eu l’imprudence d’en parler à mon frère. Il reprend : ─ Profite de ton invisibilité pour aller l’embrasser, tu lui donneras envie de te connaître. Un baiser c’est magique, rappelle-toi la Belle au bois dormant ! Si tu l’embrasses il t ‘aimera. Et si Fred avait raison ? L’invisibilité me donne un courage fou. Je m’approche de mon idole jusqu’à la frôler, je lui dépose un petit baiser sur

la joue et je me recule à toute vitesse !

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Gabriel s’arrête, touche sa joue, regarde le ciel, comme pour découvrir l’oiseau qui l’a touché de son aile, hausse les épaules et reprend son chemin. Pourvu que Fred ne m’ait pas raconté une blague… Nous repassons la grille discrètement. Soudain, j’aperçois le gros Victor qui regarde vers nous d’un air interloqué. Je me tourne vers Fred et, horreur ! je reconnais au dessus de ses lunettes la touffe imposante de ses cheveux frisés. ─ Fred ! Nous commençons à perdre notre invisibilité. Tes cheveux réapparaissent au dessus de tes lunettes ! ─ Damned ! (Fred adore m’impressionner avec des mots d’anglais) Il faut rentrer au plus vite. Nous aurons bonne mine si nous apparaissons dans la rue, nus comme des vers ! Allons, il faut courir le plus vite possible jusqu’à la maison. ! Et voilà sa touffe de cheveux qui disparaît au bout de la rue. J’essaie de le suivre mais je heurte le rebord du trottoir et m’affale par terre. Est-ce le choc ? Mon temps d’invisibilité est-il écoulé ?

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Toujours est-il que je vois à ma grande honte apparaître mon corps tout nu allongé sur le trottoir. Une grosse dame sort de sa maison et se penche sur moi. ─ Eh bien, ma petite, qu’est-ce qui t’est arrivé ? Pourquoi es-tu sortie de chez toi sans tes vêtements ? Il ne fait pas chaud, tu vas attraper mal. Viens chez moi te réchauffer. ─ Oh, merci, madame. (Il faut absolument que je trouve un mensonge pour expliquer ma tenue). Je ne sais pas ce qui m’est arrivé. Il fait très chaud chez nous. Alors je faisais la sieste sans mes habits et je me suis retrouvée ici. Je crois que je suis un peu somnambule… Elle me confie son téléphone pour que j’appelle la maison.

Quand Fred arrive, il est redevenu visible et tient un sac contenant mes habits. Il s’adresse à la dame sur l’air du grand frère responsable : ─ Merci madame, d’avoir recueilli ma petite sœur. Je la cherchais partout, j’étais follement inquiet. Qu’est-ce qui t’es arrivé, Margot ? ─ Je ne sais pas…. Sûrement encore une crise de somnambulisme. Heureusement que madame m’a accueillie chez elle.

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Nous sommes maintenant rentrés à la maison. Je n’ai aucune envie de recommencer cette expérience. J’en ai assez de la magie de mon frère. Mais au fait, où est-il ? ─ Fred, qu’est-ce que tu fais encore ? Une toute petite voix me répond. ─ Attention, je suis sous la table. Cette saleté de plante m’a rétréci quand je suis rentré dans ma chambre. N’y va surtout pas ! En effet mon grand frère est devenu tout petit. Je vais pouvoir bien m’amuser maintenant que je suis la grande. Finalement, la magie, c’est plutôt intéressant !

FIN